COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 6

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 26 octobre 2004
(Séance de 9 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

pages

- Loi de finances pour 2005

· Avis recherche et nouvelles technologies (M. Pierre-André Périssol, rapporteur pour avis)

· Avis enseignement scolaire (Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis)

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La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Pierre-André Périssol, les crédits de la recherche pour 2005.

M. Pierre-André Périssol, rapporteur pour avis, a indiqué que, conformément aux engagements pris devant la communauté des chercheurs, la recherche sera dotée d'un milliard d'euros supplémentaires en 2005. Cette décision s'inscrit dans la volonté affirmée du gouvernement d'augmenter, d'ici à 2007, de 3 milliards d'euros son soutien financier en faveur de la recherche publique et privée pour s'approcher au plus près de l'objectif des 3 % du produit intérieur brut (PIB) consacrés à la recherche à l'horizon 2010, objectif adopté par les chefs d'Etat européens réunis en conseil européen à Barcelone en 2002. Ce milliard est réparti, selon trois parts quasi équivalentes, entre l'augmentation du budget civil de recherche et développement (BCRD), la dotation d'une Agence nationale pour la recherche (ANR) nouvellement créée et le renforcement des mesures de soutien à l'innovation.

En 2005, 356 millions d'euros supplémentaires seront affectés au BCRD, ce qui constitue, en volume, la plus forte augmentation depuis dix ans et une progression annuelle de 4 % très supérieure à l'évolution du PIB. La quasi-totalité de cette hausse (97 %) est destinée à renforcer les moyens financiers et humains des établissements publics scientifiques et technologiques (EPST), des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) et de la recherche universitaire, lesquels augmenteront en moyenne à un rythme deux fois supérieur à celui du BCRD. L'augmentation du BCRD se traduit également par le renforcement ou la création de mesures destinées à rendre la recherche française plus attractive auprès des jeunes chercheurs : 4 000 allocations de recherche et 40 conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) supplémentaires seront créées en 2005 et 2 millions d'euros seront destinés à mettre un terme à la pratique des « libéralités » et à garantir aux jeunes doctorants une véritable couverture sociale. Enfin, la hausse du BCRD permet d'amplifier encore l'effort en direction de l'innovation avec l'augmentation de 40 % des moyens budgétaires destinés au dispositif « Jeune entreprise innovante » qui rencontre déjà un franc succès.

Un autre point fort du projet de loi de finances pour 2005 dans le domaine de la recherche est l'institution d'une Agence nationale de la recherche (ANR) dotée, dès sa création, de 350 millions d'euros de crédits. Véritable agence de moyens, sa mission consistera à soutenir, dans le cadre de la politique nationale de recherche, le développement des recherches fondamentale et appliquée, l'innovation et le partenariat entre le secteur public et le secteur privé par le financement de projets de recherche sélectionnés sur des critères d'excellence scientifique et technique. L'agence pourra également faire des dotations en capital à des fondations de recherche reconnues d'utilité publique. Pour des raisons tenant aux règles budgétaires, le gouvernement a souhaité inscrire dans la loi le principe de la création d'une telle agence afin qu'elle puisse au plus vite devenir une réalité et disposer d'un financement. Toutefois, soucieux de respecter le temps du débat et de ne pas hypothéquer les conclusions des états généraux de la recherche et de la mission d'information parlementaire sur la recherche publique et privée en France face au défi international, présidée par M. Jean-Pierre Door, il a renvoyé à plus tard les contours précis de son organisation. Enfin, l'agence prendra, dès le 1er janvier 2005, le relais des actions incitatives conduites antérieurement au titre du Fonds de la recherche et de la technologie (FRT) et du Fonds national de la science (FNS).

Le troisième volet de l'effort exceptionnel consenti par le gouvernement à la recherche pour l'année 2005 se présente sous la forme d'un ensemble de mesures fiscales pour une dépense globale s'élevant à 300 millions d'euros. Ces mesures se déclinent selon trois orientations majeures : la progression des dépenses en faveur du crédit d'impôt-recherche pour un montant de 235 millions d'euros ; pour soutenir l'innovation, la réforme des fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) ; pour favoriser la constitution de pôles de compétitivité, l'exonération d'impôt sur les bénéfices, de taxe professionnelle et de taxe foncière sur les propriétés bâties (sous réserve de la décision des collectivités locales) et l'allègement des cotisations sociales patronales pour les entreprises participant à un projet de recherche et développement (50 % pour les PME et 25 % pour les autres entreprises) dans l'un des pôles labellisés par le gouvernement.

Par ailleurs, les subventions adressées aux EPST et aux EPIC - hors Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et Centre national d'études spatiales (CNES) - seront, pour l'année 2005, les plus importantes reçues par ces établissements au cours des quinze dernières années et seront en forte progression par rapport aux crédits 2004. Cela doit permettre de raffermir globalement les capacités de la recherche française  - ce dont témoigne en parallèle l'accroissement significatif des moyens de la recherche universitaire de plus de 11 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement - mais aussi de mettre principalement l'accent sur la recherche en direction des thématiques prioritaires. Les établissements qui voient leur subvention augmenter de la manière la plus substantielle sont ceux dont les activités concernent les sciences de la vie (Inserm, INRA, CNRS), les sciences et technologies de l'information et de la communication (INRIA) ou l'énergie et le développement durable (INRETS). L'emploi scientifique bénéfice également très largement de l'accroissement des moyens des EPST puisque le gouvernement s'engage à ce qu'en 2005 tous les emplois statutaires soient préservés et propose la création de 200 nouveaux postes d'accueil de haut niveau. Venant s'ajouter aux 235 recrutements opérés en 2004, cette mesure permettra d'accentuer la capacité des établissements à accueillir, sur la base de contrats à durée déterminée, des personnels étrangers de haut niveau dans des conditions attractives par rapport aux standards internationaux. A l'exemple des EPST, tous les EPIC verront leurs subventions augmenter.

En complément de la présentation des crédits de la recherche pour 2005, le rapporteur pour avis a souhaité esquisser quelques pistes en faveur d'une nouvelle gouvernance de la recherche française, thème retenu cette année pour son avis. De fait, guérir la recherche, ce n'est pas seulement augmenter les ressources qui lui sont affectées mais aussi renouveler ses structures. En effet, la question qui se pose à la recherche française n'est pas de renier une organisation ayant fait ses preuves par le passé mais d'adapter ces structures, telles qu'elles ont évolué au cours des dernières années, à un environnement nouveau et soumis dans un avenir proche à de nouvelles mutations.

De nombreuses instances sont déjà en place qui réfléchissent sur l'avenir de la recherche et établissent des propositions en vue de l'élaboration du projet de loi d'orientation et de programmation sur la recherche. Parmi elles, on peut notamment citer : le Comité d'initiative et de proposition (CIP), co-présidé par M. Etienne-Emile Baulieu et M. Edouard Brézin, à qui il revient d'organiser les états généraux de la recherche qui se réuniront à partir de demain à Grenoble ; la mission d'information sur la recherche publique et privée en France face au défi international, présidée par M. Jean-Pierre Door ; l'opération FutuRIS (recherche, innovation et société) créée à l'initiative de l'Association nationale de la recherche technique (ANRT) ; la mission d'analyse et de proposition visant à définir les conditions d'une relance ambitieuse d'une politique de grands programmes scientifiques et technologiques confiée par le Président de la République à M. Jean-Louis Beffa, président de Saint-Gobain.

Quatre axes de réflexion prioritaires peuvent d'ores et déjà être retenus :

- Faire de l'ANR une véritable agence de moyens. En effet, l'important, si l'on désire avoir un système de recherche performant, est moins de fonder le choix des opérateurs de recherche en raison de leur statut (public ou privé) que sur leurs compétences et leur capacité à mener à bien un projet. Cette dernière conception - qui se rapproche du modèle de la National Science Foundation (NSF) américaine - qui fait de l'ANR non seulement une véritable agence de moyens mais également une agence de programme, dans le sens qu'en donne FutuRIS - c'est-à-dire une agence à la fois chargée de distribuer les financements et de décliner les grandes priorités de recherche définies par ailleurs en programmes de recherche précis et ciblés -, semble la plus pertinente.

- Placer les universités au cœur des pôles de compétitivité. La place occupée actuellement par l'université dans le dispositif français de recherche est trop faible. Il faut donc impérativement renforcer sa position sans pour autant restreindre le rôle joué par les organismes de recherche. Le rééquilibrage - amorcé mais timide - du financement de la recherche publique française en faveur du financement sur projet plutôt que sur financement récurrent, doit permettre à la recherche universitaire de s'inscrire plus fortement encore dans la voie de l'excellence scientifique. La mise en place de l'ANR, dont les fonds ne seront pas distribués selon le critère de la nature de l'établissement mais selon des critères de performance, conjuguée à la mise en place de pôles de compétitivités, dont il reste à définir plus précisément les contours, sont autant d'éléments de nature à offrir à l'université la possibilité de devenir, selon l'expression des auteurs de l'appel Du NERF !, « la brique fondamentale [servant] à recomposer le dispositif de recherche français : le campus de recherche doté d'une véritable autonomie ». Il ne s'agit pas en effet d'opposer universités, grandes écoles et organismes de recherche pour favoriser l'un en « déshabillant » les deux autres mais de mettre en place des structures - les pôles de compétitivités - permettant de mutualiser les efforts et de donner à ces centres une masse critique suffisante pour apparaître sur la scène internationale et, dans le même temps, de mettre en concurrence les moyens de la recherche française en privilégiant les financements sur projets, afin de privilégier non pas telle ou telle structure mais bien les projets et les compétences intrinsèques des chercheurs.

- Faire de l'évaluation la clé de voûte d'un système de recherche performant. L'évaluation est le troisième temps de la réforme de la recherche publique et le contrepoint indispensable à la mise en place d'une agence de moyens : l'évaluation. En effet, l'ANR ne pourra faire la preuve de son utilité que dans la mesure où elle pourra s'appuyer sur une structure d'évaluation efficace lui permettant, à l'issue de la procédure d'appel d'offre, de choisir les meilleures équipes pour faire aboutir ses projets. Or, le moins que l'on puisse dire, c'est que, à l'image du système de recherche français tout entier, le dispositif d'évaluation dont dispose actuellement la recherche française est perfectible.

- S'appuyer sur un ministère pilote et stratège. Le dernier aspect de la réforme mais le plus fondamental est le pilotage de la recherche publique française. En effet, si les grands organismes de recherche, en raison de leur structure qui fait d'eux à la fois des agences de moyens et leurs propres opérateurs, peuvent continuer leurs travaux en dépit d'un pilotage global chaotique, une agence de moyens ne pourra fonctionner correctement que dans la mesure où elle sera chargée de mettre en œuvre et de décliner sous forme de projets des orientations définies en amont. Le ministère risque donc de se trouver fragiliser au moment même où il importe précisément que son rôle de pilote du système soit réaffirmé. A ce niveau intervient un autre élément important du débat actuel sur la recherche qui est la question de la création d'un haut conseil (ou toute autre structure équivalente quel que soit le nom qu'on lui donne) composé en majorité ou en totalité d'experts scientifiques, placé auprès du pouvoir exécutif (Président de la République, Premier ministre ou ministre de la recherche) et chargé de le conseiller dans la définition des orientations de la recherche. Sur ce point, quelques précisions sont nécessaires. La création d'une telle structure n'a de sens que si elle vient se substituer aux nombreux conseils existants. Par ailleurs, si les scientifiques et les experts ont naturellement vocation à y siéger et que les orientations choisies ne seront suivies d'effet que dans la mesure où elles seront prises selon des procédures et par des personnalités respectées de la communauté scientifique dans son ensemble, il n'en demeure pas moins qu'in fine la définition des orientations de la recherche publique, dans la mesure où elle engage les finances de l'Etat et où elle conditionne également pour une large part l'avenir de la nation, ne peut légitimement être arrêtée que par le pouvoir politique. Cela étant, il apparaît désormais assez évident que la création d'une telle structure, étant donné l'état du processus de décision actuel, apparaît comme le pendant naturel de la création de l'ANR. Une telle situation ne doit toutefois pas aboutir à un effacement du ministère mais, bien au contraire, à un accroissement de son rôle stratégique. Il est clair que, d'une façon ou d'une autre, la recherche publique française a besoin d'un pilote et qu'une telle fonction ne saurait être mieux assurée que par le ministère de la recherche. Dans un contexte où le citoyen est de plus en plus enclin à s'interroger sur le bien-fondé du progrès scientifique, la recherche publique française doit absolument être soutenue par des choix et des orientations claires et assumées par le pouvoir politique.

En conclusion, le rapporteur pour avis a proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche pour 2005.

Plusieurs commissaires sont intervenus après l'exposé du rapporteur pour avis.

Le président Jean-Michel Dubernard a salué le travail effectué par le rapporteur pour avis sur le thème de la gouvernance. Concernant la référence faite à la National Science Foundation (NSF) américaine, cette dernière constitue en effet un exemple très intéressant : agence de moyens, elle travaille avant tout dans le domaine des sciences « dures » et finance aussi bien les laboratoires publics que les laboratoires privés. Elle entreprend également des actions en direction des highschool, équivalents des lycées, afin de promouvoir la science auprès des jeunes générations. Toutefois, la NSF ne constitue pas la seule agence de moyens américaine dans le domaine de la recherche. D'autres agences, telles que les National Institute For Health (NIH), disposent quant à elles de laboratoires en propre comme c'est le cas en France de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), lequel s'est inspiré lors de sa création du modèle américain des NIH. Dès lors, la question qui se pose est la suivante : de quel modèle doit s'inspirer la future Agence nationale pour la recherche (ANR) et a-t-elle vocation à demeurer une agence unique ou bien des agences thématiques doivent-elles, à l'avenir, être créées à ses côtés ou sous sa responsabilité ? On constate en effet, notamment dans l'étude des sciences du vivant, un manque de coordination de la recherche qui aboutit à ce que plusieurs laboratoires dépendant d'organismes de recherche différents - Inserm, Commissariat à l'énergie atomique (CEA), Centre national de la recherche scientifique (CNRS), par exemple - travaillent chacun de leur côté sur des projets similaires dispersant du même coup les moyens humains et financiers. Toutefois, il faut prendre garde à ce que la mise en cohérence de l'ensemble n'aboutisse pas à créer une nouvelle superstructure venant s'ajouter à d'autres.

Pour le pilotage de la recherche, il est indispensable de renforcer le rôle du ministre de la recherche. La recherche est en effet une activité à vocation transversale. C'est pourquoi il serait opportun de rattacher directement le ministère délégué à la recherche auprès du Premier ministre. De la même façon, la création d'un haut conseil chargé de guider le ministre dans ses choix n'a de sens que si ce dernier vient se substituer aux structures actuellement en place. A tous les niveaux, une simplification des structures administratives et une clarification du rôle de chacun sont nécessaires. Par ailleurs, la question complexe des statuts des chercheurs et des enseignants-chercheurs et de leur évolution mériterait un éclairage particulier.

Après s'être félicité de l'effort important consenti par le gouvernement en faveur de la recherche, M. Pierre Lasbordes a toutefois indiqué qu'une partie de la communauté scientifique juge l'augmentation des crédits insuffisante dans la mesure où une part du milliard d'euros supplémentaire sera consacrée au financement de la recherche privée. Après avoir déploré l'absence de création d'emplois nouveaux, il a formulé les observations et questions suivantes :

- Il est à regretter que la revalorisation des allocations de recherche n'ait pas été poursuivie dans le projet de loi de finances pour 2005. En effet, compte tenu de l'augmentation importante du SMIC au 1er juillet de cette année, le montant des allocations de recherche va une nouvelle fois se trouver décroché du salaire minimum.

- Qu'en est-il de la consommation des 150 millions d'euros de crédits affectés à la création des fondations de recherche en loi de finances pour 2004 ? La représentation nationale avait alerté le gouvernement sur ce point lors de la discussion budgétaire l'an passé, certains députés estimant que le montant alloué à cette action était trop élevé pour être consommé en totalité. Il serait désormais temps d'obtenir des précisions.

- L'ANR a-t-elle, à terme, vocation à devenir une agence de moyens généraliste ou bien doit-elle être subdivisée en plusieurs agences thématiques ?

- L'évaluation a un rôle très important dans le dispositif de recherche, qu'il s'agisse d'évaluer les chercheurs, les projets scientifiques ou les structures. L'UMP publiera prochainement un rapport sur ce thème.

Après avoir remercié le rapporteur pour le thème retenu dans son rapport et salué l'effort budgétaire important consenti par le gouvernement en faveur de la recherche en soulignant que le projet de loi de finances pour 2005 présente la plus forte augmentation du BCRD depuis dix ans, M. Michel Herbillon a indiqué que, nommé rapporteur pour mener une étude sur les relations entre l'enseignement supérieur et la recherche dans le cadre des travaux de la délégation pour l'Union européenne, il a également pu constater à quel point l'université est le parent pauvre de la recherche française, alors même que ces liens sont très étroits dans d'autres pays comme aux Etats-Unis par exemple où de surcroît les synergies entre les universités et le monde de l'entreprise sont fortes. Il ne s'agit pas d'être béat devant le modèle américain mais force est de constater qu'en la matière il constitue un exemple à suivre pour refonder le lien entre les universités et la recherche. Il y a véritablement un manque de coordination dans la conduite des recherches en sciences du vivant. Ainsi dans la circonscription du Val-de-Marne dont il est l'élu et où sont situés dans un même périmètre l'Ecole nationale vétérinaire de Maisons-Alfort, l'Institut de veille sanitaire, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE), constituant ainsi un véritable pôle de compétences au cœur de l'Ile-de-France, les synergies ne sont pas suffisamment mises en valeur. Si les initiatives ne manquent pas, il faut impérativement trouver le moyen de mieux les accompagner. Enfin, l'évaluation du système public de recherche est indispensable et il est nécessaire de clarifier, simplifier et renforcer le pilotage de la recherche en France.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :

- La National Science Foundation (NSF) américaine constitue moins un modèle à importer tel quel qu'un exemple dont il faut savoir tirer des leçons. En effet, si le principe de la création d'une agence de moyens semble aujourd'hui faire l'unanimité au sein de la communauté des chercheurs, il n'en demeure pas moins que, derrière le concept, chacun entend des choses très différentes. En fait, l'élément primordial est de ne pas confondre, au sein d'une même structure, les fonctions de programmation et de réalisation : la première relève de l'agence, la seconde des opérateurs chargés de conduire effectivement la recherche. Et s'il est vrai, comme l'a rappelé le président Jean-Michel Dubernard, que la plupart des agences américaines disposent en interne de leurs propres laboratoires, les sommes consacrées aux travaux effectués directement par ceux-ci sont relativement faibles au regard du budget des agences en question. Plus intéressant encore, l'étude du fonctionnement de la NSF montre que, malgré une réelle indépendance, celle-ci relaie très efficacement les orientations définies par le pouvoir politique. La situation en France est en tout point inverse : notre système est incapable de définir des priorités et il ne permet que très imparfaitement de vérifier a posteriori que les orientations de la recherche sont effectivement prises en compte prioritairement par les acteurs publics dans leurs programmes de recherche. Il est ainsi symptomatique qu'interrogé, dans le cadre du questionnaire budgétaire, sur les crédits consacrés à la lutte contre le cancer, pourtant érigée en « chantier » prioritaire par le Président de la République, le ministère délégué à la recherche n'a pu fournir de réponse. Cela démontre toute l'importance de la problématique de la coordination des efforts de recherche, le but n'étant évidemment pas de mettre en place une nouvelle superstructure mais d'avoir la capacité de définir des priorités et de les mettre en œuvre. Pour cela, il importe plus que jamais que le ministère de la recherche puisse retrouver son rôle de pilote et de stratège. Sur ce point, et sans faire injure au ministre délégué à la recherche, M. François d'Aubert, il semble que des marges de progression existent.

- La politique menée par le gouvernement en faveur de la création de fondations de recherche est une bonne chose car, en matière de recherche, il est important de mobiliser toutes les énergies, qu'elles soient privées ou publiques.

- Sur la question des emplois, le gouvernement s'est engagé à renouveler tous les postes faisant l'objet de départ en retraite, ce qui aboutit à un maintien des effectifs.

- Le montant de l'allocation de recherche est effectivement insuffisant et il serait souhaitable de le revaloriser.

- Sur la question de savoir comment doit s'organiser la nouvelle Agence nationale pour la recherche et notamment si elle doit être une agence unique ou bien au contraire être déclinée en autant d'agences qu'il existe de thématiques de recherche, l'important, à présent, est qu'elle joue bien son rôle d'agence de moyens finançant la recherche selon des orientations définies en amont. Pour le reste, l'expérience montrera quelles sont les voies à suivre en terme d'organisation.

- Concernant l'évaluation, on retrouve les mêmes débats qu'autour de l'agence de moyens, à savoir que si la nécessité de renforcer l'évaluation semble faire l'unanimité au sein de la communauté des chercheurs, chacun semble avoir une idée différente de son contenu. Une chose semble acquise cependant : l'évaluation doit concerner à la fois les chercheurs et les structures.

- Les sciences du vivant sont effectivement l'objet d'un manque de coordination. Malheureusement, elles ne sont pas les seules disciplines de recherche victimes de ce phénomène que l'on retrouve dans beaucoup de domaines scientifiques.

- La place insuffisante occupée par les universités dans le dispositif de recherche français est, comme l'a indiqué le président Jean-Michel Dubernard, un véritable serpent de mer. Toutefois, la publication du classement des meilleures universités du monde établi par l'université Jiao Tong de Shangaï - dans lequel seules deux universités françaises figuraient parmi les cent premières - a permis une prise de conscience forte autour de ce problème, et ce en dépit des réserves qui peuvent être apportées sur la méthode de classement et les critères retenus pour établir celui-ci. De fait, tout le monde a désormais conscience que la situation de l'université pénalise la recherche française toute entière. A ce titre, le renforcement du rôle de l'université dans le dispositif de recherche constitue un enjeu majeur pour l'avenir de la recherche. Pour la poursuite de cet objectif, l'université pourra disposer de deux leviers mis à sa disposition par le gouvernement : la constitution des pôles de compétitivité et l'agence de moyens laquelle, en distribuant des fonds directement aux équipes de chercheurs et selon des critères de qualité et de pertinence des recherches entreprises, doit permettre de favoriser le recentrage de la recherche autour de l'université.

Poursuivant le raisonnement du rapporteur pour avis, M. Michel Herbillon a indiqué que le renforcement du lien université-recherche doit également s'accompagner d'une intégration plus forte des grandes écoles et d'une implication accrue des entreprises - sur le modèle de la Silicon Valley - dans le dispositif de recherche via notamment les futures pôles de compétitivité.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est déclaré surpris que jamais au cours du débat n'ait été évoqué le système britannique de recherche, pourtant très intéressant.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche pour 2005.

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La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de Mme Nadine Morano, les crédits de l'enseignement scolaire pour 2005.

Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis, a tout d'abord fait part de l'intérêt qu'elle a trouvé, à l'occasion de la préparation de cet avis budgétaire, à examiner les problèmes de l'école et les grandes orientations de la politique de l'enseignement scolaire. De nombreuses auditions ont eu lieu, tant à l'Assemblée nationale, où 29 personnalités concernées par le système éducatif ont été entendues, en Meurthe - et - Moselle, dans deux Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) à Lyon et en Lorraine et enfin dans un collège de ZEP à Bobigny. C'est évidemment insuffisant pour appréhender l'ampleur des problèmes mais c'est une ouverture qui sera prolongée par la mission d'information sur la définition des savoirs enseignés à l'école qui vient d'être créée par la commission des affaires culturelles.

Au cours des trois dernières décennies, la Nation a fourni un effort considérable pour démocratiser l'école et élever le niveau général de la population. L'étendue des moyens financiers consacrés à l'école exige en retour des résultats et des performances sans lesquels cet effort perdrait tout son sens. Or sans faire de catastrophisme à propos du système éducatif, il est certain qu'il s'essouffle et a atteint un palier. C'est pour cette raison qu'une si forte aspiration existe dans le pays pour redéfinir les missions de l'école, lui fixer de nouveaux objectifs et lui permettre de jouer pleinement son rôle d'ascenseur social.

Dans ce contexte de réflexion et de débat sur l'état de l'école et dans la perspective de l'adoption d'une nouvelle loi d'orientation, il était utile d'examiner les conditions de la formation initiale et continue des enseignants et de faire quelques propositions en vue de l'amélioration du fonctionnement des IUFM : c'est l'objet de la seconde partie du rapport.

En ce qui concerne les crédits proposés pour l'enseignement scolaire pour 2005, ils s'élèvent à 56,59 milliards d'euros soit 22,9 % du budget de l'Etat (hors dette publique et garanties), ce qui, à périmètre constant, représente une augmentation de 2,55 % par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances initiale 2004, contre 1,8 % d'augmentation pour l'ensemble du budget national. L'éducation nationale, premier poste de dépense de l'Etat, est bien la priorité du gouvernement et de la majorité.

Le projet de budget 2005 est construit autour de cinq grandes priorités qui s'inscrivent dans la continuité de la politique engagée par le gouvernement depuis 2002. A l'école primaire la priorité est à l'acquisition des savoirs fondamentaux et à la prévention de l'illettrisme. Au collège, la mise en place des dispositifs en alternance est l'une des pistes retenues pour enrayer les sorties du système scolaire des élèves sans qualification et sans diplôme. Au lycée la revalorisation de l'enseignement professionnel est de nature à rompre la spirale d'échec dans laquelle de nombreux élèves peu attirés par la filière générale sont le plus souvent enfermés. Pour les personnels enseignants ou non enseignants, une amélioration de la carrière est engagée notamment sur le plan indemnitaire ou concernant la résorption de la précarité. Enfin, la concentration des efforts sur certaines catégories d'élèves trop longtemps ignorés tels que les élèves handicapés, les élèves en rupture scolaire et les élèves violents est poursuivie.

Ce budget se caractérise également par la poursuite de l'effort en faveur d'une meilleure gestion du système éducatif. La répartition des moyens nouveaux est conditionnée par la prise en compte des besoins réels et la définition de priorités claires.

Les effectifs enseignants sont redéployés en fonction des évolutions démographiques contraires affectant le premier degré (+ 51 000 élèves en 2005) et le second degré (- 44 700 élèves en 2005). Dans le même temps, un effort très important - 255 millions d'euros en année pleine soit une augmentation de plus de 17 % par rapport à 2004 - est consacré à la revalorisation des conditions de rémunération des personnels et à l'amélioration de leurs déroulements de carrière. Les efforts engagés en 2004 dans le cadre de la modernisation des services centraux et déconcentrés de l'éducation nationale sont poursuivis avec notamment la réforme des examens, l'amélioration du rendement des remplacements et la réorganisation de la carte des options.

Le projet de budget pour 2005 est adapté aux évolutions démographiques.

A la rentrée 2005, 1 000 emplois d'enseignants du premier degré seront créés, dont 300 emplois pour la collectivité départementale de Mayotte. Il s'agit dans le premier degré d'accueillir 51 000 élèves supplémentaires et de poursuivre le plan en faveur de l'adaptation et de l'intégration scolaires des élèves handicapés. Le nombre de postes qui seront ouverts au concours 2005 s'élèvera à 12 500.

S'agissant du second degré, la baisse de la démographie des élèves constatée depuis 1994 se poursuit en s'amplifiant en 2004 et 2005. Le premier cycle devrait enregistrer une baisse de 51 800 élèves en 2005 en raison de l'arrivée en sixième de classes d'âge moins nombreuses. Toutefois le second cycle professionnel devrait connaître une hausse d'effectifs de 5 000 élèves en 2005. Quand au second cycle général et technologique il devrait enregistrer une stabilisation de ses effectifs.

Outre ces évolutions démographiques, les efforts engagés ces dernières années pour améliorer la gestion des personnels et rationaliser la carte des formations permettent de supprimer 3 400 postes du second degré.

L'effort de rationalisation de la gestion des personnels portera sur l'amélioration des remplacements, l'emploi des enseignants en surnombres disciplinaires dans des disciplines voisines et la réorganisation de la carte des options avec l'objectif de limiter les heures d'enseignement dispensées devant des groupes de moins de dix élèves.

Le dispositif assistants d'éducation, lancé à la rentrée 2003, est consolidé et bénéficiera d'une nouvelle montée en puissance pour atteindre un effectif de 42 800 personnes à la rentrée 2005 au lieu de 33 000 à la rentrée 2004. La transformation d'emplois de maîtres d'internat et surveillants d'externat (MISE) en assistants d'éducation est également poursuivie. Ainsi, le projet de loi de finances prévoit le recrutement au 1er septembre 2005 de 9 000 assistants d'éducation supplémentaires en remplacement des départs prévus de MISE. En outre, 800 auxiliaires de vie scolaire (AVS) supplémentaires seront recrutés à la rentrée 2005 pour favoriser l'insertion des élèves handicapés pour un coût de 5,22 millions d'euros, soit un effectif total de 6 000 AVS.

Les mesures catégorielles du projet de loi de finances 2005 atteignent un niveau particulièrement élevé correspondant, en année pleine, à 255 millions d'euros contre 218 millions en 2004. Ces mesures sont destinées à améliorer soit la situation indemnitaire des personnels, soit le déroulement de leur carrière. En outre, 133 millions d'euros sont prévus au titre de la cotisation patronale au nouveau régime additionnel de retraite de la fonction publique. Mais la mesure la plus importante concerne les personnels administratifs. Il s'agit d'une somme de 24,6 millions d'euros qui permettra la poursuite de la revalorisation indemnitaire en faveur des personnels non enseignants.

Parallèlement, la suppression de 600 postes de personnel administratif en 2005, résulte d'une limitation des remplacements liés aux départs en retraite à hauteur de un sur deux.

Par rapport à toutes ces mesures extrêmement louables, un regret peut être exprimé : l'absence de plan pluriannuel de recrutements, en raison de l'accélération des départs à la retraite. Pour les enseignants du premier degré, la décroissance du nombre de départs en retraite devrait débuter en 2006 après le pic de 2004 et 2005. Pour les enseignants du second degré, les années 2006 et 2007 marquent le sommet de la courbe d'évolution avec une croissance très forte en 2006 (plus 21 % par rapport à 2005).

Il faut toutefois rappeler que la publication par le ministère de l'éducation nationale des postes offerts aux concours de recrutement de l'année 2005 en même temps que le projet de loi de finances et que la rentrée des étudiants en première année à l'IUFM constitue un réel progrès.

Les politiques éducatives sont ciblées sur des priorités. La première est le renforcement de la maîtrise du français et la prévention de l'illettrisme. Depuis une quinzaine d'années les résultats des évaluations des performances de l'école primaire sont à peu près stables : près de 20 % des élèves entrent en sixième avec un retard scolaire et au moins 15 % des nouveaux collégiens peuvent être considérés comme ayant de réelles difficultés en français et/ou en mathématiques.

Les nouveaux programmes pour l'école primaire arrêtés le 25 janvier 2002 et généralisés à tous les niveaux de l'école primaire à la rentrée 2004, font de la maîtrise de la langue la première priorité et accordent une plus grande place à la lecture et à l'écriture, notamment grâce à la dictée, l'apprentissage de la poésie et l'étude de la littérature pour la jeunesse, comme l'a souhaité le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

La politique de l'éducation prioritaire (Zones d'éducation prioritaire - Réseaux d'éducation prioritaire) est renforcée. Un peu plus de 667 100 élèves du second degré sont concernés, soit un collégien sur cinq et un lycéen sur vingt. Conscient de la spécificité de ces missions, le gouvernement a décidé de porter au 1er janvier 2004, le montant de l'indemnité de sujétion ZEP à 1 097,04 euros. Au cours de l'année scolaire 2002-2003, 94 235 agents ont perçu cette indemnité, dont 48 581 dans le premier degré et 45 191 dans le second degré. Les dépenses constatées ont représenté 103,4 millions d'euros. La priorité accordée aux réseaux ZEP-REP dans la répartition des moyens effectuée par les autorités académiques se traduit, en particulier, par des classes moins chargées dans les établissements concernés.

Pour la seconde année consécutive, l'enseignement scolaire se fixe comme objectif prioritaire de garantir le droit à la scolarité pour tous les jeunes handicapés ou malades et la continuité de leurs parcours scolaires. Le plan d'adaptation et d'intégration scolaire des élèves handicapés, annoncé par le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche le 20 janvier 2003, est prolongé et renforcé.

Deux mesures nouvelles importantes sont prévues dans le projet de budget : la création de 800 assistants d'éducation auxiliaires de vie scolaire à compter du 1er septembre 2005 et la revalorisation du forfait d'externat attribué aux établissements privés sous contrat pour un montant de 4,17 millions d'euros, au titre du renforcement des effectifs d'assistants d'éducation placés auprès d'élèves handicapés

L'amélioration de la formation initiale et continue des enseignants constitue un préalable à toute réforme de l'école. Les 31 IUFM ont accueilli, à la rentrée 2003, 86 027 étudiants et professeurs stagiaires et titulaires en formation de longue durée. Ces effectifs marquent, pour la première fois depuis 2000-2001, un léger recul avec une diminution de 3 250 inscrits (- 3,6 %) par rapport à 2002-2003. En 2004, les crédits attribués aux IUFM, au titre de la dotation globale de fonctionnement, se sont élevés à 90,5 millions d'euros (+ 1 % par rapport à 2003).

A l'instar de nombreux experts on peut dire que la première année d'IUFM est une année de bachotage et la seconde une année de stage sans parachute. La situation la plus préoccupante est toutefois celle des candidats non admis aux concours mais inscrits sur liste complémentaire qui sont propulsés directement, sans aucune formation ni préparation, devant les élèves.

De fait la première année est fortement marquée par la préparation des candidats aux concours, la formation consistant en compléments disciplinaires et universitaires, sous forme de cours théoriques. La plupart des étudiants, des responsables académiques et des organisations syndicales, regrettent que la formation en première année ne soit pas davantage orientée vers la future pratique professionnelle.

La deuxième année est celle de la formation professionnelle des professeurs stagiaires. Mais tandis que les professeurs stagiaires du secondaire assurent un enseignement, d'un tiers de service environ, durant l'ensemble de l'année, les professeurs des écoles stagiaires ne sont en responsabilité que durant 9 semaines en tout dans les divers cycles du primaire à quoi s'ajoute un stage de pratique accompagnée de 2 semaines. Ces derniers sont donc très peu placés dans une situation réellement professionnalisante.

La partie théorique en IUFM est souvent jugée éloignée de la réalité de la classe, surtout lorsque le lien n'est pas établi entre la pratique et les cours et lorsqu'elle est dispensée par des formateurs qui n'ont jamais enseigné ou n'enseignent plus depuis trop longtemps dans un établissement scolaire

Il est regrettable que les enseignants stagiaires du secondaire ne reçoivent pas une formation intensive à la conduite de la classe, à l'autorité, à la différenciation pédagogique, aux méthodes d'acquisition de la langue française, aux relations avec les parents ou encore au travail en équipe. Ces besoins sont amplement confirmés lors de la première année d'exercice en qualité de titulaire et nécessiteraient un suivi des néo-titulaires sur plusieurs années.

Quant à la formation continue du corps enseignant, elle est sinistrée. On ne sait d'ailleurs plus très bien si elle dépend des IUFM ou des rectorats. Elle n'est pas obligatoire et ne joue aucun rôle dans l'évolution de la carrière. En 1972 a été mis en place pour les enseignants du premier degré un véritable dispositif de formation continue, fixé à 36 semaines sur l'ensemble de la carrière. Confiée aux inspecteurs d'académie, pour sa définition et sa mise en œuvre, cette formation a dans un premier temps bénéficié d'un dispositif de remplacement des enseignants partant en formation appelé « brigades de remplacement ». Au fil des années, des contraintes de plus en plus prégnantes ont affecté le dispositif concernant notamment les remplacements. Les effectifs de remplaçants sont souvent utilisés dès la rentrée pour ajuster le nombre d'enseignants nécessaire par rapport au nombre de classes. Il ne reste plus assez de volant de remplacement disponible, or le nombre d'enseignants autorisés à se former dépend directement des moyens de remplacement disponibles.

Plusieurs pistes existent pour rénover la formation des maîtres.

Après quinze années de fonctionnement les IUFM ne doivent pas être remis en cause, mais l'évolution rapide du métier d'enseignant et la complexification des conditions d'exercice rendent nécessaire une évolution qualitative des contenus et des méthodes de la formation dispensée aux futurs enseignants pour faire face aux nouveaux défis que rencontre le système éducatif. D'ici les cinq années à venir, il faudra recruter plus de 150 000 enseignants soit environ 20 % du vivier des étudiants possédant une licence. Cette situation est à la fois une chance et une obligation pour le système éducatif de se réformer. Les IUFM doivent organiser l'encadrement de la formation avec différents types de formateurs en faisant une plus large place, aux côtés des formateurs universitaires permanents, aux formateurs associés exerçant régulièrement en classe. Ils doivent favoriser l'acquisition des techniques pédagogiques, favoriser le travail en équipe, former à la diversité des publics scolaires.

Enfin, la recherche en éducation doit garantir l'adaptation des enseignants aux évolutions de la société et de son école. L'ouverture beaucoup plus large de l'accès au métier d'enseignant à des professionnels serait une forme d'enrichissement pour l'éducation nationale. Cette démarche de reconversion de salariés ou d'anciens salariés du secteur privé a été entreprise à titre expérimental par l'IUFM de Lyon et mériterait d'être généralisée. Il faudrait également augmenter le nombre de professeurs associés qui maintiennent leur activité en entreprise.

Enfin et surtout, il faut réformer les concours de recrutement. L'organisation des IUFM est marquée par un péché originel : la présence du concours de recrutement au milieu des deux années de formation. Deux formules étaient en présence au moment de la mise en place du système en 1990. Celle qui prévoyait le concours à la fin des deux années de formation professionnelle et celle qui proposait un concours au début de ces deux années. Finalement, on a placé le concours au milieu des deux années. Le résultat est une première année dominée par la préparation du concours et une deuxième année de formation en alternance bien trop courte et trop chargée.

Il faudrait faire évoluer le système vers une nouvelle organisation. Après la licence, interviendrait le concours d'entrée à l'IUFM. Après le concours, deux années de vraie formation professionnelle en alternance et rémunérée, conduisant à l'obtention d'un master (bac + 5), soit un diplôme validé au niveau européen. L'obtention du master serait la condition de la titularisation. De plus, au cours des deux premières années de licence (L1 et L2), seraient proposés des modules optionnels de sensibilisation aux métiers de l'éducation et de l'enseignement. Au cours de la troisième année (L3), des modules de préprofessionnalisation devraient être choisis par les étudiants qui souhaitent se présenter au concours.

Il faut enfin développer le suivi des nouveaux enseignants après leur entrée en fonction et rendre obligatoire une véritable formation continue. La première affectation doit faire l'objet d'un accompagnement organisé dans le cadre d'un partenariat entre l'établissement employeur et l'IUFM. Des compléments de formation appropriés doivent pouvoir être dispensés, dès la première année de titularisation, à la demande du professeur, du chef d'établissement ou de l'inspecteur général.

Force est de constater que l'école ne répond plus ou mal aux besoins de tous les élèves et paradoxalement de ceux pour lesquels l'échec scolaire est synonyme d'échec social voire d'exclusion. Les performances de l'école sont marquées par d'énormes disparités sociales et géographiques qui suggèrent que les moyens sont mal répartis et mal affectés. L'égalité des chances est à reconstruire et il faudra rompre pour cela avec l'illusion de l'égalitarisme et d'un enseignement uniforme pour tous.

Toutes ces réflexions et ces propositions vont nourrir le prochain projet de loi d'orientation sur l'école annoncé par le gouvernement. Il était temps d'agir et de prendre en compte les évolutions qui ont marqué notre société depuis la loi du 10 juillet 1989 et qui se répercutent sur l'école. Il existe une quasi unanimité chez les acteurs et les spécialistes du système éducatif pour dire que les moyens consacrés à l'éducation ne peuvent plus augmenter mais qu'en revanche tout doit être fait pour améliorer de façon très significative les performances du système et garantir aux citoyens une école efficace pour tous.

En conclusion, la rapporteure pour avis a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire pour 2005.

Plusieurs commissaires sont intervenus après l'exposé de la rapporteure pour avis.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié la rapporteure pour avis, en soulignant tout l'intérêt présenté par l'étude d'un thème particulier dans le cadre de l'examen de la loi de finances.

M. Gaëtan Gorce s'est également félicité que cet examen permette de traiter un thème de façon approfondie, en l'occurrence la formation des maîtres, mais cette démarche ne saurait masquer le fait que ce budget ne comporte pas d'éléments positifs. La présentation qui a été faite par la rapporteure pour avis ne correspond pas à la réalité du budget, dans la mesure où l'augmentation des crédits résulte de l'effet mécanique de l'augmentation des dépenses liées aux pensions. Hors cet effet, le budget de l'éducation croît à un rythme inférieur à celui de l'inflation.

Or il s'agit d'une évolution préoccupante, car l'investissement éducatif représente des enjeux importants en termes de réduction des inégalités et de promotion sociale et professionnelle. L'Etat devrait profiter des baisses démographiques pour améliorer les taux d'encadrement et la surveillance des élèves. Sur les 1 000 créations de postes annoncés dans le primaire, 300 sont destinés à la collectivité départementale de Mayotte et dans le second degré de nombreux postes sont supprimés. La baisse des moyens pédagogiques est par ailleurs inquiétante, et aucune politique éducative n'est à la hauteur des enjeux. Il est regrettable que le plan pluriannuel de recrutements prévu sous la précédente législature prévoyant un recrutement de 185 000 enseignants ait été abandonné par le gouvernement. On ne peut donc que porter un jugement sévère sur ce budget, qui n'est pas à la hauteur des enjeux et constitue un mauvais coup porté au système éducatif.

M. Michel Herbillon a salué la qualité de l'exposé de la rapporteure pour avis, qui a permis de mettre l'accent sur certains aspects importants de l'enseignement scolaire. De telles questions devraient être de nature à rassembler plutôt que faire l'objet de polémiques partisanes.

Il serait intéressant que les ZEP et les REP fassent l'objet d'une évaluation détaillée. Il est en effet inquiétant que leur nombre augmente de façon continue depuis cinq ans alors que leur vocation devrait plutôt être de diminuer progressivement. Ainsi, depuis 1998, les écoles et collèges placés en ZEP a augmenté respectivement de 8 % et de 16 %. Or l'accroissement des zones concernées se fait au détriment de la concentration des moyens. Il importe par ailleurs de réaffirmer les priorités concernant la maîtrise des connaissances fondamentales afin d'éviter que les élèves n'entrent dans une spirale de l'échec.

Le problème du turn-over croissant des enseignants dans les établissements classés en ZEP doit également être évoqué. Ils se dévouent de façon extraordinaire à la chose publique et devraient dès lors être davantage soutenus, mieux formés et mieux indemnisés. Il faut y renforcer le soutien scolaire, le nombre de surveillants et résoudre le problème social constitué par le fait que beaucoup d'enfants ne déjeunent pas à la cantine et ne sont pas en état de suivre des cours l'après-midi. Enfin, il serait souhaitable de mettre davantage en avant les réussites des enseignants comme des élèves des ZEP et de changer leur image négative véhiculée par le terme même de « zone », car la sémantique n'est pas innocente dans ce domaine. En tout état de cause, une évaluation détaillée de ce dispositif permettrait d'avancer des pistes de réforme pertinentes.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est associé à l'hommage rendu par la rapporteure pour avis à M. Philippe Meirieu qui a contribué à la création des IUFM et qui, par son expérience, est sans doute l'homme le plus compétent dans ce domaine.

M. Frédéric Reiss a estimé que ce budget démontre, s'il en était besoin, que l'éducation a toujours été une priorité de ce gouvernement. Il permet ainsi de conforter les évolutions intervenues en 2004 mais également, car il s'agit d'une condition essentielle de sa sincérité, de tenir compte des questions démographiques. Les moyens humains sont en cohérence avec les besoins.

Néanmoins les efforts doivent être poursuivis pour améliorer le système des remplacements et la question des sureffectifs dans certaines disciplines est récurrente. Le projet de loi permet la montée en puissance du dispositif des assistants d'éducation : il s'agit là d'un effort important, notamment pour les handicapés, avec le développement des auxiliaires de vie. Il reste évidemment des efforts à faire pour recentrer le contenu de l'enseignement sur les objectifs prioritaires, à savoir : lire, écrire et compter. Il est également souhaitable de revaloriser l'enseignement professionnel, et le départ possible en apprentissage dès l'âge de 14 ans, sans que cela nuise à la scolarité des élèves, grâce en particulier au développement de passerelles. Enfin, que ce soit dans les ZEP ou ailleurs, la lutte contre la violence scolaire doit être renforcée, comme l'a tragiquement illustré l'agression d'une élève de trois ans qui a eu lieu récemment dans une école maternelle d'Illkirch. Il ne faut donc pas baisser la garde dans ce domaine. Dans les IUFM, la formation théorique dispensée aux futurs enseignants ne les prépare pas à affronter la réalité impitoyable du terrain.

M. Bernard Perrut a souhaité savoir si la rapporteure pour avis s'est s'intéressée aux centres d'information et d'orientation (CIO). Ces structures, très utiles, permettent aux jeunes de trouver des informations en vue de leur orientation. Elles sont un complément indispensable du système éducatif mais doivent être améliorées. En effet, alors que le budget de l'enseignement scolaire représente près de 23 % du budget de l'Etat, 150 000 jeunes quittent chaque année l'école sans qualification. Ces jeunes viennent ensuite solliciter les élus locaux et les missions locales d'insertion. Il serait donc nécessaire d'améliorer les coopérations entre les CIO et les missions locales. Un lien doit être établi entre la sortie du système scolaire et l'insertion.

L'intégration des jeunes handicapés exige de grands moyens, qu'il s'agisse des classes d'intégration scolaire (CLIS) dans les écoles ou des unités pédagogiques d'intégration (UPI) dans les collèges. Ces moyens sont insuffisants. Par ailleurs, il faudrait traiter de manière égale l'enseignement public et l'enseignement privé. Les établissements privés ne peuvent bénéficier des assistants de vie scolaire. Le projet de budget comporte-t-il une mesure destinée à résoudre ce problème ? Le forfait d'externat sera-t-il revalorisé ? Enfin, il serait souhaitable de connaître la position de la rapporteure pour avis sur les revendications des enseignants du secteur privé, notamment en matière de droit à la retraite.

M. Pierre-André Périssol, souhaitant répondre aux propos de M. Gaëtan Gorce, a considéré qu'il s'agit d'un bon budget dans l'attente de la loi d'orientation et de programmation. La réussite scolaire ne dépend pas uniquement des moyens mis en place : quelques centaines d'enseignants en plus ou en moins ne joueront pas un rôle décisif en la matière. Il convient plutôt de s'intéresser aux propositions de la commission du débat national sur l'avenir de l'école présidée par M. Claude Thélot. Cette commission suggère un recentrage des connaissances sur un socle d'apprentissages fondamentaux tout en donnant la possibilité aux meilleurs élèves de progresser plus vite et d'acquérir des connaissances complémentaires. Ces propositions sont de nature à accroître les chances de réussite scolaire. Il importe donc maintenant de définir ce socle commun ainsi que les enseignements complémentaires. Cette politique n'exige pas nécessairement de moyens supplémentaires. Il faut sortir du débat sur les seuls moyens et les taux d'encadrement des élèves.

M. Gaëtan Gorce a estimé que les intervenants anticipaient sur un débat à venir. Le problème des moyens se pose évidemment lors de l'examen du projet de loi de finances surtout lorsque ces moyens sont en baisse, car ce budget réduit les effectifs d'enseignants et les possibilités d'encadrement et de surveillance. La violence scolaire est une priorité mais les 9 000 emplois d'assistants d'éducation ne compensent pas la disparition des 18 000 aides - éducateurs. La question des moyens n'est peut-être pas centrale, mais il est peu probable que la réforme envisagée puisse se faire à coûts constants. On peut d'ailleurs se demander si la loi d'orientation apportera les réponses à des questions telles que le cloisonnement des équipes pédagogiques et l'absence d'objectifs. Il faut cesser de montrer du doigt les enseignants.

En réponse aux intervenants, Mme Nadine Morano, rapporteure pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- M. Gaëtan Gorce fait une lecture dogmatique du projet de budget. La présence réduite de commissaires socialistes souligne le peu d'intérêt qu'ils portent au sujet, si bien qu'on peut se demander si ce projet de budget ne fait finalement pas consensus. Il s'agit d'un projet de budget pragmatique qui répartit les moyens en fonction des besoins et qui devra être jugé à l'aune des résultats.

- S'agissant des ZEP, il faut éviter l'illusion de l'égalitarisme. Les résultats s'améliorent. Ainsi, dans un collège de Bobigny, au cours des six dernières années, le taux de réussite au brevet est passé de 43 % à 60 %. En revanche, l'accès à une première d'enseignement général n'est que de 10 %. Les élus locaux sont très attachés aux ZEP et s'y investissent beaucoup et il peut y avoir des réticences à sortir un établissement d'une ZEP en raison des avantages qui s'y attachent. Quant aux enseignants, ils ne réclament pas de prime supplémentaire mais veulent plus de temps pour s'occuper des élèves et une diminution du nombre d'heures de cours. Un réel soutien psychologique pour certains élèves en grande difficulté serait également nécessaire.

- Concernant l'enseignement professionnel, il ne faut pas en rester aux discours. Une orientation vers l'enseignement professionnel dès la classe de quatrième, avec la possibilité de passerelles, est la solution adaptée. L'entrée en apprentissage peut sauver certains élèves de l'échec.

- La violence à l'école est un problème pris en compte par l'éducation nationale, mais les enseignants sont mal préparés à y faire face. Il faut intégrer une formation spécifique dans les IUFM sur ce problème avec des échanges sur les bonnes pratiques. Il faut également définir un véritable cahier des charges sur ce qui doit être enseigné dans les IUFM.

- Concernant l'adaptation des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), il est vrai que beaucoup s'interrogent, même s'il convient de ne pas être trop sévère. M. Philippe Mérieux, qui est à l'origine de la création de ces instituts, est également aujourd'hui l'un des plus critiques. Mais il fait dans le même temps des propositions très intéressantes.

- La question des centres d'information et d'orientation (CIO) n'a, pas été traitée en tant que telle dans le rapport, même s'il est vrai qu'il était tentant, au moment du choix du thème faisant l'objet de la deuxième partie de l'avis budgétaire, de pointer cette question touchant à la fois la formation des enseignants et l'orientation des élèves. Cette problématique n'a finalement pas été retenue, mais elle mériterait de faire l'objet d'une étude approfondie, préalable à une éventuelle réforme. Les IUFM devraient proposer des unités de formation sur l'orientation, tant il est vrai que trop souvent les enseignants, dans les collèges notamment, méconnaissent les filières professionnelles.

- L'égalité entre enseignement public et enseignement privé est primordiale, comme l'atteste la proposition de loi visant à améliorer les retraites des maîtres de l'enseignement privé sous contrat, déposées en juillet 2004.

- Concernant l'accueil des handicapés, l'opposition ne doit pas oublier les efforts considérables accomplis par le gouvernement sur cette question, notamment avec le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. De plus, une mesure nouvelle de 4,17 millions d'euros vient, dans le présent projet de loi de finances, abonder le forfait d'externat versé par l'Etat aux établissements d'enseignement privé sous contrat pour leur permettre de renforcer les effectifs d'assistants d'éducation placés auprès d'élèves handicapés.

- Il faut relever l'intérêt de l'analyse de M. Pierre-André Périssol. Le lancement, à l'initiative du président de la République, d'un grand débat sur l'école doit effectivement être salué. Sur la base de ce débat, résumé dans un livre Le miroir du débat, la commission sur l'avenir de l'école présidée par M. Claude Thélot a fait de nombreuses propositions. La principale est peut-être la nécessité de définir un socle commun d'apprentissages fondamentaux qui devraient sans doute inclure la connaissance des institutions et l'instruction civique.

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire pour 2005.

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