Version PDF

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 57

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 17 mai 2006
(Séance de 17 heures)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président,

SOMMAIRE

 

ppages

- Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, sur la mise en application de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (M. Maurice Giro, rapporteur)




2

En application de l'article 86, alinéa 8 du Règlement de l'Assemblée nationale, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné en présence de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, le rapport de M. Maurice Giro sur la mise en application de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

M. Maurice Giro, rapporteur, après avoir remercié les services du ministère et de l'Agence nationale des services à la personne pour leur excellente collaboration avec la commission, a exposé que la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 contient, comme son titre l'indique, deux séries de dispositions distinctes : celles réformant le cadre législatif des services à la personne et celles complétant les mesures en faveur de la cohésion sociale adoptées en 2004 et 2005.

Cette loi est marquée par la rapidité de son adoption. Elle est directement issue du plan de cohésion sociale du gouvernement présenté le 30 juin 2004 et du plan de développement des services à la personne publié le 16 février 2005. A l'issue d'une concertation avec les partenaires sociaux et économiques, le projet de loi a été soumis au conseil des ministres du 25 mai 2005 puis voté en juin et en juillet par les deux assemblées.

Douze décrets et arrêtés étaient nécessaires pour mettre en application les dispositions relatives aux services à la personne. Dix ont été publiés. Seuls un décret et un arrêté manquent, portant sur un point très particulier : l'encadrement de l'activité des entreprises assurant la distribution de matériels ou la prestation de services destinés à assurer l'autonomie d'une personne malade, d'une personne présentant une incapacité ou d'une personne handicapée à son domicile. Un projet de décret a été rédigé et est depuis la mi-novembre 2005 soumis à la concertation auprès des partenaires sociaux et des représentants des professions paramédicales. Des divergences profondes entre les organisations professionnelles étant apparues, le gouvernement a souhaité poursuivre la concertation et s'est fixé le mois de juin 2006 comme date de publication du décret d'application. Le ministre peut-il confirmer ce calendrier ?

Mis à part l'article 9 de la loi, tout le titre Ier de la loi a donc été mis en application, conformément aux engagements du gouvernement, dans les délais annoncés, à savoir avant la fin de l'année 2005 ou au tout début du mois de janvier 2006. La réforme des services à la personne est la réforme dont la mise en application est la plus irréprochable depuis que la commission établit des rapports de mise en application.

- Par ailleurs, dix décrets et arrêté étaient nécessaires pour mettre en application les dispositions relatives à la cohésion sociale. À ce jour, huit d'entre eux ont été pris et un décret signé doit être publié très prochainement : il s'agit du décret relatif à la majoration du crédit d'impôt en faveur des tuteurs qui aident des créateurs d'entreprise handicapés, prévu à l'article 15 de la loi.

Les dispositions de ce deuxième titre étaient destinées à compléter la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. Il faut donc se féliciter de ce remarquable taux de publication des décrets d'application (dans des délais souvent brefs, voire très brefs) qui traduit la volonté de poursuite du plan de cohésion sociale, dont les très bons résultats se confirment mois après mois. Les ajouts institués avec la loi du 26 juillet 2005 constituent autant de pierres complémentaires à l'édifice que constitue ce plan, qu'il s'agisse de la réforme des contrats aidés, du développement de nouvelles formes d'emploi, de la mise en œuvre de la convention de reclassement personnalisé, mais aussi de la relance de l'apprentissage avec la réforme du statut de l'apprenti et du système de financement de l'apprentissage ou encore du renforcement de l'effort en faveur du logement.

Le seul décret à n'avoir pas été signé à ce jour concerne ce dernier domaine : il s'agit du décret portant application du nouveau dispositif de garantie contre les risques locatifs prévu à l'article 32 de la loi. En effet, ce dispositif est subordonné à l'établissement d'un cahier des charges, qui est aujourd'hui l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux. Le ministre peut-il revenir sur l'état d'avancement de cette procédure et l'esprit dans lequel elle est conduite ?

Cinq enseignements peuvent être tirés de l'efficacité de l'action gouvernementale dans la mise en application de la loi du 26 juillet 2005.

Premièrement, l'adoption d'une réforme économique et sociale de grande ampleur doit être précédée d'une concertation avec les organisations représentatives. Cette concertation permet d'avoir un débat public sur une question d'autant plus sensible que toute la population peut être concernée et que les acteurs du secteur sont multiples et dispersés. Une telle concertation peut également permettre de définir des objectifs et les dispositifs pour les atteindre. La convention nationale pour le développement des services à la personne, signée le 22 novembre 2004, résultait d'une telle concertation ; elle a permis de définir un ensemble de mesures qui ont été structurées au sein du plan de développement des services à la personne présenté le 16 février 2005. Les mesures arrêtées formaient un tout en mêlant les dispositions législatives, réglementaires et contractuelles. Cette démarche a facilité la rédaction des décrets et évité que cette seconde étape du travail gouvernemental après le vote de la loi ne soit utilisée pour renégocier les mesures de réforme des services à la personne.

Deuxièmement, les délais de mise en application sont d'autant mieux respectés et peuvent être d'autant plus brefs que les décrets d'application sont préparés pendant la discussion du projet de loi. Cette méthode astreint les administrations à reconsidérer en permanence le contenu des dispositifs réglementaires en fonction des votes des assemblées, mais la discussion parlementaire est grandement éclairée par la connaissance des orientations de la mise en application. Cette méthode permet également de cerner les difficultés de mise en application de dispositions législatives soumises au Parlement.

Troisièmement, une grande réforme n'exige pas de mettre en place une couche supplémentaire de réglementation. Il est opportun de s'appuyer sur les dispositifs existants pour les corriger : cela évite d'alourdir la réglementation, permet d'appuyer la nouvelle législation sur des pratiques connues des Français, des associations et des entreprises et facilite la concertation avec les partenaires sociaux et économiques. Les délais de mise en application sont réduits d'autant.

Quatrièmement, la mise en place de structures administratives nouvelles chargées de mettre en œuvre la loi - dans le cas présent, l'Agence nationale des services à la personne - doit être préparée très amont, c'est-à-dire dès le dépôt du projet de loi, voire avant. La participation des fonctionnaires à la discussion avec les rapporteurs et leur présence pendant les débats est un gage de l'efficacité de la mise en application de la loi.

Cinquièmement, le respect des délais de mise en application exige un engagement personnel des ministres concernés et un suivi constant de leurs cabinets sur l'état de préparation des textes réglementaires d'application.

Ces cinq conditions ont été remplies dans le cas de la loi du 26 juillet 2005, ce qui explique largement l'efficacité de sa mise en application.

Sur le fond des dispositions de la loi, et tout particulièrement de son titre Ier, consacré aux services à la personne, plusieurs questions se posent :

- Quelle est la diffusion du chèque-emploi service universel (CESU) ?

- A-t-on constaté des difficultés du côté des départements pour le paiement de l'allocation personnalisée d'autonomie par voie de CESU ?

- La loi ayant anticipé l'évolution bancaire du paiement par CESU, quel est le degré d'implication des banques dans le nouveau régime du CESU ? Des CESU dématérialisés sont-ils étudiés ?

- Le Parlement a veillé à éviter une concurrence déloyale des nouvelles associations et entreprises de services à la personne vis-à-vis des entreprises artisanales et commerciales existantes. Un décret a mis en place un système de plafonnement afin d'empêcher le recours abusif à des prestations de services à la personne. Dispose-t-on des premières remontées du terrain sur l'adaptation du dispositif retenu ? Les jardiniers, les coiffeurs, les artisans du bâtiment sont-ils satisfaits ?

- Après la publication de l'ordonnance de simplification, a-t-on constaté des difficultés concernant l'articulation entre l'autorisation de création d'un établissement ou un service médico-social et l'agrément d'une entreprise ou une association de services à la personne ?

- Les services du ministère ont-ils pu estimer le montant des dégrèvements fiscaux et sociaux sur l'année 2006, compte tenu des tendances observés sur les premiers mois ?

- 10 millions d'euros de crédits d'intervention manquent en 2006 dans la dotation de l'Agence nationale des services à la personne par rapport au plan de développement des services à la personne du 16 février 2005. Le gouvernement envisage-t-il un transfert de crédits au sein du programme « Développement de l'emploi » pour combler ce manque ?

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Mme Danièle Hoffman-Rispal a rappelé que le ministre avait, devant l'Assemblée nationale, justifié le projet de loi par la perspective de créer, grâce à celui-ci, un demi-million d'emplois, et a demandé combien, pour l'heure, il en avait été créé. Elle a également fait sienne la question du rapporteur sur la mise en place du CESU.

Même si le ministre a beaucoup travaillé sur le sujet, la procédure d'agrément par le préfet soulève des inquiétudes. Les départements se sont en effet efforcés, depuis la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), de définir des critères de qualité, mais comment sera-t-il tenu compte, dans la décision d'agrément, de la compétence qu'ils ont ainsi acquise ? Qui, in fine, accordera l'agrément ? Dans certains cas extrêmes, comme par exemple celui d'une association qui demanderait l'agrément pour la réouverture, sous un autre nom, d'une structure qu'elle a été obligée de fermer suite à un contrôle de la direction départementale de l'action sanitaire et sociale mettant au jour des faits de maltraitance envers des personnes âgées, sur quelles bases le préfet se prononcera-t-il s'il ignore les éléments dont les services sociaux ont connaissance ?

Mme Cécile Gallez a évoqué la question particulière des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et dont le conjoint doit être hospitalisé, par exemple pour subir une opération : elle-même avait préconisé, lors d'un colloque, leur placement temporaire dans des structures telles que des maisons de retraite ou des établissements de séjour mais il lui a été objecté qu'il valait mieux, pour ne pas les désorienter davantage, les maintenir à domicile, ce qui supposerait de déroger à la règle des 35 heures. Quel est le sentiment du ministre sur cette question ?

Il est par ailleurs regrettable que l'effort en faveur de l'apprentissage soit insuffisant de la part de certaines régions : s'agit-il d'un simple problème de financement ?

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que le rapport de Mme Cécile Gallez au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (OPEPS) sur la maladie d'Alzheimer faisait référence aussi bien dans les milieux politiques que dans les milieux médicaux et médico-sociaux.

M. Bernard Perrut a salué la portée du dispositif mis en place par la loi du 26 juillet 2005, qui a le triple intérêt de renforcer la solidarité, de développer l'emploi et de contribuer à la politique d'aménagement du territoire. Les services du ministère ont fait preuve de diligence pour sa mise en application. Celle-ci, néanmoins, reste inégale selon les régions ; les raisons en ont-elles été analysées ? Par ailleurs, certaines associations, notamment celles qui recourent à des bénévoles, avaient pu craindre la concurrence des entreprises sur le marché des services à la personne. Ces préventions ont-elles été dissipées ? Il est notamment capital que les critères de qualification et de formation soient les mêmes pour tous. A-t-on, enfin, une idée du nombre d'entreprises qui font bénéficier leur personnel du CESU ?

M. Jean-Marie Geveaux a signalé que l'embauche de jeunes - des apprentis notamment - dans ce secteur comme dans d'autres, est souvent freinée par les difficultés d'hébergement. Malgré les dispositions, à l'image du mécanisme dit « loca-pass », prises pour les y inciter, les bailleurs, même sociaux, sont souvent réticents à louer, compte tenu de la rotation importante et rapide de ces types de résidents. Quelle solution pourrait être apportée à ce problème, en complément de la formule, excellente et d'ailleurs très appréciée, des foyers de jeunes travailleurs ?

Le président Jean-Michel Dubernard a rendu un hommage particulier à la célérité dont ont fait preuve les services du ministère pour la publication des décrets d'application de la loi du 26 juillet 2005.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, a salué la pertinence du contrôle parlementaire de l'application des lois.

Le président Jean-Michel Dubernard a précisé, à ce sujet, que la commission avait étudié la mise en application de quatorze des dix-huit lois qui lui avaient été soumises, dont une ne nécessitait pas de mesures réglementaires pour être applicable ; la mise en application des textes restants est en cours d'évaluation. En moyenne, 11 mois après la publication de ces lois, plus de 56 % des décrets étaient publiés.

Le ministre a ensuite apporté aux différents intervenants les réponses suivantes :

- Tous les décrets ont été publiés, à l'exception de deux d'entre eux, qui devraient cependant l'être avant la fin du mois de juin 2006 : l'un, prévu à l'article 9 de la loi relatif à la distribution de matériels d'assistance aux malades et aux personnes handicapées, est soumis à la concertation des partenaires sociaux et des professionnels du secteur paramédical et devrait être signé dans le courant du mois de juin ; l'autre, prévu à l'article 32 relatif à la garantie contre les risques locatifs, entérinera l'accord en cours de conclusion entre les partenaires sociaux et les gestionnaires du « 1 % logement ».

- Le fait qu'un travail considérable ait été accompli en amont de l'élaboration de la loi avec l'ensemble des partenaires et des secteurs concernés - associations, entreprises, coopératives, régies de quartiers, banques privées ou mutualistes, sociétés d'assurance - et que la création de l'Agence nationale pour les services à la personne, que préside M. Laurent Hénart, représente une forme d'interministérialité expliquent sans doute en grande partie la grande rapidité avec laquelle les textes d'application ont été pris.

- L'ensemble des opérateurs se sont appropriés le projet sur le terrain, depuis les plus grandes entreprises jusqu'aux petites et moyennes entreprises récemment créées et aux plus petites associations fonctionnant grâce au bénévolat. La concurrence que certains redoutaient est en fait apaisée, chacun des acteurs étant conscient qu'il a tout à gagner au développement global d'un secteur qui emploie actuellement un million de personnes mais qui pourrait en employer trois fois plus.

- La procédure d'agrément ne soulève pas de difficulté. L'agrément est théoriquement national mais, sur chaque cas, le conseil général est obligatoirement consulté par le préfet.

- En un an, le nombre d'opérateurs offrant des services à la personne a cru de 34 %. Dans le secteur privé, le nombre d'entreprises est passé de 600 à plus de 2 000 et le nombre d'associations de 5 000 à 5 800.

- Les inégalités que l'on observe entre régions sont liées aux stratégies d'implantation géographique des grands réseaux. Là où, par exemple, les caisses d'épargne développent un partenariat avec le tissu associatif local, on observe une progression de l'ordre de 40 à 50 % de l'offre. Au plan national, une croissance moyenne de 10 à 15 % est observée.

- La dynamique de l'ancien chèque emploi-service n'a pas été cassée, comme certains pouvaient le redouter, par la mise en place du CESU, et la transition se fait sans heurts, ni difficultés. La migration de l'ancien titre emploi-service vers le CESU s'est bien opérée : selon les émetteurs historiques du titre emploi-service, une certaine fluidité entre les deux dispositifs a été rétablie en février et en mars 2006, après un mois de janvier « hésitant ». Quant aux perspectives de diffusion du CESU, elles sont très encourageantes en ce qui concerne les collectivités locales, en particulier les départements pour le versement de l'APA et de la prestation compensatoire de handicap, dont les dépenses annuelles respectives sont de quatre milliards et de près de trois milliards d'euros.

- Concernant les entreprises, dont la contribution sera essentielle à la solvabilisation de la demande, ce n'est qu'au second semestre 2006 que des éléments chiffrés pertinents seront disponibles ; on peut toutefois déjà dire que la plupart des très grandes entreprises ont dès à présent, à l'instar d'AXA ou Véolia, mis le CESU à la disposition de leur personnel. Le montant moyen accordé par les grandes entreprises est d'environ cent euros. Quant aux entreprises moyennes, une réunion de sensibilisation sera organisée le 12 juin prochain, où seront conviés quelque 4 000 directeurs des ressources humaines, en vue d'une montée en puissance du dispositif au second semestre de 2006 et au premier semestre de 2007.

- D'ores et déjà, cependant, le nombre des opérateurs a augmenté d'un tiers entre février 2005 et mars 2006, et l'Agence nationale des services à la personne a mis en place un observatoire qui publiera à la fin du mois de juin des chiffres validés. Selon des estimations de l'ACCOSS, 36 à 38 000 emplois auraient été créés.

- S'agissant des inquiétudes exprimées par l'artisanat quant à de possibles distorsions de concurrence, une difficulté particulière concernait la coiffure, difficulté que le ministère a choisi d'étudier sereinement avec les représentants de ce secteur. Pour les autres secteurs, des plafonds de dépenses éligibles à la réduction d'impôt ont été fixés, après concertation avec les professions concernées, par le décret du 29 décembre 2005 : 500 euros par an et par foyer fiscal en matière de bricolage, 1 000 euros en matière d'informatique à domicile, 1 500 euros en matière de petit jardinage. Peut-être certains ajustements seront-ils néanmoins nécessaires.

- Si le CESU est déjà disponible partout, le CESU préfinancé ne sera encaissable par les établissements bancaires, aux termes de l'accord conclu par le gouvernement avec l'Association française des banques, qu'à compter du 26 juin 2006, soit quatre jours avant le délai initialement annoncé.

- L'opinion publique est, selon un sondage réalisé à la demande du ministère, très favorable au nouveau système : 79 % des Français disent avoir entendu parler du CESU, 93 % déclarent l'apprécier et 40 % des salariés envisagent de demander à leur employeur de leur en fournir alors qu'ils n'étaient que 30 % il y a quatre mois.

- L'objectif de la création de 500 000 empois apparaît réaliste. La croissance de l'activité dans le secteur des services à la personne était estimée entre 5 et 10 % par an avant même sa solvabilisation par le CESU. La simple augmentation d'un tiers du nombre des opérateurs devrait se traduire par la création de 150 000 emplois. Or, on observe actuellement une forte anticipation de croissance du secteur, six enseignes nationales ayant à ce jour monté un projet avec le soutien de l'Agence nationale des services à la personne. Une marge de progression importante existe donc, dans la mesure où on libère et où on structure l'offre, tout en solvabilisant la demande grâce à la division par trois du coût des prestations.

Mme Paulette Guinchard a estimé que la question essentielle, à laquelle des solutions diverses ont été apportées selon les pays, est bien celle de la solvabilisation. A-t-on déjà un premier bilan de l'appel lancé aux entreprises pour qu'elles participent à cette solvabilisation ?

Le ministre a insisté sur le fait que la quasi-totalité des très grandes entreprises avaient mis en place de tels dispositifs - AXA, Veolia et La Poste figurant parmi les pionniers de ce point de vue - pour un montant mensuel moyen d'une centaine d'euros par salarié. La dynamique est forte également chez les très petits employeurs. Il reste à toucher les entreprises moyennes et c'est justement l'objet de la réunion du 12 juin prochain, à laquelle participeront 4 000 directeurs de ressources humaines.

La principale interrogation porte sur la rencontre de l'offre et de la demande. Une progression du nombre des opérateurs comme celle que l'on observe actuellement est maîtrisable, mais un problème pourrait se poser, notamment en termes de formation et de qualification, si elle s'accélérait fortement au second semestre de 2006 ou au premier semestre de 2007.

M. Simon Renucci s'est interrogé sur le mode d'évaluation des opérateurs et du dispositif.

Le ministre a répondu que l'évaluation est relativement facile dans le cas de secteurs étendus, où des opérateurs existent de longue date, comme les soins à domicile ou le soutien scolaire, largement financés par les conseils généraux, mais plus difficile dans les secteurs nouveaux où apparaissent des opérateurs jusqu'alors inconnus. L'agrément étant délivré après consultation du conseil général, une évaluation sera faite tous les deux ans par un organisme extérieur indépendant, qui sera désigné au cours du dernier trimestre de 2006.

Le rapporteur a cité, s'agissant du logement des apprentis, l'exemple de sa propre commune, Cavaillon, qui a fait rénover - par des associations d'insertion - des habitations vides que leurs propriétaires, échaudés par les impayés, ne voulaient plus donner à bail. La mairie et des associations créées à cet effet offrent une garantie de paiement des loyers et assurent l'interface entre les propriétaires et de jeunes travailleurs, apprentis ou étudiants, dont les moyens financiers ne permettent pas de louer un logement individuel au prix du marché. De nombreuses places d'hébergement ont ainsi été trouvées.

S'agissant de l'apprentissage, pour lequel les régions sont compétentes, le ministre a précisé que l'Etat apporte une aide aux régions par le biais du Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage créé par la loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005, doté de 200 millions d'euros en 2006 et de 276 millions d'euros l'année prochaine. Le fonds finance, en effet, les contrats d'objectifs et de moyens que toutes les régions ont signés en 2005 avec l'Etat. Il existe en outre, désormais, un crédit d'impôt de 1 600 euros au profit de toute entreprise embauchant un apprenti, quelle que soit la taille de l'entreprise. Dans l'ensemble, la coopération entre les régions et l'Etat est bonne et elle a permis une progression de 12 % du nombre d'apprentis, ce qui est considérable, compte tenu de la lourdeur - inévitable - de la procédure d'embauche.

Quant à la question du statut et des droits des travailleurs du secteur des aides à la personne, le ministère travaille avec les organisations syndicales à l'élaboration d'une convention collective générale, qui devra cependant tenir compte des spécificités liées aux différentes activités.

Mme Paulette Guinchard a souligné que cette question du statut et des droits est, après la solvabilisation de la demande, le problème le plus important : on ne créera un grand nombre d'emplois dans le secteur des services à la personne que si l'on réussit à attirer des jeunes vers ces métiers.

Le ministre s'est dit d'accord avec Mme Paulette Guinchard sur ce point.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le rapporteur pour son exposé et le ministre pour ses réponses.

La commission a décidé le dépôt du rapport sur la mise en application de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale en vue de sa publication.


© Assemblée nationale