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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Mercredi 7 février 2007

Séance de 16 h 15
Compte rendu n° 28
SESSION 2006 - 2007

Présidence de M. Edouard Balladur, Président,

 

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– Adhésion au protocole relatif à la convention internationale de Torremolinos sur la sécurité des navires de pêche (n° 3039) – M. Guy Lengagne, rapporteur

– Allemagne, Belgique, Espagne et Luxembourg : traité relatif au Corps européen et au statut de son Quartier général (n° 3562) – M. Marc Reymann, rapporteur.

– Informations relatives à la commission




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Adhésion au protocole relatif à la convention internationale de Torremolinos sur la sécurité des navires de pêche
La Commission a examiné, sur le rapport de M. Guy Lengagne, le projet de loi n° 3039 autorisant l’adhésion au protocole relatif à la convention internationale de Torremolinos sur la sécurité des navires de pêche.

M. Guy Lengagne, rapporteur, a d’abord souhaité préciser le sens des différentes notions juridiques liées à la convention de Torremolinos et à son protocole : la France avait signée le protocole de 1977, puis l’avait approuvé, tandis que le présent projet de loi vise à autoriser son adhésion au protocole de 1993. En France, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le terme de ratification est utilisé en ce qui concerne les traités, normes internationales revêtues d’une solennité particulière, tandis que celui d’approbation est employé pour les accords, les conventions, les protocoles..., qui ne présente pas le même caractère solennel. D’autres pays ne font pas cette distinction. Le terme d’adhésion est utilisé lorsqu’un Etat qui ne figurait pas parmi les signataires initiaux d’un traité, d’un accord, d’une convention ou d’un protocole multilatéral en devient ensuite partie. La signature et l’approbation ou la ratification sont alors simultanées.

Si les décisions communautaires relatives à la gestion des ressources halieutiques sont souvent critiquées par les pêcheurs, les normes européennes en matière de sécurité des navires de pêche, les plus sévères du monde, sont incontestablement pertinentes et contribuent à rendre plus sûr l’exercice d’une profession qui reste dangereuse. Quelques chiffres témoignent de cette dangerosité : l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture estime à 24 000 le nombre d’accidents mortels qui surviennent chaque année à travers le monde dans l’exercice de l’activité de pêche, toutes tailles de navires confondues ; au Danemark, le taux d’accidents mortels des pêcheurs pour 100 000, étudié de 1989 à 1996, a été évalué de vingt-cinq à trente fois supérieur à celui des travailleurs terrestres ; aux Etats-Unis, il a été estimé en 1996 à huit fois le taux des chauffeurs professionnels de véhicules à moteur, seize fois celui des pompiers et policiers, et quarante fois la moyenne nationale ; en France, le taux de décès pour 100 000 pêcheurs est de 19,6, alors qu’il est de 3,57 pour 100 000 pour les travailleurs à terre. La mortalité de pêcheurs est plus élevée que celle des hommes de la marine marchande, car les premiers travaillent sur des navires plus petits, donc plus fragiles.

Le Président Edouard Balladur a souhaité savoir si le rapporteur disposait du taux de mortalité des pêcheurs par continent.

M. Guy Lengagne, rapporteur, a répondu par la négative. Il est difficile d’obtenir des données précises sur ce sujet, tant la comptabilisation des victimes d’accidents survenus en mer est incertaine. Les différences entre continents sont certainement considérables, les règles de sécurité étant très hétérogènes, et particulièrement rigoureuses dans l’Union européenne, comme en témoigne le contenu du « paquet Erika III » en cours de discussion.

Fixées par une directive communautaire de 1997, les règles communautaires applicables aux navires de pêche sont en fait inspirées directement – tout en étant plus rigoureuses – des règles établies par l’Organisation maritime internationale (OMI) par l’intermédiaire de la Convention internationale de Torremolinos sur la sécurité des navires de pêche de plus de 24 mètres de 1977, puis par le Protocole de 1993 relatif à cette convention. Le présent projet de loi vise à autoriser l’adhésion à ce second protocole, qui a été élaboré pour remplacer la Convention de 1977, approuvée par la France mais jamais entrée en vigueur, les Etats y ayant adhéré ne représentant pas un nombre suffisant de navires de pêche de grande taille. Le retard de la France, qui a attendu quatorze ans pour adhérer au protocole, serait lié à l’existence des normes européennes, qui rendaient moins nécessaires l’application de règles internationales plus souples. Il apparaît en fait que l’adhésion au protocole de 1993 est loin d’être inutile.

Pour ne pas se heurter à la difficulté d’entrée en vigueur rencontrée pour la convention de 1977, le nouveau protocole impose donc des normes moins strictes, mais dont le respect serait déjà un progrès notable par rapport à la situation internationale actuelle. Il permet aussi aux Etats parties d’exiger de tous les navires de pêche qui passent par un de leurs ports le respect de ces règles minimales, même s’ils battent le pavillon d’un Etat qui n’y est pas partie. Ce point constitue une avancée très importante : par exemple, les autorités françaises pourront ainsi inspecter, et sanctionner en cas de besoin, les navires de pêche coréens qui font escale à la Réunion.

Dans la mesure où la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer n’est pas applicable aux navires de pêche, il est apparu nécessaire d’élaborer un corpus de règles adaptées à ceux-ci. Les marins sont souvent réticents à l’instauration de nouvelles règles de sécurité ; certains contestent actuellement le système de reconnaissance à distance des navires, proposé dans le « paquet Erika III ». Mais l’expérience a prouvé que les refus initiaux se muaient en approbation dès que les innovations avaient permis de sauver des vies humaines.

Comme la convention de 1977, le Protocole de 1993, qui se substitue à celle-ci vise les navires d’une longueur de 24 mètres et plus, mais une partie importante de ses stipulations – relatives notamment aux installations électriques, aux dispositifs de sauvetage, aux radiocommunications – n’est obligatoire que pour les navires de plus de 45 mètres. En ce qui concerne les navires compris entre 24 et 45 mètres, le protocole appelle les Etats à se mettre d’accord au niveau régional sur les normes qui doivent leur être imposées. L’Union européenne a répondu à cette demande par la directive de 1997 ; la même année, était adoptée à Tokyo une « directive pour la sécurité des navires de pêche de 24 à 45 mètres opérant dans la région de l’Asie de l’Est et du Sud-Est ».

Le Protocole de 1993 tient aussi compte des évolutions techniques réalisées depuis l’élaboration de la Convention de 1977. Il intègre ainsi, par exemple, les dispositions du système mondial de détresse et de sécurité en mer. En revanche, il ne traite pas du système AIS (système d’identification automatique), dont l’utilisation est postérieure à 1993.

Il innove aussi sur deux points importants par rapport au texte de 1977 :

– si une autorité retient ou retarde indûment un navire au titre du contrôle du respect des stipulations du protocole, l’armateur du navire aura droit à réparation pour les pertes ou dommages subis. Des dispositions de ce type tendent à se généraliser en matière de droit maritime, en particulier pour ce qui concerne la prévention de la pollution ;

– le protocole permet aux autorités d’un Etat partie au protocole d’appliquer les prescriptions de celui-ci aux navires des Etats qui ne sont pas parties au protocole « dans la mesure où cela est nécessaire pour ne pas faire bénéficier ces navires de conditions plus favorables ». Cette pratique, dénommée contrôle par l’Etat du port, est destinée d’une part à éliminer ou réduire le nombre de navires ne respectant pas les normes minimales, d’autre part à assurer une concurrence plus équitable entre les navires opérant sur une même zone de pêche.

Globalement, les règles énoncées par le Protocole sont moins rigoureuses que celles fixées en 1977, l’objectif étant son entrée en vigueur rapide.

Pour y parvenir, les conditions de cette entrée en vigueur ont aussi été allégées. Elle interviendra douze mois après la ratification du protocole par quinze Etats (comme en 1977) dont le nombre total de navires de pêche d’une longueur minimale de 24 mètres est au moins égal à 14 000. Cette seconde condition est moins exigeante que les 50 % de la flotte de 24 mètres et plus mentionnés dans la Convention de 1977.

En effet, le chiffre de 14 000 correspond seulement au quart de la flotte mondiale de navires de pêche de plus de 24 mètres. Mais comme plus de 30 000 de ces navires sont chinois, 14 000 représente aussi la moitié environ des navires de pêche de plus de 24 mètres relevant des autres Etats que la Chine.

Fin avril 2005, les dix Etats, parmi lesquels le petit Etat de Saint-Kitts et Nevis, qui avaient ratifié le protocole ne représentaient que 3 060 gros navires de pêche. L’ensemble des Etats de l’Union européenne à 25 n’en possède que 3 650 au total. La France n’en compte pour sa part que 150. Il est donc à craindre que, même réduite de moitié entre 1977 et 1993, la seconde condition d’entrée en vigueur des règles internationales de sécurité ne puisse toujours pas être remplie.

Malgré cette incertitude, l’adhésion de la France au Protocole de 1993 ne présente que des avantages : dans la mesure où notre pays respecte d’ores et déjà les règles communautaires sur la sécurité des navires de pêches, plus strictes que celle du protocole, l’application de celui-ci n’entraînera de contrainte ou de dépense supplémentaires ni pour l’Etat ni pour les armateurs français ; en revanche, si le protocole entre en vigueur, elle permettra à nos autorités d’empêcher d’appareiller tout navire de pêche étranger qui ne respecterait pas les normes minimales de sécurité, en application du principe du contrôle par l’Etat du port.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3039).

Allemagne, Belgique, Espagne et Luxembourg : traité relatif au Corps européen et au statut de son Quartier général
La Commission a examiné, sur le rapport de M. Marc Reymann, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité relatif au Corps européen et au statut de son Quartier général entre la République française, la République fédérale d’Allemagne, le Royaume de Belgique, le Royaume d’Espagne et le Grand-Duché de Luxembourg (n° 3562).

M. Marc Reymann, rapporteur, a fait observer qu’avec le traité relatif au Corps européen et au statut de son quartier général, situé à Strasbourg, dans le quartier du Neuhof, c’était un pas supplémentaire, modeste certes, mais néanmoins réel, qui était fait vers une Europe responsable de son destin.

Aujourd’hui en effet, ce sont, soit l’accord sur le statut des forces de l’OTAN soit, en opération extérieure, des accords ad hoc qui régissent, au jour le jour la vie des personnels civils et militaires qui font vivre le Corps européen. Cette situation n’est pas satisfaisante pour deux raisons. D’abord parce qu’elle ne reflète pas les progrès de la défense européenne intervenus depuis la création du Corps européen en 1992. Celle-ci fut d’abord et avant tout un acte politique, né de l’amitié franco-allemande. La décision officielle intervint lors du sommet de La Rochelle, le 22 mai 1992, avec l’adoption du rapport dit de la Rochelle, par le Conseil franco-allemand de défense et de sécurité. Quelques semaines plus tard, dès le premier juillet, un état-major provisoire s’installait à Strasbourg afin de mettre en place celui du Corps européen. Initiative franco-allemande, le Corps européen a d’emblée été ouvert aux autres pays de l’UEO. La Belgique, le Luxembourg et l’Espagne ont par la suite intégré le Corps européen. Le Corps européen a, depuis lors, été partie prenante des avancées de la politique européenne de sécurité et de défense. Lors du sommet de Cologne des 3 et 4 juin 1999, l’Union européenne, à l’initiative de la France et de l’Allemagne, a décidé de faire du Corps européen une force d’intervention à la disposition de l’Union en cas de crise. Dans le même esprit, un accord a été signé avec l’OTAN, ouvrant la possibilité au Corps européen de participer à des opérations menées dans le cadre de l’OTAN.

Le Corps européen est désormais une réalité opérationnelle. Il a été engagé dans plusieurs opérations extérieures depuis la fin des années 1990, toutes menées sous l’égide de l’OTAN. Son premier engagement en opération a lieu en 1998, dans le cadre de la mission de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine (SFOR). Puis, de mars à octobre 2000, environ 350 soldats du Corps ont été envoyés au Kosovo. Mais c’est hors des frontières de l’Europe qu’a eu lieu l’engagement extérieur principal du Corps européen. Ainsi, au deuxième semestre 2004, il a assumé le commandement de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan. Ajoutons que le Corps européen est partie prenante dans la transformation des forces armées des pays membres de l’UE et de l’OTAN.

M. Marc Reymann a estimé paradoxal que le Corps européen ne soit pas régi par un traité qui lui est propre. En effet, le rapport de la Rochelle qui a créé le Corps européen n’est pas un traité en bonne et due forme mais une déclaration politique non contraignante. Face à ce vide juridique, et dans l’attente de l’entrée en vigueur d’un traité sur le Corps européen, les États membres sont convenus d’appliquer la Convention entre les États parties au traité de l’Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, signée à Londres le 19 juin 1951, dite « SOFA OTAN ». Le SOFA OTAN s’applique sur le territoire des États parties à celui-ci, notamment l’État membre du Corps européen qui accueille habituellement le Quartier général, à savoir la France. En cas de déploiement du Quartier général du Corps européen dans un État qui n’est pas partie au SOFA OTAN, c’est un accord ad hoc conclu avec cet État qui s’applique. Cette situation a une importante conséquence budgétaire pour la France. En application du principe de la nation hôte, puisque le QG du Corps est à Strasbourg, la France assure la quasi-totalité du préfinancement des dépenses communes, soit actuellement un budget de 12,9 millions d’euros hors financement des opérations extérieures. Les quatre autres États membres lui remboursent ensuite une quote-part, calculée au prorata du nombre des postes qu’elles détiennent au quartier général. La conséquence majeure de cette situation est la suivante : le quartier général fonctionne comme un état-major français, les quatre partenaires de la France ne faisant que verser leur participation financière au Trésor public. On est donc loin de la spécificité européenne de cet outil militaire.

Le rapporteur a expliqué que le traité proposé remédiait à cet état de fait.

S’agissant des missions et de l’organisation du Corps européen, elles sont inchangées. Le traité reprend sur ces points les dispositions du rapport de La Rochelle. Ainsi, le Corps européen peut être engagé dans le cadre de l’Organisation des Nations unies (ONU), de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation du traité atlantique nord (OTAN), ou dans le cadre d’une décision commune prises par ses membres.

Mais le traité introduit un changement majeur dans le sens d’une affirmation de l’autonomie et de la spécificité du Corps européen. Il met fin à l’application du SOFA OTAN. Dans cette logique, le traité confère une personnalité juridique au quartier général, permettant ainsi à ce dernier de bénéficier d’une autonomie administrative. Cette autonomie administrative permet au Quartier général de fonctionner avec plus d’efficacité et de rapidité. Elle donne en outre un statut uniforme aux personnels des États membres affectés au quartier général. Tel n’est pas le cas aujourd’hui : les personnels belges, espagnols et luxembourgeois ont bénéficié dans un premier temps de la convention de Londres du 19 juin 1951 (« SOFA OTAN »), alors que les personnels allemands bénéficiaient d’un statut plus avantageux, conformément à un accord spécifique complétant le SOFA OTAN. Des décisions au cas par cas ont certes permis de rétablir une égalité de statut, sans toutefois être juridiquement formalisée. Enfin, l’autonomie de fonctionnement permettra aux États membres d’établir et d’adopter un règlement de sécurité fixant les règles relatives à l’échange d’informations classifiées, ce dernier point étant fondamental en matière opérationnelle. Les conséquences budgétaires et financières de cette autonomie sont également importantes pour la France qui n’aura plus désormais à préfinancer les dépenses du Corps européen.

Quant aux autres dispositions du traité, plus classiques, elles sont relatives au cadre juridique dans lequel s’inscrit l’activité quotidienne du Corps, aux règles de compétence juridictionnelle applicable aux personnels du Corps européen, au règlement des dommages ou encore de nature fiscale.

En conclusion, M. Marc Reymann a tenu à souligner de nouveau qu’il était important que le Corps européen, qui fut à l’avant-garde des progrès de l’Europe de la défense, se voie enfin accorder un statut qui préserve son autonomie et sa spécificité. Il a au passage regretté, à l’instar de ses collègues du Sénat qui a adopté le projet de loi le 11 janvier dernier, que les caractéristiques de cet outil militaire né de la vitalité du couple franco-allemand n’apparaissent pas sur le site Internet du Corps européen, exclusivement rédigé en anglais. Il a jugé que ce choix linguistique méconnaissait la force des symboles dans la construction européenne. Il a néanmoins vivement recommandé l’adoption du projet de loi.

Suivant la recommandation du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3562).

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Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le mercredi 7 février 2007 :

– M. André Schneider, rapporteur du projet de loi n° 3677 autorisant la ratification de l’accord entre la République française et la République fédérale d’Allemagne relatif à la construction d’un pont ferroviaire sur le Rhin à Kehl ;

– M. Roland Blum, rapporteur du projet de loi n° 3678 autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Japon.



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