COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 12

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 3 novembre 2004
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen de l'avis budgétaire air (M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis)

2

- Examen de l'avis budgétaire forces terrestres (M. Joël Hart, rapporteur pour avis)

5

- Examen de l'avis budgétaire dissuasion nucléaire (M. Antoine Carré, rapporteur pour avis)

8

- Examen de l'avis budgétaire services communs (M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis)

12

- Examen de l'avis budgétaire affaires étrangères (M. François Lamy, rapporteur pour avis)

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Loi de finances pour 2005 : air (avis).

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Louis Bernard, les crédits de l'air pour 2005.

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis, a indiqué que, au sein d'un projet de loi de finances pour 2005 respectant les engagements de la loi de programmation militaire, le budget alloué à l'armée de l'air apparaît préservé : en hausse de 0,58 %, il lui permet d'assurer sa gestion courante dans des conditions satisfaisantes et de poursuivre le nécessaire renouvellement de ses matériels.

Les crédits de rémunérations et de fonctionnement s'élèvent à 2,470 milliards d'euros, en hausse de 0,6 % en euros courants. Cette quasi-stabilité recouvre l'inscription de dépenses supplémentaires incontournables, résultant notamment du plan d'amélioration de la condition militaire et de l'augmentation du point fonction publique, ainsi qu'une diminution des effectifs budgétaires militaires de 494 postes, pour partie due à des transferts de personnels vers le service de santé des armées. Le sous-effectif moyen de l'armée de l'air devrait atteindre en 2005 environ 4,2 %, soit un chiffre similaire à celui constaté en 2004 ; ce niveau résulte du choix de l'armée de l'air d'exclure tout dépassement du montant autorisé pour sa masse salariale.

La dotation en carburants, qui conditionne pour partie le volume de l'activité d'entraînement des forces, connaît une hausse de 8 % ; toutefois, elle est fondée sur une hypothèse de coût du baril de pétrole à 24,4 dollars, alors même que ce coût atteint aujourd'hui un niveau nettement supérieur. De fait, comme l'a indiqué le chef d'état-major de l'armée de l'air à la commission, la dotation inscrite ne permettra pas de couvrir l'ensemble des besoins liés aux activités d'entraînement si le prix du baril de pétrole se maintient à son niveau actuel ; il conviendra donc d'être particulièrement vigilant sur l'incidence du prix du carburant sur l'activité des forces aériennes tout au long de l'année 2005.

L'esprit de réforme qui anime l'armée de l'air mérite d'être souligné : celle-ci a engagé un travail de réflexion approfondi sur ses structures, afin de les adapter aux évolutions de ses flottes ainsi qu'au caractère de plus en plus interarmées et international des opérations ; un groupe de projet, dénommé « Air 2010 », a été chargé d'étudier les voies de simplification des structures de l'administration centrale ainsi que les perspectives de rationalisation des bases aériennes à l'horizon 2010.

Les moyens consacrés à l'équipement de l'armée de l'air apparaissent satisfaisants ; après un fort accroissement des crédits de paiement des titres V et VI au cours des deux dernières années, l'année 2005 se caractérise par une quasi-stabilisation des moyens au niveau élevé de 3,614 milliards d'euros. Cette dotation permettra à l'armée de l'air de faire face aux échéances de paiement de programmes majeurs, tels que le Rafale, l'A 400 M et le SCCOA. En revanche, les autorisations de programme connaissent une baisse drastique, de plus de 50 %, laquelle devrait toutefois être palliée par la mobilisation de l'en-cours d'autorisations de programme dont dispose l'armée de l'air.

L'effort soutenu engagé depuis 2002 en faveur de l'entretien des matériels est poursuivi ; les moyens qui y sont consacrés représentent plus du quart des crédits des titres V et VI. Parallèlement à cet effort financier, une amélioration de la gestion de la maintenance, notamment par une meilleure contractualisation, est recherchée par la SIMMAD (structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense) ; la conclusion, en avril dernier, du contrat ORRMA (optimisation du réapprovisionnement des rechanges consommables des matériels aéronautiques) s'inscrit dans cette logique, en confiant à un prestataire unique la fourniture des rechanges.

L'ensemble des efforts réalisés porte ses fruits, la disponibilité des matériels aériens atteignant ainsi aujourd'hui 63 %, contre 54,2 % en décembre 2000. Toutefois, l'amélioration de ce taux de disponibilité se heurte à des limites structurelles, telles que le vieillissement de certaines flottes, qui renchérit les coûts d'entretien, tandis que la situation de monopole dont jouissent certains industriels dans ce domaine les conduit parfois à pratiquer des hausses de tarifs considérables, qui pèsent nécessairement sur l'entretien des matériels.

Le ministère de la défense fait preuve d'un volontarisme affirmé en matière de drones ; il a lancé en juin dernier le programme de démonstrateur Euromale, destiné à préparer l'entrée en service des drones Male (moyenne altitude longue endurance) dans les forces armées à l'horizon 2010. Dès son lancement, ce programme a été ouvert à des coopérations européennes et plusieurs pays ont déjà manifesté leur intérêt. Le programme Euromale répond à un double objectif : satisfaire un besoin opérationnel des armées françaises et européennes et structurer une offre industrielle autonome européenne dans ce domaine. C'est pourquoi le programme a été confié à quatre industriels, EADS, qui assure la maîtrise d'œuvre, ainsi que Dassault, Thales et Sagem, tandis que les industriels des pays intéressés pourraient s'y adjoindre. Au total, le coût de ce programme est estimé à 300 millions d'euros, dont 75 millions d'euros seront pris en charge par l'Etat, les industriels devant également apporter leur contribution.

Le lancement d'Euromale fait suite à celui du démonstrateur d'avion de combat sans pilote, dit UCAV, en juin 2003. Ce programme, rebaptisé Neuron, se distingue nettement de l'Euromale, en relevant d'une logique différente : si le programme de démonstrateur Euromale répond à un besoin opérationnel bien identifié et s'inscrit dans la perspective d'une production de série, une fois son développement achevé, l'UCAV a pour objectif premier de préserver les compétences nationales, voire européennes, en matière d'avions de combat, et n'a pas vocation à devenir un matériel opérationnel dans l'immédiat. Dès l'origine, le programme Neuron a également été ouvert aux autres pays européens, lesquels ont été invités à apporter les capacités technologiques de leur industrie et à participer au financement. Ce schéma de coopération proposé par la France a remporté un succès incontestable auprès de nos partenaires européens ; quatre pays - la Suède, la Grèce, l'Italie et la Suisse - ont rejoint le programme Neuron, tandis que se tiennent des négociations avancées avec l'Espagne et la Belgique.

En ce qui concerne le programme Rafale, cinq puis dix appareils doivent être livrés à l'armée de l'air en 2004 et en 2005. Conformément aux dispositions de la loi de programmation militaire, le premier escadron opérationnel de Rafale Air sera formé en 2006, sur la base de Saint-Dizier. L'année 2004 a été marquée par la notification du contrat de développement du standard F3, pour un montant de 659 millions d'euros, alors que le premier escadron de Rafale à ce standard sera constitué en 2008. La commande globale de 59 avions, dont 46 pour l'armée de l'air, devrait être passée d'ici la fin de 2004, à l'issue de longues négociations. Le retard de cette commande, qui devait être initialement passée en 2003, se traduit par un léger réaménagement du calendrier de livraison des appareils.

S'agissant des missiles air-air et air-sol, il a été procédé à un ajustement des programmes Mica et Scalp-EG, aboutissant à un décalage des livraisons des missiles dans le temps et à une baisse de la cible d'acquisition pour le programme Mica.

Enfin, le dossier du renouvellement des avions ravitailleurs revêt une grande importance pour l'armée de l'air : les différentes interventions de celle-ci ont montré la nécessité de disposer d'une solide flotte d'avions de ravitaillement en vol, le nombre de ravitailleurs à déployer lors d'une opération étant d'un pour trois ou quatre avions de combat. Or, la flotte logistique et de ravitailleurs de l'armée de l'air est à la fois ancienne et insuffisante dans son format. C'est ce qui conduit l'armée de l'air à envisager l'anticipation de son retrait et son remplacement par des appareils modernes capables d'assurer les deux fonctions. Elle s'oriente aujourd'hui vers le choix d'un programme d'avions dit MRTT (Multirole transport tanker) et étudie la possibilité de recourir à un mode de financement innovant, associé à un partage des capacités de ces appareils avec des acteurs privés, tout en définissant des garanties opérationnelles adaptées. Elle examine notamment la solution proposée par EADS d'appareils MRTT de classe A 330, alors que le Royaume-Uni est actuellement en négociation avec ce groupe pour utiliser de tels appareils dans le cadre de son programme FSTA (Future Strategic Tanker Aircraft). Deux options sont donc examinées par l'armée de l'air française : une coopération avec le Royaume-Uni sur ce programme FSTA et le recours au leasing auprès d'EADS.

M. Gilbert Meyer a rappelé que, si le taux moyen de disponibilité opérationnelle des appareils de l'armée de l'air plafonnait à 54 % il y a deux ans, il était toutefois déjà supérieur à 60 % pour certains d'entre eux. Les résultats atteints aujourd'hui doivent-ils être relativisés ? Quelle est la réalité de l'effort réalisé ?

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis, a indiqué que l'objectif de disponibilité initialement assigné à la SIMMAD était probablement trop élevé, compte tenu de l'obsolescence de certains matériels, mais aussi de l'arrivée de matériels neufs, dont le coût de maintien en condition opérationnelle (MCO) est nécessairement élevé à leurs débuts. De plus, le retrait de quelques appareils sur des flottes limitées peut avoir un impact statistique important sur le taux de disponibilité de celles-ci. La SIMMAD éprouve des difficultés à recruter certains personnels très qualifiés, ce qui se traduit par des sous-effectifs. Pour autant, si l'on se réfère au taux de disponibilité opérationnelle d'environ 50 % il y a six ans, l'amélioration est significative.

M. Jérôme Rivière a relevé l'annonce récente d'une levée partielle de la mise en réserve demandée au ministère de la défense ; cette mesure porte sur 208 millions d'euros, destinés notamment aux programmes Rafale et A 400 M. Or, compte tenu des besoins respectifs de 147 millions d'euros pour le premier et de 114 millions d'euros pour le second, il manque 53 millions d'euros, dont on peut craindre qu'ils feront l'objet d'un report de charges sur la gestion de 2005. Il a par ailleurs demandé quelle était l'appréciation de l'armée de l'air sur la pertinence opérationnelle du choix du missile Meteor.

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis, a indiqué que le programme Meteor faisait l'unanimité, même s'il représente un coût important. En ce qui concerne les levées de mises en réserve de crédits, il convient de noter que le ministère de la défense raisonne en masse globale, le financement des différentes tranches des programmes faisant souvent l'objet de reports calendaires. Toutefois, le financement du Rafale sera garanti, de même que celui de l'A 400 M. Si ce dernier programme est aujourd'hui très avancé, les retards de son lancement vont imposer à l'armée de l'air de faire face à une période de transition difficile à partir du retrait des premiers avions Transall, la conduisant à recourir de nouveau à l'affrètement d'avions de transport, tels que les Antonov 124.

Indiquant que le Royaume-Uni envisageait la possibilité de lancer des missiles Scalp-EG à partir des avions A 400 M, M. Jean-Michel Boucheron a demandé si la France entendait participer à ce projet.

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis, a souligné que tel n'était pas le cas ; les difficultés techniques d'un tel lancement ne sont pas encore résolues, en raison des phénomènes de turbulences, plus délicats à maîtriser que sur des avions de combat.

Le président Guy Teissier a souhaité savoir quel était l'état d'avancement du projet d'externalisation de la formation des pilotes de chasse sur la base de Cognac.

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis, a précisé qu'une étude avait été lancée sur ce sujet.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'air pour 2005.

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Forces terrestres (avis).

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Joël Hart, les crédits des forces terrestres pour 2005.

M. Joël Hart, rapporteur pour avis, a indiqué que le budget d'équipement de l'armée de terre était assez proche de celui attendu. D'un montant de 2,7 milliards d'euros, les autorisations de programme seront complétées par l'utilisation d'autorisations antérieures non engagées, ce qui permettra globalement de poursuivre les grands programmes : hélicoptère Tigre, char Leclerc, postes radio de quatrième génération, équipements Félin... Les crédits de paiement, d'un montant d'environ trois milliards d'euros, permettront de faire face aux factures attendues en 2005. En revanche, leur montant ne permettra pas de résorber de manière significative le report de charges issu des exercices précédents et qui est évalué, fin 2004, à 513 millions d'euros.

Les crédits de fonctionnement des forces terrestres se monteront, en 2005, à près de 5 milliards d'euros. Les effectifs budgétaires inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005 s'élèvent à 135 868 militaires, chiffre très proche des dispositions de la loi de programmation. Toutefois, les crédits de rémunérations et charges sociales s'inscrivent en légère baisse, de 33 millions d'euros, ce qui pourrait accentuer l'écart entre l'effectif réalisé et l'effectif budgétaire. Dans la pire des hypothèses, cet écart pourrait atteindre 6 500 postes en moyenne sur l'année et culminer à 10 000 en fin d'exercice. Le recrutement des militaires du rang est gelé depuis le 1er août 2004. Les crédits de fonctionnement hors rémunérations et charges sociales s'inscrivent en légère hausse, mais intègrent désormais la compensation financière versée à la SNCF, ce qui fausse les comparaisons.

La disponibilité des matériels de l'armée de terre a connu une baisse générale au cours du premier semestre de l'année 2004. Les difficultés se concentrent sur les engins blindés AMX 10 P et AMX 10 RC qui connaissent des problèmes de vieillissement, mais dont la situation à terme pourrait s'améliorer. Les véhicules à roues tels le véhicule léger tout terrain P4 ou le véhicule de transport logistique (VTL) pâtissent également de leur grand âge. Pour les hélicoptères, compte tenu de l'utilisation intensive des matériels et de l'âge élevé des parcs, aucune amélioration sensible n'est envisageable.

En revanche, la disponibilité technique du char Leclerc, qui était de l'ordre de 30 % en 2001, continue à s'améliorer. Elle atteint désormais 55 % à 60 % pour le premier semestre 2004. Cette évolution favorable s'explique principalement par la passation régulière, depuis 2001, de marchés de réparation, mais aussi par une meilleure fiabilité globale du système d'armes et par l'amélioration de la connaissance qu'en ont les équipages. Compte tenu des efforts qui sont toujours consentis, la hausse de la disponibilité du char Leclerc devrait se poursuivre dans les prochains mois.

L'entraînement des personnels reste également une préoccupation. Le report de charges issu de l'exercice 2003 et causé principalement par la couverture insuffisante des dépenses de fonctionnement en opérations extérieures a conduit à réduire, dès le début de l'année 2004, l'entraînement des forces. A la fin du premier semestre, les forces terrestres ne s'étaient entraînées que quarante jours, dont dix-sept seulement avec leur matériel, et il n'est pas certain que soit atteint le nouvel objectif de 90 jours d'entraînement. La situation est plus gênante pour l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT) qui ne parvient pas à faire voler l'ensemble de ses pilotes 160 heures par an, comme cela était prévu. Compte tenu des contraintes de disponibilité s'exerçant sur le parc des aéronefs, les équipages ne voleront que 154 heures environ en 2004. De profondes disparités apparaissent, en outre, entre les différents types d'engins. Les équipages d'hélicoptères Gazelle atteindront sans difficulté, en 2004, le nombre de 160 heures de vol. En revanche, les équipages de Puma, dont les appareils sont moins disponibles, s'approcheront dangereusement du seuil de sécurité estimé à 150 heures de vol par an.

M. Joël Hart a insisté sur la nécessité de veiller à ce que ce sous-entraînement ne constitue pas une menace pour la sécurité du personnel, au-delà des conséquences négatives sur les capacités opérationnelles de l'armée de terre et la motivation des équipages qu'il peut engendrer.

Les opérations extérieures ne sauraient compenser un manque d'entraînement, dans la mesure où seules des troupes formées et préparées peuvent être déployées en toute sécurité sur un théâtre étranger. En 2004, outre les théâtres déjà anciens comme la Bosnie, le Kosovo, l'Afghanistan ou la Côte d'Ivoire, les forces terrestres ont participé à l'opération Carbet qui s'est déroulée en Haïti, au printemps. Grâce à une réduction des effectifs présents dans les Balkans, l'armée de terre a pu diminuer d'environ 10 % le nombre de ses personnels présents hors du territoire métropolitain. Ce sont néanmoins 18 470 militaires, soit près de 15 % des effectifs militaires de l'armée de terre, qui se trouvent, en permanence, hors de la métropole.

M. Jérôme Rivière a souhaité obtenir des informations sur la rénovation des hélicoptères Puma : quelle sera l'ampleur de cette opération ? Quels seront les critères retenus et les coûts ?

M. Joël Hart, rapporteur pour avis, a répondu que la question n'était pas encore tranchée de façon définitive. La gestion de la transition entre les actuels Puma et Cougar et l'entrée en service des nouveaux appareils NH 90 sera complexe et imposera la rénovation d'un certain nombre d'hélicoptères dans les prochaines années.

M. Charles Cova a demandé qui, de l'armée de terre ou d'Eurocopter, avait proposé la rénovation des hélicoptères Puma, celle-ci pouvant être vue comme un complément de charge de travail appréciable pour l'industriel. Les prix pratiqués pour cette opération apparaissent-ils raisonnables ?

M. Joël Hart, rapporteur pour avis, a indiqué que c'est l'armée de terre qui a choisi de prolonger la durée de vie des Cougar et des Puma. Le coût de l'opération, qui dépend directement du niveau de modernisation qui sera retenu, n'est pas encore connu avec précision.

M. Jean-Michel Boucheron a souligné qu'il importait de savoir avec exactitude sur quels objectifs d'effectifs budgétaires le Parlement était amené à se prononcer, alors qu'il semble qu'en fait, la prévision de réalisation des effectifs n'est pas de 100 %, mais de 97 %. Au cours de la législature 1993-1997, les effectifs de l'armée de terre ont été régulièrement rognés, sans que soit reconnue explicitement la volonté de réduire le format de cette armée. Il s'est dit prêt à débattre sur la question de ce format à condition que le vote de la représentation nationale porte sur des objectifs sincères.

Le président Guy Teissier a indiqué que le ministère de la défense avait reconnu, lors de la réunion de la mission d'information sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense, que l'équilibre du titre III reposait sur une réalisation des effectifs à 97 %, et non à 100 %. Ce principe est discutable et le débat budgétaire gagnerait à se fonder sur des données plus claires. Parler d'une nouvelle réduction des effectifs des forces terrestres serait lourd de sens, même si le chef d'état-major de l'armée de terre a évoqué le scénario pessimiste d'une diminution qui pourrait atteindre jusqu'à 10 000 hommes. Cette évolution pourrait être tempérée par les mesures prises en loi de finances rectificative de fin d'année.

En 2004, les effectifs de l'armée de terre ont été réalisés à hauteur de plus de 98 % des prévisions au premier trimestre et de 97,65 % au deuxième trimestre. Les recrutements ont été freinés en juillet 2004 afin d'éviter un emballement des dépenses de personnel, mais cette décision ne s'est pas traduite par un arrêt total, puisque les départs de personnels ont été tous remplacés.

M. Jean Michel a précisé que les effectifs militaires budgétaires des forces terrestres pour 2004 s'élevaient à 136 840, mais que les effectifs réels s'établissaient à 134 133, soit une différence de plus de 2 500 hommes. L'écart entre les effectifs budgétaires et ceux réalisés pourrait être compris entre 6 500 et 10 000 en 2005. Le Royaume-Uni a déjà réalisé un travail de réflexion sur l'évolution du format de ses forces armées. A titre d'exemple, la Royal Navy compte 20 000 hommes de moins que la marine française, sans que cela porte atteinte à son efficacité, sans doute parce que presque tous ses personnels sont affectés à des fonctions opérationnelles, sur les navires. La France ne peut éviter d'engager un débat sur le format de ses armées.

Le président Guy Teissier a souligné que la doctrine britannique, qui consiste à assimiler chaque engagé à un combattant, présente l'inconvénient d'une externalisation généralisée. Celle-ci est nécessaire, mais elle n'est pas sans contrecoup pour les personnels civils et pour le fonctionnement de certains services, à l'instar du service de santé. C'est ainsi que les armées britanniques, qui possèdent une expérience professionnelle de près d'un demi-siècle, s'intéressent au fonctionnement du service de santé des armées français. Cela démontre que le système français constitue un bon compromis.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des forces terrestres pour 2005.

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M. Jean-Michel Boucheron a ensuite souhaité que la commission engage une réflexion sur deux sujets à propos desquels elle ne bénéficie pas d'une information satisfaisante. En premier lieu, la commission ne dispose d'aucun système d'analyse du moral des armées et il serait sans doute opportun de pallier ce manque, qui a toujours existé, selon des procédures à définir. En second lieu, il n'est pas admissible que la commission ne puisse pas entendre les responsables des services de renseignement français, qu'il s'agisse de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de la direction du renseignement militaire (DRM) ou de la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD). Il existe sur ce point un blocage constant de la part de tous les gouvernements. Il serait pourtant de l'intérêt même de ces services d'être entendus par la représentation nationale, ne serait-ce que pour améliorer leur image, car il leur est parfois reproché d'avoir une culture de l'enfermement. Les services de renseignement sont des services de l'Etat, il est normal que le Parlement ait à connaître de leur fonctionnement.

M. Yves Fromion a suggéré que la commission entende le secrétaire général de la défense nationale, qui a vocation à synthétiser les renseignements transmis aux autorités politiques et qui prépare le plan national de renseignement. Il serait sans doute difficile de rendre publics les propos des responsables des services de renseignement, même si l'on peut légitimement souhaiter qu'ils soient entendus par la représentation nationale.

M. René Galy-Dejean a rappelé que le président de l'Assemblée nationale l'avait désigné président de la commission de vérification de l'utilisation des fonds spéciaux du chapitre 37-91 du budget des services du Premier ministre, créée par la loi de finances pour 2002 à l'initiative de la majorité précédente. Il a précisé que le rapport de cette commission est classifié et adressé à des destinataires déterminés par la loi. Puis, il a souligné que tous les membres de cette commission, y compris ceux appartenant à l'actuelle opposition, ont pu constater que certains fantasmes qui ont cours au sujet des services de renseignement ne correspondent en rien à la réalité, ces services étant gérés dans des conditions très rigoureuses.

M. Jérôme Rivière a regretté que la représentation nationale soit écartée du sujet. Aux Etats-Unis, le Congrès est au moins informé sur les montants dépensés pour le renseignement. En France, les services sont fragmentés et dépendent de plusieurs ministères. Un premier pas pourrait être fait en entendant le secrétaire général de la défense nationale.

M. Jean-Michel Boucheron a précisé qu'il a pu apprécier la qualité de nos services de renseignement, mais que l'image de ces services est trop souvent en décalage avec la réalité ; elle ne pourrait que s'améliorer par une transparence accrue.

M. François Lamy a rappelé que, sous la précédente législature, la commission de la défense avait adopté une proposition de loi présentée par M. Arthur Paecht tendant à la création d'une délégation parlementaire pour les affaires du renseignement et qu'il pourrait être opportun de reprendre une telle initiative, à même de répondre au problème posé. Puis, il a suggéré que la commission puisse entendre le responsable du commandement des opérations spéciales (COS), directement placé sous les ordres du chef d'état-major des armées.

M. Yves Fromion a fait remarquer qu'il avait entendu le commandant du COS en sa qualité de rapporteur pour les crédits du renseignement.

Le président Guy Teissier a indiqué qu'il s'est inquiété du contrôle parlementaire du renseignement dès son élection à la présidence de la commission. A son initiative, le bureau de la commission a effectué une très intéressante visite des locaux de la DGSE à Paris. De plus, la commission dispose d'un rapporteur budgétaire spécialisé dans les questions de renseignement. Dans une grande démocratie, un contrôle est hautement souhaitable, même s'il existe une tradition de discrétion à l'égard des opérations spéciales.

Le président Guy Teissier s'est dit ouvert à l'idée d'une reprise de la proposition de loi de M. Arthur Paecht, puis il a émis deux propositions. Il a suggéré que, sur le moral dans les armées, la commission puisse auditionner le directeur de la DPSD et que, sur les questions de renseignement, elle entende le secrétaire général de la défense nationale.

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Dissuasion nucléaire (avis).

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Antoine Carré, les crédits de la dissuasion nucléaire pour 2005.

M. Antoine Carré, rapporteur pour avis, a souligné que, si la dissuasion nucléaire continue à peser d'un poids important dans les crédits d'équipement militaires, sa part relative commence à régresser progressivement, au fur et à mesure de l'avancement des grands programmes liés à sa modernisation d'ensemble, tels que les missiles M 51 et air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A), le renouvellement de la flotte de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins nouvelle génération (SNLE-NG) et la simulation. L'effort en cours permettra de disposer d'un outil de dissuasion rénové, efficace et opérationnel jusqu'à l'horizon 2030-2040. A ce stade, réduire les crédits porterait atteinte à la cohérence du système et, compte tenu du caractère tendu des différents calendriers en jeu, pourrait entamer la permanence de la dissuasion.

Le projet de loi de finances pour 2005 écarte ces dangers. La part de la dissuasion nucléaire atteindra 20,7 % du titre V en 2005. Au-delà de 2008, elle devrait se situer aux alentours de 17 %. Pour 2005, les autorisations de programme baissent de 7,9 % et les crédits de paiement progressent de seulement 1,15 %.

La force océanique stratégique (FOST) doit mener à bien deux programmes majeurs : les SNLE-NG et le missile M 51. Les deux calendriers sont étroitement liés et également tendus. Le programme M 51 est indispensable pour faire face à l'obsolescence inévitable des M45 actuels et au passage aux armes robustes. L'instrument balistique de la dissuasion est susceptible ultérieurement de nouveaux perfectionnements pour s'adapter à la menace et le M 51 permet une amélioration significative de la précision, tout en offrant une souplesse plus grande dans la mise en oeuvre des plans de tirs. L'année 2004 comprend deux échéances importantes pour la force océanique et stratégique, suivies avec une grande attention : si le calendrier du Vigilant est conforme aux prévisions, l'indisponibilité périodique pour entretien et réparations du Triomphant a pris un certain retard, pour des raisons techniques. Même si les marges de manœuvre sont désormais très étroites, le calendrier devrait être tenu. L'IPER du Triomphant a duré trente mois et son coût global s'établit à 270 millions d'euros.

En ce qui concerne les forces aériennes stratégiques (FAS), le modèle d'armée 2015 en prévoit la modernisation avec la mise en service de l'ASMP-A et du Rafale. Le renouvellement des missiles dont dispose la composante aéroportée a été décalé d'un an, mettant à profit la prolongation de la durée de vie de la TN 81 équipant l'ASMP. Le programme ASMP-A se déroule techniquement très bien. Outre leur complémentarité avec la FOST, il convient de noter que les FAS offrent un usage en quelque sorte « dual » : seulement 15 % des missions assurées par les Mirage 2000 N sont strictement d'ordre nucléaire et la séparation entre conventionnel et nucléaire est parfois artificielle. Une mission de projection lointaine conventionnelle lors d'un exercice participe également d'une certaine manière à la crédibilité de la dissuasion. La question du renouvellement du parc des ravitailleurs est particulièrement importante pour les FAS.

Une part importante des crédits consacrés à la dissuasion fait l'objet d'un transfert à la direction des applications militaires (DAM) du commissariat à l'énergie atomique (CEA), avec 41,8 % des crédits de paiement en 2005. Les sommes affectées à la DAM sont destinées à trois grandes fonctions : les matières fissiles, la propulsion nucléaire et les charges nucléaires, par ordre croissant. De fait, l'essentiel des crédits est absorbé par le programme de simulation et par le démantèlement des installations de production de matière fissile. Le programme de simulation constitue un immense défi stratégique et scientifique, avec pour objectif de garantir la pérennité de la dissuasion dans un contexte d'interdiction des essais. C'est également un défi financier : il devrait représenter le tiers des crédits transférés en 2005 et le coût de l'ensemble du programme, de 1996 à 2010, devrait s'élever à 5 milliards d'euros environ. La date prévue pour l'ignition du laser mégajoule a été repoussée d'un an, tant pour des raisons budgétaires que pour donner davantage de marge de manœuvre technique à la DAM, s'agissant d'un programme d'une grande complexité. Cette mesure ne remet pas en question le passage d'expérience entre les ingénieurs ayant connu les essais et les nouveaux concepteurs d'armes, qui reste absolument essentiel.

Le programme de démantèlement des deux sites de production de matières fissiles de qualité militaire, Marcoule pour l'uranium enrichi et Pierrelatte pour le plutonium, se trouve à des stades d'avancement très différents. Pour le site de Pierrelatte, les opérations devraient être achevées à la fin de 2007. Dans le cas de Marcoule, le calendrier prévisionnel du démantèlement et de l'assainissement s'étale sur quarante ans et représenterait 5,6 milliards d'euros hors taxes. La reconversion du site de Marcoule subit en outre les retards préoccupants de la mise au point de ses modalités de financement. Un fonds civil, prévu dans la loi de programmation militaire, doit contribuer au démantèlement à hauteur de 80,7 millions d'euros par an. Le financement résiduel, d'environ 25 à 30 millions d'euros par an, serait assuré par le budget de la défense. La mise en place du fonds devrait être effective d'ici fin 2004. Toutefois, l'imminence de la constitution du fonds a été annoncée à de nombreuses reprises depuis deux ans et l'absence de solution définitive a conduit à des expédients qui ne sont guère satisfaisants.

Les années 2003 et 2004 ont été marquées par des événements qui font craindre une accélération du phénomène de prolifération des armes nucléaires, comme dans les cas de la Corée du Nord et de l'Iran. Si les inspections réalisées par l'agence internationale de l'énergie atomique dans ce dernier Etat n'ont à ce jour pas permis à l'agence de conclure à la nature militaire du programme, bien des indices sont inquiétants et font craindre la poursuite d'objectifs militaires. L'importance des réseaux clandestins destinés à vendre ou échanger des matériels sensibles et des connaissances scientifiques a été mise en évidence avec le démantèlement du programme nucléaire clandestin libyen, mené à partir de décembre 2003.

L'accent mis par les Etats-Unis sur la défense antimissile pose d'autres types de problèmes, celui de l'indépendance française, voire européenne, et celui du « gap » technologique. En l'état actuel des choses, le « bouclier » américain reste très modeste et peut seulement contrer une éventuelle menace nord-coréenne. Toutefois, à terme, il n'est pas exclu que les performances s'améliorent de façon très significative. Les montants consacrés à la défense antimissile sont en effet considérables, avec 53 milliards de dollars entre 2004 et 2009, et des effets pourraient se faire sentir dans bien d'autres secteurs de la défense.

Il convient donc de ne pas relâcher l'effort de recherche en deçà d'un certain niveau, pour faire face à l'évolution des menaces et garantir la pérennité de la dissuasion. De plus, les besoins de recherches sont élevés dans des secteurs connexes à la dissuasion, comme la défense antimissile de théâtre, dont la France prévoit de se doter d'une première capacité à l'horizon 2012.

Seul Etat européen maîtrisant l'ensemble de la filière nucléaire et balistique militaire de manière indépendante, la France possède un atout exceptionnel pour participer de manière décisive à la construction d'une Europe apte à assurer l'ensemble de sa défense, lorsque les esprits auront évolué et le moment sera venu.

M. René Galy-Dejean s'est réjoui de l'effort consenti pour le maintien d'une dissuasion de bon niveau et fiable à tous égards. Si l'Europe veut devenir un continent-puissance, elle ne pourra faire l'impasse d'une capacité nucléaire. Par ailleurs, il a souhaité avoir des précisions sur l'état d'avancement du projet de défense antimissile de théâtre.

M. Antoine Carré, rapporteur pour avis, a confirmé la poursuite de ce programme, dont l'objectif final reste fixé à 2012.

M. Jérôme Rivière a demandé les raisons qui ont motivé le décalage d'un an de la date de mise en service du laser Mégajoule (LMJ). Ce programme de recherche est mené en commun avec les Américains sur certains aspects techniques. Dès lors, ce retard ne serait-il pas imputable à l'évolution générale des relations entre la France et les Etats-Unis ?

M. Antoine Carré, rapporteur pour avis, a indiqué que la coopération menée avec les Etats-Unis reposait sur une entente certaine. Ce décalage est lié à la complexité technique du projet et vise à donner une marge de manœuvre suffisante pour en assurer le succès, avec une première ignition du LMJ en 2012.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la dissuasion nucléaire pour 2005.

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Services communs (avis).

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Claude Viollet, les crédits des services communs pour 2005.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis, a rappelé que les services communs du ministère de la défense accomplissent quotidiennement des missions indispensables pour assurer la permanence de l'opérationnalité et la pleine efficacité de l'action de nos forces armées. Au cours des dernières années, ils ont dû se réformer en profondeur afin de s'adapter, dans un contexte budgétaire contraint, aux conditions nouvelles de la professionnalisation, en même temps qu'ils devaient faire face à un développement important des opérations extérieures et s'impliquer dans la construction de la défense européenne. Si le projet de loi de finances initiale pour 2005 doit globalement permettre à ces services de répondre aux besoins de nos armées, dans le cadre des objectifs fixés par la loi de programmation militaire pour la période 2003-2008, il n'en reste pas moins que des difficultés doivent être résolues pour permettre à chacun d'eux de remplir dans les meilleures conditions l'ensemble de ses missions.

La délégation générale pour l'armement (DGA), après une première mutation réussie, à en juger tout à la fois par la réduction des coûts des programmes d'armement qu'elle pilote et par celle de ses propres coûts d'intervention, s'apprête à mettre en place sa nouvelle organisation, poursuivant ainsi sa modernisation en adéquation avec l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Les crédits de fonctionnement s'élèvent à 392,13 millions d'euros, en augmentation de 8,19 millions d'euros, soit + 2,1% par rapport à 2004. Le budget d'équipement pour 2005, budget civil de recherche et développement compris, s'établit à 1 841,851 millions d'euros en autorisations de programme, en diminution de 111,917 millions d'euros, soit - 5,7 % par rapport à 2004, et 1 965,041 millions d'euros en crédits de paiement, en augmentation de 151,265 millions d'euros, soit + 8,3 % par rapport à 2004. Le coût d'intervention de la DGA devrait s'élever pour l'année 2004 à 911 millions d'euros, soit une valeur quasi équivalente à l'année 2003 (912 millions d'euros), représentant une baisse de 30 % en euros constants par rapport à 1996. Au demeurant, la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances devrait fournir les éléments comptables propres à mieux mesurer encore l'efficacité de la DGA. Celle-ci poursuit avec succès l'objectif de réduction des coûts des programmes de 30 % qui lui avait été fixé en 1996, notamment en recourant aux financements innovants ainsi qu'à l'externalisation. Cependant, les importantes mises en réserve de crédits la condamnent à acquitter des intérêts moratoires trop élevés.

Le service de santé des armées (SSA) accentue ses efforts de recrutement, pour pallier ses sous-effectifs, continue de dispenser une formation initiale et continue de la plus haute qualité, dans un partenariat particulièrement fructueux avec l'Université, développe la recherche et poursuit la rénovation et la modernisation de ses infrastructures. Dans un contexte budgétaire contraint, il verra son budget croître de 83,45 % en 2005. L'augmentation importante de 231,161 millions d'euros (+ 107 %) des rémunérations et charges sociales entre 2004 et 2005, en dehors des mesures de revalorisation de la condition militaire communes avec les autres armées, est due à la prise en compte des personnels civils, pour 177 millions d'euros, en prévision de l'expérimentation de globalisation des crédits du service et des infirmiers des forces en 2005 (49 millions d'euros), ainsi qu'à des mesures d'augmentation d'effectifs et à la modification du statut des praticiens des armées. La situation des effectifs en 2004 demeure insatisfaisante, en dépit des mesures adoptées par le service, dont les effets ne sauraient être immédiats : en 2004, l'effectif budgétaire des médecins des armées connaît un sous-effectif de 279 postes, soit 11,9 % ; au 1er janvier 2003, les effectifs des personnels civils présentaient un déficit (écart entre les effectifs budgétaires et les effectifs réalisés) de 766 personnes (14 %). La féminisation accrue des armées, particulièrement sensible au sein du SSA, appelle l'adaptation de la gestion des personnels à cette nouvelle réalité. Aussi, pour concilier les exigences du service avec sa féminisation, une première solution pourrait-elle consister à privilégier, à la sortie des études, le choix de l'affectation selon le critère du poste au détriment du critère de l'arme, comme cela est d'ailleurs prévu dans le projet de loi portant réforme du statut général des militaires. Une solution complémentaire résiderait dans l'introduction de plus de souplesse dans le dispositif, en proposant aux médecins notamment, mais aussi aux autres personnels du SSA, de pouvoir opter entre une affectation dans les effectifs à vocation opérationnelle et les effectifs « du socle ». Les personnels sous statut MITHA (médecins, infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées) vont bénéficier d'une prime de sujétion hospitalière pour servitude nocturne destinée à indemniser le travail de nuit de ces personnels dans les hôpitaux d'instruction des armées (HIA). Par ailleurs, la participation du SSA aux opérations extérieures « multi-théâtres » n'est pas sans conséquences sur son fonctionnement. Le soutien opérationnel est assuré par prélèvement de personnels sur les forces et sur les organismes relevant du service et les effets se font sentir principalement sur les effectifs de chirurgiens au sein des formations hospitalières d'infrastructure.

Le service des essences des armées (SEA), indispensable à l'action de nos forces, poursuit la mise aux normes de ses infrastructures et le renouvellement de ses matériels, mais doit aujourd'hui envisager la reconstitution de ses stocks, largement engagés pour faire face à la flambée des prix du pétrole, tout en tenant au plus près ses dépenses. De même, il va rencontrer également un besoin spécifique de crédits pour la dépollution des sites qu'il abandonne, afin de permettre leur mise en vente aux fins de réutilisation civile. Les crédits du SEA inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005 s'élèvent à 117 millions d'euros contre 91,83 millions d'euros en 2003. Le programme de gestion des sites et sols pollués ou potentiellement pollués, commencé en 2001, sera poursuivi. Le coût des opérations de démantèlement et de dépollution lié à des fermetures d'établissement est imputé sur les crédits du service. Le projet de loi de finances prévoit en outre la création d'un fonds interarmées de dépollution destiné à financer les opérations de dépollution de sites distingués comme étant prioritaires. Des problèmes de gestion des stocks de carburant se font jour pour l'année 2004. En effet, à l'instar de ce qu'il était en 2003, le stock de crise, dévolu à l'approvisionnement du pays, s'élève à 248 000 m3 ; le stock dit « d'outil d'exploitation » s'élève, pour sa part, à 45 623 m3. En revanche, le stock dévolu aux opérations extérieures (150 000 m3 en 2003) a été entièrement consommé sans être renouvelé ; il conviendrait en conséquence de permettre au SEA de reconstituer rapidement ce stock.

La délégation à l'information et à la communication de la défense (DICoD) participe au tout premier plan, à travers ses différentes actions, au renforcement du lien armée-nation ainsi qu'aux actions de recrutement. Au-delà, elle est également présente sur l'ensemble des opérations extérieures où, notamment, elle organise et gère la communication en direction des populations des théâtres concernés. Aussi, avec la mise en place du schéma directeur de communication 2005-2007, doit-elle encore renforcer sa place dans l'ensemble de notre dispositif de défense. La DICoD a su réaliser des économies puisque les effectifs ont été réduits à 81 personnes, ce qui représente une économie de 2,226 millions d'euros en rémunérations et charges sociales, et que ses budgets de fonctionnement ont été réduits de 0,751 million d'euros. Par ailleurs, les coûts d'édition et d'expédition des revues ont été diminués de 0,622 million d'euros et les conditions du nouveau marché (2004-2007) devraient permettre de réaliser une économie de 0,83 million d'euros en comparaison avec l'année 2003. Si l'effort de « mutualisation » des coûts propres aux revues ne peut manquer d'être salué, la DICoD est ainsi lourdement pénalisée par un dispositif qui la contraint à faire l'avance des frais pour les revues des armées et services à hauteur de 25 % de ses ressources.

Le rapporteur pour avis ayant déclaré s'en remettre à la sagesse de la commission, celle-ci a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des services communs pour 2005.

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Affaires étrangères (avis).

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. François Lamy, les crédits des affaires étrangères pour 2005.

M. François Lamy, rapporteur pour avis, a tout d'abord constaté que, comme les années passées, la France honorera ses engagements financiers auprès de l'organisation des Nations Unies (ONU). Sont ainsi inscrits un peu moins de 223,2 millions d'euros pour le budget ordinaire de l'ONU, des institutions spécialisées et des tribunaux internationaux, et un peu plus de 136,2 millions d'euros pour le budget des opérations de maintien de la paix. Les opérations de maintien de la paix auxquelles la France participe ne relèvent pas toutes du budget des Nations Unies. Certaines sont bilatérales, leur financement étant dans ce cas imputé sur le budget du ministère de la défense. Il est donc important que le projet de loi de finances initiale pour 2005 prévoie à cet effet une provision de 100 millions d'euros. Ce mécanisme, dont la commission a défendu le principe de manière récurrente depuis plusieurs années, est un pas dans la bonne direction, même s'il est vraisemblable qu'il ne permettra pas de couvrir la totalité des dépenses prévisibles. Au total, la France fournira cette année un effort similaire à celui de 2003 pour le maintien de la paix dans le monde puisque, au 1er juin 2004, elle déployait à cet effet 7 109 militaires dans un cadre national, 6 481 autres en coalition sous mandat du Conseil de sécurité, et 361 hommes sous la responsabilité du département des opérations de maintien de la paix de l'ONU, soit un total de plus de 13 950 soldats contre 14 086 un an plus tôt.

En complément de son soutien à l'ONU, la France apporte son appui à la politique européenne de défense et de sécurité. La création d'une agence européenne de défense ainsi que la mise en place d'un quartier général européen et de groupes interarmées d'intervention rapide constituent autant d'avancées nouvelles qui confortent les bases établies lors du Conseil européen d'Helsinki, en décembre 1999. Il convient à présent de traduire ces engagements par des actes, à commencer sur le plan budgétaire. Là encore, il faut distinguer les dépenses communes, imputées au budget général de l'Union, qui est lui-même alimenté par les contributions des Etats membres, et les dépenses qui relèvent directement des ministères de la défense et concernent les opérations militaires à proprement parler, à l'instar des missions Concordia, en Macédoine, et Artémis, en Ituri, l'an passé. En 2005, l'Union européenne relèvera la Stabilization force (SFOR) de l'organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) en Bosnie-Herzégovine, avec l'opération Althéa. Le montant engagé par le budget communautaire au titre de la politique étrangère et de sécurité commune s'élève à 62,6 millions d'euros pour 2004, soit une hausse de 31,8 %. Le Conseil envisage de le reconduire en 2005. La part de la France s'élèvera à près de 12 millions d'euros pour 2004 et 2005. En contrepoint, la cotisation de la France aux budgets civil et militaires de l'organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) sera, en 2005, de 134,7 millions d'euros, ce qui la place parmi les principaux contributeurs financiers de l'Alliance atlantique. La part incombant au budget des affaires étrangères, de l'ordre de 23,7 millions d'euros, sera bien moindre que celle du budget de la défense, qui avoisine 111 millions d'euros.

Le rapporteur pour avis a ensuite évoqué la politique de coopération militaire et de défense qui constitue l'un des fondements de l'influence militaire de la France et un outil diplomatique important. Elle est supervisée par le ministère des affaires étrangères, au titre de l'ensemble des actions de coopération à l'étranger. Ce choix, résultant de l'intégration du ministère de la coopération en 1998, avait sa cohérence. Il se trouve néanmoins remis en cause dans les faits, sous les coups de boutoir budgétaires et, corrélativement, par l'importance toujours bien réelle de l'implication sur le terrain du ministère de la défense. Le projet de loi de finances initiale pour 2005 dote la direction de la coopération militaire et de défense (DCMD) d'environ 93,5 millions d'euros, soit un montant équivalent à celui de 2004. Quelques redéploiements internes sont néanmoins prévus au profit de la formation des stagiaires étrangers, en augmentation de 2,7 %, et des actions de coopération avec des organisations régionales, en hausse de 166 %. Bien que le conseil de défense, qui s'est tenu le 5 mai 2003, ait réduit le champ d'action géographique de la DCMD à l'Afrique, le reste de la coopération militaire étant laissé aux armées, il n'y a guère de doute que de nouvelles réductions de crédits parachèveraient une remise en cause des acquis de 1998. En termes d'effectifs, le réseau des attachés de défense représente d'ailleurs 600 militaires tandis que le nombre des coopérants de la DCMD atteint à peine 359 personnes.

Au regard des dispositions du projet de loi de finances pour 2005, la détermination du ministère des affaires étrangères à préserver l'existence de la DCMD est d'autant plus sujette à caution qu'un chapitre « coopération militaire », d'un montant très légèrement supérieur aux crédits de cette direction, est inscrit au projet de budget du ministère de la défense. Lors de son audition par la commission, le 5 octobre, la ministre de la défense n'a pas caché qu'elle souhaite reprendre à son compte la responsabilité de la coopération militaire. Il n'est pas sûr que son ministère y gagnerait financièrement ; de surcroît, la politique de coopération militaire et de défense perdrait sans doute en légitimité à ce mélange des genres. De manière plus générale, il est regrettable que ni le ministère des affaires étrangères, ni son homologue de la défense, ne soient en mesure d'évaluer l'efficacité de cette coopération. Compte tenu de l'intérêt constant que la commission a manifesté à la question, il serait bon qu'elle suive attentivement les évolutions en cours et, le cas échéant, qu'elle se prononce sur le devenir de la DCMD.

En conclusion, le rapporteur pour avis a jugé que, à l'exclusion des contributions financières au fonctionnement des organisations internationales de défense et de sécurité que la France se doit d'honorer, les crédits du ministère des affaires étrangères ne lui permettront pas de mener une politique de coopération de défense à la hauteur des ambitions affichées. Pour cette raison, et comme les années passées, il a estimé ne pas pouvoir donner un avis favorable et il s'en est remis à la sagesse de la commission.

La commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits des affaires étrangères pour 2005.

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