COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 50

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 6 juillet 2005
(Séance de 9 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de résolution sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/88/CE concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (COM [2004] 607 final / E 2704) - n° 2366 (M. Pierre Morange, rapporteur)


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- Informations relatives à la commission

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La commission a examiné, sur le rapport de M. Pierre Morange, la proposition de résolution sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/88/CE concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (COM [2004] 607 final / E 2704) - n° 2366.

M. Pierre Morange, rapporteur, a indiqué que la Commission européenne a proposé le 22 septembre 2004 un texte visant à modifier la directive du 4 novembre 2003 qui fixe, au niveau européen, les règles essentielles de protection de la santé et de la sécurité en matière d'aménagement du temps de travail.

La directive qu'il est ainsi proposé de modifier n'est qu'une version consolidée d'une précédente directive de 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail. Ces directives fixent des normes minimales en matière de temps de pause, de repos quotidien ou hebdomadaire, de congés annuels ou de travail de nuit, tout en comportant de nombreuses dispositions permettant aux Etats membres de mettre en œuvre des règles dérogatoires selon les secteurs ou les catégories de salariés visées.

Il est important de garder à l'esprit que ces règles sont minimales : tout Etat membre de l'Union européenne devra les respecter mais aura toujours la possibilité de prévoir, pour ses travailleurs, des dispositions plus favorables. C'est d'ailleurs le cas de la France, qui a fixé un maximum de quarante-huit heures par semaine à l'article L. 212-7 du code du travail.

Le texte établi par la Commission européenne en septembre 2004 correspond à une double finalité. D'une part, la directive de 1993 avait expressément prévu que le Conseil réexaminerait, sur proposition de la Commission et dans un délai de dix ans, certaines de ses dispositions. D'autre part, une question n'avait pas été tranchée par les textes initiaux de 1993 et 2003 : la définition des temps de garde et temps d'astreinte. En l'absence de texte, la Cour de justice des communautés européennes a considéré que le temps de garde accompli sur le lieu de travail doit être intégralement considéré comme du temps de travail effectif, y compris les périodes d'inactivité. Cette solution n'a pas satisfait tous les Etats membres qui ont pu estimer, notamment, que ses effets en termes de recrutement du personnel médical nécessaire pour assurer un fonctionnement continu des hôpitaux pourraient poser des difficultés.

La Commission européenne, dans son texte de septembre 2004, fait dans ce contexte un certain nombre de propositions :

- Sur un premier point, la Commission souhaite rendre plus restrictif l'accès des Etats et donc des entreprises à la clause dite d'« opt out ».

Aux termes de la directive du 4 novembre 2003, la durée du travail ne doit pas excéder 48 heures, y compris les heures supplémentaires, pour chaque période de sept jours. Cette durée est toutefois considérée dans sa valeur moyenne sur une période de référence, période en principe d'au maximum quatre mois, pouvant être portée dans certains cas dérogatoires à six, voire à douze mois.

Depuis 2003, l'article 22 de la directive contient en outre une clause d'opt-out. La Grande-Bretagne a été à l'origine de cette clause, qui permet aux Etats membres d'autoriser les salariés à renoncer à la réglementation relative à la durée maximale hebdomadaire du travail. Le régime de la mise en œuvre de cette clause est assez souple, dans la mesure où la seule obligation des employeurs est alors de tenir à la disposition des autorités compétentes un registre concernant la liste des salariés ayant décidé de faire jouer cette clause de renonciation, étant précisé que les salariés ne doivent subir aucun préjudice s'ils refusent l'opt-out.

Différents Etats ont, en pratique, recours à cette clause : l'Allemagne, l'Espagne, le Luxembourg, mais aussi la France qui laisse la possibilité aux praticiens hospitaliers d'accomplir de façon volontaire, en sus de leurs obligations de service chaque semaine, un temps de travail supplémentaire, temps pouvant porter leur durée hebdomadaire de travail au-delà de quarante-huit heures, jusqu'à soixante heures. Exemple le plus connu, la Grande-Bretagne y a recours de manière plus fréquente : un salarié sur cinq dans l'industrie travaille habituellement plus de quarante-huit heures par semaine.

La Commission souhaite subordonner la mise en œuvre de cette clause à la négociation collective et encadrer plus strictement les conditions d'application au niveau individuel. Elle a ainsi établi la règle selon laquelle il est interdit d'obtenir du salarié, au moment de son embauche, la signature de l'accord d'opt-out et rendu obligatoire l'institution d'un registre mentionnant l'ensemble des heures effectuées dans ce cadre et communicable à l'administration du travail.

En outre, la Commission a prévu un plafond hebdomadaire de soixante-cinq heures par semaine - donc un peu moins de onze heures par jour en moyenne - sauf disposition contraire résultant de la signature d'une convention ou d'un accord collectif.

Comme l'a souligné M. Edouard Landrain dans ses excellents travaux sur la directive, « même si elle ne traduit pas une mauvaise intention puisqu'elle vise à fixer un maximum là où il n'y en a actuellement pas et à éviter les conséquences fâcheuses d'une durée du travail constamment élevée, cette limite de soixante-cinq heures a paru excessive au point que certains commentateurs ont pu parler de directive « travaux forcés ». Il faut convenir de ce que la mention d'un seuil aussi élevé n'est pas d'une grande adresse ».

Dans le cadre de la clause de réexamen, la Commission européenne a en outre évoqué un éventuel examen de la suppression de cette dérogation, la date n'en étant toutefois pas établie.

- Sur un deuxième point, la Commission a également proposé d'accroître la souplesse dans l'aménagement du temps de travail en rendant plus aisée la possibilité de porter la période de référence retenue pour le calcul de cette moyenne de quatre à douze mois, sous réserve de la consultation des partenaires sociaux intéressés.

- Sur un troisième point, concernant la question du délai d'intervention du repos compensateur en cas de dérogation à la durée maximale du travail quotidien ou hebdomadaire, la Commission européenne a proposé un délai maximum de soixante-douze heures pour que ce repos compensateur soit accordé au salarié.

- Sur un quatrième point, la Commission souhaite préciser la notion de « temps de garde ».

Une jurisprudence assez nourrie de la Cour de justice des communautés européennes a assimilé le temps de garde à du temps de travail, et ce dans sa totalité (arrêts SIMAP de 2000, Jaeger de 2003 et Pfeiffer de 2004).

La Commission européenne définit le temps de garde comme la période pendant laquelle le travailleur a l'obligation d'être disponible sur son lieu de travail afin d'intervenir, à la demande de l'employeur, pour exercer son activité ou ses fonctions. Au sein du temps de garde, elle distingue entre les périodes actives, considérées en tout état de cause comme temps de travail, et les périodes inactives, qui ne le seraient pas, sauf disposition législative nationale ou accord collectif le prévoyant.

Cette question est particulièrement importante dans le cas français, qui prévoit un régime spécifique dit « d'équivalence » : aux termes de l'article L. 212-4 du code du travail, dans certaines professions et pour des emplois déterminés, une durée équivalente à la durée légale peut être instituée par voie d'accord collectif ou par décret en Conseil d'Etat. Cette règle permet de ne pas décompter l'ensemble du temps de garde comme du temps de travail effectif.

La délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne fonde la proposition de résolution qu'elle a adoptée sur la proposition de la Commission européenne sur l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux, selon lequel tout travailleur a droit « à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité » et sur le souhait d'une consolidation du modèle social européen. Cette démarche est parallèle à celle suivie par la délégation pour l'Union européenne du Sénat dans une résolution voisine devenue définitive le 18 juin dernier.

Aux termes de sa proposition, la délégation de l'Assemblée commence par se féliciter de l'adoption, à une large majorité, le 11 mai 2005, par le Parlement européen, d'une résolution législative qualifiée d'« équilibrée », qui amende la proposition de la Commission européenne. Elle développe ensuite les points suivants.

- Sur le premier point concernant la perspective de la suppression de l'opt-out dans un délai de trois ans à compter de la transposition de la nouvelle directive, le texte de la proposition de résolution évoque la suppression « à un terme précis » de l'opt-out. Il est vrai que dans un premier temps il pourrait apparaître plus opportun de faire référence également à ce délai de trois ans. En effet, le 31 mai dernier, la Commission européenne a diffusé une proposition modifiée de directive. Aux termes de celle-ci, il serait possible de prolonger l'opt-out au-delà de trois ans, par décision de la Commission européenne, si des Etats en font la demande, demande motivée par les modalités propres du marché du travail de l'Etat demandeur.

Mais il faut garder à l'esprit que la délégation, dans ce paragraphe, ne fait que rappeler la position du Parlement européen et que celle-ci va incontestablement dans le sens de la suppression de la clause d'opt-out sous trois ans.

- Sur le deuxième point, dans sa résolution, le Parlement européen approuve et maintient le principe de l'extension des possibilités d'annualiser la période de référence pour l'appréciation de la limite des quarante-huit heures hebdomadaires, tout en ajoutant de nouvelles garanties en matière de protection de la santé des travailleurs, de sécurité et de consultation des partenaires sociaux.

C'est ce renforcement des garanties que vise le texte de la présente proposition de résolution, pour l'approuver. Il est important, comme le fait la délégation pour l'Union européenne dans son rapport, de lier cette question à celle de l'opt-out : « l'argument d'une insuffisante flexibilité du droit social européen ne peut donc plus être invoqué pour la pérennisation de l'opt-out ».

- Sur le troisième point, la présente proposition de résolution souligne « avec satisfaction que [la résolution du Parlement européen] vise à reconnaître le temps de garde comme du temps de travail ».

Le Parlement, dans sa résolution du 11 mai, a en effet inversé la logique qui avait été retenue par la Commission : le principe serait que le temps de garde est du temps de travail ; par dérogation, une disposition nationale légale ou conventionnelle peut prévoir des modalités spécifiques de décompte. Cette solution préserve la possibilité de pérenniser le régime français des équivalences : c'est le sens de l'ajout figurant dans le texte de la proposition de la délégation, selon lequel la résolution du Parlement permet « la prise en compte, le cas échéant, de sa spécificité ».

- Sur le quatrième point concernant l'intervention du repos compensateur en cas de dérogation, le Parlement renvoie, dans sa résolution du 11 mai 2005, à la loi ou la négociation collective.

La proposition de résolution fait référence pour sa part à un « délai adapté » pour l'intervention du repos compensateur. L'idée est bien de désigner ainsi les soixante-douze heures maximum initialement retenues par la Commission dans son texte de septembre. Cette formulation évite de figer les situations et préserve la possibilité d'un aménagement au cas par cas des périodes de repos, qui satisfasse à la fois aux nécessités d'une récupération rapide et à une possibilité d'organiser ces périodes de repos de la façon la plus optimale pour le salarié.

- Sur le cinquième point, la délégation pour l'Union européenne a souhaité reprendre à son compte la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, qui constitue également un objectif retenu par la résolution du Parlement.

C'est en effet une question importante, comme l'a montré la récente discussion devant l'Assemblée nationale du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, qui comprend de nombreuses mesures à cette fin.

- Le dernier alinéa de la proposition de résolution adoptée par la délégation revient, de façon ultime, sur la nécessité de la suppression de l'opt-out, montrant bien en cela qu'il s'agit du point central dans la discussion.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Mme Martine Billard a rappelé que, lors de la discussion du projet de loi sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, elle avait obtenu par un de ses amendements de substituer au terme de « conciliation » le terme d'« articulation » entre le temps de travail et la vie familiale. Il serait souhaitable d'obtenir la même modification rédactionnelle dans le cadre de la présente discussion. En effet, la vie professionnelle et la vie familiale ne sont pas deux choses contradictoires comme le sous-tendrait l'emploi du terme conciliation.

Plus globalement, le texte adopté par le Parlement européen constitue une avancée par rapport à la proposition initiale présentée par la Commission européenne. L'Assemblée nationale doit cependant adopter une position claire sur l'opt-out. Il ne faut pas d'emblée chercher un compromis, sinon la France partira perdante dans le débat, qui est programmé pour le mois d'octobre au Parlement européen mais qui pourrait être reporté à l'année prochaine.

Il faut être offensif pour obtenir la suppression de l'opt-out et s'en tenir au délai de trois ans fermes. En effet, la proposition modifiée de directive contient une formule permettant à la Commission de prolonger ce délai en fonction de critères relatifs à l'état du marché du travail ; il convient de revenir sur cette faculté dérogatoire pour supprimer impérativement la clause d'opt-out au bout de trois années.

Les nouveaux pays de l'Union européenne sont en effet très intéressés par le recours à l'opt-out. Ils ne disposeront pas des aides européennes qu'avaient obtenues la Grèce, l'Espagne et le Portugal lors de leur entrée dans la Communauté européenne. Aussi utiliseront-ils au maximum le dumping fiscal et social pour assurer leur développement économique et social.

Par ailleurs, l'annualisation du temps de travail a certes été introduite en France par la loi « Aubry II ». Mais son officialisation par la Commission européenne va aboutir à fixer des temps de travail hebdomadaires bien plus lourds que ceux prévus par la législation française. Ce sera notamment le cas dans le secteur du jouet. Il convient donc de maintenir la limite hebdomadaire du temps de travail à quarante-huit heures de manière ferme, sans permettre, notamment, son calcul sur une période de référence portée à douze mois.

Après avoir félicité le rapporteur pour la qualité de son travail, M. Georges Colombier a rappelé que cette discussion se déroule seulement quelques semaines après qu'un long débat a eu lieu sur l'avenir de l'Union européenne, durant lequel sa position n'a pas varié : l'Europe ne doit pas tirer la France vers le bas ; bien au contraire, la France doit tirer l'Union vers le haut.

Il convient donc de se réjouir de l'adoption d'une résolution équilibrée par le Parlement européen, d'inspiration largement française, tant en matière de droit du travail, que de protection sociale ou de conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. La France doit rester une référence pour que la situation sociale européenne ne se dégrade pas et que l'élargissement, redouté par certains, se déroule dans les meilleures conditions.

M. Gaëtan Gorce a souligné combien l'Europe peut jouer un important rôle social en créant un ordre public social ; les accords de Val Duchesse initiés par M. Jacques Delors en juin 1985 constituent les débuts de l'Europe sociale. L'Union européenne, bien avant 1993, avait un rôle important en ce domaine. En outre, un certain nombre de progrès ont aussi été accomplis depuis cette date. Certaines règles communautaires, comme celles relatives au repos obligatoire quotidien ou aux temps de pause, ont ainsi été transposées en droit français. La Charte des droits fondamentaux comporte également des éléments très positifs, que le gouvernement doit garder à l'esprit. Bien sûr, il ne s'agit que de règles minimales, de planchers - c'est une nécessité au regard des différences existant entre les Etats -, mais elles sont autant de garanties.

S'agissant de la proposition de directive, il convient de se réjouir de la résolution du Parlement européen - à la suite, notamment, de la publication du rapport d'Alejandro Cercas en faveur de la suppression de l'opt-out - contrant l'offensive de la Commission qui avait tenté d'imposer ses vues sans l'accord des syndicats européens. La résolution du Parlement européen permet un meilleur encadrement de l'opt-out, disposition inacceptable. Désormais, la position du gouvernement français doit être ferme, même si la contradiction est évidente avec les dispositions relatives aux heures choisies introduites en droit français par la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, qui constituent bien une forme d'opt-out. C'est la seule voie pour aller plus loin que le Parlement européen - avant d'en venir, dans un second temps éventuellement, à un compromis sur la progressivité de la suppression - et supprimer définitivement cette clause d'opt-out.

S'agissant de la modulation du temps de travail, le plafond de quarante-huit heures calculé sur quatre mois au lieu d'un an est une bonne chose et il convient d'afficher une opposition claire à l'extension de la période de référence à douze mois. Il importe de rappeler que les règles nationales françaises de calcul se fondent sur une période de référence de trois mois.

On parle ici de flexibilité : certes il faut se rappeler que les autres pays européens ne bénéficient pas de l'annualisation du temps de travail introduite par la loi « Aubry II », mais si la Grande-Bretagne fait la leçon à la France, c'est pour cacher le fait que la productivité horaire de ses salariés est bien inférieure à la nôtre et qu'elle doit donc compenser par un temps de travail plus élevé.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné la persistance d'une ambiguïté pour le temps de garde, puisqu'il est assimilé au temps de travail, « tout en permettant la prise en compte, le cas échéant, de sa spécificité ». Si la règle s'applique sans problème aux anesthésistes, elle pose par exemple des difficultés pour les obstétriciens.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- Concernant l'utilisation du terme « conciliation », plutôt que celui d'« articulation », pour parler du lien entre le temps de travail et la vie privée, de nombreuses interrogations se sont effectivement posées au cours du débat sur l'égalité professionnelle. C'est d'ailleurs un vrai sujet au sein même de l'Union européenne. Le premier terme a été préféré car il laisse plus de place à la négociation. Le droit français est de toute façon plus protecteur et le principe de subsidiarité s'applique. Il est effectivement souhaitable que l'harmonisation soit réalisée par le haut, tout en conciliant l'hétérogénéité des situations dans les Etats membres. Le compromis seul permettra des avancées étape par étape.

- S'agissant de l'opt-out, la proposition de résolution affirme clairement qu'il convient de supprimer cette clause. La France doit effectivement avoir une position ferme sur ce sujet et elle a déjà obtenu gain de cause dans le cadre de l'adoption par le Parlement européen d'une résolution très favorable.

- La décision relative à l'annualisation de la période de référence pour le calcul de la moyenne hebdomadaire de travail résulte, comme les autres, d'un compromis entre pays européens, la suppression de l'opt-out étant à mettre en balance avec cette décision. Il faut en outre rappeler que la France effectue son calcul sur trois mois, ce qui est plus protecteur, mais la construction européenne évolue toujours par le biais de compromis, cheminement peut-être considéré par certains comme laborieux mais en tout cas méthodique.

- S'agissant de la loi du 31 mars 2005 précitée, il n'est pas exact de dire qu'elle crée une forme d'opt-out, puisque elle a prévu expressément que les heures choisies ne pourraient être effectuées au-delà de la durée maximale de quarante-huit heures par semaine.

- Concernant les temps de garde, le système français des équivalences tient compte des contraintes des différentes branches et a vocation à répondre aux demandes spécifiques de chacun, dans le cadre de la négociation collective. Il s'agit là d'une réponse concrète, qui vise à tenir compte de la réalité des faits, par exemple l'explosion de la demande en matière de santé face à une relative pénurie de l'offre.

La commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique.

La commission a examiné un amendement de M. Gaëtan Gorce proposant une nouvelle rédaction du sixième alinéa de la proposition de résolution, afin que la directive prévoie la suppression définitive de la clause dérogatoire de l'opt-out en matière de durée maximale hebdomadaire du travail.

M. Gaëtan Gorce a précisé qu'il s'agit d'une position de négociation et que le Parlement français doit être aussi ferme que l'avait été le gouvernement britannique, même s'il approuve le principe de la suppression en deux ou trois ans proposé par le Parlement européen. Il a ajouté, s'agissant de la loi du 31 mars 2005, qu'il y a néanmoins opt-out dès lors que des seuls accords collectif et individuel de travail permettent de porter le temps de travail au-delà du contingent d'heures supplémentaires.

Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué que le terme d'opt-out porte à confusion puisqu'on parle également d'opting out ou d'opting in en matière de dons d'organes par exemple. Il conviendrait de trouver un autre terme, français de préférence.

M. Jean Bardet a déploré qu'on utilise des anglicismes dans un texte juridique français. Ce terme d'opt-out n'est en outre pas compréhensible des non-initiés.

Le rapporteur a estimé que, par-delà la pertinence de ces remarques, la définition de l'opt-out en français est tout à fait claire dans la proposition de directive. Par ailleurs, le terme anglais est bien mis entre parenthèses. Enfin, il s'agit d'un concept communément utilisé. En tout état de cause, il conviendrait avant de faire un tel choix de procéder à une expertise juridique préalable.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de Mme Martine Billard visant à substituer, au début du sixième alinéa de l'article unique, aux mots « Se félicitant de ce que » les mots « Considérant que ».

Mme Martine Billard a estimé que le compromis adopté le 11 mai 2005 par le Parlement européen ne justifie pas qu'on s'en félicite. Il convient donc d'adopter une rédaction plus neutre indiquant que l'Assemblée nationale prend acte de l'état de la négociation mais aurait néanmoins souhaité plus de garanties et peut espérer mieux.

Le rapporteur a indiqué que, au contraire, l'équilibre atteint entre suppression programmée de l'opt-out et annualisation de la période de référence doit être souligné, comme l'a fait la délégation pour l'Union européenne dans son rapport en précisant que «  l'argument d'une insuffisante flexibilité du droit social européen ne peut plus être invoqué pour la pérennisation de l'opt-out ».

Cet équilibre doit donc être salué : la proposition de résolution témoigne en effet de l'émergence d'un espace social européen ce qui, en soi, est une avancée importante, réclamée par la France. Si on se projette quelques années en arrière, une telle évolution était loin de s'imposer comme une évidence.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a ensuite rejeté un amendement de Mme Martine Billard visant à supprimer la qualification d'« équilibrée » appliquée à la résolution du Parlement européen, pour les mêmes raisons que celles exposées à l'occasion de la discussion de l'amendement précédent.

Puis, la commission a examiné un amendement de Mme Martine Billard tendant à requalifier l'exposé par la proposition de résolution de la position du Parlement européen sur l'opt-out.

Mme Martine Billard a déclaré que l'expression utilisée dans la proposition de résolution indiquant que le Parlement européen s'est prononcé pour la suppression à un terme précis de toute possibilité de recours à l'opt-out ne correspond pas à la réalité de la position retenue par celui-ci. En l'état actuel de la négociation, rien ne permet en effet d'affirmer une telle chose, ce principe pouvant très bien être reconduit à l'issue de la période dérogatoire de trois ans.

Après avoir précisé que l'amendement 20 à l'article 22 de la directive adopté par le Parlement européen mentionne expressément la suppression de l'article de la directive de 2003 relatif à l'opt-out dans un délai de trente-six mois, le rapporteur a émis un avis défavorable.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Gaëtan Gorce visant, dans l'attente de la suppression de la procédure d'opt-out, à fixer la durée hebdomadaire maximale du travail à cinquante-cinq heures.

M. Gaëtan Gorce a déclaré que le plafond actuel, fixé à soixante-cinq heures en cas d'absence d'opt-out par la Commission européenne dans sa première proposition de modification de la directive, pose un véritable problème pour la santé des salariés. Le groupe socialiste souhaite adopter les positions les plus en pointe pour peser le plus efficacement possible sur la négociation.

Le rapporteur a émis un avis défavorable indiquant que cette préoccupation est déjà satisfaite par la version modifiée de la directive diffusée par la Commission européenne le 1er juin 2005, qui a ramené cette limite à cinquante-cinq heures, et que le Parlement européen s'est d'ores et déjà prononcé par principe contre toute dérogation à une échéance de trois ans à compter de la transposition de la nouvelle directive.

La commission a rejeté l'amendement.

Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle a rejeté un amendement de M. Gaëtan Gorce visant à limiter à quatre mois la période de référence pour la prise en compte de la durée moyenne hebdomadaire de travail.

La commission a examiné un amendement de Mme Martine Billard visant à ce que la directive reconnaisse explicitement que le temps de garde est considéré comme du temps de travail, en supprimant dans la proposition de résolution la possibilité de prise en compte, le cas échéant, de la spécificité de certains temps de garde.

Le rapporteur a opposé un avis défavorable précisant qu'en tout état de cause, le régime français des équivalences reste un régime d'exception qui n'affecte que certains secteurs limitativement énumérés, tels la batellerie fluviale, le commerce de détail de denrées alimentaires, le gardiennage, les hôpitaux, les services d'incendie ou encore le secteur des hôtels, cafés et restaurants. En outre, il s'agit d'un régime introduit dans la loi française dès 1936 pour de nombreux secteurs d'activité, et ce au terme de longues négociations professionnelles. Revenir sur ce principe risquerait enfin d'exposer de nombreux employeurs à des rappels d'arriérés difficilement supportables au plan financier.

La commission a rejeté l'amendement.

Enfin, la commission a examiné un amendement de Mme Martine Billard visant à ce que la résolution soit réellement porteuse de garanties pour les salariés européens et réalise ainsi le meilleur compromis.

Mme Martine Billard a précisé qu'à cet effet la directive devra nécessairement contenir trois éléments rappelant la position du Parlement français : la suppression définitive de l'opt-out sans aucune possibilité de le proroger à titre dérogatoire dans une législation nationale ; la reconnaissance sans limitation du temps de garde comme du temps de travail ; le non-passage à l'annualisation comme référence de décompte des maxima de temps de travail lorsqu'il existe des périodes de décompte plus courtes et donc plus favorables aux salariés.

Après que le Président Jean-Michel Dubernard a souligné le travail remarquable effectué, comme à son habitude, par Mme Martine Billard, le rapporteur a émis un avis défavorable estimant qu'il faut tenir compte, dans l'appréciation de la législation, du cadre dans lequel elle intervient : national ou européen. Au niveau européen, la nécessité du compromis ne permet pas d'obtenir d'accord autour de positions maximalistes. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que, quelle que soit la teneur de la directive, les dispositions nationales plus favorables continueront à s'appliquer, permettant une harmonisation européenne par le haut.

La commission a rejeté l'amendement.

Estimant qu'elle ne peut accepter que le Parlement français se « félicite » d'un compromis très perfectible et considérant qu'elle se serait abstenue si son amendement relatif à cette question avait été adopté, Mme Martine Billard a indiqué qu'elle votera contre l'adoption de la résolution.

M. Gaëtan Gorce, au nom des commissaires membres du groupe socialiste, s'est rallié à une position identique indiquant qu'il aurait préféré - en dépit des progrès réels que représente la résolution du Parlement européen - que la commission se prononce pour des exigences plus grandes afin de pouvoir peser plus fortement sur la négociation européenne.

La commission a adopté l'article unique de la proposition de résolution sans modification.

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Informations relatives à la commission

La commission a désigné les membres d'une éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi habilitant le gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi :

Titulaires

Suppléants

M. Jean-Michel Dubernard (UMP)

M. Christian Kert (UMP)

M. Claude Gaillard (UMP)

Mme Valérie Pecresse (UMP)

M. Patrick Beaudouin (UMP)

M. Bernard Perrut (UMP)

M. Guy Geoffroy (UMP)

M. Jean-Marie Rolland (UMP)

M. Hervé Mariton (UMP)

M. Claude Leteurtre (UDF)

M. Jean Le Garrec (Soc.)

Mme Danièle Hoffman-Rispal (Soc.)

M. Simon Renucci (Soc.)

Non désigné (CR)


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