COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 37

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 13 avril 2004
(Séance de 16 heures 15)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président,

puis de M. René Couanau, vice-président,

puis de M. Pierre Morange, vice-président.

SOMMAIRE

 

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- Examen du projet de loi relatif au dispositif de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées - n° 1350 (M. Denis Jacquat, rapporteur)


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- Information relative à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de M. Denis Jacquat, le projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées - n° 1350.

A titre liminaire, le président Jean-Michel Dubernard a félicité les membres de la commission élus ou réélus :

- conseiller général : M. Georges Colombier, M. Christophe Masse.

- conseiller régional : M. Jean-Paul Anciaux, M. Jean Bardet, M. Gérard Cherpion, M. Jean-François Chossy, M. Jacques Domergues, M. Julien Dray, M. Claude Gaillard, Mme Catherine Génisson, Mme Claude Greff, M. Maxime Gremetz, M. Emmanuel Hamelin, M. Pierre Lasbordes, Mme Nadine Morano, M. Christian Paul, Mme Bérengère Poletti, M. Simon Renucci, M. Dominique Richard, M. André Santini, Mme Marie-José Zimmermann.

M. Denis Jacquat, rapporteur, s'est félicité de ce que le texte présenté aujourd'hui constitue la première partie d'un tout constitué, par ailleurs, du texte relatif à l'égalité des droits et des chances, à la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qui sera examiné en commission le 28 avril prochain. Il a ensuite présenté le projet de loi relatif au dispositif de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

La canicule n'a fait que précipiter une prise de conscience qui eût été inéluctable : les personnes en perte d'autonomie sont de plus en plus nombreuses ; elles ne sont pas nécessairement âgées. La perte d'autonomie touche de plus en plus chacun, directement, par ses parents ou ses amis. Il y a urgence à agir. Le gouvernement disposait pour ce faire de nombreux travaux sur la prise en charge de ce nouveau risque et de modèles dans d'autres pays, ne serait-ce que chez nos voisins allemands. Dès lors, le Premier ministre a pu annoncer, dès le 6 novembre 2003, les grandes lignes d'une réforme majeure visant à créer « une nouvelle branche de la protection sociale » dont le présent projet de loi constitue l'étape fondatrice.

Il constitue une réforme fondamentale à deux titres :

- pour la première fois, il est proposé de traiter de la perte d'autonomie dans sa globalité et dans sa diversité : seront ainsi prises en compte les personnes âgées dites dépendantes mais également les personnes handicapées ;

- par ailleurs, le gouvernement crée les moyens financiers pérennes et sanctuarisés de cette prise en charge sans lier ces actions nouvelles à la définition immédiate d'un cadre institutionnel, surmontant ainsi l'un des facteurs majeurs de blocage de la réforme.

Ainsi, des mesures de financement seront immédiatement prises au titre des six derniers mois de la présente année à hauteur de 850 millions d'euros pour la perte de dépendance des personnes âgées.

Il est nécessaire de prendre en compte un nouveau risque, celui de la perte d'autonomie.

Le vieillissement de notre société et l'augmentation du nombre des personnes très âgées ont conduit à la montée très rapide ces quinze dernières années des cas de personnes en situation de dépendance. Cette évolution a relancé le débat sur l'opportunité d'une couverture spécifique de ce « risque », sinon d'un nouveau genre, du moins de plus en plus fréquent. Elle s'est traduite par la mise en œuvre de prestations d'un nouveau type telle la prestation spécifique dépendance, dispositif relayé en 2002 par la création de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Le succès de l'APA a montré l'étendue des besoins non satisfaits.

Cette réflexion sur la perte d'autonomie des personnes âgées a par ailleurs conduit à relativiser le critère de l'âge dans la perte d'autonomie. Par exemple, la distinction rigide qui conduit à considérer une personne comme handicapée jusqu'à 60 ans et comme dépendante au-delà a-t-elle vraiment un sens ? Le débat au Sénat sur le projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées a lui aussi relevé le caractère artificiel de ce critère d'âge. Il s'inscrit d'ailleurs dans le droit fil de la réflexion menée sur la dépendance des personnes âgées par plusieurs aspects :

- à l'instar de l'APA, le projet de loi entend créer une compensation personnalisée du handicap avec la création d'une prestation universelle ;

- la prestation servira au financement de projets individuels de vie ;

- la prestation sera centrée non sur l'apport de revenus mais sur la seule compensation du handicap comme l'APA sert exclusivement à financer les dépenses liées à la dépendance.

La réforme a jusqu'à présent buté sur des obstacles institutionnels et financiers. En matière de handicap comme de prise en charge des personnes âgées dépendantes, les acteurs sont particulièrement nombreux et leurs rôles respectifs parfois confus.

La première des lignes de partage dans le traitement de la perte d'autonomie tient au maintien de la personne à domicile ou à son placement en institution. La deuxième ligne de partage tient au degré même de perte d'autonomie : ainsi les personnes âgées faiblement dépendantes sont prises en charge sur les dépenses d'action sociale de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) tandis que les autres entrent dans le dispositif APA. Il règne également une grande confusion, notamment dans le secteur du handicap, entre les différents intervenants institutionnels. Paradoxalement, le financement de la perte d'autonomie dispensé par tant d'acteurs n'est pas correctement assuré. En témoignent par exemple les difficultés rencontrées par l'APA qui ont nécessité d'apporter en 2003 des correctifs au dispositif et même de recourir à l'emprunt pour en assurer la sauvegarde.

Devant la montée et la diversification du phénomène de perte d'autonomie, la complexité institutionnelle et l'insuffisance ressentie de moyens dispersés à l'extrême, la création d'un cinquième risque, d'une cinquième branche de la sécurité sociale, est évidemment une perspective séduisante, rassurante. La simplification qui en résulterait, par la transposition de structures et de méthodes éprouvées depuis soixante ans au sein de la sécurité sociale, apparaît comme la solution logique.

L'enlisement de ce débat depuis des années témoigne pourtant de la difficulté d'une telle réforme. Elle se heurte à la question des transferts de charges entre les différents acteurs, à l'identification des actions et dépenses relevant strictement de la perte d'autonomie, au transfert des ressources correspondantes, à la question de la pérennité de l'équilibre financier du nouveau dispositif.

Elle bute également sur la question de la gouvernance d'un tel régime : peut-on transposer dans cette nouvelle branche la gestion paritaire traditionnelle ? Peut-on faire l'impasse sur l'importance des acteurs décentralisés et confier à une structure nationale la gestion de fonds largement issus des collectivités territoriales ? Quel mode de gestion locale retenir ?

Le drame que la France a vécu l'été dernier ne permet plus de tergiverser. La première des réformes à mettre en œuvre est celle d'une meilleure identification des personnes en situation de perte d'autonomie : c'est l'objet du titre Ier. La deuxième urgence, et c'est le cœur du projet de loi, est de se donner les moyens de mieux prendre en charge la perte d'autonomie ; cela passe par un effort de solidarité nationale. Le projet de loi fait dès lors le choix dans son titre II d'instituer une journée de solidarité dans le secteur privé et la fonction publique.

Il faut à ce stade nuancer l'assimilation généralement faite de cette mesure à la suppression d'un jour férié. L'objectif n'est pas de supprimer un tel jour : il est de créer un jour de travail supplémentaire pour accroître la richesse nationale. Il y a d'ailleurs lieu d'observer que rares sont les organisations, auditionnées dans le cadre de la préparation du présent rapport, ayant contesté le principe d'une telle journée.

La suppression d'un jour férié n'est que l'une des modalités possibles de mise en œuvre de ce dispositif. L'article 2 du projet de loi permet de retenir d'autres moyens que la suppression du lundi de Pentecôte. A cet égard, il sera proposé de faire du libre choix des modalités de cette journée de solidarité le principe aussi bien dans le secteur privé que dans les fonctions publiques. Il conviendra aussi de préciser les conditions d'application de cette journée aux salariés à temps partiel, en CDD ou en intérim.

La richesse issue de cette journée supplémentaire permettra de demander aux employeurs une contribution qui, ajoutée à un prélèvement sur les revenus du capital et du patrimoine, permettra de dégager chaque année près de 2 milliards d'euros. L'exercice de la solidarité s'accompagnera ainsi d'un maintien du pouvoir d'achat des Français et de la compétitivité des entreprises françaises. Ces moyens supplémentaires viendront chaque année aider à la mise en œuvre d'actions nouvelles en faveur de l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Ce seront des actions supplémentaires et non, par quelque tour de passe-passe comptable, des actions financées autrement : en effet, ces fonds seront confiés à un organisme de protection sociale, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui garantira le respect de l'usage prévu.

Les moyens dégagés feront l'objet d'une affectation sans ambiguïtés.

L'apparition du nouveau risque que constitue la perte d'autonomie justifie pleinement la création d'une « nouvelle branche de la protection sociale ». Celle-ci s'appuiera sur un nouvel organisme de protection sociale, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), et sur une organisation et un mode de gouvernance dont les modalités ne sont qu'ébauchées par le projet de loi. Elles doivent en effet être finalisées au vu de la réflexion et de la concertation engagées et de l'évolution d'autres réformes telles celles de l'assurance maladie ou la décentralisation.

Dans l'immédiat, il est indispensable de garantir aux Français que la journée de solidarité ne constituera pas un avatar de la défunte vignette automobile. Les articles 9 et 10 du projet de loi définissent de façon précise l'affectation des moyens nouveaux qui serviront à :

- pérenniser le financement de l'APA ;

- financer le renforcement de la médicalisation des établissements et services hébergeant ou prenant en charge des personnes en perte d'autonomie ;

- financer la modernisation des services d'aide à domicile et les actions en matière d'animation et de prévention de la perte d'autonomie.

Le recueil et la sanctuarisation de ces moyens ne règlent pas cependant toutes les questions que pose notamment leur emploi et les auditions ont fait apparaître de nombreuses interrogations sur le titre III du projet de loi. La réflexion sur les modalités de prise en charge de ce risque doit être menée avec soin. L'urgence ne doit pas conduire à la précipitation dans la définition des modalités de gestion des nouvelles ressources.

Le calendrier est en effet complexe :

- Compte tenu de l'importance de l'action des départements dans le champ social, la gestion du risque lié à la perte d'autonomie ne saurait être dissociée de l'évolution du champ de la décentralisation.

- Constitue également un élément déterminant pour la gestion du nouveau risque le projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées. En effet, ce projet prévoit la mise en place d'un droit à compensation du handicap dont le financement constituera à l'évidence l'une des missions fondamentales de la CNSA. Dès lors, le champ, le montant, les modalités d'octroi de cette nouvelle prestation doivent être définis avant que les contours de la CNSA, y compris par exemple l'affectation de ses dépenses, soient clarifiés.

- Compte tenu de l'importance des dépenses assurées par l'assurance maladie en faveur des personnes en perte d'autonomie, sa réforme programmée revêt naturellement une dimension essentielle. Dans l'hypothèse où le champ d'intervention des différents organismes de sécurité sociale serait clarifié, certaines dépenses pourraient naturellement faire l'objet d'un transfert de la CNAM vers la CNSA.

- De même, on peut s'interroger sur la pertinence du périmètre actuel de l'ONDAM médico-social après la mise en œuvre du présent projet de loi.

- Enfin, on ne peut, en lien avec la réflexion sur la nature et le rôle de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, que s'interroger sur une éventuelle modification du périmètre des lois de financement de la sécurité sociale.

En conséquence, le présent projet de loi ne prétend pas régler l'ensemble des questions relatives au risque de la perte d'autonomie. Le Premier ministre a d'ailleurs chargé deux hauts fonctionnaires, MM. Briet et Jamet, d'une mission visant à définir les contours de la CNSA, le périmètre précis de ses activités, ses modalités de fonctionnement et de financement.

Le projet peut néanmoins être précisé sur certains points. Entre un nouveau mode de gestion bâti de toutes pièces et la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale, l'éventail des choix est largement ouvert et provoque de nombreuses interrogations. Si un certain nombre de garanties sont déjà posées par le projet de loi et les engagements pris par le gouvernement, elles méritent sans doute d'être complétées et précisées dès maintenant.

Il serait souhaitable de :

- modifier l'intitulé même de la CNSA, le terme de « caisse » semblant prêter à confusion ;

- préciser la structure des organes dirigeants de la CNSA et leur composition qui devra être largement ouverte à d'autres représentants que les acteurs traditionnels du paritarisme, notamment aux représentants du monde associatif ;

- prévoir dès maintenant, sans préjuger de ses missions futures, les missions que la CNSA devra assumer dès sa création.

Elle ne saurait être une simple « gare de triage des financements ». Doit être clairement affirmé le fait qu'elle a notamment pour rôle de contribuer à la définition des orientations de la politique en matière de perte d'autonomie et de veiller au respect de l'égalité de traitement sur le territoire.

Une réforme d'une telle ampleur suppose un effort en terme de contrôle. Les défauts de la PSD et les tâtonnements de l'APA montrent le caractère indispensable d'un réel pilotage du dispositif et la nécessité de mettre en œuvre une véritable culture non seulement de contrôle mais également d'évaluation.

Au-delà du présent texte et des adaptations qu'il faudra lui apporter une fois définitivement fixés le champ et les modalités d'action de la CNSA, le Parlement n'aura pas achevé sa tâche. Il faudrait instaurer non seulement une procédure de bilan de la loi mais également un débat régulier, peut-être à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur ce pan majeur de notre politique sociale.

Les personnes en perte d'autonomie ont trop longtemps été laissées dans l'ombre, aussi bien dans les travaux du Parlement que dans le reste de la société, il appartient aux élus de faire en sorte que cette cinquième branche de la protection sociale les sorte de cette obscurité et les place au cœur du débat social.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que le texte portant création de la CNSA constitue le premier volet d'un diptyque législatif consacré à la dépendance et au handicap, le premier texte étant présenté par M. Denis Jacquat, le second par M. Jean-François Chossy. S'agissant de l'autonomie, il faut relever que le principe consacré par le projet de loi est celui d'une journée nationale de solidarité au bénéfice de l'ensemble des personnes en perte d'autonomie. Aussi, un fonds national de solidarité pour l'autonomie sera constitué et alimenté dès le second semestre 2004 pour atteindre sa « vitesse de croisière » en 2005.

Le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- la période transitoire, du 1er juillet au 31 décembre 2004, assurera des recettes avoisinant un milliard d'euros dévolues aux seules personnes âgées dépendantes ; 580 millions viendront alimenter le plan autonomie - parmi lesquels 410 millions serviront à rembourser l'emprunt contracté par le fonds de financement de l'APA - et 400 millions sécuriseront le financement courant de l'APA ;

- en 2005, les recettes s'élèveront à plus de deux milliards d'euros : 400 millions seront consacrés à l'APA et le solde sera consacré pour moitié (soit 850 millions d'euros) aux personnes âgées en perte d'autonomie, pour l'autre moitié, aux personnes handicapées.

Le président Jean-Michel Dubernard a relevé que, par delà l'APA et dans la continuité des travaux parlementaires consacrés aux événements de l'été 2003, des mesures interviendront d'ici le mois de juin prochain afin d'éviter qu'un tel drame ne se reproduise.

M. Yves Bur a tout d'abord souligné que le projet de loi traduit la prise de conscience de l'enjeu du vieillissement pour notre société. Il n'est pas possible d'espérer faire face à ce défi avec les moyens habituels. Sans instituer véritablement un « cinquième risque », ce projet constitue un pas dans cette direction.

La notion de « journée de solidarité » est sans doute originale en France, mais n'est pas une innovation en Europe. Les règles de détermination de cette journée doivent être les mêmes dans la fonction publique et dans les entreprises ; c'est pourquoi il faut prévoir un dispositif souple, comme le rapporteur le propose.

Pour répondre aux angoisses suscitées par la canicule de l'été dernier, il convient d'éviter les approches trop simplistes, décidées d'en haut. Par exemple, l'obligation de prévoir des locaux « rafraîchis » dans les maisons de retraites va conduire à des sollicitations pressantes auprès des élus locaux, ainsi qu'à des débats complexes sur la notion de rafraîchissement. De même, l'obligation de recenser les personnes fragiles isolées prévue par l'article 1er est tout à la fois inapplicable et scandaleuse, car elle reportera sur les maires la responsabilité de tout décès d'une personne qui n'aurait pas été enregistrée ; un tel transfert de responsabilité est inacceptable de la part de ceux qui ont failli l'été dernier et, au niveau local, il y a d'autres moyens, non autoritaires, pour développer les solidarités. En conclusion, M. Yves Bur a indiqué qu'il voterait contre l'article 1er du projet de loi.

M. René Couanau a considéré que le débat doit s'attacher au fond et aux objectifs des politiques avant d'aborder les questions techniques et financières. En effet, l'absence jusqu'à présent de toute mesure importante pour faire face au vieillissement ainsi que de toute avancée significative au bénéfice des personnes handicapées depuis 1975 rend nécessaire une réforme très importante. Les carences des politiques menées les années écoulées nous placent « au pied du mur ».

Les deux projets de loi en examen comportent enfin des mesures significatives. Pourtant, on doit regretter la connaissance insuffisante que l'on peut avoir des dépenses qui seront effectivement financées grâce à la journée de solidarité. Aucune étude d'impact n'accompagne le projet de loi, qui est lui-même conçu de manière technocratique sans faire apparaître le lien entre l'effort de solidarité qu'il institue et ceux qui en bénéficieront. Il aurait fallu présenter les objectifs de la politique que l'on veut mener avant d'en fixer les moyens.

En ce qui concerne la journée de solidarité, il est clair, d'une part qu'il faut bien trouver un financement pour toutes les dépenses que l'on a déjà engagées sans les couvrir ou que l'on souhaite engager, d'autre part, qu'une augmentation du taux de la contribution sociale généralisée (CSG) - qui pèserait aussi sur les revenus de ceux qui bénéficieront des nouvelles prestations - n'est pas envisageable. Demander un effort de solidarité sous forme de travail supplémentaire constitue donc la bonne solution. Il convient, comme le rapporteur le propose, de laisser une grande liberté sur le choix de ce jour.

S'agissant enfin du recensement des personnes isolées, le fait est que, sans aller jusqu'à la position exprimée par M. Yves Bur, on ne peut que s'interroger sur la faisabilité de cette opération. La confidentialité à laquelle sont tenus les services sociaux et la réserve naturelle des personnes fragiles ne la faciliteront pas. Les conditions de mise en œuvre doivent donc être clarifiées.

Mme Danièle Hoffman-Rispal s'est déclarée en désaccord avec la plupart des analyses et des conclusions du rapporteur, tout en saluant cependant ses réflexions sur l'idée d'une prestation de compensation unique quel que soit l'âge des personnes concernées, prestation qui devrait également couvrir l'incapacité due à certaines maladies.

Ce projet de loi vient manifestement trop tôt : il sera suivi du projet de loi sur le handicap ; on attend ensuite les conclusions de MM. Briet et Jamet ; enfin, il est annoncé que celles-ci influeront aussi sur la réforme de l'assurance-maladie. Bref, on ne peut avoir aucune vision globale de l'architecture des réformes proposées. Par ailleurs, d'après les opinions recueillies durant la récente campagne électorale, les salariés sont très loin d'être unanimes face à la perspective d'un jour de travail supplémentaire, surtout lorsqu'ils constatent les baisses d'impôts profitant aux plus aisés. C'est pourquoi, le groupe socialiste demande l'ajournement de l'examen du projet de loi.

L'analyse détaillée du texte révèle de nombreuses bizarreries et incertitudes :

- Les entreprises devront cotiser dès 2004, alors que la première journée de solidarité sera travaillée en 2005. La cotisation pour 2004 sera donc assise sur une recette fictive.

- L'incertitude est très grande sur l'avenir de la nouvelle caisse instituée, sur les instances qui la géreront, sur la mise en œuvre de la décentralisation annoncée de ces dépenses.

- Le flou est total sur l'avenir de l'enveloppe médico-sociale de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et sur le partage des dépenses entre les différentes caisses. A terme, ce dispositif porte en germe un démantèlement de l'assurance maladie universelle. L'institution d'un « cinquième risque » conduirait à la stigmatisation des coûts de santé, inévitablement élevés, des personnes âgées et des personnes handicapées.

En ce qui concerne enfin le recensement des personnes isolées, il s'agit d'une question très complexe. Il y a 175 000 personnes de plus de 75 ans à Paris. Le suivi des personnes qui bénéficient de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) a montré que les personnes qui étaient aidées ont relativement bien surmonté la canicule ; a contrario, les personnes décédées n'étaient souvent inscrites sur aucun fichier. De toute façon, recensement ou non, un épisode caniculaire l'été prochain pourrait de nouveau avoir de très graves conséquences car les établissements accueillant des personnes âgées manquent toujours de moyens et ce projet de loi ne leur apporte pas de réponse satisfaisante.

Au-delà des différentes critiques exprimées sur le texte, M. Bernard Perrut a jugé essentiel de revenir à l'esprit du projet de loi, c'est-à-dire la prise en charge globale de la dépendance, qui ne peut que recueillir un large soutien et inciter chacun à avancer des propositions pour l'améliorer. Ce projet soulève toutefois plusieurs interrogations :

- Il est tout d'abord surprenant que des mesures de portée aussi différente que la création d'un dispositif d'alerte et la mise en place d'un nouvel organisme de protection sociale soient réunies dans un même texte.

- Il semble excessif, voire provocateur, d'affirmer, comme le fait l'exposé des motifs, que « le drame de la canicule a montré que notre pays n'avait pas suffisamment pris en compte les conséquences humaines du vieillissement de notre société ».

- Il serait par ailleurs illusoire de penser que le dispositif de veille et d'alerte proposé serait de nature à remédier à l'ensemble des difficultés rencontrées lors du dernier épisode caniculaire, lequel a souligné la nécessité de la solidarité au sein de la population, en particulier dans les grandes villes.

- S'agissant de la CNSA, qui pourrait emprunter la forme d'un fonds, il faut souligner que, quelle que soit sa nature, elle permettra d'augmenter les moyens consacrés à la lutte contre la dépendance de l'ordre de 20 % au cours des prochaines années. S'il n'est pas choquant, bien au contraire, que cette caisse repose sur un financement faisant appel à la solidarité nationale, il est essentiel de permettre à chaque salarié de l'exprimer comme il le souhaite. Il pourrait ainsi choisir le jour supplémentaire travaillé ou de lui consacrer ou non un jour de réduction du temps de travail. Il faut une grande souplesse mais l'on ne peut pas ignorer la nécessité d'une société pour tous les âges.

M. Dominique Tian a tout d'abord souhaité avoir des précisions quant aux informations que les communes seraient tenues de réunir dans le fichier national. Le recensement des personnes dépendantes à leur demande semble en effet se heurter à deux difficultés : d'une part, elles ne sont pas toujours en état de le faire et, d'autre part, la médecine de ville semble écartée de ce dispositif, alors même qu'elle joue un rôle essentiel, du fait notamment de l'existence du dossier médical partagé. On peut donc légitimement s'interroger sur la pertinence de l'échelon communal pour la collecte de ces informations, et ce d'autant plus que les préfets mais également les présidents de conseils généraux disposent d'une compétence en la matière. Dès lors, on ne peut ignorer le risque d'une dilution des responsabilités si un tel drame se reproduisait. Demeure, enfin, le problème du repérage des personnes âgées qui nécessitent une telle prise en charge, parmi par exemple les 100 à 120 000 personnes âgées résidant à Marseille. C'est pourquoi il est souhaitable d'associer davantage la médecine de ville à ce dispositif d'alerte, en particulier les généralistes et les infirmières libérales.

S'agissant de la journée de solidarité instituée par le projet de loi, il semble préférable d'exclure de son champ d'application le secteur de l'éducation nationale, dans la mesure où cette journée risquerait d'entraîner des coûts supplémentaires liés à l'ouverture des écoles, sans engendrer de recettes, mais également d'imposer aux parents le choix du jour travaillé supplémentaire, dont on ignore, enfin, par qui il serait arrêté : le ministre de l'éducation, le recteur, le chef d'établissement, voire le maire ?

M. Edouard Landrain a souligné l'urgence qu'il y a à agir alors que ces problèmes se posent depuis déjà trente ou quarante ans. Les travaux de la commission d'enquête sur les conséquences de la canicule ont permis de souligner l'importance de l'identification des personnes fragiles et isolées. Il est donc essentiel d'entreprendre avec courage le recensement ces personnes, surtout en milieu urbain. Dans les milieux - notamment ruraux - où les liens de solidarité restent forts, son utilité est moindre.

Si l'on peut s'interroger sur le choix du jour férié, il semble que les Français ne soient pas hostiles à donner un peu de leur temps par solidarité, comme ils le font pour le bénévolat. Enfin, la CNSA ne doit pas être une institution administrative supplémentaire ayant pour seule vocation de créer des emplois mais bien un organisme consacré à la lutte contre la dépendance et à la mise en œuvre du principe de solidarité, à des actions concrètes.

M. Jean-Marc Roubaud a estimé que si le gouvernement précédent n'avait rien fait pour réformer les retraites ou financer l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), il serait très risqué de faire de même face aux dysfonctionnements mis en lumière par la canicule. Il est donc fondamental de définir une méthode consensuelle permettant à chacun de prendre ses responsabilités dans ce domaine.

Mme Marie-Renée Oget a exprimé la réprobation que lui inspirent de tels propos et, par ailleurs, regretté que cet effort de solidarité soit le seul fait des salariés et soit trop souvent envisagé comme une forme de charité à l'égard des personnes âgées.

Mme Danièle Hoffman-Rispal a également souhaité que chacun exprime ses positions de façon sereine et a ajouté que les mesures de lutte contre la dépendance ne pourront pas être mises en œuvre dès le 1er juillet prochain pour les raisons suivantes :

- Les personnes âgées et handicapées résidant à domicile ne peuvent être recensées que si elles en font la demande, comme l'a souligné le Conseil d'Etat. Or, de même que des personnes sans domicile fixe refusent parfois des mesures d'hébergement d'urgence qui leur sont proposées, certaines personnes âgées isolées peuvent ne pas souhaiter s'inscrire sur ce fichier et le projet de loi ne permet pas d'y remédier.

- Les moyens financiers annoncés pour l'été prochain sont insuffisants : c'est en particulier le cas pour la climatisation des locaux, dont le coût, estimé de dix à quinze mille euros par pièce, semble très en deçà de son coût effectif.

- Enfin, il faut prendre en compte les délais requis pour l'élaboration des textes d'application et surtout l'absence de cohérence du texte avec les autres projets de loi, notamment la réforme de l'assurance maladie.

Le président Jean-Michel Dubernard a souhaité que les parlementaires puissent s'exprimer librement sur un sujet sensible et avancer toutes les propositions qu'ils jugent nécessaires afin de l'améliorer.

M. Jean-Marc Roubaud a tenu à préciser qu'une contribution serait bien prélevée sur les revenus du capital et qu'il était donc inexact de prétendre que seuls les salariés participeraient au financement des mesures de solidarité en faveur des personnes âgées.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- Ce projet de loi correspond à une urgence révélée notamment par la crise de la canicule mais répond aussi à un problème déjà ancien, celui du vieillissement de la population française. Même si les problèmes à résoudre sont complexes, le pire serait de différer encore les mesures à prendre.

- Concernant la chronologie des textes qui seront examinés dans les prochains mois, on peut considérer qu'il aurait été plus judicieux de commencer par celui sur la sécurité sociale afin de clarifier les questions du financement pour adopter ensuite celui sur la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées et traiter, enfin, de la question de la prise en charge des personnes handicapées. Compte tenu de l'urgence qu'il y a à dégager des moyens permettant de financer des actions nouvelles, c'est le présent texte qui vient en premier.

- La question de la création d'un cinquième risque au sein de la sécurité sociale permettant la prise en charge des personnes en perte d'autonomie fait l'objet d'un débat depuis de nombreuses années sans que l'on parvienne à dégager un véritable consensus. Ce projet de loi n'a pas pour vocation de trancher le problème et un amendement sera proposé tendant à modifier la dénomination de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie afin de lever toute ambiguïté sur la création d'un cinquième risque. L'essentiel est que cet organisme soit en mesure de recueillir les contributions issues de la solidarité et redistribue les sommes ainsi prélevées de manière homogène sur tout le territoire.

- Concernant la création d'une journée de solidarité pour financer des actions en faveur de l'autonomie, plusieurs amendements seront proposés afin de permettre aux entreprises et au secteur public de négocier de manière décentralisée les modalités de choix de cette journée de solidarité. Pour le secteur public, des textes réglementaires devront être adoptés mais il est envisageable que des dispositifs différenciés soient mis en place selon les secteurs d'activité, par exemple dans le milieu scolaire pour lequel la journée pourrait être différente selon les zones. Il n'est pas indispensable que l'ensemble du pays choisisse le lundi de Pentecôte comme journée de solidarité. L'objectif n'est pas de supprimer un jour férié mais de créer une journée supplémentaire de travail.

- Certains ont critiqué la décision de supprimer un jour férié mais il est important de rappeler que de multiples responsables politiques, de toutes tendances politiques, se sont prononcés en faveur de cette décision citant en exemple le cas de l'Allemagne qui a opté pour cette solution il y a plusieurs années. La création de la journée de la solidarité constitue un geste symbolique très fort qui traduit concrètement la solidarité de l'ensemble de la population en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.

- La question de la contribution de l'ensemble du corps social à ce geste de solidarité est délicate. En effet, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie recevra des contributions qui seront essentiellement assises sur les revenus d'activité même s'il est prévu de percevoir un prélèvement sur les revenus du capital. La participation des retraités ou des professions libérales n'est pas prévue tant il est difficile de mettre en regard de leur contribution une création de richesse supplémentaire. Au demeurant les associations de retraités n'ont pas proposé que ceux-ci s'acquittent également d'une contribution.

- Concernant les modalités de mise en place d'un dispositif de veille et d'alerte, de multiples problèmes pratiques doivent être encore résolus car la crise de la canicule de cet été a révélé que les services sociaux connaissaient très mal les personnes âgées isolées. Il est surprenant qu'aucun dispositif n'ait jamais été imaginé pour lutter contre la canicule alors que depuis plusieurs années un plan « grand froid » existe sur tout le territoire et que les épisodes de canicule précédents de 1976 et 1983 ont entraîné la mort de milliers de personnes sans susciter de véritables réactions. Il est donc essentiel de mettre au point un maillage du territoire pour mieux connaître les personnes âgées isolées, la principale difficulté demeurant de toucher les personnes qui refusent de se faire recenser comme personnes isolées. En raison du principe du respect de la vie privée, il est en effet impossible de contraindre une personne, même en situation de risque, à se faire recenser. La solution à ce problème réside notamment dans une implication des professions médicales qui ont toute la confiance des personnes âgées dans ce dispositif de recueil d'informations.

- Concernant les bénéficiaires des actions prévues par ce projet de loi, il est apparu important de supprimer toute limite d'âge et de se focaliser sur le seul critère de la perte d'autonomie. Le projet de loi pourra, par exemple, bénéficier aux personnes handicapées mentales qui ne sont reconnues comme invalides mais qui ne sont plus autonomes et connaissent une situation d'isolement. Le droit à compensation devra donc être affirmé pour toute personne en situation de perte d'autonomie.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.

TITRE IER

MISE EN PLACE D'UN DISPOSITIF DE VEILLE ET D'ALERTE

Article 1er (article L. 116-3 et L. 121-6-1 [nouveaux] du code de l'action sociale et des familles) : Mise en place d'un dispositif de veille et d'alerte au profit des personnes âgées et handicapées

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à élargir le champ du dispositif du plan d'alerte et d'urgence départemental. Il convient de ne pas le limiter aux seules personnes âgées ou handicapées alors que certaines personnes de moins de soixante ans peuvent se trouver en situation de grande vulnérabilité notamment en raison d'un handicap mental ou psychique non reconnu.

M. Georges Colombier a demandé si les personnes de moins de soixante ans atteintes de la maladie d'Alzheimer pourront être concernées par ce plan d'urgence.

Le rapporteur a précisé que ces malades seraient effectivement concernés comme tous ceux qui souffrent de maladies neuro-dégénératives.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a rejeté l'amendement n° 6 de M. François-Xavier Villain tendant à donner une définition de la personne handicapée et de la personne âgée.

La commission a examiné un amendement de Mme Paulette Guinchard-Kunstler associant le directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation à la mise en œuvre du plan d'alerte et d'urgence départemental.

Le rapporteur a jugé cette proposition intéressante mais a souligné qu'elle risque de compliquer la mise en œuvre du plan, une seule autorité devant être décisionnaire au niveau départemental. Il a rappelé que le directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation sera étroitement associé à l'élaboration du plan.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de Mme Paulette Guinchard-Kunstler précisant que le plan d'alerte doit favoriser le rapprochement entre les actions sanitaires et sociales.

Le rapporteur a donné un avis favorable à l'adoption de cet amendement qui va dans le sens d'un décloisonnement des actions.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur visant à élargir le champ du dispositif de recueil d'informations aux personnes particulièrement vulnérables du fait de leur isolement.

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz associant les différents intervenants dans le domaine de la perte d'autonomie au dispositif de recensement.

La commission a également rejeté l'amendement n° 4 de M. François-Xavier Villain donnant un caractère systématique à cette collecte d'informations.

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz permettant à un membre de l'entourage d'une personne isolée d'alerter les services sur sa situation, le rapporteur ayant donné un avis défavorable, estimant que la préoccupation est satisfaite par l'amendement suivant.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur visant à assurer l'efficacité du dispositif de recueil d'informations en étendant à certains tiers la possibilité de demander le recueil d'informations relatives aux personnes concernées tout en préservant pour celles-ci la possibilité de s'y opposer.

Mme Danièle Hoffman-Rispal s'est interrogée sur l'efficience du droit d'opposition pour une personne atteinte d'une maladie mentale.

La commission a adopté l'amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur prévoyant que le recueil des informations se fait dans le respect des dispositions de la loi « informatique et libertés ».

La commission a rejeté l'amendement n° 5 de M. François-Xavier Villain visant à constituer un registre contenant les renseignements relatifs aux personnes vulnérables présenté sur simple demande aux services de l'Etat ou des conseils généraux.

La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à dissiper une ambiguïté du dispositif susceptible de provoquer une mise en jeu de la responsabilité pénale des maires, en prévoyant en cas de doute sur le caractère justifié de la demande d'inscription que le préfet statue au vu du plan d'alerte et d'urgence départemental.

La commission a rejeté un amendement de Mme Paulette Guinchard-Kunstler soumettant le recueil des informations recueillies à l'avis de la CNIL, le rapporteur le jugeant satisfait par celui précédemment adopté.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Après l'article 1er

La commission a rejeté un amendement de Mme Paulette Guinchard-Kunstler tendant à la création d'un crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires en faveur des établissements qui réalisent des investissements visant à adapter les conditions de résidence des personnes âgées ou des personnes handicapées à des conditions climatiques exceptionnelles, après que le rapporteur a indiqué son scepticisme quant à l'assujettissement de l'ensemble de ces établissements à la taxe sur les salaires.

Avant l'article 2

La commission a rejeté deux amendements de M. Maxime Gremetz visant respectivement à intégrer la prise en charge de la perte d'autonomie dans le champ de la sécurité sociale et à créer une prestation perte d'autonomie relevant du régime général.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À LA JOURNÉE DE SOLIDARITÉ

Article 2 (articles L. 212-16 [nouveau], L. 221-1, L. 212-4-2, L. 212-8, L. 212-9 et L. 212-15-3 du code du travail) : Création d'une journée dite « de solidarité »

La commission a rejeté deux amendements de suppression de l'article de Mme Paulette Guinchard-Kunstler et M. Maxime Gremetz.

La commission a ensuite adopté quatre amendements du rapporteur :

- un amendement de précision précisant que les agents publics sont inclus dans le champ de la journée de solidarité ;

- un amendement qui prévoit que la date de la journée de solidarité est fixée par la voie de la négociation collective ;

- deux amendements de coordination.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz prévoyant le principe de l'accord majoritaire pour fixer la date de la journée de solidarité.

Après que le rapporteur a indiqué que cette question est tranchée par l'article 34 de la loi relative au dialogue social qui prévoit le recours à l'accord majoritaire, la commission a rejeté cet amendement.

La commission a rejeté l'amendement n° 3 de M. François-Xavier Villain interdisant la fixation de la journée de solidarité un dimanche.

La commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur qui clarifie les conditions de mise en œuvre de la journée de solidarité par les salariés à temps partiel.

M. Michel Heinrich s'est interrogé sur la faculté de décider dans un accord de branche de contribuer à hauteur de 0,3 % sans pour autant appliquer la journée de solidarité.

Mme Irène Tharin a établi un parallèle avec l'obligation pour les entreprises et les administrations d'employer un certain quota de personnes handicapées sous peine de payer une amende.

Le rapporteur a insisté sur le caractère obligatoire que revêt la fixation de cette journée et signalé que le présent texte procède d'un esprit très différent de celui de la loi de 1987 qui se veut avant tout incitatif. Il s'agit là d'une obligation.

M. Dominique Tian a relevé qu'une obligation dépourvue de sanction est juridiquement inopérante.

Le rapporteur a rappelé que le principe de la journée de solidarité est identique à celui retenu en Allemagne.

S'agissant des conditions de mise en œuvre de la journée de solidarité par les salariés à temps partiel, Mme Maryvonne Briot a souligné la complexité des calculs à effectuer.

Après que le rapporteur a rappelé que l'assiette est strictement identique à celle des cotisations d'assurance maladie, la commission a adopté l'amendement.

La commission a rejeté l'amendement n° 2 de M. François-Xavier Villain disposant que la journée de solidarité ne s'applique pas aux jeunes travailleurs qui ne peuvent travailler pendant les jours fériés.

La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur de simplification et de cohérence.

La commission a examiné un amendement du rapporteur étendant aux salariés de moins de 18 ans, et en particulier aux apprentis, le dispositif de la journée de solidarité.

M. Michel Heinrich a jugé cet amendement peu opportun car l'apprenti n'est pas considéré comme un salarié et son emploi ne donne pas lieu à cotisations sociales.

M. Claude Leteurtre s'est opposé à l'amendement en observant qu'il pouvait avoir une portée dissuasive sur l'embauche des apprentis, qui coûtent cher à leur employeur. Une telle disposition serait notamment maladroite envers les collectivités locales qui sont souvent réticentes à embaucher des apprentis.

Le rapporteur a expliqué que l'amendement a notamment pour motivation de faciliter l'organisation du travail dans les entreprises. Compte tenu des objections exprimées, il a retiré l'amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur prévoyant les conditions spécifiques d'application du dispositif aux salariés auxquels seraient demandées plusieurs journées de solidarité du fait d'un changement d'employeur en cours d'année.

La commission a ensuite adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 (articles L. 713-14, L. 713-15 et L. 713-19 du code rural) : Application de la journée de solidarité au secteur agricole

La commission a rejeté deux amendements de suppression de l'article de Mme Paulette Guinchard-Kunstler et de M. Maxime Gremetz.

Elle a ensuite adopté l'article 3 sans modification.

Article 4 : Adaptation des stipulations conventionnelles relatives au lundi de Pentecôte

La commission a rejeté deux amendements de suppression de l'article de Mme Paulette Guinchard-Kunstler et de M. Maxime Gremetz.

La commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur puis l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 : Adaptation des stipulations conventionnelles et des clauses contractuelles à la modification de la durée du travail liée à la création de la journée de solidarité

La commission a rejeté deux amendements de suppression de l'article de Mme Paulette Guinchard-Kunstler et de M. Maxime Gremetz.

La commission a adopté trois amendements du rapporteur :

- le premier précisant que la majoration de la durée du travail liée à la journée de solidarité ne s'applique qu'aux conventions, accords et contrats de travail conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi ;

- le deuxième apportant cette même précision pour les emplois à temps partiel ;

- le troisième de précision.

La commission a ensuite adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6 : Application de la journée de solidarité dans les fonctions publiques

La commission a rejeté deux amendements de suppression de l'article de Mme Paulette Guinchard-Kunstler et de M. Maxime Gremetz.

La commission a adopté un amendement du rapporteur disposant que, pour les employeurs publics, la date de la journée de solidarité est fixée par décret en Conseil d'Etat.

En conséquence, la commission a rejeté l'amendement n° 7 de M. Jean-Louis Christ étendant au service public le principe du libre choix de la date de solidarité.

Elle a ensuite adopté l'article 6 ainsi modifié.

TITRE III

CRÉATION DE LA CAISSE NATIONALE DE SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE

Avant l'article 7

La commission a examiné un amendement du rapporteur proposant d'intituler le nouvel organisme de protection sociale compétent en matière de perte d'autonomie « Conseil national de solidarité pour l'autonomie ».

Le rapporteur a expliqué que l'appellation « caisse » retenue par le projet de loi crée une ambiguïté quant à l'inclusion de cet organisme dans le champ de la protection sociale. Dès lors, deux autres mots semblaient possibles : fonds et conseil. Le terme de « fonds », qui limiterait son activité à un seul rôle comptable, suscite une grande méfiance car il est souvent synonyme de technostructure. En revanche, le terme de « conseil » reflète bien les différentes missions de cet organisme qui ne fera pas que gérer de l'argent mais devra également définir des orientations, coordonner des actions et effectuer des évaluations.

M. Maurice Giro a observé qu'une caisse ou un conseil sont des institutions qu'il faut gérer, donc coûteuses, alors qu'un fonds est une simple structure comptable.

M. René Couanau, président, a considéré que le mot « conseil » ne convient pas pour un organisme essentiellement financier. Il serait donc plus sage de s'en tenir pour le moment à l'intitulé retenu pour le projet de loi.

Le rapporteur a rappelé que durant les auditions qu'il a réalisé une forte opposition à l'utilisation du terme « caisse » s'est manifestée. Il convient donc de trouver une appellation qui corresponde tout à la fois à l'esprit et au financement du dispositif de solidarité pour l'autonomie.

M. Frédéric Dutoit a souhaité que cette question soit à nouveau débattue en séance publique car, derrière cette querelle de mots, se pose le problème de savoir si l'autonomie doit faire l'objet d'un système séparé ou bien être intégrée dans la sécurité sociale.

Le rapporteur a retiré son amendement.

Article 7 : Création d'une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz, de suppression de l'article.

La commission a examiné un amendement de Mme Paulette Guinchard-Kunslter visant à substituer à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie un Fonds national de solidarité pour l'autonomie.

Mme Carillon-Couvreur a précisé que cette structure aurait vocation à financer une véritable prestation correspondant au droit à compensation pour les personnes handicapées et les personnes âgées en perte d'autonomie, sans limite d'âge.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur visant à définir les missions de la CNSA prévoyant notamment que le nouvel organisme veille au respect de l'égalité de traitement des personnes sur tout le territoire.

M. René Couanau, président, a remarqué que l'amendement aurait pour conséquence d'accroître la taille de la structure.

M. Claude Leteurtre a estimé que la rédaction proposée des missions serait très contraignante pour les conseils généraux, compte tenu de la modicité des ressources supplémentaires. Le texte instaure une tutelle insupportable : il est préférable que les conseils généraux mettent en œuvre des politiques propres ensuite évaluées par les électeurs.

M. Dominique Tian a considéré l'amendement contradictoire avec le projet de loi relatif aux responsabilités locales, en particulier avec le rôle dévolu aux conseils généraux.

Le rapporteur a relevé que cet amendement s'inspire du discours du Premier ministre annonçant cette réforme, qui mentionne les missions que devra exercer l'organisme, parmi lesquelles figure le respect de l'égalité de traitement. Il est essentiel de garantir que la perte d'autonomie sera prise en charge de la même manière dans tous les départements.

M. René Couanau, président, a exprimé son inquiétude vis-à-vis de l'émergence possible d'une haute administration chargée d'élaborer des textes, de contrôler le secteur, d'appliquer des référentiels et d'en évaluer la mise en œuvre et a proposé de rectifier l'amendement sur ces points.

Le rapporteur a objecté qu'un autre amendement fixant la composition de la CNSA de manière à rassembler tous les acteurs concernés permettra d'éviter une gestion technique et administrative des ressources.

M. Pierre Morange a d'abord relevé qu'il est effectivement nécessaire que la prise en charge des personnes concernées soit équivalente sur tout le territoire. Il existe cependant un risque de créer une administration supplémentaire qui capterait une partie des ressources financières engagées. Il pourrait être possible de modifier l'amendement afin de tenir compte des remarques exprimées par les commissaires, notamment celles relatives à sa compatibilité avec le projet de loi relatif aux responsabilités locales. S'agissant du contrôle, des dispositions en ce sens ont déjà été adoptées dans le cadre de la loi de modernisation sociale.

Le rapporteur a souligné qu'il a d'expérience constaté la tentation pour les conseils généraux de détourner la loi et le risque, comme pour la prestation spécifique dépendance (PSD), de la voir appliquée de façon très hétérogène. Les associations sont extrêmement attachées à éviter de telles dérives. Le Parlement se doit de faire en sorte que la loi reçoive une application uniforme sur tout le territoire français.

Mme Martine Carillon-Couvreur a estimé nécessaire l'élaboration de nouveaux référentiels afin de prendre en compte le contexte global de la personne considérée.

Après que le rapporteur a rectifié son amendement suivant la proposition de M. René Couanau, président, la commission l'a adopté.

Elle a adopté l'article 7 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 7 : Statut de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

La commission a adopté un amendement du rapporteur conférant à la CNSA les attributs classiques des organismes de protection sociale constitués sous la forme d'un établissement public national.

Après l'article 7

Le rapporteur a retiré un amendement précisant la structure et la composition des organes dirigeants du conseil national de la solidarité pour l'autonomie, la commission n'ayant pas souhaité retenir cette dénomination.

Article 8 : Produits affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à substituer au mode de financement choisi par le gouvernement - le travail d'une journée supplémentaire -, un financement fondé sur la remise en cause de la réduction de l'impôt sur le revenu sur les tranches les plus élevées décidée par le gouvernement.

M. Frédéric Dutoit a indiqué que le choix de cet autre mode de financement est viable en pratique dans la mesure où les ressources attendues par le gouvernement de la suppression d'un jour chômé sont relativement peu élevées.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz de même nature que le précédent, prévoyant d'affecter au financement des actions de la CNSA un quadruplement de l'impôt de solidarité sur la fortune.

La commission a examiné un amendement de Mme Paulette Guinchard-Kunstler visant à supprimer la contribution au taux de 0,3 % due par les employeurs privés et publics prévue en contrepartie de la suppression d'un jour férié.

Mme Danièle Hoffman-Rispal a indiqué que le financement attendu dès maintenant par les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes doit passer par un collectif à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 adopté avant l'été. En effet, en raison des règles comptables en vigueur, l'Etat ne pourra pas collecter le produit de cette contribution avant le 15 août de cette année et ne pourra donc pas financer les mesures attendues avant l'été.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a également rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz augmentant le taux de la contribution due par les employeurs privés et publics prévue en contrepartie de la suppression d'un jour férié.

La commission a examiné un amendement de Mme Paulette Guinchard-Kunstler visant à majorer de 0,3 % de leur masse salariale le montant de la dotation globale de fonctionnement versée par l'Etat aux collectivités locales pour compenser la contribution versée à la CNSA par celles-ci en tant qu'employeurs.

Mme Danièle Hoffman-Rispal a déclaré que l'adoption de cet amendement est nécessaire si l'on ne veut pas reporter sur les ménages, via la fiscalité locale, le coût de la mesure envisagée par le gouvernement.

Après que le rapporteur a émis un avis défavorable relevant que le surcoût pour les collectivités locales est largement compensé par le financement de l'APA par la CNSA, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a également rejeté l'amendement n° 1 de M. François-Xavier Villain, visant à rendre susceptibles d'appel les décisions rendues par les tribunaux des affaires de sécurité sociale portant sur des litiges relatifs à la contribution au taux de 0,3 % due par les employeurs privés et publics prévue en contrepartie de la suppression d'un jour férié instituée par le projet de loi.

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz visant à étendre aux travailleurs indépendants, aux professions libérales et aux exploitants agricoles le paiement de la contribution au taux de 0,3 %.

Puis elle a adopté l'article 8 sans modification.

Article 9 : Charges de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour l'année 2004

La commission a rejeté trois amendements de M. Maxime Gremetz visant à modifier la compensation par la CNSA du coût de l'APA pour chaque département et adopté l'article 9 sans modification.

Article 10 : Charges de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie à compter de l'année 2005

La commission a adopté l'article 10 sans modification.

Article 11 : Dispositions transitoires liées à la disparition du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie

La commission a adopté un amendement du rapporteur rectifiant un décompte d'alinéas erroné puis l'article 11 ainsi modifié.

Après l'article 11 :

La commission a rejeté un amendement de M. Francis Vercamer visant à permettre aux personnes âgées françaises résidant dans une structure d'accueil située dans un pays frontalier de pouvoir bénéficier de l'APA, après que le rapporteur a indiqué que cet amendement est contraire au principe de territorialité.

Article 12 : Modalités d'entrée en vigueur de la loi

La commission a rejeté un amendement de suppression de l'article de M. Maxime Gremetz.

Puis elle a adopté l'article 12 sans modification et l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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Information relative à la commission

La commission a désigné M. Christian Kert, rapporteur sur le projet de loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés - n° 1499.

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