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Amendement permettant l’application des dispositions

des deux derniers alinéas de l’article 99 du Règlement

APRÈS L’ART. PREMIER
N° 272
ASSEMBLÉE NATIONALE
6 mars 2006

DROIT D’AUTEUR ET DROITS VOISINS
DANS LA SOCIÉTE DE L’INFORMATION - (n° 1206)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 272

présenté par

le Gouvernement

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L’ARTICLE PREMIER, insérer l’article suivant :

L’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

I. – Le dernier alinéa du 3° est supprimé.

II. – Il est complété par huit alinéas ainsi rédigés :

« 6° La reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire, lorsqu’elle est une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique et qu’elle a pour unique objet de permettre l’utilisation licite de l’œuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d’un réseau faisant appel à un intermédiaire ; toutefois, cette reproduction provisoire qui ne peut porter que sur des œuvres autres que les logiciels et les bases de données, ne doit pas avoir de valeur économique propre ;

« 7° La reproduction et la représentation par des personnes morales en vue d’une consultation strictement personnelle de l’œuvre par des personnes atteintes d’une déficience motrice, psychique, auditive ou visuelle d’un taux égal ou supérieur à cinquante pour cent reconnue par la commission départementale de l’éducation spécialisée, la commission technique d’orientation et de reclassement professionnelle ou la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles, ou reconnues par certificat médical comme empêchées de lire après correction. Cette reproduction et cette représentation sont assurées, à des fins non lucratives et dans la mesure requise par le handicap, par des personnes morales et tous les établissements ouverts au public tels que bibliothèques, archives, centres de documentation et espaces culturels multimédia dont la liste est arrêtée par l’autorité administrative.

« Les personnes morales et établissements précités doivent apporter la preuve de leur activité professionnelle effective de conception, de réalisation et de communication de supports au bénéfice des personnes physiques mentionnées à l’alinéa précédent par référence à leur objet social, à l’importance de leurs membres ou usagers, aux moyens matériels et humains dont elles disposent et aux services qu’elles rendent.

« Les documents imprimés, dès lors qu’ils sont mis à la disposition du public, font l’objet d’un dépôt sous la forme d’un fichier numérique, lorsque celui-ci existe, auprès d’organismes désignés par les titulaires de droits et agréés par l’autorité administrative, dans un standard ouvert au sens de l’article 4 de la loi n° 575-2004 du 21 juin 2004, et sont rendus accessibles aux seules personnes morales et établissements précités, qui garantissent la confidentialité et la sécurisation de ces fichiers afin d’en limiter strictement l’usage à l’objet du présent 7°.

« 8° Les copies effectuées par une bibliothèque ou un service d’archives accessible au public, d’œuvres protégées appartenant à leurs collections, lorsque le support sur lequel est fixée l’œuvre n’est plus disponible à la vente ou que le format de lecture est devenu obsolète. Ces copies sont autorisées à la condition qu’elles ne visent aucun avantage commercial ou économique et dans la limite des dispositions spécifiques prévues à l’article L. 122-6-1 du présent code ou par le contrat ou la licence.

« 9° La reproduction intégrale ou partielle, dans un but d’information, d’une œuvre d’art graphique, plastique ou architecturale, par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, lorsqu’il s’agit de rendre compte d’événements d’actualité, dans la mesure justifiée par le but d’information poursuivi et sous réserve d’indiquer, à moins que cela ne s’avère impossible, la source, y compris le nom de l’auteur, lorsque cette reproduction est faite de manière accessoire ou que l’œuvre a été réalisée pour être placée en permanence dans un lieu public.

« Les exceptions énumérées par le présent article ne peuvent porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.

« Les modalités d’application du présent article, notamment les caractéristiques et les conditions de distribution des documents mentionnés au d) du 3°, l’autorité administrative mentionnée au 7°, ainsi que les conditions de désignation des organismes dépositaires et d’accès aux fichiers numériques mentionnés au troisième alinéa du 7°, sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d’État. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement a pour objet d’instituer quatre exceptions au droit d’auteur, pour tenir compte de l’environnement nouveau de la société de l’information.

Conformément à l’article 5-1 de la directive, il est institué une exception aux droits de reproduction pour certains actes techniques de reproduction provisoire, qui ne sont donc pas soumis à autorisation des titulaires de droits. Il s’agit notamment de certaines catégories de « caches » des serveurs des fournisseurs d’accès et de certaines copies techniques effectuées par les utilisateurs d’ordinateurs en vue d’un accès plus rapide aux sites internet. La rédaction proposée reprend les conditions posées par la directive et, notamment, limite la portée de l’exception aux actes de reproduction qui n’ont pas de signification économique indépendante par rapport à l’acte principal de transmission et d’utilisation.

Une nouvelle exception au droit d’auteur est par ailleurs introduite en droit français pour permettre un accès élargi aux œuvres par les personnes affectées d’un handicap consistant en une déficience importante psychique, auditive, visuelle ou motrice. Des formats adaptés pourront être réalisés et mis à la disposition des handicapés grâce au travail réalisé par des organismes divers, associations ou établissements tels des bibliothèques, archives, centres de documentation ou espaces culturels multimédia, dans l’exercice de leurs activités non lucratives pour l’usage personnel des handicapés. Ces organismes s’assureront que les mises à disposition de ces formats adaptés sont liées au handicap de la personne qui en sollicite le bénéfice. La liste des organismes qui sera établie par le ministre chargé de la culture permettra de garantir une maîtrise de la portée de l’exception, le caractère désintéressé des activités ainsi que la qualité de l’offre et du service rendu aux handicapés.

Afin d’éviter à ces organismes la tâche fastidieuse de numérisation des ouvrages imprimés, un ou plusieurs centres de dépôt numérique seront mis en place après agrément. Les ouvrages imprimés mis à la disposition du public devront y être déposés dans un format ouvert au sens de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, c’est-à-dire un format de données dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d’accès ni de mise en œuvre, pour être rendus accessibles aux organismes précités.

Une exception est créée en faveur des bibliothèques et services d’archives accessibles au public, pour leur permettre de conserver des documents qui ne sont plus disponibles à la vente ou dans un format technique obsolète. Elles pourront copier ces documents et éviter ainsi de ne plus permettre au public de les consulter. Un juste équilibre doit en effet être trouvé de manière à permettre que bibliothèques, médiathèques, lieux de documentation, espaces publics numériques, archives, musées, etc. puissent continuer dans le contexte numérique à remplir leurs missions dans des conditions raisonnables.

Une exception encadrée est également créée en faveur de la presse, pour lui permettre d’exercer sa mission d’information et lui éviter l’insécurité juridique liée à l’inclusion d’œuvres dans ses reportages. Les législations de nombreux autres pays membres de l’Union européenne (et notamment l’Allemagne, la Suisse, la Belgique, l’Espagne ou la Grèce) ont prévu de telles exceptions afin d’éviter que les supports d’information ne soient en permanence mis en cause alors même que la reproduction des œuvres présentées dans leurs reportages ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre. Un équilibre a ainsi été trouvé entre la légitime protection du droit des auteurs et les nécessités de l’information.

Enfin cet amendement transpose en droit français le « test en trois étapes », principe essentiel du droit de la propriété littéraire et artistique européen et international énoncé à l’article 5-5 de la directive, et conforme aux traités de l’OMPI relatifs au droit d’auteur et aux droits voisins et à l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Ce principe, déjà appliqué par le juge, fixe les limites des exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins : celles-ci doivent constituer des « cas spéciaux » et ne pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des titulaires de droits.