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APRES L'ART. 17
N° I - 80
ASSEMBLEE NATIONALE
17 octobre 2005

LOI DE FINANCES POUR 2006 - (N° 2540)
(Première partie)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° I - 80

présenté par

M. Lellouche

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRES L'ARTICLE 17, insérer l'article suivant :

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

« 1° Dans le premier alinéa de l'article 885 E, après les mots : « valeurs imposables », sont insérés les mots : « , à l'exception de l'habitation utilisée comme résidence principale, ».

« 2° Le dernier alinéa de l'article 885 S est supprimé. »

« II. – La perte de recettes pour l’Etat est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles sur les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement a l’objectif de répondre à l’injustice flagrante pour de très nombreux compatriotes qu’avait dénoncé en début d’année le Ministre de l’Economie et des Finances, M. Thierry Breton : « Au fil du temps et de l’explosion des prix de l’immobilier, l’ISF est devenu non plus un impôt sur la fortune mais tout simplement un impôt de plus sur les économies et le logement de nos concitoyens qui sont loin d’être fortunés. » On ne saurait mieux dire.

En effet, l’augmentation des prix de l’immobilier à Paris, en région parisienne, et dans beaucoup d’autres régions de France, fait que, mécaniquement, toute personne qui souhaite acquérir un logement égal ou supérieur à trois pièces, en pratique parce qu’il a deux ou trois enfants, va se trouver confrontée à l’ISF. Ce résultat est exactement contraire à l’objectif fixé par le Gouvernement de favoriser l’accession à la propriété ; il est également exactement contraire à un autre objectif central du gouvernement qui est de favoriser la natalité aujourd’hui insuffisante dans notre pays.

A Paris, en particulier les familles moyennes sont prises inexorablement en tenailles entre d’une part le gel du foncier constructible (notamment par l’effet de la loi SRU qui renchérit le prix de l’immobilier), la spéculation immobilière résultant en partie de la compétition internationale entre investisseurs (vente à la découpe), la politique de la Ville de Paris qui consiste à acquérir, à des fins de logement social des immeubles habités, et cet impôt, qui accroît encore plus la difficulté pour les familles moyennes de résider à Paris.

Un très grand nombre de nos concitoyens sont désormais dans ce cas. Si le produit de l’impôt sur la fortune stagne en volume ces dernières années, puisque les grands patrimoines ont déjà quitté le territoire, le nombre des assujettis ne cesse d’augmenter au fil des années. L’essentiel des nouveaux entrants par le bas du barème étant taxé sur leur logement. Il est révélateur que la moitié des assujettis soit en région parisienne, dont 50 % à Paris. Plus inquiétant et choquant encore est que nombre de nos concitoyens, entre 700 000 et 1 million – d’après les experts consultés à Bercy - sont dans ce cas, mais n’ont pas encore déclaré la valeur de leur logement.

Cette situation résulte de l’explosion des prix de l’immobilier bien connue de ces dernières années. Dans certains quartiers parisiens, la hausse atteint pour les quatre dernières années près de 70 %. La hausse moyenne sur dix ans est de près de 90 %.

Hausse que confirme la lecture de quelques petites annonces dans les journaux. Et les témoignages de nombreux Français, publiés dans la presse, ou reçus tant à Paris, qu’en province, notamment dans les régions montagneuses ou du littoral.

Quelques exemples :

Publié au mois de septembre 2005, dans un quotidien national : « Appartement - 5 pièces - Ancien - 144 m² environ. Paris 9e – Condorcet ; Bel appartement familial 5 pièces comprenant : entrée, séjour clair et spacieux, une cuisine séparée » Prix : 795 000 euros.

Toujours au mois de septembre 2005, toujours dans le même journal, « 75 Paris 12e, Proximité : Porte de Charenton; Appartement - 5 pièces - 150 m² environ. Au 6e et dernier étage d'un immeuble ancien avec asc. Appartement en parfait état de 150 m², comprenant 4 chambres : Prix : 890 000 euros.

Témoignage reçu par l’auteur de cet amendement, de M. et Mme X retraités de la région parisienne, qui ne comprennent pas « qu’après s’être sacrifiés pendant dix-huit ans pour payer notre résidence principale à Nanterre en banlieue parisienne, nous soyons obligés de prendre sur nos économies pour nous acquitter de l’ISF ».

Sans qu’il soit besoin de revenir sur les nombreux facteurs à l’origine de cette hausse (investissements internationaux, rareté du foncier, …), l’ISF censé frapper les grands patrimoines, et désormais d’abord ciblé sur le logement, apparaît aujourd’hui comme une injustice flagrante :

– d’abord parce que la valorisation du logement ne suit pas l’augmentation des revenus du propriétaire, bien au contraire. Dans bien des cas, l’ISF frappe au moment où l’emprunt contracté depuis de très nombreuses années, vient d’être remboursé et où le propriétaire s’approche de l’âge de la retraite et voit ses revenus baissés.

– parce que l’ISF se surajoute à une kyrielle d’impôts sur l’immobilier et a un effet dissuasif supplémentaire sur l’accession à la propriété.

En effet, l’acquisition d’un bien immobilier en milieu urbain est un chemin de croix fiscal. Au moment de l’achat, l’acheteur doit payer les droits d’enregistrement ; chaque année, il doit acquitter la taxe d’habitation et la taxe foncière. Il faut par ailleurs souligner que l’épargne ayant permis cet achat a déjà été taxée au titre de l’impôt sur le revenu, tandis que les intérêts basés sur le prêt immobilier sont eux, plafonnés.

La résidence principale n’est pas en soi un élément reflétant l’état réel de richesse du contribuable. Sa valeur est souvent indépendante du niveau de revenus du contribuable, surtout quand celui-ci, son logement enfin payé en totalité, atteint l’âge de la retraite et voit ses revenus baisser. Le cas des agriculteurs de l’Ile de Ré, celui des propriétaires de chalets en montagne ou de maison en bord de mer, est une autre illustration de ce phénomène.

D’autant plus que l’augmentation des prix de l’immobilier n’a pas eu pour corollaire une augmentation des salaires. Ainsi, un propriétaire peut se retrouver assujetti à l’ISF alors que ces revenus n’ont pas progressé. En payant l’ISF, il ne s’est pas enrichi mais bien appauvri. Certes, son habitation a pris de la valeur mais en l’occupant, il ne peut guère profiter de cette valorisation.

La résidence principale représente une base de 68,8 milliards d’euros en 2003 sur une assiette totale de 486 milliards d’euros. La résidence principale correspond à 12,8 % de l’assiette de l’ISF en augmentation constante depuis cinq ans. Jusqu’à maintenant, le contribuable peut, après avoir déterminé la valeur vénale du bien par référence aux valeurs de marché, ajuster cette dernière en prenant en compte les caractéristiques juridiques ou physiques propres à ce bien susceptibles d’en affecter sa valeur vénale. C’est ainsi qu’il est autorisé de déduire sur la valeur de la résidence principale en cas de possession directe un abattement de 20 %.

L’habitation familiale n’est pas un bien comme les autres. Elle a une fonction : celle de loger la famille. C’est ce qui explique l’abattement de 20 % imposé au pouvoir public. Cet abattement a été justifié par le fait que la résidence principale n’est pas cessible immédiatement ; sa vente suppose l’acquisition ou de la location d’un autre logement. La reconnaissance de cette spécificité montre bien l’iniquité d’assimiler le logement d’une famille aux autres biens constitutifs du patrimoine (actions, obligations, résidence secondaires…) ou objets d’art, qui à la différence du logement, ne sont pas inclus dans l’assiette de l’ISF …

Au final, le fait de posséder sa résidence principale peut aboutir à un appauvrissement en raison du montant des impôts à acquitter, résultat à la fois inique et absurde. On est loin, très loin des objectifs affichés de l’ISF : taxer « les riches » et le capital « dormant ».

La solution la plus simple pour traiter définitivement le problème de la résidence familiale est de la soustraire de l’assiette de l’ISF.

Cette mesure est équitable car elle évitera de pénaliser de nombreuses familles vivant en centre ville. Elle ne dénature pas l’ISF car au sein des grandes fortunes, la part relative de la résidence principale est faible. En outre, le propriétaire d’un logement soumis à l’ISF et ayant des revenus moyens n’a pas de solution pour optimiser sa situation fiscale à la différence des détenteurs de patrimoines importants.