COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 51

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 29 avril 2003
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Michel Bouvard, Vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de MM. Ercole Incalza et Emilio Maraini, fonctionnaires au ministère des transports italien, sur le financement des infrastructures

2

La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan a procédé à l'audition de MM. Ercole Incalza et Emilio Maraini, fonctionnaires au ministère des transports italien, sur le financement des infrastructures.

M. Michel Bouvard, Président, a souligné l'importance du partenariat franco-italien dans le développement des infrastructures de transport et l'intérêt présenté par la « loi Objectif » adoptée par le Parlement italien au début de la législature.

M. Ercole Incalza, Conseiller technique au ministère des transports italien, a indiqué que la « loi Objectif » a pour but la réalisation effective d'actions essentielles pour le pays au moyen d'une programmation générale qui prend en compte, par ailleurs, les interventions communautaires. Cette loi présente les quatre caractéristiques suivantes :

- elle permet, en premier lieu, d'identifier les programmes d'infrastructures nationales et infra-nationales de type « grands ouvrages ». Dix-neuf programmes ont ainsi été définis dont cinq de portée internationale et communautaire, parmi lesquels trois programmes concernant le franchissement alpin, un quatrième sur la liaison entre la Sicile et le continent et un cinquième prévoyant des ouvrages de réhabilitation du système urbain de Venise. D'autres programmes concernent, par exemple, les axes porteurs en mer Tyrrhénienne ou Adriatique ou les réseaux d'alimentation en eau ;

- la « loi Objectif » organise, en deuxième lieu, les rapports entre le niveau central et les niveaux locaux afin d'écarter les risques de contentieux, nombreux dans le passé et liés aux procédures d'autorisation et à l'application locale des décisions prises au niveau central. Dans ce but, la loi prévoit l'organisation de contacts préalables entre l'Etat et les niveaux locaux permettant de définir « une entente générale cadre » qui doit permettre de prévenir les contentieux ;

- la « loi Objectif » permet également de déterminer avec certitude les délais et les sources de financement en s'appuyant sur un business plan  déterminant les ressources et les emplois. Ainsi, en 2001, le Comité interministériel pour la programmation économique (CIPE), organe financier et économique le plus élevé en Italie, a approuvé un plan de dix ans sur les infrastructures d'un montant de 125 milliards d'euros. Sur ce montant total, 10 milliards d'euros de ressources sont des crédits publics ouverts par les lois de finances passées, auxquels s'ajoutent 6 milliards d'euros ouverts par les lois de finances pour 2001 et 2002. La société de chemin de fer italienne (FS), la société nationale des autoroutes (ANAS) et les sociétés concessionnaires d'autoroutes ont, pour leur part, contribué aux ressources de ce plan à hauteur respectivement de 6 milliards d'euros, 2,5 milliards d'euros et 4,6 milliards d'euros. S'y ajoutent les crédits ouverts par la loi de finances pour 2003 qui s'élèvent à 5,8 milliards d'euros. C'est donc au total plus de 35 milliards d'euros qui sont disponibles pour la mise en œuvre de ce plan, soit près de 30% de son enveloppe globale ;

- enfin, la « loi Objectif » prévoit des procédures d'autorisation spécifiques entre les donneurs d'ouvrage et les maîtres d'œuvre, procédures tout à fait innovantes qui permettent de garantir les délais et le coût des ouvrages afin d'éviter les contentieux entre les différents acteurs.

Les nouvelles procédures de décision ont pour principal objectif de garantir la réalisation effective des dépenses, tout en tenant compte des éléments financiers et techniques déjà disponibles. La phase d'instruction d'un projet s'intéresse à son impact environnemental et valide ses paramètres techniques et économiques. L'approbation du projet relève directement du CIPE, au sein duquel sont représentés le ministère de l'économie et des finances, le ministère des infrastructures, le ministère de l'environnement et la conférence État - régions. La phase post-approbation garantit la réalisation du projet et le maintien de son coût dans l'enveloppe approuvée.

La procédure ainsi réorganisée est efficace : en quatre réunions seulement, le CIPE a approuvé des projets pour une enveloppe totale de 4,5 milliards d'euros, soit autant qu'en cinq ou six ans de travail selon les modalités antérieures. La nouvelle procédure apporte également des garanties supplémentaires en matière d'appel d'offres, puisque l'exécution d'un projet repose désormais sur un « contractant général » : il y a moins de « micro-lots » et plus d'ouvrages complets proposés aux soumissions des entreprises, par exemple la bretelle autoroutière vers Mestre ou la portion d'autoroute entre Salerne et Regio de Calabre. Enfin, la transparence a également été fortement accrue puisque, depuis deux ans, les projets envisagés sont publiés au Journal officiel national et au Journal officiel des Communautés européennes, avec le montant prévu des travaux et les délais requis. Cette publication vise à faciliter la mise au point, par les entreprises contractantes, des montages financiers et des nécessaires partenariats public - privé.

Une nouvelle étape doit être franchie en 2003 : il est prévu que les projets soient insérés dans la loi de finances et acquièrent donc valeur législative.

S'agissant de la liaison Lyon - Turin, le projet italien a été approuvé par le CIPE en 2001, dans le cadre d'une enveloppe globale de 2,5 milliards d'euros, dont 1,8 milliard d'euros au titre de la contribution italienne. Comme les autres, ce projet sera intégré pour la première fois dans la loi de finances pour 2004.

M. Ercole Incalza a ensuite évoqué le financement des projets d'infrastructures. Il y a près de cinq ans, un groupe de travail économique et financier constitué au sein de la commission intergouvernementale franco-italienne a fait des propositions, dont certaines ont d'ailleurs été reprises dans le Livre blanc de la Commission européenne. L'idée principale de ces propositions consistait à mettre en œuvre un financement croisé, fondé sur une taxe « ciblée » portant sur les trafics passagers et fret entre la France et l'Italie (5 € par passager et 1 € par tonne de fret). Des évaluations délibérément prudentes quant à la demande de transport avaient estimé à 700 millions d'euros le produit attendu permettant de disposer d'un financement initial susceptible d'être relayé par des capitaux privés.

Ce schéma n'a pas satisfait les parlements français et italien et il a alors été envisagé de constituer la réserve de 700 millions d'euros par un emprunt obligataire. On doit cependant remarquer qu'un schéma identique est actuellement à l'étude pour le financement des aménagements d'infrastructures nécessaires au franchissement du col du Brenner.

Un autre schéma de financement - qui, pour les liaisons transalpines, ne constitue pas une solution alternative - s'articule autour d'une titrisation des recettes futures et d'un financement bancaire. Il est mis en œuvre par Infrastruttura SpA pour la réalisation de la ligne ferroviaire à grande vitesse Turin - Milan - Naples. Les initiatives innovantes se sont multipliées ces derniers temps : certaines personnes ont proposé que les infrastructures d'intérêt européen soient financées par des obligations européennes garanties par le bilan des institutions communautaires ; le groupe de travail Van Miert constitué au Parlement européen a approuvé un « taux de couverture » du TEN-T (Trans European Transport Network) par les crédits communautaires de 10% à 20%.

Ce groupe de travail comprend la Banque européenne d'investissement, qui semble très intéressée par le développement des partenariats public - privé. Ceux-ci doivent réunir cinq conditions pour réussir :

- les risques doivent être clairement répartis entre les partenaires publics et privés, en proportion des investissements réalisés par chacun ;

- le secteur privé doit être engagé dès le montage juridique et financier ;

- le partenariat doit s'organiser autour de sociétés d'économie mixte, avec la participation des organismes et collectivités locaux ;

- il faut mettre en œuvre des incitations fiscales à l'investissement privé ;

- les législations et réglementations française et italienne doivent être harmonisées. Avec la « loi Objectif », l'Italie a d'ailleurs fait de grands progrès en ce sens.

M. Ercole Incalza est ensuite revenu sur l'intérêt de la liaison Lyon - Turin. Trois éléments militent en faveur de ce projet : l'estimation de la demande de transport à moyen terme montre que l'ouvrage est indispensable ; les segments d'infrastructure actuels seront complètement saturés d'ici à 2015, même dans un scénario de croissance économique médiocre sur cette période ; le projet s'inscrit bien dans le contexte communautaire de l'élargissement. Enfin, il faut noter que la fermeture du tunnel du Mont-blanc pendant près de 18 mois a offert une « expérimentation » grandeur nature des conséquences d'une saturation des axes transalpins.

S'agissant de la situation dans la zone des franchissements alpins, les transports y revêtent une importance décisive, pour l'Italie comme pour l'Europe entière.

En effet, parmi les 15 bassins européens dont le PIB annuel par habitant est supérieur à 25.000 euros, sept se situent en Italie. Ces régions, qui constituent une zone économique très intégrée, et qui représentent 56% du produit intérieur brut national et 22% du produit intérieur brut européen, concentrent 65% des échanges de fret de l'Italie.

De même, le développement des infrastructures de transport intéresse l'économie européenne tout entière. La croissance des transports a été continûment supérieure à celle du PIB. Ainsi, durant les quarante dernières années, le PIB a augmenté de 52% dans l'Union européenne et de 47% en Italie, tandis que le transport fret a progressé de respectivement 61% et 58%. Aux seuls franchissements alpins, le fret transporté est passé de 19 millions de tonnes en 1967 à 135 millions de tonnes en 2002. En 2010, en retenant une hypothèse de croissance modérée (1,2% par an), le fret devrait atteindre 150 millions de tonnes. Ces chiffres donnent la mesure de l'enjeu financier constitué par l'aménagement des infrastructures de fret dans la région. La valeur des échanges de fret dans l'Arc alpin a en effet atteint 108 milliards d'euros, l'incidence du coût des transports sur les itinéraires historiques de transit étant de l'ordre de 6,2 milliards d'euros. Ainsi, la saturation est probable d'ici 2015, en particulier entre St-Jean-de-Maurienne et Turin. Dans le cas où les itinéraires seraient bloqués en raison de limitation ou saturation, les coûts de transport pourraient représenter 18 milliards d'euros.

En outre, le développement des infrastructures entre la France et l'Italie dépasse la problématique du franchissement des frontières pour intéresser le développement économique de l'Europe tout entière et la liberté de circulation, l'un des piliers du Traité de Rome. A ce titre, le projet Lyon-Turin s'inscrit au cœur du grand corridor européen n°5 entre Lisbonne, Lyon, Milan et Kiev, axe majeur de circulation et de liaison entre l'ouest et l'est européen, qui rassemble 35% du trafic fret européen. Au titre de ce corridor, l'Italie a d'ores et déjà engagé des travaux de 125 kilomètres concernant les lignes à grande vitesse entre Turin et Milan, de 140 kilomètres pour le réseau routier et approuvé la nouvelle ligne ferroviaire Milan-Venise.

Au total, il faut prévoir pour les passages ferroviaires des Alpes des investissements de l'ordre de 12 milliards d'euros, dont 6,3 milliards d'euros prévus par l'Italie pour la réalisation des franchissements ferroviaires du Fréjus, Simplon et Brenner. Parallèlement, 350 millions d'euros ont été engagés en faveur des sociétés de transport qui transfèrent des marchandises de la route au fer.

M. Ercole Incalza a indiqué que Réseau ferré d'Italie, le responsable des infrastructures ferroviaires italiennes, prévoit la mise en exploitation de la ligne Turin-Novare en 2006, Novare-Milan en 2008 et le contournement fret de Turin en 2011, tandis que RFF ne semble prévoir la mise en service du tunnel de Belledonne que pour 2017 au plus tôt. Il a reconnu que les investissements nécessaires sont très élevés : les aménagements sur la partie française, entre Lyon et St-Jean-de-Maurienne, devraient coûter 7 milliards d'euros, ceux de la partie commune, principalement la construction du « tunnel de base » entre St-Jean-de-Maurienne et Val de Suse, 6 milliards d'euros, et ceux de la section italienne 2 milliards d'euros. Cependant, l'ensemble des aménagements entre Milan et Turin constituera une lourde charge complémentaire pour l'Italie de 6,9 milliards d'euros.

M. Michel Bouvard, Président, après avoir souligné l'habileté de cette présentation financière, qui nuance l'évidente disproportion entre les engagements financiers français et italiens pour le seul projet Lyon-Turin, a demandé des précisions sur les montages financiers retenus par l'Italie pour assurer les investissements nécessaires, en particulier sur le système de titrisation mis en place pour l'axe Turin-Milan-Naples. De quelles garanties et de quelles contreparties bénéficient les établissements financiers qui participent au financement des travaux ? Quelle durée de concession a été retenue de façon à mobiliser les masses financières nécessaires ?

M. Emilio Maraini, Conseiller diplomatique au ministère des transports italien, a précisé que l'Etat italien a retenu non une véritable titrisation au sens strict du terme mais une opération financière structurée, fondée sur la garantie d'un patrimoine isolé, partiel et indépendant de l'Etat. En Italie, la concession pour un ouvrage était normalement limitée par la loi à 30 ans. Cependant, le Parlement a décidé d'assouplir ce seuil, afin, notamment concernant le projet Turin-Milan-Naples, d'ajuster la durée de la concession au temps nécessaire à la rentabilité des investissements. Ainsi, la durée de la concession sera aménagée au regard des résultats de l'exploitation, afin d'assurer aux investisseurs un retour financier suffisamment attractif.

Répondant à M. Michel Bouvard, Président, qui s'inquiétait de la compatibilité de ces montages financiers avec le droit communautaire et en particulier la législation sur les appels d'offre, M. Emilio Maraini a indiqué que l'appel d'offre mentionne la flexibilité de la durée de concession et qu'ainsi le principe de concurrence est respecté.

M. Ercole Incalza a souligné que la « loi Objectif », entrée en vigueur au mois de décembre de 2001, constitue un élément très novateur. Elle a donné lieu à l'adoption de quatre textes subséquents, le dernier d'entre eux entré en vigueur au mois d'août 2002. Ce corpus est bien sûr conforme au droit communautaire et décliné chaque année, s'agissant de ses implications budgétaires, dans la loi de finances. Il assure en tout état de cause la transparence des choix et des financements en matière d'infrastructures de transport.

M. Michel Bouvard, Président, s'est interrogé sur les modalités de mise en œuvre de la garantie financière de l'Etat dont bénéficient les concessionnaires des infrastructures concernées par la « loi Objectif ».

M. Ercole Incalza a précisé que cette garantie est partielle et organisée dans la « loi Objectif » sous la forme d'un fond de roulement, le cas échéant, mis à disposition. Ladite garantie ne peut être mise en œuvre qu'en cas d'événements imprévus à même de remettre en cause l'équilibre initial de la concession. A tout le moins, l'existence de cette garantie permet à l'investisseur de bénéficier de taux d'intérêt plus modérés et de diminuer, le concernant, les risques d'insolvabilité.

M. Michel Bouvard, Président, a demandé si les modalités du montage financier propre à la construction de la ligne ferroviaire à grande vitesse reliant Milan à Naples sont comparables aux modalités du montage financier propre à celle des lignes ferroviaires reliant, d'une part, Milan à Venise et, d'autre part, Milan à Gênes.

M. Ercole Incalza a répondu que les modalités du montage financier propre à la ligne reliant Milan à Gênes diffèrent, du fait de son passage par Novare, qui implique le percement d'un tunnel.

M. Michel Bouvard, Président, a souhaité connaître la part détenue par l'Etat dans la structure publique qui participe au financement des nouvelles infrastructures ferroviaires italiennes au titre de la « loi Objectif ».

M. Ercole Incalza a précisé qu'à travers la Caisse des dépôts et consignations italienne, l'Etat possède la totalité de cette structure.

M. Michel Bouvard, Président, a évoqué une récente entrevue qui a réuni des représentants officiels du Gouvernement italien, des autorités piémontaises ainsi que Mme Loyola de Palacio, Vice-Présidente de la Commission européenne, Commissaire européen en charge de l'énergie et des transports, au cours de laquelle il aurait été envisagé que la part du financement revenant à l'Italie, s'agissant de la partie commune de la liaison ferroviaire reliant Lyon à Milan, puisse, le cas échéant, s'élever à plus de 50%.

M. Ercole Incalza a indiqué que cette hypothèse ne constituait en rien la position du Gouvernement italien. Celui-ci a d'ores et déjà traduit son engagement politique concernant la réalisation de l'ouvrage avec la création d'un poste budgétaire dédié, dont l'existence constitue d'ailleurs l'une des modalités d'application de la « loi Objectif ».

M. Michel Bouvard, Président, a souligné que la volonté politique italienne trouve d'ores et déjà sa traduction dans un financement « sécurisé ». Il a par ailleurs relevé que les documents présentés par la délégation italienne retiennent une mise en service de la partie commune de la liaison ferroviaire nouvelle reliant Lyon et Turin pour 2017, ce qui constitue effectivement la date praticable la plus proche. La volonté de mettre en service cette liaison en 2012, telle qu'elle fut exprimée lors du sommet franco-italien de Périgueux du 27 novembre 2001, constituait d'abord l'expression d'une volonté politique ferme relative au principe de la réalisation de l'ouvrage.

M. Ercole Incalza a précisé que la saturation, prévisible à moyen terme, des liaisons routières et ferroviaires permettant la traversée de l'Arc alpin aurait pour principale conséquence le renchérissement du coût du transport des marchandises et ne serait donc pas sans implications négatives sur la compétitivité des entreprises concernées.

M. Michel Bouvard, Président, a sollicité l'opinion de la délégation italienne s'agissant de l'audit français établi conjointement par l'inspection générale des finances et le conseil général des ponts et chaussées et publié en février 2003, selon lequel les mises en service prochaines des ouvrages ferroviaires du Saint-Gothard et du Lötschberg reliant la Suisse et l'Italie permettaient de répondre, au moins à moyen terme, au problème du fret que la liaison ferroviaire reliant Lyon et Turin a vocation à régler.

M. Ercole Incalza a rejeté l'idée selon laquelle le problème du franchissement ferroviaire de l'Arc alpin puisse être réglé, même à court terme, par la mise en service des deux tunnels qui relieront effectivement, dans un proche avenir, la Suisse et l'Italie :

- s'il est vrai que depuis 1996, le transit par la Suisse des véhicules de transport routier de marchandises de plus de 28 tonnes est en principe possible, il s'agit d'un changement plus apparent que réel. Ce transit, y compris s'agissant du fret ferroviaire, est en fait soumis à une taxation. Pour cette raison, un transit massif du transport routier européen par la Suisse ne saurait être réellement envisageable. Une observation analogue vaut d'ailleurs s'agissant de l'Autriche ;

- quelles que soient les capacités nouvelles à l'avenir du fret ferroviaire entre la Suisse et l'Italie, elles n'ont pas vocation à traiter le problème spécifique des capacités de fret ferroviaire dont il est et sera nécessaire de disposer afin de permettre le transit par l'Italie des marchandises entre l'est et l'ouest de l'Europe ;

- la marge est limitée entre ce qu'est aujourd'hui le trafic ferroviaire en partance de Modane et le trafic qui correspondrait à sa saturation puisqu'elle n'est que de 40 trains par jour ;

- la pleine utilisation de cette marge pourrait par ailleurs être entravée dans un proche avenir par la nécessité de mettre en œuvre des travaux sur cette liaison, afin de respecter de nouvelles normes de sécurité établies au niveau de la Communauté européenne.

Par ailleurs, plusieurs raisons font sérieusement douter qu'on puisse considérer l'augmentation du trafic routier dans les Alpes, notamment par le tunnel du Mont-Blanc pour lequel on a pu parler de relever le trafic actuel de 800 passages par jour de véhicules de transport routier de marchandises à 200 par heure, comme une alternative à la réalisation d'une liaison ferroviaire fret reliant la France et l'Italie :

- une situation de crise du fait d'un accident survenu, par exemple, dans un des deux tunnels routiers reliant la France et l'Italie, deviendrait complètement ingérable si le trafic routier transitant par ces tunnels augmentait encore à l'avenir ;

- un tel choix irait à l'encontre des orientations développées par l'Union européenne en matière de transport de marchandises, comme l'a rappelé la Commissaire Loyola de Palacio dans une note rendue publique suite à l'évocation, dans le débat public, d'une intensification du trafic routier pour assurer, à l'avenir, aux marchandises le franchissement de l'Arc alpin.

M. Michel Bouvard, Président, a souhaité connaître l'opinion de la délégation italienne s'agissant de l'idée d'une « taxe alpine » assise sur le transport routier et dont le produit serait destiné au financement de nouvelles infrastructures de fret ferroviaire permettant de traverser l'Arc alpin.

M. Ercole Incalza a estimé cette proposition, qui implique d'affecter une taxe au financement d'une politique publique précise, non conforme à la Constitution italienne. Il conviendra par ailleurs de replacer un tel projet dans le contexte de la future directive relative au financement croisé des infrastructures communautaires de transport.

M. Michel Bouvard, Président, a demandé des précisions quant au trafic des marchandises qui transitent par le tunnel du Brenner.

M. Ercole Incalza a précisé que l'autoroute qui transite par le tunnel du Brenner est saturée et que son gestionnaire a entrepris de devenir actionnaire de la société gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire de ce tunnel.

Il convient de rappeler que le volume du trafic fret entre la France et l'Italie s'établit aujourd'hui à 22 millions de tonnes et que, même en considérant l'hypothèse selon laquelle les PIB des deux pays auraient tendance à n'augmenter que très modérément à l'avenir, ce volume atteindrait 29 millions de tonnes en 2015, soit le tiers du volume des échanges qui transiteront alors par l'Arc alpin.


© Assemblée nationale