COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 33

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 30 mars 2005
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Francis Delon, secrétaire général de la défense nationale

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Audition de M. Francis Delon, secrétaire général de la défense nationale.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Francis Delon, secrétaire général de la défense nationale.

Le président Guy Teissier a souligné qu'avec le secrétariat général de la défense nationale (SGDN), la France dispose d'une institution atypique, spécifiquement dédiée à la coordination interministérielle en matière de défense et de sécurité. Il a souhaité que M. Francis Delon présente les missions et l'organisation du SGDN et s'attarde plus particulièrement sur deux aspects : le travail du comité interministériel du renseignement (CIR) et la coordination des actions d'intelligence économique, sujet que la commission a abordé au travers d'un rapport d'information que viennent de lui présenter MM. Bernard Deflesselles et Jean Michel.

Il a ensuite mentionné la richesse du parcours professionnel de M. Francis Delon. Chargé de mission au cabinet de M. Jean-Bernard Raimond, ministre des affaires étrangères de 1986 à 1988, puis nommé à la mission permanente de la France auprès de l'Organisation des Nations unies, il a ensuite changé d'horizon pour l'éducation nationale en devenant le directeur de cabinet de M. François Bayrou. Il a ensuite réintégré le Conseil d'État, son corps d'origine où il a présidé une formation contentieuse. En parallèle, il est devenu un spécialiste du cinéma ; Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, lui ayant notamment confié une mission d'évaluation des salles multiplexes. Secrétaire général de la défense nationale depuis juillet 2004, il a déjà eu l'occasion, à ce titre, de s'entretenir avec certains membres de la commission, notamment M. Yves Fromion, dans le cadre de son rapport budgétaire.

M. Francis Delon s'est déclaré d'autant plus réjoui de s'exprimer devant la commission que la précédente audition d'un secrétaire général de la défense nationale remonte à plusieurs années. Il a ensuite dressé le panorama des missions du SGDN.

Le besoin d'une instance de coordination permanente des différents ministères participant à la défense nationale est apparu dès le début du XXème siècle, en 1906 très précisément, mais il s'est réellement traduit dans les faits en 1962 avec la création du secrétariat général de la défense nationale, placé sous l'autorité du Premier ministre. L'évolution de la conception et des réalités de la défense et de la sécurité a progressivement orienté les missions du SGDN vers un cadre plus étendu que celui de la défense nationale stricto sensu. Par-delà la permanence de ses missions fondamentales, son champ d'action a connu un élargissement sensible : il se situe aujourd'hui au point de convergence de l'ensemble des dossiers intéressant la sécurité intérieure et extérieure de la France.

Le SGDN est, avec le secrétariat général du gouvernement, le SGG, et le secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne, le SGCI, l'un des principaux secrétariats généraux sur lesquels s'appuie le Premier ministre pour l'animation et la coordination interministérielles.

Service du Premier ministre, travaillant en liaison étroite avec la Présidence de la République, le SGDN assiste le chef du Gouvernement dans l'exercice de ses responsabilités en matière de défense et de sécurité nationales. À ce titre, il assure, en liaison étroite avec l'état-major particulier du Président de la République et le cabinet du Premier ministre, le secrétariat des réunions interministérielles de haut niveau présidées par le chef de l'État, le chef du Gouvernement ou leurs principaux collaborateurs, notamment les conseils de défense et les comités de défense, et il prend directement en charge certaines fonctions plus « verticales » confiées aux services du Premier ministre.

Le SGDN donne la priorité à la réflexion, à la préparation de la décision et au suivi de la mise en œuvre de celle-ci. Il coordonne et anime des groupes de travail constitués avec le concours des ministères concernés, notamment ceux chargés de la défense, des affaires étrangères, de l'intérieur, de l'économie, des finances et de l'industrie, de la santé, de la recherche et des transports.

Au titre de la préparation de l'État aux crises et risques majeurs, le SGDN est chargé d'élaborer une planification de sécurité nationale, comprenant Vigipirate et ses plans dérivés, et de veiller à la cohérence de la politique d'entraînement et de conduite des exercices dans ce domaine. Il met à la disposition du Gouvernement des moyens de télécommunications sécurisés, notamment pour la gestion des crises. Il apporte sa contribution au conseil de sécurité intérieure, dont le secrétaire général de la défense nationale est membre.

Le SGDN suit, en liaison avec les départements ministériels concernés, l'évolution des crises et des conflits internationaux pouvant affecter les intérêts de la France, ainsi que les grandes questions stratégiques et européennes en matière de sécurité. Ces capacités participent à l'établissement, au profit des plus hautes autorités de l'État, de synthèses et d'évaluations des éléments se rapportant à une crise, et contribuent à la définition de mesures de réponse appropriées.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont incité le SGDN à renforcer sa capacité de veille et d'alerte sur les crises extérieures ou intérieures susceptibles d'affecter la sécurité des intérêts de la France. Cette veille s'exerce désormais vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.

Le SGDN pilote la mise en place du volet sécuritaire de la politique de développement de la société de l'information, décidée par le Gouvernement. Il met en œuvre un plan de renforcement de la sécurité des systèmes d'information afin de sécuriser les principaux réseaux gouvernementaux, aux échelons central et local, ainsi que ceux utilisés pour la gestion des infrastructures vitales. Dans ce cadre, il veille à ce que le développement des technologies de l'information et de la communication ne se traduise pas par un accroissement de la vulnérabilité de nos systèmes d'information. Il apporte ainsi son soutien à l'ensemble des administrations par des missions d'audit et de conseil et procède à l'évaluation des dispositifs de protection des services de l'État et des produits destinés à cette fonction.

Afin de renforcer la sécurité des réseaux et systèmes d'information gouvernementaux, le SGDN met en œuvre le centre opérationnel de la sécurité des systèmes d'information (COSSI) qui, outre une mission générale de prévention, coordonne l'action des ministères en cas d'incidents graves, alerte les autorités et élabore les mesures de protection et de réaction. Le COSSI, lui aussi, fonctionnera bientôt vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.

Le SGDN contribue, en outre, en liaison avec les grands opérateurs, à l'identification et à la surveillance des risques affectant la sécurité des systèmes d'information : intrusions dans les réseaux, interceptions malveillantes de communications, prolifération des virus informatiques, manipulations techniques de l'information.

Une autre mission prioritaire assignée au SGDN est le contrôle des exportations d'armement et du transfert des technologies sensibles. Le secrétaire général préside les réunions de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériel de guerre, la CIEEMG et coordonne les travaux d'élaboration des directives du Premier ministre concernant l'exportation de matériels de guerre et de technologies sensibles.

Quant à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, elle requiert de suivre les négociations internationales et la mise en œuvre des conventions et arrangements multilatéraux, ainsi que de coordonner le contrôle des exportations de biens et de technologies à double usage. Le SGDN pilote également des études et des évaluations sur les risques engendrés par la prolifération des armes de destruction massive et il participe à la veille générale et stratégique dans les domaines nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC), ainsi que balistique et spatial.

Pour faire face aux contraintes d'une économie mondiale imposant des efforts permanents pour renforcer la compétitivité de la France, le Gouvernement a décidé, fin 2003, de donner un nouvel élan à la politique publique d'intelligence économique. À cette fin, il a institué un haut responsable chargé de l'intelligence économique, qui, en raison du caractère interministériel de sa mission, a été placé auprès du secrétaire général de la défense nationale. Le haut responsable assure la synthèse et organise la diffusion de l'information disponible en matière d'intelligence économique. Il veille également à l'élaboration et, le cas échéant, concourt à la mise en œuvre des mesures et des orientations du Gouvernement visant au renforcement des capacités nationales en ce domaine.

M. Francis Delon a ensuite décrit le rôle du SGDN dans le domaine du renseignement et plus particulièrement au sein du comité interministériel du renseignement.

Selon les termes de l'ordonnance de 1959 portant organisation générale de la défense, l'orientation et la coordination des services de renseignement sont assurées par un comité interministériel du renseignement, le CIR, placé sous l'autorité du Premier ministre et dont le secrétariat est assuré par le secrétaire général de la défense nationale. En exécution des plans, orientations et décisions arrêtés en conseil de défense ou en comité interministériel du renseignement, le secrétaire général de la défense nationale est chargé de notifier les objectifs en matière de renseignement, d'animer la recherche du renseignement dans les domaines intéressant la défense et d'en assurer l'exploitation au profit du Gouvernement et des organismes concernés. À ce titre, le CIR élabore le plan national de renseignement, le PNR, sorte de charte gouvernementale soumise à l'approbation du Président de la République.

Pour accomplir sa mission de secrétariat du CIR, le secrétariat général de la défense nationale dispose d'un secrétariat permanent, le SP-CIR. Celui-ci coordonne les travaux préparatoires aux réunions plénières, rédige les relevés de décisions qui en émanent et suit leur mise en œuvre. Il accompagne également la mise en œuvre du PNR et suit l'orientation des services. Enfin, il anime les groupes de travail interservices prévus dans le cadre du PNR, prépare des réunions ad hoc avec les services de renseignement et rédige des notes de synthèse de renseignement et d'évaluation, portant notamment, dans le cadre de la mise en œuvre du plan national Vigipirate, sur la menace terroriste.

Le comité interministériel du renseignement, dans sa formation plénière, est présidé par le Premier ministre et réunit les ministres concernés par le renseignement, c'est-à-dire ceux chargés de la défense, de l'intérieur, des affaires étrangères, de l'économie, des finances et du budget, de l'industrie, de la recherche, des télécommunications, de l'espace et de l'outre-mer, ainsi que, en tant que de besoin, d'autres membres du Gouvernement. Il comprend également le secrétaire général du Gouvernement et le secrétaire général de la défense nationale. En outre, le Premier ministre peut convoquer toute personne qualifiée en raison de sa compétence, en particulier le haut responsable chargé de l'intelligence économique.

Les directives nationales en matière de renseignement, les DNR, qui constituent le plan national de renseignement, ont été actualisées en 2003 pour la période 2003-2005. Elles définissent les priorités gouvernementales en la matière et orientent les services en conséquence. L'activité des groupes de travail qui mettent en œuvre les DNR se révèle particulièrement utile, eu égard à leur dimension interministérielle et fait l'objet de rapports périodiques. Parallèlement, des groupes de travail ad hoc sont mis en place, en tant que de besoin, avec l'ensemble des services concernés, en particulier lors des situations de crise. Ce fut notamment le cas, au quotidien, lors de la crise irakienne.

Destinées à la fois à orienter la recherche et à permettre aux services d'adapter leur dispositif et leur investissement à moyen terme, les DNR demeurent flexibles et prennent en compte les orientations nouvelles que peut imposer un environnement international en mouvement. Le Gouvernement peut ainsi définir des efforts de renseignement à accomplir sur des menaces avérées, en fonction de leur intensité, et sur des menaces émergentes.

En conclusion, M. Francis Delon a fait valoir que le SGDN n'est pas un service de renseignement. Quoique sa fonction renseignement soit essentielle en ce qu'il entretient des contacts quotidiens avec les services civils et militaires, il la mène dans un cadre interministériel parfaitement défini et n'interfère aucunement dans la mise en œuvre opérationnelle.

Le président Guy Teissier a demandé si le SGDN, eu égard à l'étendue de ses missions de coordination d'un grand nombre de ministères et de services, de veille sur la cohérence de la politique en matière de sécurité, de conduite de plans comme Vigipirate, de surveillance de la vulnérabilité des systèmes de communication, de contrôle des exportations d'armements, et d'orientation de la stratégie des services de renseignement, n'était pas devenu une sorte de Department of Homeland Security (DHS) à la française.

Après avoir souligné que le DHS était actuellement dans une phase de réforme, sous l'impulsion de son nouveau secrétaire récemment confirmé par le Sénat, M. Michael Chertoff, M. Francis Delon a estimé que les situations administratives des États-Unis et de la France étaient difficilement comparables. En France, traditionnellement, le ministre de l'intérieur est puissant : avec la direction de la surveillance du territoire, la DST, celle des renseignements généraux et celle de la police nationale, il est le bras armé du Gouvernement, et le SGDN n'a certainement pas vocation à lui faire concurrence.

La défense et la sécurité, prises au sens large, fonctionnent de manière horizontale, aucune administration n'ayant la maîtrise totale de ces dossiers. Le ministère de la défense est concerné au premier chef par les questions de renseignement, notamment à travers la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), mais la sécurité englobe de plus en plus d'éléments non traditionnels, comme la sécurité de l'information, avec une dimension technologique, qui relève ainsi de la compétence de ministères techniques. De même, la sécurité NRBC, qui concerne surtout le ministère de l'intérieur, fait aussi appel à certaines compétences du commissariat à l'énergie atomique (CEA), qui dépend des ministres de la défense, de l'industrie et de la recherche. On peut certes demander au SGDN, pour faire face à une urgence, de remplir une mission particulière, mais sa vocation est de coordonner, pas de faire, et il n'a pas vocation à voir son périmètre de compétences grossir au point d'en faire un quasi-ministère.

Le président Guy Teissier ayant rappelé qu'à l'origine le SGDN tendait à ce but, M. Francis Delon a précisé qu'après la réforme conduite par M. Jean Picq, le SGDN s'était recentré sur les missions indispensables au Gouvernement et sa flexibilité avait été renforcée pour qu'il soit capable de s'adapter aux demandes formulées par le Président de la République et le Premier ministre, en fonction de l'évolution des risques.

M. Jean-Michel Boucheron a souhaité y voir plus clair concernant la coordination, le financement et la structure des actions d'intelligence économique. Il a également demandé comment le SGDN évaluait la réforme fondamentale en cours aux États-Unis, qui tend à scinder le renseignement en trois pôles : l'aspect technologique traditionnel, l'acquisition d'informations sur le terrain par des linguistes et enfin l'intelligence économique, c'est-à-dire la protection des intérêts économiques et des brevets et l'infiltration des moyens de recherche étrangers, en particulier européens.

M. Francis Delon a confirmé que les États-Unis, à la suite des événements du 11 septembre 2001 et de la polémique sur l'affaire irakienne, avaient entrepris une réflexion sur le rôle et l'efficacité de leurs services de renseignement. Ce processus a débouché sur la décision de créer un poste de directeur national du renseignement. Sous réserve de sa confirmation par le Sénat, M. John Negroponte devrait être nommé à ce poste courant mai ; son adjoint sera le général Michael Hayden, actuel directeur de la National Security Agency (NSA). Cette décision répond aussi à la nécessité de coordonner le très grand nombre d'agences de renseignement et de proposer à la Maison Blanche des pistes d'orientation à long terme. Les États-Unis semblent comprendre que l'accent mis sur le renseignement technologique, illustré par les succès de la NSA, a peut-être provoqué une perte de contact avec les réalités du terrain. L'échec de la CIA à propos des armes de destruction massive irakiennes est en partie imputé au déficit en hommes sur le terrain et à la confiance trop grande accordée à des observations satellitaires mal interprétées.

Le secrétaire général de la défense nationale a également expliqué que le besoin de disposer d'un moyen d'action en intelligence économique au sein de l'appareil d'État était devenu évident fin 2003 et s'était traduit par la création du poste de haut responsable de l'intelligence économique, et par la nomination de M. Alain Juillet à ce poste. Sa petite équipe, placée sous l'autorité du SGDN, a constitué un réseau reliant nombre d'administrations d'État, issues en particulier des ministères chargés de l'économie, des finances et de l'industrie, des affaires étrangères, de la défense et de l'intérieur, mais aussi des ministères techniques, dont les représentants se réunissent périodiquement pour mettre en commun leurs informations. Cette action a permis de définir les contours et les secteurs stratégiques d'une politique, puis de mettre sur pied une organisation en incitant tous les ministères concernés à se doter de responsables de l'intelligence économique.

Cette structure doit aller au-delà des administrations centrales et prendre une dimension territoriale. Le ministère de l'intérieur a donc mobilisé les préfets et le SGDN s'efforce de les sensibiliser notamment à l'égard des petites et moyennes entreprises. Une force de frappe juridique et financière se met également en place, le Gouvernement travaillant à la mise en œuvre réglementaire de la récente loi tendant à accentuer le contrôle de certains investissements étrangers.

M. Francis Delon a insisté sur l'importance, en la matière, de la force de frappe financière. Si les Américains sont si efficaces, c'est qu'ils disposent de fonds de pension pour prendre le contrôle d'entreprises. La France est en train de créer cinq fonds d'investissement pour aider des entreprises intervenant dans les secteurs stratégiques à s'imposer dans l'environnement français. Les gestionnaires de ces fonds seront seuls juges, sur la base de critères préétablis, de l'utilité de leurs interventions mais, en parallèle, un dispositif interministériel évaluera la pertinence stratégique de leurs investissements et il leur donnera un avis. La France a donc parcouru beaucoup de chemin en quelques mois et, dans ce domaine, elle ne fait pas partie des pays européens les plus mal placés.

M. Yves Fromion a souhaité savoir si la controverse qui s'est développée autour d'une éventuelle impossibilité, pour les militaires, de mettre en œuvre le signal protégé de la constellation européenne de satellites de navigation Galiléo était fondée ou non.

M. Francis Delon a indiqué qu'il est admis que Galiléo disposera d'un signal protégé, le PRS. Les discussions se poursuivent quant à l'usage qui pourra en être fait.

M. Gilbert Le Bris, sans remettre en cause le fait que le renseignement soit du ressort exclusif de l'exécutif, s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles la représentation nationale française devait se contenter d'un rapport parlementaire annuel sur le SGDN alors que d'autres pays, comme l'Allemagne, l'Italie, les États-Unis ou la Grande-Bretagne, renforcent le contrôle démocratique des services de renseignement à travers des comités ad hoc respectant des règles déontologiques et de fonctionnement précises.

M. Francis Delon a répondu que la question relevait du Gouvernment.

M. Gilbert Meyer, en sa qualité d'ancien rapporteur pour avis sur les crédits du SGDN, a jugé que cet organisme, doté de multiples attributions, était une « usine à gaz », mais que cela n'était pas de son fait puisqu'il exécute les directives gouvernementales. Dans la mesure où il ne fait que coordonner l'organisation des services, quels sont les donneurs d'ordres des actions opérationnelles ?

M. Francis Delon a objecté que le SGDN ne pouvait pas être qualifié d'« usine à gaz ». En effet, si ses missions sont nombreuses, il n'a qu'une fonction de coordination et aucunement de gestion.

Il a également indiqué que chaque responsable de service de renseignement prend les décisions relatives à ses activités opérationnelles et en rend compte au ministre dont il dépend. Le rôle du SGDN est de participer à l'élaboration de la stratégie. Les responsables de tous les services se réunissent également pour traiter de sujets d'intérêt commun et pour mettre leurs informations respectives en perspective, mais aussi, lorsqu'ils sont présents, pour informer les directeurs de cabinet des ministres concernés. C'est particulièrement important sur la question du terrorisme, qui, eu égard à ses dimensions intérieures et extérieures, appelle une gestion horizontale, notamment entre la DST et la DGSE, qui échangent régulièrement leurs évaluations et leurs renseignements.

M. René Galy-Dejean a fait deux constats. En premier lieu, les États-Unis, après le 11 septembre 2001, ont découvert que leurs moyens technologiques de renseignement, colossaux, cachaient des lacunes en matière de recherche humaine. La France, dans ce domaine, est plus performante qu'eux. En second lieu, le SGDN, au titre de la coordination du renseignement, est aussi dispensateur de fonds. Il a souhaité dès lors connaître le jugement du secrétaire général de la défense nationale sur les moyens technologiques de la France en matière de recherche du renseignement. Il a également demandé s'il détient la capacité, à travers les fonds qu'il répartit, de peser sur les orientations des différents services et, dans ce cas, quels sont les objectifs qu'il poursuit.

M. Francis Delon a considéré que la France avait une tradition éprouvée dans le domaine du renseignement humain mais qu'elle avait aussi beaucoup progressé, ces dernières années, dans celui du renseignement technologique, au point de parvenir à un niveau plus qu'honorable. Puis il a assuré que la contribution financière du SGDN au fonctionnement des services entrait dans un cadre fixé par le Gouvernement.

M. Christian Blanc a déploré que la France, depuis dix ou douze ans, ne fabrique pas de croissance, contrairement aux pays scandinaves, à la Bavière, au Bade-Wurtemberg ou à la Catalogne, qui s'inscrivent résolument dans une économie d'innovation. Ce type d'économie consiste à créer une organisation où les entreprises, l'université et la recherche font bloc. Malheureusement, le Premier ministre, il y a encore un an et demi, ne connaissait même pas l'existence de ces clusters. Quant au Président de la République, il accueille avec toutes les faveurs l'idée d'agence de l'innovation avancée par M Jean-Louis Beffa, qui ne fait que perpétuer le modèle pompidolien qui, bien qu'ayant eu quelque succès, est désormais inadapté au contexte économique actuel. Une structure comme le SGDN n'est-elle pas qualifiée pour éclairer nos principaux dirigeants sur ce problème ?

M. Francis Delon a indiqué que l'action du haut responsable chargé de l'intelligence économique se déployait aussi en matière de formation. Un schéma référentiel de formation destiné aux enseignants a été élaboré afin d'instiller la préoccupation de l'intelligence économique dans les programmes universitaires. Il a cependant douté que la tâche consistant à redéfinir le modèle économique de la France soit à la mesure d'une institution comme le SGDN.

Le président Guy Teissier a remercié M. Francis Delon pour la qualité et la pertinence de ses analyses.

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