COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 71

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 9 juillet 2003
(Séance de 18 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen des conclusions de la MEC sur la redevance audiovisuelle (M.  Patrice Martin-Lalande, Rapporteur)

2

La commission des Finances a procédé à un nouvel examen des conclusions de la MEC sur la redevance audiovisuelle.

Le Rapporteur spécial, M. Patrice Martin-Lalande, a rappelé les grandes lignes du rapport qu'il a présenté le 2 juillet 2003, en indiquant que ses propositions s'inséraient dans le calendrier dicté par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, qui prévoit que le régime actuel de la redevance audiovisuelle disparaîtra automatiquement à la fin de l'année 2003.

Compte tenu des contraintes budgétaires prévisibles, une suppression totale accompagnée d'une simple budgétisation des crédits correspondants apparaît particulièrement difficile pour l'an prochain. Les options alternatives, comme par exemple un prélèvement sur les jeux, se heurtent, pour leur part, à de multiples obstacles.

En conséquence, ne demeurent que deux options. La première consiste à consolider et à améliorer la redevance actuelle, en en faisant une imposition de toute nature, et en prévoyant des moyens supplémentaires de contrôle. La seconde s'appuierait sur un adossement à la taxe d'habitation, et pourrait elle-même présenter deux formes : soit conserver le lien avec la détention d'un téléviseur, soit supprimer ce lien, en assujettissant tous les redevables à la taxe d'habitation. Dans ce dernier cas, il conviendrait de procéder à une harmonisation des conditions d'exonérations entre les deux impôts, qui n'auraient cependant pas la même assiette, mais simplement subordonnés au même fait générateur : la détention d'un local meublé. Cette dernière hypothèse, qui représenterait la simplification administrative la plus poussée, permettrait de donner suite aux critiques formulées en 2000 par un précédent rapport de la MEC, qui qualifiait la redevance d'impôt « archaïque, injuste et coûteux » à gérer. Elle permettrait de réaliser une économie de gestion de l'ordre de 100 millions d'euros, et de dégager, à barème inchangé, un supplément de produit d'environ 170 millions d'euros. Toutefois, la mise en œuvre de l'adossement à la taxe d'habitation supposerait un délai raisonnable, qui pourrait être d'un, ou de deux ans.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que le travail effectué par le rapporteur est incontestablement un travail utile, car se pose indiscutablement un problème juridique puisque d'ici 2005 la redevance, telle qu'elle existe actuellement, est condamnée à disparaître. Pour autant, les conclusions du rapporteur ne font pas l'objet d'un consensus et il est essentiel que chacun puisse conserver sa liberté. Il paraît souhaitable de maintenir un lien entre la possession d'un téléviseur et le paiement d'une redevance. En outre, l'adossement à la taxe d'habitation risquerait de provoquer des réactions négatives de la part des contribuables, vis-à-vis des collectivités locales. Aussi, est-il proposé que ce rapport ne soit pas publié en tant que rapport MEC, mais en tant que rapport d'information du rapporteur spécial. Dans ces conditions, n'y seraient pas jointes les diverses observations, puisque la Commission se contenterait d'autoriser la publication d'un rapport émanant du seul rapporteur spécial. En revanche, ce rapport pourrait être publié avec, en annexes, les auditions auxquelles la MEC a procédé. Il est essentiel que la MEC ne devienne pas un instrument de division et de discorde.

M. Michel Bouvard a exprimé son accord avec la position de sagesse du Président. Il a souligné que, quel que soit le support sur lequel la redevance sera amenée à s'adosser, il est impératif que les économies ainsi effectuées soient restituées aux contribuables et ne viennent pas augmenter la dotation de l'audiovisuel public. Le débat actuel sur la réforme du régime des intermittents du spectacle a mis en lumière certaines pratiques de l'audiovisuel public. Il serait utile que le rapporteur ou la Cour des comptes se penche sur ce problème. Il y a très certainement des économies de gestion à trouver, ce d'autant que l'audiovisuel public va bénéficier de rentrées publicitaires supplémentaires avec l'ouverture du marché publicitaire à la grande distribution.

M. Didier Migaud s'est félicité de la position de sagesse du Président. Néanmoins, on aurait pu arriver à une telle solution dès le départ du processus en constatant qu'il ne s'agissait pas là d'un sujet MEC dans la mesure où l'unanimité était impossible à atteindre. On constate, même au sein de la majorité, des divisions puisque le Président lui-même a exprimé son désaccord et répété qu'il ne s'agissait là que d'une contribution au débat. Cette absence d'unanimité est très dangereuse pour la crédibilité de la MEC. Le choix des sujets MEC a été fait de telle façon qu'il a été, par deux fois, impossible d'arriver à des résultats concrets. Ainsi, après le rapport de M.  Georges Tron, qui avait déjà soulevé de nombreuses protestations tant au sein de la MEC qu'au sein de la majorité elle-même, c'est la deuxième fois qu'une MEC n'aboutit pas à un rapport MEC.

Sur le fond, le groupe socialiste est en désaccord avec les propositions du rapporteur. Contrairement à la majorité, il estime que l'État n'a actuellement pas les moyens de réduire ses recettes fiscales. Pour autant, quitte à les réduire, comme le Gouvernement semble décidé à la faire, il serait plus juste de réduire la redevance que de poursuivre une baisse injuste de l'impôt sur le revenu ou encore une réduction de la TVA sur la restauration. Par ailleurs, la proposition formulée par le rapporteur risque d'entretenir une confusion entre un impôt local, la taxe d'habitation, et un impôt national, la redevance. Enfin, il apparaît qu'un tel dispositif serait exagérément compliqué à mettre en œuvre du fait de mécanismes d'exonération et de dégrèvement différents. La simplification espérée ne serait donc pas au rendez-vous.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur, a souligné que le sujet de la redevance audiovisuelle avait déjà été traité par la Mission d'évaluation et de contrôle il y a trois ans. Il aurait été paradoxal de ne pas actualiser les conclusions du précédent rapport, compte tenu des mutations en cours : loi organique relative aux lois de finances, droit communautaire, conjoncture budgétaire.

M. Didier Migaud a considéré que le droit de suite du précédent rapporteur était suffisant. Il était inutile de réunir une nouvelle fois la Mission d'évaluation et de contrôle sur ce sujet.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur, a souligné que la référence faite à la taxe d'habitation ne signifie pas qu'elle servirait de base au calcul de la redevance audiovisuelle, mais que son fichier serait utilisé pour limiter la fraude. La redevance audiovisuelle resterait une taxe forfaitaire, dont le fait générateur pourrait demeurer la détention d'un poste de télévision. Une harmonisation entre les redevables de la taxe d'habitation et de la redevance audiovisuelle est tout à fait nécessaire, quitte à mettre en place des exonérations supplémentaires. L'objectif est de limiter la fraude qui représente deux millions de redevables. La réforme proposée constitue donc une mesure de justice. Les propositions du rapport devraient permettre de nourrir le débat, lors de la prochaine session budgétaire.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que le débat sur la redevance audiovisuelle est difficile, car certains créent une interférence entre ce débat et la question de la baisse de l'impôt sur le revenu d'une part, et la réforme de la taxe d'habitation d'autre part.

M. Didier Migaud a rappelé son attachement au droit de suite des rapporteurs, qui doit permettre à la Mission d'évaluation et de contrôle de se pencher sur de nouveaux sujets. De plus, il a souligné que la réforme consistant à supprimer la redevance audiovisuelle ne signifie naturellement pas la suppression du service public de l'audiovisuel.

La Commission a alors émis un avis favorable à la publication du rapport en application de l'article 146 du Règlement.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué qu'il souhaitait réfléchir à la création d'une mission d'information sur les intermittents du spectacle, afin de permettre à la commission des Finances d'éclairer le débat, notamment sur l'aspect financier de cette question.

--____--


© Assemblée nationale