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COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 31

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 11 avril 2006
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition du général Benoît Puga, commandant des opérations spéciales (COS)

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Audition du général Benoît Puga, commandant des opérations spéciales (COS).

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Benoît Puga, commandant des opérations spéciales (COS).

Après avoir souhaité la bienvenue au général Benoît Puga, le président Guy Teissier a rappelé que le commandement des opérations spéciales (COS) avait été créé à la suite de la première guerre du Golfe, en juin 1992. Directement rattaché au chef d'état-major des armées, le COS est une structure interarmées rassemblant des unités des trois armées. Il dispose ainsi de capacités opérationnelles très spécialisées, mais aussi, depuis 2002, d'unités plus spécialement chargées du renseignement dans la profondeur, ce qui implique des relations étroites avec la direction du renseignement militaire (DRM). Il s'agit d'une structure particulièrement importante, puisqu'en Europe seuls les Britanniques disposent d'un outil comparable.

Le général Benoît Puga a souligné qu'il assurait le commandement opérationnel, et non organique, du COS, c'est-à-dire qu'il commandait les forces spéciales, ainsi que les forces conventionnelles qui pouvaient leur être adjointes, dès qu'elles étaient engagées dans une opération. Ce sont, par ailleurs, les chefs d'état-major des trois armées qui réalisent la sélection, la formation initiale et l'entraînement de base des forces spéciales, et qui leur fournissent leurs équipements. Le COS relève directement du chef d'état-major des armées, puisque les opérations spéciales constituent son domaine réservé, tandis que les différents chefs d'état-major assurent la préparation des unités concernées.

La création du COS en 1992 a permis de répondre à plusieurs exigences. Tout d'abord, tout chef militaire ressent le besoin de disposer de personnels de confiance, qui, du fait de leur entraînement spécifique, sont en mesure de conduire des opérations particulières au niveau stratégique ou sur théâtre d'opération. Ensuite il est nécessaire de disposer de forces spéciales pouvant réaliser des missions spéciales, permettant d'atteindre des objectifs stratégiques, ce qui requiert des personnels, des équipements et des méthodes spécifiques. Il est souvent utile d'être en mesure d'intervenir là où les forces conventionnelles ne le peuvent pas, c'est-à-dire d'intervenir en quelque sorte « dans l'intervalle », tant d'un point de vue géographique que de celui des effets souhaités.

Au cours des dernières années, les forces spéciales ont contribué à conférer à la France un statut de puissance, aux côtés du Royaume-Uni, qui disposent des SAS (Special Air Service), et des Etats-Unis, avec l'USSOCOM (United States Special Operations Command). Parallèlement, au sein des pays européens, les forces spéciales se développent, ce mouvement s'accompagnant d'une grande convergence vers les modèles français et américain, lesquels s'avèrent proches.

Au sein du ministère de la défense, les différents organismes qui participent à ces missions spéciales, à savoir la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la DRM et la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), se répartissent la tâche, notamment en matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme. Ils sont liés par différents accords fixant les modalités de leur coopération. Ainsi, le COS participe à la collecte de renseignements stratégiques au bénéfice de la DRM, tandis que cette dernière lui fournit les informations nécessaires à la réalisation de ses missions. De même, le COS et la DGGN collaborent pour lutter contre le terrorisme, par définition sans frontières, en application de plans prévoyant le concours des forces spéciales aux forces de sécurité. La DGSE et le COS interviennent également sur certains théâtres, ce qui nécessite de bien définir leurs domaines d'action respectifs. Il convient de souligner que le COS ne mène pas d'action clandestine. Certes, ses personnels agissent parfois de façon discrète, voire confidentielle, mais toujours avec leur identité réelle. C'est une différence avec la doctrine des forces spéciales britanniques et américaines. La clandestinité est un métier totalement différent, qui exige une expertise spécifique.

Aux termes de leur définition officielle, les opérations spéciales sont les actions menées par des unités des forces armées, spécialement organisées, entraînées et équipées pour atteindre des objectifs militaires ou paramilitaires, définis par le chef d'état-major des armées. Les forces spéciales constituent donc un complément, et non un substitut des forces conventionnelles ; elles n'ont nullement vocation à exécuter des missions que ces dernières sont en mesure de mener à bien. En revanche, les forces spéciales interviennent là où les forces conventionnelles ne peuvent pas agir, soit parce que ces dernières sont trop importantes, soit parce qu'elles ne disposent pas des équipements et de l'entraînement adéquats. En fait, les forces spéciales constituent la quatrième composante des forces armées françaises, aux côtés des armées de terre, de l'air et de la marine, et elles jouent un rôle croissant dans les conflits modernes. La France a d'ailleurs obtenu la certification par l'OTAN de nation-cadre pour la conduite d'opérations spéciales, avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, qui disposent également de ce statut. A ce titre, elle pourra être amenée à conduire la composante « forces spéciales » au sein d'une opération de l'OTAN. La France joue par ailleurs un rôle moteur, avec le Royaume-Uni, dans les réflexions engagées au sein de l'Union européenne dans le domaine des forces spéciales.

Lorsque le chef d'état-major des armées décide d'une opération spéciale, c'est au commandant des forces spéciales qu'il incombe de la planifier et de la conduire, de désigner les unités concernées, ainsi que de demander aux forces conventionnelles les moyens nécessaires à l'accomplissement de la mission. A titre d'exemple, le COS peut avoir besoin d'un sous-marin nucléaire d'attaque ou d'une frégate pour permettre la mise en place d'un commando. En Afghanistan, des Mirage 2000 ont été placés sous son commandement opérationnel lorsqu'ils participaient à une opération spéciale. Certaines unités de l'armée de terre interviennent également pour appuyer le COS dans ses missions, notamment ses unités de guerre électronique, qui permettent de réaliser des écoutes de réseaux terroristes : en Afghanistan, ces écoutes constituent un véritable atout et contribuent à hauteur de 40 % à la lutte contre l'utilisation d'engins explosifs improvisés.

L'état-major du COS compte environ 70 personnes ; auparavant situé à Taverny, il est depuis peu basé à Villacoublay, ce qui le rapproche de l'état-major des armées et facilite son fonctionnement quotidien. Cet état-major comprend des représentants de toutes les armées, ainsi qu'un officier de gendarmerie, un médecin et un ingénieur de l'armement. Ce dernier contribue à la préparation de l'avenir, laquelle constitue l'une des missions du COS, avec la réalisation proprement dite des opérations. En effet, il doit être capable de proposer des nouveaux modes d'action, afin d'améliorer la conduite de ses missions et d'apporter une plus-value indispensable à leur succès.

Le COS peut recourir aux différentes unités des forces spéciales des trois armées. Au sein de l'armée de terre, il s'agit du 1er régiment parachutiste d'infanterie de marine, orienté vers l'action, du 13ème régiment de dragons parachutistes, pour le renseignement dans la profondeur, et du détachement aéromobile d'opérations spéciales (DAOS). S'y ajoutent les cinq commandos de marine, dont le commando Hubert stationné à Toulon et spécialisé dans le combat sous-marin. Enfin, pour l'armée de l'air, doivent être mentionnés le commando parachutiste de l'air n° 10, la division des opérations spéciales d'hélicoptères ainsi que la division des opérations spéciales de transport, laquelle dispose notamment d'équipements spéciaux pouvant être installés sur les avions de transport C 130 et C 160 - le COS bénéficie d'un « droit de tirage » sur deux avions de transport. Enfin, il peut s'appuyer sur 150 réservistes d'un haut niveau de compétences, très bien sélectionnés et entraînés, qui disposent d'une expérience civile précieuse.

Les forces spéciales remplissent des missions de renseignement et d'action qui ne diffèrent de celles remplies par les forces conventionnelles que par leur importance stratégique majeure et par les conséquences politiques d'un éventuel échec, comme en témoigne l'évacuation, réussie, de l'ancien Premier ministre ivoirien, M. Alassane Ouattara, réalisée au début de 2003, sur décision commune des présidents ivoirien et français. Le COS a également participé aux côtés des forces conventionnelles, en novembre 2004, à l'évacuation des ressortissants français de Côte d'Ivoire, assurant les missions les plus dangereuses. Ainsi, le sauvetage de trois gendarmes isolés sur le toit d'une maison en flammes et environnés par une foule hostile prête à les lyncher nécessitait de la part des équipages, par-delà l'aspect athlétique, une excellente maîtrise de techniques très particulières et une capacité de réaction adaptée en cas d'incident.

La troisième mission des forces spéciales réside dans l'accomplissement d'actions dites d'environnement, ou paramilitaires. Ainsi, le COS assure des missions d'assistance militaire, soit pour former des forces spéciales étrangères, soit lorsque les formations ont lieu dans un contexte de tension susceptible de dégénérer rapidement. Dans ce cas, les forces spéciales sont capables de s'adapter rapidement à une situation de guerre et d'éviter les prises d'otages.

Le COS réalise également des expertises initiales de théâtres, par exemple lorsque l'état-major des armées veut apprécier finement la situation dans une zone en crise sans que le déploiement des personnels puisse être interprété comme une décision d'engagement militaire. De ce point de vue, les réservistes constituent un apport précieux pour l'évaluation de situations politiques ou techniques précises, telles que l'état du réseau électrique ou de traitement des eaux usées. Ainsi, le COS a été amené à s'intéresser à la réalité de situations humanitaires, présentées comme dramatiques par certaines ONG. Il a pu faire apparaître que l'afflux de populations vers certains camps de réfugiés en Afrique s'expliquait par l'importance, et donc l'attrait, des moyens qui y étaient déployés et a suggéré leur réorientation vers les villages avoisinants, afin de désengorger les camps.

Le général Benoît Puga a ensuite abordé les deux principales opérations en cours. En ce qui concerne l'Afghanistan, la décision du Président de la République d'engager les troupes françaises, prise en mai 2003 en marge du G8 d'Evian, concrétise l'engagement de la France dans la lutte contre le terrorisme, déjà manifesté après le 11 septembre 2001, et a permis de resserrer les liens avec les militaires américains. Le Président de la République a souhaité que les missions des forces spéciales en Afghanistan se déroulent dans une très grande confidentialité pour deux raisons : d'une part, cela correspond au mode de fonctionnement des forces spéciales américaines, qui ne reçoivent jamais les journalistes ni les parlementaires sur leurs lieux de déploiement ; d'autre part, cette confidentialité constitue la première mesure de sécurité pour les soldats engagés, qui opèrent par petites équipes de quatre ou cinq personnes, loin de leurs bases. Un strict secret doit s'imposer à tous, y compris lors de l'analyse des missions effectuées, compte tenu de la dangerosité des terroristes. La mission des forces spéciales en Afghanistan est de rechercher les renseignements et de neutraliser les Talibans. La situation militaire du pays peut être considérée comme totalement sous contrôle. Les Talibans n'ont plus la capacité de mener une opération militaire d'envergure contre la coalition ou l'OTAN, même si de petits groupes terroristes peuvent localement constituer une nuisance mortelle, en utilisant des engins explosifs improvisés et en raison de leur connaissance du terrain. La France travaille de concert avec l'armée afghane afin de permettre au gouvernement afghan d'assumer ses responsabilités en matière de sécurité et de défense.

En Côte d'Ivoire, le COS conduit des opérations classiques de renseignement dans la profondeur, ce qui implique notamment des contacts avec les rebelles permettant de s'informer de leur état d'esprit, au profit du commandant de l'opération Licorne.

Enfin, le COS mène, avec le groupement de sécurité et d'intervention de la gendarmerie nationale, des opérations de coopération avec les forces armées de Jordanie, d'Arabie Saoudite et de Tunisie, pour former des unités spéciales de lutte contre le terrorisme.

En conclusion, les forces spéciales, qui n'opèrent pas dans la clandestinité mais dans la confidentialité, interviennent lorsqu'elles apportent une plus-value par rapport à l'action des forces classiques ou qu'il s'agit d'atteindre un objectif déterminant, par exemple lorsqu'il a fallu s'assurer du contrôle d'une piste aérienne à Bunia lors de l'opération Artemis, en République démocratique du Congo. Il convient de se méfier de la vogue des forces spéciales, relayée par les médias. Cette dernière préoccupation est partagée par le commandant américain de l'USSOCOM, inquiet d'une certaine volonté d'expansion indéfinie de ces forces à l'œuvre au sein du département de la défense. Les forces spéciales n'ont pas vocation à se substituer aux moyens militaires classiques. Une telle perspective n'est en tout état de cause pas compatible avec les moyens budgétaires et humains de l'armée française.

Le président Guy Teissier a souhaité savoir si les moyens français étaient compatibles avec ceux des forces spéciales américaines en Afghanistan, notamment en matière de transmissions. Il s'est interrogé sur l'utilisation des drones par les forces spéciales et a demandé s'il était opportun que celles-ci disposent en propre de ce type de moyens à l'avenir. Enfin, il a constaté que les forces spéciales étaient très fortement sollicitées alors qu'un faible nombre de régiments est concerné. Le format retenu est-il suffisant ? Quels sont les risques encourus si le rythme des opérations reste aussi soutenu ?

Le général Benoît Puga a souligné le caractère primordial de la compatibilité et de la qualité des équipements dont sont dotées les forces spéciales. De ce point de vue, des progrès considérables ont été réalisés à la suite des attentats du 11 septembre 2001, notamment avec l'arrivée en cours des premiers exemplaires du nouvel hélicoptère EC 725. Ce programme de 300 millions d'euros offre des capacités opérationnelles bien supérieures en termes de capacité d'emport et de rayon d'action.

En matière de transmissions, les difficultés liées au cryptage des moyens américains ont d'abord concerné l'armée de l'air, lors de la guerre du Kosovo. En Afghanistan, il convient de souligner que les forces américaines partagent sans réticence les matériels et les clés de cryptage avec les forces françaises. L'effort budgétaire doit être poursuivi dans ce domaine capital. Pour les drones, la question est de savoir si les forces spéciales elles-mêmes doivent en être dotées ou si elles doivent les utiliser ponctuellement. Actuellement, en Afghanistan, le COS bénéficie de tous les moyens américains, des B52 aux drones Predator en passant par les avions de combat. Les forces spéciales françaises expérimentent un drone spécifique, conçu en collaboration avec le 1er RPIMa, mais ce type de drones légers, très utiles en combat urbain, manque de discrétion car ils signalent instantanément la proximité de leurs utilisateurs.

Le format des forces spéciales françaises est suffisant et adapté aux capacités des armées à sélectionner et à former les personnels nécessaires. Les efforts doivent être poursuivis pour améliorer la capacité de commandement, notamment par le développement d'équipes de transmissions, afin d'assumer le rôle de nation-cadre. Le décret du 21 mai 2005 renforçant les prérogatives du chef d'état-major des armées bénéficie également au commandant du COS, notamment grâce à l'action de groupes de travail visant à concevoir les forces spéciales comme un système d'armes à part entière. Ainsi, il a été possible, dans le cadre d'un arbitrage budgétaire, d'associer le COS aux décisions et d'éviter que la cohérence d'ensemble des systèmes informatiques de commandement soit affectée.

Il convient de poursuivre l'effort engagé pour améliorer la cohérence d'ensemble. La prise de conscience du rôle indispensable des forces spéciales par l'ensemble des armées est réelle et les travaux actuellement menés vont dans le bon sens.

M. Alain Moyne-Bressand s'est interrogé sur l'emploi des forces spéciales en Afghanistan et leurs relations avec les forces américaines. Le maintien des forces spéciales françaises dans ce pays s'inscrit-il dans le cadre de la lutte antiterroriste ou contribue-t-il au maintien de l'ordre pour la sécurité du pays ? Par ailleurs, après avoir annoncé l'arrestation d'un individu considéré comme terroriste de premier plan, voire suggéré qu'il pouvait s'agir de Ben Laden, les Américains sont revenus à une attitude plus réservée. Sait-on aujourd'hui si Ben Laden se trouve toujours en Afghanistan ?

Le général Benoît Puga a signalé qu'il convenait de distinguer l'action des forces spéciales du travail exécuté par la force Pamir dans le cadre de la force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS). Cette dernière remplit une mission de stabilité et de sécurité et doit permettre au processus politique de se dérouler dans des conditions satisfaisantes. Les forces françaises participant à la FIAS n'accomplissent donc pas des tâches de maintien de l'ordre mais contribuent à la formation des forces locales chargées de cette mission.

En revanche, les forces spéciales françaises participent à la lutte antiterroriste dans le cadre de l'opération Arès. Les Américains concentrent leurs efforts dans l'est et le sud-est du pays, notamment le long de la frontière pakistanaise. Ils n'ont pas la prétention d'éradiquer tous les mouvements et réseaux terroristes mais ont pour objectif d'exercer une pression telle que ceux-ci ne puissent agir à leur aise. L'imbrication de plusieurs phénomènes profite toutefois aux terroristes. Il s'agit, en premier lieu, des règlements de comptes entre tribus rivales ; en second lieu, l'attitude de chefs de guerre ou de responsables locaux qui, sous couvert de lutte contre le terrorisme et les talibans, protègent leur propre autorité et leurs trafics complique la situation ; enfin, la recrudescence des actions de lutte contre la drogue, menées actuellement par les forces britanniques, provoque des réactions de rejet de la population, celle-ci n'ayant plus de moyens de subsistance dans la mesure où la destruction des champs de pavots n'est accompagnée par aucun projet économique alternatif.

S'exprimant à titre personnel, le général Benoît Puga a rappelé que, issu d'une famille saoudienne très influente, Ben Laden utilisait des réseaux qu'il avait longuement tissés, notamment au Pakistan. Il serait déraisonnable d'imaginer pouvoir le couper de tout soutien, notamment de type familial et dans la zone tribale. Il est sans doute toujours vivant mais peut être caché dans plusieurs pays.

M. Jean-Michel Boucheron a estimé qu'au regard de l'avenir des conflits, du développement du terrorisme et des nouvelles formes de luttes internationales, un outil comme le COS, et les forces qui le composent, paraît mieux approprié que d'autres. Il peut donc être tentant de répartir différemment l'effort budgétaire. Compte tenu de la menace, les forces spéciales françaises ont-elles atteint leur masse critique ? Par ailleurs, le COS a certainement besoin d'outils particuliers. Le commandant des opérations spéciales a-t-il la possibilité d'orienter les choix d'acquisition et de développement de matériels, notamment ceux peu susceptibles d'intéresser les armées en général ?

Le général Benoît Puga a estimé que la masse critique était aujourd'hui acquise. Le volume actuel de forces est jugé nécessaire et suffisant, sous réserve d'une possibilité d'accroissement des capacités de l'état-major, dont il serait souhaitable de porter l'effectif de 70 à 100 personnes. L'augmentation du volume des forces spéciales poserait la question de l'adaptation du recrutement, de l'entraînement et de l'équipement et donc, de fait, toute l'organisation actuelle des forces conventionnelles serait à revoir. Les forces spéciales peuvent répondre au volume d'engagement actuel, sauf si des missions de plusieurs années doivent être remplies simultanément.

S'agissant des équipements, le COS participe aux choix opérés et peut veiller à la cohérence d'ensemble. Sans être excessivement coûteux, les matériels particuliers dont il a besoin peuvent parfois nécessiter un effort financier soudain et urgent. Or, les procédures de marchés publics, comme celles de définition de programme, sont par nature longues. Par ailleurs, des aménagements nécessaires de procédures sont en cours, afin qu'un matériel validé par une armée soit accepté en opérations par les autres. Pour les matériels neufs, comme l'hélicoptère EC 725, les procédures d'utilisation seront identiques pour toutes les armées. La question d'une responsabilité budgétaire du COS dans le cadre de la LOLF peut se poser. Toutefois, afin d'éviter les doublons, le COS préfère exprimer un besoin d'acquisition d'un matériel auprès du chef d'état-major des armées, celui-ci désignant ensuite une armée pour piloter les procédures techniques d'évaluation et d'acquisition.

M. Jean-Louis Bernard a souhaité savoir comment s'articulaient les activités du COS et celles du centre d'entraînement de Cercottes.

M. René Galy-Dejean s'est étonné qu'une unité de la 11ème brigade parachutiste, le groupement de commandos parachutistes (GCP), qui existait avant la création du COS, n'ait pas été intégrée à ce dernier. N'est-elle pas redondante avec d'autres unités du COS ?

Le général Benoît Puga a signalé que le centre de Cercottes dépendait du service action de la DGSE. Si des contacts sont établis avec la DGSE pour la mise au point ou l'acquisition de matériels ou d'équipements d'intérêt communs, opérations clandestines et opérations spéciales restent deux activités distinctes.

S'agissant du GCP, cette unité est parfaitement complémentaire du COS. Elle est absolument nécessaire à l'armée de terre pour conduire en profondeur une action tactique, tandis que l'intervention du COS s'inscrit dans le domaine stratégique.

Constatant qu'en Afghanistan, les forces françaises utilisaient les moyens de transmission et les clés de cryptage américains, M. Jean Michel s'est interrogé sur les moyens français équivalents en la matière. Est-il vraiment nécessaire d'être autant assujetti à une autre nation ? Par ailleurs, quels sont les efforts qui devraient être réalisés afin de disposer de capacités d'action autonomes pour des missions de longue durée ?

Le général Benoît Puga a indiqué que les forces françaises disposaient de moyens leur permettant d'assurer le cryptage et la transmission de données, y compris sur de longues distances, en parfaite autonomie. Les capacités françaises sont comparables, voire supérieures, à celles des Britanniques, surtout depuis la mise en service du satellite Syracuse III-A.

En Afghanistan, les forces spéciales françaises sont sous commandement américain. La France a d'emblée estimé indispensable de travailler sur le même réseau chiffré que les Américains, ce qui n'a d'ailleurs soulevé aucune difficulté de leur part. Les Américains disposent d'un système de transmission portable muni d'une antenne parabolique, le PRC 117, très efficace et que la France a acquis pour répondre ponctuellement aux besoins. La France doit poursuivre son effort de développement de moyens satellitaires portables, certes non nécessaires aux autres armées mais indispensables au COS.

S'agissant des capacités d'action du COS, s'il fallait dépasser le seuil de 500 à 600 hommes déployés simultanément dans des opérations s'inscrivant sur une durée de plusieurs années, il faudrait alors se résoudre à réduire l'entraînement. Après avoir été contraints de renoncer à tout recrutement et tout entraînement pour déployer le maximum d'effectifs, les Britanniques sont aujourd'hui confrontés à de réels problèmes de recrutement. La France s'exposerait également à des difficultés importantes si elle devait dépasser ses capacités actuelles de projection.

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