DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 1

Mardi 7 octobre 2003
(Séance de 17 heures 30)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

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- Echange de vues sur le thème de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

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La Délégation aux droits des femmes a procédé à un échange de vues sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente a d'abord accueilli M. Mansour Kamardine, député de Mayotte, nouveau membre de la Délégation aux droits des femmes, désigné par le groupe UMP en remplacement de M. Philippe Briand, démissionnaire.

Elle a ensuite indiqué qu'elle présenterait la semaine prochaine le rapport annuel d'activité de la Délégation, qui comporte une étude d'ensemble de l'application de la loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle, ainsi que le compte rendu des auditions des partenaires sociaux menées par la Délégation au printemps 2003. Elle a souhaité recueillir l'opinion des membres de la Délégation sur ce thème de l'égalité professionnelle, à partir de l'expérience de chacun, avant l'adoption de recommandations de la Délégation sur ce sujet.

Elle a informé la Délégation qu'elle organiserait un colloque sur l'égalité professionnelle, le 27 novembre prochain, en collaboration avec les Délégations aux droits des femmes du Sénat et du Conseil économique et social. Essentiellement tournée vers le monde de l'entreprise, cette manifestation associera les organisations syndicales et patronales, des directeurs des relations humaines de grandes entreprises et des témoins privilégiés de l'égalité professionnelle, dans le but de délivrer un message à l'adresse du monde politique sur les difficultés que rencontre la mise en œuvre de la loi du 9 mai 2001 et sur les avancées nécessaires en ce domaine. Mme Marie-Jo Zimmermann a insisté en particulier sur les discriminations qui perdurent à l'encontre des femmes, tant à l'embauche que dans les promotions en cours de carrière.

Elle a également fait part de son projet de remettre les actes du colloque au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et à la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Au-delà des évaluations et des chiffres, sur lesquels il y a accord, elle a estimé qu'il fallait maintenant que le Gouvernement manifeste une réelle volonté d'avancer sur un dossier qui constitue une revendication majeure des électrices.

Mme Catherine Génisson a apprécié la volonté de la Délégation aux droits des femmes de faire de l'égalité professionnelle le sujet central du rapport. La loi du 9 mai 2001, à laquelle elle a beaucoup travaillé, est une loi de la République, longuement négociée en amont avec les partenaires sociaux, même si les organisations patronales, en particulier le MEDEF, s'étaient montrées très réservées.

La loi repose sur un principe simple, l'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle : elle est donc à la fois contraignante et souple dans son application. Le rapport de situation comparée devrait permettre de mettre en lumière, de façon dynamique, les disfonctionnements en matière d'égalité professionnelle, ce qui devrait conduire les entreprises à y remédier avec le soutien de l'Etat.

La loi ne traite pas du problème de la place des femmes dans les lieux de décision, et notamment dans les organisations syndicales, mais, sur ce sujet, il n'est pas possible d'appliquer les principes de la parité en politique, même si l'apport et la présence des femmes dans les lieux de négociation est essentielle.

On ne peut traiter de l'égalité professionnelle sans aborder les problèmes du temps de travail et de la vie familiale, et en amont de la vie en entreprise, les problèmes de l'orientation des filles, des différences dans la formation et les études et de la divergence des parcours professionnels qui conduit à des ségrégations.

M. Jacques Remiller s'est montré très attentif à la promotion des femmes dans l'entreprise. En tant que maire de Vienne et responsable d'une administration de 916 employés, il a précisé qu'elle était dirigée par 32 chefs de service, dont 12 femmes, certaines d'entre elles assurant de hautes responsabilités. Le directeur général adjoint de la ville, le DRH, le directeur financier sont des femmes, de même que le responsable du patrimoine, une jeune femme ingénieur du génie civil, retenue à l'embauche pour sa jeunesse - gage de dynamisme - et ses compétences. Il a observé que ce sont les services dirigés par des femmes qui fonctionnent souvent le mieux, mais que les problèmes, s'il y en a, viennent bien souvent des relations des femmes entre elles.

Mme Catherine Génisson a souligné que les femmes n'ont pas encore de relations claires avec l'exercice du pouvoir et des responsabilités. Elles n'ont pas, comme les hommes, la notion de rapports de force et la capacité d'agir en groupe. A cet égard, elle a souhaité que la Délégation entende sur ce point Mme Janine Mossuz-Lavau, sociologue.

En réponse à Mme Marie-Jo Zimmermann qui se demandait si l'attitude des femmes vis-à-vis du pouvoir était propre à la nature féminine ou dictée par un héritage culturel, Mme Catherine Génisson a estimé que cette relation au pouvoir des femmes était essentiellement culturelle.

M. Mansour Kamardine a souligné qu'à Mayotte, on ne pouvait réussir en politique sans le soutien des femmes, mais que ces dernières reculaient devant les responsabilités électorales et qu'il fallait les aider à évoluer. Il a rappelé la récente loi sur l'Outre-mer, révolutionnaire, introduite à Mayotte dont la culture est essentiellement musulmane, qui interdit désormais la polygamie, la répudiation et établit l'égalité des enfants devant la succession. Ceux qui s'y étaient opposés ont échoué, précisément parce qu'ils n'ont pas eu le soutien des femmes.

M. Mansour Kamardine s'est demandé si la loi du 9 mai 2001 était applicable à l'Outre-mer, soulignant que les lois sur la parité en politique n'ont pas soulevé de difficultés particulières. Il a estimé que, pour donner à la femme mahoraise toute sa place dans la société, il convenait de s'assurer que les textes législatifs s'appliquent à Mayotte.

En réponse à une observation de M. Jacques Remiller sur la féminisation des professions médicales, notamment des services d'urgence, où 70 % du personnel sont des femmes, Mme Catherine Génisson a précisé qu'il y aurait 45 % de femmes médecins en 2020, et que de grandes disparités subsistaient selon les spécialités, la chirurgie par exemple ne comportant que 10 % de femmes. Elle a souligné que la féminisation de la médecine libérale obligeait à changer la façon dont s'effectuent les gardes. Ainsi, dans le Pas-de-Calais a été mise en place une régulation médicale des appels, qui aide à résoudre les problèmes de garde, aussi bien pour les hommes que pour les femmes.

Mme Geneviève Levy a évoqué les difficultés rencontrées en tant que femme dans l'exercice de son métier d'expert auprès des tribunaux et la persistance dans le sud de la France de forts préjugés dans toutes les catégories sociales. Elle a indiqué qu'elle avait été conduite à organiser un cycle de rencontres sur le thème de l'égalité dans les établissements scolaires, y compris dans les écoles primaires, pour aider à dépasser ces schémas.

Mme Marie-Jo Zimmermann a souligné l'importance de la culture paritaire dès l'école. Elle a rappelé à cet égard l'intérêt de l'étude actuellement menée par la Délégation aux droits des femmes du Conseil économique et social sur la place des femmes dans l'histoire enseignée.

Mme Béatrice Pavy a observé qu'il fallait travailler sur l'égalité professionnelle dans les deux sens, et donc accepter que les garçons accèdent à certaines filières par trop féminisées.

M. Jacques Remiller a estimé qu'il serait intéressant d'entendre Mme Edith Cresson, ancien Premier ministre, évoquer les difficultés qui ont été les siennes en tant que femme à ce poste. Il a évoqué l'accession des femmes à certains métiers jusqu'alors réservés aux hommes, prenant en exemple le service des espaces verts de sa mairie, qui s'est récemment féminisé du fait de la mécanisation des tâches et de leur informatisation.

Mme Marie-Jo Zimmermann a fait observer qu'alors que les jeunes filles sont de plus en plus nombreuses dans les lycées agricoles, les femmes ingénieurs agronomes ont beaucoup plus de difficultés à être embauchées que les hommes. Elle a estimé que le monde agricole était encore très masculin.

Mme Catherine Génisson a cependant fait remarquer que le problème était complexe, puisque c'est dans les petites communes rurales qu'il y a le plus de femmes maires en France.

En conclusion, Mme Marie-Jo Zimmermann a estimé qu'il était nécessaire de mettre en œuvre la loi sur l'égalité professionnelle et que la Délégation aux droits des femmes souhaitait établir un suivi concret de son application en entreprise. Elle a indiqué vouloir également travailler sur le thème de la formation professionnelle, qui deviendra une compétence accrue des régions dans le cadre de la décentralisation.

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