COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 36

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 3 mai 2005
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense

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- Information relative à la commission

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Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

Le président Guy Teissier s'est réjoui de pouvoir aborder avec la ministre un certain nombre de thèmes dont la commission a débattu au cours des dernières semaines.

Le premier concerne l'Europe de la défense. La commission l'a évoqué lors de l'examen de deux rapports d'information, le premier de M. Yves Fromion sur la recherche dans le domaine militaire, le second de MM. Bernard Deflesselles et Jean Michel sur la participation de capitaux étrangers aux industries européennes d'armement. Comment l'Europe peut-elle envisager et consolider des projets et programmes de défense communs ? De quels moyens dispose-t-elle pour lutter contre des participations notamment américaines qui paraîtraient excessives ? Quel sera le rôle de l'agence européenne de défense (AED) ?

Le deuxième sujet d'interrogations porte sur la situation de Giat Industries. M. Luc Vigneron a exposé devant la commission, le 13 avril dernier, la situation financière tendue de l'entreprise, qu'avaient déjà présentée MM. Georges Siffredi et Jean-Claude Viollet lors de leur deuxième communication sur les mesures sociales d'accompagnement. La question d'une nouvelle recapitalisation reste, semble-t-il, posée.

Le dernier sujet d'interrogations est d'ordre budgétaire et financier. La commission réfléchit actuellement à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Le découpage retenu par le Gouvernement comporte notamment deux programmes très importants : préparation et emploi des forces et équipement des forces. Il n'est pas certain que la commission puisse s'y conformer strictement si elle veut continuer à assurer un contrôle convenable du budget.

Par ailleurs, l'exécution des crédits demeure une de ses préoccupations constantes. Des inquiétudes se font jour sur les retards pris pour certains programmes, les gels de crédits qui ont mis plusieurs PME dans de graves difficultés au début de cette année et le financement de certains projets telles les frégates multimissions (FREMM).

Mme Michèle Alliot-Marie s'est félicitée des excellentes relations de travail entretenues avec la commission, qui concourent à l'évidence, à une conduite satisfaisante de la politique de défense française.

Avant d'aborder les thèmes proposés par le Président, elle a souhaité faire un rapide exposé sur trois sujets : la situation des opérations extérieures (OPEX), le suivi législatif, la politique industrielle dans le secteur de l'armement.

S'agissant des OPEX, 12 000 militaires français sont aujourd'hui engagés à l'extérieur. Les zones concernées sont l'Afrique, les Balkans et l'Afghanistan.

En Côte d'Ivoire, où l'effectif de l'opération Licorne est stabilisé à 4 000 hommes environ, la situation militaire et politique est relativement calme, mais demeure fragile. La médiation du président sud-africain, M. Thabo Mbeki, a porté ses fruits et deux rendez-vous sont prévus les 5 et 6 mai prochains pour déterminer les modalités d'application et le calendrier des accords de désarmement. Au plan politique, M. Laurent Gbagbo a accepté le principe de la candidature de M. Alassane Ouattara. Cependant, de nombreuses manifestations des jeunesses patriotes contre cette candidature ont encore régulièrement lieu à Abidjan. Si des progrès sont visibles, notamment en ce qui concerne le contrôle de l'embargo sur les armes, la situation s'est dégradée au plan de la sécurité, en liaison avec une économie en pleine déliquescence. Abidjan n'est pas une ville sûre. Chaque jour, des affrontements interethniques, sporadiques et non organisés éclatent dans le sud et à proximité de la zone de confiance. Le mandat de l'opération Licorne et de l'ONUCI a été prolongé jusqu'au mois de juin. Il devrait être encore prorogé, avec, il faut le souhaiter, une augmentation du nombre d'hommes de l'ONUCI sur le terrain, jusqu'à la tenue de l'élection présidentielle.

Au Togo, aucune troupe française n'est présente, si ce n'est les quelque vingt militaires assurant la sécurité de l'ambassade de France et les cent autres fournissant, à l'aéroport, un soutien technique aux engins participant à l'opération Licorne en Côte d'Ivoire. Les perspectives politiques sont contradictoires puisqu'un appel à la constitution d'un gouvernement d'union nationale a été lancé, mais semble cependant contesté par la rue.

Au Tchad, les forces françaises ne rencontrent pas de difficultés particulières. Cependant, un risque demeure à la frontière avec le Soudan puisque des incursions vers les camps de réfugiés sont toujours à craindre. C'est pourquoi les contrôles, notamment aériens, ont été renforcés dans cette zone. Par ailleurs, au Soudan même, des demandes de soutien peu claires ont été exprimées par l'Union africaine, adressées tour à tour à l'OTAN et à l'Union européenne.

En ce qui concerne les Balkans, au Kosovo, la KFOR est commandée par le général de Kermabon depuis le 1er septembre 2004. Le contingent français s'élève à près de 2 400 militaires. La situation demeurera fragile aussi longtemps que la question du statut du Kosovo ne sera pas réglée, ce qui ne sera pas aisé compte tenu des divergences considérables entre les parties en présence. Aussi, il importe de demeurer vigilant, car le risque est celui d'une explosion dans toute la région. A cet égard, la ministre a précisé avoir insisté auprès du commandement suprême des forces de l'OTAN en Europe pour que soit maintenu un contingent de troupes suffisant.

En Bosnie-Herzégovine, l'Union européenne conduit la plus importante opération qu'elle ait jamais réalisée depuis qu'elle a pris la relève de l'OTAN en décembre 2004. 7 000 hommes y sont stationnés dont 500 militaires français.

En Afghanistan, deux opérations sont menées conjointement. La force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) a été commandée par le général Py d'août 2004 à février 2005. Dans ce cadre, la France a engagé 600 hommes, sur un total de 8 000. Une stabilisation du pays a été constatée avec des remises et des découvertes d'armements non négligeables. L'éradication de la culture du pavot est bien engagée, à l'initiative du président Karzaï. Cependant, elle rencontre de sérieuses oppositions, souvent armées. Dans le sud-est du pays, la lutte contre le terrorisme est surtout le fait de l'opération Enduring Freedom à laquelle la France participe dans ses composantes terrestres, avec ses forces spéciales, maritimes (TF 150) et aériennes avec un détachement de l'armée de l'air à Douchanbé. Des tentatives d'attentat sont constatées quotidiennement, notamment avec l'emploi de mines commandées à distance sur le trajet des véhicules militaires.

S'agissant du suivi législatif, plusieurs décrets d'application de la loi portant réforme du statut général des militaires sont en cours d'examen. Certains d'entre eux seront soumis au conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) au début du mois de juin. Ils devraient être prêts pour le début du mois de juillet. D'autres ont déjà été soumis au CSFM et au Conseil d'Etat : ils portent sur la notation, la discipline et les instances de concertation. Les décrets qui devront être prêts dans le courant du mois de juin concernent, pour leur part, la position statutaire, les voies d'accès à la fonction publique et le haut comité d'évaluation de la condition militaire.

Par ailleurs, le décret modifiant le texte de 1982 relatif aux rôles respectifs du chef d'état-major des armées (CEMA) et des chefs d'état-major d'armées est en cours de préparation. Il permettra de renforcer les pouvoirs du CEMA et d'assurer une meilleure coordination dans la préparation et l'exécution des décisions. Les chefs d'état-major d'armées continueront, quant à eux, à jouer un rôle essentiel dans la préparation et la gestion des forces.

Le projet de loi relatif à la réserve militaire a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale et il serait souhaitable que la première lecture ait lieu avant la fin de la session.

La bonne exécution de la loi de programmation militaire a été assurée avec le concours de la commission de la défense, les lois de finances initiales et les lois de finances rectificatives ayant permis de respecter strictement les prévisions.

Le rapport de la mission d'information sur l'exécution des crédits de la défense pour 2004 s'est interrogé sur le montant des reports constatés en fin d'exercice, lequel est effectivement important. Si le ministère de la défense n'éprouve aucune incapacité à consommer ses crédits, contrairement à la situation qui prévalait à la fin des années 1990, il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'un budget de nature particulière pour deux raisons principales.

En premier lieu, le financement des OPEX n'était pas, jusqu'à présent, inscrit en loi de finances initiale, ce qui impliquait de dégager quelque 600 millions d'euros de crédits d'équipement en cours de gestion pour faire face à une charge bien réelle, compensée en loi de finances rectificative, c'est-à-dire à un moment trop tardif pour consommer l'intégralité des crédits débloqués. Pour remédier à cette situation, il a été décidé de provisionner des montants dès la loi de finances initiale : 100 millions d'euros ont ainsi été inscrits dans celle pour 2005 et des sommes plus significatives encore seront prévues pour 2006, avec l'objectif d'une budgétisation globale en 2007.

En second lieu, dans un contexte de strict respect de la norme de dépenses votées par le Parlement, le ministère de la défense se trouve pénalisé par rapport à ses homologues civils du fait de l'importance de ses fonds de concours. Le Premier ministre a accepté que l'ensemble des crédits de report soit consommé avant la fin de l'actuelle loi de programmation militaire. A la fin de l'exercice 2004, des difficultés sont effectivement survenues pour le règlement de certaines PME. Pour y remédier, au mois de janvier 2005, plus de 700 millions d'euros de dépenses ont été engagés. Depuis, ce rythme élevé de consommation a été maintenu puisqu'à la fin du mois d'avril, le cumul des dépenses engagées s'établissait à 5,4 milliards d'euros, soit 25 % de plus que les 4,2 milliards d'euros dépensés à la même date en 2004. Ainsi, le ministère démontre de manière concrète sa préoccupation de conforter les PME opérant dans le secteur de la défense, nombreuses et parfois fragiles. Un chargé de mission a pour rôle d'assurer une meilleure réactivité sur cette question spécifique.

Pour 2005, de fortes dépenses sont prévues, avec notamment la notification de la commande de huit FREMM, celle de 33 véhicules blindés légers et des premières tenues de fantassin FELIN. Seront également livrés sept hélicoptères Tigre, onze Rafale-air, le deuxième bâtiment de projection et de commandement (BPC) et cent trente-huit missiles MICA. Par ailleurs, le satellite de communications Syracuse III-A sera lancé, les retards étant imputables aux autres satellites devant être lancés au même moment. Les services de paiement du ministère se trouveront donc fortement sollicités.

La ministre a ensuite dressé un état des lieux des industries de défense, en France et en Europe. Dans le secteur naval, les résultats économiques de l'entreprise DCN sont très encourageants, ce qui valide a posteriori le choix de transformation de cette ancienne administration en société ainsi que l'ouverture de son capital. Avec un chiffre d'affaires de 2,6 milliards d'euros en 2004, DCN est d'ores et déjà rentable. L'entreprise peut même élaborer un plan d'investissement et de recherche-développement significatif. Par ailleurs, la qualité des prestations s'est améliorée, la signature de contrats globaux de maintien en condition opérationnelle ayant permis de réaliser des gains en termes de coûts et d'accroître la disponibilité de la flotte.

Pour ce qui concerne le secteur de l'armement terrestre, le plan Giat 2006 a été décidé et l'Etat a tenu l'intégralité de ses engagements. Comme client, il a passé des commandes d'un montant de plus de deux milliards d'euros, confirmant notamment celles du véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI), du canon Caesar, ainsi qu'une commande pluriannuelle de munitions de moyen calibre. En outre, la maintenance des Leclerc, des EBG et des AMX-10P offre de nouvelles perspectives à l'entreprise. Comme actionnaire, l'Etat a procédé à une recapitalisation à hauteur d'un milliard d'euros. Enfin, dans le domaine social, les reclassements s'effectuent de manière satisfaisante puisque 1 085 des 2 041 salariés concernés s'étaient vu proposer une solution de reclassement à la fin du mois de mars, dont 345 au sein du ministère de la défense. A l'automne 2004, on comptait moins de dix licenciements. L'objectif final du plan d'entreprise, c'est-à-dire la pérennité et la rentabilité de la société à la fin de 2006, est maintenu et reste accessible. Les difficultés rencontrées dans les reclassements tiennent essentiellement à l'engagement insuffisant de certaines collectivités locales ainsi qu'à d'autres administrations de l'Etat.

La concurrence internationale, notamment celle des entreprises américaines, israéliennes, russes et même chinoises, rend indispensable la consolidation de l'industrie de l'armement terrestre au niveau européen. Néanmoins, il est difficilement envisageable d'y associer Giat Industries tant que le redressement de la société n'aura pas été achevé. A la fin de 2006, il conviendra de trouver des solutions de rapprochements, avec l'assistance de l'AED, afin de créer un grand pôle de l'industrie de l'armement terrestre européen. Dans le secteur naval, la situation est sensiblement différente puisque DCN est désormais préparée à passer des alliances et à saisir les opportunités qui se présentent, parfois selon des modalités différentes de celles qui étaient initialement envisagées.

Le président Guy Teissier a exprimé sa satisfaction de l'arbitrage rendu par le Premier ministre en faveur du déblocage des 2,7 milliards d'euros de crédits de report issus de l'exercice 2004. Il a néanmoins manifesté sa préoccupation quant à l'usage de ces crédits, insistant sur la nécessité de les affecter principalement aux matériels, pour conforter notamment les PME, et non pas intégralement aux OPEX.

Mme Michèle Alliot-Marie a souligné que le mode de financement des opérations extérieures n'expliquait qu'une partie du montant de ces reports de crédits, le solde résultant de l'écart entre les besoins de paiements courants induits par les programmes d'armement et l'objectif de respect de la norme de dépense fixée par le Parlement en loi de finances initiale.

Le président Guy Teissier a relevé que la mise en œuvre de la LOLF entrait dans une phase décisive et suscitait plusieurs interrogations. Quel sera le devenir du stock d'autorisations de programme, lequel donne actuellement au ministère une certaine souplesse dans sa gestion ? Quelles seront les incidences du principe de limitation à 3 % des reports de crédits sur la gestion du ministère, alors qu'ils représentent aujourd'hui plus de 10 % des crédits votés ? Enfin, le découpage des programmes en budgets opérationnels de programme (BOP) revêt une grande importance pour la définition des modalités de contrôle du budget de la défense par la commission, ce contrôle risquant d'être compliqué par l'application de la nouvelle nomenclature.

Mme Michèle Alliot-Marie a souligné que le ministère de la défense avait fait preuve d'une grande transparence en matière budgétaire et continuerait à le faire s'agissant de la mise en œuvre de la LOLF. Le découpage du budget de la défense en missions, programmes et BOP pourrait susciter quelques difficultés pour l'exercice du contrôle par les rapporteurs de la commission, mais il répond à une priorité : la bonne exécution par le ministère de ses missions. Il a suscité de longs débats et il semble désormais difficile de le modifier. A titre d'exemple, le programme « préparation et emploi des forces » reflète le processus d'interarmisation mené au sein du ministère et il serait dommageable de contrarier cette rationalisation. Dans cette perspective, la décision de ne pas inclure la gendarmerie dans la mission « défense » ne semble pas pertinente, alors même que les gendarmes sont des militaires et participent largement aux opérations extérieures.

Le ministère de la défense s'efforcera de fournir toutes les informations nécessaires aux rapporteurs budgétaires pour leur permettre d'exercer leur contrôle de façon satisfaisante. En tout état de cause, ce n'est pas la taille d'un programme qui conditionne sa transparence et sa lisibilité.

S'agissant de l'avenir des autorisations d'engagement, la ministre a indiqué avoir obtenu que leur montant respecte scrupuleusement les dispositions de la loi de programmation militaire. Si ce respect implique des dérogations, celles-ci seront obtenues, compte tenu de la spécificité de la structure du budget de la défense.

M. Jean Michel a manifesté son inquiétude sur la situation financière de Giat Industries à l'horizon de 2006 ; une recapitalisation sera peut-être indispensable. Relevant que les perspectives de rapprochements de Giat Industries avec d'autres acteurs européens avaient été pour le moment écartées, il s'est interrogé sur la stratégie industrielle du gouvernement en matière d'armement terrestre. Par ailleurs, il a souhaité connaître l'incidence du recours à un financement classique pour les FREMM sur la loi de programmation actuelle et sur la suivante. Enfin, il a demandé s'il était possible d'obtenir la communication du document de projection budgétaire à l'horizon 2020 réalisé par le ministère de la défense et dénommé « document 20-20 ».

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que la stratégie industrielle terrestre s'articulait en plusieurs étapes. Il est tout d'abord nécessaire d'assainir la situation de Giat Industries, de recentrer ses activités et de vérifier que l'entreprise dispose de perspectives sûres et de long terme. Par la suite, face aux grands concurrents mondiaux, il est indispensable de promouvoir des rapprochements entre Giat Industries et d'autres acteurs, notamment dans le domaine de la recherche, celle-ci étant actuellement insuffisante et trop dispersée. Enfin, il convient d'étudier attentivement le marché des armements terrestres plus « rustiques », adaptés à certains théâtres d'opérations et offrant des opportunités d'exportation qui doivent faire l'objet d'une politique commerciale adaptée. La loi de programmation militaire fournit à Giat Industries des perspectives à long terme. Quant aux problèmes financiers de l'entreprise, ils relèvent en premier lieu du président de celle-ci. Une recapitalisation n'est pas à l'ordre du jour. Une telle opération ne doit pas être utilisée pour combler des déficits mais a vocation à accompagner un véritable projet d'entreprise. Si, à la fin de 2006, une alliance se profile, il sera alors peut-être utile de procéder à une telle recapitalisation.

S'agissant des FREMM, le ministère de la défense a tout d'abord étudié la possibilité de recourir à un mode de financement innovant puis a conclu que cette solution ne présentait guère d'avantages par rapport à un financement classique, compte tenu de la nature de l'équipement concerné. Il a donc finalement retenu un financement classique et a obtenu un abondement de la loi de programmation militaire à hauteur d'un milliard d'euros. Le calendrier prévu sera maintenu et le lancement du programme interviendra au début de l'automne 2005. Au total, d'ici 2008, entre 1,3 et 1,8 milliard d'euros seront nécessaires pour la mise en œuvre du programme. Parallèlement, le gouvernement italien vient d'attribuer 400 millions d'euros à son lancement. Enfin, le document 20-20 est interne au ministère de la défense, afin d'éclairer ses choix, et ne peut être communiqué.

M. Yves Fromion a salué les importants efforts du Gouvernement pour donner une visibilité à Giat Industries. Toutefois, l'échéance de 2006 pour le lancement d'alliances apparaît tardive. Il serait sans doute souhaitable de définir une étape en amont, alors même qu'un rapprochement de Giat Industries, entreprise détenue dans son intégralité par les pouvoirs publics, avec les groupes allemands, principaux acteurs susceptibles de nouer des alliances, semble difficile en l'état. De surcroît, le manque de visibilité sur l'avenir de l'entreprise risque d'atteindre le moral des personnels.

Mme Michèle Alliot-Marie a relevé que la réalisation de certains programmes avait pris du retard, notamment en raison des blocages survenus dans l'entreprise et de sa situation sociale. Pour que Giat Industries apparaisse crédible dans sa recherche d'alliances, elle doit être solide et inspirer la confiance.

Tout en approuvant ces propos, M. Yves Fromion a souligné qu'au fil du temps, nouer des alliances serait sans doute de plus en plus difficile. Il a ensuite rappelé que la loi de programmation militaire pour 2003-2008 prévoyait pour cette période 3,8 milliards d'euros pour la recherche et technologie (R&T), soit 647 millions d'euros par an en moyenne. Or, depuis 2003, les crédits alloués à la R&T s'élèvent à 550 millions d'euros, soit 100 millions d'euros de moins que le montant initialement prévu. Pour rattraper ce retard, il faudra accroître significativement les moyens budgétaires de R&T au cours des prochaines années. Dans le cadre de la mission d'information sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense, il serait souhaitable de définir un indicateur supplémentaire relatif aux dépenses de R&T, afin de suivre de façon précise la consommation des crédits alloués.

Mme Michèle Alliot-Marie a marqué son accord avec cette proposition. C'est en effet avec ses compétences technologiques que la France peut faire la différence et préparer l'avenir. Les crédits consacrés à la R&T sont ainsi passés de 400 millions d'euros à la fin de la législature précédente à un objectif de 700 millions d'euros en fin de LPM.

Un effort sensible a été consenti cette année puisque les crédits inscrits pour 2005 sont en augmentation de 8 % par rapport aux crédits inscrits en 2004. L'effort doit également porter sur la recherche duale afin de mieux valoriser les apports mutuels.

M. Jean-Claude Viollet a observé que les travaux engagés avec son collègue Georges Siffredi sur la situation de Giat Industries leur avaient permis de constater que le ministère de la défense avait bien tenu ses engagements. A contrario, il apparaît que d'autres ministères et certaines collectivités locales pourraient accentuer leurs efforts, et ce d'autant plus qu'il convient désormais de mettre en œuvre la seconde partie du plan social, pas nécessairement la plus facile. La direction devrait également s'attacher à la motivation des salariés restants, notamment par le biais de la promotion interne. Les conditions présentes, en particulier les reports de demandes de livraisons se traduisant par des glissements du plan de charge fin 2006-début 2007, font craindre des incidences en termes d'effectifs et de résultats de l'entreprise. En effet, sur le plan financier, les comptes sociaux de Giat Industries affichent un résultat net, fin 2004, de - 72 millions d'euros. Après recapitalisation, la société dispose, au 1er janvier 2005, de 44,6 millions d'euros de capitaux propres. Il reste donc une marge d'environ 15 millions d'euros avant qu'elle se retrouve au seuil en-deça duquel un processus de recapitalisation devrait être engagé dans un délai de deux ans.

Dans ces conditions, quelles solutions sont envisagées pour lui permettre de trouver des partenariats auprès d'autres industriels d'ici la fin de l'année 2006 et d'améliorer l'exécution du plan social ? La réussite de ce dernier et la redynamisation des bassins d'emplois touchés sont aujourd'hui indispensables.

Mme Michèle Alliot-Marie a insisté sur la nécessité d'une action commune associant les différents intervenants : l'Etat a fait son devoir ; les collectivités locales et les autres administrations doivent faire des efforts ; enfin, l'entreprise elle-même doit en consentir.

M. Joël Hart a souhaité savoir si un contrat d'objectif avait été passé avec l'entreprise. Chaque année, en tant que rapporteur pour avis et lors de déplacements, il constate que du fait de la dégradation de son image, la confiance envers l'entreprise se détériore. Il serait souhaitable que les matériels commandés soient livrés dans des délais raisonnables.

Dans un tout autre domaine, les recrutements effectués au premier semestre 2004 sont apparus presque pléthoriques avant qu'un ralentissement marqué soit noté en la matière. Comment interpréter ce changement de rythme dans les recrutements ?

Mme Michèle Alliot-Marie a confirmé l'existence d'un contrat d'entreprise et précisé que l'Etat l'avait pour sa part respecté.

S'agissant des recrutements, il a été indispensable de stopper en juillet 2004 les dérives constatées au cours du premier semestre de l'année. Les recrutements ont néanmoins repris, à partir de septembre, dans les limites fixées par la loi de finances initiale. En raison de nombreux engagements et de l'importante sollicitation de l'armée de terre, une enveloppe de 100 millions d'euros a été débloquée en loi de finances rectificative. Cette année, le budget est exécuté normalement. Le rythme, certes plus lent, tient compte des enseignements de l'exercice précédent et permettra cependant de remplir sur l'année les objectifs prévus.

Mme Patricia Adam a fait état d'informations, d'origine britannique, concernant le futur porte-avions. Ces informations, qui portent sur des évolutions en terme de coût et de conception du bâtiment (en particulier sa carène), sont préoccupantes pour les entreprises françaises concernées, DCN et surtout Thalès.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que le ministère continuait à examiner les éléments pouvant être réalisés en commun avec la Grande-Bretagne. En tout état de cause, les perspectives de coopération et le rôle des entreprises françaises ne sont pas modifiées. S'agissant des catapultes, d'origine américaine, les inquiétudes résultant de certains atermoiements semblent en passe d'être levées. La ministre a précisé qu'à la suite de son déplacement à Washington, M. Donald Rumsfeld lui avait proposé que des experts français puissent se rendre aux Etats-Unis pour travailler aux adaptations qui s'avèreraient nécessaires sur ces équipements.

M. Jacques Brunhes a rappelé que s'ouvrait ces jours-ci la conférence d'examen du traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Un inquiétant rapport de l'ONU souligne que le régime de non-prolifération pourrait être irrémédiablement remis en cause du fait du non-respect de leurs engagements par certains États signataires : une quarantaine de pays pourraient ainsi acquérir, à court terme, des armements nucléaires. La meilleure parade à cette situation réside dans le désarmement contrôlé et global de ces armes. Or, un coup d'arrêt lui a été donné, notamment par les États-Unis qui poursuivent le développement d'armes nucléaires miniaturisées et par notre pays, qui continue à moderniser son arsenal malgré des critiques exprimées au sein même de l'institution militaire. La France donnera-t-elle l'exemple en matière de désarmement nucléaire ?

Il a ensuite fait part de son souhait de mieux associer la Russie à la politique européenne de sécurité et de défense (PESD). La nécessité d'approfondir le dialogue de sécurité avec ce pays ne peut être contestée. Or, le seul organisme dans lequel sont présents à la fois la Russie, les pays membres de l'Union européenne, les États-Unis et le Canada est l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Cette instance n'est pas citée par le projet de Constitution européenne, qui subordonne la défense de notre continent à l'OTAN. Le Conseil OTAN-Russie, auquel les Russes participent depuis mai 2002, a certes permis une reprise des relations entre le pacte Atlantique et la Russie, mais ne paraît pas constituer une association suffisante.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que ces questions étaient à la limite de ses compétences et de celles de son collègue chargé des affaires étrangères. Elle a déclaré partager les inquiétudes sur les dangers de la prolifération nucléaire mais s'est interrogée sur la possibilité de procéder à un désarmement contrôlé et général. A titre d'exemple, le désarmement nucléaire de la Russie reste extrêmement limité et demeure difficilement contrôlable. Certains pays tentent de se doter d'armes nucléaires dans le but principal de pouvoir négocier en position de force. Face à cela, il est nécessaire que la France conserve une dissuasion moderne et crédible afin que tout adversaire potentiel sache qu'il peut être directement atteint. Notre armement nucléaire reste strictement dissuasif et la France applique rigoureusement les traités de désarmement, tout en garantissant sa sécurité. Renoncer à cette protection serait irresponsable.

L'association de la Russie aux travaux de l'OTAN a été bénéfique. L'associer également à ceux de la défense européenne semble indispensable. Mais certains pays membres de l'Union européenne, notamment les États baltes, y sont extrêmement réticents. Les gouvernements occidentaux doivent s'attacher à rétablir des relations de confiance entre ces pays et la Russie.

M. Hervé Morin a demandé des éclaircissements sur les discussions relatives à l'extension au domaine militaire des capacités du satellite de guidage civil Galiléo. Évoquant la crise actuelle que traverse l'industrie textile, il s'est interrogé sur le contrôle qui est exercé pour la fabrication des textiles achetés par les armées. Enfin, soulignant l'aspect coûteux et pas nécessairement indispensable du programme Rafale, il a souhaité connaître les perspectives d'exportation de cet avion.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que Galiléo était un programme civil sous contrôle des gouvernements dont rien n'interdit qu'il puisse être un jour utilisé à des fins militaires. Sur le plan technique, si une voiture peut être guidée par ce système, un char peut l'être tout autant.

Le ministère de la défense veille à ce que les produits textiles acquis par les armées ne soient que partiellement sous-traités, principalement dans des pays européens.

Le Rafale est un avion qui, compte tenu de ses qualités, n'est pas aussi onéreux qu'il y paraît, même si, avec l'aide de la Délégation générale pour l'armement (DGA), il a été mis fin à certaines dérives de coûts. Il s'est avéré moins cher que l'Eurofighter et sera certainement plus économique que le JSF américain, encore à l'état de projet. Quatre ou cinq pays sont susceptible d'acheter le Rafale, certaines annonces pouvant intervenir au cours des prochains mois. On ne peut que regretter que l'industrie aéronautique européenne se soit divisée au point de produire des appareils concurrents. La politique de démonstrateurs en matière de drones vise précisément à éviter que ces erreurs se reproduisent, notamment en rapprochant les deux principales entreprises du secteur, Dassault et EADS.

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Information relative à la commission

La commission a nommé M. Marc Francina rapporteur pour le projet de loi modifiant les articles 414-8 et 414-9 du code pénal (n° 2277).

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