COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 25

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 4 décembre 2002
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. François Scellier, Doyen d'âge,

puis de M. Michel Bouvard, Vice-président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de résolution de M. Noël Mamère tendant à créer une commission d'enquête relative à l'origine des fonds du groupe algérien Khalifa et sur leur utilisation en France (n° 334) (M. François Goulard, Rapporteur)

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- Informations relatives à la Commission

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La Commission a examiné la proposition de résolution de M. Noël Mamère tendant à créer une commission d'enquête relative à l'origine des fonds du groupe algérien Khalifa et sur leur utilisation en France (n° 334).

En préalable, M. Didier Migaud a souhaité émettre une protestation solennelle au sujet de la place laissée à la Commission des finances dans l'organisation des travaux de l'Assemblée nationale : la date d'examen du projet de loi de finances rectificative n'est pas connue avec certitude mais ne débutera pas, au mieux, avant jeudi soir, et tout porte à croire qu'elle sera plus tardive, reléguant le débat au vendredi, ce qui dénote un manque total de respect pour les travaux de la Commission. Son Président et son Rapporteur général doivent par conséquent intervenir sans délai pour que la Conférence des présidents modifie l'ordre du jour, cette préoccupation réunissant toutes les tendances politiques. Il suffit de faire valoir son point de vue avec la fermeté nécessaire auprès du secrétariat d'État aux relations avec le Parlement pour être entendu. Il n'est pas admissible de voir de telles conditions de débat, qui se reproduiront pour l'examen de ce même texte, après la réunion de la commission mixte paritaire.

M. François Scellier, Président, a indiqué que le calendrier prévisionnel des travaux du Sénat et de l'éventuelle commission mixte paritaire ne laissait guère d'autre choix que de fixer la date de passage en séance publique au jeudi 19 décembre.

S'agissant de la première lecture, il a indiqué qu'il donnait bien volontiers acte de ses propos à M. Didier Migaud.

M. Augustin Bonrepaux s'est fait l'écho du rappel au règlement que venait d'effectuer dans l'hémicycle le président du groupe socialiste, en s'étonnant de l'absence systématique de priorité donnée, dans le calendrier, aux textes que la Commission des finances examine au fond ou pour avis. Il a réitéré la demande de M. Didier Migaud tendant à obtenir un report de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour éviter qu'elle se déroule en fin de semaine, le Sénat pouvant se contenter de délais d'examen plus brefs. Il s'agit non seulement d'éviter une relégation inadmissible des travaux parlementaires concernant la Commission, mais aussi d'une question de disponibilité, voire d'épuisement des députés.

M. François Scellier, Président, a pris acte de ces demandes, qui seront transmises au Président et au Rapporteur général.

Puis la Commission a procédé à l'examen de la proposition de résolution de M. Noël Mamère.

M. François Goulard, Rapporteur, a rappelé les deux conditions posées par le Règlement de l'Assemblée nationale quant à la recevabilité d'une telle proposition de résolution. Celle qui ferait obstacle à la mise en discussion de la proposition, si le Garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé son dépôt, est remplie à ce jour, en l'absence de réponse positive de la Chancellerie. L'autre condition, qui prévoit que la proposition détermine avec précision les faits devant donner lieu à enquête, pose problème.

En effet, l'exposé des motifs de la proposition de résolution ne brille pas par sa précision. Il s'agit d'une collection de citations d'articles de presse qui soulèvent des interrogations sur le groupe algérien Khalifa. Sans contester la réalité de ces interrogations, celles-ci ne sauraient pallier les approximations contenues dans le texte même de la proposition. Son auteur mentionne par exemple « ces sociétés », sans les avoir préalablement désignées, et propose la saisine du Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI), alors que cette organisation internationale n'a pas vocation à traiter ce genre de cas particuliers.

Le Rapporteur est convenu que l'origine des fonds du groupe Khalifa n'est pas toujours précise, ce que lui ont confirmé oralement les services du ministère de la Défense, compétents en matière de renseignement. Mais cet état de faits ne présente pas pour autant en lui-même un danger pour notre pays. Les capitaux du groupe, qui s'est constitué récemment et touche des domaines d'activités très divers, proviendraient essentiellement de fonds transmis par héritage par M. Khalifa père, dont l'enrichissement pourrait s'expliquer par les hautes fonctions qu'il a exercées dans son pays. Si faits répréhensibles il devait y avoir, enquêter à leur sujet relèverait sur ce point d'une ingérence caractérisée dans les affaires d'un État étranger. Quant aux activités exercées en France, elles donnent ou ont donné lieu de la part de diverses autorités administratives, à l'exercice normal de leurs compétences. Ainsi, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a enjoint aux dirigeants de Khalifa TV de cesser leurs émissions, pour défaut de respect des règles en vigueur, la Direction générale de l'aviation civile s'est acquittée de sa mission de contrôle à l'occasion d'un projet de partenariat dans le cadre des activités de transport aérien du groupe Khalifa, et les services du Comité des établissements de crédits et des entreprises d'investissement - et non de la Commission bancaire comme indiqué par erreur dans le texte de la proposition de résolution - ont effectivement constaté de la part du groupe Khalifa, à l'occasion de l'éventuelle installation en France d'un bureau de représentation, l'absence de conformité avec les textes en vigueur. Enfin et surtout, il semble que la motivation essentielle de l'auteur de la proposition réside dans un contentieux local et personnel ayant trait au parrainage financier accordé par le groupe algérien au club de rugby de Bègles. La Commission n'a évidemment pas vocation à entrer dans ce genre de considérations. Ceci s'ajoute au manque de consistance des faits censés donner lieu à enquête pour justifier un rejet de la proposition de résolution.

M. Jean-Louis Dumont a salué le sérieux du travail du rapporteur et s'est étonné de certains aspects de la proposition de M. Noël Mamère. Certes, la liste est longue des investissements étrangers dont la provenance suscite des interrogations, mais lorsque l'on prône la rigueur à ce sujet, il faut à tout le moins proposer un texte lui-même rigoureux. En outre, si M. Khalifa et le groupe qu'il dirige ont été l'objet de nombreux articles de presse, élogieux ou critiques, cela ne suffit pas en soi à justifier la création d'une commission d'enquête. Les éléments concrets et concordants font défaut ; seuls existent des ragots et des suppositions, faute de quoi c'est la justice qui aurait dû être saisie. Le Rapporteur emporte la conviction.

M. Marc Laffineur a lui aussi souscrit aux conclusions éloquentes et étayées du Rapporteur.

La Commission a alors rejeté, sur proposition du Rapporteur, la proposition de résolution.

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Informations relatives à la Commission

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a désigné :

- MM. Pierre Méhaignerie, Gilles Carrez, Michel Bouvard, Marc Laffineur, Xavier Bertrand, Augustin Bonrepaux et Didier Migaud, comme candidats titulaires,

- MM. Daniel Garrigue, Philippe Rouault, Éric Woerth, Mme Marie-Anne Montchamp, MM. Jean-Louis Dumont, Charles de Courson et Michel Vaxès, comme candidats suppléants ;

pour siéger à une éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2002 (n° 382).

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