COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 9

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 3 novembre 2004
(Séance de 9 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

pages

- Communication du président Jean-Michel Dubernard sur la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS)

- Loi de finances pour 2005

· Avis travail et emploi (M. Maurice Giro, rapporteur pour avis)

· Avis francophonie et relations internationales (M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis)

· Avis anciens combattants (M. Céleste Lett, rapporteur pour avis)

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Le président Jean-Michel Dubernard a présenté une communication relative à la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS).

La mise en place de cette mission d'évaluation et de contrôle résulte des dispositions introduites à l'article L. 119-1 du code de la sécurité sociale par la loi du 13 août dernier relative à l'assurance maladie. Elle s'inscrit dans le droit fil du souhait exprimé par le président Jean-Louis Debré de voir se développer l'activité de contrôle du Parlement, volonté déjà exprimée sous la présidence de M. Laurent Fabius. La MECSS s'inspirera d'ailleurs dans ses règles de fonctionnement de la mission d'évaluation et de contrôle mise en place sous la présidence de ce dernier au sein de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Ses règles de fonctionnement, validées par le bureau de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, prévoient une co-présidence par un député de la majorité et un de l'opposition, ainsi qu'une représentation plutôt paritaire que proportionnelle des groupes puisque la mission devrait compter 6 députés du groupe UMP, 6 du groupe socialiste, 3 du groupe UDF et 3 du groupe des député-e-s communistes et républicains. Tous les membres de la MECSS seront membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales mais les membres des autres commissions pourront assister aux réunions de la MECSS, notamment le rapporteur pour avis de la commission des finances sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces membres seront désignés avant la fin de l'année par la commission, sur proposition des groupes, pour l'année civile suivante.

Trois ou quatre thèmes d'étude seront retenus chaque année après consultation de la Cour des comptes. Il s'agit de retenir des thèmes susceptibles de donner lieu à des travaux efficaces et s'inscrivant en parfaite complémentarité avec ceux menés au sein de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances. S'agissant de ceux qui pourraient être retenus pour l'année à venir, sans préjuger de décisions qui appartiendront à la MECSS, deux thèmes semblent d'ores et déjà émerger : le premier découle de l'engagement pris à l'égard de Mme Paulette Guinchard-Kunstler de mener une réflexion sur la gestion et le financement des établissements pour personnes âgées dans le cadre de la MECSS plutôt que de créer une mission d'information sur ce sujet ; le second, fruit du calendrier mais aussi d'une exigence de fond, porte sur la réforme des lois organiques relatives aux lois de financement de la sécurité sociale et à l'articulation de celles-ci avec la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

La MECSS devrait se réunir une fois par semaine, le jeudi matin. Ses débats seront ouverts à la presse et au public - hormis les réunions de délibération sur les conclusions de la MECSS qui auront lieu à huis clos et sans compte rendu et seront ensuite soumises à la commission pour autorisation de publication du rapport - et les membres de la Cour des comptes auront la possibilité d'assister aux réunions. Une rencontre avec le président de la Cour des comptes la semaine prochaine permettra de mieux préciser les modalités de la collaboration avec cet organisme. Il est à noter que la MECSS sera d'emblée dotée de réels moyens puisqu'elle disposera de crédits pour réaliser des études et d'un personnel qui lui sera dédié. On ne peut que souligner le caractère novateur et exigeant que revêt la création de cette mission d'évaluation et de contrôle.

Mme Cécile Gallez a demandé si, outre l'assiduité requise par la tenue des réunions, il serait attendu des membres de la MECSS qu'ils effectuent des déplacements et contrôles.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que les rapporteurs sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui pourront être membres de la MECSS, disposent de pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place et que plus généralement les travaux de la mission se traduiraient par des auditions, des missions et l'appel à des organismes publics ou privés pour procéder à des études.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler a souligné que le sujet de la gestion et du financement des établissements pour personnes âgées constitue, par-delà son caractère fondamental, un thème parfaitement adapté à la nature même de la MECSS.

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La commission est ensuite passée à l'examen pour avis, sur le rapport de M. Maurice Giro, des crédits du travail et de l'emploi pour 2005.

M. Maurice Giro, rapporteur pour avis des crédits du travail et de l'emploi, a tout d'abord rappelé la masse considérable que constituent les crédits du travail et de l'emploi. Il s'agit en effet de plus de 32 milliards d'euros, essentiellement constitués de crédits d'intervention du titre IV sur lesquels existe une vraie marge de manœuvre alors qu'une grande part du budget de l'Etat est absorbée par les charges liées à la dette et les crédits de personnel. Les 30 milliards d'euros de crédits d'intervention du budget du travail représentent 40 % de l'ensemble des crédits d'intervention du budget général de l'Etat. Ce budget s'inscrit par ailleurs en augmentation puisque, à périmètre constant, les crédits du travail progressent en 2005 de 1,8 %. En outre, la prise en compte de l'instauration d'une surtaxe de 0,06 % sur la taxe d'apprentissage, qui entraîne une réduction de la dotation de formation professionnelle de l'Etat aux régions, conduirait, à structure constante, à une hausse de 2,4 % des crédits du travail.

Les enjeux s'attachant aux crédits du travail sont particulièrement élevés et l'exercice 2005 en donnera une bonne illustration avec le début de l'application du plan de cohésion sociale, qui prévoit la programmation de 1 420 millions d'euros correspondant aux différentes mesures contenues dans ce plan. Celles-ci témoignent d'une politique ambitieuse en matière d'insertion et d'aide à l'accompagnement, avec l'amélioration de la couverture sociale des bénéficiaires du revenu minimum d'activité, la création de contrats d'avenir et de contrats d'accompagnement dans l'emploi, l'amélioration du dispositif des contrats-initiative emploi ainsi qu'une prolongation de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (ACCRE). Sont également prévues dans ce plan une remobilisation des différents acteurs du service public de l'emploi, ainsi qu'une réponse plus adaptée aux besoins spécifiques des publics prioritaires que sont par exemple les jeunes et les personnes handicapées. On ne peut que louer l'effort de simplification réalisé dans le domaine des contrats aidés puisque ceux-ci passent de sept à quatre et que sont clairement affirmées les priorités s'attachant à ces contrats : retour à l'activité, promotion de l'emploi dans le secteur marchand, démarche de proximité et continuité entre les anciens et les nouveaux dispositifs.

Il faut garder à l'esprit la dégradation de la situation de l'emploi dans certains quartiers. Dans les zones urbaines sensibles (ZUS), qui représentent 8 % de la population française, le taux de chômage atteint 25 %, le double du taux national. Ce taux recouvre lui-même des situations extrêmes : dans 10 % des ZUS, le taux de chômage dépasse 39 %. Dans l'ensemble des ZUS, 40 % des jeunes sont au chômage.

Les différents dispositifs existants pour faciliter l'accès à l'emploi comme par exemple les missions locales, le programme de trajectoire d'accès à l'emploi (TRACE) ou les contrats d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) se sont révélés décevants pour faire diminuer le chômage des jeunes. Il convient donc de réorienter la politique de l'emploi comme se propose de le faire le plan de cohésion sociale.

Le gouvernement estime à 800 000 environ le nombre de jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification en cinq ans. Le plan de cohésion sociale a donc pour objectif de réinsérer ces jeunes par trois voies : 350 000 à travers l'affirmation d'un droit à formation ; 350 000 par une formation d'alternance ; 100 000 par la création d'une filière d'entrée spécifique dans la fonction publique en alternance.

Le projet de loi institue un régime nouveau d'accompagnement des jeunes en difficulté à la charge de l'Etat et dont la mise en œuvre relèvera des permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO) et des missions locales. La particularité de ce dispositif est de prévoir des référents pour accompagner les jeunes et d'organiser cet accompagnement avec un fort ancrage territorial pour tenir compte des réalités locales de l'emploi. Ce dispositif sera financé en 2005 par :

- 66 millions d'euros pour financer 2 500 postes de référents et de coordonnateurs ;

- 75 millions pour la création d'un fonds d'insertion professionnelle pour les publics les plus en difficulté ;

- 32 millions pour permettre à l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) de créer des plateformes des vocations pour améliorer l'orientation des jeunes et organiser des tests de mise en situation pour détecter des aptitudes professionnelles.

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2005 prévoit une mesure nouvelle de 52 millions d'euros pour financer des allocations intermédiaires versées aux bénéficiaires du CIVIS.

Le projet de loi de cohésion sociale prévoit aussi une réforme de l'apprentissage. L'objectif poursuivi est de faire passer en cinq ans le nombre moyen d'apprentis de 360 000 à 500 000. L'apprentissage apporte en effet une réponse très adaptée aux besoins de qualification puis d'insertion professionnelle des jeunes. Les principaux axes de la réforme sont : la revalorisation du statut de l'apprenti et l'atténuation de la limite d'âge, l'amélioration des conditions de formation durant les contrats et la réforme du système du financement afin de le rendre plus transparent et plus incitatif. Le coût pour l'Etat de la réforme de l'apprentissage est évalué à 0,6 milliard d'euros à l'horizon 2009.

Le projet de loi de cohésion sociale comporte aussi une réforme du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprises, dit contrat jeune. Afin d'augmenter la proportion de bénéficiaires sans aucune qualification, aujourd'hui d'environ 20 %, le montant du soutien de l'Etat aux employeurs sera désormais modulé en fonction du niveau de formation du jeune recruté.

Pour favoriser l'insertion des jeunes, il convient de lutter plus efficacement contre les discriminations à l'encontre des jeunes, tout particulièrement ceux issus de l'immigration ou habitant dans des quartiers difficiles. On peut saluer les initiatives déjà entreprises notamment la charte de la diversité, signée le 22 octobre dernier par laquelle trente-cinq grandes entreprises se sont engagées à pratiquer des recrutements diversifiés pour promouvoir des jeunes issus de l'immigration, ainsi que la mobilisation d'universités et de grandes écoles.

En ce qui concerne l'action de l'Etat, le déploiement des politiques de la ville, l'effort exceptionnel de construction, de rénovation et de redynamisation économique permis par la loi de rénovation urbaine du 1er août 2003, enfin la mise en place prochaine de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité constituent des éléments forts. Pour ce qui est de l'emploi, le plan de cohésion sociale propose une réforme profonde en s'appuyant sur les communes, les intercommunalités et le tissu économique local. En effet, on sait combien le parrainage des jeunes et le démarchage patient des chefs d'entreprise par les acteurs locaux obtiennent des résultats. Ce plan suscite beaucoup d'espoirs ; il ne faut pas les décevoir. Il convient donc de se mobiliser et de veiller à ce que la programmation financière soit bien respectée pour que la politique de l'emploi ait des moyens suffisants pour atteindre ses objectifs.

En conclusion, le rapporteur pour avis a proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du travail et de l'emploi pour 2005.

Plusieurs commissaires sont intervenus après l'exposé du rapporteur pour avis.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le rapporteur pour avis d'avoir centré son propos sur le thème particulier de l'emploi des jeunes issus des quartiers sensibles, sujet particulièrement d'actualité.

Après avoir salué le travail du rapporteur pour avis, M. Jean-Paul Anciaux a indiqué que la création des maisons de l'emploi devait être encouragée. Cette mesure permettra de partir du terrain et de réunir les acteurs locaux de l'emploi tels que les entreprises, les membres des chambres consulaires, les partenaires sociaux. L'insertion professionnelle est en effet facilitée si la politique de l'emploi part des bassins d'emploi et est fondée sur des mesures pragmatiques. Une telle politique a été menée avec succès en Bourgogne.

Il paraît cependant indispensable d'évaluer l'efficacité des dispositifs d'insertion, ce travail devant être effectué par une structure extérieure garante d'une démarche totalement objective. Les missions locales seront-elles intégrées au service public de l'emploi (SPE) ? Il convient en tout cas de reconnaître le rôle essentiel de ces structures de proximité dans l'accueil des jeunes en difficulté. Concernant l'apprentissage, s'il faut saluer la réforme annoncée, il n'en demeure pas moins que le problème de l'orientation en amont n'est pas résolu. L'apprentissage est encore trop souvent perçu comme une filière d'échec et beaucoup reste à faire pour valoriser cette orientation qui offre pourtant de réelles possibilités d'accès à l'emploi durable. Il conviendrait d'améliorer la coordination entre les centres de formation d'apprentis et l'éducation nationale, qui ont trop tendance à se jalouser, ce qui contribue à la mauvaise image de l'enseignement professionnel. Quant au contrat emploi jeune en entreprise, il va être conforté, ce qui est une mesure positive, mais la réforme proposée est discutable. Moduler l'aide accordée à l'employeur selon le niveau de formation du jeune rendrait le système encore plus complexe sans inciter réellement à embaucher les moins qualifiés.

Mme Cécile Gallez s'est félicitée de ce budget dont le taux de progression de 1,8 % démontre l'importance aux yeux du gouvernement. La réforme de l'apprentissage est très positive, de même que la création des maisons de l'emploi, qui permettront de mieux accueillir les demandeurs d'emploi. L'essentiel est d'avoir une politique de proximité afin d'accueillir les personnes en difficulté de manière conviviale. La question de l'emploi des salariés âgés est également importante. Il faut promouvoir le cumul emploi-retraite car la présence de seniors dans l'entreprise permet d'avoir une continuité d'expérience et d'assurer la mémoire des entreprises. Le travail des personnes handicapées doit également être encouragé et il faudrait augmenter le nombre de places en centres d'aide par le travail (CAT) même si des problèmes budgétaires limitent cette possibilité. Ce budget va dans le bon sens et doit donc être voté.

M. Gaëtan Gorce a également salué la qualité du travail du rapporteur pour avis, mais a indiqué qu'il serait beaucoup moins enthousiaste que les orateurs précédents qui semblent méconnaître la dégradation des budgets de l'emploi depuis deux ans. Ce budget ne traduit en effet aucune rupture par rapport à la politique antérieure de la majorité actuelle.

Les effets d'annonce du plan de cohésion sociale ne donnent pas lieu a des mesures concrètes et traduisent mal la supposée prise de conscience de la dégradation de la situation de l'emploi. On parle de mesures financières importantes mais en réalité il ne s'agit que de redéploiements de crédits. Les seules mesures nouvelles s'élèvent à 128 millions d'euros ou à 264 millions si on prend en compte les subventions d'investissement. On est loin du compte par rapport au milliard d'euros annoncé !

Il faut déplorer la baisse des crédits pour les chômeurs de longue durée et pour les publics particulièrement en difficulté. Comment ne pas s'insurger contre la baisse des crédits d'insertion par les contrats aidés et contre le transfert des crédits du CIVIS ?

Le « plan Borloo » a suscité de grandes attentes, mais l'absence de mesures concrètes risque de générer une grande insatisfaction. Il faut en finir avec cet empilage de mesures sans cohérence pour élaborer une véritable politique de l'emploi territorialisée avec une véritable coopération des acteurs locaux. L'ANPE et l'UNEDIC doivent se mobiliser pour mettre en œuvre une politique d'accueil adaptée des chômeurs. Cette politique de l'emploi devrait être coordonnée avec une politique économique plus globale qui permettrait de relancer l'emploi grâce à une politique favorable à la croissance. Le groupe socialiste émet donc un avis extrêmement négatif sur ce projet de budget.

M. Bernard Depierre s'est étonné de la confusion entre le traitement social du chômage et le traitement actif de l'emploi. La France compte 26  % de jeunes de 18 à 26 ans sans emploi alors même qu'ont été mis en œuvre des programmes comme TRACE (trajet d'accès à l'emploi). Le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) et le revenu minimum d'activité (RMA) ne marchent pas. Ce n'est pas la création de 300 maisons de l'emploi avec une dotation de 120 millions d'euros qui résoudra le problème, car il s'agit d'une technocratie supplémentaire. Il aurait fallu réunir en un site unique tous les efforts mis en œuvre en faveur de l'emploi des jeunes.

Il faut trouver des solutions pour l'emploi durable par un accompagnement fort de l'apprentissage, par le parrainage et par la formation des tuteurs. Le projet de loi de finances ne contient aucune mesure en faveur de l'emploi des seniors qui pourraient être ces tuteurs. Pour avoir 500 000 jeunes en apprentissage, il faudrait aussi réformer l'école. Des centaines de milliers d'emplois ne trouvent pas preneurs dans le bâtiment, l'hôtellerie, la restauration, l'aide à la personne, etc. Pour renverser cette situation il faudrait supprimer la limite d'âge pour l'apprentissage.

En outre, les décrets d'application de la loi pour l'initiative économique, dite loi Dutreil, ne sont toujours pas publiés un an après sa promulgation.

La politique en faveur de l'emploi des jeunes ne devrait pas diviser les hommes politiques, mais le fait est que l'on empile encore une fois des mesures dans lesquelles personne ne peut se retrouver, y compris les fonctionnaires en charge de l'emploi.

M. Bernard Perrut a estimé que le budget de l'emploi traduit la démarche volontariste du gouvernement en faveur de l'emploi ; il est indissociable de l'action menée depuis deux ans, qui a permis de créer des entreprises, de valoriser le travail en augmentant le SMIC horaire et d'offrir aux jeunes des contrats dans les entreprises. Le point fort de ce budget est l'accompagnement de 800 000 jeunes vers l'emploi. La situation de l'emploi des jeunes de 15 à 24 ans est en effet préoccupante en France : leur taux d'emploi est de 30  % alors qu'il est de 39  % en Europe ; 230 000 jeunes sont au chômage ; 500 000 sortent sans diplôme des écoles.

Les missions locales ne semblent pas constituer la structure la mieux adaptée pour soutenir la formation. Les maisons de l'emploi rendent compte en revanche d'un nouvel état d'esprit et d'une nouvelle méthode de travail visant à rassembler tous les acteurs en faveur de l'emploi et à associer les élus locaux sur une plate-forme de travail commune.

Enfin, le projet de loi de cohésion sociale doit se traduire par la mise en place d'une assise territoriale pour l'emploi. A cette fin, il est nécessaire qu'il reconnaisse et conforte ce qui est déjà en place : les plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE) et la centaine de comités de bassin d'emploi constituent de bons outils.

L'objectif est que le maximum de jeunes accèdent à l'emploi. En ce sens, l'accompagnement des jeunes par les contrats aidés est utile, mais il doit déboucher sur leur insertion dans le monde des entreprises et la société.

M. Michel Liebgott a tout d'abord souligné que si le plan de cohésion sociale soulève à l'évidence de nombreux espoirs, il n'est pas exempt du risque de redite par rapport à d'autres plans mis en œuvre pour relancer l'emploi. Or quel est le constat ? Depuis plus de deux ans, le chômage connaît une augmentation croissante et la politique de l'offre engagée prioritairement par le gouvernement se traduit par la diminution du pouvoir d'achat de nos concitoyens, entraînant du même coup la baisse de la production et de l'emploi. De surcroît, le gouvernement a supprimé de nombreux dispositifs d'aide à l'emploi non-marchand destinés aux jeunes. Ceux-ci présentent pourtant de nombreux avantages, en particulier dans les zones urbaines sensibles, car certains jeunes y rencontrent des difficultés majeures d'insertion dans la vie active, en raison notamment de la discrimination et du fait que les entreprises ne souhaitent pas les recruter. C'est précisément pourquoi des contrats aidés ont été mis en place afin d'offrir une transition vers l'emploi en entreprise.

S'il demeure encore virtuel, dans la mesure où il n'a pas encore été discuté et adopté par le Parlement, le plan de cohésion sociale pourrait cependant être une session de rattrapage pour l'emploi, dès lors que les crédits nécessaires à sa mise en œuvre seront effectivement prévus. Mais l'expérience du passé ne plaide pas en faveur du gouvernement. Par exemple, dans les zones urbaines sensibles, les collectivités locales n'ayant pas toujours les moyens de prendre le relais de l'Etat, des emplois aidés, notamment d'adultes-relais, ont ainsi été supprimés alors même qu'ils avaient suscité de grands espoirs pour des populations fragilisées. De même, s'agissant de même des maisons de l'emploi, il faut rappeler que des ateliers de recherche de l'emploi existaient d'ores et déjà et qu'il aurait été davantage pertinent de les renforcer. Pour ce qui est des jeunes, le développement de l'apprentissage ne constitue pas la solution miracle qui permettra de remédier à toutes les difficultés. Les emplois jeunes sont souvent critiqués ; il faut pourtant souligner qu'il s'agit avant tout d'une voie de passage vers l'emploi qui permet aux jeunes de s'insérer dans la vie professionnelle.

En conclusion, le gouvernement ne peut pas espérer édifier une nouvelle politique efficace alors qu'il a déconstruit pendant plus de deux ans ce qui existait pour promouvoir l'emploi : l'essentiel est aujourd'hui de voter des crédits à la hauteur des besoins avant de dresser un bilan d'ici quelques années.

Le président Jean-Michel Dubernard a précisé que ce débat pourrait avoir lieu dès la semaine prochaine, dans le cadre de l'audition de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

Après avoir félicité le rapporteur pour la qualité de son rapport, M. Francis Vercamer a déclaré reconnaître dans ce projet de loi le pragmatisme qui caractérise M. Jean-Louis Borloo, par opposition au dogmatisme qui a parfois présidé à la mise en œuvre des dispositifs antérieurs.

Trois points positifs méritent en particulier d'être soulignés : la relance des emplois aidés dans le secteur non-marchand, qui présentent un caractère essentiel dans certaines zones géographiques, telles que celles sinistrées par la crise de l'industrie textile, même s'il faut garder à l'esprit qu'il s'agit là d'une passerelle vers un emploi durable ; la poursuite de l'allègement des charges sociales, que le groupe UDF propose de transférer intégralement vers une « TVA sociale » afin de mettre à contribution les importations ; la simplification du dispositif d'insertion professionnelle, qui constitue une première étape intéressante.

En revanche, ce projet de loi de finances soulève plusieurs réserves, liées tout d'abord au fait qu'il s'agit davantage d'un budget de solidarité que d'une mobilisation forte pour l'emploi, qui s'appuierait sur une politique ambitieuse d'incitation à l'emploi durable. Concernant l'apprentissage, il est par ailleurs étonnant que les entreprises soient pleinement taxées à ce titre dès la première année, alors que la montée en puissance, de 370 000 à 500 000, du nombre de bénéficiaires sera échelonnée sur plusieurs années. Les maisons de l'emploi bénéficient de crédits importants mais, comme il s'agit réellement d'un dispositif pivot dans la mise en œuvre de cette réforme, il apparaît nécessaire d'accroître davantage leur nombre ainsi que leurs moyens de financement. Enfin, le fonds de l'insertion professionnelle des jeunes bénéficie de crédits d'un montant de 75 millions d'euros en 2005, alors que le plan de cohésion sociale prévoit dans le même temps des crédits à hauteur de 100 millions d'euros pour cinq ans.

S'agissant de la réforme de l'allocation de solidarité spécifique, il apparaît contestable d'affirmer, comme le fait le rapporteur pour avis, que la réforme est suspendue, car la majoration qui existait est bel et bien supprimée pour les nouveaux entrants de plus de 55 ans. Plus généralement, le projet de loi ne comporte aucune disposition en faveur de l'emploi des seniors. Enfin, la « charte de la diversité » peut également susciter un certain scepticisme.

M. Jean-Marie Geveaux a estimé que les mesures proposées vont dans le bon sens, tout en soulignant le caractère préoccupant de la situation des 30 à 40 % de demandeurs d'emploi qui sont très peu qualifiés.

L'apprentissage et les contrats jeunes fonctionnent en définitive assez bien et il faut être prudent en matière de réformes, notamment sur la modulation de l'aide aux employeurs de contrats jeunes.

Il convient plus généralement de se prémunir contre la tentation, qui se présente à chaque nouveau plan, de faire table rase des dispositifs actuels, ce qui ne contribue pas à lisibilité du système des aides à l'emploi et présente le risque de supprimer des outils - tels que les contrats d'insertion dans la vie sociale (CIVIS), les contrats emploi consolidé (CEC) et les contrats emploi solidarité (CES) - sans proposer des alternatives adaptées aux populations concernées par ceux-ci.

M. Alain Néri a posé quatre questions au rapporteur pour avis :

- Par quels instruments seront remplacés les CES et CEC ?

- Combien de CIVIS et de contrats insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) ont été signés à ce jour ?

- La suppression de la possibilité de remplacer un jeune bénéficiant d'un emploi jeunes n'est-elle pas une mesure scandaleuse ?

- Y a-t-il dans le projet de budget un renforcement des moyens de l'inspection du travail comme l'a laissé entendre M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, mais dont on ne trouve pas trace ?

M. Denis Jacquat s'est félicité du rapport de M. Maurice Giro mais a fait valoir que, prioritairement, il s'agit de mettre en place un accompagnement individuel des jeunes qui - en raison de leur qualification assez basse, de leur recherche à tout prix d'un contrat à durée indéterminée, voire de leur état d'esprit selon lequel tout leur est dû - sont éloignés de l'emploi et ne parviennent pas à trouver des contrats de travail. Les contrats qu'on leur propose doivent être de relativement longue durée, d'une part pour limiter la charge de la gestion des renouvellements par les collectivités locales, d'autre part pour amener plus facilement les jeunes à l'emploi marchand grâce à une période longue d'emploi aidé. Afin de remplacer les CES et les emplois jeunes, il convient de favoriser les nouveaux contrats fondés sur l'activation des minima sociaux.

M. Denis Jacquat a rappelé que les députés ont été d'accord pour que le dispositif des emplois jeunes soit en vigueur pour une période de cinq ans, les employeurs devant se charger, à l'issue de cette période, de pérenniser ces emplois. On pourrait seulement reprocher aux élus de ne pas avoir reconduit le dispositif pour la génération suivante, en dépit de son coût très élevé.

Mme Henriette Martinez a rappelé que les espaces ruraux emploi formation (EREF), créés en 1995 et transformés en maisons des services publics, accueillent les partenaires sociaux et accompagnent les créations d'emplois depuis plusieurs années ; ils jouent donc le rôle des futures maisons de l'emploi. Le gouvernement et le Parlement seraient donc bien inspirés d'examiner les structures existant en milieu rural, qui de surcroît sont financées par les collectivités territoriales. Que deviendront les maisons des services publics ? Il serait anormal qu'elles ne rentrent pas dans le dispositif proposé par le gouvernement. Il faut les conforter et leur apporter des moyens supplémentaires.

M. Jean-Claude Beauchaud a souligné les problèmes de cohérence que peuvent poser les durées différentes de la formation et du contrat dans certains dispositifs en vigueur. Le dispositif des CES-CEC permet de pérenniser l'emploi ; comment cette articulation sera-t-elle reprise dans les nouveaux contrats mis en place par le plan de cohésion sociale ? Quant aux emplois jeunes, on pourrait utilement étudier la mise en place d'une nouvelle vague.

En réponse aux différents intervenants, M. Maurice Giro, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- Les dispositifs équivalents aux maisons de l'emploi qui existent d'ores et déjà seront éligibles aux aides prévues. Il n'y a pas de forme préétablie. Une maison de l'emploi, ce n'est pas quatre murs, c'est un rapprochement entre les entreprises, les différentes collectivités locales ainsi que les missions locales.

- Il est nécessaire de disposer d'une orientation en amont, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il était prévu de décentraliser les centres d'information et d'orientation (CIO). C'est en effet au niveau du terrain que doivent être évaluées les capacités des demandeurs d'emploi : il faut redécouvrir les tests simples d'aptitude professionnelle et orienter les jeunes vers les métiers qui embauchent effectivement.

- Les emplois jeunes disparaissent car ils n'ont rempli que très imparfaitement leur rôle. Les collectivités locales ont logiquement choisi les « meilleurs », qui n'avaient pas vraiment besoin d'un emploi subventionné, en laissant de côté les demandeurs d'emplois les moins qualifiés.

- En ce qui concerne les emplois aidés, leur nombre a connu une baisse constante entre 1999 et 2004, cette baisse est donc imputable aussi à l'ancienne majorité, mais ils vont être relancés avec le plan de cohésion sociale.

M. Gaëtan Gorce a rétorqué que la situation de l'emploi entre 1999 et 2002 n'était pas comparable à la situation actuelle qui se caractérise par une nette augmentation du chômage.

M. Maurice Giro, rapporteur pour avis, a ensuite abordé la question de l'accompagnement des jeunes. Les missions locales peuvent se flatter d'avoir accueilli beaucoup de jeunes mais elles ne les ont pas assez suivis après. Les nouvelles mesures visent à créer une véritable dynamique en développant le parrainage et en effectuant un travail de recensement des emplois disponibles et des qualifications émergentes.

M. Alain Néri a rappelé son interrogation sur les dispositifs CIVIS et CI-RMA, précisant que seuls 200 CI-RMA ont été signés.

M. Maurice Giro, rapporteur pour avis, a souligné la difficulté à faire fonctionner des dispositifs d'insertion, citant le volet insertion du RMI. Les problèmes rencontrés sont dus notamment à une insuffisance de travail en amont sur les besoins du marché du travail. La mise en place du CIVIS et du CI-RMA dépend aussi des choix des régions et des départements. Il est vrai que le CIVIS n'est pas opérationnel, mais on est en droit d'attendre des résultats positifs avec le CI-RMA qui est assorti d'une activité professionnelle.

Se félicitant du débat nourri suscité par l'examen pour avis des crédits du travail et de l'emploi, le président Jean-Michel Dubernard a souhaité que ces débats se poursuivent lors de l'audition, la semaine prochaine, du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du travail et de l'emploi pour 2005.

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La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de M. Patrick Bloche, les crédits de la francophonie et des relations culturelles internationales pour 2005.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis des crédits de la francophonie et des relations culturelles internationales, s'est tout d'abord réjoui d'être à nouveau rapporteur pour les crédits de la francophonie et de l'action culturelle - fonction qu'il a occupée sous la précédente législature - auxquels il attache une grande importance.

Après avoir constaté la reconduction d'une année sur l'autre des crédits du ministère des affaires étrangères, à périmètre constant, il a expliqué que son avis ne traite que des crédits de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID). Cette direction traite de l'aide au développement, dont les crédits augmentent cette année, ainsi que de la francophonie et de l'action culturelle. Pour ce deuxième volet de la politique de la DGCID, on peut déplorer des moyens insuffisants alors que le gouvernement français ne se prive pas de répéter dans les instances internationales combien il est attaché à la francophonie et au rayonnement de l'enseignement du français.

L'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE) voit ses crédits réduits de 2,2 %, ce qui confirme une restriction de ses moyens sur une longue tendance. Le choix opéré d'un recrutement massif de professeurs locaux pour remplacer les enseignants expatriés n'a pas été bien maîtrisé et la qualité de l'enseignement s'en ressent. La Cour des comptes a sévèrement critiqué le fonctionnement de l'agence dans son rapport 2003. Des premières mesures de réorganisation ont été adoptées mais le plan de réorientation stratégique est plutôt centré sur l'amélioration de la logistique que sur la modernisation de l'enseignement du français.

Les enfants étrangers ont toujours du mal, faute de places suffisantes à être scolarisés en français et il n'existe aucun plan cohérent pour inciter les bacheliers à s'inscrire dans des universités francophones. Ce défaut de la filière universitaire avait déjà été souligné il y a plus de huit ans sans qu'aucun progrès notable n'ait été accompli depuis. A titre d'exemple, on peut citer le cas de l'université française du Caire qui vient d'être ouverte mais qui a été financée sur des fonds privés.

Certains aspects de ce budget sont positifs comme l'augmentation de 1 million d'euros pour le financement des bourses. De même, les alliances françaises bénéficieront de crédits majorés.

En revanche, comment ne pas s'étonner de la stagnation, c'est-à-dire d'une baisse en euros constants, des crédits accordés à l'audiovisuel extérieur alors même que le Président de la République, M. Jacques Chirac, présente la création d'une chaîne internationale de télévision comme une ardente obligation ! C'est pourquoi il a paru intéressant de refaire le point sur ce dossier qui n'est pas finalisé et qui fait l'objet de discussions entre le ministère de la culture et le ministère des affaires étrangères. Le rapport Brochand a perturbé le travail réalisé par la mission d'information parlementaire présidée par M. François Rochebloine. Alors qu'en France un consensus existe pour dire que notre pays devrait disposer d'un média audiovisuel international, pour faire entendre une voix différente de celles des médias anglo-saxons, il a semblé utile de se placer du point de vue du récepteur potentiel et d'écouter ses attentes.

Le rapporteur pour avis s'est donc rendu en Egypte, pays où la tradition francophone est très ancienne mais où le bilinguisme est réservé à une élite, pour interroger des téléspectateurs potentiels. Les interlocuteurs rencontrés - journalistes égyptiens, correspondants locaux des médias occidentaux, intellectuels et acteurs des médias égyptiens -se sont tous accordés à dire que l'initiative française est étendue pour permettre la diffusion d'une information pluraliste et faire connaître la France dans sa diversité et non pas seulement comme la nation de la haute couture. Les différents interlocuteurs ont insisté sur la nécessité de transcender la barrière linguistique et ont considéré que le message à transmettre est plus important que la langue utilisée. Recourir au français ne permettrait de toucher qu'une minorité alors que l'objectif est d'atteindre une large partie de la population, notamment la jeunesse fortement marquée par les messages antioccidentaux de la chaîne Al Jazeera. Le choix de l'arabe median paraît donc nécessaire même si des programmes peuvent être diffusés en français, notamment pour l'apprentissage de la langue par les enfants.

Cette chaîne devrait être un canal chargé d'expliquer les prises de position de la France, comme par exemple sa conception de la laïcité et la récente loi sur les signes ostensibles dans les établissements scolaires qui a été très mal perçue dans les pays musulmans. Ce média pourrait être aussi une sorte de chaîne civique pour encourager les pays non démocratiques à moderniser leur vie politique et à réfléchir sur des thèmes comme les droits de l'homme ou l'Etat de droit. Une attente très forte a aussi été exprimée pour l'organisation de débats sur des sujets de société qui permettraient un dialogue entre civilisations et éviteraient ainsi un repli identitaire.

Cette chaîne doit réfléchir à son positionnement car l'offre de chaînes satellitaires est actuellement pléthorique et de multiples initiatives sont prises pour conquérir de nouveaux publics. C'est ainsi qu'Al Jeezira cherche à lancer une chaîne sportive et une autre en anglais. EuroNews, malgré un premier échec, a l'intention de lancer une diffusion en arabe.

Il faut donc réfléchir à la stratégie audiovisuelle de la France alors que les crédits publics sont aujourd'hui saupoudrés pour financer de multiples structures sans réelle efficacité. TV5 apparaît comme trop institutionnelle et pas vraiment française, Arte est perçue comme réservée à une élite, tandis que CFI n'a qu'une influence indirecte par la mise à disposition de programmes francophones à des télévisions étrangères.

Une évolution est apparue depuis le projet initial de chaîne d'information internationale : on s'oriente maintenant non plus vers une chaîne globale à diffusion mondiale, mais vers plusieurs chaînes transnationales à diffusion régionale avec d'étroits partenariats avec les médias locaux. Le choix du canal de diffusion n'est pas neutre en termes budgétaires et pour l'audience de la chaîne ; il semble utile de chercher à organiser une diffusion satellitaire mais aussi de négocier avec les états locaux l'obtention d'un canal hertzien, ce qui permettrait une diffusion plus économique et plus populaire. L'objectif est de créer un effet de synergie, cette chaîne de télévision devant démultiplier l'effet de sensibilisation à la culture française créé par l'enseignement du Français et le rayonnement des centres culturels.

En conclusion, M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il s'en remettait à la sagesse de la commission quant au choix d'émettre un avis favorable ou défavorable à l'adoption des crédits de la francophonie et des relations culturelles internationales pour 2005.

Plusieurs commissaires sont intervenus après l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Marc Bernier a souligné que le sujet abordé par le rapporteur pour avis intéresse l'ensemble des commissaires. Les crédits de la francophonie sont en effet importants pour le rayonnement linguistique de notre pays et l'on peut s'interroger également sur l'intérêt porté à un projet de télévision française d'information internationale non seulement dans les pays arabes mais aussi en Amérique latine et en Asie du sud-est. La chaîne Al Jeezira ne peut être prise comme modèle et CNN inonde déjà les réseaux internationaux. C'est pourquoi cette chaîne française serait un outil important dans le cadre de la diversité culturelle.

M. Alain Néri a déploré l'insuffisance des crédits mis à la disposition de l'enseignement français à l'étranger. Il est nécessaire de renforcer les moyens dont disposent ces établissements qui subissent la concurrence des écoles anglophones. L'augmentation du nombre de bourses en faveur des étudiants étrangers constitue un élément satisfaisant du budget pour 2005.

Le président Jean-Michel Dubernard a salué la démarche du rapporteur pour avis, qui a choisi un angle d'attaque bien défini afin de défendre la francophonie et s'est rendu sur place pour mesurer les attentes. On doit se réjouir de l'augmentation du nombre de bourses en faveur des étudiants étrangers qui peut permettre le retour d'étudiants en provenance notamment d'Amérique latine, en particulier dans le domaine de la médecine, dont l'absence est préjudiciable au développement de la francophonie et de la francophilie.

Tous les facteurs de rayonnement de la France dans les domaines du sport, de la recherche voire de la mode doivent être mobilisés, afin que cette chaîne soit une véritable vitrine de notre pays. Enfin, il serait intéressant de connaître la tonalité des propos du responsable de l'université américaine du Caire sur ce projet audiovisuel.

En réponse aux différents intervenants, M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- Il est nécessaire de rationaliser l'enseignement du français à l'étranger, qui a d'ailleurs fait l'objet de critiques de la part de la Cour des comptes. Un équilibre doit être recherché entre le nombre de professeurs expatriés et de professeurs locaux.

- La DGCID fait l'objet de nombreuses mesures de régulation budgétaire.

- Les établissements scolaires français à l'étranger assurent toujours l'enseignement destiné aux enfants français expatriés mais de moins en moins celle des enfants étrangers.

- Il n'existe pas de chaîne cohérente de l'enseignement du français à l'étranger en raison du manque d'établissements supérieurs alors qu'il y a tout intérêt à former des décideurs francophiles.

- Il faut se réjouir de l'augmentation de 1 million d'euros des bourses, qui doit permettre à la France de combler son retard accumulé au cours des années 90 en matière d'accueil d'étudiants étrangers.

- La chaîne d'information internationale doit avoir une vocation généraliste comme l'ont indiqué tous les interlocuteurs rencontrés au Caire.

- La question de la langue doit être dépassée car le message est plus important que la langue ; le sous-titrage peut être employé afin de toucher le plus vaste public possible.

- Contrairement aux espaces hispanophones ou lusitanophones, l'espace francophone est organisé.

- Cette chaîne doit être présente au Moyen-Orient ainsi qu'au Maghreb, ce qui est tout à fait possible puiqu'un satellite couvre cette zone. Il est nécessaire de trouver un idiome arabe standard afin de toucher les différentes populations de cette zone.

- Dans la mesure où il est important pour des raisons démographiques évidentes de toucher un public jeune, les programmes doivent comprendre des divertissements ainsi que du sport.

- Il est tout a fait envisageable d'adapter ce projet de chaîne aux différentes zones géographiques, Amérique Latine ou Asie du sud-est, en développant des partenariats locaux et en ayant recours à la diffusion satellitaire et hertzienne.

M. Céleste Lett a rappelé l'importance de la francophonie en Allemagne et a souhaité que l'enseignement de l'allemand se fasse de manière plus précoce pour combler le retard vis-à-vis de nos voisins.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis, a souligné que l'action de la DGCID n'est pas principalement axée sur l'Union européenne. La rationalisation du réseau consulaire peut permettre de dégager des crédits pour relancer l'action culturelle. Le projet de chaîne française d'information internationale doit apporter un plus par rapport à la chaîne allemande d'information internationale jugée trop culturelle.

Le rapporteur pour avis s'en étant remis à la sagesse de la commission, celle-ci a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la francophonie et des relations culturelles internationales pour 2005.

*

La commission a enfin examiné pour avis, sur le rapport de M. Céleste Lett, les crédits des anciens combattants pour 2005.

Après avoir souligné l'intérêt qu'il a pris à écouter les différentes associations, M. Céleste Lett, rapporteur pour avis des crédits des anciens combattants, a précisé qu'il a placé son travail dans la continuité de celui des acteurs ayant œuvré au profit du monde combattant, en particulier en Alsace-Moselle.

Le budget des anciens combattants est en augmentation de 0,14 %, pour un montant total de 3 394,9 millions d'euros. Naturellement, ce résultat prend en compte l'effet de mesures passées, mais il convient de le saluer dans la mesure où il représente un infléchissement par rapport à une tendance négative qui prévalait depuis dix ans. Il faut aussi rappeler que l'augmentation des crédits sociaux de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) traduit l'impérieuse nécessité d'assurer la solidarité nationale.

Il importe dans un premier temps de revenir sur les principales mesures affectant l'évolution des crédits du projet de loi de finances pour 2005.

Certaines correspondent à des décisions prises antérieurement au présent projet : ainsi, l'attribution de la carte du combattant au titre de l'Afrique du Nord aux combattants ayant passé quatre mois sur les territoires d'Afrique du Nord se traduit, pour son extension en année pleine, par des crédits à hauteur de 3 millions d'euros pour 20 000 cartes supplémentaires et donc 20 000 retraites du combattant nouvelles. De plus, l'effet de l'extension en année pleine de l'augmentation des pensions des veuves d'invalides pensionnés à hauteur de 15 points rencontre la satisfaction des associations d'anciens combattants, même si d'autres efforts doivent encore être fournis. Enfin, l'augmentation de 1,95 % de la subvention de l'Etat à l'Institution nationale des invalides ainsi que la signature d'un projet d'établissement et la préparation d'un contrat d'objectifs et de moyens contribuent à la pérennisation de cette institution.

Mais le budget comprend aussi des mesures entièrement nouvelles. Il en va ainsi de l'augmentation de 3,8 % des crédits sociaux de l'ONAC, pour un total de dépenses sociales ainsi porté à 12,6 millions d'euros. De même la publication du décret du 27 juillet 2004, prolongement du décret du 13 juillet 2000, permet l'attribution d'une rente ou d'un capital aux orphelins des victimes de la barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, dans le respect de l'engagement du Président de la République pris dès le mois de mai 2002 à la suite du sentiment d'injustice causé par le décret de juillet 2000. Il est vrai que ces crédits ne relèvent pas au sens strict du budget des anciens combattants mais des crédits du Premier ministre : c'est, quoi qu'il en soit, le budget de l'ensemble de la Nation qui consacre ainsi un effort important à ces orphelins.

Des chantiers nouveaux sont également ouverts. En application de l'article 122 de la loi de finances pour 2004, un rapport a été établi sur les anciens combattants et leurs veuves âgés de plus de soixante ans ayant des ressources inférieures au SMIC, en réponse à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour le budget des anciens combattants de 2004, M. Patrick Beaudouin. Sans doute cette enquête s'est-elle heurtée à des difficultés d'ordre méthodologique. Mais les mesures d'expérimentation qui vont être proposées - dans deux départements - par M. Patrick Beaudouin pour l'année à venir permettront de poursuivre cet effort. Par ailleurs, un médiateur, M. Christian Gal, inspecteur général des affaires sociales, a été nommé pour l'étude de la question de la prise en compte du mécanisme de bonification de pension de retraite dit de la « campagne double » pour les anciens combattants d'Afrique du Nord. Un rapport d'étape sera publié dans les prochaines semaines, avant la parution d'un rapport définitif en 2005.

Certes, certaines questions sont encore en suspens.

On ne peut que déplorer que l'engagement gouvernemental de porter à 48 points d'indice de pension militaire d'invalidité le niveau de la retraite du combattant n'ait pas été tenu. C'est la raison pour laquelle un amendement sera défendu, tendant à l'augmentation d'un point de cet indice, de manière à amorcer cette évolution - étant entendu qu'il est souhaitable que le gouvernement relaye cette initiative en reprenant l'amendement. Cette mesure est d'autant plus importante que 1,4 million de personnes est concerné.

Le relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant constitue un autre sujet de préoccupation. Une première augmentation a permis de porter ce plafond de 115 à 122,5 points d'indice. Mais la question posée est aussi, dans un contexte économique difficile, celle de la nécessité de faire des choix.

Il faut encore améliorer les remboursements des soins aux pensionnés et mutilés de guerre : ces remboursements n'ont en effet pas toujours été honorés ces deux dernières années et l'Etat procède actuellement à une régularisation de cette situation. Est souhaitable également la prise en charge de l'intégralité des soins et appareillages au titre du droit à réparation.

S'agissant de la réparation au titre de la Seconde Guerre mondiale, il convient de distinguer plusieurs situations :

- les incorporés de force dans l'armée allemande ;

- les incorporés de force dans les formations paramilitaires RAD et KHD (Reichsarbeitsdienst et Kriegshilfsdienst), qu'ils aient été combattants ou non : il faut rappeler les difficultés d'indemnisation de ces derniers, qui se heurtent au refus - illégitime - de la fondation Entente franco-allemande au motif que ses statuts y feraient obstacle et qu'il revient au gouvernement de procéder à une telle réparation ;

- les 225 « fléchards » (combiné du nom de la commune de la Flèche, lieu d'un camp de prisonniers, et de la condition du « bagnard »), dont une cinquantaine de survivants, méritent également une indemnisation : ces déserteurs de l'armée allemande, alsaciens ou mosellans, qui s'étaient cachés pour échapper à l'enrôlement dans l'armée ennemie, n'ont eu pour récompense à l'arrivée des troupes de libération américaines sur le sol français que l'emprisonnement - le rapporteur pour avis a d'ailleurs déposé il y a deux ans avec M. Alain Marty une proposition de loi sur cette question préoccupante, malheureusement sans résultat.

Dans un deuxième temps, le rapporteur pour avis a présenté le thème retenu pour l'avis budgétaire : la politique de mémoire, l'un des trois piliers, avec la solidarité et la réparation, de l'action en faveur du monde combattant.

De manière générale, le monde combattant a exprimé une satisfaction totale à l'égard des différentes commémorations de l'année 2004. L'action dynamique de l'ensemble des acteurs de la politique de mémoire doit être soulignée : Haut Conseil de la mémoire combattante, direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense, ministère délégué aux anciens combattants, ONAC et collectivités locales, pour n'en citer que quelques-uns.

La diminution apparente des crédits consacrés à la politique de mémoire s'explique par l'existence d'engagements à ce titre dans les budgets des années précédentes, engagements qui continuent à produire leurs effets aujourd'hui.

Conserver la mémoire est une nécessité. A cet effet, il faut saluer les initiatives que constituent la construction du centre européen du résistant-déporté dans le système concentrationnaire nazi, à proximité immédiate de l'ancien camp de concentration de Natzveiler-Struthof en Alsace, la poursuite des travaux du mémorial de l'Alsace-Moselle, à Schirmeck, dans la vallée de la Bruche ainsi que la rénovation de l'exposition permanente française dans l'enceinte de l'ancien camp de concentration d'Auschwitz.

Il est aussi important de fêter la mémoire : à cet égard une « journée de la mémoire combattante » pourrait être instituée, par exemple le 11 novembre, pour faciliter, à cette occasion, la transmission des valeurs défendues lors des différents combats - sans remettre en cause pour autant l'existence des autres journées commémoratives. La valeur pédagogique d'une telle journée serait forte. En effet, la mémoire, si elle doit être conservée, gagne également à être partagée.

En conclusion, le rapporteur pour avis a proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits des anciens combattants pour 2005.

Plusieurs commissaires sont intervenus après l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Bernard Perrut a souligné que ce budget apporte trois motifs de satisfaction : l'indemnisation, au titre du décret du 27 juillet 2004, des orphelins des victimes de la barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, l'extension en année pleine, d'une part, des dispositions relatives à l'attribution de la carte du combattant aux combattants ayant passé quatre mois sur les territoires d'Afrique du Nord et, d'autre part, de celles relatives à l'augmentation des pensions des veuves d'invalides pensionnés.

Trois préoccupations subsistent malgré tout : la revalorisation de la retraite de combattant, le relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant et le nécessaire développement des chemins de mémoire. Sur ce dernier point, les liens doivent être renforcés entre les budgets du tourisme, de la culture et celui, bien faible, des anciens combattants.

M. Georges Colombier a félicité le rapporteur pour avis de l'objectivité de ce rapport, très complet par ailleurs. Le thème choisi pour la deuxième partie est important. Il convient en effet de profiter du fait qu'il existe encore des survivants pour enregistrer leurs souvenirs. C'est un travail de mémoire essentiel. Les associations nationales sont très attentives à ce point, ainsi qu'aux autres points abordés par le rapporteur pour avis, concernant l'indemnisation effective des victimes de la barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, l'abaissement à quatre mois de service pour bénéficier de la carte du combattant au titre de l'engagement en Afrique du Nord ou encore la prise en charge des cures thermales.

Le budget ne comporte certes pas autant de mesures nouvelles qu'il serait souhaitable, mais il assume pleinement les engagements financiers du gouvernement, notamment pour ce qui est du financement de l'ONAC et de l'augmentation de ses crédits sociaux, ou encore du versement des pensions aux veuves d'invalides pensionnés. Il conviendrait par contre de réfléchir à l'octroi d'une allocation de solidarité pour les veuves les plus démunies. Il s'agirait d'un geste fort en faveur d'un droit à la réparation plus effectif.

S'agissant de la politique de mémoire, M. Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux anciens combattants, a demandé à la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense de recueillir de manière systématique l'ensemble des témoignages avec l'aide des associations.

Il aurait été important de revaloriser la retraite du combattant, ne serait-ce que d'un point, afin d'amorcer un mouvement de hausse. Il aurait également fallu agir sur la question de la prise en compte de la campagne double pour le calcul des droits à retraite des anciens combattants d'Afrique du Nord, le relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste d'anciens combattants ou la simplification du mécanisme dit du « rapport constant ». Enfin, il faudrait songer aux anciens combattants de la guerre du Golfe, afin qu'ils puissent bénéficier, sur les mêmes critères, des avantages dits de la « campagne double » ou de l'attribution de la carte du combattant dès lors qu'ils ont été engagés pour une durée de quatre mois.

Enfin, il faut souligner l'importance de la question des incorporés de force, évoquée par le rapporteur pour avis.

M. Alain Néri a estimé que si, l'année dernière, le budget était en trompe-l'œil, cette année, il constitue une tromperie. On ne peut croire à la hausse annoncée de 0,14%, qui est, encore une fois, une manipulation budgétaire. La plupart des mesures prises en 2004 n'entrant pas immédiatement en application, les crédits prévus sur le budget de l'année dernière n'ont pas été utilisés et ne seront pas reportés - qu'il s'agisse de la mesure d'extension de l'attribution de la carte du combattant ou de l'augmentation du niveau des pensions des veuves d'invalides pensionnés. Il y a donc une perte sèche de 15 millions d'euros de crédits. En prenant en compte l'inflation, le budget baisse en fait de 3 à 3,5 %.

Par ailleurs, cette année est la première année sans mesure nouvelle au bénéfice du monde combattant. Pourtant, le gouvernement avait promis la revalorisation de la retraite du combattant de 33 à 48 points. On sait qu'un point vaut 16 millions d'euros et que le ministère des finances est réticent à accepter ce type de mesures. Mais il aurait fallu engager un processus progressif, comme sous la précédente législature. C'est de cette manière que la durée d'engagement pour pouvoir bénéficier de la carte du combattant a été progressivement réduite. De même, la rente mutualiste a bénéficié de revalorisations annuelles régulières, jusqu'au dernier changement de gouvernement. Si l'actuel gouvernement avait suivi cette méthode, il aurait tenu les engagements.

Aujourd'hui, le ministre est condamné à augmenter la retraite de 5 points s'il veut porter, d'ici la fin de la législature, donc en trois ans, son niveau de 33 points à 48 points d'indice de pension militaire d'invalidité. Cela représenterait une dépense de 80 millions d'euros. Il est indécent de demander une hausse d'un point. Les anciens combattants ne réclament pas une obole mais le respect de leurs droits.

Par ailleurs, l'allocation différentielle pour les anciens combattants chômeurs, accordée sous certaines conditions, est aujourd'hui en perte de vitesse, la plupart des allocataires étant à la retraite. Il serait donc possible de récupérer des financements sur ces crédits.

Certes, l'ONAC voit ses crédits augmenter mais, les années précédentes, cette augmentation était déjà réalisée, grâce à la réserve parlementaire - ce que semble déplorer aujourd'hui le rapporteur pour avis. Or ces augmentations sont particulièrement nécessaires au regard notamment des besoins en personnels de l'ONAC. Par ailleurs, l'avenir de l'ONAC au-delà de 2007, date de fin du contrat d'objectifs et de moyens, n'est pas garanti, alors que le nombre des bénéficiaires est en augmentation. Il convient que le ministère de la défense conserve la tutelle de cet organisme, M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, ayant d'ailleurs clairement refusé l'adossement de l'ONAC à son ministère.

Concernant les orphelins, les mesures prises sont bonnes mais il conviendrait de veiller à ne pas créer une difficulté liée au périmètre de la mesure. Si les orphelins de résistants morts dans les camps sont bien concernés, il faut également envisager la possibilité d'inclure les orphelins de déportés dont les parents sont morts peu de temps après leur retour des camps.

S'agissant de la mémoire, la baisse des crédits est dommageable en cette année de célébration du soixantième anniversaire du 8 mai 1945, date de capitulation du régime nazi. C'est une date à honorer, en souvenir des combats de la résistance pour la liberté et la restauration de la République. Les jeunes générations doivent se le rappeler. Cette date est également importante car elle a été suivie de très nombreuses avancées sociales, qui correspondaient à la mise en œuvre du programme du Conseil national de la résistance.

Le silence assourdissant du rapporteur pour avis sur la date de la journée d'hommage aux « morts pour la France » pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie est déplorable. Le choix du 5 décembre est une insulte pour les anciens combattants d'Afrique du Nord, contrairement à la date du 19 mars qui aurait dû être retenue.

M. Patrick Baudouin a regretté l'absence de revalorisation de la retraite du combattant.

Par ailleurs, le Parlement a évoqué l'an dernier la question d'une « allocation différentielle » au profit des plus défavorisés, adoptant à l'article 122 de la loi de finances pour 2004 un amendement tendant à ce que soit réalisé un rapport sur les anciens combattants et leurs veuves âgés de plus de soixante ans ayant des ressources inférieures au SMIC. Cette étude s'est heurtée à des difficultés tenant au recensement des besoins. C'est pourquoi deux tests pourraient être menés au sein de deux services départementaux de l'ONAC sur les allocataires potentiels ayant un revenu inférieur au SMIC ainsi que sur les veuves susceptibles d'en bénéficier, de façon à identifier concrètement les besoins.

Par ailleurs, l'absence de remboursement régulier par l'Etat des soins au titre du droit à réparation crée des difficultés pour certains anciens combattants invalides qui, en conséquence, se sont vus parfois refuser une prestation de soins par les praticiens non remboursés. Il convient donc de veiller à la régularisation budgétaire - déjà engagée - en cette matière.

Il faut se féliciter des efforts accomplis en faveur de la mémoire. La totalité des grands événements seront célébrés en 2005, y compris le grand retour des prisonniers, la libération des camps nazis et la capitulation du 8 mai. De plus, la notion de « mémoire familiale » émerge ; il faut la soutenir.

En dernier lieu, il est indispensable de créer un lieu unique de la mémoire combattante. Il convient également d'être attentif au devenir des archives. L'ouverture d'un grand centre de la mémoire combattante doit être favorisée, à l'heure de la réforme du service historique des armées.

Le président Jean-Michel Dubernard a approuvé l'évocation de la mémoire des familles : le succès actuel du film de Jean-Pierre Jeunet « Un long dimanche de fiançailles » en témoigne.

Aux différents intervenants, M. Céleste Lett, rapporteur pour avis, a apporté les éléments de réponse suivants :

- Contrairement à ce qui a été avancé, le budget des anciens combattants est, en masse, en réelle augmentation par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2004 et cela compte non tenu des crédits destinés au financement de l'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie prévue par le décret du 27 juillet 2004. Cette situation est d'autant plus remarquable qu'elle est inédite depuis dix ans.

- De la même façon, il est erroné d'affirmer que le budget des anciens combattants pour 2005 ne contient pas de mesures nouvelles. A l'évidence, l'augmentation de près de 4 % des crédits sociaux de l'ONAC constitue bien une rupture avec les budgets précédents.

- La question de la date de la journée nationale d'hommage aux morts pour la France pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie n'est pas absente du rapport puisque la date du 5 décembre y figure en toutes lettres. Et si d'autres dates - telle celle du 19 mars - n'y figurent pas, c'est tout simplement parce que décision a été prise au niveau de l'Etat de consacrer le 5 décembre date de commémoration nationale et que, par suite, il appartient à tout démocrate de se conformer à cette décision -, ce qui n'empêche pas les associations de célébrer l'hommage aux anciens combattants à la date de leur choix.

- La préoccupation évoquée l'an passé par le rapporteur pour avis concernant la possibilité de mettre en place une garantie de ressources pour tous les anciens combattants et leurs ayants droit, et qui avait trouvé sa traduction dans la demande d'un rapport au gouvernement inscrit à l'article 122 de la loi de finances initiale, fait l'objet d'une réelle attention de la part du gouvernement. Le rapport demandé est paru et, à bien des égards, le relèvement des crédits sociaux de l'ONAC peut être considéré comme l'amorce d'une réponse. Pour le reste, et compte tenu de la complexité de la mise en place d'un tel dispositif, il est tout à fait envisageable de commencer par une expérimentation sur un ou deux départements.

- Les crédits pour le financement des actions en faveur de la mémoire combattante ne sont pas tous, loin s'en faut, regroupés au sein du budget des anciens combattants. Certains sont inscrits au budget de la défense, d'autres au budget du tourisme, sans compter les sommes importantes consacrées au soutien de telles actions par les collectivités locales. A cet égard, il faut rappeler la signature d'une convention à Lille le 9 février 2004 par M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants, et M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme, destinée à impliquer l'ensemble de ces acteurs dans la mise en œuvre d'un « tourisme de mémoire ».

- L'augmentation du plafond majorable de la rente mutualiste avec l'objectif d'atteindre le seuil des 130 points constitue à n'en pas douter une des préoccupations de la majorité. Toutefois, dans le contexte budgétaire actuel, il est nécessaire de faire des choix et, dans ce cadre, priorité a été donnée cette année à l'augmentation des crédits sociaux de l'ONAC et, par le biais de l'initiative parlementaire, à l'augmentation, même modeste, du niveau de la retraite du combattant.

Puis, la commission est passée à l'examen des amendements.

Après l'article 72

Après que le rapporteur pour avis a émis un avis défavorable, la commission a rejeté un amendement de M. Alain Néri visant à abaisser à soixante-dix ans l'âge pour la jouissance de la demi-part fiscale dans le calcul de l'impôt sur le revenu réservé aux titulaires de la carte du combattant.

Après l'article 72 (article L. 256 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre) : Augmentation d'un point d'indice de pension militaire d'invalidité de la retraite du combattant

Puis, la commission a examiné un amendement du rapporteur pour avis visant à augmenter d'un point d'indice le montant de la retraite du combattant.

Considérant que la faiblesse de l'augmentation proposée par le rapporteur pour avis apparentait celle-ci plus à une obole qu'à une véritable mesure en direction du monde combattant, M. Alain Néri a indiqué qu'il ne prendrait pas part au vote.

Après que le rapporteur pour avis a répondu que l'opposition actuelle aurait eu - si elle l'avait désiré - tout le loisir d'augmenter la retraite du combattant et selon un rythme plus soutenu lorsqu'elle était aux affaires, puisque cette dernière n'a pas été revalorisée depuis 1978, la commission a adopté l'amendement.

En conséquence, deux amendements de M. Alain Néri augmentant la retraite du combattant respectivement de quinze et cinq points d'indice sont devenus sans objet.

Après l'article 72

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Alain Néri visant à inscrire dans la loi l'engagement du gouvernement à pérenniser l'existence de l'ONAC.

M. Alain Néri a déclaré que le nombre des personnels mis à la disposition de l'ONAC ne cessait de diminuer rendant de plus en plus difficile l'accomplissement par l'Office des missions très importantes qui sont les siennes.

Après que le rapporteur pour avis a rappelé que la signature d'un contrat d'objectifs et de moyens courant jusqu'en 2007 entre l'Etat et l'office et que l'augmentation pour 2005 des crédits sociaux de l'ONAC constituent des gages suffisants de l'engagement du gouvernement en faveur de la pérennité de cet établissement public, la commission a rejeté l'amendement.

Puis, la commission a examiné un amendement de M. Alain Néri visant à créer une allocation différentielle au bénéfice des conjoints survivants d'anciens combattants âgés de plus de soixante ans et disposant de revenus inférieurs au SMIC.

M. Alain Néri a indiqué que cet amendement s'inscrit dans le cadre des propositions formulées l'an passé par le rapporteur pour avis, lesquelles avaient fait l'objet d'une demande au gouvernement d'un rapport à l'article 122 de la loi de finances initiale pour 2004.

Après que le rapporteur pour avis a émis un avis défavorable, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Alain Néri visant à substituer dans l'ensemble du corpus législatif et réglementaire au terme « veuve » l'expression « conjoint survivant ».

Après que le rapporteur pour avis a indiqué qu'il partage la préoccupation de M. Alain Néri mais que le gouvernement prépare un projet de loi sur ce point, la commission a rejeté l'amendement.

De la même façon, la commission a rejeté un amendement de M. Alain Néri visant à élargir aux orphelins des résistants et des otages fusillés ou massacrés sur le territoire national le bénéfice de l'indemnisation mise en place par le décret du 27 juillet 2004, après que le rapporteur a déclaré que ces personnes sont d'ores et déjà partie intégrante du champ couvert par le décret.

Puis la commission a rejeté deux amendements de M. Alain Néri, le premier visant à instituer le 27 mai, jour de la création du Conseil national de la résistance (CNR), comme journée de la résistance, le second visant à accorder à tous les militaires tombés en Algérie, au Maroc et en Tunisie dans l'accomplissement de leur mission et demeurés fidèles aux institutions républicaines la mention « mort pour la France », le rapporteur pour avis ayant indiqué d'une part que sa préférence va prioritairement à l'établissement d'une journée du combattant le 11 novembre, d'autre part que l'attribution de la mention « mort pour la France » répond à des critères précis auxquels il ne peut être dérogé.

Puis la commission a examiné un amendement de M. Alain Néri visant à relever le montant du plafond majorable de la rente mutualiste à 130 points d'indice.

M. Alain Néri a déclaré que cet amendement a vocation à encourager le gouvernement à tenir ses engagements.

Après que le rapporteur pour avis a déclaré que si cet objectif demeure une préoccupation de la majorité, dans le contexte budgétaire actuel des choix doivent être faits et l'ont été en faveur de l'augmentation des crédits sociaux de l'ONAC et de la retraite du combattant, la commission a rejeté l'amendement.

Enfin, la commission a examiné un amendement de M. Alain Néri visant à faire porter la mention « AFN » sur les drapeaux des unités combattantes les plus méritantes lors de la guerre d'Algérie.

Le rapporteur pour avis a émis un avis défavorable au motif que cette décision a déjà été prise par le gouvernement.

M. Alain Néri s'est déclaré satisfait de voir que la préoccupation qu'il avait déjà exprimée l'an passé dans un amendement trouve enfin son aboutissement, rétablissant de la sorte l'équité entre les différentes générations du feu.

Après que M. Patrick Beaudouin, rapporteur pour avis sur les crédits des anciens combattants l'an passé, a rappelé qu'il avait alors émis un avis défavorable à l'adoption d'un amendement identique après avoir obtenu l'engagement de la ministre de la défense, Mme Michèle Alliot-Marie, que soit apportée une réponse à cette question, la commission a rejeté l'amendement.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des anciens combattants pour 2005.

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