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COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

Mercredi 17 janvier 2007

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 20

Présidence de M. Patrick Ollier,
Président

 

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– Audition, ouverte à la presse, de M. Denis Ranque, président-directeur général de Thales, sur les enjeux industriels et sociétaux des systèmes d’information critiques

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La Commission a entendu M. Denis Ranque, président-directeur général de Thales, sur les enjeux industriels et sociétaux des systèmes d’information critiques.

Le président Patrick Ollier a souhaité la bienvenue à M. Denis Ranque, président-directeur général de Thales, entendu pour la première fois par la Commission. L’acquisition des activités de transport et de sécurité du groupe Alcatel-Lucent marque la première étape d’un processus appelé à se poursuivre avec l’intégration des activités spatiales d’Alcatel, et le rapprochement, en cours, avec DCN. Fort de quelque 70 000 salariés et 13 milliards de chiffre d’affaires, le futur groupe, tout à la fois public et privé, l’État détenant une action spécifique de contrôle, se caractérisera par une activité duale, travaillant dans des proportions pour la défense et le marché civil, et une envergure européenne, et même mondiale.

Rappelant que cœur de métier de Thales reste les systèmes d’information critiques, c’est-à-dire des systèmes dont l’arrêt ou la panne occasionnerait des dommages physiques, financiers et corporels, jusqu’alors déployés dans l’armement, le satellite ou l’aéronautique et désormais dans des domaines très divers, du transport terrestre à la sécurité ou à l’administration économique, d’une importance vitale pour la vie économique et sociale, le président Patrick Ollier a invité M. Denis Ranque à présenter les enjeux sociétaux et industriels de ces systèmes, dans une vision prospective.

M. Denis Ranque, président-directeur général de Thales, a remercié le président Patrick Ollier de le recevoir, accédant ainsi à sa demande : il était jusqu’alors plutôt familier de la commission de la défense. Cette première audition apparaît comme un signe des temps et montre, la presse elle-même l’a noté, que Thales n’est plus seulement une entreprise de défense. Il est du reste probable que l’avenir verra de moins en moins d’entreprises de défense et de plus en plus d’entreprises duales. La défense n’est pas un métier en soi, mais un métier que l’on exerce avec d’autres, qu’il s’agisse de l’aéronautique ou des systèmes dont le groupe s’est fait une spécialité. C’est particulièrement vrai dans l’électronique où l’on ne peut rester longtemps un bon électronicien de défense si l’on n’est pas d’abord un bon électronicien tout court. Le Thales actuel se répartit en 50 % de défense, 25 % d’aéronautique et 25 % de systèmes critiques de sécurité, transports terrestres compris. De fait, l’ancien Thomson-CSF a beaucoup changé depuis 2000, date à laquelle sa stratégie a été arrêtée autour de trois piliers : une activité duale, multidomestique et appelée à devenir de plus en plus systémique.

La dualité. Si, il y a encore quelques années, une grande partie des progrès de la technologie électronique venait de la défense – Internet, les téléphones mobiles –, le flot s’est pratiquement inversé : on continue à investir énormément d’argent dans les TIC et c’est désormais plutôt la défense qui s’appuie sur les technologies civiles. Certes, les deux continuent à coexister et c’est précisément ce qui rend la dualité encore plus pertinente. Le but étant de créer de la valeur à la frontière entre ces deux mondes, certains pans de l’industrie de défense ont été volontairement délaissés : Thales n’a pas a priori vocation à fabriquer des plates-formes de défense et sa prochaine entrée dans le capital de DCN s’explique d’abord par le fait que celui-ci est de plus en plus un « systémier » et non plus un simple constructeur de bateaux. Il en a été de même, du côté du secteur civil, pour l’électronique grand public et des composants, même si Thomson a été à l’origine de la création, il y a quinze ans, du leader mondial ST Microelectronics. Thales n’est pas non plus très présent dans les systèmes d’information traditionnels où il lui faut impérativement se différencier face à IBM Global Services, EDS et d’autres. Le Groupe entend donc rester à cheval entre le civil et le militaire, en se réservant les systèmes les plus critiques, qui font appel à la technologie la plus pointue, la plus sûre – ainsi la « billettique » dans le transport terrestre, mais à l’échelle d’un pays ou d’une mégapole, et tous modes et opérateurs confondus – dans des domaines où, qu’il s’agisse de portillons de métro ou a fortiori d’un avion, la panne est exclue et les systèmes d’information conditionnent la performance, la sûreté et la fiabilité du dispositif.

La « multidomesticité ». Ce néologisme a été forgé à partir de l’anglais, où domestic signifie « national », mais au sens de « chez soi ». Thales se définit comme une entreprise « multidomestique » et non comme une entreprise multinationale, qui ignore les frontières. L’acheteur d’un ordinateur IBM ou d’une bouteille de Coca-Cola se moque de savoir où et par qui le produit a été fabriqué ; l’essentiel est qu’il respecte des normes, du reste mondiales, et que la maintenance soit correctement assurée. Il en va tout autrement dans le cas des systèmes critiques, et en premier lieu dans le domaine de la défense. En effet, un État client tient légitimement à ce que les deniers publics ainsi dépensés reviennent, au moins pour partie, à la richesse nationale. Un Etat estime aussi que le service demandé – le maintien en condition opérationnelle (MCO), par exemple – se doit d’être rendu au plus près de chez lui, ou bien qu’il souhaite, pour des raisons de souveraineté, conserver un certain contrôle sur la sécurité des informations communiquées dans le cadre de la réalisation du contrat, sur l’exportation ou l’importation de technologies critiques ou encore sur la préservation des actifs nationaux. Être « multidomestique », c’est donc apparaître comme français en France, anglais en Grande-Bretagne, australien en Australie. Il y a quinze ans, 100 % des effectifs étaient localisés en France ; aujourd’hui, 50 % – soit 35 000 salariés – sont en France, 50 % ailleurs, dont 10 000 en Grande-Bretagne où Thales est le deuxième fournisseur du ministère de la défense. Le conseil d’administration y est présidé par l’ancien ministre de la défense britannique, assisté de deux anciens chefs d’état-major. La stratégie reste évidemment définie au niveau du groupe, mais tout ce qui peut l’être est fait localement, afin de donner confiance au client. Ainsi les sonars des sous-marins nucléaires britanniques, équipement éminemment sensible qui permet de reconnaître la signature du bâtiment, sont fabriqués par Thales UK, société détenue à 100 % par Thales qui a su entrer dans le saint des saints de l’establishment de défense du pays concerné, y compris en Australie où le groupe, initialement partenaire à 50 %-50 % en joint venture avec Transfield Holdings dans ADI, a été autorisé par le gouvernement à passer à 100 %, non sans avoir dû signer des conventions de bonne citoyenneté garantissant sa présence dans le pays.

La systémie. La stratégie de Thales consiste en fait à occuper tous les échelons pertinents de la chaîne de valeurs, laquelle, dans l’électronique, commence aux composants, grande spécialité de Thomson CSF aux débuts des circuits intégrés. À l’exception de quelques composants critiques comme les tubes utilisés dans les radars et les satellites, toutes ces fabrications ont été progressivement externalisées, notamment par le biais de ST Microelectronics. La banalisation est devenue la règle : on achète les composants de « M. Tout-le-monde » et non plus des composants spéciaux adaptés à la défense ou aux systèmes critiques.

Au-dessus, il y a l’équipement, c’est-à-dire la « boîte noire » où des composants sont assemblés sur des cartes électroniques et qui assure les fonctions élémentaires : ainsi, dans le domaine militaire, un radar ou un poste radio, ou, dans le domaine civil, le calculateur ou la visualisation d’un Airbus, ou un dispositif d’aiguillage ferroviaire sont autant d’équipements critiques fabriqués par Thales. Un systémier se doit de contrôler non pas tous les équipements, mais seulement quelques-uns et particulièrement les plus critiques : ainsi dans un avion, le radar, les contre-mesures et les équipements de télécommunication sont trois composantes essentielles du système d’armes. Le Thomson CSF d’il y a vingt-cinq ans était essentiellement un équipementier ; les équipements ne représentent plus que les deux tiers de l’activité de Thales, dont près de la moitié est désormais dédiée aux systèmes, c’est-à-dire à des ensembles d’équipements reliés par des couches de logiciels et de communication et qui réalisent l’ensemble d’une fonction donnée.

Le système d’armes d’un avion est l’ensemble des équipements qui permettent au pilote de savoir où il est, où est l’ennemi, de le tirer, de vérifier le coup au but et de ramener l’appareil à la base une fois la mission terminée ; un système de signalisation ferroviaire rassemble, outre l’aiguillage, les calculateurs, les senseurs, les moyens de communication qui les relient entre eux, la salle de contrôle qui donnera l’ensemble des informations et permet au contrôleur du train de vérifier si tout est nominal sur la ligne.

Pour autant, Thales n’entend pas être un systémier « en couches minces », c’est-à-dire un intégrateur qui achèterait tout sur étagère : il entend agir en « systémier compétent », en gardant le bon équilibre entre la couche système, sachant que les clients réclament de plus en plus des ensembles « clés en main », et une parfaite connaissance des équipements critiques en les fabriquant soi-même, du moins le plus possible. C’est ainsi que, dans le cadre d’un programme anglais d’observation du sol par drone, Thales a acheté l’avion, construit le cœur du système, mais laissé, à la demande expresse des Britanniques, la liaison entre l’appareil et le sol à une société américaine alors qu’il aurait parfaitement pu la réaliser.

Cette stratégie en trois piliers a évidemment bouleversé la société. Entre le Thomson CSF des années quatre-vingt-dix et le nouveau Thales, la différence est énorme : autrefois à 100 % français, ses effectifs se répartissent à 50 %-50 % la France et l’étranger ; la part de son activité « défense » est passée de 90 % à 50 % ; hier essentiellement équipementier, le groupe est désormais largement systémier, au point d’être devenu le designer d’un porte-avions britannique !

M. Denis Ranque s’est ensuite attaché à expliciter, par des exemples précis, la notion de systèmes critiques de sécurité et les enjeux que ceux-ci représentent tant pour le groupe que pour la société civile.

Premièrement, Thales contribue à la nécessaire réforme de l’État, soucieux d’optimiser son fonctionnement et d’améliorer sa relation avec le « client-citoyen ». Les systèmes électroniques participent très largement à cette modernisation et Thales a été partenaire du programme CHORUS qui soutient la mise en place de la LOLF, du programme COPERNIC – où il a notamment développé le portail fiscal où l’on peut désormais faire ses déclarations et bientôt suivre au jour le jour son compte fiscal, qu’il s’agisse de l’impôt sur le revenu ou des impôts locaux, dans des conditions de sécurité supérieures à celles qu’offraient les traditionnelles recettes –, de la mise au point du passeport électronique en partenariat avec l’imprimerie nationale où, sitôt le feu vert donné par le ministère de l’intérieur, un million de passeports ont pu être produits dans le temps imparti, le rythme étant fixé à cinq millions par an.

Dans un autre domaine, le groupe a remporté un appel d’offre relatif à l’externalisation totale de la gestion – informatique, surveillance, accueil, sécurité – du nouveau musée du quai Branly dans le cadre d’une forme moderne de partenariat public-privé. Pour la mise en place du dossier médical personnalisé également, Thales est responsable d’une expérience pilote en Aquitaine.

Autant d’exemples d’administration électronique, d’e-government répondant à toutes les caractéristiques des systèmes critiques : grande extension géographique – souvent à l’échelle du pays tout entier – exigeant une grande rigueur dans le déploiement, une sécurisation maximale afin de garantir tant le secret médical que le secret fiscal, autant de domaines où le groupe est particulièrement bien placé car perçu depuis des années par les administrations civiles et militaires comme un partenaire de confiance, en France comme à l’étranger, grâce précisément à son caractère multidomestique. Le choix de la sécurité des systèmes critiques comme troisième métier n’a pas été fait au hasard : c’est là que Thales pouvait faire la différence par rapport à une multinationale, aux activités traditionnelles, en donnant confiance à ses clients. On n’a pas forcément envie de faire appel au même partenaire en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

Deuxièmement, Thales intervient dans le domaine des infrastructures de transport. Depuis très longtemps, le groupe était présent dans le transport aérien, dans l’avionique, dans le contrôle aérien et dans la simulation pour la formation des pilotes : un avion vole en sécurité quand il maîtrise son environnement, quand le contrôleur sait où est l’avion et peut lui donner ses instructions et quand le pilote est parfaitement formé. Mais tout récemment, le groupe est entré dans le domaine ferroviaire où il peut faire usage des mêmes atouts : un marché de grands comptes. Thales n’est pas outillé pour le B to C (la relation entreprise-consommateur), ni même pour traiter avec les PME, mais pour vendre à de grands groupes publics ou privés, Boeing, Airbus ou la SNCF, des modes de transports de plus en plus intégrés, interopérables, déployés sur de grandes distances, qui exigent de plus en plus de systèmes de contrôle, et de plus en plus convergents. On gère encore séparément la signalisation, c’est-à-dire l’infrastructure au sol, le contrôle des commandes du train pour optimiser la cadence des rames, la billettique où le « ticket choc » en carton a fait place à des puces sans contact qui non seulement enregistrent la transaction financière, mais autorisent l’accès et pourraient même devenir un jour un instrument de sécurité. On sait en permanence qui sont les passagers dans un avion, mais pas dans un train… Ce ne serait pas forcément attenter aux libertés constitutionnelles, particulièrement en cas d’accident, pour prévenir les familles, ou en cas d’attentat, pour détecter les indésirables. Des systèmes d’information peuvent permettre, dans les limites permises par l’opérateur et évidemment la puissance publique, d’interconnecter ces différents systèmes entre eux et de les élargir ; c’est précisément à cela que Thales s’intéresse, et non à la manœuvre quasi manuelle des signaux ou des aiguillages ! D’où le choix stratégique d’entrer dans le transport ferroviaire, concrétisé par l’achat d’Alcatel.

Rappelant que l’aéronautique restait un secteur important pour Thales, M. Denis Ranque a tenu à appeler l’attention sur la nécessité d’y préserver les budgets de recherche-développement. La diminution des crédits de recherche civile gérés par la Direction des Programmes de l’Aviation Civile (DPAC) au sein de la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) a pris des proportions particulièrement dommageables dans un secteur où la prédominance d’Airbus rend les autres entreprises particulièrement sensibles au moindre éternuement de l’avionneur ; à court terme pour la trésorerie des plus petites, mais également à moyen terme où les retards de livraison décalent d’autant les retours d’investissements pour les entreprises dites « partenaires à risque » qui, en emportant un marché de planche de bord, commandes de vol ou calculateur central, ont d’abord gagné le droit de dépenser leur propre argent dans le développement, en attendant que l’avion soit vendu pour récupérer leur mise… Or non seulement le retour escompté sur l’A 380 tarde, mais arrive entre-temps un nouveau programme, l’A 350, auquel elles sont évidemment invitées à contribuer, et donc à dépenser de nouveau. Dans un tel contexte, l’avance remboursable apparaît comme un meilleur mécanisme, d’abord pour l’État, mais surtout pour les motoristes et les équipementiers qui, contraints par la force des choses à devoir faire confiance à l’avionneur, y trouvent une forme de mutualisation du risque. Il faut impérativement les maintenir, dans l’intérêt d’Airbus s’il le souhaite, mais en premier lieu pour les équipementiers. À plus long terme, il est indispensable de soutenir la recherche-développement alors même que la faiblesse du dollar pose de terribles problèmes de compétitivité à une filière dont les performances à l’exportation ont toujours été excellentes pour la France.

Autre exemple, la sécurité maritime devient un véritable enjeu dans le domaine des systèmes critiques. Par principe, les mers sont libres au commerce, mais du même coup à tous les trafics, pirateries, contrebandes, pollutions… Que les missions de surveillance soient confiées aux marines nationales ou aux garde-côtes, c’est aux puissances publiques de les assumer et les systèmes déjà mis en œuvre sont encore très rudimentaires et rarement interconnectés. Alors que la mise en place du ciel unique permet aux contrôleurs aériens de suivre de bout en bout un avion de Dublin à Rome en passant par Maastricht et Genève, rien de semblable n’existe dans le domaine maritime. Les dispositifs ne sont pas encore intégrés à l’échelon national ni a fortiori à l’échelon européen.

Au moment où les sociétés modernes sont de plus en plus dépendantes de technologies, que des terroristes savent désormais retourner des avions civils comme des armes – on l’a vu avec les attentats du 11 septembre –, il faut bâtir des systèmes qui permettent de les maîtriser et de continuer à les utiliser dans un but de progrès, d’emploi et de vie moins chère. C’est à cet objectif que Thales s’est attelé.

M. François Brottes, après avoir remarqué que certains, en 1997, considéraient que Thomson ne valait pas grand-chose – la suite, depuis 2000, a été heureusement plus
brillante –, a rappelé que les « thomsoniens » ont toujours été, par nature, des innovateurs et entrepreneurs quasi obsessionnels. La passion du propos de M. Ranque tend à rassurer sur la persistance de cette culture qu’il faut absolument préserver. Il a également noté que les exigences propres à la défense continuaient à tirer les technologies vers le haut.

Compte tenu de ses métiers, Thales reste très dépendant de la commande publique, peut-être plus à l’échelle européenne qu’à l’échelle nationale désormais, qui ne peut en tout cas descendre au-dessous d’un certain seuil sans compromettre les capacités d’innovation technologique. Observant que le rôle de la recherche publique reste fondamental, notamment lorsqu’il s’agit, sans forcément espérer de rentabilité à court terme, de rester en veille dans des domaines où une innovation majeure peut bouleverser la totalité d’une filière et soulignant que les pays les plus libéraux étaient aussi les plus interventionnistes dans l’aide à la recherche, l’orateur s’est enquis des liens que Thales entretenait à cet égard avec la recherche publique et de ses exigences.

La systémie exigeant par nature la pluridisciplinarité, il a demandé si l’entreprise trouvait facilement les compétences requises sur les marchés français et européen et si les jeunes jugeaient ses propositions suffisamment attractives.

Le fait que Thales n’entende pas tout acheter sur étagères peut rassurer alors que bon nombre de grandes entreprises françaises ont choisi de se recentrer à l’excès sur leur cœur de métier. Cette politique vaut-elle pour les matériaux ? La technologie du silicium sur isolant, le SOI, mise au point par le CEA pour les besoins de la défense, a été banalisée dans le monde entier. L’entreprise SOITEC qui l’a développée a eu raison avant les autres. Thales s’est-il donné les moyens d’une veille dans sur les matériaux à l’heure des biotechnologies, par exemple, afin de ne pas être pris au dépourvu au risque de perdre ses positions ?

Le débat éthique – nucléaire, OGM, nanotechnologies - est devenu un enjeu majeur dans nos sociétés. Quelle est la position de l’entreprise à cet égard, et particulièrement sur l’aspect « big brother » de la question ?

Si le problème de la parité euro-dollar renvoie au rôle de la banque centrale européenne (BCE), se pose la question du rôle et des propositions de la Commission européenne à l’égard d’entreprises à vocation mondiale et de plus en plus transversale. Le découpage par segments d’activité communément pratiqué au niveau des États ou de la Commission laisse à penser que cette dimension est loin d’être toujours comprise.

M. André Flajolet tout en partageant bon nombre des remarques de son collègue, a remarqué qu’être systémier amenait quelque part à devenir incontournable, et donc à répondre à des devoirs supplémentaires. On peut dès lors s’inquiéter de savoir si le groupe a mis en place une réflexion, une veille philosophique sur les outils qu’il propose et sur les dangers d’un possible détournement. Du fait de sa transversalité, Thales est présent dans pratiquement tous les domaines de la vie moderne, au centre d’une toile d’araignée ; une entreprise dans cette situation se doit de donner un sens à ce qu’elle fait, ou à tout le moins l’orienter.

Coparticipant de la mise en synergie des intérêts stratégiques de la France, Thales est en même temps vendeur de systèmes. N’y a-t-il pas là une contradiction qui, parfois, empêche de tout faire et peut bloquer son effort de recherche-développement en raison d’exigences liées à la sécurité du territoire ? La vocation multidomestique affichée par Thales l’amènera-t-elle à participer à la révolution domotique ou à développer ses logiques partenariales à l’étranger ? La Commission européenne est-elle disposée à le laisser exercer l’ensemble de ses métiers en développant de nouvelles synergies – avec EADS ou Airbus, par exemple – sans dénoncer une éventuelle position dominante ?

Observant enfin que la part du capital salarié était passée de 4,5 % à 3,9 % du fait du rapprochement avec Alcatel-Lucent, M. André Flajolet a insisté sur la nécessité d’impliquer tous les acteurs, à tous les niveaux.

Le président Patrick Ollier a interrogé M. Denis Ranque sur le rôle de Thales au sein des pôles de compétitivité et sur leur impact pour la recherche, sur la protection des intérêts stratégiques nationaux et enfin, pour aller dans le même sens que M. André Flajolet, sur la réduction de la part de l’actionnariat salarié alors que bon nombre de députés UMP y voient un élément de sécurité pour le groupe. Est-il prévu de redresser la barre ?

En réponse aux intervenant, M. Denis Ranque a apporté les éléments suivants :

Les « thomsoniens » n’ont rien perdu de leur capacité d’innovation, jusque dans la circonscription de M. Brottes puisque le site de Voreppe, déjà leader dans le domaine des tubes radiologiques amplificateurs d’image permettant de travailler à bas niveau d’irradiation, a depuis dix ans anticipé la disparition à terme des tubes à vide en travaillant à la mise au point de récepteurs numériques de nouvelle génération à base de semi-conducteurs, où Thales est devenu également leader mondial.

La commande publique reste un élément vital, particulièrement dans le secteur de la défense qui, exception faite de la garde suisse de l’État du Vatican, n’est généralement pas confiée à des mercenaires et reste dans le giron de l’autorité publique… Au sein même de la commande publique, la demande de recherche-développement revêt une importance essentielle et il faut se féliciter que, sous l’égide de Mme Michèle Alliot-Marie, la barre ait été vigoureusement redressée après quinze années d’ajustements au détriment du maintien en conditions opérationnelles et de la recherche-développement. Les cris d’alarmes ont finalement été entendus et il n’était que temps. Les matériels livrés aujourd’hui – le Rafale, par exemple – découlent de technologies déjà vieilles de vingt ans (le PDG de Thales se rappelle avoir travaillé sur le tube électronique du radar du Rafale en 1983… Les succès de 2015 ou 2020 dépendront des technologies mises au point aujourd’hui). Dans le domaine civil, Thales doit essentiellement compter sur lui-même : les crédits de la DPAC au sein de la DGAC ont surtout valeur incitative et c’est regrettable ! Mais certaines technologies de défense ne peuvent être développées que par les seules forces armées : la furtivité d’un avion est une notion typiquement militaire, alors qu’un avion civil se doit précisément d’être parfaitement bien vu au radar ! Il en est de même pour la propagation du son sous l’eau, domaine particulièrement compliqué, qui ne peut guère intéresser que les sous-mariniers – sinon les marins-pêcheurs, déjà bien en peine de payer leur gazole… Le ministère de la défense a très bien fait d’éliminer systématiquement de son catalogue de financement tout ce qui était dual en laissant au secteur privé le soin de le développer, et de se réserver les technologies à trop long terme, trop spécifiques ou trop innovantes pour avoir quelque chance d’être réalisées autrement que par la puissance publique. Néanmoins, s’il est redevenu décent, le niveau n’en reste pas moins minimum : l’Europe consacre à son effort de recherche-développement de défense quatre fois moins que les États-Unis, et de surcroît en le fragmentant entre 27 pays, sachant que la France et la Grande-Bretagne supportent à eux seuls les trois quarts du fardeau… Si, sur le plan quantitatif, les dépenses de recherche civile surpassent largement les dépenses militaires, les technologies les plus « long-termistes » ne resteront financées que par les militaires et les abandonner nous privera d’atouts considérables d’ici dix à quinze ans.

La recherche publique est une dimension particulièrement importante et Thales entretient avec elle des liens étroits et pour tout dire assez récents. Indépendamment de la nécessité, largement rappelée par le MEDEF, de ne pas alourdir les contraintes fiscales et sociales, le site France peut se prévaloir de trois atouts fondamentaux pour attirer les entreprises : les infrastructures, la recherche et la formation supérieure, trois domaines où la puissance publique, État et collectivités, doit continuer à remplir son devoir. On entend par infrastructures les transports, l’aéronautique, le tissu urbain, le système de santé, coûteux mais excellent, l’énergie ; tout un potentiel qu’il faut s’employer à préserver. Quant à la recherche publique, c’est elle qui permet de former bon nombre des chercheurs du secteur privé, de nourrir l’enseignement supérieur et qui sert de terreau à la recherche privée ; il est indispensable de la maintenir et même de l’améliorer en qualité comme en quantité. On ne peut que se réjouir des progrès du partenariat, désormais admis, entre recherche publique et recherche privée : les pôles de compétitivité jouent à cet égard un rôle essentiel. Pour ce qui est de la formation des ingénieurs, la France peut se prévaloir d’un excellent système : ses grandes écoles soutiennent parfaitement la comparaison. Il faut toutefois prendre garde à tout ce qui peut tirer les formations professionnalisantes vers le bas, veiller à développer et à internationaliser notre système : il serait dommage que les grandes écoles françaises meurent de leur excellence en restant enfermées dans leurs particularismes. Il faut impérativement créer ParisTech et faire converger les grandes écoles vers une grande université parisienne de la technologie dont le rayonnement mondial égalerait celui du MIT ou de Cambridge. Les Chinois ne pensent pas forcément à Paris et un DRH tchèque ignorera les subtiles différences entre Polytechnique, les Mines et Centrale ; il voudra des formations visibles, compréhensibles et lisibles.

Thales a effectivement besoin de compétences multidisciplinaires et particulières et le fait d’être devenu systémier lui a compliqué la tâche, au point qu’il a financé lui-même une chaire de recherche et d’enseignement sur l’architecture des systèmes critiques à l’école polytechnique. Les ingénieurs français sont d’ailleurs particulièrement bien préparés à cette approche, leurs écoles, Polytechnique, Ponts et chaussées, Centrale, Mines et autres, ayant conservé un caractère multidisciplinaire généraliste, alors qu’une université américaine aura tendance à spécialiser beaucoup plus tôt, incluant également les formations financières, en ressources humaines et en communication, elles aussi essentielles pour un ingénieur. Thales n’a pas à proprement parler de problèmes d’attractivité ; cela dit, on peut s’inquiéter d’une certaine désaffection des jeunes vis-à-vis des carrières scientifiques, même si celle-ci ne touche pas encore les écoles les plus prestigieuses et par le fait les plus sélectives. Mais d’ores et déjà, les recrutements de l’université dans les filières physique et mathématique ont fortement baissé et la sélectivité à l’entrée des classes préparatoires aux grandes écoles a baissé. Mais à côté de l’attractivité du métier, il faut agir au niveau du magistère de la parole et il appartient aux élus de la nation de faire comprendre aux jeunes que la science ne se résume pas aux articles assassins d’une certaine presse, qu’elle contribue au progrès, à la vie moins chère, à la sécurité et à la santé. Il faut réhabiliter son image et par là même celle de l’industrie.

S’il n’est pas question d’acheter sur étagère n’importe quoi et n’importe où, force est de tenir compte de certaines contraintes de localisation : le but n’est pas de profiter de ressources à faible coût, mais bien d’accéder aux clients et, lorsqu’un produit se transporte mal, de le fabriquer là où il se consomme. La localisation, contrepartie positive de la globalisation, a été particulièrement bénéfique pour Thales. Ainsi a-t-il été possible de convaincre les Coréens du Sud que leur dépense dans le domaine de la défense était une dépense publique et que, faute de pouvoir se diversifier sur l’Europe, ils pouvaient au moins acheter coréen plutôt qu’américain… Thales a ainsi pris position à 50 % dans une entreprise coréenne où sont produits des radars et systèmes de combat, etc., dont à peu près la moitié de l’activité revient en France. Au bout du compte, un emploi américain aura été remplacé par un demi-emploi coréen et un demi-emploi français. Ce qui n’empêche pas ce secteur exportateur d’être lourdement handicapé par la faiblesse du dollar, qui l’oblige à aller chercher certains de ses approvisionnements en zone dollar ou dans les pays à faible coût : ainsi Thales vient d’ouvrir sa première implantation low cost en créant une usine de logiciels à faible coût à Chennai, en Inde. Même si 95 % de l’offre logicielle est produite dans les pays proches des clients, force est dans certains cas d’imiter la concurrence et de faire appel à des ressources à faible coût lorsqu’elles existent.

Le déploiement de systèmes informatiques à l’échelle d’un pays, voire interconnectés à l’échelle européenne, le risque d’interconnexion de données personnelles traitées par ces systèmes avec des fichiers de police par exemple, peuvent effectivement effrayer et l’industrie se doit d’obéir strictement aux directives des pouvoirs publics ; à ceux-ci de réfléchir au bon équilibre entre la liberté de chacun et le risque que fait peser l’excès de liberté sur celle des autres. Il faut avoir conscience que les sociétés ont été rendues vulnérables par leur concentration urbaine, par leur technologie, par la mondialisation de l’économie et le développement des flux de tous ordres, qui obligent à équilibrer en permanence. Les pays ont sur cette question des points de vue différents : les Anglais hésitent à passer à la carte d’identité dans laquelle ils voient une atteinte à la liberté alors que les Français sont en train de se demander comment et jusqu’où informatiser la leur… À l’opposé, le Maroc a signé avec Thales un contrat pour une carte d’identité qui rassemblera un certain nombre de données de l’intéressé, y compris biométriques. Mais l’important est que le débat ait lieu, que les questions soient posées. Rien n’est pire que l’immobilisme alors que la technologie galope et que des individus n’hésitent pas à s’en servir dans de mauvaises intentions. On ne peut à cet égard qu’être frappé par la vulnérabilité de nos grands réseaux d’énergie, d’information, d’eau ou de gaz, qui donne à des esprits maléfiques des moyens de pression considérables. Et s’il faut saluer le redressement opéré dans le domaine militaire, force est de reconnaître que le domaine de la sécurité civile n’est pas, sur le plan technologique, pris autant au sérieux. L’éthique est avant tout une affaire d’équilibre.

La profession a tout lieu d’être satisfaite de l’action de la Commission européenne dans le domaine de la sécurité comme de l’aéronautique. Bon nombre de patrons critiquent les programmes cadres, mais peut-être les entreprises aéronautiques ont-elles su plus tôt que les autres se regrouper et s’organiser.

Le fait d’être devenu systémier ne rend pas pour autant incontournable. La compétition demeure ; elle s’est seulement déplacée : la carte d’identité nationale donnera lieu à une compétition, tout comme ce fut le cas du portail fiscal – où Thales a gagné. Il est certain que le gagnant sur un sujet aura toutes chances d’y rester au moment d’une modification, dans la mesure où il le connaît particulièrement bien. Encore faut-il savoir rester agile et surtout réactif.

Faut-il donner un sens à ses produits ? Assurément, et rendre la collectivité des thalésiens fière de contribuer tant à la défense nationale qu’à la sécurité de la société. C’est ce sentiment de fierté qui donne du sens aux actions de tous les jours.

Une entreprise stratégique est inévitablement soumise à des contraintes, mais celles-ci sont connues et acceptées. Elle ne peut exporter que les produits autorisés, au cas par cas, par la Commission interministérielle pour l’étude des exportations des matériels de guerre (CIEEMG). On peut regretter que les organes de contrôle se soient multipliés alors que les organes moteurs se sont plutôt affaiblis… Une prise de conscience s’est fait jour et, votre collègue, M. Yves Fromion a consacré au sujet un rapport, dont les conclusions vont dans le bon sens. Pour des raisons incompréhensibles, les exportations de matériels de défense ont mauvaise presse alors qu’elles contribuent à l’équilibre de la balance commerciale, au maintien de la souveraineté nationale et à l’action de la diplomatie française. Elles doivent reconquérir leurs lettres de noblesse, sans complexe aucun : il est parfaitement normal et éthique de vendre à des démocraties les moyens de défendre leur système démocratique, n’en déplaise à une certaine presse. Tous les systèmes sont contrôlés, rien n’est exporté sans l’aval d’une CIEMMG particulièrement pointilleuse. Le tout est de ne pas rajouter à l’envi des freins sur ce qui participe de la souveraineté du pays et du rayonnement national.

20 % du chiffre d’affaires de Thales est dédié à la recherche-développement. Seule l’industrie pharmaceutique fait mieux : l’automobile plafonne à 5 ou 6 %, les produits grand public à 1 ou 2 %. Les trois quarts de ces 20 % sont financés par les clients, essentiellement militaires ; les 5 % restants sont autoconsommés pour la recherche, dédiés soit aux sujets trop en amont pour intéresser les agences de défense, soit aux produits civils, intégralement autofinancés. L’effort de recherche est très réparti au sein du groupe – bien que la France bénéficie d’une surpondération liée à des raisons historiques. Thales compte neuf centres de recherche répartis dans le monde et ouverts sur le monde, à l’image du nouveau laboratoire tout récemment inauguré sur le campus de l’école polytechnique et que les membres de la commission sont cordialement invités à visiter.

Entreprise multidomestique, Thales n’intervient pas dans les domaines de la domotique et de l’électronique grand public. Elle cherche en revanche à s’introduire dans de nouveaux pays : les États du Golfe, Arabie Saoudite et Abou Dhabi, intéressés à utiliser leurs pétrodollars pour se forger une industrie de haute technologie, la Turquie qui frappe aux portes de l’Europe et représente déjà un client important, où Thales a déjà une petite filiale, la Chine et l’Inde, la Russie dans une certaine mesure – le système russe apparaît moins lisible que les systèmes chinois ou indien –, le Brésil, etc. La toile d’araignée s’étend, mais Thales reste un joueur modeste : ses parts de marché tournent autour de 10-15 % et la compétition reste ouverte, notamment aux États-Unis où le groupe réalise environ un milliard de dollars de chiffre d’affaires, soit presque 10 % de ses ventes totales, dont 500 millions de ventes au Pentagone, performance honorable dans un pays pratiquement fermé dans le domaine militaire et dans un contexte politiquement peu favorable.

Il n’est pas question de laisser se diluer l’actionnariat salarié de Thales. L’objectif fixé en 1998 était de passer de 0 % à 5 % ; certes, l’opération avec Alcatel, du fait de la création d’actions nouvelles, réduit la part des salariés dans le capital, mais seulement en proportion. Le phénomène est donc moins grave qu’il y paraît. Le PDG de Thalès s’est engagé auprès des salariés à présenter au conseil d’administration une nouvelle tranche d’actionnariat pour retrouver le niveau des 5 %. Il faudra toutefois patienter jusqu’à l’arrivée de la partie « satellite » d’Alcatel, qui attend le feu vert de Bruxelles, prévu pour la mi-avril. Ce sera le bon moment d’organiser une opération d’accueil de tous les thalésiens en offrant à chacun l’occasion d’acheter des actions dans des conditions favorables. L’actionnariat présente pour le salarié un intérêt économique, au demeurant assez marginal, mais surtout un incontestable intérêt sur le plan pédagogique. Il constitue un extraordinaire outil de cohésion de tous les thalésiens qui, bien que travaillant à Singapour, Bagneux ou Sydney, sans parler la même langue ni travailler sur les mêmes produits, partagent le même nom et la même action.

Thales est très engagé dans les pôles de compétitivité ; c’est la conséquence normale de son ouverture sur le monde et du virage à 180° opéré au cours des dix dernières années. C’est notamment un acteur très significatif, sinon majeur, de six des quinze pôles de compétitivité mondiaux ou à vocation mondiale : SYSTEM@TIC Paris Région, dont le Président est le directeur de la Recherche de Thales, Aerospace Valley, dont le patron de l’usine de Bordeaux est coprésident, MINALOGIC en région Rhône-Alpes, Cap Digital Paris Région, Pôle Mer Bretagne et PACA et Images et Réseaux, toujours en région Bretagne. Le bilan est tout à fait positif, moins par l’argent que l’on en tire que par la dynamique créée grâce à la rencontre entre recherche publique, recherche privée et université, qui correspondait à un besoin latent. Le pôle grenoblois a incontestablement servi de précurseur. Il ne faut pas espérer plus d’une dizaine de pôles à potentiel mondial, mais on doit laisser vivre les autres, sans leur assurer le même train de vie, mais en les utilisant comme des outils de dynamisme régional, surtout s’ils peuvent contribuer à fédérer les universités, à l’évidence trop petites et trop nombreuses, par un mouvement organique naturel. Rappelons que sur les six pôles précités, il y a vingt projets de R & D coopérative portés par Thales ou avec sa participation, soit 250 M€. Et la part d’activité Thales sur ces projets est de 50M€ financés à hauteur de 35M€ par Thales et par 15 M€ de subventions.

La protection des intérêts stratégiques de l’État est un élément très important. Depuis 1998, Alcatel était actionnaire de Thales à des niveaux variables : 15 %, 25 %, récemment 10 % et désormais 21 %. C’est son premier actionnaire privé, cependant que la part de l’État est descendue de 60 % à 27 %. Celui-ci reste toutefois le premier actionnaire. Le passage d’Alcatel à Alcatel-Lucent, entreprise typiquement multinationale, quoique de droit français et avec un Président français – sa directrice générale, Mme Patricia Russo, est américaine et ses implantations réparties dans le monde entier, particulièrement en Amérique du Nord –, représentait un véritable défi. Tout naturellement, l’État français a souhaité revoir la convention actionnariale dans le sens d’une protection accrue de ses intérêts. Les administrateurs désignés par Alcatel au conseil de Thales devront désormais être de nationalité européenne ; les informations dues par Thales à son actionnaire Alcatel dans le cadre du conseil d’administration devront être traitées confidentiellement et de façon compartimentée par Alcatel ; le conseil de Thales veillera à ce qu’aucune influence étrangère ne transite par Alcatel dans le but de peser sur ses décisions. Si Alcatel-Lucent venait à manquer à ses engagements, la convention prévoit qu’il serait déchu de ses droits de vote ; l’État pourrait même le forcer à vendre. Enfin, si l’État et Alcatel étaient en désaccord sur un sujet stratégique pour Thales, et à défaut de pouvoir le régler à l’amiable dans un délai donné, le pacte serait dissous et le conseil d’administration de Thales voterait en toute liberté sans qu’Alcatel puisse user de son droit de veto. Toutes les dispositions ont été prises pour bénéficier tout à la fois de l’extension d’Alcatel-Lucent tout en prévoyant des mécanismes de protection extrêmement robustes.

Le président Patrick Ollier a remercié M. Denis Ranque pour son exposé passionnant et a souhaité une excellente année 2007 à Thales et à ses personnels.

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