COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 13 décembre 2005
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants

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Audition de M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants.

Le président Guy Teissier a observé que l'audition du ministre délégué aux anciens combattants par la commission de la défense nationale et des forces armées constituait une première, ce dont il s'est réjoui. Jusqu'à présent, l'activité de ce ministère échappait au contrôle de la commission mais, en créant un programme budgétaire « Liens entre la Nation et son armée » au sein de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) a changé cet état des choses et rendu légitime la tenue de cette réunion.

Le président Guy Teissier a ensuite rappelé que la commission avait adopté un amendement qu'il lui avait présenté afin de gager 18 millions d'euros sur le programme « Liens entre la Nation et son armée » pour augmenter la retraite du combattant d'un point en année pleine. Il s'est félicité que cette initiative soit à l'origine de la mesure finalement proposée par le Gouvernement et adoptée par l'Assemblée nationale, qui consiste à majorer de deux points d'indice cette retraite à compter du 1er juillet 2006.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants, a souligné le signe fort que la commission de la défense adressait au monde combattant à l'occasion de cette audition. Tant les anciens combattants que les militaires en activité apprécieront cet évènement car lorsque l'on risque sa vie pour son pays, il est réconfortant de savoir que celui-ci n'oubliera pas cet engagement. Au demeurant, nombre de militaires d'aujourd'hui sont déjà des anciens combattants.

Le ministre a ensuite rappelé que le monde combattant représente actuellement plus de quatre millions de personnes ; 250 000 d'entre elles sont engagées dans des opérations extérieures et forment ce qu'on appelle « la quatrième génération du feu ».

La volonté d'être attentif à leurs préoccupations a conduit le Gouvernement à mener trois actions dans leur direction.

En premier lieu, le ministère travaille à l'adaptation des critères d'attribution de la carte du combattant afin de prendre en compte les conditions modernes des conflits. Cette réflexion se traduira par une mesure législative, probablement inscrite dans le prochain projet de loi de finances.

En second lieu, le projet de loi de finances pour 2006 introduit la parité dans le code des pensions militaires d'invalidité. Cette mesure d'équité bénéficiera désormais aux conjoints des 50 000 femmes qui servent actuellement dans nos forces.

En troisième et dernier lieu, le Haut conseil de la mémoire combattante, présidé par le Président de la République, a approuvé la proposition d'organiser, fin mai 2006, une cérémonie destinée à rendre hommage aux combattants tombés au cours d'opérations extérieures. Cette cérémonie doit aussi contribuer à forger l'identité de cette quatrième génération du feu.

M. Hamlaoui Mékachéra s'est félicité de la concertation menée avec les associations d'anciens combattants et les parlementaires depuis trois ans et demi, laquelle a permis de tracer les priorités. Ce travail a débouché sur plusieurs mesures concrètes, à commencer par le rétablissement d'une certaine équité entre anciens combattants.

Ainsi, à l'occasion du vote du collectif budgétaire de la fin 2002, le Gouvernement a décidé la « décristallisation » des pensions des anciens combattants des pays autrefois sous souveraineté française. S'appuyant sur des statistiques de parité de pouvoir d'achat fournies par l'organisation des nations unies, cette mesure attendue depuis quarante ans a répondu à une juste revendication des associations d'anciens combattants français en faveur de leurs camarades étrangers.

De même, un décret, adopté le 27 juillet 2004, permet désormais une indemnisation des orphelins des déportés résistants, des fusillés et des massacrés.

Enfin, l'attribution de la carte du combattant en Afrique du nord a également été harmonisée : la durée de service exigible, qui était plus longue pour les appelés que pour les policiers, a été homogénéisée à quatre mois.

Soulignant l'importance du « droit à réparation », le ministre a ensuite remercié le président Guy Teissier et l'ensemble des membres de la commission pour la part qu'ils ont prise dans la revalorisation de deux points de l'indice de référence de la retraite du combattant, mesure votée par l'Assemblée nationale le 8 novembre dernier et sans précédent depuis 1978.

Il a ensuite indiqué que ses services avaient également simplifié le mécanisme, jusqu'alors complexe et opaque, de revalorisation du point d'indice des pensions militaires d'invalidité, le « rapport constant » ayant été réformé au profit d'une indexation sur l'indice des traitements bruts de la fonction publique. De même, les pensions des veuves ont été augmentées, le remboursement des cures thermales a été rétabli et le plafond de la rente mutualiste a été augmenté de 7,5 points. Enfin, dans le contexte de la mise en œuvre de la LOLF, le cadre budgétaire des actions de l'Etat en faveur des anciens combattants est resté lisible et clairement identifiable.

M. Hamlaoui Mékachéra a estimé que la politique de mémoire demeure une priorité consensuelle, car elle touche à la nécessité de transmettre aux jeunes générations les valeurs défendues au cours des conflits du XXème siècle. Cette volonté de reconnaissance a guidé l'organisation des cérémonies commémoratives des événements de 1944 et 1945, qui ont connu un important retentissement aussi bien en France qu'à l'étranger. L'inauguration du Centre européen du résistant-déporté, au Struthof, s'inscrit également dans cette orienation.

Cette politique de mémoire passe aussi par l'instauration de journées nationales. C'est ainsi que le 25 septembre est devenu la journée des harkis et le 8 juin celle des anciens combattants d'Afrique du nord et d'Indochine. Le ministre s'est félicité que l'action en faveur de la mémoire ne soit pas menée dans un cadre strictement national mais fasse l'objet d'accords de « mémoire partagée », signés avec une dizaine de pays. Il a annoncé qu'une première rencontre internationale sera organisée l'an prochain à Paris, la suivante devant se dérouler à Washington. Il a ajouté que la France veut faire bénéficier les pays en sortie de crise de son savoir-faire vis-à-vis des anciens combattants. C'est ainsi qu'à la suite du rapport de M. Pierre Morel-A-L'Huissier, une mission s'est récemment rendue au Timor.

Abordant les projets de son ministère, M. Hamlaoui Mékachéra a souhaité plus particulièrement insister sur la mobilisation de ses services en faveur de l'emploi, priorité du Gouvernement de Dominique de Villepin. Il a indiqué que le plan d'action du monde combattant pour l'emploi, qu'il avait présenté lors du Conseil des ministres du 21 septembre dernier, s'articulait autour de trois axes d'effort :

- le recrutement direct au sein des associations et des services de l'Etat ;

- la mise en place d'actions de formation dans les écoles de reconversion professionnelle de l'office national des anciens combattants (ONAC) ;

- le tutorat auprès des jeunes chômeurs pour les aider à retrouver un emploi, une trentaine de ces tuteurs étant désormais à l'œuvre.

Le ministre s'est montré déterminé à continuer d'œuvrer pour les harkis et les rapatriés. Il a rappelé que les mesures d'indemnisation et de réparation prévues par la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, trop souvent occultées au profit d'autres dispositions de ce texte, sont à présent entrées en application. Il a jugé que la prochaine installation du Haut conseil aux rapatriés permettra également de poursuivre le dialogue avec les harkis et les rapatriés.

M. Hamlaoui Mékachéra a conclu en rappelant que si les armées françaises sont engagées en de nombreux points de la planète, elles le sont pour servir la paix, ce qui légitime la fierté que le pays peut éprouver envers ses soldats. Comme leurs aînés, ceux-ci sont toujours au service de la liberté, de la République et de la France.

Le président Guy Teissier a remercié le ministre pour la clarté de son intervention et a souligné toute l'importance des mesures prises en faveur du monde combattant, dont l'histoire mêle gloire et grandes peines, et auprès duquel il importe que le Gouvernement et la représentation nationale s'impliquent fortement. Il a ensuite relevé que deux des trois programmes de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » sont placés sous la responsabilité du secrétaire général pour l'administration, subordonné direct du ministre de la défense. Il a donc souhaité savoir quelles procédures permettent au ministre délégué aux anciens combattants d'assurer son plein contrôle sur ces programmes, notamment sur le programme « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », doté de 3,412 milliards d'euros.

M. Hamlaoui Mékachéra a répondu que le secrétaire général pour l'administration est placé sous une double tutelle, celle du ministre de la défense et celle du ministre délégué aux anciens combattants. Cette configuration ne pose pas de difficulté pour la gestion au quotidien des programmes concernant les anciens combattants. C'est ainsi que la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives ainsi que la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, qui dépendent du secrétariat général pour l'administration (SGA), travaillent avec efficacité sous la subordination du cabinet du ministre délégué aux anciens combattants, qui fixe les orientations politiques.

Le président Guy Teissier a relevé que ce fonctionnement repose sur la bonne entente, intuitu personae, entre le ministre délégué aux anciens combattants et le secrétaire général pour l'administration, et que tel pourrait ne plus être le cas.

M. Hamlaoui Mékachéra a indiqué que le SGA fait partie des moyens administratifs et juridiques qui sont mis à sa disposition. Dans les faits, il remplit des tâches indifféremment pour le ministère de la défense et pour le ministère délégué aux anciens combattants, indépendamment des considérations de personnes.

Le président Guy Teissier a rappelé qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi modifiant la loi du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, il avait défendu l'institution d'une période militaire d'initiation ou de perfectionnement à la défense nationale, en remplacement des préparations militaires actuelles, qui s'adresserait au plus grand nombre possible de jeunes de plus de seize ans. Cette période d'initiation devrait donner lieu à une rémunération, afin de renforcer son attractivité. Elle permettrait ainsi d'inculquer des valeurs et des repères à ces jeunes, de leur apprendre le sens de l'effort et du partage et de les familiariser avec certains rudiments militaires. Quelle part le ministère délégué aux anciens combattants pourrait-il prendre dans la mise en œuvre de cette initiative ?

M. Hamlaoui Mékachéra a répondu que cette proposition offrait une occasion supplémentaire d'informer les jeunes des réalités du monde de la défense et qu'elle présentait plusieurs avantages : elle faciliterait les conditions d'exécution des préparations militaires actuelles ; elle pourrait favoriser le recrutement de militaires d'active et de réservistes ; enfin, elle renforcerait les liens entre la Nation et les armées. Le Gouvernement souhaite néanmoins engager une réflexion de fond pour définir les modalités de ce projet.

M. Jérôme Rivière a salué l'action du Gouvernement tout en rappelant l'impulsion décisive de la commission de la défense en faveur de la revalorisation de la retraite du combattant. Il a espéré que l'augmentation de deux points de l'indice de référence pour les pensions militaires d'invalidité ne constituerait qu'une première étape dans la réalisation de l'engagement pris devant les électeurs d'augmenter de huit points au total la retraite des anciens combattants. Observant ensuite que la préservation du lien entre la Nation et les armées est devenue essentielle depuis la suspension du service national, il a demandé de quelle façon le ministère délégué aux anciens combattants entend s'impliquer dans le programme dit « Défense, deuxième chance ».

M. Hamlaoui Mékachéra a répondu que c'est la ministre de la défense qui présidait à la mise en œuvre du dispositif « Défense, deuxième chance », tandis que lui-même conduisait un programme complémentaire. Le ministère délégué aux anciens combattants s'efforce de mobiliser ses infrastructures, ses moyens humains, notamment ceux présents dans les écoles de reconversion, ainsi que les associations d'anciens combattants et les maisons de retraite de l'ONAC, afin d'agir en faveur des jeunes et de rapprocher ces derniers de nos anciens combattants. Cette implication des jeunes peut également permettre aux anciens combattants de rester le plus longtemps possible chez eux, le cas échéant grâce à un placement dans des maisons de retraite pour la journée uniquement. Les écoles de reconversion, réunissant des enseignants et des tuteurs et s'appuyant sur le bénévolat, jouent également un rôle important. Les actions du ministère de la défense et celles du monde combattant cohabitent donc et se complètent.

Relevant le nombre important, peut-être même excessif, d'associations d'anciens combattants, M. Charles Cova a souhaité savoir de quelle façon le ministère délégué aux anciens combattants sélectionnait celles auxquelles il attribue une subvention. Il a ensuite souligné la nécessité que soient mieux reconnus les natifs d'Indochine qui ont combattu aux côtés des armées françaises.

M. Hamlaoui Mékachéra a indiqué que la France comptait environ 7 500 associations nationales d'anciens combattants, auxquelles s'ajoutent les associations locales. Le budget du ministère aux anciens combattants étant limité, ces associations doivent remplir des conditions bien définies, notamment en termes d'influence effective sur le terrain, pour obtenir des subventions. La direction de la mémoire, du patrimoine et des archives est chargée d'instruire les dossiers d'attribution en réalisant des analyses minutieuses.

Le ministre a ensuite fait valoir qu'il ne se désintéressait pas des anciens d'Indochine, observant que ceux qui ont acquis la nationalité française bénéficient d'indemnisations au même titre que les autres anciens combattants. Il a indiqué s'être lui-même rendu à Sainte-Livrade, village qui accueille une communauté importante de ces anciens, afin de les rencontrer et d'évoquer leurs conditions matérielles. Il apparaît que l'on ne retrouve pas parmi eux de grande pauvreté. En tout état de cause, ces anciens d'Indochine relèvent pleinement du ministère délégué aux anciens combattants, qui leur accorde autant d'attention qu'aux autres anciens combattants.

Le président Guy Teissier a souligné que, par-delà la situation matérielle convenable de ces anciens combattants natifs d'Indochine, qui résulte avant tout de leurs propres efforts, il convenait de s'interroger sur les mesures que la Nation pouvait leur consentir, et ce d'autant plus que leur cas a été moins bien pris en compte que celui des harkis.

M. Hamlaoui Mékachéra a indiqué que la situation était désormais étudiée de près, notamment au regard des besoins exprimés à l'occasion de visites sur le terrain, mais qu'il était encore trop tôt pour annoncer des mesures précises.

M. Philippe Vitel a souhaité savoir quand seraient disponibles les conclusions du rapport sur l'extension du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du nord ayant poursuivi leur vie professionnelle dans le secteur public ou parapublic.

M. Hamlaoui Mékachéra a répondu que l'inspecteur général des affaires sociales Christian Gal, chargé de cette mission, avait remis son rapport et que ses propositions étaient actuellement en cours d'étude par le Conseil d'Etat.

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