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Session ordinaire de 2004-2005

commission des finances, de l’économie générale et du plan

réunion du mercredi 17 novembre 2004

Projet de loi de finances pour 2005

Audition de M. Marc-Philippe Daubresse, Ministre délégué au logement et à la ville,
sur les crédits de la ville et de la rénovation urbaine

PRÉSIDENCE de M. Pierre MÉHAIGNERIE,
président de la commission des finances,

et de M. Patrick OLLIER,
président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

 

 

La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.


 

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je suis heureux d’accueillir M. Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville, au sein de cette commission élargie, qui se substitue à la séance plénière avec les mêmes conditions de publicité. Je rappelle que la clé du succès de cette formule réside dans le caractère dynamique du débat, que je souhaite le plus vivant possible. La séance plénière qui aura lieu le 19 novembre sera exclusivement consacrée à l’examen d’éventuels amendements, aux explications de vote et au vote des crédits.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Je me félicite de la tenue de cette commission élargie, car la formule est bonne. Je rappelle qu’au terme de l’audition de M. Daubresse, dont je salue la présence, les deux commissions se prononceront, séparément, sur les crédits présentés.

Je me réjouis de l’augmentation considérable du budget de la ville et de la rénovation urbaine, qui s’accroîtra de plus de 22 % en 2005. Les engagements pris en matière de rénovation urbaine seront donc tenus ; chacun s’en félicitera. Par ailleurs, je suis très sensible au fait que 300 millions soient consacrés à la prévention de la délinquance dans le cadre du programme « équité sociale et territoriale ». Tous les maires savent l’importance de telles initiatives pour le rétablissement du lien social.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, suppléant M. François Grosdidier, rapporteur spécial de la même commission pour les crédits de la ville et de la rénovation urbaine - C’est un excellent budget qui nous est présenté. 2005 sera une année charnière : celle de la montée en puissance de la loi de 2003 sur la ville et la rénovation urbaine, et aussi la première année d’application du plan de cohésion sociale. Le budget du ministère délégué est à la hauteur de l’enjeu : il s’élèvera à 422 millions en 2005, en hausse de 23 %. L’augmentation profitera surtout aux dépenses d’investissement, celle, apparente, des moyens de fonctionnement n’étant due qu’à l’application de la LOLF.

A ce sujet, conformément à une suggestion de la commission des finances, les crédits de la ville et du logement seront désormais regroupés au sein d’une seule mission composée de quatre programmes : deux correspondent aux crédits du logement, les deux autres aux crédits de la ville, ceux qui nous intéressent aujourd’hui. Il s’agit du programme « rénovation urbaine », d’une part, du programme « équité sociale et territoriale » d’autre part.

Le programme « rénovation urbaine » sera doté de 226 millions en 2005, la contribution du budget de la ville étant de 128 millions, délégués à l’Agence nationale de rénovation urbaine. Le programme « équité sociale et territoriale » regroupera les autres actions prioritaires de la politique de la ville. Le budget qui nous est soumis y apportera 294,6 millions, les autres crédits correspondants aux compensations d’allégements de charges sociales dans les zones urbaines sensibles.

Cette structuration de la mission « Ville et logement » est satisfaisante, mais il reste à définir les modalités de la déconcentration. C’est à quoi contribueront les expérimentations prévues dans les régions Bretagne, Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes.

S’agissant du programme de rénovation urbaine engagé par la loi de 2003, les crédits de l’Etat sont à la hauteur des promesses. Ainsi, en autorisations de programme, l’ANRU bénéficiera de 192 millions émanant du budget de la ville, qui s’ajouteront aux 223 millions apportés par le budget du logement. En crédits de paiement, l’Agence recevra 74 millions du budget de la ville et 98 millions de celui du logement. De surcroît, la Caisse des dépôts et consignations devrait apporter un soutien supplémentaire – sous forme de prélèvement sur les excédents du FRU – lors de la prochaine loi de finances rectificative. Au total, l’apport de l’Etat à l’Agence sera donc de 465 millions en autorisations de programme et de 273 millions en crédits de paiement. Voilà qui permettra de soutenir le programme de rénovation urbaine ; il a bien démarré, puisque 21 conventions ont déjà été signées, qui représentent un engagement de 833 millions. De plus, 49 projets ont été examinés par le comité d’engagement, pour un coût global de 5,5 milliards. L’ampleur des chiffres atteste du changement de régime de la politique de la ville.

S’agissant de la restauration de l’équité sociale et territoriale, une mesure nouvelle de 62 millions servira à financer le programme de réussite éducative qui figure dans le plan de cohésion sociale et qui devrait mobiliser près de 1,5 milliard d’aide de l’Etat sur cinq ans. Il s’agira de financer, pendant ce quinquennat, 750 équipes de réussite éducative réparties dans 900 zones d’éducation prioritaire, 150 plates-formes de réussite éducative et une trentaine d’internats de réussite éducative.

Les autres moyens proposés pour 2005 s’élèvent à 232 millions, en diminution par rapport à 2004, ce qui s’explique par la suppression des crédits spécifiquement consacrés au soutien des villes en grande difficulté. Ceux-ci, en effet, ne se justifient plus depuis la réforme de la DSU, qui se traduira par l’affectation aux communes concernées de 120 millions supplémentaires en 2005 et autant chaque année suivante jusqu’en 2009. Cette réforme aura un impact certain sur le budget de certaines communes, dont la dotation augmentera considérablement. D’ailleurs, l’appréciation des crédits de la ville et de la rénovation urbaine ne peut se faire qu’en tenant compte de la réforme de la DSU mais aussi de l’allégement des cotisations sociales en faveur des nouvelles zones franches urbaines et aussi de la réforme du prêt à taux zéro, qui améliorera la rotation dans le parc locatif social.

Les crédits alloués aux trois régions qui expérimentent la LOLF sont intégrés dans le budget de la ville ; ce réajustement fait, les opérations « ville, vie, vacances » conserveront des crédits stables, de même que le dispositif « adultes relais ». En revanche, la ligne consacrée aux actions partenariales sera de trois millions, en baisse d’un million.

Le fonds d’intervention pour la ville recevra 109 millions en crédits d’intervention et 44 millions en investissement. La baisse des crédits d’investissement est logique, puisque de nombreuses opérations seront intégrées dans le nouveau programme de rénovation urbaine, en augmentation de 125 %. Quant à la baisse des crédits d’intervention, elle sera compensée par le nouveau programme de réussite éducative.

En conclusion, le budget de la ville et de la rénovation urbaine apparaît donc tout à fait crédible, et bien adapté aux priorités définies.

M. Philippe Pemezec, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Le budget consacré à la politique de la ville en 2005 illustre l’engagement fort pris par le Gouvernement en faveur de la cohésion et de la mixité sociales. Conjuguant rénovation urbaine, cohésion sociale et mixité, il connaît en effet une augmentation de 22,7 %, s’établissant à plus de 420 millions. Cette hausse doit être saluée, d’autant qu’elle se produit dans un contexte très contraint, la France s’étant engagée à réduire fortement son déficit budgétaire en 2005. Elle signifie que le Gouvernement tient la politique de la ville et de la rénovation urbaine comme l’une des priorités de son action.

L’enjeu est de restructurer les quartiers dans lequel le bâti est le plus dégradé. Le programme de rénovation urbaine prévoit en conséquence la démolition et la reconstruction de 200 000 logements et la réhabilitation de 200 000 autres logements dans les quartiers prioritaires d’ici à 2008. L’Agence nationale pour la rénovation urbaine jouera un rôle clé, puisque 30 % des crédits du budget de la politique de la ville, soit 128 millions en crédits de paiement, seront consacrés à l’amélioration du cadre de vie.

Par ailleurs, ce budget finance un programme visant à restaurer l’équité sociale et territoriale par la prévention de la délinquance, le rétablissement du lien social, la mise en œuvre de l’opération « Ville, vie vacances » et la requalification urbaine : 70 % des crédits, soit 296 millions, sont consacrés à ce programme, dont 233 en faveur de l’équité territoriale proprement dite et 62 millions en faveur de la réussite éducative, dans le cadre du projet de cohésion sociale.

Le projet de loi de finances comporte en outre des mesures visant à relancer l’accession sociale à la propriété, à travers la réforme du prêt à taux zéro. Cette réforme aura pour effets d’augmenter le nombre des ménages aidés, de favoriser les familles par des bonifications, d’étendre le champ d’application à l’ancien et de transformer le mode de financement, le prêt prenant désormais la forme d’un crédit d’impôt.

Je salue ces aménagements positifs, mais je souhaite des éclaircissements sur un certain nombre de points, Monsieur le ministre délégué. Le projet de cohésion sociale contient-il une mesure incitant les organismes HLM à vendre des logements sociaux, afin d’encourager l’accession sociale à la propriété ? Pourriez-vous nous indiquer les perspectives d’évolution après 2006 des aides structurelles communautaires ? Pourriez-vous nous donner des précisions quant à l’application en zone urbaine sensible de la délégation de compétences en matière d’aide à la pierre, prévue dans la loi sur les responsabilités locales et confirmée à l’article 42 du projet de cohésion sociale ?

Ce budget devrait permettre d’atténuer les effets les plus préoccupants de la crise qui affecte les quartiers en difficulté. Je vous invite donc à approuver son adoption.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - J’ai eu peur que nous ne parlions pas du même budget. Si on analyse les chiffres, les éléments qui composent ce budget représentaient 344 millions l’année dernière : le total n’est plus que de 321,8 millions cette année. Ce n’est que grâce au programme de réussite éducative et à l’expérimentation de la LOLF que le montant affiché atteint 422 millions d’euros. Si on considère l’ensemble de ce qui fait la politique de la ville, qui ne se limite pas au bâti mais inclut l’accompagnement social, l’effort de l’Etat diminue. Les crédits de fonctionnement de la Délégation interministérielle à la ville sont de 5,5 millions, contre 6,6 en 2003. Aux services publics, à l’animation, à la formation, vous ne consacrez que 3 millions : c’est moitié moins qu’en 2003. Les maires, qui sont aujourd’hui en congrès, connaissent l’utilité du fonds d’intervention pour la ville. Ses crédits, qui s’élevaient à 145,8 millions en 2003, sont tombés à 83,1 millions cette année.

Ce budget traduit le choix qui est le vôtre : vous avez axé toute la politique de la ville sur le renouvellement urbain. Ce choix, nous le contestons.

Selon le rapporteur général, les crédits consacrés au dispositif des adultes relais seraient en progression. Or, j’ai l’impression qu’ils baissent de 10 millions. Quant au financement de l’opération « Ville, vie, vacances », augmenté l’année dernière, il diminue de 2,3 millions. Or ce dispositif sert à occuper les enfants pendant les vacances scolaires.

En matière de renouvellement urbain, combien de conventions ont-elles été approuvées par le conseil d’administration de l’ANRU ? Qu’est-ce que cela représente financièrement et en termes de « population ZUS » ? Je souhaite par ailleurs savoir quelle est la position du Gouvernement sur sa participation à l’ANRU. Vous prévoyez 415 millions en autorisations de programme. Or, je me souviens que nous avions voté 465 millions.

Le comité interministériel pour la ville semble fossilisé. Quand va-t-il enfin se réunir à nouveau ?

Comment expliquez-vous les baisses de crédits affectant le fonds d’intervention pour la ville, l’opération « Ville, vie, vacances » et le dispositif des adultes relais ?

Enfin, combien d’associations vont-elles pouvoir bénéficier des exonérations de cotisations patronales accordées en ZFU et en ZRU ? J’ai peur qu’il y en ait très peu.

M. Jean-Claude Mignon - Nous examinons un budget important pour nos concitoyens les plus en difficulté, dont la situation appelle un effort particulier de l’Etat. Cet effort est réel, comme en témoigne votre budget qui s’élève à 423 millions et augmente de 22,7 %. Il faut le souligner, malgré ce que nous venons d’entendre, cette hausse intervenant dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques.

Toutes administrations confondues, les crédits consacrés à la ville et au développement urbain, atteignent 6 milliards d’euros. Au nom du groupe UMP, je ne peux que m’en féliciter.

Au budget que vous nous présentez aujourd’hui, il convient d’ajouter les 62 millions prévus pour financer en partie le projet de cohésion sociale et les 31,5 millions affectés à l’ANRU.

Il faut encore mentionner les 120 millions dont vont bénéficier les 120 villes ayant les charges urbaines les plus importantes, à partir d’un prélèvement sur recettes au sein de l’enveloppe globale de la DGF, conformément à la réforme de la dotation de solidarité urbaine. Il ne s’agit pas d’un effort de l’Etat, mais des collectivités territoriales les plus riches envers les plus pauvres. Cet effort de solidarité mérite d’être salué.

Au sein de votre budget, 2 % des crédits vont au fonctionnement, 57 % aux interventions et 41 % aux investissements. Il s’agit donc plus d’un budget d’action que d’un budget de gestion. Le groupe UMP ne peut qu’approuver ce choix.

Ce budget vient soutenir un ambitieux programme prévoyant la démolition et la reconstruction de 200 000 logements, ainsi que la réhabilitation de 200 000 autres, jusqu’en 2008. Au-delà des crédits budgétaires, signalons aussi les exonérations de taxe professionnelle, d’impôts sur les bénéfices, de cotisations sociales, qui stimulent l’activité dans les 44 zones franches urbaines créées en 1997 et les 41 nouvelles ZFU créées au 1er janvier 2004. L’effet de ce dispositif est réel : entre 1999 et 2002, le parc d’établissements s’est accru de 40 % et 56 % des établissements installés en ZFU ont au moins un salarié.

Ce budget doit permettre de restaurer l’équité dans les quartiers en difficulté, dont la situation est préoccupante. Les chiffres de l’Observatoire des zones urbaines sensibles, publiés en septembre par la délégation interministérielle à la ville, sont révélateurs. Tout en partageant votre préoccupation constante de valoriser le dynamisme et l’inventivité de ces quartiers, il n’en reste pas moins vrai qu’on trouve, dans les 751 ZUS, 27 % de ménages pauvres, 20 % de chômeurs et 17 % de jeunes sans qualification. Ces quartiers sont aussi marqués par le sentiment d’insécurité qui persiste, malgré la politique courageuse du Gouvernement : 52 % des ménages se sont déclarés victimes de dégradations et de vandalisme, ce chiffre étant sans doute en deçà de la réalité, car je sais la peur qui règne dans certains quartiers et qui mure dans le silence de nombreuses victimes, voire certaines administrations.

Votre budget renforce l’ANRU, à laquelle vous allouez 173 millions de crédits de paiement, dont 74,5 iront à la section « Ville et rénovation urbaine ». Déjà, 60 projets ont reçu un avis favorable et 42 conventions pluriannuelles sont prêtes à être signées. Cela se traduira par 20 000 constructions de logements sociaux, 53 000 réhabilitations, 24 000 démolitions et de nombreuses opérations qui vont radicalement transformer le cadre de vie des habitants. Par ailleurs, l’article 44 du projet de cohésion sociale va modifier le régime des aides de l’ANRU, laquelle pourra accorder des majorations de subvention ou modifier l’assiette de calcul des aides. Ce sont là des mesures pragmatiques dont l’élu de terrain que je suis ne peut que se réjouir.

Je l’ai dit, 62 millions sont affectés au financement d’une partie du plan de cohésion sociale. Il s’agit de soutenir les future équipes de réussite éducative. Ainsi, 50 millions iront au programme 15 en faveur des enfants en situation de fragilité, et 12 millions au programme 16 qui vise à accompagner les collégiens en difficulté et à rénover l’éducation prioritaire.

En outre, 233 millions sont affectés aux actions de prévention de la délinquance, qu’il s’agisse de la médiation sociale, de la justice de proximité, ou de l’aide aux victimes. Vous contribuez à rétablir le lien social en finançant des emplois d’adultes relais. Par ailleurs, 10 millions sont affectés à l’opération « Ville, vie, vacances », 44 millions aux opérations de requalification urbaine inscrites dans les grands projets de ville, et 50 millions aux associations.

La force de ce budget, c’est qu’il rompt avec l’approche cloisonnée qui prévalait jusqu’alors. Vous menez une politique de la ville essentiellement partenariale, associant les collectivités locales et le tissu associatif, une politique fondée non sur la contrainte, mais sur le contrat. Votre ministère se dote d’outils de mesure : compte tenu des enjeux financiers, il ne me semble pas anormal de mesurer l’efficacité de la politique de la ville.

Par ce budget, vous réaffirmez le rôle central de l’Etat. Le groupe UMP approuve ce budget et le votera.

M. François Grosdidier, rapporteur spécial de la commission des finances - Je souhaite interroger le Gouvernement sur l’état d’avancement du programme de rénovation urbaine et sur les besoins de financement pour 2005, 2006 et 2007.

Par ailleurs, l’article 6 de la loi de 2003 donne accès aux financements de l’ANRU à l’ensemble des quartiers analogues aux ZUS. L’effet de cette mesure est-il marginal ou massif ?

Le programme de réussite éducative est un élément capital du plan de cohésion sociale. L’Etat y consacre des moyens importants, mais j’aimerais savoir quels autres financements seront mobilisés et selon quels partenariats.

Par ailleurs, la diminution des crédits de fonctionnement n’est qu’optique car elle tient simplement à la mise en œuvre de la loi organique, à l’expérimentation en cours en Nord-Pas-de-Calais, Ile-de-France et Bretagne et à la globalisation des crédits FID et adultes-relais. En attendant la généralisation de cette expérience, les objectifs et les indicateurs de performance seront-ils disponibles pour la loi de finances 2006 ?

J’aimerais également savoir si le futur plafond d’autorisation d’emplois a été arrêté et comment seront pris en compte les agents, très nombreux, de l’équipement mais aussi de l’intérieur.

Dispose-t-on aujourd’hui des éléments d’évaluation pour les 41 nouvelles zones franches urbaines ? L’Observatoire des zones urbaines sensibles est-il opérationnel ? Quand paraîtra le rapport prévu par la loi ?

Enfin, envisagez-vous, Monsieur le ministre, de proposer aux acteurs de tous les contrats de ville une grille de critères d’évaluation qui leur serait fort utile, en particulier en matière d’animation, où le meilleur côtoie le pire, comme l’a montré le rapport de la Cour des comptes ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville - Parmi tous les sujets que je souhaite aborder, l’Observatoire national des zones urbaines sensibles est sans doute le plus important. Le premier rapport que nous avons préparé avec la Délégation interministérielle à la ville comporte une masse d’informations dans lesquelles il faudra trouver un fil conducteur, mais nous avons préféré livrer cette première photographie pour engager la concertation avec les différents partenaires et avec les associations d’élus locaux. Je rappelle en outre que ce rapport a été explicitement prévu par la loi du 1er août 2003. Je puis donc vous livrer les grandes tendances de ce document préparé par Mme Malgorne, préfète de la Région Bretagne et Présidente du Conseil d’orientation de l’Observatoire installé le 25 octobre 2003.

Les 751 ZUS comptent 4,7 millions d’habitants. Leur taille va de 330 à plus de 50 000 habitants. Les quatre grandes régions – Ile-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Nord-Pas-de-Calais – représentent la moitié du total, ce qui explique que deux d’entre elles aient été choisies pour l’expérimentation de la LOLF. Bien évidemment, les crédits ainsi déconcentrés pour expérimenter la fongibilité de la ligne n’apparaissent plus dans le Fonds d’intervention pour la ville. Le rapport montre aussi un déclin démographique dans ces zones ainsi qu’une diminution du nombre des étrangers qui y résident, même si leur poids demeure plus important que dans le reste du pays.

Ces zones abritent 6,4 % du nombre total de logements en France métropolitaine. Le parc de logements sociaux y est particulièrement important, avec une prédominance de trois/quatre pièces. Les deux tiers de ces logements ont été construits entre 1949 et 1974, il importe donc de réfléchir à la métamorphose de ces quartiers, par la démolition-reconstruction, comme par la réhabilitation.

On y compte trois fois plus de ménages pauvres que dans le reste de l’espace urbain et on y observe une concentration de la pauvreté ainsi que du nombre de ménages dont la personne de référence est étrangère.

Même si l’activité économique n’y est pas très soutenue, on peut aujourd’hui parler d’un réel dynamisme, puisque le nombre d’établissements économiques a crû ces dernières années de 10,5 % contre 6 % pour le reste du territoire. Cette croissance a même été six fois supérieure dans les zones franches urbaines.

Les ZUS sont mieux dotées que les territoires équivalents en équipements publics, mais moins en services de proximité et en commerces. La vie sociale y est plus réduite et on trouve malheureusement en tête des loisirs la télévision. Le déficit en matière de lecture est très important, on en voit les effets dans l’échec scolaire.

Le bruit et l’insécurité sont les principaux facteurs de la mauvaise qualité de vie.

Les enjeux de scolarité sont majeurs. Ainsi, le taux de bacheliers est passé de 12,5 % à 24,6 %, tandis qu’il progressait de 18,8 % à 36,8 % en moyenne nationale. Le retard scolaire est significatif dès le CE2 et 39 % des élèves sont en retard en sixième contre 29 % dans le reste du pays. L’écart des taux de réussite au brevet est de 10 %.

La santé est sans doute la principal lacune de ce rapport. Nous avons eu du mal à recueillir des informations pertinentes et la médecine scolaire fait surtout apparaître un taux d’obésité plus important et une absence d’hygiène bucco-dentaire. Il faudra aller beaucoup plus loin dans ce domaine.

Le chômage frappe 20 % des actifs et il est particulièrement élevé chez les jeunes adultes puisqu’en 2003 un tiers des 20-29 ans n’étaient plus en formation et n’avaient pas d’emploi.

M. Borloo a souligné l’importance de cet Observatoire pour mesurer les impacts de la politique de la ville. Car les ZUS n’ont pas vocation à le rester à perpétuité ; il faut tout faire pour que les choses changent ! Nous n’avons donc, Monsieur Le Bouillonnec, absolument pas l’intention de fossiliser cette politique, d’ajouter une couche à ce qui existe déjà, de mener sans cesse les mêmes actions : nous sommes engagés dans une refondation complète de cette politique. Lorsque j’étais moi-même rapporteur de ce budget, je ne faisais pas de procès d’intention au ministre de l’époque, M. Bartolone, j’essayais de mener une réflexion d’ensemble.

Aujourd’hui, la philosophie de M. Borloo, à laquelle j’adhère pleinement, est de concentrer l’action sur les quartiers les plus en difficulté et d’appuyer sur les leviers qui permettent vraiment d’agir contre la fracture sociale. Le premier de ces leviers est le dispositif des zones franches urbaines, qui est un vrai succès. Le deuxième est éducatif, avec les équipes de réussite éducative auxquelles nous consacrons 62 millions et qui seront dotées, à la fin des cinq années de la loi de programmation, de plus de 400 millions. Le troisième levier est l’action en faveur des communes en grande difficulté – qui cumulent faible potentiel fiscal et charges sociales considérables – grâce à la réforme de la dotation de solidarité urbaine. Le quatrième est la métamorphose des quartiers via l’Agence de rénovation urbaine.

Vous le voyez, nous travaillons sur le hard comme sur le soft, sans négliger les dispositifs antérieurs – adultes-relais, villes-vie-vacances, actions en faveur des associations – qui s’inscrivent dans cette nouvelle politique. Celle-ci est un tout et on ne peut l’apprécier à partir des seuls éléments budgétaires : il faut aussi prendre en considération la nouvelle DSU, les équipes de réussite éducative, l’ANRU, les ZFU. Il manque, je l’ai dit, un outil de santé et nous envisageons, avec Philippe Douste-Blazy, d’intégrer des actions de prévention dans la réflexion sur les équipes de réussite éducative.

Si 20 millions d’aides aux communes en difficulté disparaissent, elles disposeront de 120 millions de plus avec la réforme de la DSU, qui aura un effet multiplicateur très important. Ainsi, une ville comme Roubaix aura vu sa dotation progresser de 450 % ! Vous serez amenés à débattre de cette réforme dans le cadre de la loi de programmation financière. Nous avons déjà eu au Sénat une discussion très riche, qui avait été préparée par l’important travail du Comité des finances locales, auquel avaient participé notamment MM. Carrez et Fourcade, mais aussi MM. Migaud et Bockel. Notre volonté est de garantir et de pérenniser la DSU, car les maires en avaient assez de ne pas savoir où ils allaient. Cette réforme s’étalera sur cinq ans, 674 millions étant dégagés cette année. Les communes verront ainsi leur dotation progresser de 5 % la première année, de 10 % la deuxième, de 16 % la troisième, de 22 % la quatrième et de 29 % la cinquième. De la sorte, votre commune de Cachan, Monsieur Le Bouillonnec, disposera de 140 000 euros de plus en 2009. En outre, une clause a été prévue pour garantir un équilibre si la croissance de la dotation n’était pas conforme aux prévisions.

Pour analyser l’effort global qui sera accompli l’an prochain, il faut s’intéresser à la fois à la DSU, mais aussi aux augmentations de la dotation forfaitaire et de la dotation d’intercommunalité, sans oublier la dotation de solidarité rurale, qui progressera de 20 %. A périmètre constant, on peut donc considérer que le budget de la ville augmente de 30 % et même de 50 % si on tient compte de la nouvelle DSU.

Il faut aussi mettre en regard de la légère diminution des moyens du Fonds d’intervention pour la ville, l’inscription d’une enveloppe de 62 millions en faveur des équipes de réussite éducative.

Pour ce qui est de l’ANRU, nous lui consacrons des sommes considérables, puisque plus de 7 milliards seront mobilisés cette année, dont un tiers en provenance de l’Etat. Celui-ci tient ses engagements, mais on a fonctionné jusqu’ici à guichets ouverts. Désormais il faudra fixer des priorités et examiner les projets en détails. Une opération urbaine doit porter sur la reconstruction et la réhabilitation de logements, et non servir à financer des équipements publics ou la voirie. Grâce au conseil d’administration transparent que nous avons mis en place et où siègent des représentants de toutes les tendances et de tous les financeurs, ainsi qu’au comité de vigilance indépendant, où siègent par exemple Yazid Zabeg et Fadela Amara, nous avons toutes garanties à ce sujet.

L’ANRU est dotée de 415 millions de crédits sur les deux budgets de la Ville et du Logement et de 465 millions au total avec les 50 millions provenant du fonds de rénovation urbaine.

J’en viens aux questions posées par les rapporteurs et M. Mignon. Va-t-on vers la vente de logements HLM ? La question relève plutôt de la politique du logement. J’y ai travaillé avec la volonté d’améliorer les ventes de HLM. Mais comme le dit M. Ollier, il faut essayer de mener une politique globale et cohérente d’accession sociale à la propriété qui ne concerne pas que le locatif social. S’agissant de la location accession, nous avons arrêté en juin un dispositif fiscal consensuel et le dispositif juridique figure dans la loi de programmation financière de la cohésion sociale. Les dispositions concernant les ventes de HLM seront dans la loi relative à l’habitat pour tous que je présenterai au Gouvernement au début de l’année prochaine et au Parlement au cours du premier semestre 2005. Enfin, le prêt à taux zéro réformé est un outil majeur et apporte un avantage réel aux ménages dont les revenus sont inférieurs à 2,3 SMIC. En structurant une grande politique d’accession sociale à la propriété, nous contribuerons aussi à atténuer la crise du logement puisque les accédants libéreront du locatif.

Sur le plan européen, sur les 15 milliards de crédits affectés au FSE pour la période 2000-2006, 1,54 milliard ira à la politique de la Ville, ce qui aura un effet de levier pour un montant d’environ 4,5 milliards. Parmi les programmes les plus intéressants, le programme URBAN 2, auquel sont affectés 105 millions, concerne le développement urbain durable dans neuf quartiers comprenant des GPV et des ORU. Nous demanderons à la DATAR de décider de l’usage de ces fonds européens pour la politique de la ville. Faut-il se contenter d’un ciblage local ou élaborer un programme national de développement urbain ? La loi d’août 2003 visait à mutualiser les moyens pour obtenir un effet de levier sans pour autant mettre en cause la déconcentration des crédits, puisque 95 % des moyens affectés à la politique de la Ville sont déconcentrés. Pour ma part, j’ai tendance à faire confiance aux élus locaux. En ce qui concerne les ZUS, la définition donnée dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales ne vise pas les crédits des ZUS gérés par l’ANRU, mais l’article 42 du projet de loi de cohésion sociale qui organise les conventions de délégation de compétences indique qu’il faut tenir compte des actions dans les ZUS qui relèvent de la cohésion sociale. Sur ce sujet un peu complexe, je transmettrai début 2005 un petit guide aux préfets et aux élus s’ils le veulent.

Pour répondre à M. Grosdidier, j’ai demandé qu’au projet de loi de finances rectificative on abonde les crédits de l’ANRU de 100 millions imputés sur le reliquat du fonds de renouvellement urbain de la Caisse des dépôts fin 2003.

Je ne peux faire qu’un état provisoire de l’avancement des projets de l’ANRU puisque le comité d’engagement en évalue sans cesse de nouveaux. 60 projets ont été validés dont 14 ont reçu l’avis favorable du conseil d’administration. Ils concernent 83 quartiers dont 47 des 162 quartiers prioritaires, pour un coût de travaux global de 6,7 milliards dont 2 milliards de subventions de l’ANRU. Ils prévoient 26 000 constructions, 29 000 destructions et 68 000 réhabilitations – ce dernier chiffre est plus élevé que prévu, suite à la concertation avec les maires. Nous avons toujours affirmé le principe d’une construction pour une démolition, mais en tenant compte des logements vacants, il suffit en fait de 0,8 construction pour retrouver le nombre de logements occupés précédemment. Les crédits iront pour 74 % au logement, 13 % à l’aménagement d’espaces publics, 11 % aux équipements et 1 % à l’ingénierie. Les principaux financeurs sont pour 30 % les communes, 8 % les OPCI, 5 % les départements, 4 % les régions, 5 % les bailleurs, 4 % les fonds européens et 2 % d’autres sources.

S’agissant des besoins de financement, avec la mobilisation du reliquat du FRU, 515 millions sont assurés pour 2004. 465 millions sont inscrits au projet de loi de finances pour 2005 et cette même somme est garantie pour 2006. Nous avons obtenu du Premier ministre l’assurance qu’il n’y aurait aucun gel de crédits pour la politique de la Ville, la politique du Logement, et l’ANRU. Les crédits de paiement pour 2004 et 2005 suffisent donc à assurer la montée en puissance des opérations. J’ai demandé au Sénat de prolonger l’ANRU de trois ans, sur la période 2008-2011, ce qui permettra de faire face à toutes les demandes, d’ajuster ici ou là les périmètres des ZUS, de réfléchir à des actions dans l’habitat ancien et à des actions spécifiques pour l’habitat minier – sur ce point j’ai accepté au Sénat un amendement concernant l’EPINORPA. Avec non plus 30 milliards, mais 40 milliards sur huit ans, nous pourrons opérer une véritable programmation. On nous a demandé 80 dérogations au titre de l’article 6 pour des sites hors ZUS, mais appartenant à des GPV ou des ORU. A saupoudrer les crédits, on dilue les priorités. Cependant il faut essayer de tenir compte de paramètres objectifs. C’est pourquoi j’ai demandé à la DIV d’établir des indices équivalents ZUS. Sur cette base nous avons fait un classement qui a permis de retenir trente opérations par dérogation.

Avec les équipes de réussite éducative, nous voulons mobiliser l’ensemble de la communauté éducative autour des enfants de deux à seize ans. On s’aperçoit en effet chaque jour un peu plus que les problèmes de violence, de délinquance, de santé, d’échec scolaire se jouent très tôt. C’est pourquoi, M. Borloo a souhaité que ces équipes s’occupent de la petite enfance le mercredi et hors du temps scolaire, suivies par des plates-formes de réussite éducative au collège et enfin par des internats d’excellence qui assureront une véritable mixité sociale. Si, il y a une génération, on trouvait plus de fils d’ouvriers qu’aujourd’hui dans les classes préparatoires, c’est en partie grâce aux internats. C’est en supprimant ce genre de handicaps et en proposant les bonnes filières que les élèves doués et combatifs réussiront. Les équipes de réussite éducative seront décentralisées et s’appuieront sur les CAF, les conseils généraux, les maires ; nous mobiliserons les outils existants, contrats temps libre et contrats éducatifs locaux, et nous ne nous priverons pas des concours financiers déjà en place. Chaque équipe de réussite éducative disposera d’environ 500 000 euros. Pour ce qui est de leur fondement juridique, nous préférons conserver la souplesse. Elles peuvent dépendre de la caisse des écoles ou d’un établissement public local. Mais comme l’ont suggéré le Conseil national de l’éducation et le Conseil économique et social, nous proposerons sans doute des établissements publics de coopération éducative dirigés par les maires dans un souci de proximité, sur le modèle des établissements publics de coopération culturelle.

Les zones franches urbaines, créées il y a quelques années puis abandonnées par la majorité précédente, ont été reprises à la satisfaction de tous les maires de droite ou de gauche. La première évaluation des 41 nouvelles ZFU est très positive. En 2004, ces zones regroupent 1,438 million d’habitants et plus de 30 % des 751 quartiers de ZUS sont en ZFU. Désormais, on y crée des emplois, soit par développement des entreprises existantes, soit par transfert. En cinq ans, de 1997 à 2001 le nombre d’entreprises en ZFU a doublé, passant de 11 000 à 21 000 et le nombre d’emplois salariés qui était de 25 000 s’est accru de 45 000 postes, soit un triplement. Le mouvement s’est poursuivi en 2004. Fin 2003, il y avait dans les ZFU 24 000 entreprises en exercice dont 11 000 employant des salariés et un total de 81 000 salariés dont 59 000 ouvrant droit à exonération de charges. En ce qui concerne le monde associatif, nous avons demandé à la DIV de mener une étude. Nous y reviendrons lorsqu’elle sera achevée.

Nous disposons ainsi au total de 6,4 milliards dont notamment 434 millions de crédits spécifiques de la Ville, 2,184 milliards de crédits des autres ministères, 586 millions pour la DSU, 792 millions d’exonérations fiscales, 221 millions de fonds européens, 123 millions en provenance de la Caisse des dépôts et 400 millions de la CAF ainsi que plus d’un milliard des collectivités locales. Nous sommes en état de mener une vraie politique.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Le président Méhaignerie étant obligé de nous quitter, je devrais désormais assumer seul la présidence.

Monsieur le ministre délégué, vous avez abordé un sujet qui nous tient particulièrement à cœur : la « lisibilité » des dispositifs. Pour la commission des affaires économiques, c’est une absolue nécessité, en particulier pour ce qui concerne l’accession sociale à la propriété. En effet, alors que 82 ou 84 % des Espagnols sont propriétaires de leur logement et qu’en Grande-Bretagne ce taux tourne autour de 70 %, la proportion n’est que de 54 % en France. Des procédures plus simples permettraient d’améliorer la situation et c’est dans cet esprit que je présenterai un certain nombre d’amendements vendredi. Mais je ne doute pas que nous nous rencontrions sur ce point…

M. Pierre Cohen - Que la DSU augmente, c’est sans aucun doute une bonne chose mais vous ne pouvez prétendre, Monsieur le ministre délégué, que la totalité de cette enveloppe supplémentaire ira à la politique de la ville. Beaucoup de villes sont en effet financièrement asphyxiées et il faudra bien qu’elles aient les moyens d’équilibrer leur budget.

Ce n’est pas ici que vous trouverez des adversaires de la politique de la ville. Cependant il me paraît important que nous puissions nous montrer critiques et notre devoir est d’imposer une discussion franche, par exemple à propos du sort fait aux associations depuis trois ans. Nous relevons aussi que les 38 millions consacrés aux expérimentations dans le cadre de la LOLF sont loin de compenser ne serait-ce que la diminution de la ligne allouée au FIV. Vous ne nous avez donc pas convaincus sur ce point. Surtout, vous nous semblez répéter dans vos budgets une erreur qui était déjà celle de la loi : vous privilégiez le « hard », le renouvellement urbain, comme si c’était la seule réponse aux difficultés des villes.

S’agissant des équipes de réussite éducative, je dirai que je suis pour ma part partisan de la démarche de « veille éducative », qui a démontré son efficacité et sa capacité à mobiliser les bonnes volontés. Même si ce dispositif est compliqué, il permet de faire travailler ensemble éducation nationale, services sociaux et communes. Vous proposez d’affecter 62 millions d’euros aux nouvelles équipes de réussite éducative, soit 500 000 euros par équipe, mais à quel niveau se fera l’affectation ? Vous avez avancé plusieurs suggestions mais je rappelle que les caisses des écoles n’existent plus guère et je relève que les GIP se situent au niveau du contrat de ville. Quant à d’éventuels établissements publics à caractère éducatif, il faudra trois ou quatre ans pour les mettre en place. Des précisions s’imposeraient par conséquent sur ce point, comme sur les besoins auxquels vous entendez répondre et sur les compétences qui seront reconnues aux divers membres de ces équipes.

M. François Brottes - Je constate que la loi de cohésion sociale ne se bornera pas à modifier les règles de licenciement : elle apportera aussi du nouveau en ce qui concerne la DSU. Mais il y aura tout de même la modification des règles de licenciement…

D’autre part, il semble que vous vouliez obliger les organismes HLM des départements ruraux à cotiser à l’ANRU. Pourtant, les campagnes n’ont rien à attendre de cette agence. Vont-elles devoir payer pour les villes ? Cela n’irait pas dans le sens de la péréquation telle que le Premier ministre vient de la définir devant le congrès des maires !

M. Yves Nicolin - Au vu du rapport de l’observatoire national des ZUS, il est clair que les politiques menées depuis vingt ans n’ont pas répondu aux attentes. Il est donc bon que le Gouvernement définisse aujourd’hui des axes clairs et qu’il privilégie l’investissement en réduisant les dépenses de fonctionnement à la portion congrue. Ce n’est pas en saupoudrant qu’on remplira le tonneau des Danaïdes !

Je me félicite également de la prolongation du dispositif ANRU. Il est essentiel d’avoir des dossiers parfaitement montés si l’on veut de réelles modifications dans les quartiers. Mais il faudra aussi une évaluation précise des résultats pour vérifier que nous sommes sur la bonne voie.

Mme Odile Saugues - Je ne relèverai qu’un chiffre dans le rapport de l’observatoire national : dans les ZUS, on compte trois fois plus de pauvres que dans le reste de l’espace urbain. Et il s’agit de vrais pauvres, Monsieur le ministre délégué. L’une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés à cet égard tient au poids des charges dans le logement social : elles représentent 30 % du montant du loyer, contre 18 % dans le secteur privé. Le forfait charges ne suffit visiblement pas à solvabiliser les locataires et malgré tous les propos tenus lors des congrès du mouvement HLM, rien n’a vraiment changé. Les pauvres continuent à ne pouvoir faire face aux factures de chauffage, en augmentation constante, cependant que la loi « ascenseurs » n’a été accompagnée d’aucune réforme du financement. Avant que vous ne preniez ma succession, Monsieur le ministre délégué, j’avais entrepris de mutualiser les moyens du CIV et du CENH. Pour votre part, vous parlez de pousser les feux pour ce qui est du CIV. Je ne saurais trop vous inciter à tirer tout le parti possible de ces outils, en effet, et je vous invite à prendre en compte les demandes du CENH.

M. Jean-Claude Mignon - Il ne faut pas opposer les villes et la campagne, monsieur Brottes. La plupart des villes se sont dotées d’équipements structurants au bénéfice de tout le territoire alentour et cela leur coûte très cher. Il est donc normal que tout le monde mette la main à la poche. Il faut également se réjouir de la priorité donnée aux projets de rénovation urbaine : cela permettra de régler bien d’autres problèmes. Cependant, il convient de régler la question du périmètre à retenir pour les reconstructions : sera-ce celui des communautés d’agglomérations lorsqu’elles existent ? Celui du département ? Ne pourrait-on faire appel aux villes nouvelles qui bénéficient de privilèges budgétaires importants ? Les compétences obligatoires ne devraient pas être négligées au profit des compétences facultatives…

Mme Nathalie Gautier - S’il semble n’y avoir pour l’instant aucun problème majeur pour le montage financier des dossiers de rénovation urbaine, il n’en est pas de même pour le financement du logement social hors ANRU. Là, les réhabilitations et les constructions neuves sont d’autant plus difficiles qu’il faut composer avec les surcoûts fonciers. Vous avez évoqué la possibilité d’accorder un certain nombre de dérogations pour les démolitions hors ZUS, mais je note que, sur 210 à 230 demandes, 30 seulement auraient été prises en compte. J’espère qu’on pourra faire davantage même si j’admets la nécessité d’éviter le saupoudrage. En effet, dans l’agglomération lyonnaise qui concentre 5 % des crédits de la politique de la ville, il est essentiel qu’on règle le problème du quartier de Norenchal, à Fontaines-sur-Saône, afin d’avoir une répartition plus équilibrée des logements sociaux.

Par ailleurs je regrette la réduction des crédits du FACIL et leur réorientation en faveur des seuls primo-arrivants. Tout cela risque d’être au détriment des populations déjà en place.

M. Jean-Louis Dumont - Les acteurs du logement social sont fortement mobilisés. Les opérations de l’ANRU concernent une population en grandes difficultés. Or elles commencent toujours par un déménagement

J’appelle l’attention du ministère sur les conséquences qui pourraient résulter du défaut d’accompagnement social des populations ainsi transplantées. A cet égard, quelle place sera faite aux associations et à l’économie sociale en général, dont certains membres du Gouvernement semblent avoir une vision très réductrice ? J’observe par ailleurs que certaines familles bénéficient de droits théoriques auxquels elles ne peuvent prétendre dans la pratique, puisque la caisse nationale d’allocations familiales a décidé de ne plus verser les aides inférieures à un certain montant. Dans un premier temps, il s’agissait des aides inférieures à 15 € par mois ; désormais, il s’agirait de 24 € par mois, ce qui représente 288 € par an, somme qui n’a rien de négligeable au moment où les charges ne cessent d’augmenter. Pourquoi, plutôt que de supprimer des droits ouverts, ne pas procéder à des versements trimestriels ou semestriels ?

Enfin, Monsieur le ministre, j’aimerais connaître vos intentions quant aux ventes de HLM, car les bailleurs sociaux s’inquiètent.

M. le Ministre délégué - Je rappelle en premier lieu à M. Cohen que la loi prévoit le contrôle de l’affectation de la DSU par les communes qui en sont les bénéficiaires ; je serai très vigilant sur ce point. S’agissant de l’aide aux villes en grande difficulté, chacun sait bien qu’il s’agissait de compenser la « non réforme » de la DSU. Cette réforme ayant été faite, il faut naturellement comparer ce qui est comparable et considérer les 120 millions supplémentaires alloués à la DSU comme une partie des crédits de la ville, sachant qu’une clause de sauvegarde permettra de pérenniser les équilibres actuels. D’ailleurs, la remarquable action conduite par Mme Vautrin, qui m’a précédé au ministère, a permis d’obtenir un consensus politique suffisant pour que les sénateurs socialistes acceptent de voter l’article du projet relatif à la DSU. Il en va de même pour le FIV, dont certains des crédits tendaient à la prévention de la délinquance : si nous allouons désormais 62 millions supplémentaires à la réussite éducative, nul ne peut nier qu’il s’agit d’une action en faveur de la ville !

Mme Gautier a raison : la DIV devra rouvrir le dossier périlleux de la carte des ZUS. Elle a, effectivement, été dressée à une autre époque, époque pendant laquelle, d’ailleurs, les maires ne se précipitaient pas, estimant sans doute que leur commune perdrait en image si des crédits ainsi libellés leur étaient attribués. On constate une toute autre approche aujourd’hui, les édiles n’étant pas indifférents à la concentration des moyens… La question se pose désormais de savoir s’il faut revoir les compétences des communautés d’agglomérations ; c’est une question de fond et le Gouvernement sera, sur ce point, à l’écoute des parlementaires. Je rappelle que la compétence « habitat » n’est pas obligatoire pour les communautés urbaines, mais qu’elle l’est pour la politique de la ville. A présent, politique du logement et politique de la ville étant étroitement liées, une cohérence indispensable est assurée ; laissez-nous le temps de la traduire dans les faits.

S’agissant des dérogations au titre de l’article 6, nous établissons des indices synthétiques « équivalents ZUS ». Toutefois, chacun comprendra que l’on ne puisse faire des exceptions une généralité. Pour ce qui est du projet en cours à Norenchal, une réponse précise vous sera faite sous un mois.

A M. Brottes, je rappelle que les organismes HLM ruraux cotisent à l’ANRU par solidarité mais qu’en contrepartie ils bénéficient de la garantie de la CGLLS. De plus, nous relançons les OPAH en secteur rural. Enfin, parallèlement à la réforme de la DSU, nous augmentons la DSA de 80 millions. Autrement dit, nous menons une action conjuguée en faveur des zones urbaines et des campagnes.

MM. Nicolas et M. Mignon ont évoqué le financement de l’ANRU. La doctrine du Gouvernement est claire : nous ne voulons pas que l’Agence soit considérée comme un simple guichet, et nous voulons une logique de projet, qui doit conduire à reconstituer une véritable mixité sociale et non à concentrer à nouveau les mêmes populations dans les mêmes quartiers. On peut, donc, raisonner en termes de territoires ou de communautés d’agglomérations, à condition que cela ne « cannibalise » pas le programme de doublement de l’offre locative sociale. Comme M. Dumont, je considère que la politique du logement doit respecter les hommes et qu’il convient donc d’aider les réseaux de solidarité qui accompagnent les populations provisoirement relogées avant qu’elles ne retournent dans leur quartiers où elles vivront mieux. C’est pourquoi nous souhaitons aider les associations d’insertion, comme en témoignent les mesures prises, en juillet, au terme d’un comité interministériel.

Mme Saugues s’est inquiétée du montant des charges locatives dans l’habitat social. J’ai demandé un rapport à ce sujet, dont les conclusions ne m’ont pas encore été rendues ; je n’ai donc rien décidé à ce jour. Une réflexion de fond s’impose, mais l’on sait déjà que ces charges tiennent pour partie à l’utilisation de systèmes de chauffage inadaptés. D’ailleurs, les charges locatives sont plus basses dans les projets menés à bien sous l’égide de l’ANRU. Il conviendra donc de privilégier les économies d’énergie. Dans un autre domaine, je suis tout à fait favorable au rapprochement entre le CNH et le CIV.

Que M. Dumont se rassure : la loi « propriété pour tous » comportera un volet destiné à favoriser la vente de HLM, mais elle ne la rendra pas obligatoire. Il n’y a donc aucun changement de cap.

En conclusion, chacun voit bien qu’il faudra refonder les contrats de ville. Je confierai donc, prochainement, une mission en ce sens à un élu local.

M. le Président de la commission des affaires économiques - Monsieur le ministre, je vous remercie.

La séance est levée à11 heures 35.

Le Directeur du service
des comptes rendus analytiques,

François GEORGE

 


 

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