COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 37

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 5 avril 2006
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Philippe Houillon, président

SOMMAIRE

 

Pages

- Examen de la proposition de loi de M. Claude Goasguen relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives (n° 2999) (M. Claude Goasguen, rapporteur)


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- Informations relatives à la Commission

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Claude Goasguen, sa proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives (n° 2999).

Le rapporteur a déclaré que sa proposition de loi vise à mettre fin aux dérives violentes et racistes constatées dans le sport, et plus particulièrement dans le football, certains clubs comme ceux de Paris et de Nice étant particulièrement concernés. Les gouvernements successifs ont tenté d'y remédier par des mesures individuelles, d'abord sur le plan pénal, puis avec la mise en place en mars 2006 de l'interdiction administrative de stade. Cependant, ces actions n'ont pas permis de redonner leur dignité et leur caractère festif aux manifestations sportives. Les dérives s'aggravent même en raison, d'une part, de l'utilisation d'Internet pour conclure des alliances au niveau national qui démultiplient les violences et, d'autre part, des affrontements entre associations rivales de supporters d'un même club. Il importe d'agir fermement pour arrêter cette évolution.

Face aux graves problèmes de houliganisme rencontrés dans les années quatre-vingt, le Royaume-Uni a opté, en complément des mesures répressives, pour une politique d'augmentation du prix des billets, qui exclut des stades une partie de la population. Le rapporteur s'est opposé à cette mesure et a souhaité éloigner des stades les seuls groupes violents.

Le rapporteur a ensuite proposé de permettre la dissolution administrative des associations ou groupements de supporters violents ou racistes. Il a rappelé que la dissolution administrative était prévue actuellement par la loi du 10 janvier 1936 pour les associations menaçant l'ordre public, qui sont souvent à caractère politique, et par l'ordonnance de 1943 sur les associations de jeunesse, qui est tombée en désuétude. Au terme d'une concertation menée avec la Ligue de Football Professionnel, les associations de supporters, le ministère de l'intérieur et des membres du Conseil d'État, le texte proposé permet d'éviter une utilisation arbitraire de la procédure.

D'une part, il crée une commission consultative chargée de rendre un avis préalable. Cette commission, qui sera composée de magistrats, de représentants du monde sportif et d'experts, entendra les représentants des associations concernées, qui pourront ainsi présenter leur défense.

D'autre part, s'agissant du niveau de la norme adapté pour décider une dissolution, un simple arrêté ministériel risque d'être difficilement appliqué et mal accepté par les associations, qui peuvent regrouper plusieurs centaines de personnes et disposer d'une grande capacité de pression, alors qu'un décret en conseil des ministres apparaît trop solennel face à une délinquance de cet ordre. La solution intermédiaire de la dissolution par décret apparaît ainsi satisfaisante.

Enfin, le texte prévoit des sanctions pénales en cas de reconstitution d'une association ou d'un groupement dissous.

En conclusion, le rapporteur a expliqué que la concentration sur le football des phénomènes de houliganisme était liée à l'exceptionnelle médiatisation de ce sport, qui incite des bandes à commettre des délits pour bénéficier de cette médiatisation. D'autres sports qui se professionnalisent, comme le rugby, pourraient donc être concernés à l'avenir et il importe de réagir sans plus tarder.

Déclarant partager les objectifs du rapporteur, M. Christophe Caresche a jugé nécessaire d'adapter la législation en vigueur, compte tenu du caractère préoccupant du phénomène de la violence dans les stades et de l'insuffisance des seules réponses judiciaires ou des récentes mesures administratives d'interdiction de stade, mesures qu'il a rappelé avoir soutenues. Il a précisé qu'il avait pu relever, lors de la mise en place du contrat local de sécurité relatif au Parc des Princes, le refus de certains clubs de supporters de signer une charte de bonne conduite et leur attitude ambiguë à l'égard de leurs membres, qu'ils ne parvenaient en aucun cas à maîtriser. Il a donc fait part de son accord de principe avec la proposition de loi.

Mais, constatant que le législateur, en matière de lutte contre les mouvements sectaires, avait choisi de privilégier la voie judiciaire dans la procédure de leur dissolution, il a interrogé le rapporteur sur la pertinence, en l'espèce, du choix de la voie administrative. Puis, il a appelé l'attention de la Commission sur la nécessité de préserver les libertés fondamentales, ce qui implique de fixer avec précision les fondements sur lesquels reposeront les décisions de dissolution, mais aussi de déterminer, dans la loi, la composition de la commission nationale consultative.

M. Étienne Blanc, après avoir affirmé son accord avec l'esprit de la proposition de loi qui devrait permettre de mettre fin aux agissements de groupements qui ont un tout autre but que le simple soutien d'une équipe sportive, s'est inquiété de la création d'une nouvelle commission, dans un contexte de simplification du droit, et a demandé au rapporteur s'il n'était pas possible de rattacher ses compétences à une commission déjà existante. Ensuite, faisant observer que le phénomène de violence dans les stades se reproduisait sur l'ensemble du territoire, il a suggéré que l'instruction des dossiers soit déconcentrée à l'échelon des préfets de département.

M. Émile Zuccarelli a fait remarquer que ce type de violences, plus proches du tribalisme primaire que de la voyoucratie organisée, s'exerçait à titre principal à l'occasion de rencontres de football, en raison de sa médiatisation et à l'exclusion de tout autre sport, et qu'il participait ainsi de ce que Salvador Dali appelait « la crétinisation des masses ». Il a estimé que ce phénomène pouvait s'expliquer en partie par le caractère plus aléatoire des résultats dans ce sport et qu'aucune mesure ne serait efficace si les instances fédérales ne sanctionnaient pas plus durement les entraîneurs qui incitent les supporters à s'engager dans des comportements indésirables.

M. Dominique Tian a souligné que si les violences dans les stades français n'atteignent pas le degré qu'elles ont atteint aux Pays-Bas ou en Italie et peuvent sembler, en première analyse, concentrées sur quelques rencontres à risque, elles n'en sont pas moins inacceptables et mobilisent d'importants effectifs de policiers. Il s'est demandé s'il ne conviendrait pas de s'interroger sur le comportement de certains dirigeants de clubs qui est loin d'être irréprochable. Il a en outre appelé l'attention du rapporteur sur le développement des violences au cours de rencontres entre amateurs et proposé, par exemple, que les arbitres puissent être assistés d'un « référent » désigné par la commission nationale consultative dont les pouvoirs gagneraient à être renforcés.

M. Gérard Menuel a estimé que des solutions au problème de la violence dans les stades peuvent également être mises en œuvre par les associations de supporters elles-mêmes, à l'instar de celle du club de Troyes qui, depuis cette année, a mis en place une procédure d'accueil convivial des supporters des équipes extérieures qui a singulièrement diminué le nombre et l'intensité des accrochages dans les tribunes.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  les violences dans les stades représentent un coût important en immobilisations policières, avec un minimum de cinquante policiers pour la ligue 2 et un maximum de 700 à 2 000 policiers à Paris. Ce coût est théoriquement supporté par les clubs sportifs, en application de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995, dite « loi Pasqua ». Cependant, les clubs sont subventionnés par la collectivité et la présence policière aux abords des stades se fait au détriment des autres missions de sécurité. De plus, les riverains subissent des nuisances importantes tant en raison des restrictions de circulation et de stationnement que de la perte de valeur de l'immobilier ;

-  les clubs sportifs adoptent des politiques variables vis-à-vis des supporters, notamment le Paris-Saint-Germain (psg) qui, après une tentative avortée de concertation, s'en désintéresse. Il appartient au ministre des sports d'imposer de nouvelles obligations aux dirigeants sportifs pour que les clubs donnent l'exemple à leurs supporters ;

-  la Fédération des Associations de Supporters, qui réunit les supporters non violents, est favorable à la proposition de loi. Celle-ci ne vise que les associations ou groupements de faits violents ou racistes, qui regroupent cependant de nombreux effectifs ;

-  la montée du racisme et de la xénophobie se traduit par des propos inacceptables, des « cris de singe » de plus en plus fréquents et des affrontements entre des groupes constitués selon des critères d'origine ethnique. Il ne faut pas tolérer dans les stades ce que l'on n'accepte pas dans d'autres circonstances ;

-  la dissolution judiciaire n'est quasiment jamais utilisée, notamment à l'encontre des sectes ;

-  la commission consultative devra être composée d'une majorité de magistrats pour revêtir un aspect quasi juridictionnel. En réponse à M. Christophe Caresche qui a observé que la définition de sa composition dans la loi elle-même présenterait en outre l'avantage d'accélérer la mise en œuvre du dispositif, le rapporteur s'est déclaré ouvert à un amendement précisant la composition de la commission ;

-  le problème du houliganisme n'est pas exclusivement parisien, même s'il y est très marqué. Il est lié à des phénomènes de bandes et favorisé par le manque de fermeté de certains dirigeants de clubs ;

-  la proposition de loi ne concerne pas le sport amateur, mais seulement les clubs professionnels. La dissolution administrative n'est pas une mesure adaptée à leurs problèmes qui appellent éventuellement une réponse policière et judiciaire, sauf si à l'avenir des groupements violents organisés venaient à se former ;

-  l'article premier de la proposition de loi prévoit que les actes visés doivent avoir été commis en réunion, à l'occasion d'une manifestation sportive, et de façon répétée. Les communications par le biais d'Internet pourront constituer un mode de preuve ;

-  instaurer une nouvelle relation entre les clubs sportifs et les associations de supporters est une bonne méthode, qui est aujourd'hui mise en œuvre par trop peu de clubs.

La Commission est ensuite passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er (art. 42-14 [nouveau] de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984) : Dissolution des associations de supporters violentes ou racistes :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que la dissolution d'une association de supporters sera prononcée par décret et non par arrêté du ministre de l'Intérieur.

Elle a ensuite adopté un amendement de précision rédactionnelle du même auteur.

Après que le rapporteur eut réitéré sa volonté de garantir les droits, notamment à la défense, des associations ou groupements de fait concernés, la Commission a adopté un amendement de celui-ci précisant que les organisations visées par la proposition de loi peuvent présenter leurs observations à la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives.

Rappelant qu'un amendement relatif à la composition de cette commission pourrait être présenté dans le cadre de la procédure prévue à l'article 88 du Règlement, le rapporteur a retiré un amendement rédactionnel concernant la définition par décret de la composition et des conditions de fonctionnement de la commission.

La Commission a alors adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2  : Création d'une section du code pénal relative aux violences commises par les associations de supporters :

La Commission a adopté un amendement de simplification rédactionnelle du rapporteur, regroupant les dispositions des articles 2 à 5 de la proposition de loi dans un article unique. Elle a ensuite adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 (art. 431-22 [nouveau] du code pénal) : Participation à la reconstitution d'une association de supporters dissoute :

La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur, supprimant cet article.

Article 4 (art. 431-23 [nouveau] du code pénal) : Organisation de la reconstitution d'une association de supporters dissoute :

La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur, supprimant cet article.

Article 5 (art. 431-24 [nouveau] du code pénal) : Interdiction d'accès aux manifestations sportives en cas de reconstitution d'une association de supporters dissoute :

La Commission a adopté un amendement de conséquence du rapporteur, supprimant cet article.

La Commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné les candidats à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble :

· Membres titulaires : MM. Philippe Houillon, Christian Decocq, Mme Martine Aurillac, MM. Jean Tibéri, Michel Piron, Jean-Louis Dumont et Christophe Caresche.

· Membres suppléants : MM. Céleste Lett, Richard Dell'Agnola, Étienne Blanc, Gérard Menuel, Mmes Anne-Marie Comparini et Annick Lepetit.

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