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ART. 9
N° 225
ASSEMBLEE NATIONALE
20 décembre 2005

DROIT D'AUTEUR ET DROITS VOISINS
DANS LA SOCIÉTE DE L'INFORMATION - (n° 1206)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 225

présenté par

le Gouvernement

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ARTICLE 9

(Art. L. 331-7 du code de la propriété intellectuelle)

Rédiger ainsi cet article :

« Art. L. 331-7. – I. – Tout différend portant sur le bénéfice des exceptions définies aux 2° et 7° de l’article L. 122-5 et aux 2° et 6° de l’article L. 211-3, qui implique une mesure technique mentionnée à l'article L. 331-5, est soumis à l’Autorité de médiation et de protection de la propriété littéraire et artistique.

« Cette autorité est saisie à cette fin par toute personne bénéficiaire des exceptions mentionnées au premier alinéa ou par une personne morale agréée qui la représente. »

« II. – L’autorité comprend sept membres, nommés par décret pour une durée de six ans :

« 1° Le président et deux personnalités qualifiées, choisis parmi des magistrats ou des fonctionnaires appartenant, ou ayant appartenu, à un corps dont le statut garantit l’indépendance, sur la proposition conjointe du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé de la culture ;

« 2° Deux personnalités qualifiées en matière de propriété littéraire et artistique, désignées respectivement par le président de l’Assemblée nationale et par le président du Sénat ;

« 3° Une personnalité qualifiée en matière d’informatique ou de protection des données personnelles, proposée par le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ;

« 4° Une personnalité qualifiée en matière de protection du consommateur, proposée par le président du Conseil de la concurrence.

« Les membres de l’autorité ne sont pas révocables. Leur mandat est renouvelable une fois. Si l’un des membres ne peut exercer son mandat jusqu’à son terme, le membre nommé pour le remplacer exerce ses fonctions pour la durée du mandat restant à courir.

« En cas de partage des voix, celle du président de l’autorité est prépondérante.

« L’autorité comprend deux formations restreintes, compétentes respectivement :

– pour statuer sur les différends mentionnés au premier alinéa et à l’article L. 342-3-1 ;

– pour prononcer les sanctions prévues au chapitre VI du présent titre. »

« III. – Aucun membre de la commission ne peut :

– participer à une délibération ou procéder à des vérifications relatives à un organisme au sein duquel il détient un intérêt, direct ou indirect, exerce des fonctions ou détient un mandat ;

– participer à une délibération ou procéder à des vérifications relatives à un organisme au sein duquel il a détenu un intérêt direct ou indirect, exercé des fonctions ou détenu un mandat.

« Tout membre de la commission doit informer le président des intérêts directs ou indirects qu'il détient ou vient à détenir, des fonctions qu'il exerce ou vient à exercer et de tout mandat qu'il détient ou vient à détenir au sein d'une personne morale. Ces informations, ainsi que celles concernant le président, sont tenues à la disposition des membres de la commission.

« Pour l'application des articles L. 336-5 et 336-6, les membres ne peuvent détenir ou avoir détenu des intérêts, directs ou indirects, avec une personne ou un organisme titulaire des droits protégés par la première partie du présent code. Ils ne peuvent en outre être liés ou avoir fourni des prestations de toute nature à l'une de ces personnes ou l'un de ces organismes.

« Le président de la commission prend les mesures appropriées pour assurer le respect des obligations résultant du présent III. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le téléchargement et la mise à disposition illicite par échange sur internet d’œuvres protégées ont pris une ampleur inquiétante, dans le contexte de la généralisation du haut débit en France. On estime ainsi que ces échanges représentent en France environ 16 millions de titres de musiques et 1 million de films par jour, soit trois fois les ventes de disques et de vidéos, en volume.

Cette contrefaçon numérique est une spoliation des droits légitimes des créateurs, sans lesquels la diversité culturelle ne peut exister.

Elle menace également l’économie de la création : les ventes de disques en France ont chuté de 15 % en 2003 et autant en 2004, en valeur. Sur les 9 premiers mois de 2005, les ventes de vidéos ont chuté de 5 % en valeur. Plus du tiers des films sortis en salles sont partagés de façon illicite et 92 % de ceux-ci circulent illégalement sur Internet avant même leur sortie en vidéo.

Dans le cadre d’une enquête déclarative réalisée pour le compte du ministère sur plus de 9 000 internautes, 31 % des internautes ont déclaré avoir échangé au moins un fichier dans les 30 derniers jours, dont 79 % un titre de musique, 37 % un film et 22 % un jeu vidéo. Certes, une petite minorité d’internautes pratique un échange massif d’œuvres protégées. Mais la banalisation des échanges illicites d’œuvres sur Internet contribue à alimenter l’idée que la création est gratuite et sans valeur, et que l’on peut s’approprier l’œuvre d’autrui. Or, la création a besoin de ces ressources pour continuer à exister et à offrir toute la diversité qu’attend le public.

Ces pratiques traduisent aussi de nouvelles attentes du public, qui doivent être satisfaites par de nouvelles offres les plus diversifiées possible.

Malgré l’existence de sanctions dissuasives, pouvant aller jusqu’à 500 000 € d’amende et cinq ans d’emprisonnement, une politique répressive dans le cadre des procédures actuellement en vigueur n’est pas toujours adaptée au traitement d’une grande masse d’infractions et peut paraître disproportionnée face à des infractions parfois limitées.

Sans remettre en cause la possibilité pour les titulaires de droit, lorsqu’ils estiment que les circonstances l’exigent, de saisir la justice dans le cadre des procédures judiciaires actuellement en vigueur qui permettent la sanction de la violation des droits exclusifs, il est donc nécessaire d’imaginer, de façon complémentaire et réaliste, un dispositif combinant étroitement des actions d’information et de sensibilisation des internautes, notamment par l’envoi de courriels individualisés, et des sanctions plus proportionnées, incluant l’application de sanctions pécuniaires.

Le délit de contrefaçon permet de sanctionner ceux qui, sans l’autorisation des titulaires de droits, mettent à disposition des autres internautes des œuvres protégées par le droit d’auteur et les droits voisins ou qui les téléchargent sur leur ordinateur de manière illicite.

Il n’est toutefois souvent pas possible a priori de prouver que l’auteur de la contrefaçon est le titulaire de l’abonnement à Internet (et du numéro « I.P. » correspondant) par l’intermédiaire duquel est commis le délit. C’est pourquoi il paraît indispensable de responsabiliser le titulaire de cet abonnement afin qu’il prenne toutes les précautions nécessaires, notamment vis-à-vis des membres de sa famille ou des salariés de son entreprise, pour que son accès à Internet ne soit pas utilisé à des fins de contrefaçon d’œuvres protégées. En ce sens, des titulaires de droits ont proposé, en partenariat avec des fournisseurs d’accès à Internet, une plate-forme pour créer un dispositif dit de « réponse graduée » visant à alerter, par voie électronique, les abonnés dont l’accès à Internet servirait à des actes de contrefaçon. Ce n’est qu’en cas de persistance de ces actes que serait engagée la procédure de sanction.

Tel est le rôle qu’il vous est proposé de confier au « collège des médiateurs » institué par l’article 9 du projet de loi et qui pourrait changer de dénomination pour devenir « l’Autorité de médiation et de protection de la propriété littéraire et artistique ». Au-delà de ses missions déjà prévues par le projet de loi, cette autorité émettra des recommandations à cette fin, assurera le rôle de conciliation prévu à l’article 9 et pourra prononcer des sanctions dans les cas prévus ci-après. Ses recommandations pourront notamment porter sur le développement de fonctions de protection de la propriété littéraire et artistique dans les moyens techniques de contrôle parental que les fournisseurs d’accès à Internet doivent proposer à leurs abonnés en application de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, afin d’aider ces abonnés à exercer leur responsabilité.

Il vous est ainsi proposé d’obliger les fournisseurs d’accès à Internet à transmettre aux abonnés concernés les messages électroniques d'avertissement et de mise en demeure émis par les agents assermentés légalement habilités à constater les délits de contrefaçon, qui feront l'objet d'un agrément spécifique par le ministre de la culture. Les mises en demeure pourront, le cas échéant, être envoyées par lettre recommandée. Elles viseront les actes de reproduction, de représentation ou de communication au public , notamment via les réseaux "pair à pair", d'œuvres de l'esprit sans l'autorisation des titulaires des droits d'auteur et droits voisins. Afin de permettre aux agents assermentés de constater l’éventuelle réitération des manquements par un même abonné, le fournisseur d’accès de celui-ci doit communiquer aux agents habilités une référence correspondant à l’abonné, sans que celle-ci puisse permettre aux agents de déterminer l’identité ou l’adresse de l’abonné.

Ces mises en demeure doivent inciter l’abonné à faire cesser les manquements ou, le cas échéant, les intrusions ou accès frauduleux dont ils pourraient être victimes. Si ces mises en demeure demeurent sans effet, les agents habilités pourront saisir l’Autorité de médiation et de protection de la propriété littéraire et artistique. Celle-ci demandera au fournisseur d’accès à Internet l’identité et l’adresse du titulaire de l’abonnement en cause. Elle aura la faculté, après une procédure contradictoire écrite, de le sanctionner, par une amende administrative, pour avoir, y compris par négligence ou imprudence, laissé se renouveler la commission, au moyen de son abonnement, d’actes de reproduction, de représentation ou de communication au public d'œuvres protégées sans l'autorisation des ayants droit, lorsqu’elle est requise.

Le montant maximal de l’amende sera de 300 euros pour un particulier (porté à 1 500 euros en cas de réitération du manquement dans les deux ans), et de 15 000 euros pour une personne morale. Ce montant sera au minimum de 150 euros, sauf décision spécialement motivée de l'Autorité. Le montant de l’amende sera réduit de 20 % en cas de paiement spontané dans le mois suivant la notification de la sanction. L’abonné aura la possibilité de s’exonérer de sa responsabilité en établissant l'existence d'un vol, de l’utilisation frauduleuse de son accès, ou de tout autre événement de force majeure. Une fraction du montant des amendes collectées sera affectée au Centre national de la cinématographie, aux fins de mettre en place des actions de sensibilisation, de prévention et de lutte contre la contrefaçon numérique.

Le respect du principe de finalité permettra de garantir que les données traitées dans le cadre de ce dispositif ne pourront servir à d’autres finalités, telles des poursuites judiciaires.

Les décisions de l’Autorité seront susceptibles de recours devant la cour d’appel compétente. Les recours abusifs ou dilatoires sont passibles d’une amende civile, en vertu de l’article 559 du nouveau code de procédure civile.

Enfin, l’Autorité pourra enjoindre, au besoin sous astreinte, aux fournisseurs d’accès à Internet de respecter leurs obligations de transmission des mises en demeure, références et éléments mentionnés ci-dessus.

Les surcoûts éventuels induits par cette charge de service public pour les fournisseurs d’accès donneront lieu, le cas échéant, et sur justification, à une prise en charge par les organismes employant les agents assermentés pour la transmission des mises en demeure, et à une compensation financière par l’Etat pour les demandes d’identification de l’Autorité.

La rédaction des articles 9 et 10 du projet de loi est modifiée par coordination. Le nombre des membres du « collège des médiateurs », devenu « Autorité de médiation et de protection de la propriété littéraire et artistique », est porté de 3 à 7 compte tenu de ses nouvelles fonctions.