Accueil > Archives de la XIIe législature > Comptes rendus de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (2006-2007)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

Mercredi 21 février 2007

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 27

Présidence de M. Patrick Ollier,
Président

 

page

– Examen du rapport d’application de la loi de rénovation urbaine du 1er août 2003

(M. Philippe Pemezec, rapporteur).


3

– Communication de MM. Henri Revol, sénateur, et Christian Cabal, député, sur leur rapport fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques « Politique spatiale : l’audace ou le déclin. Comment faire de l’Europe le leader mondial de l’espace ? »




9

– Examen de la proposition de résolution de MM. Guy Lengagne et Didier Quentin, sur le « troisième paquet de sécurité maritime », E3067, E3074, E3080, E3081, E3086, E3091 et E3092 (nos 3594 et 3595)

(M. Jean-Marc Lefranc, rapporteur).



12

– Examen du rapport d’information sur le bilan de l’activité de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire pendant la douzième législature (2002-2007)

(M. Patrick Ollier, rapporteur).



17

– Information relative à la Commission

19

Le Président Patrick Ollier a ouvert la réunion en indiquant que ce n’était pas sans émotion qu’il présidait la 302ème et dernière réunion de la commission qui, au début de la législature, par une volonté commune, a pris l’appellation de commission des affaires économiques. Pendant ces cinq années le travail accompli a été considérable et il est resté entièrement orienté vers le service de l’intérêt général, chaque membre ayant fait honneur à la fonction de député, dans un climat de travail exceptionnel de convivialité. En effet, chacun a tenu son rôle, l’opposition en faisant preuve de pugnacité et la majorité en appuyant les projets de loi présentés par le Gouvernement, mais la confrontation politique a toujours échappé, au sein de la commission, aux polémiques politiciennes et aux excès de langage ; la fermeté dans la défense de ses positions n’a jamais exclu la courtoisie vis-à-vis de ses contradicteurs.

L’ensemble des députés doivent être remerciés pour cette participation constructive, et plus particulièrement les responsables de chaque groupe, M. François Brottes, pour le groupe socialiste, M. Jean-Paul Charié, pour le groupe UMP, M. Daniel Paul, pour le groupe des députés communistes et républicains, M. François Sauvadet, pour le groupe UDF.

Doivent aussi être remerciés les administrateurs travaillant au service de la commission pour leur disponibilité et leur efficacité et leur gentillesse, comme tous les rapporteurs peuvent en témoigner, alors qu’ils ont été souvent mis en situation difficile en raison de la dimension parfois passionnée des débats et de la nécessité aussi de travailler dans des délais toujours tendus. Ces remerciements sincères s’adressent aussi aux secrétaires et aux agents qui ont appuyé l’activité de la commission, en arrière-plan, dans une position plus discrète mais d’une manière non moins efficace.

M. François Brottes, s’exprimant au nom du groupe socialiste, a tenu lui aussi à déclarer, au terme du marathon de la législature, combien il avait apprécié la qualité des relations de travail au sein de la commission, ainsi que la qualité des fonctionnaires qui, dans un esprit républicain, ont apporté leur concours à tous les membres de la commission, de quel que bord qu’ils soient.

Il a félicité le président Patrick Ollier d’avoir assuré la présidence dans un esprit d’équilibre, puisqu’il a su toujours ménager, d’un côté une forte implication personnelle et son devoir de maintenir la cohésion de la majorité, et de l’autre, son souci de veiller à maintenir l’ambiance de respect mutuel à l’échelle de toute la commission. Cet esprit d’équilibre n’a pas toujours animé d’autres présidences de commissions de l’Assemblée. Le président Patrick Ollier restera associé, dans l’histoire, à l’initiative du changement de dénomination de la commission, l’ancienne désignation de « commission de la production » étant devenue par trop obsolète. Cette nouvelle dénomination met bien en évidence le lien entre les projets de loi examinés et la réalité des situations du quotidien. La qualité du travail effectué au sein de la commission tient justement pour beaucoup à ce que ses membres maintiennent un enracinement profond dans la réalité locale et s’appuient en conséquence sur une expérience personnelle très profitable. Il est exact, enfin, que les désaccords politiques au sein de la commission n’ont jamais conduit à des débordements, chacun s’étant efforcé de maintenir un climat de courtoisie républicaine.

Le Président Patrick Ollier, en remerciant M. François Brottes, a insisté sur le rôle joué par le respect personnel réciproque dans la qualité des relations de travail au sein de la commission et a étendu ses remerciements à l’ensemble des membres du bureau de la commission qui l’ont constamment soutenu.

M. Serge Poignant a remercié à son tour M. Patrick Ollier pour son implication dans son rôle de président, observant qu’il avait été toujours très présent au cours des débats et avait été rarement amené à déléguer sa fonction. Le changement de dénomination de la commission a été une heureuse initiative car il faut souligner la pertinence des trois domaines évoqués dans cette dénomination : affaires économiques, territoire, environnement. S’il est vrai que le travail en commission est une dimension essentielle de l’activité législative, il faut savoir gré au président Patrick Ollier d’avoir toujours su donner à ce travail le temps et l’ampleur dont il a besoin. Cela a donc été un vrai plaisir de travailler pendant ces cinq dernières années au sein de cette commission dont les fonctionnaires doivent être aussi remerciés.

M. Jean-Paul Charié a salué la qualité du travail accompli au sein de la commission pendant les cinq années de la législature et s’est joint aux remerciements formulés tant par les représentants de la majorité que par ceux de l’opposition. Très attaché lui-même au dépassement des clivages politiques pour traiter les problèmes de fond, il a remercié les députés de l’opposition d’avoir rendu hommage à l’esprit d’ouverture qui a régné sur les débats de la commission pendant toute la durée de la législature. La France serait mieux gérée si cette capacité à dépasser les clivages politiques s’y développait ; elle serait mieux gérée aussi si, comme la commission en a donné l’exemple, la classe politique en général maintenait un contact plus étroit avec les détenteurs de l’information sur le terrain ; elle serait mieux gérée enfin, si elle faisait plus de place au respect de l’autre et au droit à la parole de chacun. Il est regrettable que le travail effectué en commission ne soit pas plus connu, les critiques relatives au petit nombre de députés présents dans l’hémicycle masquant la participation effective des députés aux travaux en commission qui constituent la base fondamentale de l’activité législative.

◊ ◊

Puis la Commission a procédé à l’examen du rapport de M. Philippe Pemezec, sur la mise en application de la loi de rénovation urbaine du 1er août 2003.

M. Philippe Pemezec, rapporteur, a rappelé que le 1er août 2003 était entrée en vigueur la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine : ce texte avait notamment pour ambition de « réduire les inégalités sociales et les écarts de développement entre les territoires ».

Par une mobilisation sans précédent des crédits de l’État, des collectivités locales et des partenaires sociaux en faveur de la rénovation urbaine et la création d’une agence nationale en charge de la gestion d’un programme pluriannuel de rénovation des quartiers sensibles, le législateur entendait ainsi refonder les quartiers en difficulté tout en rompant radicalement avec les méthodes traditionnelles du renouvellement urbain qu’incarnaient les grands projets de ville.

Cette volonté de promouvoir un véritable changement de culture de la politique de la ville – grâce à la création d’un guichet unique rassemblant tous les acteurs du renouvellement urbain et le développement d’un partenariat conventionnel – s’inscrivait dans une logique de promotion de grands principes essentiels à la cohésion sociale, tels que la mixité de l’habitat et l’égalité des chances.

Au volet urbain de la loi, s’ajoutaient trois volets connexes :

– un volet économique, visant la redynamisation de ces quartiers grâce à la relance des zones franches urbaines ;

– un volet social, concernant le traitement du surendettement avec la création d’une procédure de rétablissement personnel ;

– et un volet plus spécifique, visant le traitement des copropriétés dégradées.

Au terme de plus de trois années de mise en œuvre de la loi, il est nécessaire de faire un bilan de la mise en œuvre de ces quatre volets.

S’agissant du volet « rénovation urbaine », non seulement le bilan chiffré de la mise en œuvre du programme mais, plus encore, les témoignages recueillis sur le terrain comme à Clichy-Montfermeil ou à Rueil-Malmaison, sont éloquents et attestent le succès incontestable de la méthode retenue par le Gouvernement.

Au 1er février 2007, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) avait validé pour plus de 26 milliards d'euros de travaux programmés sur cinq ans. Près de 166 quartiers prioritaires auxquels s’ajoutent 236 autres quartiers sont déjà bénéficiaires du dispositif.

En outre, l’ensemble des acteurs rencontrés sur le terrain – maires, bailleurs sociaux et aménageurs – ont unanimement salué le changement de culture opéré dans le cadre du programme national de rénovation urbaine (PNRU) et le travail de partenariat accompli par l’ANRU depuis 2004.

Les auditions ont ainsi permis de constater que le guichet unique de l’ANRU favorise une mobilisation forte de tous les acteurs et que les subventions de l’agence produisent un effet de levier considérable sur l’ensemble des opérations ; c’est tout particulièrement le cas de la Seine-Saint-Denis, et par exemple de Clichy-Montfermeil. Le programme de rénovation urbaine permet aussi aux différentes parties prenantes d’avoir une vision à long terme sur les financements engagés puisque la programmation est pérenne et pluriannuelle. C’est donc une méthode efficace, synonyme de sécurité financière pour les opérateurs.

Ces auditions d’acteurs de terrain ont également permis de constater que les élus avaient saisi l’opportunité de ce programme pour allier la rénovation de l’habitat et une amélioration du lien social dans ces quartiers en difficulté. Ainsi à Rueil-Malmaison, le maire a-t-il souhaité qu’un certain nombre d’emplois sur le chantier soit réservé à des personnes en parcours de réinsertion. En outre, le projet urbain réserve des espaces conséquents et rénovés en vue de constituer un véritable pôle associatif.

S’il faut se féliciter de ce bilan jugé unanimement positif, il faut néanmoins insister sur quelques points permettant d’améliorer la mise en œuvre des projets de rénovation urbaine.

Tout d’abord, l’ANRU devrait davantage inciter les maires à mettre en place des équipes d’ingénierie indépendantes des autres acteurs impliqués dans les projets. Par ailleurs, un point très souvent souligné par les élus locaux concerne le problème de l’instabilité de la réglementation, notamment financière et comptable, de l’ANRU. Cette instabilité entraîne des retards dans la mise en œuvre des projets qui, une fois validés, doivent parfois être modifiés pour tenir compte des évolutions de la règle. Or il s’agit ici d’opérations lourdes, qui supposent une visibilité à moyen terme pour les acteurs.

Un troisième point concerne la nécessité de réduire les délais de paiement des subventions par l’agence. A cet égard, le système d’avances de l’ANRU est une bonne idée, mais il conviendrait de le simplifier car actuellement, les porteurs de projets doivent fournir les mêmes documents pour obtenir une avance que pour obtenir une subvention ! Cela semble contraire au but recherché.

Il convient d’aller plus loin, et au-delà de la rénovation, favoriser la destruction d’immeubles lorsque ceux-ci sont trop dégradés. Cela suppose également de construire des projets qui, d’un point de vue architectural, s’intègrent harmonieusement dans le paysage des habitants.

Enfin, favoriser la mixité de l’habitat semble un point essentiel dans les projets de rénovation urbaine. C’est d’ailleurs pour cette raison que la loi portant engagement national pour le logement prévoit l’application d’un taux réduit de TVA aux opérations d’accession sociale à la propriété réalisées en zone « ANRU ».

Il convient d’aller plus loin et de favoriser le développement d’un parc privé à loyer libre dans ces zones très dégradées. C’est pourquoi le rapporteur a proposé des modifications d’ordre législatif, améliorant le régime fiscal des opérations réalisées par l’association Foncière logement en quartier « ANRU », qui ont été déclinées sous forme d’amendements au projet de loi instituant un droit au logement opposable.

Abordant le volet économique de la loi de 2003, le rapporteur a estimé que les créations d’emploi enregistrées dans les trois générations de zones franches urbaines (ZFU), celles de 1996, celles de 2004 et celles de 2006, témoignaient du succès de ce dispositif de soutien fiscal à la redynamisation économique des quartiers en difficulté.

Ainsi, les salariés déclarés par les entreprises établies dans ces zones sont passés de 31 000 en 1997 à 57 000 en 1999. En 2000, le nombre de salariés employés dans les établissements situés en ZFU était estimé à 62 000, dont 54 000 bénéficiaient d’une exonération. Dans les 85 zones existantes, 13 500 établissements bénéficient d’exonérations de cotisations patronales, concernant 68 600 salariés.

Ce dynamisme des ZFU s’est confirmé en 2004 : dans les nouvelles zones franches, deux embauches sur trois ont lieu dans des établissements qui viennent de s’implanter dans la zone. Dans un cas sur deux, il s’agit d’un établissement nouvellement créé. Les embauches recensées en ZFU concernent majoritairement le secteur des services aux entreprises (30 %) et le secteur de la construction (25 %). Dans les « ZFU 2004 », la majorité des embauches (40 %) concerne des postes d’employés.

Selon les objectifs fixés par le Gouvernement, on attend de la création en 2006 de 15 nouvelles ZFU une augmentation de 50 % du nombre d’entreprises et de 12 000 emplois supplémentaires, dont 4 000 pour les habitants des quartiers.

S’agissant du volet « traitement des situations de surendettement » de la loi, le nombre croissant de personnes en situation de surendettement en raison d’une rupture familiale ou de la perte de leur emploi ne fait que souligner à quel point prévention et traitement en aval des situations de surendettement vont de pair, afin, notamment, d’aider les personnes surendettées à sortir de la spirale de la précarisation.

Pour ce qui concerne le traitement juridictionnel du surendettement, il faut attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité de renforcer des moyens dont disposent les magistrats et la définition même de la procédure mérite sans doute d’être quelque peu revue.

La Commission des affaires économiques a d’ailleurs adopté le 7 février 2007 des amendements que le rapporteur avant déposés en ce sens avec le rapporteur pour avis sur le projet de loi instituant un droit au logement opposable. Ces amendements, issus de propositions du rapport du comité de suivi de la procédure de rétablissement personnel, présidé par M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation, poursuivent plusieurs objectifs :

– favoriser le maintien dans leur domicile des locataires faisant l’objet d’une procédure de rétablissement personnel, en contrepartie du non-effacement de la dette locative par le juge de l’exécution ;

– clarifier la distinction entre procédure « classique » de traitement du surendettement et procédure de rétablissement personnel ;

– permettre la communication, au juge de l’exécution, des renseignements relatifs à la situation du débiteur ;

– améliorer la définition des biens exclus de la liquidation ;

– et exclure des mesures de rééchelonnement et d’effacement les dettes résultant de faits volontaires ou involontaires présentant le caractère matériel d’infractions pénales.

Enfin, s’agissant du traitement des copropriétés dégradées, l’arsenal législatif est aujourd’hui fort complet, puisque la loi du 1er août 2003 a été complétée par l’adoption de deux ordonnances, relatives au traitement de l’habitat insalubre et dangereux.

Après l’exposé du rapporteur, M. Pierre Cohen a qualifié l’approche du rapporteur de « gestionnaire », en expliquant que l’ANRU avait pour objectif de casser les ghettos et que cela supposait de ne pas se contenter d’une vision strictement urbanistique ou centrée sur l’habitat mais de prendre en compte les conditions de vie des habitants dans leur globalité.

L’objectif de l’ANRU était de constituer un guichet unique et il s’agit là d’un élément à porter au crédit de la loi de 2003. Pour autant, au vu de ce qu’on voit sur le terrain, on ne perçoit pas d’évolution sensible dans les quartiers, pas plus qu’on ne constate de changement dans les banlieues affectées par la crise de l’année 2005.

Il faut déplorer un manque d’accompagnement des populations ainsi qu’un tarissement des sources de financement public des associations, en dépit de la hausse de 100 millions d’euros des crédits de la ville, abondés à la dernière minute dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2006.

Force est de constater l’échec des projets de démolition/reconstruction qui se heurtent à de nombreuses difficultés : s’il est relativement aisé de détruire des immeubles très dégradés lorsqu’ils sont vides, en revanche il faut compter avec l’attachement, certes paradoxal, des habitants à leurs immeubles lorsque ceux-ci sont occupés. Des procédures complexes d’accompagnement doivent être mises en œuvre, et il convient également de réfléchir au périmètre dans lequel ces populations doivent être relogées. La mixité sociale exige que l’on ne raisonne pas à l’échelle du seul quartier où sont situés les immeubles à démolir, mais au delà, notamment dans les communes avoisinantes. Mais cela n’est pas toujours chose facile, comme en atteste la réticence de certaines d’entre elles à respecter les obligations découlant de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain.

Il serait utile que le rapporteur donne des éléments sur l’ampleur des programmes de destruction/reconstruction au niveau national. S’agissant des zones franches urbaines (ZFU), les chiffres qu’il a avancés témoignent, bien plus que de la réussite de ce dispositif, de la multiplication des effets d’aubaine. Le taux de chômage dans les zones concernées montre bien que les vraies réussites restent marginales. Il est vrai qu’il y a peu de recettes et que chacun doit faire preuve d’humilité.

M. Serge Poignant a salué l’exercice consistant à dresser le bilan d’une loi qui permet aux députés d’apprécier l’effectivité des mesures qu’ils adoptent et d’identifier les moyens de les améliorer à l’avenir. La politique de la ville et les questions soulevées à propos des démolitions/ reconstructions constituent des débats essentiels, qui présentent des conséquences concrètes sur la vie de tous les jours au cœur des grandes agglomérations. La mixité sociale exige également que l’on favorise l’accession à la propriété.

Le rapporteur a précisé que ses visites sur le terrain lui avaient permis de constater un état d’avancement différent des dossiers selon les communes. Certains maires semblent en effet désemparés devant l’ampleur des problèmes ou manquent parfois de moyens pour mettre en œuvre les projets qu’ils ont élaborés pour leur ville. L’ANRU constitue de ce point de vue une véritable « révolution culturelle » et un excellent outil pour les maires.

Il convient par ailleurs d’être patient avant de pouvoir juger des effets de la création de l’ANRU sur le terrain : la crise des banlieues aurait sans doute été bien plus grave sans la loi de 2003 et les premiers effets qu’elle avait commencé à produire. Ce « plan Marshall » des banlieues que constitue l’ANRU fait l’objet d’une appréciation positive par les élus quelle que soit leur formation politique. Ainsi le maire de Boulogne-sur-mer se félicite-t-il des moyens mis à sa disposition dans ce cadre, même si l’on peut porter un jugement mitigé sur le parti pris architectural finalement retenu. Les villes de Mantes-la-Jolie ou de Rueil-Malmaison se sont rapidement approprié le dispositif qui se met progressivement en œuvre à Montfermeil et plus lentement à Aulnay.

Les réticences auxquelles les programmes de démolition sont parfois confrontés peuvent être désamorcées à force de pédagogie et de volontarisme ; les reconstructions doivent en effet être envisagées sur un périmètre étendu au-delà des limites de celles des démolitions, car elles peuvent ainsi constituer un levier en faveur de la mixité sociale.

Mme Marcelle Ramonet a décrit l’exemple du programme de la ville de Quimper qui concerne 380 logements ; 280 d’entre eux doivent être démolis et 100 l’ont d’ores et déjà été dans le cadre du contrat de ville en anticipant le versement de l’ANRU. Cent familles ont été relogées et trois personnes du conseil général, du centre communal d’action sociale et de l’office public HLM se consacrent à leur accompagnement. Par exemple la commune leur a fait visiter le quartier où leur relogement était prévu avant les démolitions, ce qui explique sans doute le fort taux de satisfaction de ces familles. Ce sont pas moins de 60 millions d’euros qui sont consacrés à ce programme.

Le Président Patrick Ollier a souligné que la création de l’ANRU avait été marquée par une nouvelle approche en vertu de laquelle la politique de la ville et la mixité sociale sont l’affaire de toutes les communes et non des seules communes que l’on qualifierait de « pauvres ». Un de ses amendements à l’article 6 de la loi de 2003 a permis de rendre éligibles aux financements de l’ANRU l’ensemble des communes, pourvu qu’elles présentent des projets à caractère social, et ce, quel que soit leur niveau de richesse. C’est ainsi qu’un programme de 200 logements a pu être financé à Rueil-Malmaison, suscitant la satisfaction des habitants. L’action de l’ANRU est utile à l’intérêt général, sans être le seul instrument. Il y a fort à parier que si l’opposition revenait au pouvoir, elle ne supprimerait pas l’Agence.

M. Pierre Cohen ayant demandé au rapporteur quel pourcentage de l’ensemble des logements sociaux les logements financés par l’ANRU représentaient, le rapporteur lui a indiqué qu’il apporterait cette précision dans son rapport.

A l’issue de ce débat, la Commission a décidé, à l’unanimité, le dépôt du rapport en vue de sa publication, en application de l’article 86, alinéa 8, du Règlement.

◊ ◊

Puis, la Commission a entendu MM. Henri Revol, sénateur et Christian Cabal, député, sur leur rapport fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques « Politique spatiale : l’audace ou le déclin. Comment faire de l’Europe le leader mondial de l’espace ? ».

Après s’être associé à l’hommage rendu au président Patrick Ollier et s’être réjoui de ce que l’Office puisse présenter ses rapports devant la commission, M. Henri Revol, président de l’OPECST, a rappelé que deux rapports précédents de l’office ont été consacrés aux questions spatiales, en 1991 et en 2001.

Le présent rapport, préparé à la suite de la saisine de l’office, le 3 mai 2005, par la commission des affaires économiques du Sénat, a un caractère plus prospectif, axé sur les perspectives d’évolution après Ariane 5 et la navette spatiale. Les travaux d’investigation se sont appuyés sur un comité d’experts, plus de cent cinquante auditions et rencontres, ainsi que des missions en Russie, aux Etats-Unis, en Chine et en Inde, qui ont mis en évidence les profondes évolutions du contexte depuis 2001.

M. Christian Cabal, rapporteur, a rappelé que la situation était restée stable pendant quinze ans, caractérisée essentiellement par les programmes liés à la navette spatiale qui a connu quelques difficultés. La Russie, grande puissance spatiale historique, était engagée alors dans une restructuration économique et politique profonde.

Depuis deux ans, de nombreux changements sont intervenus.

Les Etats-Unis, qui consacrent des crédits extrêmement importants aux programmes militaires, ont défini un nouveau programme à visée planétaire, ayant pour objectifs la Lune, puis Mars, et pour lequel, dans un premier temps, des crédits supérieurs à 40 milliards de dollars sont alloués, avec une ferme volonté politique de le réaliser rapidement. Dans cette perspective, la navette spatiale américaine est délaissée, au profit des lanceurs, qui permettent d’effectuer des opérations de montage en orbite : on assiste ainsi à la modernisation de technologies connues depuis plus de trente ans, mais sûres. Les Etats-Unis sont de retour, avec des visées de domination spatiale unilatérale à brève échéance.

Parallèlement, la Russie, grâce aux moyens financiers dégagés de l’exploitation de ses matières premières, réinvestit prioritairement dans le spatial.

D’autres pays émergent avec des programmes spatiaux complets (expérimentations, vols habités, systèmes militaires). La Chine a mené récemment des expériences inquiétantes de militarisation de l’espace, développe un système de GPS et prévoit un atterrissage sur la Lune dans cinq à sept ans. L’Inde a atteint un niveau technologique particulièrement élevé et son programme spatial comprend également les vols habités et un atterrissage sur la Lune. EADS participe d’ailleurs à des partenariats avec l’Inde dans les programmes satellitaires. Quant au Japon, il est particulièrement discret sur ses programmes. Il faut également citer la Corée du Sud, dont les priorités sont militaires, le Brésil, qui effectuera très bientôt des lancements de satellites, Israël et l’Iran qui développe ses moyens balistiques.

La France, qui était l’une des premières puissances dans le domaine spatial, stagne. Si elle se contente de maintenir ses efforts au niveau de ceux de la décennie écoulée, elle rétrogradera dans la compétition internationale, dans tous secteurs, scientifique, commercial et de souveraineté. Les résultas actuels, satisfaisants, ne seront plus qu’un souvenir dans trois ans, sans une augmentation significative de l’effort financier.

M. Henri Revol, président de l’OPECST, a indiqué que le rapport dressait le constat, face à la situation qui venait d’être décrite, de la frilosité de la politique spatiale française et européenne, et déploré l’essoufflement de l’effort public français. Si la France reste la première puissance spatiale européenne, son engagement décélère depuis 2000, à la différence des autres Etats membres de l’Union. La subvention du Centre national d’études spatiales (CNES), seul élément de redressement, permet à peine de faire face à l’inflation. La contribution française représente 34 % de l’effort européen, celle de l’Italie 20 %, celle de l’Allemagne 18,6 %, celle du Royaume-Uni 8,2 % et celle de l’Espagne 5 %. Toutefois, le budget européen ne s’élève qu’à un peu moins de cinq milliards d’euros, soit cinq à sept fois moins que le budget civil américain, et vingt fois moins que le budget militaire connu.

Après une période de croissance de 1996 à 2000, l’industrie spatiale européenne a connu un retournement brutal en 2001, l’ensemble du chiffre d’affaires baissant de 28 % entre 2000 et 2005, tandis que les effectifs diminuaient de 19 %. Il faut donc sonner l’alarme, alors que les bureaux d’études européens manquent de perspectives et peinent à attirer de jeunes ingénieurs.

M. Christian Cabal, rapporteur, a regretté que les succès des tirs réguliers de lanceurs Ariane laissent l’impression, fausse, que la situation est satisfaisante et que les vols commerciaux permettront au secteur de s’autofinancer, alors qu’il reste des besoins considérables à satisfaire, qu’il s’agisse de Galileo ou du système GMES d’observation de la planète. Les structures mises en place sont particulièrement complexes, associant l’Union européenne et l’Agence spatiale européenne (ESA), ce qui entraîne un retard considérable de cinq ans pour Galileo et un surcoût estimé à deux milliards d’euros. Par ailleurs, la composante militaire du GPS, utilisé par tous les systèmes d’armes, mais les Etats-Unis sont seuls capables de brouiller, explique le blocage du programme Galileo par l’US Air Force à l’OTAN. Le GMES, deuxième programme d’avenir, comporte quant à lui des systèmes d’observation américains, russes, chinois et européens.

M. Henri Revol, président de l’OPECST, a invité les commissaires à prendre connaissance des cinquante recommandations jointes au rapport, aussi précises que concrètes. Il a insisté sur la nécessité pour l’Union européenne de ne pas abandonner les vols habités et d’envisager des programmes de grande ampleur, comme le font les autres puissances spatiales, alors qu’elle dispose des connaissances scientifiques et des programmes de coopération nécessaires.

D’autre part, il faut doubler les efforts européens en matière de défense, le déséquilibre actuel avec la stratégie américaine (dans un rapport de 1 à 20) étant extrêmement dangereux.

Le Président Patrick Ollier a exprimé son inquiétude devant les évolutions décrites et a souhaité que les crédits de la défense ne soient pas envisagés comme une variable d’ajustement au cours de la campagne pour les élections présidentielles.

M. Pierre Cohen a salué la qualité du travail réalisé par l’Office et notamment du panorama très fin des programmes spatiaux engagés dans le monde. Il a regretté que la France ait baissé le rythme de son implication dans le domaine de l’espace et que l’Europe soit affaiblie dans la concurrence mondiale. Malheureusement, l’espace est souvent seulement perçu comme la réalisation d’un rêve ou comme une marque de puissance, alors que la baisse des investissements dans ce domaine risque d’avoir de graves répercussions sur les activités économiques et culturelles, ainsi que dans le secteur de l’information. Il est donc nécessaire de faire comprendre à tous que l’espace constitue un secteur stratégique.

Son abstention lors de la présentation du rapport à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques s’explique par son scepticisme à l’égard des vols habités. Le président Bush a fait du réatterrissage sur la Lune un enjeu stratégique mais que les Etats-Unis ont les moyens de le financer pour asseoir leur puissance, ce qui n’est pas le cas de l’Europe. Depuis l’accident d’Ariane 5, les crédits disponibles ont été mobilisés pour l’accès à l’espace et pour démontrer la fiabilité de ce lanceur par rapport au précédent. Il est donc impossible pour la France et l’Europe de se lancer dans des programmes de vols habités sans moyens colossaux. Ce constat ne remet pas en cause notre compétence scientifique et nos connaissances en robotique qui restent excellentes. Cependant l’accès à Mars représente un point fondamental de l’accès à l’espace et il est dommage que l’ensemble des partenaires européens ne se mobilisent pas sur cet objectif. Toute stratégie d’alignement sur les Américains serait dangereuse. L’accord donné à l’époque par le Président Jacques Chirac pour le financement à hauteur d’un milliard de francs par an de la station spatiale n’était pas opportun, cet argent n’ayant servi à rien.

S’agissant du spatial militaire, l’absence de moyens supplémentaires accordés par le ministère de la défense depuis cinq ans, contrairement aux Etats-Unis qui misent beaucoup sur leur industrie duale, est critiquable. Du reste, il faut englober la sécurité dans une problématique plus large que sa seule composante militaire en y intégrant notamment une dimension environnementale. A cet égard, le programme GMES n’a pas été suffisamment mis en avant.

M. Serge Poignant a remercié les rapporteurs de l’Office pour leur excellent travail, très approfondi, sur un sujet d’actualité. Cette alarme est fondamentale. L’enjeu du spatial est un tout, la dimension commerciale ou les vols habités ne pouvant être par exemple dissociés. Quel est l’état d’avancement du programme américain « Constellations » ? N’y a-t-il pas un problème de gouvernance européenne, au-delà des questions financières ? Les nouvelles ambitions de la Chine et de l’Inde, qui sont capables de consacrer des moyens financiers considérables à des programmes spatiaux sont impressionnantes. Ces deux pays se sont dans le même temps opposés à la mise en œuvre de nouvelles technologies plus respectueuses de l’environnement sur leur territoire lors de la réunion de préparation du G8 sur le changement climatique qui s’est déroulée la semaine dernière à Washington. Cette relativité de considération de moyens financiers doit être mise en avant dans les discussions sur les émissions de gaz à effet de serre à engager avec ces pays pour l’après 2012.

M. Jean-Paul Charié a approuvé le constat des rapporteurs. La France a encore de beaux restes dans le domaine spatial mais elle est en train de se faire dépasser. L’Office devrait aider la représentation nationale à vulgariser davantage les vrais enjeux de l’espace et à montrer pourquoi ce secteur est si important. Pourquoi est-il si difficile de mobiliser nos partenaires européens et davantage de Français, sachant que sur ce sujet n’existe pas de clivage politique ? La France doit être unanime à soutenir ce secteur.

M. Christian Cabal, rapporteur, a indiqué qu’une partie des réponses figurait dans le rapport de l’Office. Il a reconnu qu’une mobilisation de l’opinion publique devait effectivement être engagée pour amener les gouvernements à accroître leurs efforts dans la recherche spatiale.

M. Henri Revol, président de l’OPECST, a ajouté qu’une recommandation sur la gouvernance européenne figurait dans le rapport. Quant au programme américain, il ne correspond pas simplement à un discours du président Bush mais renvoie déjà à une réalité. Les appels d’offres ont été lancés et Lockheed Martin est actuellement en train de construire deux lanceurs et le véhicule Orion. La Chine dispose aussi déjà d’équipements considérables, avec une cité des étoiles représentant dix fois celle de Toulouse et la plus grande chambre hélicoïde du monde. Quant à l’Inde, son centre de lancement sera bientôt bien plus grand que Kourou et un bâtiment énorme est en cours de construction pour abriter la nouvelle fusée.

M. Pierre Cohen s’est demandé quelle allait être l’utilisation de ces installations, au-delà de la volonté pour ces Etats d’asseoir leur puissance.

Le Président Patrick Ollier a estimé que ces installations allaient sans doute servir à des opérations commerciales importantes de lancement.

M. François Dosé a indiqué que la 51ème recommandation serait sans doute de faire de cette problématique du spatial une problématique non pas de la France mais des Français. Il est essentiel de faire de l’espace un enjeu pour l’ensemble de la communauté nationale. Il appartient à cet égard aux représentants de la Nation d’expliquer à l’ensemble de leurs concitoyens que l’espace est avant tout un problème du quotidien.

Le Président Patrick Ollier a remercié les rapporteurs de l’Office pour leur travail d’analyse et de réflexion qui montre la capacité de l’Office de transcender les clivages politiques et les différences entre les deux chambres du Parlement.

◊ ◊

La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Jean-Marc Lefranc, la proposition de résolution sur le « troisième paquet de sécurité maritime », E3067, E3074, E3080, E3081, E3086, E3091 et E3092 (nos 3594 et 3595).

M. Jean-Marc Lefranc, rapporteur, a indiqué que la commission des affaires économiques avait été saisie d’une proposition de résolution présentée par MM. Guy Lengagne et Didier Quentin, au nom de la Délégation pour l’Union européenne en application de l’article 88-4 de la Constitution, sur laquelle la Commission devait se prononcer en application de l’article 151-1 du Règlement de l’Assemblée nationale.

Il est usuel de rappeler que l’environnement maritime de la France est un atout économique majeur pour notre pays ; avec ses 5500 kilomètres de côte et sa zone économique exclusive de plus de 11 millions de kilomètre carrés, la France est et doit être un pays résolument tourné vers la mer, puisqu’il y a là un gisement d’emplois et de croissance à côté duquel nous ne pouvons pas passer.

Compte tenu de l’actualité, comment ne pas rappeler également que cet atout géographique peut être source de graves pollutions et de drames humains et écologiques, contre lesquels il faut savoir se prémunir. D’abord, on rappellera qu’un navire, le Rokia Delmas, est échoué sur les plages de l’île de Ré ; aux dernières nouvelles, les mauvaises conditions météo ont encore ralenti le déchargement de la cargaison du porte-conteneurs qui est échoué depuis le 24 octobre dernier. Par ailleurs, à l’heure qu’il est, le MSC Napoli, abandonné par son équipage en pleine tempête le 20 janvier au sud-ouest de l’Angleterre, continue de souiller nos magnifiques côtes bretonnes, provoquant la mobilisation des riverains pour nettoyer les plages.

Enfin et surtout, le difficile procès du naufrage de l’Erika vient de s’ouvrir devant le tribunal correctionnel de Paris ; chacun sait le drame que représente ce naufrage pour les populations de Loire-atlantique et plus largement de tout le pays, et il faut d’ailleurs féliciter le député M. Christophe Priou, député, qui, en tant que maire du Croisic et partie civile dans ce procès, s’est beaucoup investi pour que les responsabilités soient clairement démêlées. Pourtant, ce procès s’annonce très difficile compte tenu du cadre législatif existant au moment du drame.

Au moment où la Commission examine cette proposition de résolution, l’objectif qu’il faut se fixer est donc évident : mettre en œuvre un cadre juridique suffisamment clair pour que les errances judiciaires auxquelles nous allons immanquablement assister dans le cadre de l’Erika ne puissent plus arriver, et qu’à travers cette clarification l’on puisse véritablement dissuader les comportements inacceptables de certains armateurs voyous.

A cette fin, la présente proposition de résolution porte sur le « troisième paquet maritime » composé de sept propositions d’actes législatifs communautaires :

– une proposition de directive sur la responsabilité des Etats du pavillon ;

– la modification de la directive sur les sociétés de classification ;

– la modification de la directive sur le contrôle de l’Etat du port ;

– la modification de la directive sur le suivi du trafic ;

– une proposition de directive sur les enquêtes après accidents ;

– une proposition de règlement sur l’indemnisation des passagers en cas d’accident maritime ;

– une proposition de directive sur la responsabilité civile des propriétaires de navires.

Il s’agit d’un troisième paquet maritime particulièrement ambitieux, et il faut se féliciter, à l’heure où les critiques de la construction européenne vont bon train, que l’Europe ait été un acteur majeur du renforcement de la sécurité maritime. Il ne faut pas avoir peur de dire que sans l’Europe, les responsables politiques de la France en seraient encore à pleurer à chaque naufrage, tant il est vrai que seule une action volontariste au niveau international est efficace dans ce domaine.

Pour mémoire, on rappellera d’ailleurs que les deux premiers paquets maritimes, dits paquets Erika I et II, ont déjà, en 2000 puis en 2002, posé les jalons qu’un cadre communautaire de la sécurité maritime :

– en imposant des obligations de contrôle à l’Etat du port (Erika I) ;

– en créant des standards de contrôle des navires faisant escale dans les Etats membres (Erika I) ;

– en éliminant progressivement les navires à simple coque (Erika I) ;

– en mettant en place un système communautaire de suivi du trafic (Erika II) ;

– en créant une agence européenne de la sécurité maritime (Erika II).

Que va changer ce troisième paquet dans notre arsenal juridique ? Pour synthétiser, on peut dire qu’il va responsabiliser davantage les acteurs du transport maritime et sécuriser les conditions de la navigation commerciale au large des côtes européennes.

En premier lieu, la première proposition de directive prévoit de renforcer les obligations de l’Etat du pavillon, c'est-à-dire de l’Etat qui va immatriculer un navire. Le paquet Erika I a déjà imposé un contrôle des navires par l’Etat du port ; mais dans une Europe à 25, avec des Etats comme Chypre ou Malte dont chacun connaît la souplesse en matière de contrôle des navires, il importe de responsabiliser davantage les Etats membres. A cette fin, cette première proposition prévoit d’intégrer en droit communautaire les procédures d’audit prévues par le code de l’organisation maritime internationale ; ainsi, conformément à l’article 1 de cette proposition de directive, « une interprétation harmonisée des mesures prévues par les conventions de l’OMI pourra être mise en œuvre, alors qu’elle est aujourd’hui laissée à l’appréciation des parties contractantes à ces conventions ».

Cette directive est donc particulièrement intéressante en matière de coopération internationale, puisque le droit communautaire vient, pourrait-on dire, « au secours » du droit international de l’OMI afin de le rendre plus effectif, ce dont il faut se féliciter.

La deuxième proposition de directive porte sur les sociétés de classification, qui sont les sociétés habilitées à effectuer les tâches d’inspection, de visite et de certification des bateaux au nom des Etats membres.

Cette proposition de directive a deux objectifs importants ; le premier consiste à instituer un système de contrôle et de certification des modalités selon lesquelles les organismes agréés vont effectuer leurs contrôles des navires. Deuxièmement, cette proposition de directive prévoit un dispositif de sanctions à l’encontre des organismes de contrôle qui ne se conforment pas aux nouveaux standards européens applicables dans ce domaine. Il faut pouvoir suspendre ou retirer l’agrément des organismes de contrôle qui ne sont pas dans les normes.

Ce troisième paquet prévoit par ailleurs la modification de la directive sur le contrôle par l’Etat du port ; ainsi que l’indique ambitieusement l’article 1er de cette proposition de directive, « la présente directive a pour objet de contribuer à une diminution radicale des transports maritimes inférieurs aux normes naviguant dans les eaux relevant de la juridiction des Etats membres ».

A cette fin, la directive prévoit de mieux faire respecter la législation internationale et la législation communautaire régissant la sécurité maritime, la sûreté maritime et la protection du milieu marin ; elle prévoit aussi d’établir des critères communs imposant un contrôle des navires par l’Etat du port et en uniformisant les procédures d’inspection et d’immobilisation des navires. En réalité, cette proposition de directive a pour objet de répondre aux attentes exprimées par le Parlement européen et le Conseil suite à l’accident du Prestige, ce dont chacun doit se féliciter.

La troisième proposition de directive est particulièrement importante puisqu’elle prévoit d’étendre la responsabilité civile des propriétaires de navires ; à ce titre, elle est aussi la plus controversée. Actuellement, la responsabilité des propriétaires de navires est régie par la convention de 1976 sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes, à laquelle s’ajoutent certaines conventions sectorielles sur la pollution par hydrocarbures par exemple. L’ensemble de ces conventions limite la responsabilité des propriétaires, notamment au plan financier, ce qui n’incite pas ces propriétaires à accorder à la sécurité maritime l’intérêt financier qu’elle requière. La Commission européenne estime donc qu’il faut responsabiliser davantage ces acteurs, en déplafonnant la responsabilité civile des propriétaires dans le cadre du FIPOL ; cette proposition a suscité une levée de bouclier des lobbies, et il faut donc que la commission des affaires économiques montre son attachement à cette mesure.

Parallèlement, la Commission européenne cherche à promouvoir un dispositif très strict d’assurance obligatoire des navires. Ces nouvelles garanties financières doivent permettre de couvrir la responsabilité civile en cas de dommages aux tiers mais aussi la responsabilité en cas d’abandon des gens de mer.

Le deuxième axe de ce paquet maritime repose sur la sécurisation de la navigation, qui mérite d’être évoqué plus rapidement dans la mesure où il est plus technique.

Le présent paquet prévoit une modification de la directive sur le suivi du trafic, afin de tirer les conséquences de l’accident du Prestige. Il faut prévoir une structure claire de décision en cas d’urgence maritime et une autorité indépendante disposant des compétences permettant de prendre les décisions qui s’imposent. La Commission européenne prévoit par ailleurs d’avancer sur la création d’un système de gestion du trafic au niveau européen.

L’élément de cette directive qui fait débat porte sur la désignation des lieux de refuge des navires en perdition ; la proposition de directive prévoit que ces lieux refuges doivent être désignés par une autorité « indépendante », ce qui ne correspond pas vraiment à notre structure administrative et politique dans un domaine aussi important. La proposition de directive devrait être modifiée sur ce point et précisée sur les garanties financières attachées à ces lieux refuges.

Une autre proposition de directive porte sur les enquêtes après accident ; pour faire vite, il s’agit de rendre les enquêtes après accidents dans le domaine maritime aussi efficaces qu’elles le sont dans le domaine du transport aérien. Cette directive prévoit d’agir sur la rapidité de l’enquête et sur la communication entre les Etats membres de résultats de l’enquête.

Enfin, ce troisième paquet prévoit une proposition de règlement portant sur la responsabilité des entreprises assurant le transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure en cas d’accident. Afin d’augmenter de manière générale la sécurité des navires à passagers, ce règlement prévoit d’incorporer dans le droit communautaire les dispositions de la convention d’Athènes de 1974, telle que modifiée notamment en 2002.

La proposition de résolution de la Délégation sur ce troisième paquet maritime propose d’appuyer, avec quelques réserves tout à fait justifiées, l’approche de la Commission européenne dans ce troisième paquet maritime. Les rapporteurs de la Délégation ont accompli un excellent travail ; la rédaction de la proposition de résolution semble en effet parfaitement refléter la position française et les préoccupations de la commission des affaires économiques, elle vise en effet à mieux protéger nos côtes, sans pour autant porter une atteinte économiquement disproportionnée à l’activité des transporteurs maritimes. Il convient donc d’adopter cette proposition de résolution dans la rédaction prévue par la Délégation.

Après l’exposé du rapporteur, M. Serge Poignant, au nom du groupe UMP, a déclaré que cette proposition de résolution attestait du rôle fondamental que joue l’Europe en matière de sécurité maritime. Après les paquets précédents, les axes de réforme contenus dans ce troisième paquet sont nombreux et font de l’Europe une figure de proue sur ce sujet et, au-delà, sur celui de la protection de l’environnement marin.

La France a pris toute sa part dans ce travail et se doit de rester exigeante en matière de sécurité maritime. Les rapporteurs de la Délégation de l’Assemblée nationale à l’Union européenne ont pris une excellente initiative en déposant cette proposition de résolution pour soutenir la volonté de la commission des transports du Parlement européen, non partagée par le Conseil, d’adoption rapide et dans sa globalité de ce troisième paquet. C’est une solution évidemment bien préférable à celle qui consisterait à légiférer sous l’empire d’une pollution majeure.

Cette proposition a d’autant plus de pertinence et de résonance qu’elle se place dans le contexte de l’ouverture, la semaine dernière, du procès de l’Erika ; l’ensemble de nos concitoyens ne peut qu’y être très sensible.

L’ambition est de doter l’Europe d’une véritable politique commune de sécurité maritime qui lui permette à la fois de se prémunir contre les dommages causés par les navires ne respectant pas les normes européennes et de poursuivre l’objectif de création d’un espace maritime communautaire. Dans cet esprit, le troisième paquet comporte, en particulier, deux propositions phares que le groupe UMP soutient sans réserve, relatives au respect des obligations de l’État pavillon et à la responsabilité civile des propriétaires de navires. Il faut maintenant souhaiter qu’au-delà de l’aboutissement de ce paquet, la Commission puisse faire évoluer les positions de l’OMI vers le principe de la responsabilité illimitée des propriétaires de navires.

Le rapporteur a indiqué qu’il mesurait les progrès faits dans le domaine de la sécurité maritime depuis 2003, époque à laquelle il avait déjà été amené à traiter cette question en tant que rapporteur. Il est effectivement important de traiter cette question dans le cadre d’un projet global et on doit se féliciter de l’importance accordée par le Parlement européen à la mise en place d’une responsabilité illimitée. Ce genre de mesures serait propre à rassurer tous les habitants exposés à des risques maritimes, notamment les riverains de la Manche qui s’inquiètent de voir circuler dans le rail maritime de la Manche des navires monumentaux chargés de produits dangereux.

La Commission a ensuite adopté l’article unique de la proposition de résolution sans modification.

◊ ◊

Enfin, la Commission a procédé à l’examen du rapport d’information de M. Patrick Ollier sur le bilan de l’activité de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire pendant la douzième législature (2002-2007).

Le Président Patrick Ollier, rapporteur, a indiqué que cette réunion était la dernière de la législature sous réserve de l’éventualité d’une autre convocation d’ici le mois de juin, à tout moment, si une circonstance grave de la vie politique ou économique de notre pays le rendait nécessaire puisque la session n’est pas terminée.

Il a exprimé ensuite le souhait d’obtenir l’accord de la commission sur le principe de l’établissement et de la publication d’un bilan de législature, sous la forme d’un rapport d’information qui serait rendu disponible pour la fin du mois de mars. Ce rapport a vocation à recenser la quantité et la diversité des travaux effectués par la commission depuis 2002. Il regroupera un certain nombre de données, principalement statistiques, concernant d’une part les membres de la commission, et d’autre part l’activité de la commission : nombre et durée des réunions ; liste des rapports et publications de la commission ; amendements présentés ou examinés par elle, etc.

En effet, la Commission a tenu 302 réunions pour une durée totale de 483 heures de débats, 82 rapports au fond sur des projets ou des propositions de loi ont été présentés contre 69 seulement au cours de la précédente législature, et 8 rapports pour avis contre aucun. Le nombre des amendements déposés et examinés a atteint des records, puisqu’on en a compté 31 000 en commission puis 137 600 en séance pour la loi relative au secteur de l’énergie, devançant les 14 500 également déposés en séance sur la loi relative à la régulation de l’activité postale. Le travail de contrôle a lui aussi été important, à travers les 21 rapports d’information et les 83 avis budgétaires. 5 lois ont fait également l’objet d’un rapport sur leur mise en application.

Au-delà de ces données factuelles et du rappel des lois examinées au fond ou pour avis par la Commission, le rapport exposera les procédures et méthodes de travail de la Commission, par exemple l’effort fait au cours de cette législature pour mettre les rapporteurs en situation d’aborder en amont les questions qu’ils auraient ensuite à traiter au niveau des projets de loi, ce qui constitue une expérience fructueuse.

Si les citoyens ignorent en général le travail énorme fait par les députés en commission, au moins est-il nécessaire d’en laisser une trace sous forme d’un document complet que chaque membre de la Commission pourra s’approprier.

M. Antoine Herth a souligné la pertinence d’établir un rapport d’activité permettant de retracer l’effort accompli au cours des cinq dernières années. La Commission a réalisé un travail d’une grande qualité visant à traiter toujours les sujets en profondeur et dans le sens de l’intérêt général. Le positionnement de la Commission l’a amené à traiter des questions intéressant la vraie vie des Français et ses travaux ont en permanence intégré le souci d’une cohérence avec le droit européen. Il faut espérer que les membres de la Commission auront la même exigence au cours de la prochaine législature. Enfin, la compétence et le dévouement des fonctionnaires de la Commission méritent d’être salués.

Le Président Patrick Ollier s’est associé à ces compliments et a confirmé que la Commission des affaires économiques était bien celle de la vie au quotidien. En ce qui concerne la cohérence avec le droit européen, un chapitre spécifique du rapport d’activité sera consacré à la manière dont la Commission a traité des questions européennes.

M. Jacques Bobe a déclaré partager le sentiment de son collègue Antoine Herth, au sujet de l’ampleur du travail effectué au cours de la législature et de la qualité du soutien apporté par les fonctionnaires de la Commission. Il a indiqué qu’il se félicitait a posteriori d’avoir choisi d’appartenir à la commission des affaires économiques, dont il avait découvert au fil des travaux l’étendue des compétences et de l’apport au travail législatif, y compris lorsqu’elle intervenait pour avis. Il a souligné qu’il avait apprécié l’esprit d’équilibre dans lequel le président Patrick Ollier s’était toujours efforcé de conduire les débats et la qualité du dialogue entre les membres de la commission qui en a résulté. Il s’est interrogé enfin sur les destinataires du rapport d’activité et sur la nature des pouvoirs de la commission durant l’intersession jusqu’à la mise en place de la prochaine Assemblée.

Le Président Patrick Ollier a indiqué que les pouvoirs de la commission restaient inchangés jusqu’à la mise en place de la nouvelle Assemblée nationale. Si, durant cette période de suspension des travaux, un événement grave, par exemple un attentat terroriste en France ou une crise internationale, se produisait, le Président de l’Assemblée nationale pourrait être amené à la convoquer, ce qui d’ailleurs justifie l’élection d’un président en cas de vacance du siège. De même, à tout moment, la Commission des affaires économiques peut être amenée à se réunir, si son président juge que les circonstances l’exigent.

Le rapport d’activité sera rendu public dans les conditions habituelles d’un rapport d’information.

Puis le Président Patrick Ollier, après avoir remercié l’ensemble des membres de la Commission pour leur participation aux travaux de la commission, a exprimé le sentiment d’avoir fait partie d’une équipe et d’avoir beaucoup appris, au contact de ses collègues, en occupant la fonction de président. Il s’est déclaré certain que l’expérience partagée au cours de ces cinq années de travail commun ferait date pour les membres de la Commission.

M. Jean-Marc Lefranc a déclaré avoir vécu cinq années exceptionnelles au sein de la Commission des affaires économiques et que, si le sort lui était favorable, il serait heureux de retrouver, au début de la nouvelle législature, ses collègues de la commission et son président.

M. Serge Poignant a remercié le président Patrick Ollier pour la confiance qu’il avait accordée aux rapporteurs désignés par la Commission et les fonctionnaires de la Commission. Il a regretté à son tour que l’importance et la qualité du travail en commission ne soient pas mieux connues.

Le Président Patrick Ollier a indiqué que ce devait être une des tâches du futur président de l’Assemblée nationale que de mieux faire connaître l’activité des députés en commission.

La Commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Patrick Ollier, rapporteur d’information sur le bilan de l’activité de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire pendant la douzième législature (2002-2007).