DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT
ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 2

Mardi 25 octobre 2005
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire

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La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a entendu M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire.

Remerciant M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, pour sa venue, le président Émile Blessig a souhaité que, à un moment où l'actualité de l'aménagement du territoire était particulièrement riche, le ministre délégué puisse présenter à la Délégation la philosophie générale de son action, et notamment sa conception de la péréquation et la place qu'il entend réserver au développement durable au sein de l'aménagement du territoire.

Par ailleurs, soulignant que des consultations, auxquelles la Délégation a participé, sont en cours pour une réforme de la contractualisation, il a demandé si un point pouvait être fait de la réforme, de ses orientations et de son calendrier.

En termes de structures, le rapprochement entre la DATAR, qui va changer de nom, et la Mission interministérielle aux mutations économiques (MIME) afin de constituer un outil plus puissant, est une démarche intéressante. Il a demandé si ce regroupement était achevé, ou s'il en annonçait d'autres, également destinés à renforcer l'efficacité de l'action publique.

Enfin, le ministre délégué a annoncé la création de pôles d'excellence ruraux, en particulier autour du tourisme et du patrimoine. La Délégation, au sein de laquelle M. Jean Launay et Mme Henriette Martinez préparent un rapport sur l'action culturelle diffuse, instrument de développement des territoires, aimerait avoir des précisions sur cette notion.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, s'est réjoui de pouvoir échanger avec des députés s'investissant sur les questions d'aménagement du territoire. Le ministère de l'aménagement du territoire, qui est transversal et qui joue un rôle de coordination, mettra de tels échanges à profit pour éclairer ses décisions.

Il a indiqué que, si, jusqu'ici, le ministre de l'aménagement du territoire était sous la tutelle du ministre de l'environnement ou de celui de l'équipement, le fait d'être désormais sous celle du ministre de l'intérieur semblait d'autant plus logique que ce ministère est aussi celui des collectivités territoriales, acteurs essentiels de l'aménagement du territoire, et qu'il est en relation directe tant avec les élus locaux qu'avec les élus nationaux, sénateurs et députés.

Le ministre délégué a ensuite exposé que la péréquation s'opérait déjà à travers les dotations aux collectivités locales, en particulier la dotation de solidarité rurale. Mais la péréquation financière n'est pas un outil fondamental pour l'aménagement du territoire. S'il faut être attentif envers les territoires les plus défavorisés, il faut aussi récompenser les plus méritants : un territoire défavorisé qui progresse fortement parce que les élus et les acteurs locaux ont été ambitieux, imaginatifs, innovants ne doit pas être de ce fait financièrement pénalisé. Une péréquation qui se ferait uniquement par rééquilibrage financier entre territoires riches et territoires pauvres ne servira guère à renforcer l'attractivité et la compétitivité des territoires. C'est bien en effet ces objectifs que vise la politique d'aménagement du territoire, ce que montre la transformation du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) en Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT). Le rôle du ministère de l'aménagement du territoire est bien aussi de soutenir et d'accompagner les territoires pour qu'ils deviennent les plus compétitifs possible. Plus que de péréquation financière, on a donc besoin de bâtir des outils dont les élus et les acteurs économiques et sociaux puissent se saisir pour rendre plus compétitifs les territoires et pour que la péréquation devienne de moins en moins nécessaire.

S'agissant de la contractualisation, les décisions définitives ne seront arrêtées qu'à la fin de l'année. Le ministre délégué, qui a déjà eu de nombreux entretiens sur cette question, sera très attentif aux propos des membres de la Délégation.

Il considère à ce stade qu'il faudrait prolonger la génération actuelle des contrats de plan d'un ou deux ans ; cela permettra d'arriver à un taux d'exécution plus satisfaisant, et de prendre en compte le fait que les chantiers les plus importants n'ont parfois débuté que deux ans après la signature des contrats.

Pour l'avenir, le dispositif doit être réformé. Les dernières générations de contrats de plan Etat-régions ont été marquées par trop d'effets d'affichage aux dépens de l'efficacité. Les documents de projets ont été flatteurs, mais les montants ont été la plupart du temps largement sous-estimés. Comment reprocher au gouvernement actuel de ne pas respecter le rythme de financement prévu quand un projet initialement chiffré à 200 millions de francs aboutit à une facture de 750 millions de francs ? Il faut donc impérativement que les futurs contrats de plan satisfassent à une exigence de vérité ; des sanctions doivent être possibles, en cas de chiffrage prévisionnel trop aberrant ; il appartiendra à un observatoire d'exécution des contrats de plan de signaler si une faute paraît avoir été commise et à quel niveau de responsabilité.

Une durée de six ans paraît bonne, en particulier parce qu'elle est adaptée au rythme des mandats territoriaux. Les nouveaux contrats pourraient donc couvrir la période 2007-2013, ou 2008-2014 selon la décision qui sera prise pour les élections territoriales, avec une clause de revue à mi-parcours pour permettre une adaptation, notamment à l'initiative des exécutifs régionaux.

En ce qui concerne le contenu, une mission d'information de la commission des finances a conclu à l'unanimité, sur proposition de MM. Pierre Méhaignerie et Augustin Bonrepaux, que le nombre d'axes d'action devrait être limité à quatre ou cinq, afin de remédier à la dispersion des contrats de plan et de leur redonner un caractère plus structurant : cela ne présenterait que des avantages pour l'aménagement du territoire. Une autre piste de réflexion est que, sur chaque thème, la contractualisation pourrait se faire avec l'échelon compétent, et donc pas forcément avec la région. La contractualisation avec la région dans des domaines où la réalité de la compétence appartient à un autre niveau de collectivité n'est pas sans conséquence sur les mauvais taux d'exécution dans ces domaines.

Le ministre délégué a ensuite exposé que les 66 pôles de compétitivité répondaient dans un certain nombre de domaines non seulement à des objectifs d'innovation industrielle mais aussi à l'impératif de développement durable auquel la Délégation est très attachée.

Il en est ainsi dans le domaine de l'énergie, avec le pôle EnRRDIS (Energies Renouvelables Rhône-Alpes,  Drôme,  Isère,  Savoie), qui s'est donné pour objectif de transformer les énergies renouvelables solaire, hydraulique, et biomasse en vecteurs d'énergie, avec le pôle « Energies renouvelables du bâtiment » en Languedoc Roussillon, avec le pôle « Energies non génératrices de gaz à effet de serre » en Provence-Alpes-Côte-d'Azur et en Corse, avec le pôle nucléaire de Bourgogne, qui va travailler sur l'allongement de la durée de vie des centrales existantes, pour augmenter la durabilité de cette production d'énergie. Non seulement ces pôles sont porteurs d'un fort potentiel de développement économique, mais ils créent une dynamique d'ensemble favorable, y compris pour les micro projets, aux énergies renouvelables.

Il en est de même pour les pôles liés aux transports. Le pôle « Normandy Motor Valley » s'est donné trois thèmes de recherche contribuant au développement durable : l'amélioration des moteurs, notamment pour la combustion des carburants alternatifs, la co-génération et l'utilisation de pile à combustible, l'allégement des structures et des matériaux ; le pôle « I-Trans », en Nord-Pas-de-Calais et en Picardie, est centré sur l'intermodalité des équipements ferroviaires ; le pôle « Véhicule du futur » en Alsace et en Franche-Comté a pour premier objectif la mise au point et l'industrialisation des techniques du véhicule propre dans trois domaines : les traitements de surface lors de la fabrication, la gestion de l'air moteur et la pile à combustible ; le pôle logistique Seine-Normandie en Haute-Normandie va développer la plate-forme intermodale du port du Havre ; le pôle « Lyon Urban Truck and Bus 2015 » en Rhône-Alpes aura pour premier thème de recherche la mise au point d'un moteur de transports en commun et de marchandises à la fois propre, silencieux et sûr.

Enfin, en matière agroalimentaire, la plupart des pôles, par exemple dans le Massif central, dans le Grand Sud-Est, ou en Champagne-Ardennes visent à assurer soit une bonne occupation de l'espace, garante de biodiversité, soit une utilisation des produits agricoles en substitution des produits pétroliers.

Ainsi, à travers ces pôles, la mise en œuvre du développement durable, longtemps considérée comme le domaine des bonnes intentions, prend désormais un caractère beaucoup plus concret. Les politiques d'aménagement du territoire devront à l'avenir s'appuyer sur la capacité des pôles de compétitivité à innover dans ce domaine.

Les pôles d'excellence ruraux vont être dans d'autres secteurs ce que les pôles de compétitivité sont à l'innovation industrielle. La France qui imagine, qui innove et qui réussit n'est pas seulement celle des grands projets scientifiques et industriels ; c'est aussi celle des territoires ruraux, dans lesquels il existe un important savoir-faire, notamment dans les domaines de l'innovation touristique et culturelle, de la gestion du patrimoine naturel, mais aussi de l'exploitation des ressources. Pour la production, l'exploitation et le développement de l'usage du bois, de l'énergie solaire, de l'eau, du vent, des biocarburants, c'est bien là qu'il est possible d'avancer. Comme pour les pôles de compétitivité, il faut décloisonner ces savoir-faire.

L'émergence de ces pôles est aussi rendue possible par la généralisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication sur le territoire. L'année du tout numérique sur l'ensemble du territoire sera l'année 2007. Dès la fin 2005, le très haut débit symétrique en 2 mégabits sera disponible pour toutes les entreprises en tous lieux du territoire. Les territoires bénéficiant du tout numérique disposeront ainsi d'un outil pour bâtir des projets innovants en matière de démographie des professions de santé, notamment de démographie médicale, de télétravail, de services dans les domaines du tourisme et du patrimoine.

Les projets susceptibles d'être qualifiés pourraient avoir pour supports des territoires ruraux n'excédant pas 30 000 habitants. Ces pôles d'excellence bénéficieraient de mesures d'accompagnement transversales de la part de l'Etat, et relevant des ministères de l'industrie, de la culture, de l'agriculture, de l'environnement, de l'intérieur, ainsi que certaines exonérations d'impôts et de charges sociales. Il est envisagé de pouvoir labelliser une centaine de pôles d'excellence ruraux avant la fin du premier semestre 2006.

La fusion de la DATAR avec la MIME permettra de donner à la première une nouvelle dimension industrielle et économique, dans l'optique notamment du développement de la compétitivité des territoires. Il faut sans doute aller plus loin dans le regroupement des moyens pour leur assurer une meilleure efficacité. Une expérience est en cours en Picardie, où les fonctions de directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE), qui relèvent du ministère de l'industrie, et de directeur régional de l'environnement (DIREN), qui relèvent du ministère de l'écologie et du développement durable, sont assurées par un seul et même fonctionnaire. De même, dans une dizaine de départements est menée une expérimentation de fusion des directions départementales de l'équipement et de l'agriculture. Le regroupement d'un certain nombre de services déconcentrés de l'État ne peut qu'améliorer l'efficacité du service rendu aux collectivités locales.

M. Philippe Folliot a rappelé que certaines parties du territoire cumulaient les handicaps, avec non seulement une absence de couverture en téléphonie mobile et internet haut débit, mais aussi des perspectives alarmantes en matière de démographie médicale. Or, quand il n'y a pas de médecin dans un territoire, il est difficile d'y maintenir le reste de l'activité. Cependant, l'efficacité des mesures prises pour remédier à cette situation, qui sont simplement incitatives, paraît modeste.

Il a aussi attiré l'attention sur la nécessité de préserver les crédits d'aide à l'équipement en réseaux d'adduction d'eau potable, actuellement distribués par le Fonds national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE). Si la quasi-totalité du territoire est couverte, certains secteurs à très faible densité de population et où le retour sur investissement est très faible restent non desservis à ce jour, sans que la bonne volonté des collectivités locales puisse être mise en cause.

Enfin, il a demandé quels seraient les critères d'éligibilité au dispositif des pôles d'excellence ruraux.

Soulignant la lourdeur et la complexité des procédures pour faire aboutir un projet élaboré dans le cadre d'un pays, M. Michel Roumegoux, ainsi que M. Roland Chassain, ont demandé quelles seraient les structures susceptibles de porter les pôles d'excellence, et si le plafond de 30 000 habitants pour le territoire de projet devrait être respecté strictement.

M. Marcel Dehoux a souhaité savoir si le ministre délégué avait parmi ses compétences la négociation des crédits européens pour 2007-2013 et la localisation des différentes aides des objectifs 1, 2 et 3. Il lui a ensuite demandé son sentiment sur le fonctionnement des pays.

M. Jean-Pierre Dufau, rappelant que, pour constituer une communauté d'agglomération, deux conditions étaient nécessaires, regrouper 50 000 habitants, et ce autour d'une ville-centre de 15 000 habitants, a demandé si cette seconde clause serait maintenue. En effet, en milieu rural, il peut arriver qu'on puisse regrouper 50 000 habitants, mais qu'on ne puisse pas trouver une ville-centre de 15 000 habitants. Si les pôles d'excellence ruraux ne doivent pas dépasser 30 000 habitants, quelle solution d'organisation pourront adopter les territoires regroupant plus de 30 000 habitants, et ne pouvant pas accéder au statut de communauté d'agglomération ?

Le président Emile Blessig a jugé que la question du territoire pertinent pour les pôles d'excellence était en effet au cœur du débat : doit-il être défini en termes de surface, de nombre d'habitants ? Ne faudrait-il pas au contraire miser sur le fait que le projet d'excellence rurale devra trouver son territoire ? Il faut sans doute être prudent dans la fixation de normes qui ne tiendraient pas compte des spécificités territoriales, qui en France sont très fortes.

Approuvant ces propos, le ministre délégué a répondu que, en effet, l'important n'était pas les normes mais l'unité et la cohérence du projet. La volonté est de libérer l'aménagement du territoire des contraintes de l'intercommunalité. A l'exemple des pôles de compétitivité, les pôles d'excellence ruraux ne seront donc pas liés à un échelon de collectivité ou à une intercommunalité ; les candidatures devront reposer sur la volonté combinée, décloisonnée, de porteurs de projets, qui auront décidé ensemble de monter un projet commun, et qui pourront être aussi bien des offices du tourisme, des associations loi de 1901, des collectivités, des artisans, commerçants, PME, ou autres. La seule contrainte territoriale qui sera imposée sera que le territoire soit cohérent.

La gouvernance des pôles ne sera pas confiée à une entité juridique bâtie autour de la collectivité, mais, comme pour les pôles de compétitivité, aux acteurs. Les collectivités, comme l'État, sont là pour fournir aux acteurs les outils dont ils puissent tirer le meilleur parti, l'objectif final étant la création d'emplois et de richesse.

Si les principes sont globalement établis, les critères définitifs ne le sont pas encore. Le ministère a reçu mission de les affiner et il reviendra à un CIACT de les arrêter définitivement. Le critère des 30 000 habitants est une base de travail et on peut imaginer qu'il soit élargi, peut-être jusqu'à 45 000 habitants ; ce qui compte, c'est le bassin de vie, l'identité culturelle, l'agrégation des acteurs.

A travers la création des pôles d'excellence ruraux, il s'agit bien de labelliser des projets structurants : par exemple la création, sur un territoire donné, d'une route de tourisme culturel, mais accompagnée d'une restructuration de la filière touristique, incluant une modernisation, une remise aux normes et une labellisation de l'hôtellerie, ou encore la mise en valeur de productions du terroir, confortant ainsi une ou plusieurs filières, avec l'objectif de créer plusieurs dizaines, voire centaines, d'emplois.

Dans ces conditions, le projet devra aussi traiter la question des services aux habitants : on ne crée pas d'attractivité sur un territoire dépourvu de services. En particulier, il devra traiter la question de la démographie des professions de santé : on sait bien que la proximité de services sanitaires de qualité est une des conditions posées par un nouveau salarié au moment où il envisage de s'installer quelque part avec sa famille.

Pour cela, plusieurs pistes sont possibles : on sait que si l'on veut qu'un médecin libéral s'installe, il faut en prévoir un deuxième pour ménager des temps de repos à chacun ; il faut aussi leur garantir à tous deux un certain chiffre d'affaires ; l'élaboration d'un statut mixte, libéral dans le cabinet et public au sein de l'hôpital rural, peut être une solution ; la passation de conventions avec le CHU et la possibilité, grâce au très haut débit, d'établir avec le corps médical du CHU un lien technique qui leur permette de réaliser des diagnostics, des expertises et même des soins postopératoires en est une autre, qui éviterait en outre à la sécurité sociale d'avoir à rembourser des déplacements onéreux des patients. Enfin, on pourrait aussi récompenser les professionnels de la santé qui font l'effort de s'installer en milieu rural en limitant ou en supprimant le plafonnement de la rémunération.

M. Philippe Folliot a observé que le principal obstacle pour l'installation des médecins en zone rurale n'apparaissait pas être la question de la rémunération, mais plutôt la difficulté de trouver un emploi pour le conjoint, ainsi que les conditions d'exercice. Il a proposé, pour obtenir un meilleur maillage du territoire national, d'adopter un système de licences, comme pour les pharmacies.

Le ministre délégué a répondu qu'il s'agissait là d'une piste de plus, mais que celles qu'il venait de tracer, notamment le déplafonnement, correspondaient bien à la demande d'un très grand nombre d'élus ruraux, comme il avait pu récemment s'en rendre compte à l'assemblée générale de l'association nationale des élus de la montagne.

Il a conclu que le statut de pôle d'excellence rural devait aussi être une sorte de label signifiant à qui voudrait venir s'y installer que le territoire offrait des perspectives d'emploi, mais aussi l'assurance de trouver les services dont il a besoin pour lui et sa famille, y compris un système de soins.

L'avenir des fonds structurels est lié à la politique de cohésion de l'Union européenne. Il n'a pas été possible de trouver un accord au Conseil européen des 16 et 17 juin. Le compromis actuellement proposé par la présidence luxembourgeoise paraît acceptable ; il prévoit 13 milliards d'euros de fonds structurels pour la France. Les dernières négociations montrent qu'on s'approche de ce niveau et qu'on peut donc se montrer un peu plus optimiste. Le ministre délégué s'efforce par ailleurs d'obtenir l'assouplissement, voire la suppression, du zonage pour la prime d'aménagement du territoire (PAT), de façon à pouvoir distribuer avec le plus d'efficacité possible les fonds structurels attribués à la France, qui vont être fortement réduits. Il a donc été demandé aux préfets de région de recenser leurs besoins précis, sans tenir compte du zonage. Une expérience de gestion déléguée est en cours en Alsace. Un bilan sera fait à la fin de l'année et le Gouvernement fera des propositions dans un rapport qui sera soumis au Parlement au premier semestre 2006. Cette question ne constitue cependant pas un préalable à la construction du cadre de référence stratégique national (CRSN).

La création des pays a été la cause d'un accroissement considérable de la complexité sur les territoires. Il y a eu des dérives : alors que les pays devaient être des structures de projet, ils ont pu devenir des structures de gestion. Certains se sont même dotés de syndicats mixtes et sont devenus maîtres d'ouvrage dans un certain nombre de domaines, faisant parfois concurrence à la communauté de communes, de même périmètre et aux mêmes objectifs. Il faut que les pays retrouvent leur objet initial et qu'on mette fin aux doublonnages. Il faut aussi simplifier les circuits de décision des projets. Le ministre délégué aux collectivités territoriales fera des propositions sur ces questions au début de l'année 2006.

La couverture du territoire en téléphonie mobile sera bien achevée en 2007. Un certain retard a été pris au début, mais la réalisation connaît maintenant une forte accélération. Le programme d'achèvement de la couverture est divisé en deux phases ; il prévoit l'équipement de 1833 communes pour la phase I et 1240 pour la phase II. Au 1er juin 2005, 65 sites seulement étaient ouverts au titre de la phase I et aucun au titre de la phase II. A la fin de l'année, 300 sites seront ouverts. Surtout, alors que l'accord passé il y a trois ans prévoyait que le lancement de la phase II, où l'ensemble de l'équipement est pris en charge par les opérateurs, n'aurait lieu qu'une fois plus de la moitié des chantiers de la phase I lancés, 23 départements seront équipés au titre de la phase II d'ici la fin de l'année.

S'agissant des communautés d'agglomération, peut-être le seuil minimal de 15 000 habitants pour le bourg-centre est-il un peu rigide. La question pourrait être abordée à l'occasion des propositions qui seront faites au début de l'année prochaine ; l'essentiel est bien qu'il y ait, sur le territoire de la communauté d'agglomération, une ville.

Le financement des réseaux d'adduction d'eau paraît plus relever de l'initiative locale que de la responsabilité de l'État.

M. Jean-Pierre Dufau a objecté qu'on était là, au contraire, au cœur de la mise en œuvre de la péréquation, qui doit permettre l'accès de tous aux mêmes services.

Le ministre délégué a répondu que même la péréquation ne permettait pas d'obliger une collectivité à réaliser des équipements qu'elle ne voulait pas décider.

M. Philippe Folliot a observé que le nouveau dispositif allait prévoir néanmoins un prélèvement à ce titre par les agences de bassin, reversé par elles aux départements, qui eux-mêmes peuvent ainsi aider les communes.

Le ministre délégué a répondu que si le département n'assurait pas la quasi-totalité du financement, la commune n'avait absolument pas les moyens de mener à bien le projet. Dans son propre département, le choix a été fait de couvrir à 100 % les dépenses des communes, mais cela relève bien d'une volonté politique locale.

Il convient par ailleurs de distinguer d'une part l'extension du réseau à des zones déjà habitées et d'autre part, l'équipement, voulu par certaines communes, de nouvelles zones pour qu'elles puissent être urbanisées. La question du financement ne se pose pas dans les mêmes termes au regard du critère d'équité.

Le président Émile Blessig a alors exposé qu'il ressortait de l'audition par la Délégation de M. Paul Champsaur, président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), que les fréquences hertziennes actuellement attribuées à la téléphonie mobile de troisième génération, l'UMTS, ne permettraient pas la couverture de l'ensemble du territoire ; celle-ci implique d'attribuer à la téléphonie mobile une partie des fréquences libérées par la télévision hertzienne à l'occasion du passage de la diffusion analogique à la télévision numérique terrestre (TNT). L'échéance peut sembler lointaine, mais il faut s'en préoccuper dès maintenant pour éviter de se retrouver à l'avenir avec des « zones blanches » non couvertes très difficiles à résorber. Le Gouvernement s'est-il déjà saisi de ce dossier et, dans ce cas, quel est son avancement ?

Le ministre délégué a répondu que l'arrivée de la TNT fournissait en effet l'occasion de traiter ce dossier. Elle provoque des sentiments d'injustice, certains se plaignant de ne recevoir que trois ou quatre chaînes alors que dans les zones couvertes par la TNT, d'autres, au prix de la même redevance audiovisuelle, accèdent gratuitement à 18 chaînes. Or, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel lui a confirmé que le déploiement de la TNT pouvait être techniquement très rapide. En conséquence, le programme de déploiement de la TNT a été accéléré, avec désormais deux objectifs. Le premier est que 100 % du territoire soit couvert en 2007 en téléphonie mobile, en haut débit et en TNT. La France sera ainsi le premier pays européen pour la couverture numérique du territoire. Le deuxième est que, ainsi, suffisamment de fréquences autrefois attribuées à la diffusion analogique de la télévision puissent être libérées pour développer très rapidement sur l'ensemble du territoire la nouvelle génération de téléphonie mobile.

Par ailleurs, le ministère de l'industrie est aussi chargé du dossier de la gestion des fréquences dans les zones frontalières. S'il faut une meilleure coopération européenne, il faudrait aussi que le ministère de la défense libère un certain nombre des fréquences dont il est affectataire, notamment à la frontière allemande, et dont il ne semble guère avoir l'utilité.

A une question du président Emile Blessig sur le fonctionnement du Fonds national d'aide au haut débit, destiné à aider les collectivités locales défavorisées, situées en zone peu dense ou au relief difficile, à s'équiper, le ministre délégué a enfin répondu que le dispositif fonctionnait très bien puisque 130 millions allaient être consommés au lieu des cent millions prévus.


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