COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 78

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 25 septembre 2003
(Séance de 12 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Francis Mer, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, et de M. Alain Lambert, ministre délégué au Budget et à la réforme budgétaire, sur le projet de loi de finances pour 2004



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La Commission a procédé à l'audition de M. Francis Mer, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, et de M. Alain Lambert, ministre délégué au Budget et à la réforme budgétaire, sur le projet de loi de finances pour 2004.

M. Francis Mer, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, a décrit, dans ses grandes lignes, le projet de budget pour l'année 2004.

En ce qui concerne la conjoncture internationale, il apparaît, d'après les indicateurs avancés portant sur l'activité dans l'industrie ou dans les services, que les perspectives économiques se dégagent nettement tant aux Etats-Unis qu'en Europe. Le Gouvernement avait, en 2002, surévalué la capacité de l'économie de redémarrer en 2003, il est aujourd'hui convaincu que la fin de l'année 2003 et l'année 2004 seront placées sous le signe de la reprise. La croissance est repartie vigoureusement aux Etats-Unis ; au Japon elle pourrait atteindre 2,5%, cette performance n'ayant pas été observée depuis une décennie. A cet égard, l'évolution du commerce international, qui constitue un indicateur fondamental, est encourageante. Le commerce international est en effet en plein essor : après avoir stagné en 2001, puis progressé de 3% en 2002 et de 5% en 2003, il pourrait croître de 7% en 2004, soit la moyenne constatée sur les vingt dernières années. Le redressement de la conjoncture dans la zone euro est, certes, plus tardif que celui de ses partenaires, mais l'on peut, dès à présent, constater que la situation économique allemande s'améliore. En définitive, la croissance mondiale devrait atteindre 3 à 4% en 2004 et la zone euro devrait croître de 1,7%.

La politique économique du Gouvernement vise à relancer les deux ressorts principaux de la croissance que sont la consommation et l'investissement. En 2003, les ménages ont vu leur revenu disponible augmenter, notamment grâce à la baisse des impôts et à la revalorisation du SMIC, mais leur consommation n'a pas progressé autant que ce qui était souhaitable. Le taux d'épargne est, d'ailleurs, passé de 15% dans les années 90 à 16% en 2001, puis 16,7% en 2002. La confiance des ménages a été trop affectée par le ralentissement économique pour que le supplément de revenu disponible soit recyclé dans la consommation. Pour 2004, le Gouvernement table sur une légère décrue du taux d'épargne qui serait favorable au dynamisme de la consommation.

La prévision relative à l'investissement des entreprises s'écarte des conclusions qui pourraient être tirées des enquêtes de l'INSEE cette année : le Gouvernement estime que l'investissement devrait continuer à diminuer en 2003. En revanche, les stocks devraient apporter une contribution positive à la croissance en 2004. Il apparaît que les freins causés par le dégonflement de la bulle spéculative disparaissent. Les grandes entreprises ont, dès 2003, créé les conditions d'un fort désendettement qui devrait se poursuivre en 2004. Le fait que les ratios de bilan soient aujourd'hui meilleurs qu'en 2001 et en 2002 et que, dans les petites et moyennes entreprises, la structure des bilans soit plus satisfaisante en 2002 qu'en 1990 est un signal très positif. Les entrepreneurs doivent avoir confiance en l'avenir et le Gouvernement s'attache à améliorer leurs perspectives. Rappelons qu'une croissance de 1,7% en France en 2004 serait de bon augure pour obtenir une croissance de 2,5% en 2005.

Sur le marché du travail, l'emploi dans le secteur marchand est resté globalement stable entre juillet 2002 et juin 2003. Ceci démontre que notre économie est moins sensible que par le passé à un affaiblissement de la croissance, grâce aux mesures législatives prises depuis plusieurs années. Le nombre des créations nettes d'emplois en 2004 devrait être compris entre 150.000 et 200.000, ce qui permettrait une diminution du taux de chômage, après l'augmentation constatée en 2003 - il est vrai, plus faible que ce que l'on pouvait craindre.

Dans ce cadre général, la politique économique du Gouvernement cherche, comme auparavant, à créer les conditions d'une croissance forte et durable. Les stratégies développées à cette fin ne pourront pas délivrer leur plein effet du jour au lendemain ; elles doivent être poursuivies, dans la durée, pour permettre des réformes structurelles en faveur de l'emploi, du travail, de la création d'entreprises et de l'initiative individuelle. Après la réforme des retraites qui a permis de sauver le régime par répartition et a contribué à assainir les bases de notre système de retraite, la santé constitue aujourd'hui un défi majeur pour la France : un projet de loi définissant une nouvelle politique de sécurité sociale devrait être présenté au Parlement avant l'été 2004. La maîtrise des dépenses de santé est au cœur des processus de redressement des finances publiques.

L'amélioration de l'environnement des entreprises est un axe majeur et constant de la politique économique du Gouvernement. C'est pourquoi la loi pour l'initiative économique et le « plan innovation » seront complétés en 2004 et 2005 par des incitations aux activités de recherche et de développement. La rénovation du crédit d'impôt recherche, inscrite dans le projet de loi de finances pour 2004, est un élément majeur de cette démarche. Les entreprises doivent trouver, en elles-mêmes et avec l'aide de l'État, les moyens de renouveler leur offre. Car la croissance ne vient pas toute seule : elle se mérite.

Une stratégie de croissance durable s'appuie aussi sur une politique de promotion de l'emploi.

Le Gouvernement a fait le choix d'amplifier la baisse des charges sur les bas salaires. Les allégements de charges dits « Fillon » vont représenter en 2004 une masse de 17 milliards d'euros qui soulagera d'autant les charges des entreprises.

La politique de l'emploi se développe plus particulièrement en direction des jeunes. En 2003, plus de 90.000 contrats jeune en entreprise (CJE) seront conclus. En 2004, 110.000 nouveaux CJE vont bénéficier aux jeunes sans emploi.

Le Gouvernement veille également au retour sur le marché du travail des salariés sans emploi, via deux instruments, le contrat initiative emploi (CIE) et le revenu minimum d'activité (RMA). Le CIE a été refondu afin d'élargir son champ d'application aux chômeurs de plus de 18 mois et de simplifier la gestion des entreprises grâce à un versement des aides trimestriel et non plus annuel. Le CIE a ainsi bénéficié à 50.000 chômeurs de longue durée en 2002, à 70.000 chômeurs de longue durée en 2003 et devrait concerner 90.000 personnes en 2004. Le revenu minimum d'activité (RMA) constitue le second instrument de cette politique de réinsertion sur le marché du travail, à destination des Rmistes. Les employeurs embauchant des Rmistes bénéficient ainsi de primes équivalant pendant trois semestres au RMI antérieurement versé. Le RMA devrait entrer en vigueur à partir de 2004 et concerner 50.000 bénéficiaires.

Pour les personnes qui ont déjà un emploi, la politique du Gouvernement vise à améliorer le revenu net qu'elles tirent de leur activité, à travers la baisse de l'impôt sur le revenu et la revalorisation de la prime pour l'emploi. Celle-ci, ajoutée aux hausses du SMIC, devrait permettre d'améliorer de 8% entre 2002 et 2004 le pouvoir d'achat d'une personne touchant le SMIC. Sur cette période, une personne travaillant sur la base de 39 heures par semaine devrait voir son pouvoir d'achat augmenter de 12%.

Le Gouvernement mène une politique budgétaire responsable. Cela signifie, tout d'abord, que l'objectif fondamental de maîtrise de la dépense est maintenu. Cela a été appliqué en 2003 et cela continuera d'être appliqué en 2004. A cette condition, il est possible de poursuivre la baisse des prélèvements obligatoires, mouvement qui s'inscrit dans la durée.

La baisse des prélèvements est également un facteur de soutien de la demande, particulièrement appréciable dans une conjoncture économique encore fragile.

En 2003, le pouvoir d'achat du revenu des ménages n'a augmenté que de 0,8 point, évolution inférieure à ce qui était attendu. En 2004, le pouvoir d'achat du revenu des ménages devrait augmenter de 1,5%, ce qui, conjugué au bas niveau des taux d'intérêt facilité par la politique accommodante de la Banque centrale européenne, crée des conditions favorables à une reprise économique.

Face à la dégradation de la conjoncture en 2002 et 2003, le Gouvernement a privilégié le soutien de l'activité en acceptant la dégradation « mécanique » du déficit budgétaire. Toutefois, le solde budgétaire structurel, c'est-à-dire corrigé des effets de la conjoncture, devrait s'améliorer de 0,7 point de PIB en 2004. Le Gouvernement entend conduire le déficit public à un niveau inférieur à 3% du PIB en 2005 et, d'ici 2007, renouer avec une croissance riche en créations d'emplois.

Pour cela, le Gouvernement est déterminé à maîtriser la dépense publique. C'est déjà le cas s'agissant des dépenses de l'Etat. Cela n'est pas encore le cas s'agissant des dépenses de sécurité sociale, l'assurance maladie devant afficher un déficit de 11 milliards d'euros en 2003. Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, le Gouvernement se donne pour objectif de stabiliser ce déficit. Il prendra ses dispositions pour qu'à l'issue du premier semestre 2004, soient définies les conditions d'un retour à l'équilibre de l'assurance maladie avant 2007.

En matière de finances sociales, la réforme des retraites adoptée l'été dernier a permis de sauver notre système par répartition, mais a également contribué à améliorer la soutenabilité à long terme des finances publiques, à travers ses conséquences en termes de population active et de croissance potentielle. La réforme des retraites peut être considérée comme une amélioration structurelle des finances publiques pour un impact équivalent à 1 point de PIB.

Les prévisions de déficit public pour 2003 et 2004 sont mauvaises. Afin de réduire le déficit, le Gouvernement conduit une politique responsable et déterminée qui a commencé à s'épanouir en 2003 avec la mise en réserve de près de 10,5 milliards d'euros. Il entend poursuivre cette politique à travers la maîtrise de la dépense en 2004.

Le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement prévoit que le taux de croissance devrait atteindre 1,7% en 2004 pour s'élever à 2,5 % à l'horizon 2005. 2004 devrait être une année de transition économique, cette transition étant d'ailleurs due à un contexte à la fois mondial et européen. L'objectif poursuivi par le Gouvernement est de stabiliser en volume les dépenses de l'État et de contenir le taux de croissance des dépenses d'assurance maladie aux alentours de 4% en valeur. Au total, les dépenses publiques devraient s'accroître de 1,1% seulement en 2004 et le déficit public devrait s'élever à 3,6% ; l'amélioration sous-jacente du solde structurel devrait être de 0,7 point de PIB.

Il est intéressant de distinguer, dans l'évolution récente du déficit public, ce qui relève de l'impact mécanique de la conjoncture et ce qui relève des politiques mises en œuvre par le Gouvernement. En 2002, le taux de croissance du PIB (3,8%) a permis une amélioration mécanique des comptes publics à hauteur de 1 point du PIB. En 2003, la situation conjoncturelle est plus difficile : un taux de croissance du PIB positif, mais faible (0,5%) entraîne mécaniquement une dégradation des comptes publics de 1 point du PIB. Cependant, les effets mécaniques de la croissance sur l'état des comptes publics peuvent être amplifiés ou contrecarrés par les politiques menées par les Gouvernements. Ceux-ci peuvent décider d'augmenter ou de diminuer le taux des prélèvements obligatoires, d'augmenter ou de diminuer les dépenses publiques. En termes de déficit structurel, on note un relâchement des finances publiques dans les années 1999/2001. Au contraire, en 2003 et 2004, indépendamment du niveau effectif du déficit, on constate une amélioration de sa composante structurelle. L'année 2004 devrait être l'occasion de prolonger de manière significative cet assainissement structurel.

Les objectifs poursuivis par le Gouvernement pour les années 2005 à 2007 s'articulent autour de trois axes. Le Gouvernement entend en premier lieu conduire une politique budgétaire prévoyante, ce qui suppose d'assainir dans la durée les comptes publics. Il faut également améliorer l'efficacité de la dépense publique en systématisant la recherche d'un meilleur résultat pour un coût moindre. Enfin, le Gouvernement s'engage à poursuivre la politique de réduction des impôts et des charges dans le but d'augmenter le potentiel de croissance de l'économie française.

Les hypothèses sur lesquelles le Gouvernement s'appuie pour établir sa programmation budgétaire pour les années 2005 à 2007 apparaissent prudentes avec une prévision de croissance fixée à 2,5% et une inflation contenue à 1,5% par an. La programmation indique également les résultats d'une variante avec 3% de croissance qui permet d'illustrer la sensibilité des finances publiques à une modification des hypothèses macro-économiques.

Afin de maîtriser globalement le montant des dépenses publiques, le Gouvernement fait porter son effort dans trois domaines. En premier lieu, les dépenses de l'Etat ne doivent pas progresser en volume et ont vocation à rester à un niveau équivalent de celui de 2003, c'est-à-dire 273,8 milliards d'euros. Les dépenses de l'assurance maladie doivent augmenter en volume de 2,25% seulement, ce qui correspond à 4% environ en valeur. Quant aux collectivités locales, qui enregistrent un léger excédent en 2003, la programmation table sur la poursuite de leur comportement vertueux, et leurs dépenses doivent progresser de seulement 1,8%. Dans ces conditions, le poids des dépenses publiques devrait se réduire de 2,7 points de PIB entre 2003 et 2007, passant de 54,3% à 51,6% du PIB. Cette évolution devrait permettre d'assainir durablement les finances publiques en libérant de nouvelles marges de manœuvre pour poursuivre la politique de baisse des impôts. L'État gagnera alors en efficacité et les agents économiques pourront bénéficier d'une plus grande liberté dans l'utilisation de leurs ressources. C'est au prix de cet effort considérable que l'État pourra conforter sa crédibilité à la fois vis-à-vis de ses partenaires européens et de la Commission européenne.

De nouveaux chantiers d'économie doivent être également ouverts, comme la modernisation de la gestion du parc immobilier de l'Etat ou le développement de nouveaux modes de gestion, plus autonomes et plus performants. Pour sa part, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie envisage de mettre en œuvre une réforme importante de ses procédures d'achats, lesquels représentent aujourd'hui environ 2 milliards d'euros. Une telle démarche pourrait opportunément être étendue à l'ensemble des ministères. Il faut enfin prolonger ces efforts par une politique résolue de maîtrise des effectifs dans la fonction publique.

Au total, la stratégie mise en place par le Gouvernement doit permettre de réduire de façon importante le montant du déficit. En 2005, celui-ci devrait revenir en dessous du seuil de 3%, ce qui permettra de poursuivre la baisse des prélèvements obligatoires.

Pour les années 2005 à 2007, le déficit structurel devra être amélioré chaque année de 0,5 point de PIB au minimum. Par ailleurs, le Gouvernement s'engage à ce que les « bonnes surprises » conjoncturelles qui pourraient être constatées en matière de recettes, soient affectées à la réduction du déficit. Enfin, les baisses d'impôt, qui engendrent une diminution permanente de recettes, devront être financées dans la durée par les économies récurrentes nécessaires.

S'agissant du niveau de la dette, le plafond symbolique de 60% du PIB devrait être dépassé. L'objectif du Gouvernement consiste à entamer une décrue du ratio dette/PIB dès 2005.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, a ensuite décrit les choix budgétaires du Gouvernement dans le cadre du scénario macroéconomique officiel et des grands équilibres des finances publiques décrits par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Tout d'abord, le projet de loi de finances stabilise, en volume, les dépenses de 1'Etat. Ceci constitue le pilier de la politique budgétaire de la majorité et cette stabilisation a d'autant plus de valeur que, dans le même temps, les engagements pris en faveur des politiques prioritaires du Gouvernement sont respectés.

En second lieu, grâce à cette maîtrise de la dépense, les allégements d'impôt et de charges, qui ont tous pour ligne directrice l'encouragement au travail, apparaissent crédibles.

En troisième lieu, le déficit budgétaire, qui se monte à 55,5 milliards d'euros en y intégrant, pour 1,5 milliard d'euros, des contributions à Réseau Ferré de France qui n'y figuraient pas auparavant, s'établit à structure constante à 54 milliards d'euros, soit une amélioration d'environ 2 milliards d'euros par rapport à la prévision d'exécution pour 2003.

En dernier lieu, le projet de loi de finances pour 2004 comporte plusieurs initiatives fortes en faveur de la réforme et de la transparence.

S'agissant de la mise en œuvre de la norme de progression des dépenses de zéro en volume, l'application d'un taux prévisionnel d'inflation hors tabac de 1,5% aux dépenses de 2003 offre une marge de dépenses supplémentaires de 4,1 milliards d'euros, soit un total de crédits de 277,9 milliards d'euros pour le budget général. Cette marge a été affectée, à hauteur de 3 milliards d'euros, à des dépenses inéluctables supplémentaires. En outre, le surcroît de crédits résultant des engagements pris en faveur des priorités gouvernementales est de deux milliards d'euros. Par conséquent, l'ensemble des autres crédits diminuent parallèlement de 0,9 milliard d'euros.

Au titre des dépenses inéluctables, la charge de la dette augmentera de 300 millions d'euros entre la loi de finances initiale pour 2003 et le projet de loi de finances pour 2004. Si cette évolution est plus faible que la tendance des années récentes, il convient cependant de prendre garde au caractère temporaire de cette situation, la reprise économique annoncée pouvant, à terme, conduire à une hausse des taux et accroître, dès 2005, la contrainte de la charge de la dette. Les pensions, pour leur part, augmentent de 4%, conséquence du nombre croissant de départs en retraite et de l'indexation des pensions sur les prix, prévue par la réforme des retraites. Par ailleurs, les crédits alloués aux collectivités locales progressent également fortement en raison de l'indexation et de divers rebasages. Enfin, les crédits alloués aux minima sociaux augmentent de 5%. A cet égard, il faut souligner que la norme de dépense à « zéro volume » intègre 450 millions d'euros de rebasage pour les crédits du RMI. C'est seulement après ce rebasage que la compensation allouée aux départements sous forme de transfert de TIPP a été calculée, ce qui résulte d'une application très rigoureuse de la charte de budgétisation des transferts de compétence retenue par le Gouvernement. Les départements y trouveront leur compte, puisque la compensation est calculée d'après la prévision d'exécution 2003, plus élevée que les crédits initiaux de 2003.

Au titre du financement des priorités de la nouvelle majorité, le projet de loi de finances respecte les lois de programmation votées par le Parlement. Après 2 milliards d'euros en 2003, 2 milliards d'euros supplémentaires sont alloués en 2004 aux priorités que constituent l'équipement militaire, l'aide publique au développement, le fonctionnement et l'équipement de la justice et de la police.

Pour financer ces priorités et ces dépenses inéluctables, les autres crédits doivent cependant, arithmétiquement, diminuer. Au demeurant un bon budget n'est pas nécessairement un budget qui augmente. Il y a des secteurs pour lesquels le diagnostic d'un manque de moyens a été clairement établi, et c'est tout le sens des lois de programmation évoquées. Mais dans la plupart des cas, l'efficacité n'est pas liée au taux d'évolution des crédits : ainsi, avec des augmentations de moyens qui ne sont pas considérables, la bataille contre l'insécurité routière est en passe d'être gagnée. C'est pourquoi le dossier de presse présentant le budget 2004 ne mentionne pas les taux d'évolution des différents budgets, qui n'ont guère de sens.

Le ministre a souhaité illustrer son propos à partir d'exemples concrets de dotations pour lesquelles le Gouvernement opère des redéploiements.

En matière d'emploi, si les allègements fiscaux et de charges sociales contribuent de manière substantielle à encourager le travail et à promouvoir l'emploi, dans le même temps, le dispositif des emplois jeunes est mis en extinction progressive et le versement de l'allocation spécifique de solidarité est limité dans le temps, afin d'orienter la politique de l'emploi, à travers notamment la création du RMA ou les allégements de charges, vers la reprise d'un emploi marchand. Ce raisonnement vaut en matière de logement : ainsi, la forte baisse des taux d'intérêt permet de resserrer les crédits du prêt à taux zéro, mais dans le même temps, certains dispositifs fiscaux en faveur du logement sont améliorés et les taux du livret A ont été baissés pour redonner des marges de manoeuvre au financement du logement social. Les efforts de redéploiement portent également sur les effectifs de l'Etat. L'inflexion de tendance depuis 2002 est éloquente : 23.000 emplois publics ont été créés en 2001 et en 2002, hors prise en compte les conséquences de la professionnalisation des armées ; à l'inverse, l'année 2003 a été marquée par 1.089 suppressions nettes d'emplois, et l'année 2004 multiplie par quatre cet effort avec 4.400 suppressions nettes de postes sur les budgets civils et près de 4.600 suppressions nettes, en intégrant le ministère de la défense qui participe ainsi au mouvement collectif. Si l'économie reste modeste, évaluée à moins de 100 millions d'euros en 2004, cette politique courageuse, pourvu qu'elle soit poursuivie sans relâche, est la clé du desserrement de la contrainte budgétaire à moyen terme. Mais il faut mesurer l'effort qu'elle implique. En effet, compte tenu des créations de postes, le chiffre de 4.600 suppressions nettes d'emplois suppose près de 10.000 non-remplacements de départs en retraite, ce qui est une performance exceptionnelle. Pour huit ministères, le taux de non-renouvellement sera d'au moins 1 départ sur 2 ; pour cinq ministères, il sera d'au moins 1 sur 3.

Les principales mesures fiscales du projet de loi de finances sont toutes axées sur les priorités du Gouvernement, à savoir encourager le travail, favoriser l'emploi et préparer l'avenir. 2,3 milliards d'euros sont consacrés à l'allégement des impôts des ménages, par une nouvelle baisse de l'impôt sur le revenu, l'amélioration de la prime pour l'emploi, et les mesures déjà votées au cours de l'année 2003. Parallèlement, l'effort important de réduction des prélèvements qui pèsent sur les entreprises est poursuivi avec 1,2 milliard d'euros consacrés en 2004 à l'allégement des charges pesant sur le travail. Au total, le projet de loi de finances pour 2004 ne comporte qu'une seule mesure d'accroissement pérenne des recettes de l'Etat, par la réduction de l'écart de taxation entre l'essence et le gazole. Les allégements fiscaux et sociaux nets pour 2004 représentent dès lors 2,5 milliards d'euros, auxquels il convient d'ajouter les mesures de la loi de finances pour 2003 dont l'effet est amplifié en 2004, et les allégements d'impôts votés en 2003 pour mettre en oeuvre les priorités du Gouvernement telles que la création d'entreprises, la rénovation urbaine ou le développement de l'investissement locatif. Au total, les allégements fiscaux et sociaux atteindront au total 3,3 milliards d'euros en 2004, hors évolution de la fiscalité sur les tabacs.

Pour encourager le travail, la baisse de l'impôt sur le revenu des ménages sera poursuivie en 2004, par un nouvel allégement de 3% de tous les taux du barème. En outre, grâce au maintien à leur niveau de l'année 2002 des plafonds de la décote et du quotient familial, l'allégement d'impôt est fortement amplifié pour les contribuables à revenus modestes et pour les familles. En prenant en compte les mesures adoptées par le Parlement en 2003 et l'effort fait en direction des familles, des personnes âgées ou handicapées, le cap des 10% de baisse de l'impôt depuis le début de la législature sera franchi en 2004, tandis que la baisse du taux marginal supérieur de l'impôt sera poursuivie, de 49,58% cette année à 48,09% l'an prochain. Mais l'encouragement au travail passe aussi par l'assurance que la reprise d'une activité entraîne un vrai gain de pouvoir d'achat pour le salarié. Cette préoccupation avait conduit l'an dernier le Gouvernement à améliorer sensiblement la prime pour l'emploi pour 3,2 millions de salariés à temps partiel. Poursuivant cet effort, il revalorise en 2004 le barème de la prime pour l'ensemble des bénéficiaires, renforçant concomitamment l'effet incitatif au retour à l'emploi par la création d'un acompte de 250 euros versé 6 mois après la reprise d'une activité professionnelle. De même, toujours pour encourager le travail, pour soutenir les familles et permettre le maintien à domicile des personnes âgées, le plafond des dépenses pour l'emploi d'un salarié à domicile passera à 10.000 euros pour les dépenses engagées à compter du 1er janvier 2003. A cet égard, la politique familiale appelle l'engagement de tous, y compris des entreprises. Aussi, le projet de loi de finances traduit l'engagement pris dans le cadre de la conférence de la famille relatif à la création d'un crédit d'impôt pour les entreprises qui aident leurs salariés à mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Le taux réduit de TVA pour les services d'aide à la personne et les travaux dans les logements anciens sera définitivement fixé à 5,5%, dès que les discussions communautaires en cours actuellement auront abouti, la perspective d'un accord communautaire avant la fin de l'année pouvant être qualifiée de « réaliste ». De la même manière, le projet de loi de finances pour 2004 traduit l'engagement du Gouvernement de baisser la TVA dans la restauration lorsque l'Union européenne l'aura autorisé.

Mais l'année 2004 sera aussi marquée par un effort très important en faveur de l'innovation et de la recherche, pour développer la compétitivité du pays et préparer l'avenir.

Dans cet esprit, le Gouvernement souhaite donner un nouvel élan au crédit d'impôt recherche pour encourager les entreprises à consacrer davantage de moyens à la recherche, en modernisant ce dispositif afin de le rendre plus incitatif et efficace, et en étendant le nombre d'entreprises qui en bénéficient. D'autre part, afin de permettre aux entreprises de se tourner résolument vers l'avenir et les aider à solder le passé en améliorant leur structure de bilan, la possibilité de report en avant des pertes sera désormais illimitée dans le temps, comme c'est déjà le cas chez plusieurs de nos partenaires européens. En outre, pour favoriser l'essor des PME qui se créent autour de projets de recherche et d'innovation, le projet de loi de finances crée un statut spécifique de Jeune Entreprise Innovante, qui compensera par des exonérations fiscales l'effort très important d'investissement qu'elles réalisent. Dans le même temps, les investisseurs qui apportent aux jeunes entreprises des capitaux et une expérience de gestion bénéficieront d'un statut fiscal adapté. Mais l'effort se tourne également vers l'aide à la création d'entreprises dans les zones défavorisées du territoire : le dispositif d'exonération en faveur des entreprises nouvelles est prorogé jusqu'en 2009, et conformément à l'engagement pris par le ministre devant la représentation nationale, ses règles d'application seront assouplies, afin d'en renforcer l'efficacité. Enfin, l'effort d'allégement des charges des entreprises se poursuivra en 2004 et sera amplifié : les charges sociales seront allégées de plus de 1,2 milliard d'euros.

Les choix fiscaux du Gouvernement visent aussi à préparer l'avenir et, à ce titre, à renforcer les solidarités entre générations et raffermir la cohésion entre les Français, en portant une attention particulière aux plus fragiles d'entre eux. Ainsi, l'amélioration de la prise en charge des personnes âgées dépendantes sera promue par le triplement du nombre de personnes qui pourront bénéficier de la réduction d'impôt dépendance, qui sera revalorisée, le plafond des dépenses éligibles étant porté de 2.300 à 3.000 euros par personne et par an. De même, le crédit d'impôt pour dépenses d'équipement de l'habitation principale sera amélioré au profit des personnes âgées ou handicapées qui pourront ainsi procéder plus facilement aux travaux indispensables pour adapter leur logement à leur situation personnelle. Enfin, le projet de loi de finances pour 2004 parachève la réforme des retraites votée cet été en mettant en place un régime fiscal attractif pour les cotisations qui seront versées sur le Plan d'Épargne Retraite Populaire (PERP). Afin de conforter l'essor de ce nouveau produit, qui sera ouvert à tous les Français, le Gouvernement propose de rationaliser les produits d'épargne existants, en mettant un terme à l'ouverture de nouveaux plans d'épargne populaire.

L'allégement de la fiscalité passe aussi par la modernisation et la simplification de l'impôt. Ainsi, comme il s'y était engagé l'an dernier, le Gouvernement propose dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004 une réforme en profondeur du régime fiscal des distributions centrée sur deux objectifs : la préservation des intérêts de l'épargnant, en remplaçant l'avoir fiscal par un abattement de 50% pour l'imposition des dividendes, et la création d'un crédit d'impôt pour l'actionnaire ainsi que la suppression du précompte, qui pénalise les entreprises et freine leur développement international. Cette réforme entrera en vigueur de manière progressive et échelonnée et l'avoir fiscal ne cèdera la place au nouvel abattement qu'à compter de l'imposition en 2006 des revenus de l'année 2005. Enfin, il est proposé de simplifier le régime des plus-values immobilières des particuliers : 270.000 déclarations seront supprimées en substituant un prélèvement forfaitaire lors de la transaction à la taxation au barème de l'impôt sur le revenu l'année qui suit la vente. Le contribuable y gagnera en simplicité, et bénéficiera d'une exonération totale dès la quinzième année de détention du bien, contre 22 ans actuellement. En outre, l'effort de simplification des obligations déclaratives se poursuivra en 2004, dans deux autres directions : le régime simplifié d'imposition des exploitants agricoles sera étendu, et les formalités seront allégées pour les successions.

Une seule mesure fiscale aboutit à un alourdissement des prélèvements. La réduction de l'écart de taxation entre l'essence et le gazole s'inscrit dans un mouvement engagé par les gouvernements précédents mais contrairement au passé, le Gouvernement actuel place cette décision dans une démarche résolument écologique, puisque les marges de manoeuvre qui résulteront de la revalorisation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers seront affectées au développement des infrastructures ferroviaires. Par ailleurs, les effets de cette mesure pour le consommateur doivent être replacés dans leur contexte : si la revalorisation de 2,5 centimes de la TIPP sur le gazole intervenait à ce jour, les prix à la pompe demeureraient très inférieurs à ceux constatés lors du printemps dernier.

A la croisée de ces choix budgétaires et fiscaux, le projet de loi de finances se traduit par un déficit budgétaire de 55,5 milliards d'euros. Il est cependant nécessaire de nuancer ce chiffre en en excluant les concours à Réseau Ferré de France, afin de rendre pertinentes les comparaisons avec les années précédentes. En effet RFF était, jusqu'à présent, financé sur les ressources du compte d'affectation spéciale des produits de la privatisation. Deux motifs ont rendu nécessaire cette budgétisation qui porte sur 1,5 milliard d'euros au total, dont 800 millions de contribution au financement de la dette du gestionnaire de réseau : le rétablissement de l'harmonie entre la comptabilité budgétaire et celle d'Eurostat, puisque les versements à RFF sont désormais comptabilisés en dépenses par l'organisme européen, mais aussi la nécessité d'éviter que le développement du réseau ferroviaire et le financement de la dette de RFF soient assurés par des ressources qui ne sont pas stables. Ainsi, à structure constante, le déficit s'établit à 54 milliards d'euros, contre une prévision d'un déficit d'environ 56 milliards d'euros pour 2003, chiffre cohérent avec l'estimation de déficits publics de 4% qui a été notifiée à la Commission européenne début septembre.

2004 marquera donc une amélioration, malgré l'impact profond, sur les recettes fiscales, de la mauvaise conjoncture de l'année 2003. Ce dernier point est d'importance : le niveau des recettes pour l'année prochaine, y compris avant allégement d'impôts, est inférieur aux prévisions retenues en loi de finances initiale pour 2003, pour deux raisons. La première provient de la prudence de l'hypothèse de croissance pour 2004. Mais, par ailleurs, l'élasticité prévisionnelle de l'évolution des recettes fiscales est très faible, fixée à 0,6, l'incidence négative de « l'effet base 2003 » pénalisant le recouvrement de l'ensemble des impôts. La conjoncture de 2002 et de 2003 aura en effet engendré des pertes de recettes considérables, mais il est probable qu'en 2004, cette tendance s'inversera et que le déficit commencera à se réduire.

Le ministre délégué a conclu son propos en décrivant succinctement les actions du Gouvernement en faveur de la réforme et de la transparence de la politique budgétaire.

Cette action est matérialisée tout d'abord par quatre mesures majeures, sur lesquelles s'était engagé le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2003. La première porte sur la suppression du FOREC, ce qui permet de rebudgétiser l'ensemble des allégements de charges et les ressources qui leur étaient affectées. Cette réforme d'envergure, et d'ailleurs d'une grande complexité, présente deux avantages majeurs :

- les huit impôts qui étaient affectés au FOREC retrouvent enfin leur place en loi de finances, restituant ainsi au projet de loi de financement de la sécurité sociale sa vocation initiale, qui est de débattre de la protection sociale et non pas de faire de la fiscalité ;

- par ailleurs, le vrai coût de la politique de l'emploi apparaîtra au budget de l'Etat : désormais, le budget du travail et de l'emploi est le troisième budget de l'Etat, avec plus de 32 milliards d'euros de crédits.

Le deuxième engagement tenu est l'inscription des concours à RFF dans le budget de l'Etat. Le troisième tient à la mise en oeuvre d'une vaste simplification des concours de l'Etat aux collectivités locales. La plupart des concours sont à cette occasion intégrés dans la DGF. Cette réforme d'architecture ne modifie pas les conditions de répartition des concours, qui ne relèvent pas de la loi de finances. Elle se traduit par le regroupement de la quasi-totalité des dotations aux collectivités au sein des prélèvements sur recettes. Enfin, dernière mesure de transparence et de réforme budgétaire : la compensation du transfert du RMI aux départements est assurée par un partage de TIPP entre les départements et l'Etat, les premiers recevant à ce titre 5 milliards d'euros en 2004.

Mais l'action en faveur de la réforme budgétaire passe principalement par la mise en œuvre du nouveau cadre budgétaire et comptable de l'Etat lié à la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Conformément à ses dispositions, les comptes spéciaux financés par des ressources sans lien avec leur objet, comme les deux comptes financés pour partie par un prélèvement sur les enjeux du PMU, le fonds national de l'eau et le fonds national pour le développement de la vie associative, sont budgétisés. En outre, le Gouvernement avance sur les quatre principaux chantiers de la LOLF : la nouvelle structuration du budget de l'Etat, comportant entre 40 et 60 missions et de 100 à 150 programmes ; la nouvelle comptabilité, plus proche de celle des entreprises et reflétant mieux les engagements de l'Etat ; les nouveaux modes de management et d'action publique, pour responsabiliser davantage les gestionnaires et passer à une culture de la performance et de l'évaluation ; le développement des systèmes d'information nécessaires, principalement le projet ACCORD. Le calendrier de mise en oeuvre de la réforme sera scrupuleusement respecté. En 2002 et 2003, les structures et les concepts auront été approfondis et maîtrisés, les premières expérimentations ayant été mises en œuvre. Dès la fin de l'automne 2003, le socle sera construit : la nouvelle maquette du budget de l'Etat et les nouvelles normes comptables seront publiées et présentées au Parlement, tandis que les travaux de définition des systèmes d'information seront achevés. En septembre 2004, le projet de loi de finances pour 2005 sera présenté selon les règles de la loi organique, en parallèle avec la présentation classique et, enfin, en septembre 2005, le projet de loi de finances pour 2006 sera le premier budget proposé, voté, et exécuté exclusivement selon les nouvelles règles. Conformément aux engagements pris, une série d'expérimentations est engagée dès le présent projet de loi de finances : tous les ministères expérimentent la globalisation des crédits, pour 6 milliards d'euros de crédits au total ; 5 ministères ont aménagé leur nomenclature budgétaire de manière à anticiper la future gestion par programmes et actions ; 2 ministères expérimenteront un département comptable ministériel, en préfiguration de la nouvelle organisation comptable de l'Etat et, en dernier lieu, le recensement exhaustif de la valeur du parc immobilier de l'Etat a commencé dans 6 départements et sera étendu progressivement ; dès cette année, le Premier ministre a décidé le lancement d'un vaste plan de cession d'actifs immobiliers, pour lequel une nouvelle agence sera créée avant la fin de 2003, pour être opérationnelle dès le début de 2004.

En conclusion, le ministre délégué a souligné que l'ensemble du projet ainsi présenté au Parlement s'inscrit, dans toute sa cohérence, dans la volonté politique claire d'encourager, de reconnaître et de récompenser le travail. Cette philosophie anime chacun des choix budgétaires du Gouvernement.

Le Rapporteur général s'est réjoui de ce que le Gouvernement porte une appréciation positive sur l'environnement international de la France et les perspectives de reprise de l'activité dans notre pays. Le projet de loi de finances pour 2004 s'articule autour d'orientations claires et résolues, au service d'une politique économique tournée vers la croissance et l'emploi. Il s'agit, comme l'a indiqué précédemment le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de « mériter la croissance ». D'ailleurs, les engagements de la majorité et du Gouvernement sont tenus et approfondis : d'une part, la réduction des prélèvements obligatoires pour renforcer la croissance, améliorer la compétitivité et l'attractivité de la France et, d'autre part, la maîtrise des dépenses publiques, pour diminuer le déficit lorsque la croissance sera de retour. Il faut réaffirmer l'impérieuse nécessité de ramener le déficit public au-dessous de 3% du PIB dès 2005.

Le scénario macroéconomique fait apparaître un taux de croissance du PIB égal à 1,7%, ce qui constitue une évaluation prudente. Il faut rappeler qu'en 2001, le taux de croissance prévu dans le cadre du projet de loi de finances était de 3,3% alors qu'il n'a atteint en fait que 1,8% ; de même, en 2002, le taux de croissance prévisionnel était 2,5% alors que le taux constaté n'a été que de 1,2% ; enfin, en 2003, le taux de croissance prévisionnel était de 2,5%, mais il devrait s'établir en définitive à 0,5%. La prudence est donc indispensable. Mais il faut aller plus loin et chercher à couper court aux débats stériles qui entourent trop souvent la prévision de croissance du Gouvernement. Celui-ci est-il prêt, par exemple, à dépasser la simple comparaison avec le « consensus des économistes » et à prendre des mesures pour conférer plus d'indépendance à la formulation de la prévision officielle de croissance ? D'ailleurs, au-delà du seul scénario macroéconomique, le passage de la croissance aux recettes fiscales n'est pas non plus sans difficulté. Le choix d'une élasticité moyenne égale à 0,6 montre, là encore, que le Gouvernement fait preuve d'une prudence bienvenue.

Le volet « recettes » du projet de loi de finances pour 2004 est en pleine cohérence avec la politique de baisse des prélèvements obligatoires retenue par la majorité et le Gouvernement. La diminution de l'impôt sur le revenu, l'augmentation de la prime pour l'emploi et la revalorisation du SMIC traduisent la volonté de mieux reconnaître le travail au détriment des revenus tirés de l'assistance. Ces mesures devraient dégager du pouvoir d'achat supplémentaire, qui se recyclera dans la consommation ; elles contribuent surtout à restaurer la confiance des ménages, qui perçoivent bien que le Gouvernement est engagé dans une politique durable et constante de baisse des prélèvements obligatoires.

S'agissant plus particulièrement de la prime pour l'emploi, la Commission avait émis le souhait, lors de la discussion du précédent projet de loi de finances, que la prime pour l'emploi puisse être intégrée à la feuille de paie du salarié. Cette mesure n'a pas pu être mise en œuvre en 2003. L'instauration d'un versement par acompte et solde, en 2004, représente déjà un progrès. Est-il cependant envisageable de voir, en 2004, la prime pour l'emploi rattachée, d'une façon ou d'une autre, à la feuille de paie ?

Pour les cotisations patronales de sécurité sociale, le projet de loi de finances poursuit la stratégie cohérente de réduction définie par le Gouvernement. Cette stratégie est d'ailleurs plus efficace et moins coûteuse que les « 35 heures », comme le montrent de nombreuses études. Est-il possible de retracer les impacts conjugués des réductions consenties par les lois votées pendant l'actuelle législature (réduction « Fillon », contrats jeunes en entreprise, contrats aidés, politique de la ville, développement de l'outre-mer, etc.) ?

Les mesures en faveur du crédit d'impôt-recherche doivent être saluées. Il faut rappeler que la loi sur l'initiative économique a déjà prévu des dispositions applicables dès 2004 aux entrepreneurs individuels et aux jeunes entreprises innovantes. Cependant, deux sujets de préoccupation reviennent souvent chez les chefs d'entreprise : la taxe professionnelle qui a été en quelque sorte « protégée » par les dispositions constitutionnelles récentes relatives à l'autonomie fiscale des collectivités locales et le taux de l'impôt sur les sociétés. Celui-ci, en particulier, est facilement mesurable et a un impact très fort en termes d'attractivité du territoire « France ». Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ces deux impôts ?

En matière de TVA, le Gouvernement tient ses engagements : la reconduction de l'application du taux réduit aux travaux dans le logement figure en première partie du projet de loi de finances alors que la même mesure dans le secteur de la restauration est inscrite en seconde partie. La Commission européenne a donné un premier « feu vert » à ce type de dispositions, dans le cadre communautaire, mais le Gouvernement pourrait préciser où en sont les négociations avec ses partenaires.

L'augmentation de la TIPP sur le gazole est justifiée puisque le Gouvernement a indiqué que les recettes supplémentaires seraient destinées à Réseau ferré de France. Il serait souhaitable que ces recettes supplémentaires bénéficient à des investissements ferroviaires nouveaux plutôt qu'à la réduction des pertes ou de la dette. Le Gouvernement pourrait préciser les moyens de formaliser ce lien nécessaire entre lesdites recettes et la politique d'investissement physique de RFF. Par ailleurs, l'augmentation de la TIPP applicable au gazole n'est pas si éloignée de la politique de rééquilibrage de la fiscalité des carburants conduite en 1999 et 2000. On peut rappeler, à cet égard, que cette politique était conduite dans un contexte de prix à la pompe bien plus élevé qu'aujourd'hui et qu'elle était mise en œuvre par le précédent Gouvernement de façon coïncidente avec une baisse de l'impôt sur le revenu... Il serait intéressant que le Gouvernement informe la Commission des finances sur les pertes de recettes provoquées par la diésélisation croissante du parc automobile.

La politique de dépenses repose sur la fixation d'une norme de croissance des dépenses de 0% en volume. Il s'agit d'une contrainte très forte exercée sur le fonctionnement de l'État, compte tenu d'un certain nombre de dépenses mécaniques ou inéluctables, comme la charge de la dette ou les pensions, ainsi que du financement des priorités du Gouvernement. Le respect de la norme de progression des dépenses obligera les administrations à consentir d'importants efforts de gestion, qui doivent passer par l'élaboration de stratégies ministérielles et s'inscrire dans le cadre général de la réforme de l'État. Dans ce processus, la Commission des finances est particulièrement attentive aux gains de productivité qui peuvent être dégagés au sein des services. Le Gouvernement pourrait cependant préciser si les économies impliquées par la norme de « 0% en volume » seront gagées par ces seuls gains de productivité.

Le souci de maîtriser réellement les dépenses et de renforcer la sincérité des lois de finances doit être salué. S'inscrivant pleinement dans la perspective de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le Gouvernement propose ainsi de réintégrer dans le budget le FOREC - qui a été pendant la législature précédente un véritable « dissimulateur de dépenses » - de régler le sort des taxes parafiscales - qui doivent toutes disparaître au 1er janvier 2004 - de commencer la réforme du financement des collectivités locales et de poursuivre les travaux de définition de la nouvelle nomenclature - qui devrait apparaître pour la première fois, à titre d'essai, dans le projet de loi de finances pour 2005. Tous ces changements doivent tendre à garantir que la norme « 0% en volume » s'appuie à un bloc de dépenses réellement représentatif des charges de l'Etat, ce qui est la clef du redressement durable et effectif de nos finances publiques.

Le déficit budgétaire pour 2004, évalué à 55 milliards d'euros, est élevé en valeur absolue, mais traduit pour partie le souci de maintenir une orientation contracyclique à la politique budgétaire. La conséquence directe est que les recettes supplémentaires générées par tout supplément imprévu de croissance devront être mises à profit pour réduire le déficit. On se souvient qu'au contraire, la « cagnotte » apparue en 1999 a été aussitôt absorbée dans des dépenses nouvelles. Dans les semaines qui viennent, le Gouvernement devrait transmettre à la Commission européenne le programme de stabilité actualisé de la France : il pourrait préciser quelles sont les orientations retenues en matière de partage entre la baisse des déficits et la baisse des prélèvements obligatoires, à l'horizon de la programmation. En effet, il ne faut pas oublier que, même en période de haute conjoncture, l'État a été incapable de couvrir l'intégralité de ses dépenses par ses recettes, ce qui a engendré une dette toujours croissante. La maîtrise du taux d'endettement doit également être un objectif à part entière de la politique budgétaire. Dans cette perspective, il serait également intéressant de savoir à quel horizon le besoin d'emprunt sera suffisamment faible pour que le poids de la dette dans le PIB soit enfin stabilisé. C'est à cette seule condition que l'on pourra dire que l'étau de la dette est desserré.

En réponse à ces questions, M. Francis Mer a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant de l'indépendance des prévisions de croissance, l'idéal serait de se priver de toute prévision économique, mais c'est impossible puisqu'il sera toujours nécessaire de faire des prévisions sur l'élasticité des recettes. Le projet de loi de finances pour 2004 s'est efforcé, dans un esprit de transparence et d'honnêteté, de prendre en compte les prévisions disponibles en provenance de différentes sources ;

- la possibilité d'inclure la PPE dans la feuille de salaire a été étudiée mais n'a pu être retenue en raison de la nécessaire prise en compte d'informations à caractère personnel, notamment à la situation familiale du bénéficiaire de cette prime, qui sont indispensables à son calcul. Cependant, la réflexion peut être poursuivie, éventuellement dans le cadre d'une réforme de l'impôt sur le revenu ;

- un document présentant globalement la politique de baisse des charges menée par le Gouvernement sera prochainement élaboré pour répondre au souci de synthèse exprimé par la Commission des finances ;

- dans le débat sur les mérites respectifs d'une baisse de la taxe professionnelle et d'une baisse de l'impôt sur les sociétés, il faut se rappeler que le taux apparent de l'impôt sur les sociétés est en soi peu significatif. La définition de l'assiette est un paramètre bien plus essentiel, ce qui rend d'ailleurs toute comparaison internationale difficile. Trancher le débat supposerait aussi d'avoir clarifié les objectifs poursuivis : la baisse de la taxe professionnelle est plutôt favorable à l'industrie, tandis que la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés est plus favorable à l'ensemble des entreprises. Le Gouvernement a donc choisi, pour l'instant, de ne privilégier aucune de ces deux options, mais de poursuivre la réflexion avec les acteurs économiques concernés ;

- s'agissant de la hausse de la TIPP sur le gazole, l'intérêt de la politique environnementale et celui de la politique budgétaire convergent en faveur de mesures incitatives pour le transport ferroviaire ; il n'est, en effet, pas souhaitable que le coût de la politique ferroviaire soit pour une si grande part à la charge du contribuable et non à celle de l'usager. Dans cet esprit, la hausse de la taxe doit permettre de favoriser le développement de la politique ferroviaire. En revanche, il n'est pas souhaitable d'affecter a priori le produit de cette hausse à des investissements nouveaux. Il convient au contraire de laisser toute liberté à RFF pour utiliser ce complément de financement. On peut juger, par exemple, qu'il serait préférable aujourd'hui de procéder à des investissements sur les lignes existantes afin d'en augmenter la productivité ;

- la politique de « zéro volume » pour les dépenses est un élément majeur de la politique conduite par le Gouvernement. Celui-ci compte tenir cet engagement sans réduire la qualité des prestations publiques rendues. L'application progressive de la LOLF et les réformes structurelles conduites par certains ministères démontrent d'ailleurs la capacité des administrations à améliorer leur performance. Plusieurs années d'application résolue de cette norme stricte permettront d'atteindre l'équilibre des finances publiques et, surtout, de réduire le poids de l'Etat dans l'économie, au service de la croissance et de l'emploi ;

- il est vrai que le budget de l'Etat ne retrace que la charge d'intérêt de la dette et non les mouvements relatifs au capital (emprunt et remboursement). A partir de 2006, le Parlement devra également adopter un tableau de financement, qui justement, fera apparaître ces éléments. Par ailleurs, les états comptables de synthèse, comme le bilan et le compte de résultat de l'Etat, existent déjà mais il convient d'en améliorer la pertinence avant de pouvoir en faire des instruments utiles.

M. Didier Migaud, tout en saluant la tonalité agréable de la présentation du projet de loi de finances, l'a estimée habile, contestable et peu convaincante. Il est regrettable que les parlementaires n'aient disposé que très tardivement, et après la presse, du dossier de présentation, ce qui ne leur a pas permis d'analyser son contenu.

La politique menée par le Gouvernement au travers du présent projet est à la fois injuste, dans les baisses ciblées des impôts, inefficace, peu responsable, au regard des résultats économiques et sociaux, et de plus en plus incompréhensible. Si le ministre reconnaît avec franchise les erreurs de prévisions dans le projet de loi de finances pour 2003, il faut se souvenir que ce même projet s'était engagé à un « coup d'arrêt » du déficit budgétaire de l'Etat, qui aurait dû se stabiliser en 2003 à 44,6 milliards d'euros. Aujourd'hui, cette prévision est bien loin d'être réalisée, puisque le déficit réel accuse une augmentation de 12 milliards d'euros. La prévision de croissance pour 2004 est certes plus prudente que l'année précédente, mais elle paraît encore trop optimiste. Des recettes sont sur-estimées, au premier rang desquelles la TVA. Certaines décisions prises au cours de l'année 2003 sont également sous-estimées, parmi lesquelles le coût de la loi pour l'initiative économique et le coût des mesures en faveur de la baisse de l'impôt sur la fortune, dont le produit va sensiblement baisser en 2003, voire en 2004. Le déficit budgétaire, lui aussi, est sous-évalué.

M. Didier Migaud a demandé quand le Gouvernement serait en mesure de transmettre à la Commission des finances le nouveau décret d'annulations relatif à l'exercice 2003 ou quelques informations quant à son contenu, décret dont la publication a été annoncée il y a maintenant plus de deux semaines.

Il a estimé que le montant prévisionnel des recettes de TVA en 2004 était surestimé par le Gouvernement. Ce jugement s'appuie notamment sur le fait que l'article relatif au passage au taux réduit de TVA dans le secteur de la restauration est semble-t-il placé en deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004, alors que le texte même de cet article prévoit que ce passage est mis en œuvre quatre mois après que le droit communautaire nous en aura donné la faculté, la directive correspondante devant être adoptée au plus tard au mois de décembre 2003. En toute logique, le passage au taux réduit de TVA dans la restauration entrera donc en vigueur au cours de l'année 2004. L'article correspondant devrait donc figurer en première partie du projet de loi de finances et le montant prévisionnel des recettes de TVA devrait être diminué à due concurrence.

Le discours du Gouvernement tendant à privilégier les « dépenses actives », c'est-à-dire les investissements, au sein du budget de l'Etat semble être en contradiction avec les détails du projet de loi de finances pour 2004. On observe ainsi que les budgets ministériels dont les montants des crédits devraient baisser en 2004 au regard de 2003, sont précisément ceux dont la part des investissements dans ces crédits est la plus élevée. Cette évolution est d'autant plus inopportune que la période actuelle est caractérisée par un niveau modéré de taux d'intérêt, qui devrait pourtant favoriser les initiatives en matière d'investissement. La baisse ainsi programmée de certaines capacités d'investissement dans le budget de l'Etat pose par ailleurs la question de la garantie du financement de certains projets inclus dans les contrats de plan Etat-région.

On peut légitimement douter de la baisse annoncée du taux des prélèvements obligatoires au regard du PIB, en 2003 puis en 2004, alors que tout indique que les prélèvements obligatoires opérés par l'Etat et les collectivités locales augmentent et augmenteront. Le taux prévisionnel de prélèvements obligatoires de 43,6% pour 2004 ne constitue donc qu'un affichage, comme le taux de 43,8% en 2003, qui est établi sous l'hypothèse d'une stabilisation de la fiscalité locale en 2003, hypothèse très largement démentie par la forte augmentation généralisée de la fiscalité locale constatée cette année. Il ne faut d'ailleurs pas s'étonner de cette évolution, quand on constate que le montant des dotations versées par l'Etat aux collectivités locales baisse, compte tenu de l'inflation. En tout état de cause, une présentation honnête de l'évolution des taux de prélèvements obligatoires actuels et à venir, doit prendre en compte les prélèvements opérés au bénéfice des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale, ce qui rend, in fine, très hasardeuse la prévision d'une baisse de ces taux cette année, puis en 2004.

L'honnêteté oblige d'ailleurs le Gouvernement à admettre qu'il n'y a pas de baisse des dépenses publiques au regard du PIB en 2003, par rapport à 2002. Comme l'indiquent les documents du Gouvernement, en fait, la part des dépenses publiques dans le PIB augmentera cette année par rapport à 2002.

Le Président Pierre Méhaignerie a précisé que 90% des dépenses nouvelles supportées par les collectivités locales depuis un passé récent, au titre de transferts de charges ou de créations de charges nouvelles décidés au niveau central, relevaient de décisions prises antérieurement au début de l'actuelle législature.

M. Henri Emmanuelli a estimé que le Président Pierre Méhaignerie serait sans doute amené à modifier son analyse à la suite de la réforme annoncée de l'allocation spécifique de solidarité, qui devrait augmenter de 250.000 le nombre des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion en 2004, année à compter de laquelle son financement relèvera des départements.

M. Didier Migaud, après avoir relevé que le style de la présentation du projet de loi de finances pour 2004 adopté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, relevait de l'antienne, déjà usitée par un ancien ministre, « avant moi la nuit, avec moi le jour », a demandé si le Gouvernement était en mesure d'annoncer si les crédits pour 2004 feraient l'objet d'une mise en réserve au cours de cet exercice et, le cas échéant, dès le mois de janvier 2004.

Le Président Pierre Méhaignerie a précisé qu'il s'agit là d'une bonne question.

M. Charles de Courson a exprimé, an nom du groupe Union pour la démocratie française, une opinion globalement positive s'agissant du projet de loi de finances pour 2004. Il faut en effet se réjouir des éléments suivants :

- l'hypothèse de croissance pour 2004 est raisonnable, contrairement à celle qui fut établie à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2003 ;

- le budget de 2004 bénéficiera d'une transparence accrue, notamment grâce à l'intégration dans le budget général des crédits gérés jusqu'alors par le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ;

- la politique budgétaire poursuivie consistant à créer les conditions d'une croissance durable et donc d'un développement de l'emploi, est tout à fait opportune.

Il reste que la situation budgétaire en 2004 sera caractérisée par un effort insuffisant de maîtrise de la dépense publique :

- s'agissant de la Sécurité sociale, si les dépenses de la branche vieillesse et de la branche famille pourraient effectivement se situer à des niveaux proches des prévisions du Gouvernement, fixer l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie pour 2004 à un niveau supérieur de 4% au regard des dépenses constatées en 2003 n'est pas crédible sans la mise en œuvre d'une réforme, qui a été inopportunément repoussée à la fin de l'année 2004. Il faut rappeler que sur les cinq dernières années, les taux d'évolution réels des dépenses d'assurance-maladie se sont établis en moyenne deux points au-dessus des taux d'évolution prévisionnels des objectifs nationaux des dépenses d'assurance-maladie votés dans les lois de financement de la sécurité sociale ;

- s'agissant des collectivités locales, les prévisions d'évolution des dépenses ne sont pas non plus crédibles, notamment pour les départements, pour lesquels on observe que leur budget primitif pour 2003 est en augmentation moyenne de 9,1% par rapport à 2002. L'augmentation des dépenses des collectivités locales en 2004 s'établira entre 5% et 5,5% et non pas à 3,3%. Il ne peut en être autrement, en raison notamment des charges nouvelles induites par la mise en œuvre de l'aménagement et de la réduction du temps de travail pour les agents de la fonction publique territoriale, par le financement des services départementaux d'incendie et de secours et par celui de l'allocation personnalisée d'autonomie. Il faut observer que ces charges nouvelles ont été successivement créées par des majorités politiques différentes ;

- au total, les prévisions du Gouvernement relatives à l'évolution de la part des dépenses publiques dans la richesse nationale ne peuvent qu'être erronées. Dès 2004, cette part ne sera pas de 53,9% du PIB, mais devrait atteindre en fait 54,4% à 54,5% du PIB.

L'augmentation des impôts dans un proche avenir est donc inéluctable. Le besoin de financement des administrations publiques ne s'établira pas à 3,6% du PIB en 2004, mais à un niveau compris entre 3,7% et 3,8% du PIB. Il faut rappeler qu'hypothétiquement, il serait effectivement possible de diminuer l'encours de la dette en proportion du PIB si ce besoin de financement s'établissait seulement à 2,4% du PIB.

Il a estimé que cette situation légitimait les trois critiques suivantes, qu'il émettait au nom du groupe Union pour la démocratie française :

- il est incohérent et incompréhensible d'abaisser de 3% les taux du barème de l'impôt sur le revenu pour un coût pour les finances publiques de 1,6 milliard d'euros et, à la fois, d'augmenter la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers assise sur les ventes de gazole pour un montant de recettes supplémentaires de 0,8 milliard d'euros. Les véhicules neufs disposant d'un moteur diesel sont aujourd'hui moins polluants que les mêmes véhicules neufs disposant d'un moteur fonctionnant avec une motorisation essence. L'exonération dont bénéficieraient les transporteurs routiers au regard de l'augmentation proposée de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers assise sur les ventes de gazole prive d'ailleurs cette mesure de toute légitimité écologique. S'il faut un projet fiscal alternatif à coût constant, une unique mesure de baisse de 1% du barème de l'impôt sur le revenu est préférable ;

- la réforme envisagée de l'allocation de solidarité spécifique, qui va provoquer un afflux d'entrées dans le dispositif du revenu minimum d'insertion, n'est pas opportune. Compte tenu du projet tendant à transférer aux départements, en considérant les coûts 2003 comme base de la compensation financière correspondante, le financement à compter de 2004 du volet financier du revenu minimum d'insertion, cette réforme constitue en fait un transfert de charges sans compensation financière au détriment des départements. Le groupe Union pour la démocratie française soutient le Gouvernement dans son action tendant à encourager chacun à travailler, mais, en l'espèce, les modalités proposées ne sont pas les bonnes ;

- il ne faut pas différer les réformes structurelles ambitieuses. Des mesures immédiates doivent être mises en œuvre en matière d'assurance-maladie, de législation relative au temps de travail et de réforme de l'Etat. Il faut rappeler que la loi du 3 janvier 2003 portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques a donné 18 mois aux partenaires sociaux pour aboutir à un accord interprofessionnel sur le sujet. Compte tenu de l'état d'avancement des négociations correspondantes, le législateur ne doit plus attendre pour intervenir.

M. Hervé Mariton a souligné la pertinence et la cohérence du projet de loi de finances et s'est dit convaincu par celui-ci. L'ambition du Gouvernement d'influencer le solde conjoncturel par des efforts structurels n'a de portée que par la politique de réformes. Il a en outre souhaité obtenir quelques éclaircissements complémentaires :

- Le Gouvernement a lié les baisses d'impôt à des économies récurrentes mais quel est le montant total de ces économies en 2004 et comment ont-elles été évaluées ? En outre, il a souhaité connaître le solde du « paquet fiscal » pour les ménages en 2004.

- Sur quelle date d'application de la TVA restauration à taux réduit le projet de loi de finances pour 2004 a-t-il été fondé ?

- En ce qui concerne l'évolution des dépenses des collectivités locales, l'hypothèse de croissance de 1,5% a été formulée, ce qui est sans doute réaliste et fataliste. Mais dans quelle mesure l'Etat pourrait-il influencer ce taux de croissance à la baisse, que ce soit en « guidant » les dépenses des collectivités locales ou en évitant que des décisions coûteuses soient prises, comme dans les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ?

- Il est important que Réseau Ferré de France soit libre d'affecter la hausse de la TIPP à son désendettement ou à des dépenses relatives aux infrastructures existantes ou à de nouvelles infrastructures. Mais quels sont les mécanismes juridiques contenus dans le projet de loi de finances pour 2004 garantissant que cette somme sera réellement allouée à Réseau Ferré de France ? En outre, le Gouvernement a dispensé de la hausse de la TIPP les transporteurs routiers mais cette exemption a-t-elle les fondements juridiques communautaires nécessaires ? Il est à craindre que de difficiles négociations doivent être reprises pour que cette exemption puisse se cumuler avec la « ristourne » actuelle.

M. Jean-Pierre Brard a qualifié d'audace verbale le chiffre des créations d'emplois annoncées pour 2004. Sans s'attarder sur la baisse de l'impôt sur le revenu, l'équipement militaire dont on laisse filer la dépense et les nouveaux allégements d'impôt pour les entreprises, il a constaté que l'impôt des plus pauvres, c'est-à-dire la TVA, viendra au secours des plus riches qui voient le plafond de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile augmenter, sans parler de l'incitation aux donations anticipées en pleine propriété.

Il a souligné à quel point, dans sa conception et celle de son groupe, l'impôt était à l'opposé de la conception qu'en a le Gouvernement. En outre, quel est le résultat de la politique de la majorité ? Le chômage progresse et, de plus en plus, on constate que les populations sont polarisées entre des couches moyennes supérieures qui vivent mieux et des couches modestes dont la situation s'aggrave, traduisant l'inefficacité des mesures prises. La fiscalité doit permettre la redistribution mais le Gouvernement fait le choix de redistribuer aux plus aisés. Comment espérer relancer ainsi la consommation ?

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué que les ministres répondront aux questions lors de la prochaine réunion de la Commission, la semaine prochaine.

M. Augustin Bonrepaux a rappelé qu'une question urgente demeurait en suspens. En effet, la restructuration de la Banque de France se poursuit et le comité central du Conseil de la Banque de France envisage de supprimer les délégations de la Banque de France dans trente départements parmi les plus défavorisés. Une audition du Gouverneur qui avait promis une départementalisation du réseau de la Banque de France est donc nécessaire.


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