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Session ordinaire de 2004-2005

commission des finances, de L’économie générale
et du plan

réunion du novembre 2004

Projet de loi de finances pour 2005

Audition de M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises,
au commerce, à l’artisanat, aux professions libérales et à la consommation
sur les crédits de son ministère

PRÉSIDENCE de M. Pierre MÉHAIGNERIE,
président de la commission des finances

et de M. Patrick OLLIER,
président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire

La séance est ouverte à neuf heures quarante.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je suis heureux, avec Patrick Ollier, de vous accueillir pour cette quatrième commission élargie. La clé du succès de cette formule est le caractère dynamique des débats, moins contraints qu’en séance publique, laquelle sera consacrée à d’éventuels amendements, aux explications de vote et au vote. La présente réunion se substitue donc à la séance publique. Les conditions de publicité sont identiques et l’Assemblée ne siège pas, pour permettre à tous nos collègues d’être là. Je rappelle que la concision des interventions améliorera la qualité du débat.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Je me réjouis également de cette réunion, même si nous manquons encore un petit peu d’expérience pour parvenir au bon format. C’est M. Méhaignerie qui conduira pour l’essentiel les débats, car c’est la commission des finances qui est la plus directement intéressée.

Je voudrais remercier M. Jacob pour le bilan remarquable de son travail au ministère, et souligner les énormes progrès de simplification administrative qu’il a accomplis : ils n’apparaissent pas dans le budget, ils sont pourtant au moins aussi utiles aux PME que les crédits budgétaires. Où en est le projet de loi Entreprises ? Les groupes de travail qui ont été mis en place, dans lesquels M. Poignant a représenté notre commission, ont remis leurs conclusions. Nous sommes très attentifs aux orientations que vous allez retenir. Par ailleurs, vous connaissez les inquiétudes de nos deux commissions concernant le FISAC, auxquels les élus sont très attachés. Pouvez-vous nous donner des assurances sur la pérennisation des crédits ? Enfin, pouvons-nous être rassurés sur la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat ?

M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l’artisanat, aux professions libérales et à la consommation - Les crédits de mon département s’élèvent à un peu plus de 167 millions pour 2005, mais il faut aussi prendre en compte l’important volet des dépenses fiscales, qui se montent dans le projet de loi de finances à 4,65 milliards. Le budget à proprement parler s’articule autour de quatre axes. Le premier est l’encouragement de l’initiative économique. Pour cela, il s’agit d’abord de soutenir la compétitivité des entreprises, avec un soutien aux organisations professionnelles ou aux réseaux d’appui aux entreprises par exemple, qui fournissent un accompagnement juridique ou en en matière de gestion par exemple, et réduisent le nombre d’entreprises en difficulté là où ils interviennent. Il s’agit aussi du soutien aux filières en mutation, comme les métiers d’art ou les distributeurs de carburant, ou du soutien à la création et à la reprise d’entreprises, qui passe par des crédits de formation ou des stages d’initiation par exemple.

Je passe sur le deuxième axe, qui concerne la tutelle et la régulation des professions. Le troisième concerne la solidarité économique : il s’agit notamment du soutien au FISAC, des moyens pour les événements exceptionnels qui adviennent chaque année, comme la marée noire ou la catastrophe d’AZF par exemple, ou de l’aide au départ pour les commerçants et artisans. Cette dernière est trop souvent, pour l’instant, une aide à tirer le rideau. Il faut réfléchir pour l’orienter davantage vers la reprise par un successeur. Le dernier axe principal du budget est le développement économique du territoire, qui passe par le FISAC, par les contrats de plan ou par des partenariats conduits avec les chambres des métiers par exemple.

Pour répondre maintenant aux questions de M. Ollier, il faut souligner que le FISAC connaît un succès grandissant. La demande des communes et des associations de commerçants croît. Le FISAC est l’illustration de la bonne intervention de l’Etat. Il ne distribue souvent que des sommes modestes, 10% du total par exemple, mais qui déclenchent les autres financements. Ses crédits sont en hausse significative. L’objectif est d’atteindre 100 millions. Cela sera fait en loi de finances rectificative si nous ne trouvons pas le moyen de le faire maintenant. En ce qui concerne la TACA, la réflexion a lieu dans les services de M. Bussereau. Il est vrai qu’il s’agit d’augmentations significatives. Nous devons trouver les moyens d’adaptation nécessaires, et régler les problèmes de cumul entre 2004 et 2005 qui accentuent les difficultés des entreprises. Même si c’est surtout du domaine du ministère du budget, je suis preneur de toute solution !

La loi Entreprises sera articulée autour de quatre axes. Le premier est l’accès aux financements : beaucoup de projets restent dans les tiroirs parce que les chefs d’entreprises n’ont pas trouvé le premier financement. Les groupes de travail ont rassemblé notamment des responsables professionnels et du monde consulaire, des personnalités qualifiées et des parlementaires. Ils ont mené une réflexion sur les fonds de garanties et les fonds de caution. Il faut également s’attacher au fonds de roulement des entreprises, qui est déterminant dans les premières années : l’entreprise doit disposer des capacités de trésorerie nécessaires pour supporter ses premiers chocs. Il sera peut-être également possible d’instituer des provisions pour investissements, comme cela existe dans le système agricole. Nous réfléchissons à des adaptations possibles.

Le deuxième axe est consacré aux nouvelles formes d’activité. Il s’agit d’abord du statut du conjoint : deux tiers des conjoints travaillent dans les entreprises artisanales ou commerçantes, mais des droits sont ouverts pour seulement 10 % ! Il faut absolument aller vers un statut obligatoire, qui ouvre des droits sociaux et à la formation, ainsi par exemple qu’à la validation des acquis de l’expérience. On voit trop souvent des conjoints qui, après avoir travaillé vingt ans, se retrouvent sans rien après un veuvage ou une séparation ! Il s’agit également du statut de collaborateur libéral, bien connu des avocats, et qui devrait être élargi à l’ensemble des professions libérales. Un jeune qui sortirait de l’école et ne pourrait pas s’établir seul pourrait par ce biais entrer dans un cabinet et se constituer une clientèle avant de voler de ses propres ailes. Il s’agit enfin de la piste du professionnel autonome, qui donnera davantage de souplesse à ceux qui se sentent un peu à l’étroit dans le statut de salarié, mais qui ne sont pas des chefs d’entreprises et qui pourront ainsi avoir plusieurs donneurs d’ordre.

Le troisième axe s’attache à tous les aspects de la transmission. Il comprend d’abord les aménagements fiscaux – et je fais confiance à l’imagination des parlementaires pour en trouver de nouveaux ! Mais au-delà, des mesures de bon sens doivent être prises. L’enjeu de la transmission d’entreprise est de pérenniser un outil économique qui fonctionne bien et qui crée de l’activité. Plusieurs idées sont à creuser : le tutorat par exemple, qui permet au chef d’entreprise qui part d’accompagner quelque temps son repreneur, ou l’utilisation du savoir-faire des chômeurs qui, proches de l’âge de la retraite, ont des difficultés à retrouver du travail et pourraient aider le repreneur. Enfin, il faut s’attacher à trouver les financements les mieux adaptés, avec le fonds d’investissement professionnel par exemple, les primes de transmission accompagnée ou le développement des systèmes de bourse.

Dernier axe : la simplification, domaine où tous les gouvernements ont la marge de progression la plus importante. Nous avons toujours tendance, ainsi d’ailleurs que les organisations professionnelles ou consulaires, à complexifier les choses. Pourquoi ne pas imaginer un document en cinq lignes – nom et prénom du salarié, numéro d’affiliation, heures normales et supplémentaires, salaire brut et salaire net – qui servirait à la fois de contrat d’embauche et de bulletin de paye ? Voilà les pistes sur lesquelles nous travaillons et nous espérons présenter cette loi Entreprises dès le premier semestre 2005.

M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial de la commission des finances pour les PME, le commerce et l’artisanat - Je tiens à vous remercier, Monsieur le ministre, du rôle éminent que vous jouez dans le soutien aux petites et moyennes entreprises, qui représentent plus de 99 % des entreprises françaises, emploient la majorité des actifs, produisent la moitié de la valeur ajoutée et réalisent près du quart de nos exportations, ce que l’on oublie trop souvent. Votre budget compte presque moins que les mesures législatives et réglementaires, d’autant qu’il est principalement constitué de crédits d’intervention. Je ne reviendrai pas sur sa structure, que vous avez décrite, mais j’espère que vous voudrez bien répondre à mes interrogations.

S’agissant en premier lieu de l’aide à la création d’entreprise, on constate que les crédits alloués à l’APCE augmentent de 6,2 %, ce qui est bien. Mais pourquoi ne pas avoir inclus l’Agence dans le regroupement envisagé entre l’ANVAR et la BDPME-SOFARIS ? N’y gagnerait-on pas en efficacité ? Ne permettrait-on pas ainsi des économies ?

Je reviens sur le FISAC, dont je connais toute l’utilité, particulièrement en zone rurale. Nous savons qu’il est prévu d’abonder ce fonds à hauteur de 29 millions dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2004. Chacun d’entre nous a interprété les propos du ministre de l’économie, qui parlait de redynamiser le commerce traditionnel, comme la promesse d’une pérennisation de cet abondement en 2005. J’aurais volontiers déposé un amendement en ce sens, mais il serait tombé sous le coup de l’article 40. Un amendement gouvernemental serait donc bienvenu.

Le président Ollier a évoqué, à juste titre, le problème de la TACA. En effet, pour certains commerces non alimentaires, cette taxe a connu, l’année dernière, une augmentation véritablement décourageante, rendue nécessaire par la suppression de la taxe d’équarrissage. Seulement, cette hausse se traduirait, selon certaines estimations, par une augmentation de plus de 160 % du produit de cette taxe, ce qui est évidemment excessif. Si l’on ajoute à cela qu’en raison de la publication tardive du décret d’application, les entreprises concernées seront obligées de verser de manière pratiquement simultanée la taxe de 2004 et celle de 2005, certaines, selon les simulations faites par l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, se verraient frappées au titre de la TACA d’un prélèvement cinq fois supérieur à celui de 2003. C’est évidemment inacceptable ; d’ailleurs, un prélèvement de ce niveau représenterait, dans bien des cas, le montant de la marge bénéficiaire. Il convient donc de réviser le dispositif. Je sais combien c’est compliqué, mais j’espère vivement qu’une solution sera trouvée au cours de la navette de manière que le Gouvernement puisse proposer un amendement en deuxième lecture.

J’en viens à l’application de la LOLF. Les crédits relatifs au développement des PME, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales sont désormais regroupés au sein de l’action 2 du premier programme de la mission « développement et régulation économiques ». Or, l’enveloppe budgétaire dévolue aux actions n’a qu’un caractère indicatif, ce qui réduit la portée de l’autorisation parlementaire. Enfin, des progrès restent à accomplir dans la définition des indicateurs de performance, qui restent à préciser en fonction d’objectifs plus pratiques.

Je ne conclurai pas sans vous dire l’intérêt que nous porterons à la future loi Entreprises.

M. Serge Poignant, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Je tiens à mon tour à saluer le remarquable bilan du ministère des PME. Les créations d’entreprises, reparties à la hausse depuis 2002, connaissent cette année un nouveau record, puisqu’elles sont en augmentation de 16,8 % pour les neuf premiers mois de 2004 par rapport à la même période de l’année dernière. De plus, selon l’enquête semestrielle de conjoncture de la BDPME parue le 30 juin 2004, les chefs d’entreprise prévoient d’augmenter leur chiffre d’affaires de 2,2 % cette année, après une progression de 1,6 % en 2003. On notera de plus que les PME sont parvenues à maintenir leurs effectifs pour le troisième semestre consécutif. Ces résultats sont dus à l’impulsion que vous avez donnée, Monsieur le ministre, grâce à des incitations judicieuses. Les crédits de votre ministère doivent être appréciés au regard de l’effort global en faveur des entreprises, qui s’élèvera, en 2005, à plus de 21 milliards, sans compter le volet fiscal, estimé à plus de 4,6 milliards. Vos crédits proprement dit s’élèveront à 167,7 millions, en retrait de 2 % par rapport au projet de loi de finances pour 2004. Le ministère prend ainsi sa part de la réduction, nécessaire et urgente, des déficits publics. Sa contribution affecte principalement les interventions en faveur du commerce et de l’artisanat, les autres réductions s’expliquant plutôt par des raisons techniques. Ainsi, la diminution des aides au départ tient compte de la baisse progressive du nombre des bénéficiaires et la réduction des bonifications d’intérêts s’explique par l’extinction de prêts anciens.

Je me félicite que le budget qui nous est présenté ne remette pas en cause le financement de priorités ciblées. On mentionnera ainsi la hausse de 50 % des crédits consacrés aux stages d’initiation à la gestion d’entreprise et celle de la subvention de l’Agence pour la création d’entreprises. Je reviendrai toutefois sur deux sujets déjà abordés mais qui me préoccupent également.

L’annonce de l’abondement des crédits du FISAC à hauteur de 29 millions dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2004 est une bonne nouvelle. Je prendrai le risque de proposer à la commission deux amendements tendant à augmenter d’autant ces crédits dès le projet de loi de finances initiale pour 2005.

Ma deuxième préoccupation tient, évidemment à l’augmentation considérable de la TACA liée à la suppression de la taxe d’équarrissage, augmentation dont souffrent particulièrement les commerces non alimentaires et, parmi eux, les plus petites surfaces, qui ont subi une augmentation de charges très préjudiciable. J’avais déjà appelé l’attention du Gouvernement sur la situation paradoxale induite par l’augmentation de la TACA, puisque les entreprises de grande distribution assurant la vente de produits alimentaires, qui supportaient l’essentiel de la taxe supprimée, constatent, elles, une diminution globale de leurs charges. Je proposerai à la commission de soutenir un amendement tendant à remédier à ce déséquilibre.

Je vous saurai gré, Monsieur le ministre, de bien vouloir accepter nos amendements ou proposer tout autre moyen d’atteindre ces objectifs.

On le sait, le développement de l’esprit d’entreprise ne tient pas seulement à des mesures financières. Je tiens donc à saluer l’effort de réforme administrative et de simplification auquel s’astreint le ministère. J’ajoute que l’application de la loi sur l’initiative économique fait également sentir ses effets. Les défis majeurs sont maintenant le développement des entreprises et leur transmission ; à cet égard, le plan de réforme de l’apprentissage et le futur projet de loi Entreprises devraient répondre aux attentes, si nombreuses ont été les propositions présentées par les professionnels aux deux groupes de travail que vous avez constitués. Je vous remercie de cette initiative.

Mes questions permettront de mieux cerner les orientations de la réforme en cours. Je vous ai déjà dit mes préoccupations sur la TACA et sur le FISAC. Sur ce dernier point, où en est la réflexion sur les modalités de délégation des crédits du FISAC aux régions ? Parviendra-t-on à réduire le délai d’attribution des aides ? Par ailleurs, quelles sont les intentions du Gouvernement quant à la réforme de la loi Galland et, éventuellement, de la loi Raffarin ? Comment faire profiter les consommateurs d’une baisse des prix sans déclencher une guerre qui serait néfaste aux petits commerces et aux PME mais aussi aux producteurs agricoles ? Donnerez-vous des orientations particulières au groupe de travail que vous avez constitué à cette fin ? Comment s’articuleront ses travaux et ceux de la mission d’information que notre commission va constituer ?

Et encore : où en est le plan de réforme de l’apprentissage ? Quelle sera la place du dispositif de soutien à l’alternance ? Avez-vous le sentiment que le contrat de professionnalisation répond aux besoins ?

Pouvez-vous déjà nous donner le calendrier législatif du projet de loi Entreprises et préciser les axes que vous retiendrez à partir des conclusions qui vous ont été remises par les groupes de travail ?

Êtes-vous favorable à la poursuite de l’aménagement de l’ISF dans le sens d’une incitation à l’investissement dans les PME ? Quels seront les moyens de la nouvelle agence des PME ? Enfin, pourriez-vous faire le point sur le nouveau code des métiers et de l’artisanat ?

En conclusion, je ne peux que vous encourager à poursuivre votre action en faveur des entrepreneurs et de l’esprit d’entreprise, essentiel à la vitalité de notre économie, et bien sûr, appeler mes collègues à donner un avis favorable à ce budget.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Chers collègues, n’adaptez pas la longueur de vos interventions à la grandeur de la salle ! Il faut que chacun respecte son temps de parole.

M. Michel Vergnier - Comme chaque année, ce budget nous donne l’occasion de mesurer une petite partie du soutien de l’Etat aux PME, au commerce et à l’artisanat et, comme chaque année, nous déplorons qu’il ne soit pas plus détaillé. Quoi qu’il en soit, les chiffres sont têtus et en dépit du concert de louanges qui vient d’être adressé au ministre, les dotations sont en baisse constante – 172 millions en 2003, 167 millions en 2005. Cette diminution sensible et continue tranche avec les ambitions affichées. Certes, votre prédécesseur disait, non sans habileté, que les entreprises avaient plus besoin d’air que d’aide, mais il ne nous a pas vraiment convaincus…

Comme d’habitude, le Gouvernement nous renvoie à la loi qui suit et consacre beaucoup plus de temps à l’exposé de ce qui se passera après-demain qu’à la description de la situation présente. Prenez garde cependant. Les artisans – dont je suis issu – s’impatientent du décalage entre les discours et les actes.

L’année dernière, je m’étais félicité de l’annonce d’une simplification et d’une régionalisation du FISAC. Las, rien n’est venu et l’on manque d’argent pour donner suite aux dossiers de l’année en cours. Vous annoncez qu’ils seront traités en 2005 et je n’ai pas de raison de ne pas vous faire confiance. Mais est-ce de la bonne gestion que de traiter systématiquement les dossiers de l’année en cours l’année suivante ?

Dans son propos, dont je salue l’honnêteté, notre rapporteur vous a interrogé sur l’évolution de la loi Galland. Nous avons cru comprendre que votre position personnelle divergeait sensiblement de celle de M. Sarkozy et nous sommes du reste plutôt sur votre ligne. Pouvez-vous faire le point sur ce sujet ?

S’agissant des aménagements à apporter à la taxation des carburants, veillons à ne pas oublier les commerçants ambulants, dont la contribution au maintien de l’activité en milieu rural est essentielle.

Quels sont les effets des mesures fiscales déjà prises au profit des hôteliers-restaurateurs ? Dans l’attente d’une éventuelle baisse de la TVA, nous aurions préféré que soit instauré un crédit d’impôt mais l’option retenue constitue tout de même une avancée. A-t-elle permis de créer des emplois ? Dans ce secteur sensible, comptez-vous poursuivre la lutte contre le travail illégal qui produit de gros dégâts ?

Le rapport Bonrepaux sur l’exécution des CPER met en évidence le manque d’ardeur de l’Etat à tenir ses engagements en faveur des PME, du commerce et de l’artisanat. Nous ne pouvons accepter que l’Etat ne respecte pas sa parole.

Enfin, entendez-vous soutenir l’action indispensable des associations de consommateurs ?

Vous le voyez, Monsieur le ministre, votre action, hors quelques mesures intéressantes mais qui restent à concrétiser, inspire beaucoup de craintes et d’incertitudes. Vous comprendrez, dans ces conditions, que nous ne puissions voter votre budget.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Quel regret !

Mme Marcelle Ramonet - Les TPE et PME jouent un rôle moteur dans l'économie et dans la création d’emplois : elles représentent 60 % des emplois du secteur marchand, 53 % de la valeur ajoutée, 41 % des investissements et 30 % des exportations. Depuis 2002, les réformes engagées ont tendu à réconcilier la France avec ses entreprises et il y a tout lieu de s’en féliciter.

La création d'entreprises est l'enjeu primordial vers lequel doivent tendre toutes les énergies et il convient à cette fin de créer un environnement juridique et fiscal favorable à l’activité. C'est pourquoi je tiens à saluer la mise en place un peu partout en France des comités d'initiative économique locale, efficaces parce que solidement ancrés dans les territoires. Résultat, le mouvement favorable de création d'entreprise, engagé en 2003, s'est amplifié en 2004 avec environ 27 000 créations ou reprises d'entreprises par mois.

Monsieur le ministre, je considère que votre projet de budget pour 2005 est résolument favorable aux entreprises et donc à l'emploi. Il donne une réelle lisibilité et traduit une volonté de simplification en dégageant des actions prioritaires.

En 2005, l'effort de l'Etat en faveur des PME s'élèvera à 21,79 milliards, le volet fiscal représentant 4,65 milliards.

Quelques dispositions de la loi de finances pour 2005 sont particulièrement favorables aux entreprises. L'année 2005 sera marquée par la diminution du taux d'impôt sur les sociétés ; grâce à la suppression de la contribution additionnelle, le taux d'imposition est ramené de 34,33 % à 33,33 %. Parallèlement, le dégrèvement temporaire de la taxe professionnelle pour les investissements productifs des entreprises est prolongé jusqu'au 31 décembre 2005, et un crédit d’impôt est mis en place pour les dépenses de prospection commerciale en dehors de l'Union européenne. La contribution au développement de l'apprentissage mérite d’être relevée, cependant qu’un crédit d'impôt au profit des entreprises accueillant des apprentis est prévu dans le projet de loi de cohésion sociale.

Des actions d’envergure sont prévues pour lutter contre les délocalisations, qu’il s’agisse du crédit de taxe professionnelle de 1000 euros par an et par salarié pour les entreprises situées dans des zones de territoire les plus exposées aux délocalisations et aux restructurations industrielles, du crédit d'impôt en faveur des entreprises qui relocalisent leur activité en France ou des pôles de compétitivité.

Il est essentiel que vous tordiez le cou au rumeurs de désengagement de l’Etat dans les CPER et que vous affirmiez au contraire que 2005 sera bien l’année des entreprises !

Dans le droit fil de la réflexion engagée depuis plusieurs mois, le groupe UMP souhaite qu’une attention particulière soit portée au statut de l'entreprise, de l'entrepreneur et de son conjoint, ainsi qu’aux conditions de financement et de transmission des affaires. Sur ces différents points, quels axes entendez-vous privilégier dans la perspective de la deuxième loi sur l'initiative économique ?

Monsieur le ministre, le soutien du groupe UMP vous est acquis, car nous plaçons le devenir des PME, du commerce et de l'artisanat au cœur de notre engagement.

M. André Chassaigne - Comme beaucoup d’autres, ce budget subit une amputation continue, bien contradictoire avec vos effets d’annonce réitérés sur le nécessaire soutien à l’emploi, mais parfaitement conforme à votre logique libérale.

Premier point sur lequel je souhaite vous interpeller, entendez-vous enfin aider les PME à faire face à la pression des donneurs d’ordre qui tend littéralement à les étrangler ? Je pense notamment aux équipementiers automobiles, sans cesse menacés par les grands constructeurs, qui pratiquent à leur égard un véritable chantage à la délocalisation, tout en pompant sans vergogne leur technicité. Contraints de serrer les prix au-delà du raisonnable, ces petites entreprises doivent être mieux accompagnées. Il n’est que temps de mettre fin à ces pratiques insupportables.

M. Jean-Paul Charié - Très bien !

M. André Chassaigne - Deuxième obstacle majeur au développement de l’activité, la frilosité de nos banques, qui préfèrent spéculer plutôt que d’aider les entrepreneurs locaux à mener à bien leurs projets.

Troisième frein, le manque de réactivité des différents services de l’Etat au niveau local, et leur incapacité à nouer un véritable partenariat avec les PME afin de les aider lorsqu’elles rencontrent des difficultés ponctuelles.

Quelles suites entendez-vous donner au rapport Canivet ? Ne craignez-vous pas que la mise en œuvre de certaines de ses préconisations n’entraîne à brève échéance une forme de guerre des prix particulièrement dangereuse ?

Enfin, je déplore que les actions en faveur de la promotion de l’économie solidaire semblent un peu mises en sommeil. Nous sommes convaincus que ce domaine peut contribuer au développement local, notamment au travers des nouvelles sociétés coopératives d’intérêt collectif. L’économie solidaire mérite un soutien plus explicite de l’Etat.

M. Rodolphe Thomas - Je tiens au préalable à rappeler, s’il en était besoin, l’importance de la politique de soutien aux PME. Les 2 400 000 PME françaises représentent 99,8 % de nos entreprises et emploient au total 8,3 millions de salariés, soit 59 % des actifs. Eu égard à l’incidence directe des décisions prises, il y a tout lieu de regretter que nombre de projets de réformes fassent l’objet d’annonces contradictoires. La politique gouvernementale doit composer un ensemble cohérent de mesures visant à soutenir les entreprises innovantes, à améliorer le financement des PME et à simplifier les procédures administratives.

Le projet de budget pour 2005 nous donne l’occasion de faire entendre les nombreuses demandes des entrepreneurs de notre pays.

Les détaillants ont récemment sollicité une action forte des pouvoirs publics et je n’ai pas besoin d’insister sur l’importance du maintien d’un réseau dense de commerçants de détail sur l’ensemble du territoire. Dans le cadre de l’augmentation des crédits du FISAC, les détaillants souhaitent la création d’un fonds spécifique pour le développement de nouveaux magasins dans les quartiers, doté de 7 millions pour trois ans et plafonnant ses interventions à 50 000 euros par boutique. L’institution d’un outil de cette nature permettrait de créer des milliers d’emplois directs.

Pour la troisième année consécutive, la dotation du FISAC est stable à 71 millions d’euros. Mais, dans le cadre de l’accord sur la baisse des prix conclu à Bercy le 17 juin, Nicolas Sarkozy a annoncé une dotation supplémentaire de 29 millions qui devrait figurer en loi de finances rectificative. Nous souhaiterions savoir si le Gouvernement confirme cette mesure en faveur des détaillants.

Le groupe UDF se réjouit que des propositions concrètes aient été avancées pour supprimer les marges arrière. Il faut rendre plus transparentes et plus équilibrées les relations commerciales entre les producteurs et la grande distribution. Toutefois, cela implique d’examiner l’ensemble de notre système concurrentiel, qu’il s’agisse des relations d’entente entre les centrales d’achat, des rapports commerciaux entre les différents types de producteurs et de distributeurs ou des conditions de la concurrence entre grande distribution et commerce de détail.

Le groupe UDF avait demandé au Gouvernement de ne pas légiférer dans l’urgence et, en vain, avait suggéré la création d’une commission d’enquête. Le groupe UMP a finalement décidé de créer une mission d’information, après avoir pris conscience des vives inquiétudes qui se manifestent chez les artisans et commerçants.

Le Gouvernement s’apprête à modifier la loi Galland. Le texte devrait être soumis au Conseil d’Etat avant la fin du mois. Nous en prenons acte, même si nous regrettons le retard pris sur ce sujet qui concerne des millions de Français et qui ne peut être laissé à la seule appréciation des experts, aussi compétents soient-ils.

S’agissant du régime social des indépendants, l’UDF est à l’origine du processus de rapprochement des caisses ORGANIC, CANCAVA et CANAM. Cette démarche a abouti à la création du RSI et à la mise en place de l’Interlocuteur social unique, dans le cadre du projet habilitant le Gouvernement à simplifier le droit par ordonnances. Toutefois, un désaccord subsiste sur les missions de l’ISU : le groupe UDF avait proposé que le RSI assure lui-même le rôle d’interlocuteur social unique auprès des artisans et des commerçants, et qu’il puisse déléguer aux URSSAF, s’il le juge utile, certaines missions de recouvrement. Cette proposition a été repoussée par l’Assemblée, mais le problème demeure.

Je ne finirai pas sans demander la position du Gouvernement sur la TVA sociale. Dans le contexte des délocalisations, remplacer une partie des cotisations employeur par la TVA sociale permettrait de taxer les produits importés au même titre que ceux fabriqués en France et de renforcer notre compétitivité à l’exportation. Expérimentée avec succès au Danemark, la TVA sociale ferait porter le coût de notre protection sociale non sur le travail, mais sur la consommation. Cette idée est soutenue par le président de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis.

M. le Ministre délégué - Vous avez été nombreux à m’interroger sur le FISAC, qui va augmenter de 29 millions d’euros. Cette mesure devrait plutôt intervenir en loi de finances rectificative, à moins qu’il soit possible de l’insérer en deuxième lecture. Quoi qu’il en soit, l’engagement du Gouvernement sera tenu. Je suis donc un peu déçu, monsieur Vergnier, que vous annonciez ne pas voter le budget sans attendre ma réponse (Sourires). A cet effort de 29 millions s’ajoutent des mesures en faveur des entreprises, qui représentent 19 % des dépenses fiscales.

Certes, de nombreux dossiers FISAC sont en attente pour des raisons de trésorerie, mais nous faisons le maximum pour instruire les demandes dans les meilleurs délais. Il manque parfois une pièce, ce qui nécessite un aller-retour. Nous sommes attentifs à ces problèmes et les fonds vont augmenter de 40 %.

L’APCE est un outil de conseil, tandis que l’ANVAR gère des lignes de crédits d’intervention directe. Mais ces organismes travaillent en parfaite coordination. Notre objectif est d’agir le plus efficacement possible en faveur de la création d’activités.

Sur la TACA, il est vrai que les décrets n’ont pas été pris. Nous devons trouver rapidement une solution. Avec Dominique Bussereau et les services du Premier ministre, nous y travaillons. Une formule devrait être trouvée avant le vote de la loi de finances.

Le nombre des créations d’entreprise augmente de manière significative. Il y a plus de deux ans, nous étions à moins de 200 000 par an. A la fin de cette année, nous atteindrons les 240 000 créations d’entreprise. Les mesures votées les années précédentes ont donc porté leurs fruits.

Les commerçants ambulants bénéficient du FISAC. Mais j’ai pris bonne note de votre remarque, monsieur Vergnier : ils sont pénalisés plus que d’autres par le coût des transports.

MM. Chassaigne et Poignant ont évoqué le rapport Canivet : cet un excellent rapport qui contient des propositions intéressantes, sur les sanctions ou la définition de la coopération commerciale. Sur d’autres propositions, j’ai déjà dit que j’étais plus réservé. Il faut prendre le temps de la réflexion. Je me félicite donc de l’initiative prise par Patrick Ollier : votre mission d’information va nous permettre d’avancer. Ne tranchons pas à la hâte. Dans la salaisonnerie, les taux de marges arrière atteignent 60 %. Peut-on imaginer une baisse des prix de cet ordre ? Il faut examiner ce qui relève du travail normal d’un distributeur.

Avec l’ensemble des acteurs concernés, comme l’Association française du commerce et de la distribution ou la CGPME, je me suis rendu aux Pays-Bas, où le gouvernement a baissé les prix de 3 % en moyenne et de 10 % sur les principales références. Un an après, on compte 17 000 suppressions d’emploi représentant 10 000 postes à temps plein. C’est pourquoi, Monsieur Thomas, je ne veux pas légiférer dans la précipitation. La loi Galland a déjà une dizaine d’années. Il faut faire le point. Il en va de même de la loi Raffarin : je ne suis pas favorable au système automatique d’agrandissement. Il faut prendre le temps de la concertation avec les acteurs économiques et les élus locaux. Nous disposons sur ce sujet de l’excellent rapport du sénateur Fouché. Il faut s’en inspirer, comme nous nous inspirerons du rapport Canivet et de celui de la mission d’information. Donnons-nous deux à quatre mois pour aménager le code du commerce.

A propos de la loi sur les entreprises, vous trouverez sur le site du ministère les quarante propositions des groupes animés par Serge Poignant et Emmanuel Hamelin. J’attends de vous que vous me fassiez part des réactions sur le terrain.

S’agissant du RSI, distinguons ce qui relève de la loi de ce qui relève des ordonnances. Nous travaillons en étroite concertation avec les trois caisses. C’est le principe de délégation qui a été retenu. Nous nous engageons à mettre en place la RSI à l’issue d’une période transitoire qui doit être la plus courte possible, mais qui doit permettre de tester le dispositif dans les meilleures conditions : elle sera de douze à dix-huit mois.

Les associations de consommateurs, monsieur Vergnier, n’ont pas été victimes des régulations budgétaires.

A propos de l’accord passé sur la TVA, notre objectif est d’aboutir au 1er janvier 2006.

S’agissant de l’engagement de l’UMIH de créer 40 000 emplois en contrepartie des allégements de charges sociales, je ne dispose pas pour l’instant des éléments chiffrés.

En ce qui concerne l’économie solidaire, ma conception de la solidarité est que l’Etat n’a pas à se substituer aux entreprises. D’ailleurs, à chaque fois qu’il l’a fait, cela n’a pas été couronné de succès. Il doit donc s’efforcer de créer un environnement plus favorable à la création d’emplois et de richesses, c’est ce que nous faisons avec le FISAC et avec les aménagements fiscaux. Cette richesse doit ensuite être répartie au mieux par les entreprises, auxquelles il faut laisser assez de souplesse pour cela. Le retour de la croissance devrait ainsi bénéficier à tous, de même que l’augmentation du nombre des créations d’entreprises – qui, en deux ans, est passée de 200 000 à 240 000 – pour laquelle nous avons tant fait.

M. Jean-Paul Charié - Il ne faut pas tuer les PME ! Or, tout ce que font ce Gouvernement et notre majorité ne sert à rien si elles sont rackettées par les donneurs d’ordre et si, à cause de la pression des clients, elles ne dégagent pas de marges d’exploitation et n’ont pas de visibilité.

Tout ce que nous faisons ne sert à rien si nos discours ne sont pas suivis d’effets. Ainsi, alors que nous avons décidé au mois d’août d’exonérer de droits les transmissions de fonds de commerce jusqu’à 300 000 € et nous l’avons fait savoir aux artisans, les services fiscaux considèrent tout bonnement que cette disposition ne concerne pas la transmission des fonds de commerce et des fonds d’artisanat !

Alors que nous avions dit aussi que nous voulions soutenir et pérenniser les commerces traditionnels de centre ville, les nouvelles règles d’appels d’offre de l’UGAP interdisent aux communes de passer par ces commerçants.

S’agissant enfin des marges arrière et de la loi Galland, j’observe que, grâce à la bonne définition du seuil de revente à perte dans la loi de 1996, nous ne voyons plus de baguettes à 15 centimes ou de longes de porc vendues en dessous de leur prix de revient. La concurrence est donc désormais plus loyale.

On ne peut pas dire que la revente à perte est seule à l’origine de l’augmentation des marges arrière. Si tel était le cas, elles auraient aussi augmenté dans les secteurs du bricolage et du jardinage, ainsi que pour les marques des distributeurs et dans les relations des PME avec les secteurs de la transformation et avec les industriels. Mais il n’en a rien été ! Cette augmentation tient donc uniquement au fait que l’on n’a pas appliqué la loi qui interdit les fausses factures. Car c’est bien ainsi que la grande distribution asphyxie nos PME, puisque jusqu’à 60 % de ce qui est facturé par des producteurs leur est refacturé par les distributeurs. Le rapport de la DGCCRF montre que l’on refacture même les services rendus par les producteurs à la grande distribution. Il suffirait donc d’appliquer la loi pour que les PME puissent baisser leurs tarifs, retrouver des marges d’exploitation et devenir plus compétitives.

Vous connaissez, Monsieur le ministre, mon engagement auprès des PME comme ma loyauté à votre égard et si je me montre aussi sévère c’est pour mieux vous aider.

M. Hervé Novelli - Je vous félicite, Monsieur le ministre, de ce que vous faites et de ce que vous entendez faire. Si huit ans se sont écoulés entre la loi Madelin de 1994 et la loi Dutreil de 2002, j’espère que nous n’attendrons pas beaucoup plus de deux ans pour montrer, avec la future loi Jacob, que notre majorité « met le paquet » pour soutenir la création et le développement des entreprises, après avoir déjà pris pour cela un grand nombre de mesures, notamment en matière de fiscalité, de soutien à la transmission et de simplification.

Mais aujourd’hui, c’est d’un allégement de la réglementation sociale et du droit du travail que les PME ont besoin. Je souhaite donc que vous vous rapprochiez de votre collègue des affaires sociales pour faire avancer ce dossier et pour compenser les discriminations dont sont victimes les petites entreprises par rapport aux grandes. On le voit bien avec l’exemple des 35 heures, qui ont des effets pervers même pour les PME où elles ne s’appliquent pas, puisqu’elles ont du coup plus de mal à attirer les salariés.

Il m’apparaît par ailleurs que, dans la mesure où les crédits des PME seront l’an prochain fondus dans le nouveau programme de développement économique, nous aurons alors un problème de contrôle. En effet, si à ces changements comptables ne correspondent pas des changements dans l’organisation du ministère, nous aurons du mal à savoir qui fait quoi et qui est responsable de quoi. La réforme des ministères est donc indispensable.

Un autre problème risque de se poser avec la déconcentration du FISAC : alors que nous avions jusqu’ici une politique nationale décidée par le Gouvernement, ne risque-t-on pas d’avoir, demain, autant de politiques différentes qu’il y a de régions ?

M. le Président de la commission des finances - Je trouve là, avec surprise, un Hervé Novelli centralisateur… (Sourires)

M. Hervé Novelli - Pas du tout ! Je tiens simplement à ce que la liberté perdure !

M. François Brottes - Ce qui perdure, c’est votre obsession de réformer le code du travail… (Sourires)

Le Gouvernement ayant choisi le secteur de la restauration comme terrain d’expérimentation, il serait utile de faire le bilan des baisses de cotisations et des assouplissements de RTT, pour voir si, quand on fait ce que veut M. Novelli, des emplois sont créés.

Pour ma part, il me semble qu’il y a d’autres chantiers à ouvrir avant de toucher au code du travail. Par exemple, il conviendrait que les PME ne soient plus confrontées, en juillet et en août, à des interlocuteurs bancaires qui ne connaissent pas leurs dossiers au point de prendre des décisions risquant de mettre leur existence en péril.

M. Alain Marty - Vous voulez en finir avec les 35 heures dans les banques ?

M. François Brottes - Par ailleurs, les assureurs refusant de prendre en charge certaines activités, il faudrait un système de mutualisation des risques en cas de nouvelle activité, car on ne peut quand même pas demander à quelqu’un qui débute d’avoir de l’expérience…

M. Michel Raison - Si on envisage une réforme de la loi Galland, il faut d’abord en fixer les objectifs : s’il s’agit simplement d’aider la grande distribution à lutter contre ses pertes de marché par rapport au hard discount, ou de faire baisser les prix jusqu’à ce que les consommateurs puissent pratiquement faire leurs courses gratuitement, je n’en vois guère l’intérêt.

Par ailleurs, pour que certaines entreprises ne supportent pas une imposition trop lourde, la taxe professionnelle a déjà fait l’objet d’un plafonnement à hauteur de 3,5 % de la valeur ajoutée, la différence étant prise en charge par l’Etat afin de ne pas pénaliser les collectivités locales. La TP peut néanmoins représenter des montants considérables pour les petites entreprises industrielles. Ne pourrait-on, par conséquent, afin d’écrêter cet impôt pour les entreprises dans lesquelles la part de main d’œuvre est supérieure à la moyenne nationale, prévoir un plafonnement fondé sur la différence entre la valeur ajoutée et la masse salariale, à hauteur de 5 % ? Une telle mesure présenterait en outre l’avantage de servir la lutte contre les délocalisations.

Enfin, notre pays souffrant d’une véritable culture de la complexité, je souhaite – et nous les y aiderons – que les ministres fassent preuve de beaucoup de persévérance dans leur volonté simplificatrice.

M. le Président de la commission des finances - Le Parlement aussi !

M. Michel Raison - Je voudrais également vous poser une question de la part de Jacques Bobe. La très nette hausse des prix qui a suivi la mise en place de l’euro a eu des conséquences dramatiques pour certaines familles. Le Gouvernement a donc signé un accord, le 17 juin, avec la grande distribution et les secteurs de l’agriculture et de l’industrie. Une première baisse a été enregistrée début septembre, qui devrait se poursuivre à compter du 1er janvier. Nous nous en félicitons, mais elle ne règle pas le problème des marges arrière qui pénalisent les petits commerçants, les PME et le monde agricole. Dans le monde rural notamment, les grandes surfaces installées à la sortie des communes créent une concurrence particulièrement rude. Elles ont pu utiliser les rabais imposés par le Gouvernement comme des promotions. Où en sont les mesures de compensation qui avaient été prévues au profit du petit commerce, notamment les places réservées dans les linéaires ? De nouvelles dispositions sont-elles envisagées depuis que la commission d’experts a remis ses conclusions ?

Mme Arlette Grosskost - Les acteurs économiques s’impatientent du retard qu’ont pris certains décrets d’application de la loi d’initiative économique. La nouvelle loi Entreprises nous donnera un second souffle, notamment en ce qui concerne le statut du conjoint, mais elle ne doit pas occulter les problèmes qui demeurent. La fiscalité, par exemple, reste trop lourde. Le cumul de l’impôt sur les sociétés, de la taxe professionnelle et de la taxe foncière freine le développement des PME, et la baisse des charges sociales reste la demande prioritaire des chefs d’entreprise. Il faut également poursuivre la simplification administrative, en étendant par exemple le chèque emploi-service aux très petites entreprises. Par ailleurs, il paraît évident qu’il faut assouplir les 35 heures pour les petites entreprises. Le développement des groupements d’employeurs devrait permettre de promouvoir la mutualisation des emplois. Enfin, il est indispensable de mieux accompagner le montage des projets de création de petites entreprises, qui pourraient bénéficier de mesures incitatives. Cela devrait même devenir un réflexe naturel.

M. François Rochebloine - Je partage beaucoup de ce qui a été dit, notamment sur les 35 heures et sur le FISAC. Je ne crois pas avoir entendu de réponse à la question de Rodolphe Thomas sur la TVA sociale.

Le débat sur l’ouverture dominicale des grandes surfaces, qui donne toujours lieu à des positions tranchées, s’est ravivé ces derniers mois. Je pense qu’il faut agir avec prudence et mesure, car une modification de la réglementation aurait des conséquences importantes sur les conditions de concurrence. L’autorisation d’ouverture renforcerait indéniablement la grande distribution et mettrait en péril le commerce de proximité, dont la situation est déjà très fragile, dans de nombreux quartiers ou villages, tout en nuisant gravement à un certain nombre d’activités, notamment culturelles. Cette revendication semble inspirée par des considérations purement consuméristes et risque de reléguer au second plan les aspirations de nos concitoyens à de meilleurs rythmes de vie et à la qualité de la vie familiale. Il convient cependant sans aucun doute de clarifier la réglementation en vigueur, et notamment le régime des dérogations aux principes du droit au repos dominical. Quelles sont donc les intentions du Gouvernement sur cette délicate question ?

M. Daniel Boisserie - 52 % des dirigeants de l’hôtellerie restauration souhaitent transmettre leur entreprise dans les cinq ans, contre 24 % en moyenne générale. On ne peut pas dire que l’accord d’août 2004 ait rendu ces métiers très attrayants pour les jeunes. Les mesures nouvelles que vous avez évoquées, comme le tutorat des anciens dirigeants de l’entreprise ou des chômeurs proches de la retraite ou l’attribution de bourses me paraissent très vagues. Or, sans perspective claire, il n’y a pas d’incitation efficace. Pouvez-vous être plus précis ?

Le FISAC est extrêmement apprécié, tant par les commerçants et artisans que par les collectivités locales. Or, ses crédits sont insuffisants. De nombreux projets sont en attente, notamment pour l’aménagement des centres-bourgs, et parfois après les appels d’offres ! L’abondement de 29 millions sera-t-il suffisant pour financer les dossiers programmés en 2005 ? Nicolas Sarkozy s’est engagé à créer un pôle de compétitivité porcelaine-céramique à Limoges. Le secteur, surtout à Limoges, est sinistré. De plus en plus d’entreprises déposent le bilan. Même si le pôle ne réglera pas tout, il y a urgence absolue. Quand sera-t-il créé ?

M. Denis Merville - Monsieur le ministre, je vous félicite de votre action à la tête de ce ministère. Dans le contexte actuel, ce sont les PME qui créent le plus d’emplois. Mais des problèmes demeurent. Le premier est bien sûr la lourdeur de la réglementation, surtout sociale et fiscale et, à cet égard, la responsabilité de la direction du travail est indéniable. L’exonération des plus-values de cession jusqu’à 300 000 euros est une excellente mesure, qui évite notamment le rachat des commerces de centres-bourgs par des grands groupes. Il est très regrettable que l’administration fiscale ne l’applique pas. Il faut également avancer sur le problème du statut du conjoint. Quant à la transmission des entreprises, ce sera un problème essentiel pour les dix ans à venir. Il faut absolument améliorer l’initiation à la gestion des repreneurs d’entreprises. Enfin, je rejoins l’avis du rapporteur spécial sur la TACA : son augmentation a des conséquences lourdes, qui peuvent mettre en péril certaines entreprises.

M. le Président de la commission des finances - Il est vrai que la culture franco-française de la complexité crée une situation très problématique, qui est loin de s’améliorer. L’opacité sur la TACA et sur la taxe d’équarrissage pose également problème, sans parler des remboursements liés à l’affaire des farines animales. Sur la loi Galland, je comprends le souci de prudence : les commerces de centre ville pourraient être gravement touchés, sans parler du risque d’OPA sur certaines entreprises. En revanche, des rentes de situation insupportables demeurent. Certaines surfaces moyennes se vendent cinq fois plus cher qu’il y a dix ans, le tout au détriment du consommateur ! Les grandes surfaces bénéficient aussi de rentes de situation, en pouvant imposer leurs produits. Il n’est pas possible de ne rien faire.

M. le Président de la commission des affaires économiques - C’est parce que je veux moi aussi faire œuvre de prudence que je souhaite que la loi qui va être votée ne comporte pas d’effets pervers. Il faut donc se donner le temps de la réflexion. Un délai de trois à quatre mois me paraît raisonnable. Merci, Monsieur le ministre, d’avoir reconnu l’efficacité de la mission d’information créée dans notre commission. Il y a urgence : le président d’un groupe que je préfère ne pas nommer nous a indiqué qu’il n’avait pas renouvelé 1 500 emplois ces derniers mois ! Peut-être la mission pourrait-elle être représentée dans votre propre groupe de travail, ce qui accélèrerait le travail entre l’Assemblée et le Gouvernement ?

M. le Ministre délégué - Monsieur Charié, le dispositif voté en août pour l’exonération fiscale des fonds de commerce et d’artisanat doit évidemment être respecté. Il faudra étudier les dossiers au cas par cas. En ce qui concerne les règles d’appels d’offres, je n’ai pas les éléments pour vous répondre tout de suite. Quant à la loi Galland, défions-nous de toute précipitation. L’objectif n’est pas de baisser les prix en soi, mais d’encourager la consommation. Toutes les mesures qui créent de la dynamique vont dans le bon sens, mais il faut éviter de prendre des dispositions trop hâtives, sans avoir préalablement évalué leur impact sur l’emploi. Quant au contrôle, la loi est claire et devrait être appliquée. Mais il faut prendre en compte les évolutions qui ont eu lieu depuis dix ans. L’important est de maintenir l’emploi et de dynamiser le secteur. Monsieur Ollier, je suis tout à fait d’accord pour que nous fassions ce travail ensemble.

Jacques Bobe a évoqué l’attribution de linéaires aux PME. C’est une bonne proposition, mais nous ne savons pas encore sur quel support juridique nous pourrions la fonder. Le problème est d’arriver à favoriser les PME dans le code du commerce. Je n’ai pas la solution technique aujourd’hui, mais je ne désespère pas. Encore un exemple du fait qu’il nous faut du temps ! M. Novelli a évoqué les allègements de charges sociales. L’application pure et dure des 35 heures aux petites entreprises aurait été catastrophique. Tout l’intérêt du dispositif d’allègement était d’éviter cela, mais il a en même temps créé des distorsions entre les salariés des entreprises de moins de vingt employés et les autres.

Mon collègue Gérard Larcher conduit des négociations à ce sujet. Plus largement, une simplification générale s’impose car la multiplicité des dispositifs d’allègement des charges sociales entretient la confusion au point que, mal connus, ils ne sont pas toujours utilisés par ceux qui pourraient y prétendre.

J’en viens à la question posée par M. Brottes à propos des relations des PME avec les établissements bancaires pour lui dire que nous travaillons avec la Fédération bancaire à l’élaboration d’une charte d’accueil des PME et des TPME. Les mentalités doivent évoluer et chacun doit comprendre que tout projet peut être intéressant, quel que soit le montant du prêt requis. Or, trop souvent encore, il est plus facile d’obtenir de sa banque un rendez-vous pour négocier un prêt de 500 000 € que pour demander 5 000 €.

Je souhaite par ailleurs dynamiser le travail accompli par les chambres consulaires en faveur de la mutualisation du risque ; le futur projet Entreprises comportera des mesures en ce sens.

Je n’ai rien à ajouter aux propos de M. Raison sur le seuil de revente à perte. Quant à la taxe professionnelle, on sait que sa réforme est à l’étude au ministère ; je ne peux donc formuler de propositions précises à ce sujet aujourd’hui.

Mme Grosskost s’est inquiétée du délai de publication des décrets d’application de la loi sur l’initiative économique. Tous ceux qui devaient être soumis à ma signature ont été publiés ; huit restent en attente qui, parce qu’ils portent sur des sujets complexes, doivent être encore discutés soit à la Chancellerie, soit au ministère des affaires sociales.

M. Rochebloine m’a interrogé sur le repos dominical. Je considère le système dérogatoire en vigueur satisfaisant. Peut-être des aménagements sont-ils possibles dans les zones touristiques, mais dans ces zones seulement. Je ne suis pas favorable à la remise en cause du dispositif existant…

M. Jean-Paul Charié - Très bien !

M. le Ministre délégué - …car toutes les propositions en ce sens mésestiment l’impact des dérogations sur le prix des produits vendus, donc sur la consommation.

Selon M. Boisserie, mes projets seraient un peu vagues ; qu’il veuille bien se reporter au site du ministère, il y lira les 40 propositions précises qui y sont formulées ! Elles seront reprises une à une avec les professionnels, les chambres consulaires et l’administration afin que nous puissions en évaluer l’impact sur l’emploi et sur les prix. Ensuite, votre commission sera, bien sûr, la première informée des orientations définitives que nous aurons retenues.

Pour ce qui est du pôle « porcelaine et céramique » de Limoges, je vous invite à vous rapprocher du ministère de l’économie pour obtenir des précisions que je ne suis pas en mesure de vous apporter.

M. Merville s’est dit, comme nombre de ses collègues, irrité par la lourdeur de la réglementation. Je vous ai dit mon sentiment à ce sujet. J’ajoute que, dans ce domaine, les responsabilités sont partagées entre les gouvernements successifs, les administrations, le Parlement et les professionnels, qui ne sont pas les derniers à compliquer les textes qu’ils souhaitent ensuite voir simplifier… Les marges d’amélioration sont immenses mais, déjà, le chèque emploi TPE permettra un progrès considérable. D’autres suivront, issus des quarante propositions dont j’ai déjà fait état. Je ne doute pas de votre appui et, en particulier, du soutien des présidents Méhaignerie et Ollier.

Je confirme que mon collègue Dominique Bussereau travaille à la révision de la TACA et que le premier ministre fera une proposition à ce sujet avant le vote définitif du projet de loi de finances.

Quant à organiser une collaboration entre le groupe de travail que nous allons constituer et la mission d’information de votre commission, cela va de soi.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Monsieur le ministre, je vous remercie.

La séance est levée à 11 heures 50.

Le Directeur du service
des comptes rendus analytiques,

François GEORGE

 

 

 

 

 


 

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