COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 5

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 21 octobre 2003
(Séance de 17 heures)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 - n° 1106 (M. Pierre Morange, M. Bruno Gilles, Mme Paulette Guinchard-Kunstler et M. Claude Gaillard, rapporteurs)

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- Informations relatives à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur les rapports de M. Pierre Morange, pour les recettes et l'équilibre général, M. Bruno Gilles, pour l'assurance maladie et les accidents du travail, M. Claude Gaillard, pour la famille, et Mme Paulette Guinchard-Kunstler pour l'assurance vieillesse, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n° 1106).

M. Pierre Morange, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, a souligné en préambule que de nombreuses auditions, ouvertes à tous les membres de la commission, ont été organisées dès le printemps dernier. A ce titre, pas moins de trente représentants d'organismes ou experts ont été auditionnés et pour certains, en fonction des enjeux, à deux reprises, au printemps et à l'automne. C'est une première pour la commission d'avoir pu procéder à autant d'auditions relatives au projet de loi de financement de la sécurité sociale, et surtout autant en amont du débat.

Sur le fond, la situation des finances sociales peut être qualifiée d'extrêmement difficile pour les années 2003 et 2004. Des mesures de clarification et de stabilisation du déficit sont cependant introduites par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. Enfin, on peut déjà tracer quelques pistes pour le chantier essentiel de la réforme de l'assurance maladie, qui sera mise en œuvre en 2004 par M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

La sécurité sociale se trouve dans une situation financière extrêmement préoccupante, qui est pour beaucoup la conséquence de décisions prises par le gouvernement précédent. Le déficit du régime général devrait atteindre 8,9 milliards d'euros en 2003, soit une dégradation de 5 milliards d'euros par rapport à la loi de financement votée l'an dernier. En 2004, la Commission des comptes de la sécurité sociale prévoit un déficit tendanciel de 13,6 milliards d'euros. A titre de comparaison et pour bien prendre la mesure des choses, le déficit le plus important qu'avait connu la sécurité sociale jusqu'alors était, avant la mise en œuvre du plan Juppé, de « seulement » 10,3 milliards d'euros en 1995.

La branche maladie est la seule à porter ce déficit, car toutes les autres s'équilibrent à peu près autour d'un solde nul. La branche vieillesse doit en effet « absorber » financièrement la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, ce qui se traduit d'abord par des dépenses supplémentaires, liées notamment aux départs anticipés à la retraite des personnes ayant commencé à travailler jeunes. La branche famille est également mise à contribution pour financer la traduction de l'engagement fort du Président de la République que constitue la prestation d'accueil du jeune enfant.

Comment expliquer cette évolution préoccupante ? La sécurité sociale est certes confrontée à un classique effet de ciseaux. Avec une faible croissance économique, les recettes s'effondrent : alors qu'on attendait 4,1 % de croissance de la masse salariale l'an dernier, le taux ne devrait être au mieux que de 2,3 % pour 2003. Dans le même temps, les dépenses continuent d'augmenter sur une pente plus forte que celle de la richesse nationale. Les dépenses de protection sociale ont naturellement un effet contracyclique en période économique difficile.

Parallèlement, et pour parler clairement, les caisses sont vides, le précédent gouvernement ayant dispendieusement dilapidé les fruits de la croissance des années 1999-2001. Ces années de forte augmentation des recettes, qui ont permis mécaniquement un retour à un équilibre uniquement conjoncturel, n'ont été accompagnées d'aucune réforme structurelle permettant d'infléchir le rythme d'évolution naturelle des dépenses. Aucune réserve n'a été constituée pour préparer l'avenir et faire face à un toujours probable retournement de la conjoncture. Bien au contraire, de nombreuses dépenses ont été mises à la charge de la sécurité sociale : les trente-cinq heures, la couverture maladie universelle (CMU), l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).

Comme le souligne la Cour des comptes, la réduction du temps de travail est venue au plus mauvais moment par rapport aux évolutions de la démographie médicale. Avec les protocoles Aubry, la réduction du temps de travail, les revalorisations d'honoraires, l'absence de déremboursement des médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant, l'APA et la CMU, il y a là quelques 7,8 milliards d'euros par an de manque à gagner pour le régime général. Ces 7,8 milliards ne sont pas compensés par les cotisations perçues, au plus 4 milliards d'euros, au travers de supposées créations ou préservations d'emplois au titre des trente-cinq heures. Si ces mesures avaient été abondées, la situation financière de la sécurité sociale serait loin d'être aussi abyssale que celle qui a été aujourd'hui léguée.

Il faut également mentionner la situation du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui a été littéralement pillé, à hauteur de 3,7 milliards d'euros, pour financer les promesses électorales de la gauche, au détriment du financement du minimum vieillesse et de la retraite des chômeurs ! Le FSV a ainsi une dette cumulée sur 2002-2003 de 1,4 milliard d'euros à l'égard de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), correspondant aux périodes de chômage qui devraient être validées.

Face à cette situation, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 est un véritable projet de clarification, qui permet d'engager sur des bases assainies la concertation préalable à l'adaptation de l'assurance maladie en 2004, laquelle fera suite à la réforme réussie des retraites par M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

La clarification tant attendue des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale est enfin réalisée avec la suppression du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC). La loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 avait déjà rompu avec les pratiques précédentes, d'une part, en mettant en œuvre l'engagement de l'Etat de compenser intégralement les nouveaux allégements de charge (l'allègement Fillon qui remplace la ristourne Juppé et les aides Aubry II depuis le 1er juillet 2003) et, d'autre part, en réaffectant à la sécurité sociale une partie des recettes qui avaient été naguère utilisées pour le financement du FOREC, en particulier les droits sur les tabacs. En 2004, le FOREC est définitivement supprimé et la dette que le précédent gouvernement avait laissée en 2000 se trouve soldée par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

Ainsi sera enfin de nouveau appliquée la règle fondamentale posée par la loi du 25 juillet 1994, à savoir que la politique de l'emploi relève de l'Etat et que les exonérations de cotisations qui en sont le vecteur principal sont financées par le budget de l'Etat. Il en résulte un transfert sur le budget du travail et de l'emploi de 16 milliards d'euros.

Toute la tuyauterie qui avait été savamment mise en place pour masquer le détournement des recettes de la sécurité sociale est ainsi supprimée d'un coup. Le diagramme sagittal des flux de financement de la sécurité sociale conçu par M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général sous la précédente législature, pour aider la Représentation nationale à décrypter cette machinerie infernale, n'a plus lieu d'être : d'un coup d'œil, tout est plus simple ! Chacun retrouve son rôle. Pour preuve, il n'y a aucun nouveau tuyau mis en place dans ce texte, ce qui est une première depuis quatre ans. En effet, la sécurité sociale est garantie d'une prise en charge directe et intégrale des exonérations de charges, assurée par l'universalité des recettes du budget de l'Etat.

M. Jean-Marie Le Guen a souligné que s'il n'y avait pas de tuyaux, il y avait en tout cas des trous.

Poursuivant son propos, M. Pierre Morange, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, a estimé que simplification et clarification doivent aller de pair avec un effort de transparence. C'est pourquoi sera proposée par voie d'amendement la création d'un Comité des finances sociales pour accompagner la suppression du FOREC. Ce comité pourrait remplacer la Commission des comptes de la sécurité sociale et aurait pour modèle d'indépendance et de sérieux le Comité des finances locales. Il permettrait de mettre en œuvre la démocratie sociale en associant les membres composant actuellement la Commission des comptes à des représentants des autres compétences de la protection sociale (APA, CMU, chômage). Un comité exécutif réunissant parlementaires et partenaires sociaux aurait pour vocation de permettre un meilleur suivi et un contrôle plus opérationnel de toutes les recettes et dépenses sociales dans leurs relations financières avec l'Etat.

Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 affiche une volonté ambitieuse d'optimisation du budget de l'assurance maladie grâce à la mise en place d'une tarification à l'activité commune pour les établissements hospitaliers. Ce projet maintes fois prôné sera progressivement mis en place et permettra d'allouer les ressources de l'assurance maladie aux établissements qui en ont réellement besoin et qui ont fait la preuve de leur efficacité en termes de qualité des soins.

Grâce au plan « Hôpital 2007 », qui permet de financer des investissements à hauteur de 10 milliards d'euros, la réorganisation du système hospitalier est enfin véritablement lancée. Il importera de tenir compte des propositions sur la gouvernance interne de ces établissements formulées par la mission d'information de la commission présidée par M. René Couanau.

En matière de recettes, toute hausse de CSG ou prolongement de CRDS a été exclu dans le contexte économique actuel. Il est essentiellement proposé trois mesures permettant d'augmenter les recettes d'un montant d'un milliard d'euros en 2004 : un prélèvement sur l'industrie pharmaceutique pour 150 millions d'euros, l'amélioration de l'efficacité des procédures de recours contre tiers pour 100 millions d'euros et la hausse des prix du tabac, votée en juillet dernier et effective en octobre, dont le produit sera intégralement affecté à l'assurance maladie, soit 800 millions d'euros.

A cet égard, il faut préciser que la hausse du 20 octobre est la conséquence des stratégies commerciales des fabricants de tabac, qui n'ont pas augmenté leurs prix afin de ne pas perdre sur leurs marges, alors que leurs résultats demeurent encore largement excédentaires. La nouvelle hausse projetée pour le 1er janvier, inscrite dans le projet de loi de finances, vise à équilibrer le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) et ne concerne pas le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Enfin, pour ne pas pénaliser les buralistes du fait de l'augmentation des ventes transfrontalières et de la contrebande, le gouvernement leur a proposé un certain nombre de mesures, notamment une diversification de leurs activités et des aides individuelles pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers d'euros pour ceux qui sont les plus touchés par le recul des ventes. Un renforcement de l'arsenal répressif vis-à-vis de la contrebande complètera le dispositif. Il serait opportun d'établir une évaluation précise de ces dispositions afin de mesurer l'impact réel de la majoration des prix du tabac sur ces acteurs économiques de proximité.

Sans préjuger de la concertation sur l'avenir de l'assurance maladie, lancée avec la mise en place du Haut conseil par le Premier ministre le 13 octobre dernier, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 est la première étape du nécessaire retour à l'équilibre des comptes de l'assurance maladie. Ce Haut conseil pourrait d'ailleurs être ultérieurement pérennisé sous la forme d'un Conseil d'orientation pour la santé, à l'instar du Conseil d'orientation des retraites (COR).

La première pierre d'une politique de santé responsable a été posée avec la discussion à l'ouverture de la session parlementaire, avant donc ce débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, du projet de loi relatif à la politique de santé publique : des objectifs en termes de prévention, d'éducation à la santé et de dépistage ont été fixés, à charge pour le système de santé de les mettre en œuvre au mieux.

Sur le plan financier, l'objectif du présent projet de loi de financement est de stabiliser le déficit de la branche maladie, à savoir passer d'une tendance à - 14 milliards d'euros à un déficit de 11 milliards, soit autant qu'en 2003. Cet effort significatif de 3,1 milliards d'euros sera justement réparti entre les professionnels de santé, les assurés sociaux et les caisses, tant le rythme spontané des recettes est inférieur à la pente naturelle des dépenses.

Outre les mesures de recettes, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 prévoit ainsi un nombre important d'outils pour que la maîtrise médicalisée des dépenses ambulatoires permette une inflexion réelle des comportements, et partant de la progression des dépenses d'assurance maladie. Les économies liées à la maîtrise médicalisée sont chiffrées à 800 millions d'euros en 2004 par le gouvernement.

Les assurés sont aussi responsabilisés, avec un meilleur contrôle des affections de longue durée, des exonérations liées aux actes chirurgicaux cotés K50 et des indemnités journalières et avec la non-prise en charge des actes dont l'objet est extérieur au système de santé, par exemple la délivrance de certificats pour la pratique d'un sport. Enfin, le forfait journalier à l'hôpital, qui n'a pas été réévalué depuis 1996 alors même que les coûts de l'hôpital ont fortement progressé, sera augmenté à 13 euros, ce qui rapportera 180 millions d'euros.

« La santé n'a pas de prix mais elle a un coût ». Mais savons-nous réellement ce que nous payons chaque année pour financer, au travers des cotisations et contributions sociales, nos droits dans le domaine de la protection sanitaire et sociale ? Nous pouvons affirmer que non. C'est pourquoi, afin de responsabiliser l'ensemble des Français qui financent leur protection sociale, il convient de les informer en retour sur l'argent qu'ils consacrent sans vraiment le savoir à ce poste si important de dépenses. Il sera donc proposé dans cette démarche de responsabilisation, qu'un relevé de l'ensemble des cotisations et contributions sociales soit régulièrement envoyé, avec leur affectation : branche maladie, branche accidents du travail, branche famille, branche vieillesse (assurance et solidarité) et dépendance.

En ce qui concerne les caisses de sécurité sociale, la nouvelle convention d'objectifs et de gestion qui sera signée entre l'Etat et la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) au début de l'année 2004 permettra de réaliser des économies de gestion à hauteur de 60 millions d'euros, qui sont à rapporter aux 6,5 milliards d'euros de charges de gestion de la branche maladie. Il y a en effet des gains de productivité dans la gestion des caisses primaires, depuis la généralisation de la télétransmission des feuilles de soins. Par ailleurs, la régionalisation de la santé implique de rationaliser le réseau complexe des différentes caisses. C'est pourquoi, il sera proposé de réduire de 100 millions d'euros supplémentaires en 2004 les frais de gestion de la branche maladie.

Toutes ces mesures, qu'elles soient d'ordre structurel ou conjoncturel, ont pour ambition de relever les défis sanitaires et financiers auxquels le pays est confronté et qui appellent la responsabilisation de tous les acteurs du système de soins, et la responsabilité de l'ensemble de la Représentation nationale. C'est à ces conditions que les principes fondateurs d'universalité et de solidarité de la sécurité sociale auxquels tous, sans exception, sont attachés pourront être pérennisés.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur,

M. Yves Bur a relevé l'importance du nouveau chantier que constitue le maintien du système de solidarité, après la réforme des retraites menée à bon port par l'actuel gouvernement à la différence du précédent. Le traditionnel effet de ciseaux a en effet creusé le déficit, qui doit inciter à une réforme de fond du système de santé.

On ne saurait se contenter d'une nouvelle répartition des responsabilités de gestion. Des actes forts sont nécessaires pour réduire le déficit. Il faut une véritable responsabilisation de l'ensemble des acteurs du système de santé et ses modalités doivent être débattus dès le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. Parmi eux, on peut évoquer :

- la responsabilisation des professionnels de santé à partir d'une véritable contractualisation ;

- l'adaptation de l'hôpital public sous la pression de la tarification à l'activité, sur laquelle on pourrait être plus ambitieux en termes de délais, et par la mise en œuvre des pistes évoquées en matière de gouvernance interne par le rapport de la mission d'information présidée par M. René Couanau, avec l'aide du plan « Hôpital 2007 » qui doit constituer le levier de cette modernisation.

Il faut par ailleurs saluer la suppression du FOREC, même s'il convient d'être vigilant quant à la compensation par l'Etat de toutes les exonérations de cotisations patronales. De ce point de vue, la création d'un Comité des finances sociales paraît opportune.

En conclusion, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pose les premiers éléments de maîtrise des déficits, même si cette première étape devra être complétée en 2004.

M. Jean-Marie Le Guen a regretté que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue une occasion manquée de plus. On ne voit aucune raison d'attendre encore une année supplémentaire pour agir face à une situation de déficit sans précédent.

M. Claude Evin a rappelé que les comptes n'ont jamais été aussi dégradés dans toute l'histoire de la sécurité sociale. Or, les mesures promises l'an dernier par M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, pour restaurer la situation sont singulièrement absentes du projet de loi de financement pour 2004. Les dispositions financières présentées n'ont rien de structurant et reprennent même des mesures de recettes utilisées par le gouvernement précédent et qui avaient, à l'époque, été sévèrement critiquées par ceux qui les approuvent aujourd'hui.

S'agissant de la clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale dont il est fait grand cas par la majorité, il convient de ne pas exagérer la portée des mesures proposées, car la disparition du FOREC ne fait pas tout. Sa dette est reprise par la CADES et non par l'Etat. Rien n'est également prévu pour le remboursement à la CNAMTS du coût de la couverture complémentaire au titre de la CMU compte tenu de la mesure prévue à l'article 82 du projet de loi de finances pour 2004. Si tout le monde peut être d'accord sur l'objectif de clarification, les mesures proposées ne permettent en fin de compte qu'une transparence très partielle.

M. Jean-Luc Préel a constaté que le déficit cumulé s'élève à 33 milliards d'euros sur trois ans et le projet de loi ne prévoit pour son financement qu'une facilité de trésorerie supplémentaire pour l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). On évoque un coût annuel de 800 millions d'euros pour financer cette « dette ». Qu'en est-il en réalité ?

M. Jean Le Garrec a regretté la disparition du FOREC car ce fonds présentait l'avantage de bien identifier les politiques de baisse des cotisations sociales, politiques qui n'ont pas vocation à disparaître, bien au contraire. En ce domaine, le remboursement de la dette par la CADES n'est pas satisfaisant.

En réponse aux intervenants, M. Pierre Morange, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, a apporté les éléments suivante :

- La suppression du FOREC se justifie car ce fonds était devenu une véritable « usine à gaz ». Afin d'assurer à l'avenir la transparence des flux financiers entre l'Etat et la sécurité sociale, un amendement instituant un Comité des finances sociales, inspiré du Comité des finances locales, sera présenté.

- La reprise par la CADES de la dette 2000 du FOREC vis-à-vis des régimes de sécurité sociale est la stricte conséquence de l'insuffisance de financement par le gouvernement précédent des mesures qu'il avait adoptées. Globalement, ces insuffisances de financement peuvent être chiffrées à 7,8 milliards d'euros par an.

- La charge des intérêts pour la CNAMTS s'élèvera à 600 millions d'euros en 2004.

- Il est faux de dire que ce projet de loi de financement ne comporte pas d'éléments structurants, au regard des nombreuses mesures qu'il propose en matière de développement du médicament générique, de déremboursement, de bon usage des soins ou encore de tarification à l'activité. Comment peut-on d'ailleurs critiquer le report d'une année de la réforme de l'assurance maladie après toutes les années d'immobilisme du gouvernement précédent, notamment en matière de retraites ?

*

M. Bruno Gilles, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail, a observé en premier lieu que si la loi de financement de sécurité sociale pour 2003 a constitué une transition nécessaire, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 va plus loin en apportant un certain nombre de clarifications dans les domaines de la médecine de ville et du médicament. Il est en outre porteur d'une réforme fondamentale de l'hôpital, la tarification à l'activité.

En ce qui concerne l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), le projet de loi prévoit une hausse de 4 %. Il n'est envisagé aucun transfert de charges sur l'ONDAM en 2004 : les périmètres respectifs de l'Etat et de l'assurance maladie sont bien respectés.

Pour la première fois cette année, le taux de croissance de l'ONDAM proposé au vote du Parlement diffère de celui retenu par le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2003. En effet, la commission des comptes a présenté une prévision tendancielle d'évolution de 5,5 %, en tenant compte des objectifs proposés par le gouvernement pour les seuls postes « budgétaires » de l'ONDAM, à savoir notamment les établissements de santé sous dotation globale, mais en évaluant les autres postes, essentiellement les soins de ville, en fonction des tendances de consommation de soins en volume et des effets des mesures décidées les années précédentes (revalorisations tarifaires, déremboursement ...). A partir de cette évolution tendancielle de l'ONDAM à 5,5 %, le gouvernement propose un objectif de dépenses à 4 %, ce qui est la traduction d'un certain nombre de mesures d'économie. Dans le champ de l'ONDAM, ces mesures devraient représenter en 2004 une économie de 1,87 milliard d'euros. Pour les soins de ville, l'évolution spontanée de l'enveloppe à 6 % est ainsi ramenée, après les mesures d'économie, à 3,2 %.

S'agissant de la médecine de ville, le projet prévoit tout d'abord d'exclure du remboursement par l'assurance maladie les actes effectués en dehors de toute justification médicale : c'est l'exemple de la visite chez le médecin effectuée en vue de l'obtention d'une licence sportive. En outre, s'agissant des exonérations liées aux affections de longue durée (ALD), le projet donne une base législative au protocole de soins sur la base duquel est déclenchée l'exonération du ticket modérateur.

Le projet modernise également les instruments actuels de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé (accords de bon usage des soins, contrats de bonne pratique et de santé publique). La CNAMTS pourra mettre en œuvre directement les accords et contrats nationaux. Elle exercera, pour les accords et contrats régionaux, le pouvoir d'approbation actuellement exercé par le ministre. En outre, le projet de loi prévoit que les accords et contrats devront recevoir reçu l'avis favorable de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES). S'il est incontestable que l'avis conforme de l'ANAES est de nature à renforcer la légitimité médicale ou scientifique de ces accords, cette procédure risque cependant de contraindre excessivement l'exercice de la liberté contractuelle. C'est pourquoi plusieurs amendements seront présentés afin d'alléger davantage cette procédure, en prévoyant un avis simple de l'agence sur ces accords.

Enfin, le projet de loi ouvre la possibilité aux unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM) de conclure des conventions avec des groupements de professionnels de santé. L'objectif est d'encourager des démarches concrètes d'amélioration de leurs pratiques, notamment dans des formules de « comités de pairs ». A cet égard, plusieurs amendements seront proposés afin de clarifier les conditions de mise en œuvre de ces conventions.

En matière de politique du médicament, le projet de loi autorise la création d'un groupe générique dès l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché (AMM). En effet, un arrêt du Conseil d'Etat a condamné l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) pour avoir inscrit dans un groupe générique un médicament sans avoir vérifié au préalable que les droits attachés au titre de la propriété intellectuelle ont été concédés par le médicament princeps. Cette nécessité de vérifier les droits de propriété entraîne des retards considérables pour la création de nouveaux groupes génériques. Les estimations montrent que ce retard a un coût pour l'assurance maladie d'un peu plus de 20 millions d'euros. Il est donc nécessaire d'exonérer l'AFSSAPS de la charge de cette preuve. Il semble toutefois nécessaire d'amender le projet de loi afin de prévoir un délai de soixante jours avant l'inscription au répertoire du générique, ce qui permettra d'assurer l'information du titulaire de la spécialité princeps.

En outre, afin de maîtriser les dépenses liées à la rétrocession hospitalière, le texte prévoit la détermination d'un prix maximum de vente aux établissements de santé des produits rétrocédés disposant d'une AMM. Le prix d'achat par les établissements de santé reste cependant libre pour les médicaments inscrits sur la liste disposant d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU).

En ce qui concerne l'hôpital, les articles 18 à 29 du projet de loi mettent en place un financement par la tarification à l'activité. La tarification à l'activité, appliquée dans de nombreux pays étrangers, consiste à abandonner le système du financement de la dotation globale (pour les hôpitaux publics) et du prix de journée (pour les cliniques) pour asseoir directement les ressources des établissements publics et privés sur leur activité. Les inconvénients de la dotation globale sont connus : en dotant chaque mois les hôpitaux de crédits ne correspondant pas à l'activité, le système a progressivement créé des rentes de situations, a insuffisamment pris en compte le dynamisme de certains établissements et handicapé les coopérations public/privé. Le principe de l'expérimentation de la tarification à l'activité a été fixé par l'article 55 de la loi du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle. Le gouvernement actuel a le courage de la généraliser.

La réforme portant tarification à l'activité repose sur cinq piliers : les tarifs nationaux, les missions d'intérêt général et d'aides à la contractualisation, les activités de permanence des soins, les dispositifs spécifiques relatifs aux médicaments et aux dispositifs implantables et le dispositif transitoire.

La réforme consiste à créer pour chaque prestation d'hospitalisation un tarif. Ce tarif commun aux secteurs public et privé servira de base au versement des dotations des régimes d'assurance maladie aux établissements : à titre d'illustration et très schématiquement, les régimes d'assurance maladie « paieront » une appendicectomie banale au tarif 100, quels que soient la région ou l'établissement. Tant mieux pour l'hôpital dont l'activité d'appendicectomie augmente ou pour celui qui fait l'intervention pour 50 : celui qui a un coût de 150 ou dont l'activité décline devra procéder aux réorganisations nécessaires.

La réforme portant tarification à l'activité repose aussi sur l'identification des missions d'intérêt général et d'aides à la contractualisation (MIGAC). Il s'agit de préserver un financement particulier par l'assurance maladie des activités de recherche, d'innovation médicale, d'enseignement et de formation assurée par les hôpitaux. Il s'agit là d'une saine clarification. Afin d'assurer à tous un égal accès aux soins, la réforme préserve enfin le financement des activités liées à la permanence des soins et au coût des médicaments et de certains dispositifs implantables, qui ne sont pas compris dans les tarifs mais seront facturés en sus des prestations.

La réforme s'appliquera dès l'année 2004 pour le secteur privé. Toutefois, un amendement sera proposé afin de décaler de cinq mois l'entée en vigueur, de manière à tenir compte des difficultés d'application à l'hospitalisation privée. Le dispositif transitoire décrit dans les articles 28 et 29 du projet de loi consiste d'abord à ne retenir au début qu'une partie du budget de l'hôpital public en budget « tarification à l'activité », le reste étant budgété suivant la procédure de la dotation globale. Ainsi, en 2004, seuls 10 % du budget total de l'hôpital public sera fondé sur la tarification à l'activité. En outre, le projet met en place un système de coefficient qui s'applique aux tarifs afin de lisser les effets sur les revenus des établissements et de prendre en compte des surcoûts structurels (par exemple le coût du foncier). La plupart de ces coefficients ont vocation à converger vers l'unité à la fin de la phase de transition en 2014.

La réforme améliorera significativement le mécanisme d'allocation des ressources dans le système hospitalier et diminuera ses coûts. Elle sera aussi grâce à sa transparence, un meilleur instrument de pilotage du secteur par le gouvernement et elle offrira un meilleur contrôle du gouvernement par le Parlement. Ainsi, à titre d'illustration, la fixation annuelle des tarifs permettra de privilégier très directement un acte particulier. Par exemple, revaloriser la chirurgie oncologique passera par la revalorisation d'une centaine de tarifs.

La réforme réussira à plusieurs conditions. Elle devra s'accompagner de la réforme nécessaire de la gouvernance de l'hôpital en tirant notamment les leçons des travaux de la mission d'information de la commission présidée par M. René Couanau. En outre, elle doit absolument être conjuguée avec l'évaluation des pratiques professionnelles. Enfin, la mise en place de la tarification à l'activité exige une comptabilité analytique et des équipements informatiques adéquats.

M. Bruno Gilles, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail, a ensuite présenté les mesures relatives à la branche accidents du travail. Excédentaires jusqu'en 2002, les comptes de la branche accidents du travail - maladies professionnelles laissent apparaître un déficit prévisionnel pour 2003 et 2004. L'objectif de dépenses pour la branche avait été fixé, pour 2003, à 9,02 milliards d'euros. Cet objectif a été dépassé puisque l'article 54 du projet de loi fixe à 9,38 milliards d'euros l'objectif révisé pour cette année. Malgré une hausse des rentrées de cotisations de 3,3 %, l'équilibre n'est pas assuré pour l'année 2004 puisque les prestations sociales servies par le régime augmenteraient, pour cette même année de 3,7 %. Par ailleurs, les transferts techniques vers les autres régimes et fonds sont loin de diminuer :

- Le reversement à la CNAMTS au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles et accidents du travail augmente en 2003 de 10,1 %. Ce montant est reconduit pour 2004 par l'article 48 du projet de loi ;

- La dotation au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante passe à 500 millions d'euros pour 2004. La dotation au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante passe, pour sa part, de 190 millions d'euros pour 2003 à 100 millions d'euros en 2004.

S'il faut se réjouir de la diminution du nombre des accidents du travail, une hausse des maladies professionnelles est constatée : 24 208 ont été reconnues en 1999, 30 224 en 2000 et 34 386 en 2001. Cette hausse s'explique certes par une meilleure reconnaissance des droits des salariés et une plus grande sensibilisation du corps médical à l'origine potentiellement professionnelle de certaines pathologies. Cependant, l'augmentation du nombre des affections périarticulaires, des affections provoquées par les poussières d'amiante et des lombalgies et dorsalgies doit alerter l'ensemble des acteurs concernés sur la nécessité de progresser dans le domaine de la prévention de ces affections.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Jean-Michel Dubernard a considéré qu'il ne s'agit pas de faire une grande réforme de la sécurité sociale : ni l'étatisation, ni la privatisation, comme le montrent les exemples étrangers, ne constituent la solution. Il s'agit de faire une multitude de petits réglages pour actualiser, sans les remettre en cause, les principes de base de l'assurance maladie que sont la solidarité et l'égal accès de tous à des soins de qualité. Ce projet de loi de financement est marqué par de nombreux progrès de la maîtrise médicalisée, parmi lesquels la mise en vigueur de la tarification à l'activité à l'hôpital est certainement l'un des plus importants, mais aussi l'un des plus difficiles à mettre en œuvre. De même, ne plus rembourser d'actes qui n'ont pas de justification médicale a du sens. Mais surtout, la tarification l'activité qui a longtemps été un vœu pieux se met enfin en place : cela suppose un effort considérable pour les structures qui devront s'y adapter.

M. Yves Bur a salué les avancées vers le « juste soin » que comporte le projet de loi. La démarche de contractualisation avec les professions de santé au niveau régional est particulièrement intéressante. S'agissant de la réforme de la tarification, celle qui est proposée apparaît trop timide vis-à-vis de l'hôpital public, avec lequel on pourrait être plus exigeant. Pour ce qui est des conditions immédiates de son entrée en vigueur en 2004, il convient de rappeler que les référentiels ne sont pas arrêtés, ni les logiciels prêts ; une phase d'expérimentation serait nécessaire. Enfin, aucune amélioration de la gestion de l'hôpital ne sera obtenue sans une réforme de sa gouvernance.

M. Claude Evin a fait plusieurs observations :

- Le gouvernement dit ne pas vouloir remettre en cause le principe de solidarité, mais l'existence d'un déficit de 11 milliards d'euros est une menace directe sur ce principe, menace qui ne saurait être levée par de simples mesures d'ajustement. Sur bien des problèmes de fond de notre système de santé, le projet de loi reste muet.

- La perspective d'une tarification à l'activité est une bonne chose. L'idée avait d'ailleurs été avancée il y a dix ans par un gouvernement de l'actuelle opposition sous l'appellation de tarification à la pathologie. Cependant, le calendrier annoncé n'est pas raisonnable. Pourquoi afficher des objectifs que l'on sait ne pas pouvoir atteindre ?

- La réforme hospitalière n'est pas qu'une question de tarification à l'activité. Elle passe par une réorganisation en profondeur des modalités de fonctionnement et notamment par l'acquisition d'une plus grande souplesse de gestion dans un cadre contractuel.

M. Jean-Luc Préel a formulé les observations et posé les questions suivantes :

- Alors que certains dénoncent une volonté de privatisation, il faut bien convenir que le système de santé français est aujourd'hui totalement étatisé : l'Etat en contrôle tous les mécanismes sans que le Parlement puisse véritablement exercer son contrôle.

- Le report d'un an de la réforme de la sécurité sociale est une bonne chose car celle-ci doit être préparée par une concertation la plus large possible, afin d'y associer l'ensemble des partenaires du système de santé.

- Le gouvernement annonce son intention de ramener, en 2004, le déficit de la branche maladie 14 à 11 milliards d'euros. Pour cela, les dépenses ne doivent pas dépasser les prévisions. Mais est-il réaliste de fixer un taux de progression de l'ONDAM à 4 % ? Pour 2003 déjà, l'objectif de maîtrise des dépenses n'a pas pu être tenu et le déficit sera supérieur aux prévisions. Quant aux mesures relatives au médicament, est-il normal que la hausse du taux K soit limitée à 3 % ? Ne serait-il pas plus cohérent de l'aligner sur celle de l'ONDAM ?

- La réforme de la tarification est très attendue, notamment par les établissements de santé qui connaissent une hausse de leur activité. Mais le report de la réforme à dix ans pour les hôpitaux publics va leur poser un véritable problème ; notamment, ils ne pourront pas se passer d'un rebasage qui mettra en quelque sorte les compteurs à zéro pour ceux ayant accumulé les reports de charge. De façon plus générale, la persistance de tarifs différents entre hôpitaux publics et cliniques privées pour un même intervention chirurgicale va être difficile à expliquer au grand public, même si les spécialistes en connaissent les raisons (modalités de rémunération des praticiens libéraux notamment).

- En matière de soins ambulatoires, la possibilité donnée aux URCAM de signer des conventions avec des groupements de médecins libéraux est très contestée par les syndicats nationaux de médecins.

- La disposition qui prévoit un contrôle médicalisé de l'exonération du ticket modérateur au titre des affections de longue durée est une bonne chose, car le coût de ces affections s'accroît de façon très importante sans que l'on soit bien parvenu, jusqu'à présent, à distinguer, parmi les dépenses du malade, ce qui est lié à l'affection de longue durée et ce qui relève d'autre pathologies.

- Il est regrettable que, quelques mois à peine après la signature d'un accord-cadre avec l'industrie pharmaceutique qui avait emporté la satisfaction de toutes les parties, le gouvernement décide unilatéralement l'instauration d'une nouvelle taxe. Que peuvent bien valoir, dans ce cas, les engagements pris ? Doit-on comprendre que le médicament est devenu la variable d'ajustement de l'assurance maladie ?

M. Jean Le Garrec a tout d'abord salué le climat apaisé présidant au débat sur la sécurité sociale. Celui-ci appelle en effet une grande modestie de la part de chacun, tant il est vrai que le temps n'est pas à la réforme de grande envergure mais plutôt à la multiplicité des initiatives, sur le modèle du mouvement des « mille fleurs » engagé par le président Mao Zedong à l'occasion du grand bond en avant de la Chine.

Il a ensuite fait les remarques suivantes :

- Un délai de dix ans pour la mise en œuvre de la tarification à l'activité est beaucoup trop long.

- La commission des affaires culturelles, familiales et sociales avait obtenu, sous la précédente législature, d'avoir connaissance d'informations relatives aux dotations hospitalières régionales. Ces éléments sont indispensables au bon déroulement du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, notamment en matière de péréquation entre les régions. Il serait opportun de disposer de ces données.

- Les termes de maîtrise médicalisée, après avoir disparu du discours du ministre chargé de la santé, sont de nouveau utilisés. Mais que recouvre cette expression ? Lors de la précédente législature, qualifier les médecins d'ordonnateurs de fonds publics provoquait la colère des membres de l'opposition d'alors, devenue depuis majorité. L'expression évoque-t-elle la responsabilité du professionnel de santé comme ordonnateur de fonds publics ou bien celle des patients ? Dans tous les cas, il faut ouvrir un véritable dialogue afin d'établir les bases d'une véritable contractualisation.

- On peut s'interroger sur la réapparition, dans l'exposé des motifs de l'article 32 du projet de loi, d'une formule qui a été l'objet de moult controverses : « le périmètre du panier de soins ».

Après avoir rappelé l'extrême gravité de la situation des comptes de la sécurité sociale, aussi bien en termes de déficit actuel que de flux à venir, M. Jean-Marie Le Guen a jugé nécessaire de préparer les Français à des efforts supplémentaires et de faire assaut de pédagogie. Or, le débat actuel ne satisfait pas à cette exigence de pédagogie. Il y a de nombreux choix délicats à opérer, dont la nécessaire réforme de l'hôpital public. A cet égard, il est symptomatique de constater que le ministre, qui pourrait pourtant s'appuyer sur les conclusions du rapport présenté par les membres de la mission d'information relative à l'organisation interne de l'hôpital, qui a reçu l'appui de l'opposition parlementaire, n'avance pas sur ce dossier.

L'année dernière, l'application de la réforme de la tarification à l'activité était prévue pour le début de l'année 2004. Elle est aujourd'hui repoussée à un horizon de dix ans, ce qui est totalement déraisonnable. Cette réforme constitue une rupture théorique d'importance : l'instauration d'une nouvelle culture fondée sur l'évaluation de l'efficience des professionnels. Il est à souligner que cette rupture laisse de côté la médecine ambulatoire. En outre, le choix de faire converger les secteurs publics et privés peut s'avérer pénalisant. En effet, le secteur public n'aura jamais vocation à obéir aux mêmes normes que le secteur privé. Il doit conserver sa spécificité liée aux impératifs du service public. La convergence est donc une sorte de mythe qui ne deviendra jamais réalité, ce qui est regrettable car mettant en danger toute la réforme. La présentation de ce dossier témoigne de l'impréparation qui a présidée à son élaboration.

M. Jean-Pierre Door a indiqué que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 permet de stabiliser la situation de la sécurité sociale, dans l'attente de la réforme à venir. S'il n'est pas facile à défendre en raison de l'existence de déficits, il comprend de nombreux points positifs comme la tarification à l'activité qui doit s'appliquer au secteur public comme au secteur privé. Le délai de dix ans retenu dans ce domaine parait néanmoins trop long puisque le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) est utilisé depuis longtemps. Le budget global n'est plus viable dans le secteur public, où les chefs de services réclament des marges de manœuvre et plus de responsabilisation.

Il a ensuite fait les remarques suivantes :

- De quelle manière les praticiens hospitaliers appelés à intervenir dans le cadre des groupements de coopération sanitaire seront-ils rémunérés ?

- Ce n'est pas la maîtrise médicalisée qui a été mal reçue par les professionnels de santé mais la maîtrise comptable. Qu'en est-il de la mise en œuvre des accords de bon usage des soins ?

- La liste des trente affections de longue durée n'est pas à jour et doit être révisée.

- La précision apportée au périmètre du panier de soins par l'article 32 du projet est salutaire.

- La possibilité ouverte aux caisses d'exercer des recours contre les responsables d'accidents médicaux peut être bénéfique pour les finances sociales. Cependant, leur multiplication peut aussi remettre en cause le délicat équilibre obtenu en matière de responsabilité civile professionnelle.

En réponse aux intervenants, M. Bruno Gilles, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail, a fourni les indications suivantes :

- La tarification à l'activité a fait l'objet d'une large négociation entre le gouvernement et les représentants des professionnels concernés. La contradiction qui apparaît aujourd'hui entre ceux qui veulent aller plus vite et ceux qui, au contraire, souhaitent reporter l'application de cette réforme, témoigne a contrario de sa pertinence : il ne faut pas remettre en question le juste milieu obtenu grâce à la négociation.

- Il est faux de dire que ce projet ne comprend pas d'éléments structurants. La réforme de la tarification et la suppression du FOREC plaident en sens contraire.

- En ce qui concerne les instruments médicaux et comptables des établissements en matière de tarification à l'activité, la fonction créera l'organe et les hôpitaux développeront rapidement ces outils.

- Le réalisme du taux de progression de l'ONDAM doit être apprécié au regard des mesures d'économie prévues par le projet. S'agissant du taux K, la croissance toujours soutenue des dépenses de médicament justifie qu'il soit inférieur au taux d'évolution de l'ONDAM.

- Les dispositions prévues par l'article 36 du projet de loi concernant les conventions entre les URCAM et les groupements de professionnels de santé n'ont pas pour objet de remettre en cause le système conventionnel national. Un amendement sera proposé afin que ces conventions soient soumises à l'avis des unions régionales des médecins libéraux (URML) et que les syndicats y soient ainsi associés.

- Le projet de loi permet de clarifier le champ des soins nécessaires au traitement des affections de longue durée, qui peuvent être totalement prises en charge par l'assurance maladie.

- Pour ce qui est des restructurations hospitalières, il faut espérer que le départ à la retraite de certains médecins facilitera les nécessaires regroupements de services nécessaires. La question de la rémunération des praticiens hospitaliers au sein des groupements de coopération est précisément réglée par l'article 30 du projet de loi, qui évoque une convention.

- S'agissant, enfin, du développement des recours contre les tiers, il est clair qu'un juste milieu devra être trouvé et que l'incidence sur les assurances responsabilité civile devra être analysée.

M. Pierre Morange, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, a considéré qu'il y a un seuil à atteindre en ce qui concerne la tarification à l'activité à l'hôpital. On peut espérer que lorsque 20 % des actes en bénéficieront, il y aura un effet d'accélération qui permettra d'anticiper sur les dix années de mise en œuvre prévues.

*

M. Claude Gaillard, rapporteur pour la famille, a salué la méthode du gouvernement, qui concilie pragmatisme et concertation. La politique familiale est extrêmement complexe ; c'est un maquis de prestations et de mesures qui visent différents publics et différents objectifs. Aussi, au lieu d'annoncer médiatiquement une réforme d'ensemble qui chamboulerait l'ensemble des dispositifs, le gouvernement a choisi d'œuvrer avec pragmatisme et de réformer cette politique « tranche par tranche ». Centrée cette année sur la jeune enfance, la Conférence de la famille aura pour thème en 2004 l'adolescence : les adolescents et la découverte de la vie professionnelle, le sport et la culture, le temps libre des adolescents, les comportements à risque et la santé.

Une méthode fondée sur une large concertation insuffle la nouvelle politique familiale menée aujourd'hui. Préalablement à la Conférence de la famille, qui s'est tenue en avril 2003, des groupes de travail ouverts à l'ensemble des partenaires - représentants des employeurs et des salariés, associations familiales, élus locaux et nationaux... - ont travaillé sur les mesures à proposer (un groupe sur la prestation du jeune enfant, un sur la famille et l'entreprise, un sur les services aux familles), mesures qui ont été largement reprises par le gouvernement.

L'ensemble des personnes auditionnées se sont félicitées tant du fond que de la forme, tout simplement car ils en ont été les acteurs et non pas les récepteurs. Autre exemple, c'est la première fois que la FEPEM, qui représente les particuliers-employeurs, a participé aux travaux de la Conférence de la famille.

Le maître mot de la politique familiale du gouvernement est le libre choix. Il s'agit de permettre à chaque couple de développer librement son projet parental et aux femmes et aux hommes de mieux concilier vie de famille et vie professionnelle, par exemple en favorisant le temps partiel pour pouvoir s'occuper de son enfant en bas âge, tout en gardant un pied dans l'entreprise. En outre, les efforts sont ciblés en direction des familles à revenus modestes et moyens, pour leur permettre de choisir librement leur mode de garde. Aujourd'hui, en effet, elles ne peuvent pas s'offrir les services d'une assistante maternelle, car le coût à supporter est rédhibitoire. Grâce à la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), ces familles auront financièrement le choix de faire garder leurs enfants par une assistante maternelle ou en crèche.

Au service de cette ambition, il faut dégager des financements en conséquence. A cet égard, l'ampleur de l'effort financier est tout à fait exceptionnelle. Quand l'ensemble des mesures seront pleinement appliquées, un milliard d'euros supplémentaires par an sera dégagé (à l'horizon 2007) ; pour 2004, il s'agit de 200 millions d'euros, soit environ les excédents disponibles de la branche famille, ce qui est important compte tenu des difficultés budgétaires actuelles.

Le coût supplémentaire de la PAJE est de 850 millions d'euros par an, à partir de 2007, c'est-à-dire quand la PAJE fonctionnera à plein régime. Malgré la forte dégradation de la conjoncture et du déficit de la sécurité sociale, les mesures annoncées lors de la Conférence de la famille, en avril 2003, seront effectivement mises en œuvre. La réforme actuelle constitue l'effort financier le plus important depuis vingt ans au bénéfice de la famille.

Avec la PAJE, 200 000 familles de plus percevront la prestation, grâce à un doublement du plafond de ressources : il y a 2,1 millions de familles en France, 1,7 million percevait l'allocation pour jeune enfant (APJE), 1,9 million percevra la PAJE. Cela coûterait 400 millions d'euros supplémentaires pour universaliser la PAJE.

Première étape essentielle et réussie dans la mise en place d'une politique familiale enfin revalorisée, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour sa branche famille, est une avancée majeure pour les parents, au service des enfants. La PAJE constitue une double simplification, une simplification de la prestation et une simplification de la mise en œuvre grâce au chéquier PAJE. La PAJE correspond également à une double extension : une extension du nombre de familles bénéficiaires et une extension du libre choix (augmentation du montant des compléments et accès véritable à ces compléments pour les familles modestes).

La PAJE remplace six prestations et va donc simplifier considérablement la politique familiale. Elle se veut simple, lisible et accessible. En les reprenant point par point, les six prestations remplacées représentent 8 milliards d'euros :

- l'APJE courte (allocation pour jeune enfant) concernant les familles qui ont des revenus modestes, versée à partir du cinquième mois de grossesse jusqu'aux trois mois de l'enfant ;

- l'APJE longue, jusqu'aux trois ans de l'enfant ;

- l'APE (allocation parentale d'éducation), versée jusqu'aux trois ans de l'enfant en cas de retrait d'activité du parent, à partir du deuxième enfant ;

- l'AFEAMA (aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée) ;

- l'AGED (allocation de garde d'enfants à domicile) ;

- l'allocation d'adoption.

Ces allocations sont remplacées par la PAJE, qui est constituée de deux étages : une allocation de base versée aux parents dont les revenus mensuels sont inférieurs à 4 100 euros (prime à la naissance de 800 euros versée au septième mois de grossesse, puis environ 160 euros par mois jusqu'aux trois ans de l'enfant) qui se veut la plus universelle possible (90 % des familles, soit 200 000 familles supplémentaires) ; un complément de libre choix versé sans condition de ressources.

Ce complément de libre choix est de deux types :

Le complément de libre choix du mode de garde, si les parents désirent faire garder leur enfant en crèche ou par une assistante maternelle. Outre un complément direct (de 150, 250 et 350 euros selon le revenu), les cotisations sociales seront prises en charge, à hauteur de 50 % pour une garde à domicile et à 100 % pour une assistante maternelle, par l'Etat et non par les familles. En outre, afin de favoriser le maintien dans l'emploi, les parents qui souhaitent maintenir une activité professionnelle élevée (entre 50 % et 80 %) percevront le complément de garde à taux plein.

Le complément de libre choix d'activité, si un parent souhaite arrêter de travailler temporairement pour élever son enfant. Ce complément remplace l'APE, qui était offerte pendant trois ans aux familles d'au moins deux enfants dont un de moins de trois ans, si un des parents interrompait son activité. D'un montant de 334 euros par mois, le complément est cumulable avec l'allocation de base. Les familles aux revenus élevés n'ayant pas droit à l'allocation de base de la PAJE percevront 493 euros mensuels. Ce complément pourra être versé dès le premier enfant pendant les six mois suivants le congé de maternité ou de paternité (avec une condition d'activité de deux ans dans les deux précédentes années, permettant d'assurer une bonne insertion dans le marché du travail), alors qu'aujourd'hui on ne peut percevoir l'APE qu'à partir du deuxième enfant. En outre, afin de favoriser les femmes (ou les hommes) qui veulent s'occuper de leurs enfants tout en gardant un pied dans l'emploi, le complément sera revalorisé de 15 % par rapport à l'ancienne APE à taux partiel.

Par rapport à la situation antérieure, les compléments présentent donc un double avantage : ils sont revalorisés et ils permettent un véritable libre choix.

En résumé, la PAJE répond ainsi à trois objectifs essentiels de la politique familiale :

Un objectif de généralisation. Plus de 90 % des familles toucheront l'allocation de base de la PAJE. La politique familiale doit avoir pour premier objectif de permettre aux Français d'avoir autant d'enfants qu'ils souhaitent.

Un objectif de libre choix du mode de garde. Toutes les familles auront un libre choix, ce qui n'existe pas aujourd'hui pour les parents ayant des revenus modestes ou intermédiaires. L'objectif est de toucher en priorité 200 000 familles à bas et moyens revenus. Par exemple, jusqu'à maintenant, une famille qui gagnait le SMIC consacrait 10 % de son revenu pour placer son enfant en crèche, soit environ 100 euros, et 30 % de son revenu pour faire appel à une assistante maternelle, soit 300 euros. La différence était telle qu'il n'y avait donc pas de liberté de choix, seules les familles aisées pouvaient se permettre d'avoir une assistante maternelle. Désormais, cela coûtera à la même famille 10 % de son revenu pour une place en crèche, et grâce à la PAJE, quasiment la même somme (12 %) pour une assistante maternelle. Il y a donc une réelle liberté de choix.

Un objectif de libre choix d'exercer une activité ou non. Les parents qui souhaitent arrêter leur activité professionnelle doivent le faire non pas pour des raisons matérielles mais parce qu'ils l'ont vraiment décidé.

La PAJE offre donc une double liberté de choix aux femmes et/ou aux hommes : la première est d'arrêter ou non de travailler après une naissance, la seconde est le mode de garde privé ou collectif.

Par ailleurs, simplification ne rime pas avec absence de considération des situations personnelles : ainsi, les familles adoptantes ou encore les naissances multiples sont prises en compte. Pour les familles adoptantes, la fusion de l'allocation d'adoption dans la PAJE permet d'éliminer la différence de rétribution pour un enfant adopté et pour un enfant né dans les familles. Dans l'ancien système, les familles adoptant un enfant bénéficiaient de 160 euros par mois pendant vingt et un mois. Désormais, elles toucheront 160 euros par mois pendant trente-six mois auxquels s'ajoutera une prime de naissance de 800 euros. Pour les naissances multiples, il est prévu une majoration des différentes composantes de la PAJE prévue pour les jumeaux ou triplés, ce qui concerne plus de 12 000 naissances par an. Par exemple, le parent de triplés qui décide de cesser temporairement d'arrêter de travailler percevra avec la PAJE environ 820 euros par mois pendant six mois au lieu de 500 euros par mois aujourd'hui.

La PAJE s'appliquera à partir du 1er janvier 2004. Il y aura une période de transition jusqu'en 2007 pour les enfants nés avant 2007 mais si un enfant naît après 2004, l'ensemble de la famille « basculera » dans le système PAJE.

Au-delà de la prestation, la simplification passe également par la mise en place d'un chéquier PAJE - sur le modèle du chèque emploi service - pour le complément mode de garde, qui se présente sous une forme effectivement très simple, pré-imprimé au nom de l'allocataire. Avant, la famille qui employait une assistante maternelle devait gérer elle-même ses relations avec la caisse d'allocations familiales (CAF) et avec l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), deux administrations qui ne communiquaient pas entre elles. Désormais, le chéquier PAJE, très simple d'utilisation, sera remis aux familles qui enverront chaque mois leur demande de versement du complément de garde de la PAJE à un centre national de traitement, lequel gérera la demande en liaison étroite avec les CAF. Le versement du complément en sera fortement accéléré, les formalités imposées aux familles allégées et les risques de rupture des droits supprimés. Désormais, avec le centre de traitement de la PAJE, l'administration gère la complexité et l'usager bénéficie de la simplification. Cette simplification sera opérationnelle dès le 1er janvier 2004 et le centre de traitement de la PAJE traitera les dossiers en trente jours.

De telles mesures concrètes font avancer la réforme de l'Etat et l'efficacité de la dépense publique.

Il n'est pas possible de prévoir une prestation plus ambitieuse et plus simple (qui permet donc de solvabiliser la demande) sans développer en parallèle l'offre de garde. Le développement de l'offre de garde est le complément indispensable de la mise en œuvre de la PAJE, et lui seul rendra le libre choix vraiment effectif. Il est donc prévu, parallèlement à la mise en place de la PAJE :

- Le lancement au 1er janvier 2004 d'un plan crèches de 200 millions d'euros, qui permettra de créer 20 000 places supplémentaires sur quatre ans. Ce plan sera techniquement effectif grâce à la signature d'un avenant à la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Les projets innovants seront tout particulièrement favorisés : horaires étendus, accueil des enfants handicapés, cofinancement public-privé, crèches d'entreprises ... Tous les acteurs, publics, privés et associatifs, sont les bienvenus. Le besoin d'offre de garde est en effet suffisamment élevé pour que l'on ne se prive d'aucune source de financement ; 50 millions d'euros sont prévus à cet effet dans le projet de loi de financement. Ces mesures peuvent être des versements liés à la vie de famille (compléments de salaire pour congés, pour frais de garde...) et des dépenses pour financer des structures de garde (crèches interentreprises...).

- La mise en place du crédit d'impôt familles, qui correspond à la prise en charge fiscale de 60 % des sommes versées par les entreprises en faveur des familles, afin d'améliorer la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

- La revalorisation du statut des assistantes maternelles, lequel passe par une modification de l'agrément actuel permettant d'accueillir davantage d'enfants, en passant de trois enfants à trois places équivalent temps plein pour les assistantes maternelles non permanentes, disposition inscrite dans le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, prochainement soumis à l'Assemblée nationale. Le statut des assistantes maternelles non permanentes est également aligné sur le droit commun : contrat de travail obligatoire, mensualisation, congés, prise en charge par la sécurité sociale en 2004 de cotisations pour la création d'un fonds de formation professionnelle continue, prise en charge en 2005 de cotisations au titre de la prévoyance avec la création d'une complémentaire santé et accidents du travail, validation des acquis de l'expérience et création d'un diplôme équivalant à un CAP « petite enfance ». Ces mesures figureront dans un projet de loi discuté au Parlement en début d'année 2004.

- La rationalisation et le développement des services aux familles, avec la mise en place de « points info-familles » et la création d'un portail Internet de services aux familles.

Toutes ces mesures vont être d'une réelle utilité pour les familles, en particulier pour celles ayant des revenus modestes et moyens.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Mme Marie-Françoise Clergeau a considéré qu'à l'exemple de la loi sur la famille du gouvernement de M. Alain Juppé, les mesures en faveur de la famille contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 ne sont pas financées. Les deux cents millions d'euros d'excédent de la branche famille en 2004, sur lesquels compte le gouvernement, ne constituent pas une ressource avérée et la dotation d'un million d'euros prévue pour poursuivre le financement de ces mesures dans les années suivantes semble bien peu au regard des dépenses à engager.

Elle a ensuite fait les remarques suivantes :

- Le plan crèches n'est pas le plan d'envergure annoncé. Créer vingt mille places de crèches sur quatre ans revient à créer vingt places par département et par an. En réalité, ce texte n'a d'autre ambition que de favoriser le mode de garde individuel. Or, celui-ci est d'un coût plus élevé pour les familles et favorise les personnes les plus aisées.

- La prime à la naissance, d'un montant de 800 euros et versée à partir du septième mois de la grossesse, ne constitue en rien une avancée sociale puisqu'il ne s'agit que de la fusion d'une allocation existante antérieurement versée en deux fois. En outre, il est important de souligner que cette mesure peut comporter certains risques, notamment pour les ménages fragiles qui ont des difficultés à gérer leurs revenus.

- Il n'est question nulle part dans le texte des assistantes maternelles, qui constituaient pourtant un engagement du gouvernement devant la Conférence de la famille. Par ailleurs, le projet de loi autorise la garde à la maison des enfants par des personnes non qualifiées. Or, la garde d'enfant est un métier qui nécessite d'y être formé.

- Le complément de libre choix d'activité risque d'aggraver la difficulté que rencontrent certaines femmes à reprendre leur activité professionnelle après avoir pris un congé maternel.

M. Jean-Luc Préel a approuvé la véritable simplification que constitue la prestation d'accueil du jeune enfant introduite par le projet de loi. Il a ensuite fait les observations suivantes :

- Les familles nombreuses sont-elles prises en compte dans ce dispositif ?

- L'augmentation globale des prestations de 1,7 % prend-t-elle en compte les mesures nouvelles contenues dans le texte ?

- Il est regrettable que la branche famille prenne toujours en charge 60 % des majorations de pensions pour enfants.

En réponse aux intervenants, M. Claude Gaillard, rapporteur pour la famille, a apporté les éléments suivants :

- Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 s'efforce d'aider les ménages disposant de bas revenus ou de revenus moyens, en leur offrant la possibilité de choisir selon quel mode, personnel ou collectif, ils souhaitent faire garder leurs enfants. De la même manière, le complément de libre choix d'activité doit permettre de favoriser le retour à l'activité professionnelle des femmes ayant choisies de rester auprès de leur enfant après sa naissance.

- Le taux de 1,7 % tient compte des mesures nouvelles.

*

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié M. Alain Néri d'avoir bien voulu remplacer Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse, empêchée.

M. Alain Néri, suppléant Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse, a estimé qu'il faut changer le regard sur les personnes âgées et sur le vieillissement. Cette ambition constitue le nouveau défi lancé au monde industrialisé. L'épisode dramatique de la canicule de l'été dernier a mis en lumière de façon tragique les méfaits de l'ignorance, de l'indifférence et de l'isolement. Les 15 000 morts du mois d'août choquent d'autant plus que l'expérience marseillaise de 1983 avait déjà permis de connaître les conséquences d'une période durable de température excessive.

Ainsi les besoins demeurent-ils nombreux. Il est nécessaire de développer la recherche fondamentale et l'enseignement de la gériatrie : une majeure partie des personnes à soigner demain auront plus de soixante ans. Il faut accroître les moyens mis au service de l'accompagnement des personnes âgées. Si l'on peut jauger une société au soin qu'elle a de ses aînés, que faut-il penser des restrictions budgétaires et abandons de programmes pratiqués par le gouvernement actuel ? En désagrégeant une politique tournée vers le grand âge, ils sont à contre-courant de l'histoire. La loi du 31 mars 2003 restreignant l'accès à la prestation personnalisée d'autonomie (APA) est révélatrice d'une grande ignorance des besoins réels.

A cet égard, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale est vide, la politique du gouvernement se limitant à une réforme des retraites sous-financée et exigeant toujours plus des assurés ainsi qu'à un hypothétique plan intitulé « Vieillissement et solidarités », décliné dans l'urgence à la suite de la canicule. L'article unique consacré à la branche vieillesse dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne porte, en effet, que sur l'objectif de dépenses de la branche vieillesse-veuvage pour 2004.

En revanche, l'article 18 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites prévoit un cadre pour la négociation relative à la pénibilité dans le travail et ses effets sur l'espérance de vie sans incapacité et, partant, sur la retraite. Ce thème se voit ainsi remis à l'ordre du jour et ne saurait manquer de tenir toute sa place dans la réflexion sur les conditions de vie après l'activité professionnelles. Les événements du mois d'août dernier ont démontré qu'une véritable politique propre à prendre en compte les réalités du grand âge reste à mettre en œuvre. Enfin, il convient de remettre en perspective les circonstances dans lesquelles le gouvernement actuel a décidé de rendre plus restrictif le dispositif de l'APA, sur la base de critères partisans et d'estimations chiffrées erronées.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Yves Bur a jugé que la réforme des retraites constitue une mesure de sauvetage du système mais que des points restent en suspens. Il a évoqué la question de l'emploi des salariés âgés en entreprise, freiné par la hausse des indemnités journalières. Il est urgent de trouver des solutions. S'agissant du financement de l'APA, il faut rappeler qu'il n'était pas assuré par la précédente majorité et l'on s'est aperçu dans de nombreux départements, notamment dans celui du Bas-Rhin, que les crédits correspondants n'étaient pas toujours affectés à leur objet mais à des emplois bien différents. Il faudra s'efforcer de contrôler l'usage de ces dépenses.

Mme Marie-Françoise Clergeau s'est interrogée sur les dates de publication des décrets d'application de la réforme des retraites, notamment ceux concernant la réversion et le montant du plafond de ressources exigible.

M. Jean-Luc Préel a estimé que la réforme des retraites adoptée en juillet dernier est absolument indispensable, rappelant qu'elle prend en compte les problèmes démographiques même si tout n'est pas réglé et que subsistent notamment des problèmes de financement. Il a précisé que le taux de revalorisation des pensions de retraite est fixé à 1,7 % et que l'on attend l'adoption des décrets d'application pour le départ à la retraite avant soixante ans des personnes ayant commencé à travailler à quatorze ans.

M. Alain Néri, suppléant Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rapporteure pour l'assurance vieillesse, n'a pas contesté qu'il était nécessaire de faire une réforme des retraites, mais c'est sur son contenu que les désaccords sont apparus. Il est faux de dire que le précédent gouvernement y avait renoncé. Tout avait été préparé, notamment avec la mise en place du Conseil d'orientation des retraites (COR) et la création du Fonds de réserve pour les retraites. Ce dernier est sacrifié dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, qui ne prévoit aucune mesure pour l'abonder, ce qui laisse planer de sérieux doutes sur la pérennisation du régime de retraites par répartition.

S'agissant du financement de l'APA, il est vrai que dans certains cas les acomptes ont pu être versés sans contrôle préalable, occasionnant ici ou là quelques dérives. La situation actuelle, qui ne permet l'attribution de l'APA qu'à la date de notification de la décision du président du conseil général, ne manque pas d'inconvénients car elle occasionne de nombreux retards qui peuvent être préjudiciables aux personnes âgées dépendantes. Par exemple, dans le département du Puy-de-Dôme, certaines personnes âgées n'auraient pas pu continuer à bénéficier d'une aide à domicile si des arrangements de circonstance n'avaient pu être pris avec la caisse régionale d'assurance maladie (CRAM).

Enfin, aucune mesure ne semble être prise à ce jour pour l'entrée en application des retraites anticipées des personnes ayant commencé à travailler très jeune. S'agissant du taux de revalorisation des retraites, il est conforme à ce qui a été indiqué.

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Informations relatives à la commission

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M. Yves Boisseau a été désigné rapporteur sur la proposition de résolution de M. Jacques Brunhes tendant à la création d'une commission d'enquête visant, à partir du bilan des politiques publiques destinées à promouvoir la langue française (n° 1101).

M. Pierre Morange a été désigné rapporteur sur la proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault tendant à la création d'une commission d'enquête sur les politiques d'allègement de cotisations sociales et de réduction du temps de travail (n° 1103) et sur la proposition de résolution de M. Hervé Novelli visant à créer une commission d'enquête sur les conséquences des 35 heures pour l'économie et la société française (n° 1104).

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