COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 27

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 1er mars 2006
(Séance de 9 heures)

Présidence de M. Philippe Houillon, président

SOMMAIRE

 

Pages

- Audition de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de la communication, sur les amendements du Gouvernement au projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (n° 1206) (M. Christian Vanneste, rapporteur).



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- Suite de l'examen, en application de l'article 91 du Règlement, des amendements à ce projet de loi.


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- Examen, en application de l'article 86, alinéa 8, du Règlement, d'un second rapport sur la mise en application de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité (M. Thierry Mariani, rapporteur)




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- Informations relatives à la Commission

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La Commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de la communication, sur les amendements du Gouvernement au projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (n° 1206) (M. Christian Vanneste, rapporteur).

Le Président Philippe Houillon a remercié le ministre de venir présenter les amendements que le Gouvernement a déposés sur le projet « droit d'auteur », à la suite des interrogations qu'a suscitées la discussion de ce texte à la fin de l'année dernière.

Chacun est aujourd'hui d'accord pour reconnaître qu'une juste rémunération doit être assurée aux créateurs et que le droit d'auteur doit s'adapter aux innovations technologiques - le numérique et l'internet -, avec le double souci de le protéger, et de permettre un accès toujours plus large à la culture. Les amendements proposés par le Gouvernement manifestent la recherche de cet équilibre.

Deux points paraissent, à cet égard, appeler des précisions nécessaires :

-  En premier lieu, le droit de copie privée doit être garanti, ce qui suppose que la loi encadre les mesures techniques de protection et permette l'interopérabilité nécessaire à la lecture des œuvres ;

-  en second lieu, les pénalités encourues par les internautes qui auraient illégalement téléchargé de la musique ou un film pour leur usage personnel, doivent être proportionnées et graduées.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de la communication a remercié la commission des Lois de l'avoir invité, après l'interruption de la discussion des articles du projet de loi et avant la reprise, la semaine suivante, de la discussion en séance publique, à présenter le nouvel équilibre de ce texte, inspiré par le travail de concertation approfondi, poursuivi notamment avec la Commission.

L'enjeu essentiel consiste à garantir, à l'ère numérique, la diversité culturelle que la France a grandement contribué à faire reconnaître par la communauté internationale. Il en va de son rayonnement, de la croissance et de l'emploi. Concrètement, cela implique, et c'est là la responsabilité essentielle du législateur, de créer les conditions juridiques de nature à favoriser les offres légales les plus attractives pour nos concitoyens. L'offre légale est en effet l'alternative à la « piraterie » qui assèche la création. Ce modèle économique nouveau doit émerger grâce au projet de loi en discussion.

Tel est le sens des orientations qui vont être présentées sur le fondement desquelles le Premier ministre a rendu un certain nombre d'arbitrages qui permettent aujourd'hui la reprise de la discussion. Ces arbitrages confèrent au projet de loi un nouvel équilibre.

Ce nouvel équilibre s'avère en effet nécessaire car, avec la révolution numérique, la diffusion de la création connaît un tournant majeur. Le débat parlementaire a montré l'actualité et l'importance des valeurs simples mais essentielles qui doivent nous inspirer : liberté de création des auteurs, liberté d'accès du public aux œuvres, liberté des créateurs de choisir les conditions d'accès à leurs œuvres et de leur rémunération, y compris la gratuité, car ce choix leur appartient. Sur ce sujet, certains députés souhaitent que soit réaffirmé que l'auteur est libre de choisir le mode de rémunération de ses œuvres ou de les mettre gratuitement à la disposition du public. C'est en effet un élément très positif de clarification du débat en cours. Le libre choix de l'auteur et l'exercice libre de son consentement sont essentiels.

C'est dans cet esprit qu'a été poursuivie, au nom du Gouvernement, la concertation autour de ce projet de loi, en étroite liaison avec les parlementaires, afin de rapprocher les points de vue et de faire prévaloir l'intérêt général. Tel est le sens des accords pour l'utilisation des œuvres à des fins pédagogiques et de recherche, annoncés en décembre et qui ont été conclus hier entre le ministère de l'Éducation nationale et les différents secteurs concernés. Tel est l'objet des amendements que vient de déposer le Gouvernement, à la fois pour apporter des réponses, notamment à certaines fausses informations, mais aussi pour permettra d'atteindre un nouvel équilibre.

Celui-ci doit préserver les droits des créateurs et de la diversité culturelle et satisfaire les aspirations, légitimes, des internautes.

Sur ce point, l'objectif premier du texte devait être mieux mis en valeur. Il est aujourd'hui mieux compris : il s'agit de développer les offres culturelles en ligne, les plus riches, les plus attractives et les plus diversifiées possibles, en favorisant l'innovation dans les services en ligne, tout en garantissant aux consommateurs le droit à la copie privée, et en donnant aux créateurs la sécurité qui leur permet le basculement de leurs catalogues sur ces nouvelles offres. Il en va de la préservation, du développement, du dynamisme et du rayonnement de la création française dans le monde, ainsi que des 250 000 emplois qui en dépendent.

Ce nouvel équilibre à construire doit être favorisé par de nouveaux outils. Il sera favorisé par les récents engagements pris par les principaux acteurs de la musique et du cinéma, réunis sous l'égide du Gouvernement. Depuis la signature de la charte « musique et internet » en juillet 2004, de nombreux services sont apparus, d'autres vont encore se créer, l'innovation étant foisonnante dans ce domaine. Il convient de favoriser l'émergence de modèles économiques différenciés, comme l'écoute en ligne, la location, l'abonnement ou le forfait, et même le pair-à-pair légal, qui permettront à chacun de choisir comment accéder aux œuvres. La signature, le 20 décembre dernier, au ministère de la culture et de la communication, d'un accord sur le cinéma en ligne s'inscrit totalement dans cette perspective et doit donner au cinéma français toute sa place sur les réseaux numériques.

Le 17 janvier dernier a été réuni l'observatoire pour les usages numériques culturels afin d'étudier avec les professionnels les usages et les pratiques sur internet, d'anticiper les attentes nouvelles des internautes et d'y apporter des réponses adaptées.

En transposant la directive européenne, le projet de loi apporte une nécessaire protection juridique aux mesures techniques efficaces de gestion des droits mises en place par les titulaires de ces droits, qui apparaissent nécessaires pour permettre l'émergence de ces différents modèles. Mais le projet de loi, en même temps, permet d'encadrer la mise en place des mesures techniques de protection. Ainsi, au-delà même de la directive, ce texte permet de garantir solidement l'interopérabilité, pour donner à chacun la liberté d'utiliser le support de son choix, de choisir un logiciel libre ou « propriétaire ». Il favorise ainsi la concurrence et l'innovation, en évitant les monopoles technologiques. Le texte de l'article 7 du projet de loi a fait l'objet d'un travail conjoint approfondi avec un certain nombre de parlementaires. Pour aller plus loin, une réflexion sur les normes devra être conduite au niveau national, mais aussi au niveau européen. C'est la raison pour laquelle un parlementaire en mission sera désigné par le Gouvernement.

Troisième point : il s'agit de définir un équilibre entre des droits reconnus et des libertés garanties.

La préservation du droit à la copie privée, que le passage au numérique ne doit pas remettre en cause, fait partie du nouvel équilibre du texte, comme le proposent différents amendements du rapporteur aux articles 8 et 9. S'ils sont adoptés, le projet de loi garantira ainsi explicitement la copie privée et renforcera les pouvoirs du collège des médiateurs, qui sera chargé de réguler les mesures techniques mises en place par les titulaires de droits. Ce collège fixera les modalités d'exercice de la copie privée et pourra ordonner toutes les mesures nécessaires pour garantir la copie privée, au besoin sous astreinte. En effet, la copie privée est un facteur clé de succès de l'offre en ligne.

Par ailleurs, le projet de loi initial prévoyait déjà une exception légitime en faveur des personnes handicapées. Elle sera améliorée encore, afin de permettre sans ambiguïté l'accès des associations qui les représentent aux fichiers dits « sources » qui permettent des reproductions adaptées.

Au-delà, l'équilibre proposé doit concilier des responsabilités affirmées, des sanctions graduées et modérées, ainsi qu'une prévention généralisée. Si l'exercice de la liberté suppose celui de la responsabilité, il n'est cependant plus concevable aujourd'hui qu'un internaute qui télécharge un morceau de musique puisse risquer une peine d'emprisonnement. Plusieurs amendements du Gouvernement aux articles 13, 14 et après l'article 14 précisent cette modification du droit en vigueur. Il est donc nécessaire de graduer les sanctions pénales, pour mieux les adapter à la gravité des actes réalisés. L'internaute qui télécharge illégalement des œuvres pourra ainsi se voir infliger une contravention de 1re classe pour un téléchargement illégal, ou de 2e classe s'il partage sur Internet les œuvres qu'il a téléchargées, notamment via un système « pair-à-pair », ou encore de 4e classe s'il contourne une mesure technique de protection du droit d'auteur en utilisant un logiciel conçu à cette fin par un tiers. Ces contraventions seront mises en place par décret.

La loi sanctionnera d'une amende de 3 750 euros les pirates spécialistes qui « cassent » par eux-mêmes les mesures techniques.

Les sanctions les plus lourdes, réservées aux personnes qui font commerce de moyens sciemment conçus pour favoriser le « piratage », seront punies de six mois de prison et de 30 000 euros d'amende pour les moyens conçus pour favoriser le contournement des mesures techniques, et de trois ans de prison et de 300 000 euros d'amende pour les logiciels manifestement destinés au partage non autorisé d'œuvres.

Ce dispositif juste et équilibré préserve les intérêts essentiels de la recherche et de l'interopérabilité, qui sont en outre explicitement exclues des dispositions pénales.

Enfin, la prise de conscience et la sensibilisation du public étant essentielle, un amendement du Gouvernement après l'article 14 imposera aux fournisseurs d'accès de contribuer à la prévention, en transmettant largement à leurs abonnés des messages électroniques les informant de manière générale des dangers du « piratage » pour la création artistique.

La France est l'avant-dernier pays en Europe à transposer la directive européenne sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information. La transposition de la directive devra être évaluée régulièrement afin d'en mesurer toutes les conséquences. Dans cet esprit, un rapport au Parlement sera présenté dès la première année d'application de la loi.

En conclusion, le nouveau texte d'équilibre, de liberté et de responsabilité soumis à l'Assemblée, marque le point de départ d'un nouvel élan de l'accès à la culture, sous toutes ses formes, dans toute sa diversité, et d'une ère nouvelle de réconciliation entre la création, la technologie et le public.

Après avoir rappelé l'importance du projet de loi, dont les représentants de l'industrie du cinéma français ont encore souligné la nécessité d'une adoption rapide lors de leur réception par le Président de l'Assemblée nationale, le 28 février 2006, M. Christian Vanneste, rapporteur, a considéré que le débat parlementaire avait tout particulièrement porté sur la question essentielle de la conciliation des libertés de chacun, tout en validant le choix de la responsabilité des créateurs et des internautes. Dans ce contexte, les nouveaux amendements déposés sur le projet de loi représentent une avancée très positive. Le rapporteur a observé que les garanties relatives à l'exception pour copie privée répondent aux préoccupations exprimées par la Commission lors de l'adoption de l'amendement n° 30 rectifié. Il s'est félicité que l'interopérabilité soit également reconnue comme une nécessité. Il a enfin fait valoir que le régime des peines devient plus équitable, en étant davantage indexé sur les comportements des internautes.

M. Patrick Bloche a exprimé sa perplexité vis-à-vis des nouveaux aménagements proposés au dispositif du projet de loi. Il s'est interrogé sur la logique des amendements déposés par le Gouvernement et le rapporteur, qui conduit à un dessaisissement du Parlement et de l'autorité judiciaire au profit du collège des médiateurs. Il a alors demandé au ministre quelles leçons il retirait d'un récent jugement du tribunal de grande instance de Paris, déchargeant de toute incrimination des personnes procédant à des téléchargements sur Internet d'œuvres culturelles, ainsi que de l'arrêt rendu le 28 février 2006 par la Cour de Cassation, relatif aux dvd.

M. Patrick Bloche a également regretté que la logique d'interdiction du téléchargement, c'est-à-dire d'illégalité de très nombreux internautes, perdure. Il a estimé que, de surcroît, la création musicale se trouverait privée d'une source complémentaire de revenus. Il a ensuite souhaité savoir si le nouveau mécanisme de sanction proposé par le Gouvernement, finalement bien moins dissuasif que la version initiale du projet de loi, ne risquait pas de banaliser la gratuité et de cumuler tous les inconvénients de la situation actuelle.

M. Jean Leonetti s'est montré sensible à l'évolution du projet de loi dans un sens plus équilibré. Il a souhaité avoir des précisions sur la place du dispositif proposé par rapport aux solutions adoptées par les autres pays de l'Union européenne, suggérant que l'évaluation de la loi, une fois entrée en application, comporte également une dimension comparative européenne. Se réjouissant ensuite que les préoccupations de la Commission aient été prises en compte par le Gouvernement s'agissant des sanctions, il a demandé si la contravention portera sur l'acte de téléchargement ou sur le nombre d'œuvres téléchargées illégalement, option bien plus dissuasive.

M. Christian Paul a estimé que la philosophie du projet de loi n'avait pas véritablement évolué depuis le débat public de décembre dernier. Il a reconnu que les aménagements annoncés par le ministre conduisaient à une avancée, à savoir l'abandon de l'assimilation du téléchargement illicite à une contrefaçon pour lui substituer une sanction par contravention. Cette distinction entre partage des œuvres culturelles sur Internet et piratage apparaît bienvenue. En revanche, le refus d'instituer un financement complémentaire et efficace de la filière de création culturelle est bien plus discutable. Alors que les plates-formes légales n'ont engendré qu'un chiffre d'affaires de 20 millions d'euros en 2005 pour l'industrie du disque, la mise en place d'une licence globale pourrait multiplier cette source de revenus par dix.

M. Christian Paul s'est alors enquis des modalités d'application des sanctions prévues. Les contraventions s'appliqueront-elles à chaque œuvre musicale téléchargée ou à chaque acte de téléchargement ? En outre, qui contrôlera la mise en œuvre de ces sanctions, et avec quels moyens ?

Pour ce qui concerne le collège des médiateurs, quelle conception de l'exception pour copie privée cette instance défendra-t-elle ? Quel nombre de copies privées sera autorisé, notamment pour ce qui concerne le dvd  ? Le Gouvernement fixera-t-il une feuille de route à cette nouvelle autorité administrative indépendante ?

S'agissant de l'interopérabilité, en l'absence de tout nouvel amendement sur l'article 7 du projet de loi, faut-il conclure que le Gouvernement s'en tiendra aux arguments qu'il avait avancés en décembre ?

Enfin, le Gouvernement est-il prêt à rendre public le protocole que les ministères chargés de la culture et de l'éducation nationale ont conclu ?

M. Michel Piron, après avoir dit préférer la diversité culturelle à l'exception culturelle, la première étant plus que la seconde favorable à l'épanouissement de l'exceptionnel, a fait observer que le développement des nouvelles technologies a pour conséquence une modification de la nature des rapports entre la sphère privée, lieu de la création, et la sphère publique, lieu de la valorisation.

Ce changement, dans le tempo qui lie création et diffusion, ne doit pas se faire au détriment du principe de reconnaissance des droits du créateur tout en prenant en compte les nouveaux moyens techniques de valorisation de ces droits. De la même façon qu'il est difficilement concevable d'offrir à la fois une armoire et un droit illimité à l'acquisition gratuite des objets destinés à la remplir, il n'est pas envisageable de permettre à l'internaute de remplir son disque dur avec tous les objets de création auquel il a accès, sans aucune régulation.

M. Michel Piron a interrogé le ministre sur sa conception de la conciliation entre préservation des principes juridiques et évolutions technologiques, ainsi que, à l'instar de M. Jean Leonetti, sur l'état d'avancement de cette question dans les autres pays européens.

Après avoir remercié le ministre pour l'attention qu'il a prêtée aux opinions exprimées lors du débat parlementaire, M. Richard Cazenave s'est, en premier lieu, réjoui du recentrage du texte sur la liberté de l'artiste, qui aura désormais le choix, sans ambiguïté, entre une diffusion librement consentie et encadrée de ses œuvres et une diffusion gratuite, assurant ainsi un équilibre entre protection des droits et liberté de diffusion. En deuxième lieu, il s'est félicité de la place faite à l'intervention du collège des médiateurs, qui permettra un suivi idoine de l'évolution concomitante des technologies et de la question de la copie privée. En troisième lieu, il a souligné la nécessité de protéger le dynamisme de l'industrie française du logiciel libre, aujourd'hui très compétitive, et de garantir l'interopérabilité, toute œuvre achetée légalement devant pouvoir être lue sur n'importe quel support. Enfin, il a salué l'intelligence avec laquelle la France transposerait ainsi la directive européenne.

En réponse aux différents intervenants, le Ministre a apporté les précisions suivantes :

-  La critique légitime, acceptable, doit être distinguée de la désinformation qui fut à l'œuvre lors de la première phase d'examen du projet de loi, en particulier dans l'assimilation, outrancière et hors de propos, de toute sanction à la seule peine d'emprisonnement ;

-  La décision de la Cour de cassation marquant la spécificité du dvd par rapport à l'exception pour copie privée est importante pour l'équilibre financier des secteurs concernés et met en relief, s'il en était besoin, l'intérêt de mettre en place un collège des médiateurs susceptible de suivre l'évolution des rapports entre développements technologiques et copie privée ;

-  Le financement des secteurs concernés est au cœur des préoccupations du Gouvernement qui a, d'ailleurs, maintenu le crédit d'impôt en faveur de la création audiovisuelle et cinématographique et proposé la mise en œuvre d'un dispositif similaire en soutien de la création musicale. La position offensive de la France en faveur de la signature par l'Union européenne de la convention de l'unesco, qui a incité la Commission européenne à accepter les dispositifs de soutiens nationaux à la création et à la diffusion, témoigne, s'il en était besoin, de cet engagement.

La question du financement mérite une réponse évolutive, en raison, notamment, du développement inéluctable, au-delà des seuls cd et dvd, de l'achat de contenus en ligne. Elle souligne également les limites d'une réponse tirée de l'institution d'une licence globale qui apporterait en tout état de cause, qu'elle soit obligatoire ou facultative, des moyens très inférieurs à ceux qui assurent aujourd'hui l'équilibre financier des filières ;

-  Le choix de placer l'artiste et sa liberté au centre du dispositif est réaffirmé avec vigueur et doit s'accompagner non seulement d'une action pédagogique à destination des diffuseurs et des utilisateurs, mais aussi de la prise en compte de l'ensemble des métiers de l'image et du son qui viennent en soutien de la création.

-  Le projet français de transposition de la directive va plus loin que la lettre de celle-ci sur deux points principaux, l'interopérabilité d'une part, le statut de la copie privée d'autre part. L'évolution des positions de la Commission européenne sur ce dernier point doit cependant appeler de la part de tous les acteurs une attention vigilante. Par ailleurs, il faut relever qu'aucun pays n'a retenu la solution de la licence globale, mais qu'en revanche tous ont vécu des débats aussi riches qu'en France, qui sera l'avant-dernier pays à transposer les dispositions européennes.

-  Doit être combattue l'idée selon laquelle toute action de téléchargement personnel illégal entraînerait, ipso facto, la sanction la plus lourde, ce qui impliquerait de surcroît la mise en place d'un système de contrôle proprement ubuesque ou orwellien. Le système retenu est raisonnable : dès lors que le principe d'une sanction par jour de téléchargement a été écartée, ce sera l'acte de téléchargement constaté qui sera sanctionné. Ce mécanisme s'accompagnera du maintien d'un dispositif d'information générale de l'internaute pour le sensibiliser aux conséquences de ses actes. Le téléchargement illégal ne sera pas sanctionné au titre du délit de contrefaçon mais, échappant à ce régime, il constituera une contravention, dont les modalités d'application seront fixées par un décret en Conseil d'État.

-  L'objectif final du projet de loi consiste bien à faire émerger une nouvelle offre fondée sur des ressources plus riches et diversifiées.

Après le départ du ministre, M. Christian Paul a souhaité interroger le rapporteur sur la manière dont sera fixé le nombre de copies privées autorisées d'une œuvre. Évoquant un arrêt rendu la veille par la Cour de cassation dont il paraît ressortir que les dvd peuvent ne permettre aucune copie privée, il s'est demandé si cette exclusion du bénéfice de la copie privée ne remettrait pas en cause la perception par la filière cinéma d'une partie de la rémunération par copie privée prélevée sur les supports vierges.

Après avoir souligné que le fond de la discussion portait sur le conflit entre le droit d'auteur traditionnel et les nouveaux moyens de reproduction des œuvres, M. Xavier de Roux a fait remarquer que la Cour de cassation applique naturellement le droit en vigueur et non la loi future.

M. Jérôme Lambert s'est alors demandé comment la loi nouvelle pourrait permettre à la Cour de cassation de modifier sa jurisprudence en matière de droit à la copie privée.

M. Patrick Bloche a souhaité que le législateur affirme clairement sa volonté et a par conséquent regretté que la loi ne précise pas le nombre de copies privées pour chaque type d'œuvre. Il s'est inquiété des conséquences de ce dessaisissement du Parlement au profit du collège des médiateurs. Il a d'autre part appelé l'attention du rapporteur sur le fait que l'interopérabilité n'est pas assurée de manière satisfaisante en l'état de la rédaction de l'article 7 et qu'un amendement serait nécessaire.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a exposé qu'il avait jugé la question de la copie privée essentielle dès le début de son travail et qu'il avait travaillé en concertation avec le ministère afin d'obtenir une avancée significative en la matière. Il a rappelé que son amendement n° 30 rectifié, adopté par la Commission, affirmait le principe de la copie privée, mais qu'il avait ensuite été nécessaire de prendre en compte les contraintes techniques. En particulier, l'impossibilité technique de bloquer une reproduction infinie des films commercialisés sous forme de dvd avait conduit à modifier l'amendement, afin de maintenir une exception au principe de la copie privée pour ce type de support, en conformité d'ailleurs avec la très récente jurisprudence.

Le rapporteur a estimé que le collège des médiateurs pourra, dans l'état actuel de la technique, préciser le nombre de copies privées autorisées pour chaque type de support, et revoir par la suite le seuil ainsi fixé en fonction des avancées techniques. Il a expliqué que l'on pourrait très bien concevoir une nouvelle génération de dvd permettant de réguler le nombre de copies de l'œuvre et que l'apparition de cette innovation permettrait au collège des médiateurs de modifier rapidement le nombre de copies privées autorisées. D'autre part, le rapporteur a rappelé que le « test en trois étapes » figurant dans la directive européenne et les engagements internationaux de la France, permettra d'encadrer l'action du collège des médiateurs.

En ce qui concerne l'article 7, il a annoncé que le Gouvernement entendait déposer un amendement en regrettant toutefois qu'il ne soit pas d'ores et déjà disponible.

Statuant, en application de l'article 91 du Règlement, la Commission a ensuite poursuivi, sur le rapport de M. Christian Vanneste, l'examen des amendements à ce projet de loi.

Article premier (art. L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle) : Exceptions au droit d'auteur relatives aux dispositifs techniques provisoires ou au bénéfice des personnes handicapées :

Avec un avis défavorable du rapporteur, la Commission a repoussé un sous-amendement n° 251 de Mme Martine Billard, à l'amendement n° 16 de la commission des Lois, visant à élargir le bénéfice de l'exception au droit d'auteur en faveur des personnes handicapées, prévu par l'amendement de la Commission pour les seuls livres, à l'ensemble des oeuvres.

Article 8 (art. L. 331-6 nouveau du code de la propriété intellectuelle) : Protection des exceptions aux droits d'auteurs dans le cas de la copie privée et en faveur des personnes handicapées au regard des mesures techniques de protection :

La Commission a accepté un amendement n° 258 du rapporteur réaffirmant le bénéfice de l'exception pour copie privée.

La Commission a ensuite examiné un amendement n° 259 du rapporteur, destiné à remplacer l'amendement n° 30 précédemment adopté par la Commission, afin de confier au collège des médiateurs le soin de fixer les modalités d'exercice de la copie privée.

M. Christian Paul a reconnu que les changements technologiques permanents peuvent justifier le rôle donné au collège des médiateurs. Il a cependant exprimé sa crainte que ce rôle ne soit excessif en l'absence d'une feuille de route permettant d'encadrer l'activité du collège des médiateurs. À défaut d'un encadrement par le Parlement, il a souhaité que le Gouvernement apporte des précisions sur le sens dans lequel le collège des médiateurs travaillera. Enfin, il a estimé essentiel que le collège des médiateurs comprenne des représentants des associations de consommateurs. Compte tenu de ces observations, M. Christian Paul a jugé difficile de voter l'amendement du rapporteur. M. Xavier de Roux a rappelé que la feuille de route du collège des médiateurs figure déjà dans la directive européenne. M. Philippe Houillon, président, a ajouté que l'amendement suivant du rapporteur complète utilement le rôle donné au collège des médiateurs. M. Michel Piron a jugé que l'amendement précise de manière satisfaisante l'esprit dans lequel le collège des médiateurs devra travailler. M. Patrick Bloche a interrogé le rapporteur sur la manière dont le collège des médiateurs articulera son rôle avec celui de la commission de la copie privée. Le rapporteur a expliqué qu'il avait lui-même initialement envisagé de rappeler ces deux instances, mais qu'il avait ensuite renoncé à cette idée dans la mesure où le collège des médiateurs est avant tout une instance arbitrale, qui doit par conséquent être neutre et ne doit pas être composée de parties intéressées.

La Commission a adopté l'amendement n° 259.

Article 9 (art. L. 331-7, L. 331-8 et L. 331-9 [nouveaux] du code la propriété intellectuelle) : Procédure de conciliation par un collège de médiateurs dans le cas d'un différend portant sur une mesure de protection :

Le rapporteur a présenté un amendement n° 257 conférant au collège des médiateurs un rôle de régulateur des mesures techniques de protection. M. Patrick Bloche a regretté que le collège des médiateurs puisse recevoir deux missions, d'une part de médiation dans les litiges, d'autre part de fixation des modalités de régulation de la copie privée, qui sont très différentes et peuvent sembler contradictoires. En effet, alors que dans son rôle de médiation, le collège des médiateurs est un juge, cet amendement lui donne un rôle de définition des règles qui s'appliqueront aux litiges futurs dont il aura à connaître et peut ainsi faire craindre qu'il devienne à la fois juge et partie. Le rapporteur a rappelé que le collège des médiateurs sera composé de deux magistrats qui en désigneront un troisième et que les deux missions qu'il remplira ne seront nullement contradictoires et pourront toutes deux être exercées en toute impartialité. Il a ajouté que le collège des médiateurs n'aura pas à connaître de la question de la rémunération de la copie privée. M. Xavier de Roux s'est interrogé sur la compatibilité des termes employés dans cet amendement avec ceux figurant dans la directive européenne et il a estimé qu'une modification rédactionnelle serait souhaitable afin d'énoncer de manière plus satisfaisante et dans un seul article la mission du collège des médiateurs

La Commission a alors adopté l'amendement n° 257.

Article additionnel après l'article 12 (art. L. 335-2-1 du code de la propriété intellectuelle) : Sanctions applicables à la mise à disposition du public de dispositifs favorisant la diffusion non autorisée d'œuvres ou objets protégés :

La Commission a examiné l'amendement n° 150 (2e rect.) de M. Thierry Mariani, portant article additionnel après l'article 12, prévoyant que la mise à disposition ou communication délibérée au public d'un dispositif, manifestement destiné à favoriser l'accès non autorisé du public à des œuvres ou objets protégés, pourrait être punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amendes.

Le rapporteur a indiqué que cet amendement visait à intégrer dans le droit français le contenu d'une jurisprudence américaine et australienne permettant de sanctionner les fournisseurs de dispositifs techniques favorisant le « piratage ». Il a précisé que cet amendement permettrait ainsi de viser directement les principaux responsables des infractions aux règles protégeant ces œuvres, sans mettre en cause les logiciels libres.

M. Patrick Bloche a estimé que cet amendement ne correspondait pas à une idée nouvelle, mais à la volonté d'un grand groupe privé, Vivendi Universal, de mettre en cause la responsabilité des éditeurs de logiciels. Il a fait valoir que l'adoption de cette disposition, contestée par les éditeurs de logiciels libres, aurait des conséquences dramatiques pour la production française dans un domaine où elle a, pourtant, longtemps eu un rôle pionnier.

M. Christian Paul a noté qu'il n'était pas justifié de qualifier de « logiciel de piratage » les logiciels de peer-to-peer, ces derniers permettant également d'échanger entre ordinateurs des contenus légaux, tels que des documents privés ou des œuvres libres de droit. Il a rappelé que la question du logiciel libre ne devait pas être sous-estimée, certaines entreprises françaises ayant fondé leur activité sur celui-ci, qui est devenu, pour de nombreux professionnels, un outil quotidien - utilisé notamment par la gendarmerie nationale. Il a, enfin, appelé à éviter la mise en place d'un texte qui priverait les internautes de la possibilité de faire circuler les œuvres de l'esprit.

Le rapporteur a estimé que ces inquiétudes étaient injustifiées, la rédaction du texte précisant clairement les conditions auxquelles doivent répondre les faits pour être sanctionnés. Il a, en particulier, souligné l'exigence d'une démarche volontaire du fournisseur du dispositif, ce dernier devant être « manifestement destiné » à favoriser l'accès non autorisé aux œuvres ou objets protégés.

M. Christian Paul a souligné qu'au contraire, l'amendement proposé permettrait bien de sanctionner l'utilisation de logiciels libres et de sites Internet de téléchargement, alors même que des œuvres relevant de la propriété intellectuelle ou du domaine public sont quotidiennement mises en circulation par ce biais. Il a rappelé l'apparition récente de nouvelles activités, dont certaines, telles que la mise à disposition d'œuvres à des fins promotionnelles, sont en plein essor, et a remarqué que ces bouleversements ne concernaient pas seulement les logiciels, mais aussi les productions musicales ou cinématographiques. Il a, enfin, regretté que des restrictions excessives à l'accès aux œuvres portent atteinte à la diversité culturelle.

M. Xavier de Roux a estimé qu'il s'agissait d'un sujet très complexe, du fait notamment de la diversité des instruments pouvant être utilisés pour porter atteinte au droit de la propriété intellectuelle. Il a suggéré de faire plus explicitement référence à l'intentionnalité de l'acte de mise à disposition du public de tels dispositifs de diffusion.

M. Patrick Bloche a souligné l'attachement des membres du groupe socialiste au respect des droits d'auteur, jugeant que ceux-ci relevaient d'un droit patrimonial mais aussi d'un droit moral. Or, en interdisant la mise à disposition gratuite des contenus même lorsque celle-ci est souhaitée par un auteur, l'amendement proposé porterait atteinte au droit moral des auteurs.

M. Christian Paul a souligné qu'un nombre croissant d'artistes choisissait de mettre gratuitement à la disposition du public leurs œuvres, en se rémunérant par exemple lors de spectacles, ou grâce à des pratiques innovantes. Le risque que cette évolution soit remise en cause par une répression indistincte à l'encontre des logiciels de peer-to-peer devrait conduire à s'accorder un délai de réflexion supplémentaire.

M. Xavier de Roux a rappelé qu'il existait des moyens techniques d'empêcher l'utilisation abusive de logiciels de peer-to-peer et a suggéré de modifier la rédaction de l'amendement pour préciser que l'intention délictuelle des personnes fournissant les dispositifs devrait être clairement établie.

Le Président Philippe Houillon a noté qu'il s'agissait là d'une exigence traditionnelle en matière délictuelle, mais a convenu qu'il n'était pas inutile de la rappeler dans le texte même de disposition.

Le rapporteur a regretté que l'amendement soit, de manière artificielle, présenté comme un recul alors qu'il constitue une importante avancée, inspirée par la jurisprudence anglo-saxonne. Il a estimé que la rédaction de l'amendement impliquait clairement l'existence de l'intentionnalité évoquée et que les éditeurs de logiciels libres n'étaient pas menacés par cette disposition.

La Commission a alors accepté l'amendement n° 150 (2e rect.)

Article 13 : Assimilation au délit de contrefaçon des atteintes aux mesures techniques de protection et d'information dans le domaine des droits d'auteurs :

La Commission a examiné l'amendement n° 261 du Gouvernement visant à clarifier les incriminations de contournement des mesures techniques de protection des œuvres et d'atteinte aux informations protégées y figurant, en distinguant trois niveaux de responsabilité pénale.

Le rapporteur a indiqué que cet amendement, ainsi que l'amendement n° 262 présenté par le Gouvernement à l'article 14 du projet de loi, permettrait de préciser et mieux cibler le système de réponse pénale graduée réprimant les atteintes aux mesures techniques de protection des œuvres. Il a souligné que les peines encourues différeraient selon la nature des infractions et seraient proportionnées à leur gravité, comme en atteste la gradation s'agissant du niveau des amendes (750 euros, 3 750 euros ou 30 000 euros selon les cas).

M. Xavier de Roux a souligné que l'interopérabilité était prise en compte par le III de l'article L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle inséré par l'amendement.

Le rapporteur a observé que l'amendement permettait en effet d'exclure des sanctions pénales les contournements des mesures techniques effectuées à des fins d'interopérabilité.

La Commission a alors accepté cet amendement, avant de repousser l'amendement n° 254 de M. Bernard Carayon, devenu sans objet.

Article 14 (art. L. 335-4-1 et L. 335-4-2 [nouveaux] du code de la propriété intellectuelle) : Sanctions pénales applicables en cas d'atteintes aux mesures techniques de protection et d'information relatives aux droits voisins :

La Commission a accepté l'amendement n° 262 du Gouvernement, visant, pour les droits voisins, à clarifier les incriminations de contournement des mesures techniques de protection des œuvres et d'atteinte aux informations protégées y figurant, en distinguant trois niveaux de responsabilité pénale, à l'instar de l'amendement n° 261 pour les droits d'auteur.

Elle a ensuite repoussé l'amendement n° 255 de M. Bernard Carayon, devenu sans objet.

Article additionnel après l'article 14 (art. L. 335-5, L. 335-6, L. 335-7, L. 335-8 et L. 335-9 du code de la propriété intellectuelle) : Transmission par les fournisseurs d'accès à Internet de messages de sensibilisation aux dangers du piratage :

La Commission a examiné l'amendement n° 260 du Gouvernement portant article additionnel après l'article 14, visant à mettre à la charge des fournisseurs d'accès à Internet l'obligation de transmettre à leurs abonnés des messages de sensibilisation aux dangers du piratage pour la création artistique.

Le rapporteur a jugé essentiel de sensibiliser les internautes aux dangers du piratage et a proposé de sous-amender l'amendement pour viser non plus le « piratage » mais le « téléchargement illicite », cette mention paraissant juridiquement plus rigoureuse.

M. Christian Paul a fait état de son opposition à cet amendement, du fait du refus de reconnaître le droit au partage des œuvres culturelles en contrepartie d'une rémunération, alors qu'un tel système aurait constitué une avancée considérable.

La Commission a alors accepté cet amendement, ainsi sous-amendé.

Article additionnel après l'article 14 (art. L. 335-5, L. 335-6, L. 335-7, L. 335-8 et L. 335-9 du code de la propriété intellectuelle) : Sanction des actes de téléchargement et de mise à disposition d'œuvres protégées à des fins personnelles ou de communication d'œuvres à des fins non commerciales :

La Commission a examiné l'amendement n° 263 du Gouvernement, portant article additionnel après l'article 14, visant à sanctionner d'une simple contravention le téléchargement ou la mise à disposition, à des fins personnelles, d'œuvres protégées et non commerciales

Le rapporteur a indiqué que cet amendement permettrait de sanctionner moins lourdement qu'aujourd'hui, les simples téléchargements à des fins personnelles, ceux-ci ne revêtant pas la même gravité que d'autres formes de contrefaçons.

M. Christian Paul a estimé cet amendement essentiel pour déterminer le contenu réel du concept de « riposte graduée » et juger de la logique sécuritaire privilégiée par le Gouvernement. Il s'est interrogé sur la notion de « sanction à l'acte » évoquée par le ministre et sur les modalités selon lesquelles les infractions seraient constatées, en l'absence de précision sur les moyens d'une future « police de l'Internet », s'agissant notamment de la rémunération de ses agents. Il a ajouté que le versement d'amendes au Trésor public n'améliorerait pas la rémunération des auteurs.

Il a, enfin, souhaité savoir si le système répressif envisagé s'apparenterait plutôt à celui des radars automatiques ou plutôt à celui des contraventions pour stationnement interdit, lequel ne conduit pas à une sanction systématique des infractions. Il a également demandé si le téléchargement irrégulier d'un seul morceau de musique pourrait être sanctionné d'une amende ou si celle-ci ne serait infligée qu'aux individus ayant commis des infractions répétées dans la durée.

Après que M. Patrick Bloche eut rappelé la nécessité, pour le législateur, d'éclairer les justiciables et les praticiens du droit sur les contours de la contravention ainsi prévue, le rapporteur a fait valoir le consensus entourant les objectifs poursuivis par l'amendement, à savoir la garantie du droit des auteurs et la recherche d'un juste milieu entre la liberté des créateurs et celle des internautes. Il a précisé que la contravention sera liée au nombre de constats de téléchargements illicites et, par conséquent, au préjudice que constitue l'infraction. Il a ajouté que le Gouvernement envisageait de compléter cet amendement.

Le Président Philippe Houillon s'est demandé s'il n'appartenait pas au législateur de définir clairement dans la loi les actes couverts par l'infraction.

M. Xavier de Roux s'est demandé si la protection du droit d'auteur, lequel s'apparente au droit de propriété constitutionnellement garanti, ne relevait pas d'un régime législatif.

La commission a alors accepté l'amendement n° 263.

Article additionnel après l'article 14 : Coordination

La Commission a accepté l'amendement n° 264, de coordination, présenté par la Gouvernement.

La Commission a enfin procédé, en application de l'article 86, alinéa  8, du Règlement, à l'examen du second rapport de M. Thierry Mariani, sur la mise en application de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

M. Thierry Mariani, rapporteur, a rappelé qu'il avait présenté en décembre 2004 devant la commission un premier rapport sur la mise en application de la loi du 26 novembre 2003. Cependant, la démarche poursuivie est aujourd'hui plus ambitieuse puisqu'il s'agit de faire le point non seulement sur la mise en œuvre juridique, mais également sur la mise en œuvre concrète sur le terrain.

Le rapporteur a donc d'abord fait un point sur la publication des décrets nécessaires à la pleine application de cette loi. Il a expliqué que le bilan était quantitativement bon dans la mesure où la quasi-totalité des mesures phares de la loi sont aujourd'hui applicables. Sur les 28 dispositions législatives dont la mise en œuvre exigeait la prise d'une mesure réglementaire, trois ne sont pas cependant toujours pas applicables, une quatrième ne l'étant que depuis le 28 février 2006.

La première disposition non applicable concerne le fichier des empreintes digitales et de la photographie des étrangers qui ne remplissent pas les conditions pour franchir la frontière ou qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour. Or, ce fichier trouve son origine première, non dans la loi du 26 novembre 2003, mais dans celle du 24 avril 1997. Même s'il apparaît que le retard mis à prendre ce décret s'explique d'abord par une difficulté d'ordre technique et informatique, et non à la volonté de ne pas mettre en œuvre le dispositif voté, il est très regrettable que ce décret n'ait pas encore été publié.

Une autre disposition importante attendant toujours la publication de son décret d'application a trait à la mise à la charge des employeurs d'étrangers en situation irrégulière d'une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger. Ce décret est actuellement soumis à l'examen du Conseil d'État, après avoir connu de multiples pérégrinations emblématiques des difficultés parfois rencontrées dans l'application des lois.

Le dernier décret faisant encore défaut concerne les amendes à la charge des compagnies de transport qui acheminent sur le territoire des étrangers dépourvus de titres de voyage. Il avait été prévu une amende minorée pour les compagnies équipées d'appareils de numérisation et de transmission aux autorités française des documents de voyage de leurs passagers, dispositif très utile pour l'identification des étrangers dont l'admission sur le territoire est refusée mais qui ne peut malheureusement pas encore être mis en œuvre, faute de décret.

La deuxième mesure qui souffrait d'une absence de décret d'application a trait à la création de commissions médicales régionales chargées d'étudier le cas des étrangers gravement malades faisant une demande de titre de séjour pour raison humanitaire. Il semble que le Gouvernement ait été hésitant à adopter ce texte, approuvé par le Conseil d'État en mai 2005. Enfin, le rapporteur a indiqué que, suite aux amicales pressions qu'il a exercées, le décret sur la création de commissions médicales régionales chargées d'étudier le cas des étrangers gravement malades faisant une demande de titre de séjour avait été publié la veille de la présente présentation.

Le rapporteur a par ailleurs noté que l'interministérialité était synonyme de lenteur, voire d'absence de prise de décision. À cet égard, il s'est félicité que le décret du 16 juin 2005, portant attributions du ministre de l'intérieur l'ait « chargé de l'ensemble des questions concernant l'immigration » et a souligné l'importance de la création du comité interministériel de contrôle de l'immigration (cici) par le décret du 26 mai 2005.

Au total, les difficultés persistantes dans la publication des décrets d'application dans des délais raisonnables justifient finalement la pratique consistant pour le pouvoir politique à introduire des dispositions de nature réglementaire dans les lois.

Le rapporteur a ensuite fait le point sur l'adéquation des moyens juridiques votés par le Parlement aux objectifs fixés à la politique de contrôle de l'immigration. Il a précisé que les dispositions votées avaient pu atteindre une certaine efficacité car ce volet législatif s'était accompagné d'un volet budgétaire et d'un volet organisationnel, exprimant une très forte volonté politique dans ce domaine.

Concernant les visas, le rapporteur a rappelé que la loi avait rétabli un contrôle des attestations d'accueil, en plaçant le maire au centre du dispositif. S'il est encore trop tôt pour savoir quelle est l'efficacité du nouveau système, il semble que les nombreuses craintes que cette disposition avait suscitées concernant d'éventuels abus de la part des maires ne se sont absolument pas vérifiées. En fait, en matière de délivrance des visas, le principal apport de la loi concerne les visas biométriques. En effet, c'est sur cette base législative, qu'a été mise en place en 2005 une expérimentation dans 5 consulats, qui devrait être étendue en 2006 à 34 nouveaux consulats représentant 44 % des visas délivrés par la France. Pouvoir disposer des empreintes digitales et de la photographie de l'ensemble des demandeurs de visa, et d'un traitement automatisé de celles-ci, est en effet un atout incontestable dans la lutte contre l'immigration clandestine.

Les premières expériences sont très encourageantes, elles montrent qu'aucune impossibilité pratique ne pourra empêcher la généralisation des visas biométriques, même si elles révèlent aussi un certain nombre de difficultés, généralement liées à l'obligation pour les demandeurs de visa de comparaître personnellement pour la collecte de leurs données biométriques.

S'agissant toujours de l'entrée des étrangers, la loi a sensiblement modifié le régime de la non admission sur le territoire français et du placement en zones d'attente. Les mesures prises donnent parfaitement satisfaction, qu'il s'agisse de la réforme du « jour franc », de la clarification des règles en matière de communication des droits aux personnes non admises, de l'augmentation des pénalités dues par les compagnies aériennes qui transportent des passagers en situation irrégulière, ou encore du prolongement du placement en zone d'attente des personnes qui demandent l'asile au cours des quatre derniers jours de ce placement.

S'agissant des reconduites à la frontière, les progrès constatés sont considérables puisque le nombre de reconduites effectives a tout simplement doublé depuis 2002, passant de 10 000 à 20 000. L'augmentation de la durée de rétention a contribué à ce résultat en permettant l'organisation de vols groupés et, surtout, en favorisant l'amélioration du taux de délivrance des laissez-passer consulaires, passé de 26 à 45 %.

Le rapporteur a néanmoins indiqué que l'augmentation de la durée de rétention avait donné satisfaction car elle s'était accompagnée d'un très ambitieux plan de construction de centres de rétention : le nombre de places est déjà passé en deux ans de moins de 900 à 1300 et va encore doubler. Par ailleurs, ce plan permettra d'améliorer les conditions de vie en rétention et de fermer les centres les plus dégradés.

Le rapporteur a ensuite fait le point sur les dispositions concernant les procédures juridictionnelles. Ainsi, la loi a permis la tenue d'audiences du juge des libertés et de la détention dans une salle située à proximité du lieu de rétention ou de la zone d'attente. Cette disposition, longtemps très contestée pour des raisons de principe fonctionne à Coquelles depuis juin dernier dans de très bonnes conditions, notamment pour les personnes retenues qui échappent ainsi aux fastidieux transfèrements entre centre de rétention et tribunal.

La deuxième réforme concernant les procédures juridictionnelles avait trait à la possibilité offerte au parquet de demander la suspension des décisions du juge de la liberté et de la détention dont il fait appel en matière de droit des étrangers. Cette faculté est utilisée de façon extrêmement variable selon les parquets.

Concernant la lutte contre les différents abus et détournements de procédure, l'aggravation des sanctions en matière de traite des étrangers, combinée avec les dispositions de la loi « Perben 2 », s'est réellement traduite par une amélioration de la répression et des peines prononcées qui sont vraiment lourdes. Tel n'est malheureusement pas le cas en matière de lutte contre le travail illégal, où la France dispose aujourd'hui d'un arsenal répressif particulièrement impressionnant, mais encore insuffisamment mis en œuvre, en dépit d'une véritable prise de conscience au niveau gouvernemental.

En matière de lutte contre les détournements, deux sujets intéresseront prochainement la commission dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages : il s'agit de la lutte contre les mariages blancs et de celle contre la fraude à l'état-civil. En effet, ce projet de loi permettra de rendre le système plus opérationnel.

Enfin, le rapporteur a souligné que la loi du 26 novembre 2003 comportait un important volet consacré au droit au séjour. Parmi ces dispositions, figurait la réforme de la « double peine », dont chacun doit admettre qu'elle a été réellement mise en œuvre.

Plus globalement, la loi du 26 novembre 2003, annonçant ainsi en quelque sorte le prochain projet de loi sur l'immigration, cherchait à mieux concilier intégration et immigration. Pour cela, l'une des mesures phares était de conditionner davantage la délivrance des cartes de résident à des critères d'intégration républicaine. Malheureusement, il est pour le moins difficile de donner un contenu objectif à cette notion, et donc de la rendre réellement utilisable. Certes, il existe le contrat d'accueil et d'intégration, mais qui ne fait l'objet d'aucune obligation ni d'aucune mesure de suivi, et qui devra donc être profondément modifié.

Sur le regroupement familial, la réforme du dispositif a contribué à la légère baisse du nombre de personnes en bénéficiant. Cependant, cette baisse s'est accompagnée d'une hausse du rapprochement familial en dehors des procédures légales du regroupement familial. D'ailleurs, le rapporteur avait fait voter un amendement permettant au préfet de retirer le titre de séjour d'un étranger faisant venir sa famille en France en dehors des règles. Cependant, il apparaît que cette procédure n'est jamais mise en œuvre. Le ministère de l'intérieur a donc diffusé, suite aux remarques du rapporteur, à tous les préfets un télégramme leur demandant de mettre en œuvre ces dispositions avec détermination.

Le rapporteur a conclu en soulignant le caractère indispensable du travail de suivi de l'application des lois par le Parlement, qui ne peut plus se contenter de voter la loi, en se désintéressant de ses conséquences.

Le président Philippe Houillon s'est félicité du développement des travaux de suivi de l'application des lois, qui renforcent l'activité de contrôle du Parlement.

M. Christian Decocq a évoqué les conséquences de la fermeture du centre de Sangatte, intervenue avant l'adoption de la loi du 26 novembre 2003. Il a observé que, malgré cette mesure indispensable, plusieurs centaines de personnes restent aujourd'hui à Calais dans des conditions précaires voire inhumaines et qu'il n'est satisfaisant ni de tolérer cette situation, ni de regrouper à nouveau ces personnes.

M. Christophe Caresche a remarqué que l'allongement des délais de rétention, qui avait constitué un sujet de débat lors du vote de la loi, a pour conséquence l'engorgement des centres de rétention, notamment le centre de rétention administrative du Palais de Justice, récemment critiqué dans un rapport du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe. Il s'est demandé si l'allongement des délais avait effectivement permis de lutter plus efficacement contre l'immigration clandestine. Il s'est également interrogé sur l'impact des dispositions relatives aux mariages, en particulier la création d'un délit de mariage simulé.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- concernant la situation dans le Calaisis, la question a été largement abordée avec les représentants du Parquet et de la police aux frontières lors du déplacement du rapporteur à Coquelles. La fermeture du centre de Sangatte n'a certes pas mis fin à la présence de très nombreux clandestins désireux de se rendre en Grande-Bretagne dans cette région, mais elle a supprimé un abcès de fixation qui était devenu insupportable. Le problème de fond devra être résolu par une action déterminée contre les filières de passeurs, qui constitue une priorité des services de justice et de police. Par ailleurs, le rapporteur a constaté par lui-même que les clandestins présents dans le Calaisis se rendaient généralement vite compte qu'ils étaient dans une impasse compte tenu de la difficulté pour eux de franchir la Manche ;

- concernant l'allongement de la durée de rétention, celle-ci est en moyenne de dix jours, ce qui est donc très loin du maximum possible de 32 jours. En effet, les services de police évitent de maintenir en rétention des personnes qui ne seront manifestement pas reconduites. Mais cet allongement est très utile pour l'obtention des laissez-passer consulaires, qui étaient très difficiles à obtenir dans le très court délai de rétention d'avant la loi de 2003.

Par ailleurs, le plan immobilier mis en œuvre se traduit non seulement par une augmentation du nombre de places mais aussi par une amélioration des conditions de rétention. Il est vrai que certains des centres de rétention administrative sont indignes de notre pays, ils seront d'ailleurs fermés comme celui de Marseille-Arenc, ou de celui du Palais de justice à Paris ;

- concernant le délit de mariage blanc, les nouvelles incriminations ont permis d'intensifier l'activité judiciaire contre ce type de réseaux. De nombreuses enquêtes sur de tels faits sont en cours sur l'ensemble du territoire français, certaines ayant d'ailleurs d'ores et déjà donné lieu à des condamnations à des peines de prison ferme.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné les candidats à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi adoptée avec modifications par le Sénat, renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple :

· Membres titulaires : MM. Philippe Houillon, Guy Geoffroy, Patrick Delnatte, Mansour Kamardine, Mme Liliane Vaginay, MM. Alain Vidalies et Patrick Bloche.

· Membres suppléants : MM. Pierre-Louis Fagniez, Sébastien Huygue, Mmes Maryse Joissains-Masini et Martine Aurillac, MM. Yvan Lachaud et Christophe Caresche.

La Commission a désigné M. Pierre-Morel-A-L'Huissier, rapporteur sur le projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République (n° 2883).

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