COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 33

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 4 mai 2005
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Pascal Clément, président

SOMMAIRE

 

Pages

- Examen du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice (n° 2233) (M. Émile Blessig, rapporteur)


2

- Examen de la proposition de M. Jean-Marc Ayrault renforçant les protections des locataires victimes de ventes à la découpe (n° 2125) (M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur)


10

- Information relative à la commission

13

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Émile Blessig, le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice (n° 2233).

Après avoir précisé que le projet de loi transposait en droit interne une directive et trois décisions-cadre, M. Émile Blessig, rapporteur, a souligné le contraste existant entre la construction de l'Europe économique, aujourd'hui parachevée grâce à l'existence d'une monnaie unique, et celle de l'Europe policière et judiciaire, encore parcellaire et inachevée, alors même que la criminalité organisée semble se développer et ne s'embarrasse pas des frontières des États.

Il a indiqué que l'action de l'Union européenne en matière policière ou judiciaire relevait du « troisième pilier », créé par le traité de Maastricht, dans le cadre duquel une importante activité s'était développée puisque dix-neuf conventions et onze décisions-cadre avaient d'ores et déjà été adoptées. Il a toutefois observé que ces instruments de coopération judiciaire, d'une efficacité limitée puisque dépourvus d'effet direct et devant être adoptés à l'unanimité, avaient permis la création d'Eurojust et d'Europol dont le rôle dans les procédures d'enquête devait cependant être conforté.

Puis, abordant les dispositions du projet de loi, il a indiqué que l'article premier avait pour objet de transposer la directive du 27 janvier 2003 visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières, et modifiait, à cet effet, la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. S'agissant de l'article 2, il a indiqué qu'il portait transposition de la décision-cadre du 6 décembre 2001, visant à reconnaître les condamnations définitives prononcées par un autre État membre en matière de faux monnayage comme génératrice de récidive, et observé que ses dispositions revêtaient une importance toute particulière compte tenu du développement de cette activité criminelle sur le sol français comme l'avaient récemment relevé les services spécialisés du ministère de l'intérieur.

Quant à l'article 3, portant transposition en droit interne de la décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé, le rapporteur a rappelé que cette dernière était incriminée par le droit en vigueur sur le seul fondement de l'article L. 152-6 du code du travail, dont le champ d'application ne concernait que les salariés placés dans une position de subordination hiérarchique vis-à-vis de leur employeur, et non ces derniers ou encore les membres des professions libérales. À cet égard, il s'est félicité de ce que les nouveaux délits dont la création était proposée ne reprennent pas la condition tenant à la position hiérarchiquement subordonnée de la personne corrompue ou corruptrice, tout en indiquant que les peines complémentaires encourues étaient plus complètes que celles prévues par le droit en vigueur.

Puis, évoquant les dispositions de l'article 5, transposant la décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à l'exécution des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve, il a considéré qu'elles constituaient un progrès substantiel, puisque les juridictions des États membres concernées collaboreraient désormais de façon directe et n'auraient plus à passer par l'intermédiaire des services centraux des ministères ou par la voie diplomatique, ce qui représentait un gage de réactivité de la réponse pénale et, partant, une amélioration de son efficacité, en particulier dans le domaine de la lutte contre la criminalité organisée.

Enfin, abordant les dispositions de l'article 6, il a tout d'abord observé qu'elles ne portaient nullement transposition d'une décision-cadre mais tendaient à autoriser le tribunal correctionnel à rendre exécutoires les peines d'amende ou de confiscation qu'il prononce en ordonnant des mesures conservatoires sur les biens, meubles et immeubles, divis ou indivis, de la personne condamnée. Il a considéré que ce dispositif constituait une importante innovation juridique dont la portée devait être pleinement évaluée au regard des conséquences qu'il pourrait entraîner sur la situation des tiers, à l'instar des copropriétaires de l'immeuble ainsi confisqué ou des usagers d'une automobile familiale faisant l'objet d'une mesure identique. Après avoir ajouté qu'une réflexion en matière d'exécution provisoire des mesures conservatoires était en cours au ministère de la Justice, il a jugé prématuré d'adopter cet article en l'état et indiqué, en conséquence, qu'il proposerait à la commission sa suppression.

M. Christophe Caresche a estimé que le texte proposé allait globalement dans le bon sens.

Rappelant qu'il avait été rapporteur d'un projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter par ordonnances des mesures d'adaptation du droit national au droit communautaire, M. Guy Geoffroy a, en premier lieu, salué la démarche incarnée par le projet présenté. Celui-ci contribue, en effet, à sortir la France de son rang de mauvais élève en matière de transposition de directives selon une méthode idoine consistant à transcrire en temps réel les directions prises par l'Union à l'élaboration desquelles nous avons participé.

Il a estimé, en second lieu, que le projet, de manière tout à fait opportune, permettrait de faire prospérer la coopération judiciaire et juridique, dans le domaine pénal, mais aussi dans le domaine civil.

Chapitre premier

Transposition de la directive du Conseil de l'Union européenne
du 27 janvier 2003 visant à améliorer l'accès à la justice
dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales
communes relatives à l'aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires

Article premier (art. 3-1 [nouveau], 6, 10, 40-1 et 61 [nouveaux] de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique) : Extension du champ d'application de l'aide juridictionnelle aux litiges transfrontaliers :

Après avoir adopté un amendement du rapporteur corrigeant une erreur de référence, la Commission a également adopté trois amendements du même auteur de portée rédactionnelle. Elle a ensuite adopté l'article premier ainsi modifié.

Chapitre ii

Transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne
du 6 décembre 2001 visant à renforcer par des sanctions pénales et autres
la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro

Article 2 (art. 442-16 [nouveau] du code pénal) : Prise en considération des condamnations prononcées par des juridictions étrangères pour la constatation de l'état de récidive légale :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Chapitre III

Transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne
du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption
dans le secteur privé

Article 3 (art. 445-1 à 445-4 [nouveaux] du code pénal) : De la corruption des personnes n'exerçant pas une fonction publique :

La Commission a tout d'abord été saisie d'un amendement du rapporteur précisant que les personnes « investies d'un mandat électif public » ne relevaient pas du champ d'application du nouveau délit de corruption dans le secteur privé prévu à l'article 445-1 du code pénal. Il a indiqué que ce nouveau délit avait pour objet d'incriminer les faits de corruption commis dans le seul secteur privé, ne relevant donc pas du champ de la corruption dans le secteur public défini aux articles 432-11 et 433-1 du code pénal et concernant trois catégories de personnes : celles dépositaires de l'autorité publique, celles chargées d'une mission de service public et, enfin, celles « investies d'un mandat électif public ». Or, il a observé que si le nouveau délit excluait clairement de son champ d'application ces deux premières catégories de personnes, il ne faisait pas référence à celles investies d'un mandat électif public, ce qui n'était pas satisfaisant puisque ces dernières pourraient ainsi relever du champ d'application de deux incriminations concurrentes dont les quantums différaient substantiellement, la corruption dans le secteur public étant passible de dix ans d'emprisonnement contre cinq ans d'emprisonnement dans le secteur privé.

Le Président Pascal Clément s'est interrogé sur la portée de cet amendement en exprimant la crainte qu'il ne conduise systématiquement au prononcé de sanctions pénales plus sévères à l'endroit des élus locaux exerçant, par ailleurs, une profession dans le secteur privé. M. Xavier de Roux a, à son tour, considéré qu'il n'était pas opportun d'attraire dans le champ d'application des dispositions réprimant la corruption dans le secteur public toutes les personnes investies d'un mandat électif public dès lors que les faits commis l'avaient été dans le cadre de leur activité professionnelle et non à l'occasion de l'exercice dudit mandat. Le rapporteur a rappelé que l'expression de personnes investies d'un mandat électif public se retrouvait dans tous les textes du code pénal définissant la corruption dans le secteur public et que, dès lors que le législateur entendait ne pas modifier le champ d'application de cette dernière tout en améliorant la répression de la corruption dans le secteur privé, il lui semblait préférable, car juridiquement plus cohérent, d'éviter un éventuel chevauchement de deux incriminations. Constatant que cet amendement suscitait un débat, le président a invité le rapporteur à le retirer. Le rapporteur l'a alors retiré ainsi qu'un amendement de cohérence avec celui-ci.

Puis, la Commission a adopté trois amendements du rapporteur : les deux premiers prévoyant que le champ d'application du délit de corruption dans le secteur privé, tant passive qu'active, concernent également les personnes exerçant une activité « sociale » dans le cadre de laquelle elles ont été corrompues ou corruptrices ; le troisième d'ordre rédactionnel.

La Commission a ensuite adopté cet article ainsi modifié.

Article 4 (art. L. 152-6 du code du travail) : Abrogation :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 4 (art. L. 1414-4 du code général des collectivités territoriales - article 22 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières) : Coordination :

Par cohérence avec la suppression de l'article L. 152-6 du code du travail prévu par l'article précédent du projet de loi, la Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant son visa dans les différents textes législatifs s'y référant et le remplaçant par la mention des nouvelles incriminations pertinentes introduites par l'article 3.

Chapitre IV

Transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne
du 22 juillet 2003 relative à l'exécution dans ladite Union des décisions
de gel de biens ou d'éléments de preuve

Article 5 (art. 695-9-1 à 695-9-30 [nouveaux] du code de procédure pénale) : Émission ou exécution des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve :

La Commission a tout d'abord adopté neuf amendements du rapporteur : les sept premiers de précision ou d'ordre rédactionnel, les deux suivants modifiant l'intitulé des paragraphes 2 et 3 de la nouvelle section 5 afin qu'elle se réfère aux « autorités judiciaires » françaises et non aux « juridictions » puisque le procureur de la République, concerné par ces nouvelles dispositions, n'était pas une juridiction au sens du code de procédure pénale. Elle a ensuite adopté deux amendements du même auteur prévoyant que la chambre de l'instruction ou le procureur général, saisis d'un recours contre l'exécution d'une décision de gel d'éléments de preuve ou d'un bien, peuvent autoriser l'État d'émission de la demande à intervenir directement à l'audience par l'intermédiaire de la visioconférence dont les modalités sont définies à l'article 706-71 du code de procédure pénale.

Puis, la Commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 5 (art. L. 2225-1 [nouveau] et L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales) : Décentralisation du service public du stationnement payant :

Après l'article 5, la Commission a été saisie d'un amendement présenté par M. Jérôme Bignon tendant à instituer un service public décentralisé du stationnement payant. Son auteur a rappelé que l'inspiration de cet amendement était née d'une proposition de loi de M. Christian Philip, cosignée alors par une centaine de députés, présentée ensuite sous forme d'amendement lors des deux lectures du projet de loi relatif aux responsabilités locales et rejetée alors parce que constitutive d'un « cavalier » législatif.

En premier lieu, il a fait observer qu'un consensus s'était peu à peu fait jour pour considérer qu'une telle initiative avait sa place dans le présent projet de loi et qu'elle permettrait de donner aux communes ou aux groupements de communes la compétence, non seulement pour fixer les portions de voierie publique dont l'occupation peut donner lieu à paiement d'une redevance comme c'est déjà le cas, mais aussi pour, d'une part, fixer, à la place de l'État dont c'est la compétence aujourd'hui, le montant de cette redevance ainsi que le montant exigé de l'automobiliste dans le cas où il ne s'en acquitterait pas, et, d'autre part, recouvrer les sommes dues. Il a précisé que l'État, par l'entremise du trésor public, ne recouvrait que 180 millions d'euros d'amende pour un montant total de titres de paiement émis d'1 milliard d'euros. Très nombreuses sont les collectivités locales qui déplorent cette situation et souhaiteraient pouvoir investir ces sommes dans une politique plus forte de transports publics et ce d'autant plus que la dotation qui venait aider les collectivités en la matière a disparu. À titre de comparaison, un problème identique se pose pour le recouvrement de la taxe départementale des espaces naturels sensibles (tdens), qui constituerait une ressource importante pour les collectivités chargées de la protection de ces espaces si l'État ne recouvrait pas que 60 % du montant dû.

En deuxième lieu, il a estimé que, pour permettre aux communes de gérer les questions de stationnement dans leur intégralité, il convient de changer la nature, non pas de la redevance, qui doit rester une redevance, mais du régime de son non-paiement. En effet, ce régime, aujourd'hui de nature pénale, doit être modifié et l'amende transformée en majoration de redevance. En conséquence, le contentieux pourrait en être transféré au juge de proximité compétent en matière civile. Celui qui contesterait devrait commencer par payer le montant dû, selon la même logique que celle qui est à l'œuvre dans les cas de pourvoi en cassation. Ce mécanisme de paiement préalable permettrait de dissuader les contestations de caractère dilatoire.

En troisième lieu, M. Jérôme Bignon a relevé que l'amélioration du recouvrement permettrait de moduler les redevances à la baisse, chaque maire pouvant, en matière civile, fixer sa redevance à sa guise selon le principe d'adaptation à la réalité du terrain, ce qu'une sanction pénale interdit de faire, compte tenu de l'obligation qui lui est attachée de fixer un montant identique sur tout le territoire national. Les communes qui ne souhaiteraient pas opter pour cette solution pourraient continuer de voir l'État assurer les fonctions de verbalisation et de recouvrement.

Enfin, l'auteur de l'amendement a souligné, d'une part, que les recettes supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée perçues par l'État sur les majorations de redevance pour non-paiement permettraient de compenser les pertes de recettes liées à la fin de la perception des redevances de stationnement payant, et, d'autre part, que les associations d'élus consultées ont donné globalement un avis très favorable.

M. Christian Decocq, saluant cette initiative, a jugé nécessaire de la prolonger et de s'en inspirer, pour l'étendre à l'ensemble de l'occupation du domaine public routier et donner ainsi une base à l'institution de péages urbains. Cette démarche trouve son fondement dans la multiplication des automobiles qui conduit à une suroccupation gratuite du domaine public, procurant un avantage indu aux automobilistes, ralentit les transports urbains, nécessite la construction d'infrastructures alternatives lourdes, telles que le métro, autant d'inconvénients qui pourraient être compensés par une redevance spécifique.

M. Christophe Caresche a relevé que, s'il était soutenu que le texte de l'amendement n'avait pas de lien évident avec le texte du projet de loi il conviendrait alors, par souci de parallélisme des formes, de tenir un raisonnement identique s'agissant de l'article 6 du projet de loi qui n'a pas non plus de rapport avec le reste du texte.

Puis, il a fait observer que deux des objections émises à l'encontre du dispositif examiné lors de la discussion du projet de loi relatif aux responsabilités locales étaient levées par l'amendement.

D'un côté, la dérive inconsidérée du montant de la redevance susceptible de naître de la nouvelle liberté accordée aux collectivités locales était désormais limitée par un mécanisme de plafonnement.

De l'autre, l'incapacité dans laquelle certaines collectivités se trouveraient d'organiser un système propre de recouvrement n'était pas dirimante dès lors que celles des communes ne voulant pas de la compétence du stationnement payant, pourraient désormais, selon un système assimilable à un appel à compétences, maintenir la compétence de l'État en la matière, sous la responsabilité du préfet.

Après avoir souligné le caractère manifeste de « cavalier » du dispositif proposé, M. Xavier de Roux s'est, en premier lieu, interrogé sur la capacité des communes à gérer la compétence transmise, dès lors que tout receveur municipal, dans l'état actuel, est incapable de faire face à des envois innombrables de mandats. Dans cette matière, c'est l'État qui, aujourd'hui, met ses services à la disposition des communes en tant que de besoin.

En deuxième lieu, M. Xavier de Roux a émis de fortes réserves sur le mécanisme de paiement préalable à tout recours contentieux, estimant cette procédure contestable du point de vue des libertés, le coût de la procédure constituant une dissuasion trop forte.

En troisième lieu, il s'est demandé si l'amendement, dans la rédaction proposée, ne laissait pas le champ libre au maintien du mécanisme d'infraction pénale dans les communes qui n'auraient pas choisi d'assumer cette nouvelle compétence.

Le président Pascal Clément, après avoir déploré une multiplication des cavaliers telle qu'elle finirait pas nécessiter l'organisation de « manades législatives », a précisé, qu'en l'espèce, le parallélisme des formes évoqué par M. Christophe Caresche ne saurait s'appliquer dès lors que le Conseil constitutionnel distinguait selon l'origine gouvernementale ou parlementaire de la disposition susceptible d'être qualifiée de cavalier.

Compte tenu des coûts élevés de recouvrement, il a jugé irréaliste de fixer un plafonnement au montant de la majoration de redevance. Si l'amendement était adopté, les collectivités locales devraient mettre en place des services de recouvrement, qui nécessiteraient des moyens très importants, ce qui impliquerait, à terme, une suppression du plafonnement et un retour au risque de voir se multiplier, dans certaines villes, les mesures restrictives de stationnement et donc de circulation.

Enfin, le président Pascal Clément a estimé que, si le texte avait été amélioré et que, si certains ministères réticents à l'origine avaient été convaincus, les questions de réorganisation des structures communales et du contentieux judiciaire, l'absence de consultation des conseils généraux, pour lesquels les amendes de police constituent une ressource non négligeable, nécessitaient une réflexion plus approfondie et donc, en l'état, un rejet de l'amendement.

Reconnaissant l'intérêt de la décentralisation et de la dépénalisation de la question du stationnement payant et soulignant que la majoration de la redevance serait plafonnée à trente-huit euros, le rapporteur s'est inquiété du problème posé par le contentieux du non-paiement de la redevance de stationnement et par les difficultés qu'éprouveraient, sans conteste, les communes pour mettre en place un service de recouvrement. En outre, il a évoqué les doutes persistant sur la possibilité juridique de recourir à la délégation de service public pour recouvrer une redevance. Puis, il s'est interrogé sur la limitation de l'accès à la justice pour la contestation du paiement de la redevance majorée, que suppose le paiement préalable.

Enfin, il a fait savoir que le Gouvernement avait demandé au mois d'octobre 2004 à une mission interministérielle composée de quatre inspecteurs généraux d'examiner les différents aspects de cette réforme au regard des enjeux constitués par une meilleure adéquation du niveau des amendes pour en assurer le caractère dissuasif, une amélioration de la chaîne de recouvrement et de traitement de contentieux et une mesure de l'impact financier pour l'ensemble des organismes concernés. Cette mission devant remettre son rapport définitif dans deux mois, il a en conséquence estimé prématurée l'initiative des auteurs de l'amendement et demandé son rejet.

M Jérôme Bignon a souligné que des progrès substantiels avaient été accomplis depuis les premières moutures du projet. Il a fait observer que la constatation du non-paiement de la redevance serait faite par un agent assermenté qu'on ne pouvait soupçonner a priori de porter atteinte aux libertés publiques, et que le paiement préalable était la règle en cas de contestation dans le domaine des impositions directes. Il a jugé nécessaire de faire confiance aux communes pour améliorer l'efficacité du système de recouvrement et pertinent de confier le contentieux aux juges de proximité, de la même manière que les juges de paix étaient autrefois compétents pour connaître des litiges liés au paiement des redevances de marchés et foires.

La Commission a adopté l'amendement.

Chapitre V

Dispositions complétant le code de procédure pénale

Article 6 (art. 465-1 [nouveau] du code de procédure pénale) : Exécution provisoire des mesures conservatoires en matière délictuelle :

La Commission a été saisie d'un amendement de suppression de cet article présenté par le rapporteur. Son auteur a rappelé que cet article permettait au tribunal correctionnel condamnant une personne à une peine d'amende ou à une confiscation, d'ordonner des mesures conservatoires sur les biens du condamné immédiatement exécutoires. Il a considéré que cette nouvelle disposition représentait une innovation juridique substantielle, puisque le droit en vigueur ne reconnaissait la possibilité de prononcer des mesures immédiatement exécutoires que si une peine d'emprisonnement était encourue et prononcée. Il a estimé que l'extension de l'exécution provisoire aux mesures d'amende ou aux peines de confiscation était considérable et devait être envisagée avec prudence puisque, si ces dernières devaient être immédiatement exécutées, elles pourraient avoir d'importantes conséquences sur la situation de tiers, à l'instar des copropriétaires d'un immeuble ou des usagers du bien confisqué, une automobile familiale par exemple.

Il a ajouté que le champ d'application de ces nouvelles dispositions concernait d'ailleurs toutes les infractions, quelle que soit leur gravité, ce qui n'était pas pleinement satisfaisant du point de vue de la proportionnalité entre la gravité des faits commis et le caractère exécutoire de la mesure confiscatoire. À cet égard, il a regretté que le dispositif proposé soit limité au tribunal correctionnel et ne s'applique donc pas à la cour d'assises qui avait pourtant à connaître de faits plus graves, puisque criminels.

Enfin, il a conclu son propos en indiquant que le garde des Sceaux avait récemment annoncé son intention de mettre en place une procédure pénale spécifique en matière de mesures conservatoires et d'exécution provisoire et qu'il serait donc préférable d'attendre la conclusion de la réflexion en cours avant d'introduire de nouvelles dispositions législatives en cette matière.

Après s'être déclaré en faveur de toutes les dispositions pouvant conduire à l'amélioration de l'efficacité des mesures de confiscation prononcées par les juridictions, M. Christophe Caresche a interrogé le rapporteur pour connaître les raisons l'ayant conduit à proposer la suppression de cet article plutôt que sa modification en fonction des observations, fort pertinentes au demeurant, dont il avait fait état.

Le président a rappelé que le garde des Sceaux avait annoncé qu'il menait une réflexion sur les procédures de saisie conservatoires en matière pénale et que les dispositions proposées ici lui paraissaient excessives et exorbitantes du droit commun, puisque immédiatement exécutoires nonobstant appel.

Après avoir évoqué son expérience au ministère de l'Intérieur et les difficultés qu'il avait rencontrées lorsqu'il avait manifesté la volonté de faciliter l'enlèvement des automobiles en état d'épave, M. Daniel Vaillant s'est prononcé, à son tour, en faveur de dispositions améliorant l'efficacité des sanctions d'amende ou de confiscation prononcées par les juridictions.

Observant que la mesure exécutoire pouvait faire l'objet d'un recours distinct tendant à ordonner sa mainlevée, M. Etienne Blanc a considéré que le dispositif proposé apportait des garanties suffisantes au justiciable et rappelé que de nombreux condamnés mettaient à profit le caractère suspensif de l'appel pour organiser leur insolvabilité ou faire disparaître le bien dont la confiscation avait pourtant été ordonnée, ce qui n'était pas satisfaisant.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a indiqué que, s'il était évidemment souhaitable de prévoir des dispositions particulièrement sévères et efficaces à l'encontre des délinquants les plus dangereux, le dispositif proposé par le projet de loi, en raison même de la généralité de son champ d'application, n'était pas suffisamment proportionné et risquait d'entraîner des dérives dans certains contentieux ordinaires dans le cadre desquels des peines d'amende sont souvent prononcées, à l'instar des infractions au code de la route. Rappelant qu'une réflexion était en cours sur ces sujets, il a réaffirmé qu'il lui semblait prématuré d'adopter ce dispositif. Suivant son rapporteur, la Commission a adopté cet amendement de suppression de l'article ainsi qu'un amendement de conséquence du même auteur.

Chapitre VI

Dispositions relatives à l'outre mer

Article 7 : Application à l'outre mer :

La Commission a adopté cet article sans modification.

La Commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

*

* *

La Commission a examiné, sur le rapport de M Jean-Yves Le Bouillonnec la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault renforçant les protections des locataires victimes de ventes à la découpe (n° 2125).

Le rapporteur a exposé que la proposition de loi visait à encadrer les ventes à la découpe, voire à les prohiber, et à garantir à l'occupant d'un logement soit la possibilité d'acheter ce logement soit celle de demeurer dans les lieux pour un temps compatible avec sa situation.

Il a tout d'abord rappelé l'actualité renouvelée d'un phénomène auquel une loi de 1975, relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation, avait tenté de mettre un frein, en créant un droit de préemption au profit du locataire dont le logement est vendu dans le cadre d'une vente par appartements. Une loi de 1986 ayant ensuite créé une commission nationale de concertation pour améliorer les relations entre bailleurs et locataires, l'accord collectif de location relatif au congé pour vente par lots aux locataires dans les ensembles immobiliers d'habitation conclu par la commission nationale de concertation en 1998 a révélé ses limites au bout de quelques années, en raison de son contournement par la technique consistant à vendre en bloc un immeuble destiné ensuite à être vendu à la découpe à une personne échappant au champ d'application de cet accord.

Puis le rapporteur a évoqué les problèmes engendrés dans les grands centres urbains par le développement de la spéculation immobilière et il a ajouté que l'accélération du processus, rapprochant ce marché immobilier du marché boursier, est à l'origine des principaux dysfonctionnements actuels.

Il a rappelé le vote en loi de finances pour 2005 d'un amendement visant à réduire les avantages fiscaux des marchands de biens ainsi que le dépôt tant par des députés du groupe socialiste que par des députés du groupe UMP d'un amendement au projet de loi de cohésion sociale instituant une décote au profit du locataire se portant acquéreur de son logement, ces différentes initiatives parlementaires venant confirmer l'importance du problème des ventes à la découpe.

Le rapporteur a insisté sur l'urgence à légiférer et a énuméré les principaux dispositifs nécessaires :

- pour priver les spéculateurs immobiliers, et donc au premier chef les marchands de biens, du recours au congé pour vente ;

- pour informer les locataires ainsi que les collectivités suffisamment à l'avance par rapport au début de l'opération de vente à la découpe ;

- pour aider le locataire qui souhaite acheter à effectuer son acquisition dans de meilleures conditions de délai ;

- pour garantir aux occupants en position de fragilité due à l'âge ou au handicap le renouvellement du bail.

Enfin, le rapporteur a indiqué qu'il avait préparé un certain nombre d'amendements rédactionnels, notamment en vue d'insérer les articles de la présente proposition de loi dans les lois de 1975 et de 1989 ayant le même objet, et il a exprimé son souhait que la Commission examine attentivement un texte dont la nécessité est chaque jour croissante.

Après avoir souligné la nécessité de lutter contre la spéculation immobilière et de protéger les locataires dont l'immeuble est vendu par appartements, M. Xavier de Roux a estimé que les moyens proposés vont à l'encontre de l'objectif visé. Il a considéré que la croissance rapide des prix est due à l'insuffisance de l'offre de logements par rapport à la demande, et que la solution consiste à construire davantage de logements et à favoriser l'accession à la propriété. Il a conclu que la proposition de loi, qui tend à allonger le maintien des locataires dans les lieux, réduirait la fluidité du marché de l'immobilier et aboutirait donc à l'accélération de la hausse des prix.

M. Christian Decocq a tout d'abord estimé que la lutte contre la spéculation n'implique pas nécessairement de modifier le droit commun de la protection des locataires. Puis, rappelant qu'une proposition de loi relative à la vente à la découpe avait été déposée par Mme Martine Aurillac en février 2005 et qu'il en avait été désigné rapporteur en mars, il a considéré que la démocratie était dès lors saisie et regretté que le groupe socialiste ait choisi de déposer une proposition concurrente pendant qu'il procédait à l'audition de représentants des locataires et des propriétaires, au lieu d'aborder le problème lors de la discussion de la proposition de Mme Aurillac. Il a exprimé son désaccord avec une méthode dictée par des raisons médiatiques et souhaité que la Commission procède à un vote sur le passage à la discussion des articles.

Mme Annick Lepetit a souligné l'urgence de la situation et l'impatience croissante des milliers de citoyens devant les phénomènes d'enrichissement rapide rendus possibles, dans de grandes villes telles que Paris ou Lyon, par l'achat de blocs d'immeubles suivi de reventes par appartements.

Elle a rappelé que le président du groupe socialiste, M. Jean-Marc Ayrault, n'avait opté pour l'examen de cette proposition de loi lors de la séance d'initiative parlementaire du groupe socialiste qu'en raison du refus du Gouvernement de se saisir de la question et d'inscrire un texte à l'ordre du jour prioritaire. Elle a ajouté que M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville, avait annoncé lors d'un Conseil des ministres en décembre dernier que le projet de loi relatif à l'habitat pour tous serait présenté au Parlement au début du mois de février et permettrait d'accueillir les propositions parlementaires sur cette question - si leur élaboration était suffisamment avancée. Elle a regretté l'absence de concrétisation de cet engagement concernant un projet de loi évoqué depuis déjà deux ans, alors que ces dérives spéculatives s'aggravent. Elle a considéré qu'il était dangereux de ne pas entendre l'impatience des citoyens, dont les députés socialistes se sont d'ailleurs fait l'écho en interpellant à plusieurs reprises le ministre délégué chargé du Logement.

Elle a rappelé qu'un amendement adopté à l'unanimité en commission des Affaires sociales traitant du problème des « ventes à la découpe » avait été retiré, le Gouvernement déclarant vouloir mener une concertation, qui est aujourd'hui à l'arrêt. Elle a ajouté que l'engagement pris par le ministre envers les parlementaires, en réponse à une question au Gouvernement le 23 mars 2005, de publier un décret la semaine suivante n'avait pas davantage été respecté, l'assise insuffisante de l'accord signé par certaines organisations et la résistance de certaines associations de locataires empêchant la publication d'un tel texte au Journal officiel.

Elle en a conclu qu'en l'absence de cette proposition de loi, les parlementaires n'auraient sans doute pas eu l'occasion de travailler avant l'été sur ce sujet important, en précisant que l'objet de la proposition de loi de Mme Martine Aurillac relative au droit de préemption des locataires en cas de vente d'un immeuble, était en tout état de cause beaucoup plus limité.

Le Président Pascal Clément a rappelé que la proposition de loi déposée par Mme Martine Aurillac permettrait d'apporter une protection spécifique aux personnes âgées ou handicapées, et de mettre à la charge du vendeur une obligation de relogement des locataires les plus démunis.

Mme Annick Lepetit a estimé que la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault renforçant les protections des locataires victimes de ventes à la découpe était plus ambitieuse, puisqu'elle permettrait de venir en aide aux personnes ne pouvant pas acquérir de logement, et accordait au maire un rôle plus important. Elle a donc souhaité que le contenu de cette proposition soit étudié et les préoccupations grandissantes de milliers de locataires prises en compte.

M. Daniel Vaillant a fait valoir sa propre expérience de maire d'arrondissement à Paris pour souligner l'urgence de certaines situations, l'importance de l'attente sociale exprimée par de nombreux courriers, et l'absence totale de réaction de certains vendeurs dénués de scrupules. Il a estimé que le Gouvernement n'avait jusqu'à présent pas démontré qu'il entendait réellement se préoccuper de ce problème et a appelé à porter le débat sur un autre terrain que celui des médias. Il a ainsi rappelé que ni le Gouvernement ni le groupe ump n'avaient souhaité inscrire la proposition de loi de Mme Martine Aurillac à l'ordre du jour prioritaire de l'Assemblée nationale.

M. Jean Tibéri a estimé que les phénomènes de « vente à la découpe » étaient particulièrement graves dans certaines grandes villes mais a appelé à ne pas mettre en cause l'ensemble des propriétaires, les pratiques scandaleuses d'une minorité d'entre eux se retournant en réalité contre les propriétaires ordinaires, parfois modestes. Pour autant, il a souhaité que puisse s'engager rapidement un débat permettant de mettre un terme à ce problème spéculatif.

Le Président Pascal Clément a observé que les citoyens attendaient une décision législative dans ce domaine et s'est félicité que la volonté de régler cette situation soit partagée par les deux grands partis de gouvernement. Il a rappelé que le Gouvernement avait choisi de privilégier la concertation, dans un secteur où la négociation est difficile et n'avait pas à ce jour abouti comme il l'aurait souhaité.

Il a indiqué que le groupe socialiste avait initialement souhaité consacrer l'ordre du jour de sa séance d'initiative parlementaire à une proposition de loi sur le soutien institutionnel à la paix au Proche-Orient et, face à l'irrecevabilité opposée par le Président de l'Assemblée nationale, n'avait opté qu'ensuite pour l'examen de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault qui constitue ainsi un second choix. Il a souligné que la proposition de loi de Mme Martine Aurillac n'avait été laissée de côté, dans un premier temps, que pour permettre au Gouvernement de poursuivre la concertation. Il a ajouté que, favorable à une intervention du législateur sur cette question, il avait proposé à la Commission de désigner un rapporteur dès le mois de mars, alors même que le Gouvernement n'avait pas mené la négociation à son terme.

Il a jugé qu'il serait abusif, dans ces conditions, que les élus socialistes cherchent à faire croire qu'ils ont été à l'origine de cette initiative. Il a annoncé que la question serait traitée au mois de juin prochain lors de la séance d'initiative parlementaire prévue par le groupe ump, et la solution devrait ainsi pouvoir recueillir un accord unanime. Il a, en conséquence, appelé les commissaires à ne pas passer à la discussion des articles de la proposition de loi en discussion.

À l'issue de ce débat, la Commission a décidé de ne pas présenter de conclusions sur la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault renforçant les protections des locataires victimes de ventes à la découpe.

*

* *

Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Philippe Houillon, rapporteur pour avis sur le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie (n° 2249).

--____--


© Assemblée nationale