COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 20 octobre 2004
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Pascal Clément, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Renaud Dutreil, ministre de la Fonction publique et de la réforme de l'État, et de M. Éric Woerth, secrétaire d'État à la réforme de l'État, sur les crédits de ce ministère pour 2005



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- Examen des rapports pour avis sur les crédits de ce ministère (M. Bernard Derosier, rapporteur)

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- Information relative à la Commission

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La Commission a procédé à l'audition de M. Renaud Dutreil, ministre de la Fonction publique et de la réforme de l'État, et de M. Éric Woerth, secrétaire d'État à la réforme de l'État, sur les crédits de ce ministère.

Indiquant en préambule que l'audition de MM. Renaud Dutreil et Éric Woerth ne saurait se limiter à une simple présentation des crédits, le président Pascal Clément a rappelé l'actualité particulièrement riche du ministère de la Fonction publique et du secrétariat d'État à la réforme de l'État qui lui est rattaché, en faisant référence au processus de simplification du droit engagé par la présentation au Parlement d'une loi annuelle d'habilitation, à la réforme budgétaire et comptable induite par la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (lolf), à la mise en place des stratégies ministérielles de réforme ainsi qu'au développement de l'administration électronique par le biais du projet adele.

Insistant sur la nécessité de dégager une vision stratégique de la fonction publique et de la réforme de l'État suscitant l'adhésion des fonctionnaires, mais comprise également des citoyens et des contribuables, M. Renaud Dutreil, ministre de la Fonction publique et de la réforme de l'État, a décrit en premier lieu le contexte dans lequel s'inscrit cette réforme : les marges de manœuvre dont dispose le Gouvernement en la matière sont de plus en plus restreintes, puisque le service de la dette, qui représente près de 1,3 milliard d'euros par an, le paiement des pensions des fonctionnaires à la retraite, avec des départs annuels de l'ordre de 70 000 à 90 000 fonctionnaires, la réduction des déficits et la croissance des prélèvements sociaux sont désormais des impondérables de la gestion du budget de l'État. Les choix politiques du Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin, qui consistent à donner la priorité à la restauration des fonctions régaliennes de l'État ainsi qu'à la cohésion sociale, tout en faisant le pari de l'intelligence par un soutien accru à l'enseignement et à la recherche, conduisent également à raisonner dans un objectif de stabilisation des dépenses de personnel de la fonction publique.

Pour autant, en dépit de ce contexte difficile, un effort particulier doit être apporté en matière de garantie de pouvoir d'achat des fonctionnaires, afin non seulement de témoigner de la reconnaissance de la Nation envers ses agents mais aussi de constituer un facteur de motivation. Des négociations salariales vont être engagées dès le 8 novembre dans ce sens, un tel objectif ne pouvant toutefois être atteint que si l'on réfléchit en même temps à une réduction des effectifs. À cet égard, les départs à la retraite importants, de l'ordre de 77 000 par an, offrent une occasion historique de réduire le nombre d'agents, l'objectif étant de limiter à 40 000 au plus les flux de recrutement jusqu'en 2015. Il pourrait être attendu, dans le cadre de cette réduction, des gains de productivité de l'ordre de 2,25 % par an, cette norme n'étant, bien entendu, pas applicable service par service, mais utilisée comme référence générale.

La réforme de l'État et de sa fonction publique ne saurait cependant se résumer à une comptabilisation d'effectifs ou de masse salariale. Elle s'inscrit dans un projet plus ambitieux, destiné à moderniser un cadre législatif et réglementaire vieilli, qui conduit à une gestion opaque et inégalitaire des agents. On recense actuellement 1 400 corps dans la fonction publique, dont 900 « en activité ». Cette multitude est source de rigidité, notamment en termes de mobilité géographique puisque beaucoup d'agents, et notamment des femmes, refusent une promotion qui les obligerait à déménager. Elle est également source de complexité puisqu'elle paraît désormais incompatible avec la logique de globalisation imposée par la loi organique relative aux lois de finances. Un rapport du Conseil d'État recommande en conséquence de décloisonner la gestion de la fonction publique afin de permettre à l'État de retrouver des marges de manœuvre en termes de productivité. Le fait que cette proposition émane du juge suprême en matière de fonction publique n'est pas sans paradoxe, dans la mesure où la justice administrative a contribué de manière incontestable, par une jurisprudence complexe, à opacifier la gestion des agents publics.

Il serait ainsi proposé de regrouper les corps dans six cadres statutaires, à l'image de ce qui existe dans la fonction publique territoriale. À cette réforme, qui impliquerait une refonte du statut, celle des fonctions des agents et la mise en place d'une rémunération individualisée, s'ajouterait une refonte de la grille indiciaire, avec des gains en termes de pouvoir d'achat, notamment pour les fonctionnaires dont les rémunérations sont situées en bas de l'échelle. L'État serait également gagnant dans la mesure où il retrouverait une souplesse de gestion.

Un autre projet lié à la réforme de la fonction publique consiste à diversifier son recrutement, la fonction publique devenant ainsi accessible à toutes les catégories socioprofessionnelles. Sa composition actuelle n'est en effet pas à l'image de la République puisqu'elle privilégie de facto, par le biais du concours, le recrutement de diplômés, issus de catégories relativement aisées. À titre d'exemple, un tiers des agents de la catégorie C ont actuellement un diplôme de l'enseignement supérieur. Il s'ensuit, pour ces agents surdiplômés par rapport à leur poste, une grande frustration, et, pour la Nation qui a contribué à leur formation initiale, un certain gâchis. La réforme consisterait alors à développer une nouvelle voie d'accès, le pacte, parcours d'accès aux carrières territoriales, hospitalières et de l'État, proposant un parcours alternant d'une durée de deux ans avant la titularisation dans la fonction publique. Tout en respectant le principe du concours, cette formule, qui s'appuierait sur les missions locales, présente l'avantage, par rapport aux emplois-jeunes, de permettre à la fois une formation qualifiante et une titularisation en bout de parcours. Elle serait proposée aux « juniors », de 16 à 26 ans, mais également aux « seniors », âgés de plus de 50 ans et en situation de chômage longue durée. Il s'agirait ainsi, avec cette procédure innovante destinée aux personnes plus âgées, d'éviter à terme un déséquilibre de la pyramide des âges.

S'agissant plus précisément du budget du ministère de la fonction publique, il faut souligner une réforme importante qui prévoit le transfert aux caisses d'allocations familiales de la gestion des prestations familiales « service crèche » aux agents de l'État, permettant ainsi de dégager une économie de 55 millions d'euros. Le reste du budget s'inscrit dans une logique de maîtrise globale des crédits dans un contexte d'effort général de rigueur budgétaire et des précisions techniques pourront être apportées en réponse aux questions des commissaires.

M. Éric Woerth, secrétaire d'État à la réforme de l'État, a indiqué que les stratégies ministérielles de réforme (smr) étaient fondées sur la recherche d'une plus grande productivité dans l'action de l'État et fixaient des objectifs quantifiés. Ainsi, les 230 mesures prévues dans les smr élaborées en 2004 devraient permettre de réaliser 1,5 milliard d'euros d'économies à l'horizon 2007. Les smr constituent un programme pluriannuel de modernisation de l'État, plus cohérent et plus efficace qu'une succession de réformes ponctuelles. Cette démarche s'articule avec les outils mis en place par la loi organique relative aux lois de finances, notamment les indicateurs de résultats et les projets pluriannuels de performance. La transparence de cette politique sera assurée grâce, d'une part, à une évaluation effectuée par un comité d'experts indépendants, d'autre part, au contrôle exercé annuellement par le Parlement.

La désignation d'un secrétaire général dans chaque grand ministère, qui apparaît essentielle pour garantir la continuité de la réforme, est actuellement en cours. Le haut fonctionnaire qui exercera ces fonctions sera responsable des moyens du ministère et de la réussite des actions de modernisation.

La politique de simplification administrative sera poursuivie. Elle est fondée sur la présentation au Parlement, chaque année, d'un projet de loi de simplification du droit. La mise en œuvre de cette politique, qui concerne directement les usagers grâce à des actions de proximité - par exemple en matière d'administration électronique - repose en grande partie sur les réflexions du Conseil d'orientation de la simplification administrative, où siègent notamment des parlementaires.

Concluant son propos introductif, le secrétaire d'État a estimé que la politique de réforme de l'État a désormais franchi une étape essentielle, une culture du résultat succédant à la culture de réflexion qui dominait précédemment.

Après avoir estimé que le ministre chargé de la fonction publique avait tenu un véritable discours de ministre de l'économie pour justifier tous les blocages dans la fonction publique, M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis des crédits de la Fonction publique et de la réforme de l'État, a regretté que le ministre, contrairement aux usages de ses prédécesseurs, n'ait pas pris la peine de recevoir le rapporteur de la commission des Lois et qu'à la date limite fixée par la loi organique relative aux lois de finances pour la remise des réponses au questionnaire budgétaire, soit le 9 octobre, moins de 50 % des réponses lui étaient parvenus, alors même que le ministère chargé de la réforme de l'État devrait se montrer exemplaire dans l'information du Parlement et dans le respect des prescriptions organiques.

Rappelant que le budget du ministère de la Fonction publique était traditionnellement modeste, mais que l'action menée par ses services avait des répercussions sur les 2,2 millions de fonctionnaires de l'État, et les quelque 1,1 million de fonctionnaires territoriaux et 700 000 fonctionnaires hospitaliers, il a jugé nécessaire que le ministre en charge de ce dossier ait le souci d'assurer un service public de qualité mais aussi de garantir aux hommes et aux femmes qui l'assurent un niveau de vie satisfaisant.

Fort de ces constats, le rapporteur a présenté plusieurs observations.

-  Soulignant que depuis quatre ans, les fonctionnaires n'ont pas connu de hausse significative de leur traitement et que des discussions ont été annoncées pour le 8 novembre prochain entre les organisations syndicales et le ministre de la Fonction publique - lequel a déclaré, le 27 septembre dernier, qu'il lierait baisse des effectifs et hausse des rémunérations - il a regretté qu'aucune provision n'ait été inscrite pour revaloriser le point fonction publique dans le projet de loi de finances pour 2005. Rappelant que le président de la commission des Finances, M. Pierre Méhaignerie, avait estimé le 19 octobre dans La Tribune qu'il convenait de gager une hausse générale des rémunérations dans la fonction publique sur des économies budgétaires, le rapporteur a demandé, en premier lieu, si les discussions qui vont s'ouvrir constitueront de véritables négociations salariales ou bien simplement des rencontres méthodologiques, en deuxième lieu, comment seront répartis les 430 millions d'euros annoncés pour financer des mesures de nature exclusivement catégorielle, mesures qui ne sauraient en aucun cas constituer un substitut à une véritable politique salariale dans la fonction publique, et, en troisième lieu, quel sera le coût prévisionnel de la refonte de la grille indiciaire annoncée.

-  Il a souhaité avoir des éclaircissements sur la justification précise des 7 000 suppressions de postes inscrites dans le projet de loi de finances et sur la manière dont était envisagé le remplacement des très nombreux départs en retraite qui ne manqueront pas d'intervenir dans les années à venir. Il a également souhaité savoir quels seraient les effectifs de jeunes travailleurs et de travailleurs plus âgés qui seraient concernés par le programme pacte.

-  Faisant remarquer que M. Delevoye comme M. Dutreil y avaient fait référence à de multiples reprises, il a jugé nécessaire d'avoir des informations précises sur le contenu et le calendrier d'examen du projet de loi de modernisation des trois fonctions publiques.

-  Il a interrogé les ministres sur l'état d'avancement de la réforme de la formation continue des agents.

-  Constatant au cours des auditions qu'il avait menées dans le cadre de la préparation de son rapport que les organisations syndicales représentatives de la fonction publique déploraient le manque de dialogue social en contradiction avec un discours ministériel qui se louait des avancées obtenues, en particulier dans la modernisation des comités techniques paritaires, il a également interrogé les ministres sur leur volonté réelle de revivifier ce dialogue.

-  Il a demandé quel sort serait réservé à la proposition de loi relative à l'augmentation de l'âge maximum pour se présenter aux concours de la fonction publique, présentée par M. Serge Poignant et adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture.

-  Enfin, il a souhaité obtenir des précisions sur les conséquences exactes de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales pour les collectivités territoriales, le ministère de la Fonction publique ayant reconnu que le transfert de 130 000 agents de l'État sous l'autorité des collectivités territoriales entraînerait de nécessaires recrutements pour encadrer ces agents.

M. Georges Tron, rapporteur spécial de la commission des Finances sur les crédits de la Fonction publique et de la réforme de l'État, s'est tout d'abord déclaré satisfait de pouvoir participer à l'audition organisée par la commission des Lois, en contestant que le ministre ait tenu le discours d'un ministre de l'économie, lequel s'en serait tenu à une présentation comptable et chiffrée du budget.

Soulignant que la question des rémunérations devait être sans conteste évoquée avec celle des effectifs, dès lors que la France comptait de 15 % à 20 % de fonctionnaires en plus que les pays comparables, il a estimé que le choix du Gouvernement de lier meilleur service public, responsabilisation des fonctionnaires et hausses ciblées des rémunérations était le bon, compte tenu, en particulier, du fait que les départs massifs à la retraite dans les prochaines années donneront une marge de manœuvre équivalente à environ 20 000 emplois par an. Il a demandé aux ministres quelle démarche avait été suivie dans ce contexte pour définir le service rendu administration par administration, question qui n'était pas sans lien avec l'évolution des smr.

Il s'est également interrogé sur l'utilisation des 430 millions d'euros consacrés dans le projet de budget à des mesures catégorielles, en rappelant qu'une telle somme avoisine celles attendues d'éventuels aménagements de l'impôt de solidarité sur la fortune ou de l'impôt sur le revenu pour l'emploi d'une aide au foyer et que le président de la commission des Finances s'était récemment inquiété de la situation de près de la moitié des fonctionnaires qui ne seront concernés ni par le glissement vieillesse technicité (gvt), ni par des mesures catégorielles.

Puis, il a demandé si un bilan de l'expérience de rémunération au mérite des directeurs d'administration centrale avait été établi. Il a par ailleurs regretté qu'il soit toujours impossible de recruter au niveau local des agents de l'État, en particulier des enseignants, souhaitant entamer une seconde carrière dans la fonction publique territoriale, notamment dans les filières sociales.

Faisant observer que la commission des Finances, à la suite de l'audition récente de plusieurs ministres sur leur stratégie ministérielle de réforme, avait pu constater des différences dans le degré d'engagement de chacun d'entre eux et regretté que la mise en œuvre de la lolf et la construction des smr n'aient pas été mieux coordonnées, il a demandé que le Gouvernement maintienne son effort pour imposer les smr à l'ensemble des services et assure une meilleure coordination entre les deux pôles de réforme que constituent la lolf et les smr.

Il a ensuite interrogé les ministres sur l'incidence du droit européen et notamment de la jurisprudence de la Cour de justice sur la modernisation de la fonction publique.

Il s'est étonné du fait que, depuis 1983 et malgré le mouvement de décentralisation, les effectifs de l'État aient crû de 20 % et a demandé quels seraient l'impact de l'acte III de la décentralisation en termes d'économies d'emplois de l'État et ses conséquences sur la déconcentration.

Enfin, il s'est déclaré stupéfait de constater que, de tous les pays modernes, seule la France continuait à s'interroger sur la réforme de l'État et sur l'évolution des effectifs, alors même que de nombreux pays avaient résolu ces questions il y a une dizaine, voire, pour les plus précoces, une vingtaine d'années. Il a souligné la nécessité pour le Gouvernement de mener la réforme en urgence, de telle sorte que la réduction de la dépense publique puisse permettre une baisse des prélèvements obligatoires et in fine une amélioration de la compétitivité de la France, comme l'a démontré une fois de plus le récent rapport de M. Camdessus au ministre de l'économie.

En réponse aux deux rapporteurs, M. Renaud Dutreil, ministre de la Fonction publique et de la réforme de l'État, a apporté les précisions suivantes :

-  À ce jour, les réponses au questionnaire budgétaire ont, dans leur quasi-totalité, été transmises aux rapporteurs.

-  Contrairement à des pays comme la Suède, qui ont su très tôt allier système social-démocrate et réforme de l'État, ou l'Italie, qui a conduit sa réforme sous le gouvernement de la coalition de gauche de l'Olivier, la France ne connaît pas de consensus sur la réforme de l'État parce que l'opposition continue de se battre en faveur d'une augmentation aveugle des effectifs au détriment des rémunérations, ce qui se traduit par une paupérisation de la fonction publique, par un amoindrissement de la qualité du service public et par un coût élevé pour le contribuable.

-  Les rémunérations des fonctionnaires ne dépendent pas du seul point d'indice, qui détermine le niveau de traitement, mais aussi du gvt et des éléments catégoriels. Or, force est de constater que la rémunération moyenne des personnels en place (rmpp), qui inclut l'ensemble des éléments de rémunération, devrait progresser de 3 % en 2004. L'érosion du point d'indice affecte ceux qui ne bénéficient ni du gvt ni de mesures catégorielles. Ces dernières, qui atteindront 438,8 millions d'euros en 2005, bénéficieront notamment aux agents du ministère de la défense pour 81 millions, de l'éducation nationale pour 181 millions, de l'intérieur pour 50 millions, et de l'économie et des finances pour 40 millions. Deux tiers du total seront affectés à des dispositifs anciens et un tiers à des mesures catégorielles inédites. Rien n'est prévu pour financer la refonte de la grille indiciaire en 2005, parce le processus n'est, à cette heure, qu'en phase de préparation.

-  L'expérimentation de la rémunération au mérite des directeurs d'administration centrale, lancée en juillet dernier, concerne quarante-cinq d'entre eux répartis entre six ministères. Chacun s'est vu adresser une lettre d'objectifs associée à une rémunération qui pourra varier de 100 à 120 en fonction des résultats. Une première évaluation du dispositif interviendra en décembre 2004, une deuxième en juin 2005. Des comités ministériels de rémunération ont été créés pour suivre cette évolution. L'objectif final est d'étendre cette expérience à d'autres niveaux de la hiérarchie.

-  Le projet de loi de modernisation de la fonction publique nécessite un travail de préparation complexe. Il inclura un volet consacré à la fonction publique territoriale, qui est d'ores et déjà bien avancé et apparaît comme relativement consensuel, un volet relatif au pacte ainsi qu'un volet sur l'architecture de la fonction publique d'État. Si le calendrier reste encore imprécis, un examen au cours de l'année 2005 paraît cependant envisageable. La proposition de loi présentée par M. Poignant va dans le sens souhaité par le Gouvernement et s'inscrit dans le mouvement de modernisation engagé.

-  La réduction des effectifs n'est pas un choix idéologique, mais répond à la nécessité de construire un État moderne, compte tenu des départs massifs à la retraite, ce qui induit un très important travail pour recenser avec exactitude les services qui connaîtront des départs et mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Il faut s'étonner d'ailleurs qu'aucun gouvernement n'ait entrepris auparavant une telle étude qui peut seule permettre d'adapter le service rendu aux effectifs disponibles.

-  Le pacte concerna les trois fonctions publiques et pourrait permettre d'accueillir au total 20 000 nouveaux agents, principalement sur des postes correspondant à des emplois de catégorie C.

-  La formation continue fait partie des priorités du Gouvernement qui souhaite transposer aux trois fonctions publiques l'effort accompli dans le secteur privé en faveur de la formation tout au long de la vie. Cette évolution est d'autant plus nécessaire que la refonte des cadres statutaires exigera un outil de formation plus efficace.

-  Les organisations syndicales représentatives, qui ont chacune leur logique propre, n'étant d'accord entre elles que sur très peu de questions, il est difficile de les engager sur la voie de la modernisation du dialogue social, étant précisé que l'État ne souhaite pas imposer de règles nouvelles sans concertation. Un protocole sur le dialogue social actuellement en cours de négociation pourrait cependant être adopté.

-  La mise en place de deuxièmes carrières dans l'enseignement est une des innovations offertes par le Gouvernement. En effet, il apparaît que l'Éducation nationale est un des secteurs dans lequel les carrières sont les plus rectilignes et les plus cloisonnées. Le nouveau dispositif, applicable dès septembre 2005, offrira aux volontaires, dans le cadre de la réforme des retraites, des carrières plus diversifiées. Il sera dès lors plus facile pour des agents de l'État d'intégrer la fonction publique territoriale.

-  L'ouverture sur l'Europe est une réalité et la haute administration doit pouvoir s'ouvrir à des fonctionnaires d'autres pays européens.

En complément, M. Éric Woerth a apporté les éléments de réponse suivants :

-  La réduction des effectifs peut être menée soit en dégageant de la productivité - mot qui n'est plus tabou -, soit en analysant de manière systématique le bien-fondé et la qualité de chaque intervention de l'État, ce qui permet de déterminer ce qui doit être, par exemple, décentralisé ou bien externalisé.

-  La mise en œuvre par les ministères de leur smr fera l'objet d'un suivi attentif. Cet exercice annuel et précis repose sur un engagement pris par les ministères devant le Premier ministre. Les services de la réforme de l'État et la commission d'expertise présidée par M. Francis Mer y veilleront. Dès le mois de décembre prochain, un bilan de la réalisation des actions menées dans le cadre des smr sera rendu public. Un deuxième bilan sera conduit au mois de juin. Un ministère, qui ne tiendrait pas ses engagements, sera ainsi soumis à la pression publique. L'exercice doit s'améliorer : cette année, les indicateurs seront compatibles avec ceux de la lolf et l'aspect interministériel des stratégies de réforme sera accentué.

-  La question de l'articulation entre la lolf et les smr se pose de manière constante, mais ces deux éléments doivent être distingués : la première constitue d'abord une réforme du système comptable et de gestion de l'État et doit aboutir à une meilleure transparence et à un meilleur suivi des politiques publiques ; les secondes sont axées sur le contenu de ces politiques et sur un plan annuel de réforme des structures de l'État. Les projets et les rapports annuels de performance, prévus par la lolf, doivent naturellement s'appuyer sur le contenu des smr et une articulation claire entre les deux doit être instituée, les indicateurs requis par la lolf devant s'enrichir d'une dimension plus prospective.

-  De manière globale, il convient de rendre la réforme de l'État plus lisible, ce qui implique là aussi de disposer d'indicateurs pertinents, susceptibles d'être appréhendés facilement par les citoyens.

Le président Pascal Clément a demandé s'il était envisageable d'instituer une condition de limitation de diplôme pour les candidats à certains grades ou postes de la fonction publique, ou à tout le moins d'exiger d'eux une expérience professionnelle préalable. Il a également souhaité obtenir des précisions sur la situation statutaire des personnels techniques, ouvriers et de service de l'Éducation nationale (tos), compte tenu des négociations en cours depuis de nombreux mois.

Après avoir félicité les ministres pour la clarté et la cohérence de leur présentation, M. Guy Geoffroy a déclaré approuver le recentrage de l'effort sur le « pré carré » de l'État, dont il convient de ne pas exclure l'Éducation nationale. Sur ce point, il a souhaité obtenir des précisions sur l'articulation, qui sera sans doute prévue par le projet de loi de programme pour l'École, entre la politique actuelle de réduction volontariste des effectifs de la fonction publique et l'accompagnement de l'indispensable réforme de l'enseignement.

Après avoir souligné que, s'il n'est de richesse que d'hommes, l'administration française ne saurait alors pas se plaindre d'une excessive pauvreté, M. Michel Piron a approuvé l'approche globale et novatrice des ministres. Se fondant sur la notion d' « interlocuteur unique », il a ensuite indiqué combien les regroupements par métiers, actuellement envisagés, lui semblaient de nature à répondre aux attentes de tous, citoyens comme élus locaux. Il a souhaité que puisse être précisée la méthode pour y parvenir, y compris, le cas échéant, dans un cadre interministériel, s'inscrivant lui-même dans la perspective de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Il a conclu son intervention en soulignant la nécessité de disposer, pour chaque mission, d'un responsable qui en assume la direction, les difficultés liées à la multiplicité d'acteurs administratifs pour la mise en œuvre d'une même action lui paraissant trop souvent découler surtout d'un manque d'arbitrage, dont la solution devait s'inscrire dans une démarche de déconcentration, pendant indispensable de la décentralisation en cours.

M. Jacques-Alain Bénisti a indiqué que la fonction publique était en attente autant d'une réforme statutaire que de la satisfaction de revendications de nature salariale. Constatant que cette réforme avait fait l'objet de reports successifs dans le temps, le ministre ayant lui-même à l'instant mentionné l'hypothèse du courant de l'année à venir, il a fait observer que les syndicats, comme les personnels, demeuraient demandeurs d'une modernisation. Si celle-ci ne peut pas être envisagée dans le cadre d'un texte de loi unique, l'efficacité de la réponse aux attentes gagnerait peut-être alors à privilégier une procédure en plusieurs étapes, en retenant, dans un premier temps, les éléments les plus consensuels, et notamment ceux relatifs à la fonction publique territoriale.

En réponse au président et aux différents intervenants, M. Renaud Dutreil a apporté les précisions suivantes :

-  La modernisation des trois fonctions publiques ne doit pas être nécessairement menée simultanément et il est tout à fait envisageable de présenter les réformes successivement.

-  Il est exact que de nombreux fonctionnaires sont surdiplômés par rapport à l'emploi qu'ils occupent. Interdire toutefois à des candidats titulaires de certains diplômes de concourir conduirait à des dissimulations et risquerait d'être mal compris alors que l'accroissement du nombre de diplômes est par ailleurs souhaitée et encouragée. La solution doit être recherchée d'abord dans le pacte, qui permettra de recruter des jeunes qui n'ont pas de qualification, ensuite dans la prise en compte de l'expérience antérieure, notamment pour ceux qui seront recrutés à un âge plus avancé.

-  Les agents des services transférés aux collectivités locales, au premier rang desquels figurent les agents tos, pourront soit rejoindre les cadres d'emploi de la fonction publique territoriale, soit bénéficier d'un détachement de longue durée auprès des collectivités, selon une procédure déjà utilisée par le passé.

-  L'Éducation nationale, comme tous les services de l'État, doit apprendre à s'adapter aux nouvelles demandes sociales. Cette démarche inédite dans l'histoire administrative française nécessite de renforcer les efforts engagés en faveur de la recherche et de l'enseignement supérieur et de rendre plus fluide la mobilité entre les différentes fonctions publiques.

-  Les corps sont trop nombreux, trop fermés et souvent trop étroits pour permettre de véritables évolutions de carrière et encourager une plus grande mobilité. Ces caractéristiques interdisent également de développer une gestion déconcentrée des effectifs, mieux à même de répondre aux besoins locaux. Il faut donc créer des espaces professionnels suffisamment larges et nombreux pour offrir une vraie mobilité.

Observant que dans le passé, l'État avait été incapable de concevoir sa propre réforme, le ministre a jugé indispensable qu'il reprenne pied dans les territoires et renforce sa déconcentration.

M. Éric Woerth, secrétaire d'État à la réforme de l'État, a ajouté que l'administration territoriale de l'État était entrée dans une phase de réforme, qui devait permettre de mieux répondre aux attentes des citoyens et des élus, mais aussi des chefs de service qui se trouvent trop souvent désemparés face à des demandes croissantes. Il a souligné que les préfets sont appelés à jouer un rôle primordial dans cette évolution et qu'ils devront travailler de plus en plus dans un cadre interministériel, étant précisé que l'organisation territoriale des services de l'État dans le département appelle sans doute une réflexion d'ensemble.

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Après le départ des ministres, la Commission a procédé à l'examen pour avis des crédits du ministère de la Fonction publique et de la réforme de l'État pour 2005.

Contre l'avis du rapporteur, la commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la Fonction publique et de la réforme de l'État pour 2005.

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Information relative à la Commission

La Commission a désigné les candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de simplification du droit :

· Membres titulaires : MM. Pascal Clément, Étienne Blanc, Xavier de Roux, Guy Geoffroy, Jean-Luc Warsmann, Jérôme Lambert et Arnaud Montebourg.

· Membres suppléants : Mme Valérie Pecresse, M. Thierry Mariani, Mme Brigitte Barèges, M. Patrick Delnatte, Mme Anne-Marie Comparini, M. Jean-Yves Le Bouillonnec.


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