DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 2

Mardi 7 octobre 2003
(Séance de 17 heures 30)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport d'activité annuel de la Délégation - juillet 2002/juillet 2003 - (Mme Marie-Jo Zimmermann, rapporteure)

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La Délégation aux droits des femmes a examiné son rapport d'activité annuel.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, évoquant les travaux de la Délégation en matière législative (sécurité intérieure : volet prostitution ; parité aux élections régionales, européennes et sénatoriales ; place des femmes dans les régimes de retraites), a souligné que la Délégation avait montré sa capacité à défendre les droits des femmes, en particulier la parité aux élections régionales et européennes, même si pour les élections sénatoriales, elle n'avait pu obtenir gain de cause.

Elle a ensuite souligné l'importance qu'elle attachait au thème d'étude annuel retenu par la Délégation portant sur l'égalité professionnelle, car il concerne le quotidien de toutes les femmes au travail. Elle a rappelé que le législateur devait veiller à l'application correcte de la loi du 9 mai 2001 dans les entreprises et encourager la dynamique de la négociation qui se met en place. Elle a évoqué les auditions des partenaires sociaux par la Délégation au printemps 2003, notamment le souhait de toutes les organisations syndicales de faire appliquer la loi et l'accord du MEDEF sur l'objectif d'égalité professionnelle, même s'il estime trop contraignante la loi du 9 mai 2001. Elle a souhaité qu'un dialogue soit réengagé sur ce thème avec l'organisation patronale.

Mme Marie-Jo Zimmermann a ensuite indiqué les nouvelles pistes de réflexion sur l'égalité professionnelle, au-delà des revendications d'égalité salariale : l'orientation des filles et l'élargissement du choix des métiers, l'accès à la formation et à la promotion interne, le retour à l'emploi, le respect des contraintes familiales.

Mme Catherine Génisson a rappelé les avancées importantes de la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre toutes les formes de discriminations, qui complète la loi sur l'égalité professionnelle et vise à mieux protéger les salariés tout en long de leur vie professionnelle. La loi institue notamment le renversement de la charge de la preuve qui incombe désormais à l'employeur en cas de discrimination fondée sur le sexe et ouvre la possibilité pour les organisations syndicales représentatives d'ester en justice en cas de mesures discriminatoires vis-à-vis d'un salarié. Selon elle, ce texte, mal connu, n'a pas encore fait l'objet d'une juste évaluation.

Mme Marie-Jo Zimmermann a ensuite présenté l'ensemble des recommandations.

Mme Catherine Génisson a souhaité que la recommandation n° 2 relative à la sensibilisation des acteurs économiques et des partenaires sociaux sur l'égalité professionnelle, soit complétée de manière à préciser que les directions régionales et départementales du travail et de l'emploi doivent fournir des statistiques détaillées et sexuées pour une analyse plus fine de la situation comparée des hommes et des femmes en entreprise.

Présentant la recommandation n° 3 visant les pratiques discriminatoires, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné qu'il importait de lutter aussi contre les discriminations dont les femmes sont l'objet, à tous les niveaux, dans leur promotion au sein de l'entreprise, à qualifications ou diplômes égaux à ceux des hommes.

A la recommandation n° 6, elle a tenu à rappeler que les dispositions du code du travail déjà existantes devaient s'appliquer en matière de formation permanente en cas de retour à l'emploi d'une femme après un congé parental ou un congé maternité.

Mme Catherine Génisson a suggéré de préciser que ces dispositions s'appliquent aussi bien aux femmes qu'aux hommes, afin de valoriser les congés pris par les hommes.

En réponse à Mme Bérangère Poletti sur la situation défavorable des femmes dans les professions libérales, qui n'ont souvent guère la possibilité de prendre leurs congés de maternité ou de bénéficier de formation professionnelle, et à Mme Catherine Génisson faisant remarquer qu'il faudrait les obliger à choisir un des statuts de conjoint collaborateur, qui pourrait leur apporter de nouveaux droits sociaux, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné les difficultés des femmes de certaines professions indépendantes à adhérer à ces statuts, en raison du coût des cotisations. La spécificité de ces professions impliquant un traitement à part, elle a pris l'engagement d'évoquer ces problèmes à l'occasion de l'examen du projet de loi concernant les professions du commerce et de l'artisanat préparé par le ministre, M. Renaud Dutreil.

Sur la recommandation n° 7, Mme Claude Greff a souhaité ajouter aux diverses mesures nouvelles de soutien familial, celle des aides en cas d'accompagnement d'une personne en fin de vie.

Prenant l'exemple des crèches d'hôpitaux qui, selon elle, ne fonctionnent pas, Mme Catherine Génisson a observé que l'organisation de crèches dans l'entreprise même n'était pas forcément la meilleure solution.

M. Patrick Delnatte a cependant rappelé que, dans la fonction publique, la crèche sur les lieux de travail était très appréciée. Il a souligné l'action positive de M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, visant à associer les partenaires sociaux à la politique familiale, notamment dans l'organisation et la création de crèches. Dans ce domaine, un large panel de possibilités est offert aux entreprises.

Mme Patricia Adam a estimé que l'aide maternelle au domicile des parents était une solution intéressante qui mériterait d'être développée. Cependant, à la différence des assistantes maternelles qui doivent obtenir un agrément des services départementaux, les personnels d'aide à domicile ne bénéficient d'aucun agrément, ni d'aucun statut.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que lors du Forum sur la famille, le développement des aides à domicile avaient été préconisées. En ce qui concerne le libre choix de la garde des enfants, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a fait des propositions qui demandent réflexion. Il n'est pas exclu que les personnes qui viennent garder l'enfant à domicile puissent bénéficier d'un agrément.

M. Patrick Delnatte a fait remarquer que la PAJE vise à favoriser la garde à domicile et qu'il faudrait professionnaliser les métiers de la petite enfance.

M. Jean-Marc Roubaud s'est interrogé sur la priorité, qui est accordée ou non aux femmes qui travaillent pour bénéficier de places en crèches.

M. Laurent Hénart a fait observer que cette priorité était de fait accordée dans de nombreuses grandes villes.

A propos de la recommandation n° 9 qui invitait les organisations syndicales à respecter dans la composition des listes électorales la proportion des hommes et des femmes salariés dans l'entreprise, de façon que la composition du comité d'entreprise soit proportionnelle à leurs effectifs dans l'entreprise, Mme Catherine Génisson a fait remarquer qu'une telle représentation proportionnelle ne lui paraissait pas compatible avec l'égalité, ni avec la démocratie et qu'il serait préférable que les organisations syndicales, lors des élections au comité d'entreprise, respectent une proportion équilibrée d'hommes et de femmes dans l'entreprise, selon la formule de la loi du 9 mai 2001. Au terme d'une discussion entre les membres de la Délégation, la formulation retenue pour la recommandation a fait apparaître que les organisations syndicales doivent s'efforcer de respecter la proportion d'hommes et de femmes salariés dans l'entreprise.

Examinant la recommandation n° 10 sur l'évaluation en 2004 des résultats de l'application de la loi du 9 mai 2001 que devrait effectuer le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, Mme Marie-Jo Zimmermann, conformément à la demande des organisations syndicales, a souhaité que le CSEP où se retrouvent tous les partenaires sociaux et où remontent toutes les informations, se réunisse à nouveau pour remplir ses missions en matière d'égalité professionnelle.

La Délégation a ensuite adopté l'ensemble des recommandations, compte tenu des observations formulées et des modifications suggérées :

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES
PAR LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES

1. Trente ans après la première loi sur l'égalité salariale, vingt ans après la "loi Roudy" concernant l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le maintien d'inégalités flagrantes entre hommes et femmes dans l'entreprise a rendu nécessaire la loi du 9 mai 2001. L'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle dans l'entreprise en s'appuyant sur des indicateurs pertinents reflétant la situation professionnelle des femmes et des hommes dans l'entreprise doit permettre d'amorcer et de mieux conduire la négociation collective. La Délégation aux droits des femmes estime que l'arsenal législatif en faveur de l'égalité professionnelle est désormais suffisant et qu'il convient surtout de veiller à son application concrète et effective dans les entreprises et les branches.

2. Une sensibilisation des acteurs économiques et des partenaires sociaux au thème de l'égalité professionnelle est nécessaire. A cet effet, les directions départementales et régionales du travail et de l'emploi doivent s'efforcer de leur fournir des statistiques détaillées et sexuées sur l'égalité professionnelle.

Une large diffusion du guide d'appui à la négociation au sein des entreprises et des branches doit être faite auprès des employeurs et des négociateurs syndicaux par les services décentralisés du ministère du travail et de l'emploi, par les réseaux du service des droits des femmes, ainsi que par les régions dans le cadre de leurs compétences.

Les déléguées régionales et départementales aux droits des femmes doivent assurer une mission d'information sur l'égalité professionnelle auprès des entreprises et des partenaires sociaux et être vigilantes quant à l'application de la loi du 9 mai 2001. Elles doivent disposer des moyens nécessaires à leurs missions.

3. Il importe de lutter contre les pratiques discriminatoires à l'embauche liées aux mentalités et aux habitudes qui conduisent encore trop souvent les employeurs à privilégier un recrutement masculin. Il importe également de lutter contre les discriminations dont les femmes sont l'objet, à qualifications ou diplômes égaux à ceux des hommes, dans la promotion au sein de l'entreprise.

Les informations données par les indicateurs pertinents, relatives au respect de l'égalité hommes/femmes à l'embauche, comme lors des promotions internes, doivent permettre d'y remédier.

4. L'accès des femmes à de nouveaux métiers, est indispensable pour élargir leurs champs de compétences et d'activités Des actions concrètes et exemplaires doivent être encouragées à l'occasion des accords d'entreprises ou de branches, pour leur ouvrir des filières trop exclusivement réservées aux hommes, notamment par le recours aux contrats pour la mixité des emplois en faveur des PME.

5. Les critères de la pénibilité du travail, souvent basés sur les performances des hommes dans les classifications professionnelles, devront être mieux évalués, afin de tenir compte de l'évolution des conditions de travail et des aptitudes particulières des hommes comme des femmes. Les progrès technologiques, la recherche de solutions ergonomiques dans l'entreprise, avec l'appui de tous les intervenants (médecins et inspecteurs du travail, CHST) devraient permettre d'intégrer les femmes sur des postes jusqu'à présent principalement réservés aux hommes.

6. Le congé parental ou de maternité ne doit pas être considéré comme un handicap. Les dispositions du code du travail concernant les droits des salariés en matière de formation professionnelle permanente destinée aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s'y engagent, doivent être appliquées en cas de retour à l'emploi après un congé parental ou de maternité.

7. Pour une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale, de nouvelles formules de soutien familial devraient être mises en place, en particulier dans les grandes entreprises ou les bassins d'emplois : crèches d'entreprises ou inter-entreprises, réservation de places en crèche, développement d'emplois de service (aide maternelle à domicile), aide en cas d'enfants malades et d'accompagnement d'une personne en fin de vie.

8. En amont, l'élargissement des formations et des choix professionnels offerts aux jeunes filles dans le cadre de l'Education nationale vers les filières scientifiques et techniques doit être une priorité.

9. Une présence accrue des femmes est indispensable dans les instances représentatives au sein des entreprises et des branches, dans les comités d'entreprises et les commissions de l'égalité professionnelle, et parmi les délégués du personnel. A l'occasion des élections au comité d'entreprise, les organisations syndicales doivent s'efforcer de respecter la proportion d'hommes et de femmes salariés dans l'entreprise.

10. Une évaluation d'ensemble des résultats enregistrés en matière d'égalité professionnelle, dans le cadre de la loi du 9 mai 2001, devra être effectuée, dès 2004, par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, pour en dégager les difficultés et les avancées.


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