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APRÈS L'ART. 14
N° 267 Rect.
ASSEMBLÉE NATIONALE
1er mars 2006

DROIT D'AUTEUR ET DROITS VOISINS
DANS LA SOCIÉTE DE L'INFORMATION - (n° 1206)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 267 Rect.

présenté par

M. Mariani

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APRÈS L'ARTICLE 14

Après l’article L. 335-10 du code de la propriété intellectuelle, est inséré un chapitre VI ainsi rédigé :

« Chapitre VI

« Prévention de la contrefaçon dans le domaine des communications électroniques

« Art. L. 336–1. – Lorsqu’un logiciel est manifestement utilisé pour le partage illicite d’œuvres ou d’objets protégés par les livres Ier et II, le président du tribunal de grande instance, statuant en référé à la demande de tout titulaire des droits sur ces œuvres ou objets, peut ordonner, sous astreinte, toute mesure nécessaire à la protection desdits droits et conformes à l’état de l’art.

« Il peut notamment enjoindre à l’éditeur du logiciel de prendre toutes mesures pour en empêcher ou limiter l’usage illicite autant qu’il est possible. Ces mesures ne peuvent toutefois avoir pour effet de dénaturer ni les caractéristiques essentielles ni la destination initiale du logiciel.

« L’article L. 332-4 est applicable aux logiciels mentionnés au présent article. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le développement des réseaux de communication électronique à travers les échanges de pair à pair (P2P) constitue une avancée dont les retombées sociales, économiques et culturelles sont potentiellement considérables.

La distribution des contenus culturels sur ces réseaux est un vecteur important de son essor. Pour assurer la pérennité et la vitalité d’une offre diversifiée et renouvelée de contenus culturels qui réponde aux attentes des internautes, il est essentiel que l’ensemble de la communauté des créateurs trouve sa place au sein de cette nouvelle chaîne de valeur.

Dans cette perspective, il est urgent d’associer les éditeurs de logiciels de peer to peer à une démarche coopérative avec les ayants droit sans qui la création n’existerait pas tout en ne dénaturant ni les caractéristiques essentielles des logiciels concernés, notamment de nature technique ou économique, ni leur destination initiale

L’évolution technologique apporte aujourd’hui une réponse concrète et efficace qui permet précisément de réconcilier le droit d’auteur et l’engouement du public pour ces nouveaux modes d’accès aux contenus culturels. Cette évolution sera d’autant plus bénéfique pour tous que des obligations identiques s’imposeront à tous les éditeurs de logiciels. Leur responsabilité pourra être engagée dès lors qu’ils se refuseront à intégrer cette nouvelle fonctionnalité dans leur logiciel sans motif raisonnable.

L’objectif de cette disposition n’est pas de frapper d’illégalité la technologie du peer to peer. Bien au contraire, sa vocation est de favoriser son utilisation dans des conditions respectueuses du droit d’auteur qui épargneront de ce fait aux internautes le risque de se placer à leur insu dans l’illégalité.

L’intention ici recherchée est de ne pas faire porter à la loi une attention exclusive sur l’internaute mais de considérer également le rôle de l’éditeur de logiciel, c’est-à-dire d’opérer un glissement de la responsabilité d’un « consommateur final » vers celle d’un professionnel du virtuel.

Ce dispositif de responsabilisation des éditeurs contribuera à faire émerger de nouvelles pratiques culturelles de téléchargement dans un contexte juridiquement sain et économiquement prometteur. Dans ce nouveau contexte, de nouveaux acteurs pourront travailler à des solutions technologiques innovantes. Cette dynamique favorisera l’émergence de nouveaux opérateurs en France, y compris dans le nouveau secteur des logiciels de pair-à-pair (P2P), dont le modèle économique pourra désormais attirer les investissements, dans des conditions de sécurité juridique et dans un cadre de concurrence loyale. La démarche effectuée récemment par le fondateur du logiciel libre BitTorrent, vers la prise en compte des droits afférents aux fichiers cinématographiques distribués sur son réseau, constitue à cet égard un précédent intéressant. Bram Cohen, en passant un accord avec la Motion Pictures Association, a suscité, suite à sa décision, l’intérêt d’investisseurs pour le développement de son projet.

En protégeant le droit des créateurs, l’intention du législateur est bien de promouvoir la capacité de développement des industries culturelles et le rayonnement économique et culturel de la France, tout en permettant aux internautes un accès illimité, à travers des téléchargements ascendants comme descendants, à tous les contenus culturels pour autant qu’ils adhèrent aux nouvelles règles du jeu de la distribution en ligne.

Dans le dispositif proposé, la mention de la conformité à l’état de l’art vise notamment à permettre au juge d’apprécier l’existence de la possibilité pour l’éditeur du logiciel concerné de vérifier librement la protection des œuvres circulant par son intermédiaire, faute de quoi il ne pourrait mettre en œuvre les mesures requises.