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COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 30

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 8 mars 2006
(Séance de 11 heures 45)

Présidence de M. Philippe Houillon, président

SOMMAIRE

Audition de M. Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages (n° 2838) (M. Patrick Delnatte, rapporteur)

La Commission a procédé à l'audition de M. Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages (n° 2838) (M. Patrick Delnatte, rapporteur).

M. Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la justice, a déclaré qu'il s'agissait d'un plaisir partagé. Après avoir souligné que le projet tend à rendre obligatoire à l'étranger ce qui l'est en France, il en a présenté l'enjeu en quelques chiffres. De 1999 à 2003, le nombre de mariages célébrés, en France, entre Français et ressortissants étrangers a augmenté de 62 %. Aujourd'hui, sur 275 000 mariages célébrés en France, près de 50 000 sont des mariages mixtes. Dans le même temps, 45 000 autres mariages sont contractés à l'étranger par des Français, essentiellement avec des ressortissants étrangers. En définitive, près d'un mariage sur trois est un mariage mixte ; or seul un enfant sur dix naît d'un couple mixte. La comparaison de ces deux chiffres et le décalage qui en résulte suffisent à révéler que le mariage est utilisé à des fins étrangères à l'instauration du lien conjugal et à la fondation d'une famille.

Chacun le sait, c'est d'abord un enjeu migratoire important : de nombreux étrangers recherchent, par le mariage avec un ressortissant français, l'accès au séjour et à la nationalité. Il en va donc aussi de la défense de la valeur de l'institution matrimoniale.

Il est donc indispensable de renforcer le contrôle exercé sur la validité de ces mariages. Le projet a ainsi l'ambition, tout en protégeant la liberté fondamentale du mariage de tous ceux qui entendent effectivement s'engager dans les liens conjugaux, quelles que soient leur nationalité et leur situation, de lutter contre les détournements de cette institution.

Concernant les mariages célébrés en France, les lois de 1993 et de 2003 ont déjà apporté des outils efficaces. L'audition préalable des époux et la possibilité de saisir le procureur de la République afin qu'il puisse surseoir à la célébration ou former une opposition permettent de lutter efficacement contre les mariages simulés ou arrangés. La circulaire du 2 mai 2005 destinée aux magistrats du parquet et aux officiers de l'état civil a précisé l'ensemble du dispositif afin d'en permettre une application vigilante et cohérente.

Ce projet tend toutefois à le clarifier et à le renforcer sur trois points. En premier lieu, l'expérience a montré que de nombreux maires rencontrent des difficultés dans le déroulement des formalités préalables. En effet, certains officiers de l'état civil font publier les bans avant d'avoir procédé aux vérifications utiles. Or, la publication des bans constitue la démarche ultime qui témoigne que le dossier est complet et ne pose pas de difficulté aux yeux de l'officier de l'état civil. Avec la nouvelle rédaction de l'article 63 du code civil, la chronologie des formalités préalables au mariage apparaîtra plus clairement. Ensuite, dans un souci de lutte contre la fraude, l'identité des candidats au mariage sera mieux contrôlée. Enfin, l'opposition du ministère public ne sera plus caduque après une année. Les personnes qui souhaitent se marier devront contester l'opposition du parquet et ne pourront plus se contenter d'attendre un an pour représenter un nouveau dossier de mariage.

L'essentiel de la réforme a trait au contrôle des mariages contractés par les ressortissants français à l'étranger. En l'état du droit, ce contrôle ne s'exerce qu'a posteriori, à l'occasion de la transcription du mariage sur les registres de l'état civil français. Ce système est doublement insuffisant, d'une part parce que le mariage d'un Français célébré à l'étranger peut produire certains effets en France même sans avoir été transcrit, d'autre part parce que le contrôle a posteriori est généralement trop tardif, et les formalités préalables inefficaces.

Le projet remédie à cette faiblesse en introduisant dans le code civil un nouveau chapitre intitulé « Du mariage des Français à l'étranger ». Ce chapitre présente un dispositif entièrement nouveau qui soumet les mariages de Français à l'étranger aux mêmes règles et aux mêmes contraintes que les mariages célébrés sur le territoire national. Ces mariages ouvrant les mêmes droits sur notre territoire, il est normal qu'ils soient soumis à un contrôle de même nature. Que l'on ne se méprenne pas : il ne s'agit pas d'instaurer un régime particulier pour les mariages de Français à l'étranger, mais de rétablir l'équilibre entre les droits des Français qui se marient en France et ceux qui se marient à l'étranger.

À cette fin, et en premier lieu, le projet fait de la transcription du mariage sur les registres de l'état civil français une condition de son opposabilité en France. Il s'agit là de l'application à tous les Français de la règle déjà prévue par l'article 194 du code civil, aux termes duquel « nul ne peut se prévaloir de la qualité d'époux s'il ne produit un acte inscrit sur les registres de l'état civil ». Le respect de cette règle n'est actuellement exigé que pour les mariages célébrés en France. Il n'y a aucune raison que les Français qui se sont mariés à l'étranger n'y soient pas également soumis.

Par ailleurs, la validité du mariage sera contrôlée avant sa célébration et sa transcription. Ainsi les candidats au mariage devront, préalablement à la célébration de leur union, obtenir de l'autorité diplomatique ou consulaire un certificat de capacité à mariage. Ce certificat existe déjà en droit, mais sa délivrance n'est pas obligatoire et les pratiques sont très différentes selon les pays et les postes consulaires. Le projet de loi généralise l'obligation d'obtenir la délivrance de ce certificat. Cette délivrance sera l'occasion de vérifier que les futurs époux ont effectivement l'intention de s'engager dans les liens du mariage. Tout comme les candidats à un mariage célébré en France, ils devront remettre un dossier de mariage, ils seront entendus par l'officier de l'état civil et il sera procédé à la publication des bans.

Dès avant la célébration du mariage, le procureur de la République pourra former opposition à sa célébration.

Le principe de l'indépendance souveraine des autorités étrangères interdit évidemment que les autorités françaises empêchent la célébration du mariage par l'autorité locale. Aussi le respect ou le non-respect des formalités prévues par la loi française sera-t-il sanctionné au moment de la demande de transcription sur les registres de l'état civil français. Le dispositif envisage les trois hypothèses possibles.

Si les époux ont obtenu le certificat de capacité à mariage préalablement à la célébration de l'union, la transcription sera en principe acquise. Toutefois, si des indices nouveaux de fraude apparaissent au moment de la demande de transcription, l'officier de l'état civil pourra saisir le procureur, mais à défaut d'une action de ce dernier dans un délai de six mois, la transcription sera de droit. Il est en effet normal que ceux qui se sont soumis aux lois françaises bénéficient d'une présomption de bonne foi.

Si les époux se sont mariés en dépit d'une opposition formée par le procureur de la République, ils ne pourront obtenir la transcription qu'après avoir obtenu du juge une décision l'ordonnant.

Si les époux se sont mariés à l'étranger sans avoir respecté les formalités préalables prévues par la loi française, ils devront nécessairement être entendus au moment de la demande de transcription. En cas de doute, l'officier de l'état civil saisira le procureur de la République et les époux ne bénéficieront pas de la présomption conduisant à une transcription de droit : à moins que le procureur ait ordonné la transcription, il appartiendra aux époux de saisir le juge pour l'obtenir.

Il en résultera un dispositif dissuasif à l'égard des personnes qui entendent se marier à l'étranger en toute connaissance de l'irrégularité de leur démarche. Ces personnes sauront qu'elles ne pourront se prévaloir en France du mariage célébré à l'étranger qu'après avoir fait vérifier sa régularité.

Par ailleurs, le projet a également l'ambition de mieux lutter contre les mariages forcés, car la validité des mariages ne concerne pas seulement les mariages de complaisance.

Sur cette question, l'Assemblée nationale a récemment introduit dans la proposition de loi relative à la lutte contre les violences au sein du couple des amendements qui reprennent les propositions de la mission d'information sur la famille et les droits de l'enfant. Ces amendements ont reçu l'approbation du Gouvernement. Le projet de loi les complète, en améliorant les conditions d'audition des futurs époux. Ainsi, le futur conjoint mineur sera entendu seul, hors la présence de sa famille ou de son futur conjoint. En effet, même si le Parlement a élevé à 18 ans l'âge du mariage des filles, le mariage des mineures existe encore dans certaines législations étrangères, et les autorités consulaires françaises auront donc encore à procéder à l'audition de futurs conjoints mineurs.

S'agissant de l'audition des futurs époux, subsiste une divergence entre le projet et la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale lors de l'examen de la proposition relative aux violences au sein du couple. Il s'agit de la possibilité pour l'officier de l'état civil de déléguer à un fonctionnaire de la mairie ou du consulat le soin d'entendre les époux. Ce projet ne le prévoit pas, mais un amendement en ce sens a été introduit dans la proposition. L'audition est un acte important qui relève de la mission de l'officier de l'état civil. Néanmoins, l'officier de l'état civil peut déjà déléguer à certains fonctionnaires de la mairie certaines missions et, comme l'objectif poursuivi est de rendre systématique l'audition des futurs époux, on ne peut exiger que seuls le maire et ses adjoints puissent y procéder. Aussi, dès lors que la faculté de délégation est précisément circonscrite à un agent du service de l'état civil, la Chancellerie ne s'opposera pas à une telle faculté de délégation.

Enfin, le projet permettra d'améliorer la lutte contre la fraude à l'état civil en simplifiant le dispositif de vérification de l'authenticité des actes de l'état civil étrangers, introduit par la loi du 26 novembre 2003. Ainsi le principe de la vérification des actes de l'état civil étranger en cas de doute est maintenu. Le dispositif complexe qui avait été instauré en 2003 est supprimé, mais un décret précisera le régime des vérifications administratives des actes et donnera à l'administration un délai allongé lorsqu'elle doit faire vérifier un acte de l'état civil auprès d'une autorité étrangère.

M. Pascal Clément a ensuite remercié M. Patrice Delnatte, rapporteur du projet de loi, pour la qualité du travail qu'il a accompli dans le court délai qui lui était imparti.

M. Patrick Delnatte, rapporteur, a observé que l'augmentation du nombre des mariages mixtes traduit l'évolution d'une société qui se mondialise, mais qu'elle résulte aussi d'un détournement de la finalité du mariage. Le texte tente d'y remédier en alignant ce qui se fait à l'étranger sur les pratiques en vigueur en France et en insistant sur la prévention par une action destinée à améliorer en amont la sécurité du mariage.

Cependant, quelques questions demeurent. Ainsi, en son article 3, le projet distingue la validité des mariages célébrés à l'étranger et leur opposabilité : un mariage pourra, parce qu'il n'a pas été transcrit, être valable en France mais non opposable. Quelle est la différence entre ces deux notions ? Quel sera le champ d'application de l'absence d'opposabilité ? Jouera-t-elle uniquement vis-à-vis des tiers ? Jouera-t-elle pour l'état des personnes ? Jouera-t-elle en matière patrimoniale ?

Par ailleurs, plusieurs conventions bilatérales dispensent les États signataires de la légalisation de leurs actes de l'état civil. Quels sont les pays couverts par ces conventions ? Comment s'articuleront-elles avec la disposition du projet qui lie l'opposabilité du mariage à sa transcription ? Le Gouvernement a-t-il l'intention de renégocier certaines de ces conventions ?

Enfin, le projet renforce le rôle des postes diplomatiques et consulaires ainsi que celui du parquet de Nantes dans la lutte contre la fraude au mariage. Quels moyens le Gouvernement compte-t-il donner aux services concernés pour remplir leurs nouvelles missions ?

M. Pascal Clément a rappelé qu'en l'état actuel du droit, un Français marié à l'étranger peut rapporter la preuve de son statut d'époux en produisant soit l'acte de mariage étranger, soit sa transcription sur les registres de l'état civil français. Le projet impose que la preuve du statut d'époux soit uniquement rapportée par la production de l'acte transcrit sur les registres de l'état civil français. La transcription permet en effet de s'assurer de la validité du mariage par le contrôle réalisé à cette occasion, et elle contribue aussi à lutter efficacement contre la fraude documentaire. Déjà, en l'absence de transcription, le mariage ne produit d'effet ni pour la délivrance d'un titre de séjour en France, ni pour l'acquisition de la nationalité française, ni pour l'obtention d'un livret de famille. Le projet généralise cette orientation et, faute de transcription, les époux ne pourront se prévaloir de leur mariage à l'égard des tiers et notamment des autorités publiques.

Pour autant, l'intention du Gouvernement n'est pas d'affaiblir les obligations et les effets familiaux du mariage entre époux ou à l'égard des enfants, qu'il s'agisse de filiation, de succession ou d'obligation alimentaire. Le mariage doit produire ses effets familiaux même s'il n'est pas transcrit, et la commission des Lois pourrait par amendement préciser le projet de loi sur ce point.

Certaines conventions internationales contiennent en effet des dispositions qui dispensent de légaliser les actes de l'état civil dressés à l'étranger, privant ainsi les autorités françaises de la possibilité de vérifier l'authenticité de l'acte étranger et la qualité de son signataire. C'est pourquoi, dans le cadre du Comité interministériel de contrôle de l'immigration, le ministre des affaires étrangères a reçu mandat d'entamer la renégociation de certaines conventions internationales de cet ordre ; ces travaux seront engagés dans les mois à venir. S'agissant spécifiquement du mariage, le dispositif prévu par le projet ne concerne que les mariages célébrés à l'étranger impliquant un ressortissant français. Les mariages célébrés à l'étranger entres personnes de nationalité étrangère continueront d'être reconnus selon les règles du droit international privé.

Enfin, les services diplomatiques et consulaires doivent être mobilisés sur l'objectif de contrôle de la validité des mariages célébrés à l'étranger, ce qui demandera sûrement davantage de personnel, et il est prévu qu'au-delà des moyens existants des moyens supplémentaires y soient affectés. S'agissant du ministère de la justice, le parquet de Nantes qui, depuis le 1er mars 2005, a compétence exclusive pour contrôler les mariages célébrés à l'étranger, a reçu le renfort de quatre fonctionnaires et de deux magistrats supplémentaires. La centralisation a déjà permis, en quelque mois, de traiter l'ensemble des procédures dans un délai moindre et de manière uniforme, et chaque dossier fait désormais l'objet d'une réponse dans le délai de six mois prévu par l'article 170-1 du code civil.

M. Thierry Mariani a rappelé que, comme le montre son rapport sur l'application de la loi de 2003 relative à l'immigration, nombre d'excellentes dispositions votées par le Parlement ne peuvent s'appliquer en raison d'accords bilatéraux signés avec les pays du Maghreb et d'Afrique subsaharienne. Ainsi, l'accord franco-algérien déroge-t-il entièrement aux règles relatives à l'acquisition de la nationalité par mariage. La Commission doit prendre connaissance de la liste des accords internationaux en ces matières et des nombreuses dérogations qu'ils entraînent.

M. Jean-Pierre Blazy s'est ému que l'on s'apprête à nouveau à légiférer sur le contrôle de la validité des mariages sans avoir, faute de recul suffisant, véritablement évalué l'effet de la loi de novembre 2003. Avant de modifier ce texte, un bilan chiffré est nécessaire. Ce bilan a d'ailleurs été annoncé par le Premier ministre, en réponse à une question du président Philippe Houillon. Qu'en est-il, par ailleurs, de l'étude réalisée par la Chancellerie mais qui n'a pas été publiée à ce jour ? Le Parlement devrait avoir à en connaître avant de débattre de ce projet.

Ce texte tend à contrôler l'immigration, dont le mariage, à l'étranger en particulier, est soupçonné d'être la porte d'entrée principale. À cet égard, le nombre d'enfants issus de mariages mixtes n'a aucune force probante, contrairement à ce que le garde des Sceaux a laissé entendre. Il n'est pas question de contester l'existence de mariages frauduleux organisés pour pénétrer sur le territoire français par ce biais, phénomène observé par de nombreux maires, notamment en banlieue, mais l'équilibre est difficile, car il faut éviter à la fois le laxisme et une dérive qui serait à la limite de l'inconstitutionnalité. Le droit au mariage est un droit constitutionnel, qui figure aussi dans la Convention européenne des droits de l'homme. On peut se demander si la stratégie du soupçon qui anime le Gouvernement ne fait pas courir un risque en cette matière.

M. Guy Geoffroy a fait valoir que le texte traduit lucidité et non suspicion.

M. Jean-Pierre Blazy a souligné que le principe du contrôle de la validité des mariages ne doit pas avoir pour objectif exclusif le contrôle de l'immigration. S'agissant de la faisabilité du contrôle du libre consentement des époux, il s'est interrogé tant sur les effectifs des consulats que sur l'impact des conventions bilatérales. À défaut d'informations précises sur ces points, la Commission ne pourrait débattre en connaissance de cause. En conséquence, il a demandé au président Philippe Houillon d'organiser l'audition du ministre des Affaires étrangères.

M. Mansour Kamardine a affirmé souscrire sans états d'âme au projet, les mariages fictifs étant pour lui source de sérieuses préoccupations. Il a rappelé que le sujet est évoqué dans le rapport que la Commission vient d'adopter, notamment par ceux des commissaires qui se sont rendus à Mayotte. Le recours aux mariages de complaisance et surtout à la technique de la reconnaissance de paternité fictive consiste pour une femme, à « acheter » à son enfant un père mahorais, afin d'obtenir de manière certaine et immédiate la nationalité française. D'ailleurs, le nombre de reconnaissances de paternité a quintuplé à Mayotte entre 2002 et 2004. Il y a donc plus qu'un détournement de procédure. Puisque la pratique des mariages de complaisance a cours aussi bien sur le territoire national qu'à l'étranger, il convient précisément de mieux contrôler le dispositif pour endiguer le phénomène. M. Mansour Kamardine a enfin souhaité avoir la confirmation que le projet sera applicable à Mayotte.

M. Émile Blessig s'est interrogé sur la compatibilité du projet avec la Convention européenne des droits de l'homme. Le fait qu'un étranger entré régulièrement soit marié avec un ressortissant français peut faire obstacle à son expulsion. C'est un moyen sérieux qui peut être invoqué devant un tribunal administratif, et il arrive que l'argument soit reconnu. Compte tenu de l'existence de ce moyen de droit d'une part, de l'incidence de conventions bilatérales d'autre part, on peut se demander si le dispositif présenté sera vraiment applicable.

Répondant à M. Thierry Mariani, M. Pascal Clément a indiqué que deux conventions bilatérales, l'une avec le Maroc, l'autre avec la Pologne, traitent du mariage, et qu'aucune n'oblige la France à reconnaître sans contrôle les mariages mixtes. Plusieurs conventions, dont la liste sera communiquée à la Commission, empêchent l'authentification d'actes d'état civil étrangers ; elles seront renégociées par le ministre des affaires étrangères.

En réponse à M. Jean-Pierre Blazy, le ministre a souligné que, si près d'un mariage sur trois est un mariage mixte, seul un enfant sur dix naît d'un couple mixte. Un tel écart conduit à s'interroger sur la finalité de certains de ces mariages. Sont-ils vraiment conclus pour fonder une famille ? N'est-ce pas, plutôt, un détournement de procédure ? Quant à la loi du 26 novembre 2003, elle n'avait pas le même objet que le texte présenté aujourd'hui, qui tend à régir les mariages célébrés à l'étranger. Le nombre d'étrangers qui deviennent Français par mariage est maintenant de 30 000 par an, ce qui représente la moitié de l'ensemble des acquisitions de nationalité française. C'est une donnée qui sous-tend le projet et qui oblige à garantir la symétrie des droits et des devoirs en France et à l'étranger. À cette fin, le Premier ministre a demandé au ministre des affaires étrangères de renforcer les moyens des consulats.

Le ministre a répondu à M. Émile Blessig que la jurisprudence relative à la Convention européenne des droits de l'homme ne s'applique pas en cas de mariage fictif, car il y a alors fraude à la loi.

À M. Mansour Kamardine, il a précisé que le projet de loi sur l'immigration que présentera sous peu le ministre d'État, ministre de l'intérieur, contiendra un dispositif relatif à la reconnaissance de paternité applicable en Guyane et à Mayotte qui devrait lui donner satisfaction. Quant au texte présenté aujourd'hui à la Commission, étant relatif à l'état des personnes, il s'applique de droit à Mayotte.

Le Président Philippe Houillon a rappelé que le rapporteur présentera son rapport à la Commission le 15 mars et qu'il n'était pas prévu d'entendre le ministre des affaires étrangères dans l'intervalle. L'usage, qui a été respecté, est en effet d'auditionner le ministre signataire du projet, qui en soutient la discussion, et représente au demeurant l'ensemble du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Blazy a estimé cette décision regrettable, en faisant valoir que, comme M. Thierry Mariani l'a souligné, la Commission doit disposer de tous les éléments d'information nécessaires avant de se prononcer. On ne peut fonder une politique sur la seule proportion de naissances dans les couples mixtes rapportée au nombre de naissances de l'ensemble des couples mariés.

M. Patrick Delnatte, rapporteur, a précisé avoir entendu le directeur des Français à l'étranger, qui lui a donné toutes précisions utiles.

M. Jacques Floch a rappelé que des difficultés de fond ont été relevées par différents commissaires, qui, tous, ont demandé des précisions. Celles que pourra lui fournir le rapporteur seront donc les bienvenues.

Le Président Philippe Houillon a souligné que le rapporteur apporterait les précisions nécessaires au cours de la réunion du 15 mars.

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