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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 69

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 4 juillet 2006
(Séance de 18 heures 15)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Audition, ouverte à la presse, commune avec la commission des affaires économiques, de M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, sur le service minimum dans les transports



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La commission a procédé à l'audition, commune avec la commission des affaires économiques, de M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, sur le service minimum dans les transports.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, s'est réjoui d'accueillir M. Dominique Perben, jugeant qu'il est en train de réussir progressivement, par le dialogue, là où certains pensaient que seule la loi permettrait de trouver une solution. Cette procédure de rendez-vous réguliers avec la commission des affaires économiques, à laquelle se joint la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a permis de rendre compte au Parlement de l'évolution des discussions pour parvenir à un équilibre entre l'exercice du droit de grève et la continuité du service public, principes tous deux consacrés par la Constitution.

D'importants progrès ont été enregistrés depuis la réunion du mois de mars dernier. Il y avait alors d'un côté ceux qui pensaient que la proposition de loi qui avait été déposée devait être inscrite à l'ordre du jour et de l'autre ceux qui jugeaient préférable qu'un accord soit conclu pour arriver au même résultat. Le président Patrick Ollier a indiqué avoir toujours considéré que si l'on ne parvenait pas à un accord, la loi pourrait être votée. Or, l'évolution du dialogue a permis de respecter les engagements qui avaient été pris, en particulier par la SNCF et par la RATP, et un certain nombre d'autres bonnes nouvelles devraient être annoncées.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que la continuité du service public des transports apparaît comme une exigence, que l'on retrouve à chaque fois qu'il y a grève, et qui s'exprimait avec force dans la proposition de loi.

Toutefois, comme la commission des affaires économiques, la commission des affaires culturelles a pensé que l'on pouvait arriver au même résultat sans passer par une méthode que certains considéraient comme abrupte. Le ministre est en train d'y parvenir et il convient de saluer son travail. Pour autant, des efforts restent à faire et l'Assemblée nationale est peut-être le lieu d'où doit être lancé un appel à ceux qui demeurent aujourd'hui réticents.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, a rappelé que, lors du rendez-vous du 15 mars dernier, il avait constaté une attitude constructive très largement partagée par les membres de l'Assemblée et que c'était une bonne chose, dans la mesure où les élus exercent la responsabilité des autorités organisatrices de transport. Cette attitude était aussi celle des principales organisations syndicales, qui l'avaient assuré de leur volonté d'avancer. Mais il fallait évidemment, au-delà de bonnes intentions, que cela se traduise dans les faits.

Il a donc indiqué avoir poursuivi son travail de façon très concrète, ce qui a permis de parvenir, le jour même de cette audition, à la signature d'une charte comportant en annexe un guide méthodologique. Il s'agit de documents qui ont été véritablement co-rédigés et c'est la première fois que l'on parvient à un accord aussi large. On trouve en effet parmi les signataires :

- le GART (Groupement des autorités responsables de transports), dont le conseil d'administration, composé d'élus de toutes sensibilités, s'est prononcé à l'unanimité en faveur de la signature. Cela paraît très positif, car on ne pourra parvenir à de véritables changements sociaux sans une forme de consensus ;

- l'UTP (Union des transports publics), pour qui il s'agit d'un changement sensible puisque le service garanti, traduisant une forme d'engagement social, sera désormais une dimension importante des relations entre les autorités organisatrices et les entreprises qui gèrent le service ;

- la FNAUT (Fédération nationale des associations d'usagers des transports), dont le rôle doit être souligné, puisque l'usager est au cœur de cette démarche qui tend à protéger ses droits, dans le respect du droit de grève. Mieux protéger l'usager, c'est faire en sorte qu'en cas de mouvement social ceux qui y sont étrangers aient droit à un minimum de service, c'est-à-dire qu'ils puissent se rendre à leur travail et accéder aux services publics dont ils ont besoin, notamment dans le domaine sanitaire. Le matin même de cette audition, le président de la FNAUT a fait part de sa satisfaction ;

- la CFTC et l'UNSA, qui ont expliqué que, si les syndicats devaient défendre les droits des salariés, ce qui pouvait aller jusqu'à la grève, elles étaient néanmoins conscientes de la nécessité de respecter aussi les droits des usagers.

D'autres syndicats se sont interrogés sur le fait de signer ou non la charte et, sur le fond, l'accord semble plus large que celui des autres signataires de la charte, ce qui explique peut-être qu'il fasse l'objet d'un tel consensus politique.

La démarche s'articule autour de trois étapes :

- le plan d'information des voyageurs, innovation de la SNCF et de la RATP, dont on a constaté lors des mouvements de l'automne dernier qu'elle permettait une vraie amélioration. Il semble donc normal de chercher à faire en sorte que les autres grands réseaux de transport public parviennent aussi à une telle qualité d'information ;

- le plan de transport prioritaire, qui permet aux autorités organisatrices de mener, en dialogue avec les entreprises, un important travail de réflexion, afin par exemple de préciser les lignes les plus importantes et de prévoir différents niveaux de service en fonction de la gravité du conflit social ;

- l'accord de prévention et de gestion des conflits, dont le ministre a déjà parlé longuement le 15 mars, qui s'inspire de ce qui a été fait de manière très innovante par la RATP et par la SNCF. Il s'agit de mettre en place différents dispositifs de dialogue social, d'abord par l'alerte, par un calendrier destiné à prévenir le conflit, puis, en cas d'échec, même après le déclenchement du préavis, par la poursuite des discussions au lieu, comme aujourd'hui, de se contenter d'attendre la grève sans rien faire. Ces dispositifs font intervenir différents partenaires. Si chacun reste dans son rôle - l'autorité organisatrice discute avec l'entreprise, l'entreprise discute avec les salariés -, chacun exerce ses responsabilités.

Désormais, les documents qui viennent d'être rendus publics vont être diffusés à l'ensemble des réseaux afin d'obtenir le plus grand nombre d'adhésions possibles. Un certain nombre de collectivités ont d'ores et déjà signé la charte : la communauté urbaine de Nancy, la société d'économie mixte « Grenoble 2000 », les communautés d'agglomération du grand Roanne, de Nîmes métropole, de Châlons-en-Champagne, de Reims, de Bourges et de Rennes. Cette diversité politique semble de bon augure. Au fur et à mesure de la mise en place de ce dispositif concret, des sites Internet feront connaître les nouveaux signataires. Au matin de cette audition, bien qu'il n'ait pas été, pour des raisons pratiques, habilité par le bureau de l'Association des maires de France à signer la charte, le président Jacques Pélissard a jugé cette signature probable.

Le ministre a enfin considéré qu'il serait intéressant de créer un comité de suivi de la charte, auquel il lui paraîtrait normal, tant le Parlement a joué un rôle moteur dans cette affaire, que soient associées les commissions des affaires économiques et des affaires culturelles, familiales et sociales.

Un débat a suivi l'exposé du ministre.

Le président Patrick Ollier a rappelé que le premier rendez-vous entre la commission des affaires économiques et le prédécesseur de M. Dominique Perben datait de décembre 2003. On mesure l'importance des changements intervenus depuis lors et du travail accompli par les ministres. On a vu aussi, à l'automne 2005, que les engagements pris à la SNCF et à la RATP avaient été tenus, avec respectivement plus de 35 et de 65 % du trafic.

Dès lors que l'on s'engage dans une logique de partenariat, même si des conflits surviennent encore, l'usager sera mieux protégé. Qui plus est, ceux qui prendront la responsabilité de ne pas signer la charte devront l'assumer devant les usagers et devant les Français.

On est en fait en train de passer à un nouveau mode de relations sociales et l'on ne peut que se réjouir de ce véritable changement culturel. Les parlementaires ont eu raison de faire confiance au ministre : le temps qui s'est écoulé n'a pas été perdu, mais utilisé à des fins de pédagogie et d'information pour faire changer les mentalités.

Bien évidemment, la commission des affaires économiques est tout à fait disposée à participer au comité de suivi.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est déclaré satisfait de voir comment la situation avait évolué. Ce sont en effet les efforts engagés dès 2003 qui se trouvent ainsi concrétisés. Le ministre et son prédécesseur doivent en être remerciés. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales participera également au comité de suivi.

On a longtemps affirmé que des obstacles juridiques empêchaient d'aller vers le service garanti, or les documents que le ministre vient de présenter comportent de très nombreuses réponses de ce point de vue. Le président a alors souhaité savoir si on pouvait considérer que la charte s'appuie sur un cadre juridique solide.

Le ministre a répondu qu'il n'y avait pas de difficultés juridiques particulières et que les documents font référence au droit du travail ainsi qu'à de nombreux textes existants, notamment la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI), qui définit en particulier le droit aux transports.

L'objet du guide méthodologique est de faire profiter les partenaires, y compris les moins expérimentés au niveau local, de l'expérience accumulée par d'autres. C'est ce qui lui confère un aspect un peu technique.

Le président Patrick Ollier, avant de lui donner la parole, a remercié M. Jacques Kossowski qui aurait pu, avec les 305 autres signataires de sa proposition de loi, imposer son inscription à l'ordre du jour dans une niche parlementaire, mais qui a accepté de jouer le jeu de la concertation. Il est aujourd'hui payé de ses efforts.

M. Jacques Kossowski a rappelé qu'il avait en fait fallu quatre ans pour arriver à ce résultat. Il est vrai que de nombreux parlementaires avaient dans l'idée qu'il fallait légiférer. Ils ont admis qu'il était sans doute bon, préalablement, d'écouter et de faire un rapport, mais ils souhaitaient aller vite à une période où les grèves étaient nombreuses et où les usagers étaient, selon l'expression consacrée, « pris en otages ». Tout en reconnaissant que le Syndicat des transports d'Île-de-France était parvenu à un accord, il a considéré que c'était le fait d'une partie des élus seulement et qu'il n'était au surplus pas du tout acquis que les syndicats suivraient le mouvement. Il a constaté que, si la CGT avait signé en 2004 l'accord de prévention des conflits, elle n'avait cette fois pas signé la charte, pas plus que FO. On peut donc se demander quelle en sera la portée si les principaux syndicats ne se sentent pas concernés.

Par ailleurs, les usagers ne sont pas seuls à être concernés par la continuité des services de transport, les grèves affectent également l'activité des entreprises en compromettant leur approvisionnement.

Dans ces conditions, il reste possible de recourir à la proposition de loi pour aider le ministre, dont on peut d'ailleurs considérer qu'il n'aurait pas abouti aujourd'hui si les députés n'avaient pas marqué de la sorte leur volonté d'avancer.

Le président Patrick Ollier a souligné que le travail constructif accompli par le Parlement et l'existence de la proposition de loi avaient joué un rôle majeur dans l'évolution actuelle.

M. Maxime Bono a rappelé que le groupe socialiste avait toujours été très attaché à la voie contractuelle, qu'il préfère à la voie législative, et qu'il s'est donc réjoui que le ministre, tenant aujourd'hui son engagement en faisant ce nouveau point d'étape, soit en mesure de présenter cette charte.

Si l'on veut définir le service garanti, il apparaît que la garantie ne peut être apportée que par l'accord et par le contrat. Il convient donc de cesser d'agiter le chiffon rouge de la proposition de loi, surtout au moment où les partenaires s'engagent sur la voie de la concertation.

Au mois de mars déjà, on sentait que le GART comme l'UTP étaient en train d'évoluer. Au niveau local également, plusieurs autorités organisatrices de transport renégocient les contrats au fur et à mesure en y incluant la possibilité de réguler le trafic.

Il convient toutefois de tempérer quelque peu l'optimisme du ministre : chacun sait que ce sont les plus fragiles qui sont les plus touchés par les grèves des transports, tout simplement parce qu'ils n'ont pas d'autre choix pour se déplacer. Or il est vain de penser obtenir un service total aux heures de pointe car cela suppose de disposer de l'ensemble des effectifs, comme l'avait indiqué le rapport de M. Dieudonné Mandelkern. Les accords devront donc fixer des priorités et il est rassurant que ce soit le choix fait dans cette charte.

Enfin, ce qui handicape le plus ce secteur à l'heure actuelle, ce n'est pas la menace de grève, alors que les acteurs font des pas significatifs les uns vers les autres et que les relations paraissent apaisées, mais la faiblesse des moyens consacrés aux transports publics, notamment en site propre. Les usagers pâtissent de ce choix du gouvernement.

M. Jean-Marie Binetruy, rappelant que la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône venant d'être lancée, a jugé que l'importance de cet investissement de 2 milliards d'euros montrait l'absolue nécessité de pouvoir faire fonctionner de telles installations. Estimant que la charte répondait à cet objectif, il a demandé au ministre de préciser davantage comment seront définies les priorités dans le cadre des plans de transport.

M. Léonce Deprez a observé, alors que la commission des affaires économiques venait d'entendre trois ministres en l'espace d'un après-midi, qu'un nouveau climat semblait s'instaurer, à l'instar de celui qui a régné au cours des 200 heures d'auditions consacrées à envisager les moyens de réformer la justice. Désormais, les députés marquent leur souci d'écouter l'autre et de parvenir à des propositions consensuelles. Il faut saluer cette évolution heureuse au sein des commissions. On peut aussi se réjouir de l'organisation de plus en plus fréquente de telles réunions communes entre deux commissions.

Il y a déjà plusieurs années que bon nombre de départements tentent de s'engager dans la voie contractuelle dont a parlé M. Maxime Bono, tout simplement parce qu'ils ont compris que le contrat est la loi des parties. Aujourd'hui, c'est d'un contrat entre les citoyens et les élus qu'il s'agit, les premiers souhaitant que les seconds répondent à leur aspiration à vivre dans des conditions différentes en s'engageant sur la voie contractuelle plutôt que sur celle des conflits législatifs, même si cette dernière attire davantage la presse, qui elle-même attise les difficultés.

Par sa présentation même, le guide en quadrichromie qui accompagne la charte exprime cet esprit nouveau et symbolise le travail mené par le gouvernement et par les deux commissions de l'Assemblée. Les Français attendent qu'ils continuent en ce sens.

Mme Arlette Grosskost a vu dans cette charte la prolongation de ce qui a été expérimenté par le conseil régional d'Alsace et qui donne des résultats tout à fait positifs après un an d'application. Si le service garanti vise à répondre aux besoins des usagers, il est aussi destiné à redonner confiance dans une dynamique économique indissociable d'un transport public fiable. Dans la mesure où ce dispositif est avant tout incitatif, elle a souhaité que le ministre indique si une incitation financière était prévue et s'est demandé ce qu'il adviendrait en cas de non-respect des obligations fixées par la charte.

M. Jean-Charles Taugourdeau a rappelé que, si l'on pouvait se réjouir de ce qui était fait pour les usagers, il ne fallait pas oublier les entreprises et a estimé souhaitable d'envisager un assouplissement des contraintes administratives qui pèsent sur les entreprises de transport.

Le ministre, refusant d'opposer les logiques législative et contractuelle, a souligné que l'objectif est de faciliter la vie des usagers, qu'il faut pour cela choisir la meilleure méthode et que cela relève tout simplement du pragmatisme social, destiné, comme la négociation dans les entreprises, à régler un problème de vie collective.

Dans la mesure où certains ont signé alors que d'autres s'interrogent encore, on peut considérer que la signature de la charte est un engagement moral et non pas un geste gratuit. Les syndicats ont bien compris que les modalités d'exercice du droit de grève pourraient finir par poser problème. M. François Chérèque a d'ailleurs déclaré il y a peu qu'il fallait s'interroger sur la pertinence des modalités d'action des syndicats. On assiste donc à une prise de conscience politique qui paraît tout à fait essentielle.

La question du fret - qui s'inscrit depuis le 31 mars dans un système concurrentiel - est importante, mais elle n'est pas traitée ici.

S'agissant de la politique des transports, le gouvernement a engagé des initiatives visant à ce que, au-delà de la question de la grève, la qualité et la fiabilité du service soient respectées.

Au titre des transports en site propre, 170 millions d'euros étaient inscrits au budget 2006, soit davantage que la moyenne des années qui ont précédé 2004.

Les modalités du plan de transport prioritaire sont expliquées dans les documents qui ont été remis aux membres des commissions. Le choix des priorités relève des autorités organisatrices, donc des élus. Il se fera dans le dialogue avec l'entreprise. Ainsi, le service garanti sera désormais au cœur de leurs relations ; sans doute est-ce ce qui a suscité quelque hésitation de la part de l'UTP, mais c'était une condition pour avancer.

Parmi les outils prévus dans le cadre du dispositif incitatif, le contrat entre l'autorité organisatrice et l'opérateur peut prévoir une incitation financière - l'exemple alsacien est d'ailleurs cité - mais tout cela relèvera de la négociation locale.

L'objectif est qu'au lieu de ces deux exceptions que constituent aujourd'hui l'Île-de-France et l'Alsace, le plus grand nombre de collectivités s'engagent dans des dispositifs de ce type d'ici la fin de l'année.

Le président Patrick Ollier a demandé au ministre s'il considérait qu'une fois la charte diffusée et signée par le plus grand nombre, il faudrait envisager d'aller plus loin.

Le ministre a souligné que la charte et le guide méthodologique constituaient des documents de référence à vocation nationale et qu'il n'était pas forcément souhaitable d'aller plus loin, afin de ne pas brider à l'excès les accords locaux. Aujourd'hui, il faut susciter l'adhésion du plus grand nombre de réseaux de transport pour que cette charte soit véritablement suivie d'effets. Il est probable que le mouvement va s'accélérer : l'accord unanime du bureau du GART et les propos du président de l'AMF incitent à l'optimisme.

La prochaine étape sera l'installation du comité de suivi. Le ministre a pris bonne note du souhait des deux commissions d'y participer et il leur fera une proposition écrite en ce sens.

Le président Patrick Ollier a remercié le ministre d'être venu aussi rapidement présenter la charte aux deux commissions réunies.


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