DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 16

Mardi 11 mai 2004
(Séance de 17 heures)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mmes Isabelle de Rambuteau, présidente, et Marie-Laure Desbrosses, chargée de mission, du Mouvement Mondial des Mères-France .

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- Audition de Mmes Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe, et Patricia Le Bihan, membre de la commission Equité hommes-femmes, de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu Mmes Isabelle de Rambuteau, présidente, et Marie-Laure Desbrosses, chargée de mission du Mouvement Mondial des Mères-France.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Mmes Isabelle de Rambuteau, présidente du Mouvement Mondial des Mères-France, et Marie-Laure Desbrosses, chargée, au sein de ce Mouvement, d'une mission sur la conciliation vie professionnelle-vie familiale.

Votre Mouvement, créé au lendemain de la guerre pour recréer les conditions de la paix et faire entendre la voix des mères, a obtenu un statut consultatif auprès de l'ONU et de ses agences, et fédère de nombreuses associations dans quarante pays sur cinq continents.

Votre présidez, Madame de Rambuteau, la branche française du Mouvement, créée en 1994, et vous avez souhaité être auditionnée par la Délégation, dans le cadre de son travail actuel sur le temps partiel.

La Délégation a commencé des auditions de chercheurs, de syndicalistes, de responsables patronaux dans les différents secteurs d'activité où le temps partiel est majoritaire : commerce, distribution, nettoyage, hôtellerie, restauration.

Sans que l'on dispose de chiffres vraiment fiables, il apparaît que le travail à temps partiel est plus souvent subi que choisi. Il s'est beaucoup développé dans les années quatre-vingts, sous l'impulsion d'exonérations de charges sociales, et semble actuellement se stabiliser et évoluer - notamment dans le secteur du commerce et de la distribution - vers un mini-temps plein de trente heures environ.

Vous êtes vous-mêmes convaincues de l'intérêt du travail à temps partiel pour les mères et vous avez des propositions à faire pour améliorer le recours à cette forme de travail dans le souci de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle.

Mme Isabelle de Rambuteau : Nous sommes la première association féminine à avoir eu un statut consultatif en 1949, lors d'un colloque de l'Union féminine civique et sociale - dont nous sommes issues.

L'idée était de promouvoir la paix, d'une part par la promotion du rôle social de la mère - les mères avaient tenu l'économie du pays pendant quatre ans, elles ont donc voulu reconstruire à part égale avec les hommes - et, d'autre part, par leur rôle d'éducatrices des citoyens de demain.

Notre association est surtout connue au niveau international, puisque nous participons à tous les colloques relatifs à la mère, l'enfant et la famille ; nous sommes une association féminine à but familial. Nous avons participé, en outre, à la rédaction de la convention des Droits de l'enfant et avons initié l'année internationale de la famille.

La branche française de cette association a été créée il y a dix ans, par une personne issue du Mouvement international. Mes prédécesseurs, comme toutes les représentantes de la vie associative, étaient des personnes qui écrivaient et réalisaient des choses de façon discrète, même si elles faisaient entendre la voix des mères. Aujourd'hui, nous menons un certain nombre de travaux pour conforter, valoriser et faire entendre la voix des mères qui sont 17,6 millions en France.

Il est important pour nous de faire entendre la voix des mères, car, comme vous le savez, les femmes sont très peu représentées dans la vie politique française et personne ne se charge de faire entendre la voix des mères, celles qui jonglent entre la vie familiale, la vie sociale, la vie conjugale et la vie professionnelle et qui n'ont que peu de temps pour leur vie personnelle. Il nous a donc paru important d'être une force de propositions dans ce sens.

C'est la raison pour laquelle nous faisons entendre la voix des mères dans les conférences de la famille. Nous avons présenté, l'année dernière, des propositions - qui ont été adoptées - sur les modes de garde ; cette année, nos propositions concernaient les adolescents.

En ce qui concerne le temps partiel, je laisserai la parole à Mme Marie-Laure Desbrosses, qui vous expliquera que nous souhaitons voir se développer le temps partiel choisi - et non subi.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Pouvez-vous nous en dire plus sur le Mouvement Mondial des Mères ?

Mme Isabelle de Rambuteau : Nous menons deux actions : d'une part, une action de terrain, de solidarité - groupes de rencontre, journal, site internet, émissions de radio. L'idée est de nous appuyer sur les compétences des mères, d'abord en leur faisant prendre conscience de l'importance de leur rôle. Pour nous la mère a un rôle absolument déterminant dans la société : nous sommes celles qui préparons les citoyens de demain, celles qui influençons le monde. Il est donc important que les mères reprennent confiance en elles-mêmes et dans le lien qui existe entre leurs actions familiales et leurs actions sociales.

Nous préparons en ce moment un colloque qui se tiendra à Colombes, le 6 novembre, une ville où l'on compte un tiers de logements sociaux ; nous allons, grâce aux groupes de parole, faire émerger les savoir-faire de mères qui ont des conséquences immédiates sur la sécurité, et tout ce qui touche à la ville. Une vingtaine de groupes de parole seront mis en place dans les quartiers - dans le cadre des contrats-ville -, pour permettre à des mères d'échanger leurs savoir-faire sur la mise en place du respect, de l'autorité, de l'écoute et du partage avec les enfants ; nous partons de l'idée que ces thèmes concernent tout le monde et ont des répercussions sur la société : un enfant qui connaît ses limites au sein de sa famille saura respecter celles de la société, un enfant qui est écouté chez lui n'aura pas besoin d'aller faire des graffitis sur les murs.

Il s'agit d'une sensibilisation et d'une valorisation du rôle des mères. Quelle que soit la culture des mères, elles ont en elles des richesses ; elles sont des mines d'or, nous allons donc à la recherche des pépites pour faire ressortir les savoir-faire extraordinaires qu'elles possèdent. La ville va valoriser ces savoir-faire en leur affirmant que leur rôle est déterminant, fondamental, et qu'elles sont actrices dans le problème de la sécurité, de l'insertion, du lien social... Il s'agit d'un discours original, mais fondé sur le bon sens.

D'autre part, fortes de notre connaissance du terrain, nous voulons faire entendre la voix des mères, certes, au niveau international, mais également au niveau national, auprès des collectivités locales. Dans la ville de Brunoy, par exemple, nous préparons une action. Cette ville, traversée par une voie ferrée, est de plus en plus divisée en deux et sépare les habitants selon leurs cultures ; on nous a demandé d'organiser des groupes de parole, afin de rapprocher ces personnes. Et cela passera par les mères, grâce à l'universalité de la maternité - le ventre des mères n'a pas de culture.

Les responsables de l'action sociale nous disaient recevoir des personnes qui venaient pleurer, tant elles vivent des choses difficiles. Aujourd'hui, avec l'éclatement de la famille, la solitude, l'isolement, il existe un grand nombre de personnes seules qui ont besoin de décharger leurs émotions. Nous proposons donc des groupes de parole, des sas, où l'on peut partager et trouver un peu d'humanité.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Avez-vous des permanences dans toutes les villes de France ?

Mme Bérengère Poletti : Avez-vous des prolongements départementaux, régionaux ?

Mme Isabelle de Rambuteau : Nous sommes centralisées à Paris, mais nous avons des adhérents dans toute la France et distribuons notre journal sur tout le territoire. Nous sommes un laboratoire de réflexion ; par exemple, nous avons réalisé un film - que nous avons vendu à différentes associations - s'intitulant : « Osons être parents, parlons-en », à la suite d'une enquête qualitative menée avec l'Institut français de Démoscopie sur les origines de la violence. A travers la communication familiale, et finalement la vie des mères, nous nous sommes rendu compte que les mères supportaient trop et transmettaient une agressivité à leurs enfants génératrice de violence.

Mme Bérengère Poletti : Des villes ou des associations vous demandent donc d'intervenir.

Mme Isabelle de Rambuteau : Oui, je vous ai cité Colombes, Brunoy, il y a aussi le centre communal d'action sociale de Bar-le-Duc, qui a acheté notre film. Nous répondons aux demandes des mairies - dans le cadre de contrats-ville -, d'associations, de parents d'élèves, par exemple, d'écoles un peu perdues en campagne, qui ne disposent pas de psychologues scolaires et qui visionnent donc notre film, pour ensuite permettre aux mères d'échanger leurs savoir-faire, etc.

S'il existe des spécialistes, nous parents, avons une expérience à transmettre. La transmission mère-enfant se faisant plus difficilement en raison de l'éloignement géographique, éclatement de la famille, diminution de la cellule familiale -, il nous paraît important de développer la transmission transversale et horizontale des mères entre elles ; d'où l'intérêt de créer des groupes de parole pour échanger des savoir-faire.

Il nous paraît urgent de redonner confiance aux mères. Et nous sommes frappées par le fait que jamais le rôle de la mère n'est reconnu dans les discours politiques. A la Journée des femmes, M. Raffarin a parlé pendant trois quarts d'heure devant 600 femmes, dont 80 % devaient être mères ; or, il n'a cité le mot « mère » qu'une seule fois. Je suis allée le voir pour lui rappeler que la principale difficulté aujourd'hui, pour les femmes, c'est la conciliation vie familiale-vie professionnelle.

Nous sommes dans un monde fait par les hommes pour les hommes. Notre association souhaite participer à ce monde ; mais le fait que nous ne soyons pas présentes en politique, nous exclut en tant que mères et nous dévalorise. Or, nous n'assumons pas notre fonction maternelle de la même façon si nous sommes reconnues.

Mme Bérengère Poletti : Il convient également de parler du rôle du père. Nous aurons gagné notre combat pour la famille quand on fera exactement la même chose pour les hommes.

Mme Isabelle de Rambuteau : Le rôle du père sera d'autant plus grand que la mère est convaincue qu'il a une importance. Nous aimons dire que la mère est une médiatrice entre l'enfant et le père : c'est elle qui présente l'enfant au père, et le père à l'enfant. Car de nombreuses femmes écartent le père à la naissance, prétendant que les petits enfants n'ont besoin que de leur mère.

De même, la mère est la médiatrice entre l'enfant et la société : la mère aménage son corps pour l'enfant, puis le berceau, la chambre, puis l'appartement et s'arrête là ; c'est dommage. Car dans la cité, la mère a beaucoup de choses à dire, dans sa construction, sa gestion - et dans la vie politique.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Je me souviens de Marie-Jeanne Fay-Bocagnoni, qui était adjointe au maire pour les quartiers Nord de Marseille et qui avait axé toute son action sur le travail des mères. Il est vrai que la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale est très dure à gérer pour une mère.

Mme Isabelle de Rambuteau : Les victimes en sont les enfants. Les femmes veulent absolument assurer et, en fin de compte, ce sont les enfants qui en font les frais, dans le temps qu'on leur donne, etc.

Mme Marie-Laure Desbrosses : Pour en revenir au travail à temps partiel, nous avons commencé à vous expliquer tout à l'heure que nous faisons une différence entre le temps partiel et le temps de travail choisi.

Des caissières de supermarchés vont travailler vingt heures par semaine, mais si elles travaillent cinq jours, avec deux heures de pause dans la journée et deux heures de transport matin et soir, on peut dire qu'elles travaillent à temps partiel, mais pas à temps choisi.

En revanche, une infirmière libérale peut travailler à plein temps, mais commencer à 7 h 30 - son mari s'occupant des enfants - et finir à 16 heures, prendre tous ses mercredis après-midi et la moitié des vacances scolaires ; elle est à plein temps mais à temps choisi. Cette personne n'apparaîtra jamais dans les statistiques, alors qu'elle concilie très bien vie professionnelle et vie familiale.

Personnellement, je suis enseignante dans le supérieur - je donne six heures de cours pas semaine -, je travaille à plein temps et j'ai quatre enfants ; je concilie très bien vie professionnelle et vie familiale.

Mme Bérengère Poletti : La notion de « temps choisi » est plus vraie pour une enseignante que pour une infirmière libérale ; en général, dans le domaine de la santé, les femmes ont des vies très dures.

Mme Marie-Laure Desbrosses : Tout à fait, la préparation des cours et la correction des copies, par exemple, se font quand nous le souhaitons : le soir quand les enfants dorment, ou très tôt le matin. Et nous sommes en phase avec les enfants, puisque nous avons le même rythme scolaire.

Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est bien le développement du temps choisi, mais nous devons également parler du temps partiel subi.

Tout d'abord, les constats : premièrement, le vécu des mères sur le temps partiel ; deuxièmement, les risques et les atouts du temps choisi ; troisièmement, nos recommandations.

Lorsque nous parlons de temps de travail choisi, nous avons vraiment l'impression de parler d'une utopie ; pourtant, il existe déjà, et de façon beaucoup plus importante qu'on ne le pense. Par exemple, il existe pour les parents d'enfants de moins de trois ans : ils ont le droit de travailler à temps plein, de s'arrêter temporairement, et le droit de passer à temps partiel ; ils choisissent même leur pourcentage de temps partiel.

Le temps de travail choisi existe également pour les porteurs de projets, puisque la loi votée l'année dernière stipule qu'une personne qui a un projet de création d'entreprise - pas trop petite - a le droit de demander un temps partiel, le temps de finaliser son projet.

Nous avons été auditionnées il y a quelques semaines au Medef sur ce sujet ; or nous nous sommes rendu compte que de nombreuses entreprises, de grosses entreprises, ont signé des accords de temps partiels choisis - Renault, Peugeot, Axa, Bred, Casino. Ils mettent en avant la parité, en disant qu'aucun salarié ne doit être pénalisé du fait de travailler à temps partiel, qu'aucune femme ne doit être pénalisée par sa maternité et son droit à prendre un congé parental ; enfin, ils font un grand nombre de propositions pour les salariés, qui peuvent demander de passer à temps partiel - de 90 % à un mercredi sur deux, jusqu'à la possibilité de prendre tous ses mercredis et toutes les vacances scolaires.

Personnellement, je me demande comment ils peuvent gérer les personnes qui disparaissent le 30 juin pour revenir le 1er septembre. Mais ils le font. Ces accords ont été négociés, puis signés, et sont en place dans les entreprises que je vous ai citées.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Cela est possible dans les grandes sociétés comme PSA.

Mme Marie-Laure Desbrosses : Elles sont pionnières.

Un certain nombre d'entreprises ont donc mis en place des accords et cela fonctionne plutôt bien. Si ce temps partiel choisi concerne surtout les mères, certains pères le demandent également - un mercredi sur deux, par exemple, intéresse beaucoup les pères divorcés - ainsi que des salariés en fin de carrière qui, s'ils veulent aller jusqu'au bout pour avoir toutes leurs années de cotisation, veulent également diminuer leur rythme de travail. En profitent également des salariés qui ont besoin de temps pour s'occuper d'un proche malade ou d'un enfant handicapé, etc. Pour toutes ces raisons, l'on peut avoir besoin, temporairement ou pour une plus longue période, de passer à temps partiel.

Je vous citerai l'exemple des Pays-Bas, qui est très intéressant. Ils ont voté, en 1996 et 2000, deux lois sur le temps partiel. Les salariés peuvent demander - cela peut leur être refusé sous certaines conditions - de passer à temps partiel avec une priorité de retour à plein temps, et une possibilité de ménager leurs horaires.

Les Pays-Bas sont le pays d'Europe où il y a le plus de travailleurs à temps partiel : 36 % des salariés - les trois quarts des femmes travaillent à temps partiel.

Ce qui est intéressant à noter, c'est qu'ils avaient un plus faible taux de travail féminin qu'en France, et que cette loi a fait progresser le travail des femmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : C'est le pays où l'égalité professionnelle pose le moins de problèmes pour le moment.

Mme Marie-Laure Desbrosses : Et s'agissant du temps subi et du temps choisi, on apprend que seulement 5 % des salariés à temps partiel des Pays-Bas souhaiteraient travailler davantage - contre 15 % en France. On peut donc se dire que le temps de travail, là-bas, est relativement choisi.

Mme Bérengère Poletti : Les personnes qui ont un contrat emploi solidarité aimeraient, elles, travailler davantage.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Quelle est la situation, au moment de la retraite, des personnes qui ont travaillé à temps partiel ; bénéficient-elles d'une bonification ?

Mme Marie-Laure Desbrosses : S'agissant du nombre d'années de cotisation, le temps partiel compte comme un temps plein. En revanche, bien entendu, le montant de la retraite sera différent.

Autre constat : le temps partiel choisi nous paraît important pour bon nombre de salariés. Il est vrai que la durée du temps de travail est aujourd'hui à 35 heures, et que certaines personnes pourraient penser que la conciliation existe déjà. Une étude a été réalisée par le ministère de la ville en juin 2001 - donc après la mise en place des 35 heures - et relève que 51 % des Français disent manquer de temps : ils représentent les deux tiers des parents. Et si on pose la même question aux parents, deux tiers d'entre eux disent manquer de temps. Ce sont surtout les mères - et quelques pères - qui manquent de temps, les personnes qui doivent s'occuper d'un parent âgé ou malade et celles qui sont engagées dans la vie associative, politique, ou autres. Tout le monde ne désire pas passer au temps partiel, mais de nombreuses personnes manquent de temps, et cela malgré les 35 heures.

Mme Bérengère Poletti : Même les mères à temps partiel ?

Mme Marie-Laure Desbrosses : La caissière dont nous parlions tout à l'heure, qui travaille 20 heures, manque de temps.

Troisième constat : faute de possibilité de choisir, les personnes font un choix par défaut, ce qui est très ennuyeux.

D'abord, les mères arrêtent de travailler. Comment cela se passe-t-il ? Certaines mères travaillent à temps plein avec 1, 2 ou 3 enfants, pendant cinq ans ou dix ans ; un beau jour, elles n'en peuvent plus, et comme elles n'ont pas la possibilité de travailler à temps partiel, elles s'arrêtent. Dans un premier temps, elles sont heureuses, mais un an ou dix-huit mois après, elles regrettent.

Ensuite, second cas, certaines mères profitent du congé parental pour s'arrêter quelque temps, et souhaitent, quand le dernier enfant a trois ans, reprendre, mais à temps partiel - en ayant le mercredi libéré ou un peu plus de vacances. Dans certaines entreprises, cela se négocie très bien, mais dans d'autres, ce n'est pas possible ; alors elles s'arrêtent. Ce choix est dangereux : psychologiquement - sentiment de rejet -, mais également financièrement, si le mari se retrouve au chômage quelque temps plus tard, par exemple.

Mme Isabelle de Rambuteau : Psychologiquement, c'est très difficile, car elles ont le sentiment de ne plus rien valoir - phrase que l'on entend souvent. Elles désirent se réinsérer, reprendre un travail et ne le peuvent pas. Il est inadmissible d'entendre des femmes qui ont élevé 2,3 ou 4 enfants dirent : « Je ne vaux plus rien ». Elever des enfants, les préparer à devenir adultes demande un savoir-faire, et il est dommage que les entreprises ne reconnaissent pas ce que peuvent apporter ces femmes.

Mme Marie-Laure Desbrosses : Cela a également des conséquences en cas de divorce - qui se sont aggravées avec la nouvelle loi - car pour leur retraite, ce sont des années qui vont leur manquer. Si elles avaient travaillé à temps partiel, même si le montant de la retraite est moins élevé, les années auraient été validées.

En définitive, les femmes n'ont besoin d'un temps partiel que pendant quelques années ; toutes les femmes n'ont pas les mêmes besoins en matière de temps partiel ; tout dépend du nombre d'enfants, de la distance du lieu de travail, etc.

Nous avons des exemples de couples, issus de milieux populaires, où les deux conjoints travaillent à temps plein et qui n'ont aucun problème d'organisation : l'homme travaillant dans le bâtiment, il finit à 17 heures et peut s'occuper des enfants, alors que la femme s'en occupe le matin, son mari partant très tôt.

Tout cela pour vous dire que certains couples peuvent très bien gérer deux plein temps, et d'autres non. Si dans une carrière, pendant cinq ou dix ans, la femme travaille à temps partiel, cela n'aura pas de conséquences dramatiques ; en revanche, s'il y a cinq ou dix ans de « trou professionnel », ce sera dramatique. Sans oublier qu'il est très difficile, voire impossible, de retrouver du travail après dix ans d'interruption.

Mme Bérengère Poletti : Depuis la « loi Fillon » sur les retraites, les salariés à temps partiel ont la possibilité de cotiser pour toucher une retraite à taux plein.

Mme Marie-Laure Desbrosses : Il y a aussi les cas de personnes qui ne veulent pas arrêter de travailler et qui subissent le travail à temps plein ; cela a également des conséquences, en termes de motivation, de disponibilité de l'entreprise, et en termes démographiques. En effet, une étude menée voilà trois ou quatre ans démontrait que les femmes avaient en moyenne un enfant de moins que ce qu'elles souhaitaient.

Deuxièmement, les risques et les atouts du temps de travail choisi.

Il ne s'agit pas d'ajouter des contraintes supplémentaires aux entreprises, car si l'on veut qu'il y ait de l'emploi, les entreprises doivent tourner. Mais il est évident que, pour l'entreprise, il y a un surcoût du temps partiel - en termes d'embauche, de formation, de charges sociales pour les salaires importants, et en termes d'organisation pour mettre en place le temps partiel.

Nous sommes tout de même frappées de constater que de nombreux chefs d'entreprise reconnaissent l'efficacité des travailleurs à temps partiel. Une étude américaine, de 1997 - publiée par le Conseil économique et social - démontrait que si la productivité moyenne d'un salarié à temps plein est de 100 %, celle d'un salarié à mi-temps est de 64 %, celle d'un travailleur à 60 % est de 77 %, et qu'un travailleur à 70 % a une productivité de 87 %.

De façon chiffrée, on constate qu'il existe une vraie surproductivité à l'heure du salarié à temps partiel. Donc, même si le temps partiel a un coût pour l'entreprise, celle-ci s'y retrouve en termes de productivité.

Nous nous sommes aperçus qu'il existait un décalage entre l'image que renvoie le temps partiel et la réalité. Un DRH pensera d'une personne qui désire travailler à temps partiel qu'elle n'est pas motivée. Alors qu'un chef d'entreprise, interrogé sur l'efficacité de Mme X, qui travaille à temps partiel, vous dira qu'elle est performante. Par ailleurs, une entreprise qui dispose d'un volant de personnes travaillant à temps partiel, s'adapte plus facilement au marché. Les PME, par exemple, s'y retrouveraient mieux si certains de leurs postes étaient à temps partiel - un DRH, une secrétaire supplémentaire, etc.

Deux tiers des emplois qui se créent aujourd'hui sont à temps partiel ; ce qui veut dire qu'il y a bien une réalité, un besoin.

S'agissant du salarié, il existe deux risques majeurs. Tout d'abord, en termes de promotion et de formation ; les salariés se demandent si, en étant à temps partiel, ils vont bénéficier d'autant de formation que leurs collègues à plein temps et s'ils auront les mêmes possibilités de promotion.

Ensuite, en termes de reprise du travail à plein temps. En effet, si l'on met à part les entreprises qui ont signés des accords, les salariés ne savent pas trop ce qui les attend lorsqu'il font le choix du temps partiel.

Un salarié à temps choisi concilie mieux vie professionnelle et vie privée ; cela constitue une possibilité, pour les mères de familles nombreuses, de continuer à travailler.

Une étude de l'OCDE de 2001, démontre que les femmes travaillant à temps partiel expriment un niveau de satisfaction professionnelle plus important que celles qui travaillent à temps plein. Ce n'est pas parce qu'elles travaillent moins qu'elles sont moins motivées ; au contraire, elles apprécient davantage leur travail.

Par ailleurs, les salariés à temps choisi ont plus de disponibilité pour les loisirs, la vie associative, l'engagement politique, etc. Nous sommes frappés de constater que des mères, qui disent manquer de temps, dès qu'elles trouvent des aménagements d'horaires, viennent donner de leur temps dans notre association.

Mme Isabelle de Rambuteau : Je suis étonnée du nombre de femmes, de mères, qui ont besoin de se retrouver dans une vie associative, pour partager tout ce qui fait notre vie : donner vie et redonner vie... à la fois à elle même et à leur famille.

Mme Marie-Laure Desbrosses : Nous constatons également qu'un certain nombre de femmes qui vivent leur première expérience de temps choisi le vivent bien. Certaines ont commencé à travailler en binôme, prenant un mercredi sur deux, organisant leur temps ensemble. L'entreprise a une personne à plein temps - même pendant les vacances - et nous nous apercevons qu'elles arrivent à se faire promouvoir au même titre qu'un salarié à temps plein, voire à se faire embaucher dans une nouvelle entreprise.

Quel est le risque pour les pouvoirs publics ? Dès que l'on parle de promouvoir le temps partiel, la réaction est immédiate : on veut renvoyer les femmes au foyer, ce n'est pas bon pour la parité, cela va nuire aux femmes, etc. Or, dans la réalité, on s'aperçoit que le temps partiel est plutôt bénéfique pour le taux d'emplois féminins - donc bénéfique pour la parité et le financement des retraites -, et donc pour le chômage, ainsi que pour la démographie.

Troisièmement, nos propositions. Nous souhaitons que soit favorisé le développement du temps partiel choisi pour permettre aux salariés de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle en fonction de leurs besoins.

Nous pensons que cela doit passer par la négociation - et non en l'imposant aux entreprises. Nous voulons chercher à favoriser la signature d'accords d'entreprises et d'accords de branches ; des entreprises pionnières l'ont fait, alors comment peut-on susciter davantage de vocations ?

Nous pensons qu'une vraie campagne de communication doit être menée. Je suis une publicitaire, et je connais le décalage qui peut exister entre un produit et une image - en général, c'est parce qu'il manque de la communication. La réalité c'est que le temps partiel fonctionne bien, alors qu'il a une mauvaise image ; alors, trouvons une façon d'en parler.

Nous pourrions déjà commencer par parler non pas de temps partiel, mais de temps choisi - qui reflète la motivation du salarié. Je suis persuadée qu'il existe une façon de communiquer autour de ce thème, pour valoriser ce type de travail, qui est un vrai travail, au même titre que les autres.

La recherche d'emplois à temps partiel n'existe quasiment pas
- un peu à l'ANPE, pour des postes très spécialisés, inexistant à l'APEC -, ce qui est dommage. Il serait intéressant d'identifier les entreprises qui pourraient proposer des postes à temps partiel - et je pense en particulier aux PME - et de trouver comment l'on pourrait les mettre en relation avec les salariés qui sont à la recherche de ces postes.

Enfin, un rôle pourrait être joué par les collectivités locales : il y a en effet, certainement quelque chose à imaginer pour alléger le coût de la formation des salariés à temps partiel, car ils doivent être formés comme les autres - mais il est vrai que l'entreprise doit former deux personnes au lieu d'une.

Notre souci est de faire prendre conscience que cette réalité du temps partiel peut fonctionner, aussi bien pour l'entreprise que pour le salarié et les pouvoirs publics ; et si elle peut fonctionner pour tout le monde, pourquoi ne la mettons-nous pas en place davantage ?

Mme Isabelle de Rambuteau : Et sans l'imposer aux entreprises. Il serait intéressant de mettre en place le temps partiel non pas en l'imposant par une loi, mais par incitation.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Certes, ce n'est pas la loi qui peut l'imposer, mais ce ne sera pas facile non plus par incitation. Je trouve très positif que le Medef vous ait auditionnées.

Mme Isabelle de Rambuteau : Ils ont gardé notre rapport. Ils nous ont dit que les 35 heures avaient arrêté toutes les négociations sur le temps partiel.

Mme Marie-Laure Desbrosses : Ils nous ont effectivement expliqué que de nombreuses commissions travaillaient sur ce sujet, et que « réduction de travail » a rimé, ces 5 dernières années en France, avec « 35 heures », ce qui était mal vécu, « réduction » voulant dire « 35 heures imposées ».

Le premier accord de Renault est antérieur aux 35 heures, mais de nombreux autres sont postérieurs ; ce sujet continue donc d'être débattu.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Ce sont des réflexions qui sont menées dans les grandes entreprises, et notamment à PSA.

Mme Marie-Laure Desbrosses : Or, ce n'est pas plus facile pour les grandes entreprises, car le temps partiel concerne un grand nombre de métiers différents - l'ouvrier, la secrétaire, le commercial, etc. Mais il est vrai qu'elles jonglent en changeant les personnes de poste. Il faut que l'entreprise soit toute petite pour ne pas avoir cette possibilité de jongler ; mais, en s'organisant, même une petite entreprise peut y arriver. Dans beaucoup de métiers, en travaillant aux 4/5, l'on peut produire 95 % de ce qui était fait avant.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Quel est votre sentiment par rapport aux femmes travaillant à temps partiel dans les grandes surfaces en matière de conciliation vie familiale-vie professionnelle ?

Mme Isabelle de Rambuteau : Dans les hypermarchés, les femmes s'organisent elles-mêmes, et accordent, par exemple, les mercredis à la mère de famille. Elles se sont responsabilisées et ce n'est pas le patron qui impose le planning.

Mme Marie-Laure Desbrosses : Ce n'est pas dramatique de travailler jusqu'à 22 heures, lorsqu'on a choisi le jour.

Mme Isabelle de Rambuteau : Ce qui me fait plaisir, c'est de voir que la priorité de la mère est respectée ; de voir qu'il y a suffisamment de personnes avec un statut familial différent qui reconnaissent la priorité de la mère.

La question est la suivante : comment promouvoir l'avantage du temps partiel - puisqu'il existe et fonctionne ? Par une communication, une remise de prix ?

Mme Marie-Laure Desbrosses : Le Medef nous a parlé de crédits d'impôt - de la même façon qu'ils incitent à la création de crèches d'entreprise. Alors que l'allègement des charges sociales biaise le système et qu'en général, ça ne fonctionne pas.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Votre association m'intéresse réellement, car l'on parle souvent des femmes, mais pas des mères, qui sont pourtant très souvent le pivot du système.

Mme Isabelle de Rambuteau : Nous avons organisé un colloque au Liban. J'organise des groupes de parole avec des mères de toutes cultures, et j'avais dans mon groupe une trentaine de mères à qui j'ai demandé de définir la notion de « mère ». Les réponses étaient les suivantes : la colonne vertébrale, le pivot, le pilier, la matrice... Ces mots sortaient avec une grande facilité et l'on voyait se construire cet axe autour duquel tout tourne. Et même les femmes qui ne sont pas mises en valeur par leur culture étaient bien conscientes qu'elles étaient le pivot.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Dans les familles maghrébines, la mère est le pivot du système.

Mme Isabelle de Rambuteau : Lors de la Journée de la femme, nous avons, pendant 3 jours, à la mairie de Paris, tenu un stand. Il y avait 60 associations féminines et féministes, mais nous étions la seule à but familial. Nous avons installé un grand panneau où était écrit : « Pour moi, ma mère, c'est... ». Nous avons invité les passants, de toutes origines, à venir dire ce que représentait leur mère. Nous avons récolté 400 témoignages extraordinaires - « ma mère, c'est tout », « c'est du pain d'épice », « c'est 5 ans de psychanalyse », « celle qui m'a tout donné », « celle qui m'a prostituée ». Un professeur de mathématiques nous a même dit qu'elle n'enseignait plus pareil depuis qu'elle était mère.

Il y a tout de même une disproportion entre notre rôle et la place que l'on nous donne dans la société. Il faut que l'on fasse entendre nos voix.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : C'est la première fois que nous recevons une telle association, je vous remercie de nous avoir contactés.

Mme Isabelle de Rambuteau : Entendre les mères, c'est tout à fait nouveau. J'ai été invitée, il y a dix jours, à l'Elysée, à l'occasion du 60ème anniversaire du droit de vote des femmes. On m'a invité pour décloisonner tout ce qui était féminin et familial.

Notre association est à la fois familiale et féminine, c'est là son originalité. L'Union féminine, civique et sociale (U.F.C.S.) réalise également un travail remarquable, sur la défense du consommateur, sur le droit des femmes, etc. Nous sommes issues de cette association, avec cette dimension internationale et interculturelle.

La France est un pays multiculturel et, si nous voulons éviter d'aller au conflit, il faut absolument faire une place à toutes les cultures ; qui mieux que la femme, la mère, peut préparer la société de demain, avec ces notions de tolérance, de paix, de vivre ensemble ?

Nous avons rencontré des représentantes de l'association « Ni putes, ni soumises », et nous avons eu les mêmes réflexions : qui élèvent les futures mères, qui élèvent ces garçons qui brûlent les filles dans les poubelles ? Ce sont les mères - avec les pères, évidemment -, nous ne sommes pas réductrices.

Mais ce sont les mères qui sentent, qui savent ce dont leurs enfants ont besoin. Une mère, qui a fait le tour des spécialistes du monde entier pour son enfant handicapé, me disait que c'est elle, et non les médecins, qui avait réussit à faire le diagnostic de la maladie de son enfant.

Mme Bérengère Poletti : Il ne faut pas oublier le problème de l'adoption par des couples homosexuels. Avez-vous mené une réflexion sur ce sujet ?

Mme Isabelle de Rambuteau : Pensez-vous qu'il faille réfléchir des heures sur ce thème ? Je suis très admirative du lobbying des homosexuels, j'aimerais que nous ayons le même.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Au moment du Pacs, Renaud Muselier nous avait fait signer une pétition contre l'adoption d'enfants par des couples homosexuels. Certains de mes collègues pensaient que c'était inutile, que ça n'arriverait jamais.

Mme Isabelle de Rambuteau : En 1994, à Pékin, ces personnes ont fait blocage. Sur le rapport final, le mot « mère » était écrit douze fois, dont dix fois de façon négative. Nous savions donc très bien que tout cela allait arriver.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Jusqu'à preuve du contraire un enfant est conçu par un homme et une femme.

Mme Marie-Laure Desbrosses : L'adoption est possible par un célibataire, en France. Cette loi date de la guerre de 1914-1948 : il y avait tellement d'enfants orphelins que l'on a autorisé un célibataire - un parrain, une marraine, un oncle, une tante - à adopter un enfant par adoption plénière. Mais ce célibataire connaissait l'enfant. Aujourd'hui, c'est devenu un droit pour les célibataires ; mais comment peut-on penser que c'est ce qu'il y a de mieux pour l'enfant ?

Mme Bérengère Poletti : Il serait peut-être bon que nous reparlions de la retraite, des carences de cotisations pour certaines femmes - celles qui ont voulu s'occuper de leurs enfants. Il y a une réflexion à mener pour encourager les entreprises à s'ouvrir au temps partiel. Il serait bien d'avancer sur ce sujet.

Mme Marie-Laure Desbrosses : C'est la raison pour laquelle nous encourageons les femmes, non pas à arrêter leur activité professionnelle, mais à choisir le temps partiel ; les conséquences sont moins graves.

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* *

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a ensuite entendu Mmes Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe, et Patricia Le Bihan, membre de la commission Equité hommes-femmes, de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : A l'occasion de la préparation de son rapport annuel, la Délégation aux droits des femmes auditionne l'ensemble des syndicats, sur les problèmes posés par le travail à temps partiel.

Comment percevez-vous le temps partiel ? Comment en faire un temps choisi ? Quel est le niveau de la représentation syndicale des travailleurs à temps partiel ? Le temps partiel des femmes, mais aussi des hommes est-il un sujet d'intérêt pour votre syndicat ? Dispose-t-il d'indices de satisfaction sur le temps partiel, féminin notamment ? Quelles sont les répercussions du temps partiel sur les déroulements de carrière ?

Mme Gabrielle Simon : Le temps partiel nous intéresse. Choisi, il permet d'harmoniser les temps de vie : temps de vie professionnelle, temps de vie sociale, temps de vie personnelle, familiale. A ce titre, c'est un outil que nous considérons intéressant, pour les hommes et les femmes.

Il nous intéresse aussi, parce qu'il s'agit d'un mode de travail où la précarité se développe beaucoup et que notre objectif, en tant que partenaire social, est de réduire au maximum la précarité. Nous sommes par conséquent intéressés par ce mode de travail et par son évolution. Les délais de prévenance étant raccourcis, on constate qu'il y a plus de flexibilité, plus de précarité, des conditions de travail plus difficiles, des difficultés d'organisation de la vie. Ce sont là des évolutions qui ne s'inscrivent pas dans un sens vraiment positif, ni de notre point de vue, celui de la défense des salariés, ni du point de vue des entreprises et de leurs dirigeants, car les conditions de travail sont un élément important pour améliorer la compétitivité d'une entreprise. En développant la flexibilité, en ne tenant pas compte de la vie des salariés, de leurs conditions de vie, de leurs difficultés, on répond à un besoin à court terme, mais sur le moyen et long terme, l'évolution n'est pas positive. Cela se traduit pour l'entreprise par les accidents du travail, les maladies professionnelles, etc. C'est mauvais pour l'entreprise comme pour toute la société.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Quelles maladies professionnelles ?

Mme Gabrielle Simon : Dès lors que les femmes sont obligées de cumuler plusieurs temps partiels pour joindre les deux bouts, elles sont donc plus fatiguées et stressées ; elles ont souvent des temps de transports qui allongent de fait leur temps de travail, même si ce n'est pas du temps de travail effectif.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Beaucoup de personnes cumulent-elles plusieurs temps partiels ?

Mme Gabrielle Simon : Oui.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Dans le même métier ?

Mme Gabrielle Simon : Cela peut être dans différentes entreprises. Par exemple, dans le secteur du nettoyage, les femmes travaillent le matin et le soir.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Lorsqu'il a été mis en place en 1980, le temps partiel devait permettre un temps complet, mais dans des lieux différents. C'est donc bien une réalité.

Mme Gabrielle Simon : Ce n'est pas toute la réalité, mais une réalité - et pour les emplois les plus précaires. J'ai connu des cas pour lesquels ce n'était pas toujours un choix positif, y compris pour des femmes cadres, qui assumaient deux temps partiels dans des entreprises. Au début, elles avaient été intellectuellement séduites par ce principe, en pensant que le fait d'occuper deux postes différents leur permettrait de conserver une distance, un certain recul, par rapport à leur travail. Or, une des personnes que j'ai revue plus tard, m'a avoué qu'elle était complètement tiraillée, étant en même temps là, en même temps ailleurs.

Vous nous avez interrogées sur le déroulement des carrières : dans la grande majorité des cas, il s'agit d'emplois précaires, de basse qualification, quasiment dépourvus de progression de carrière.

Les documents Actualité de l'UIMM, que j'ai relus dernièrement, revendiquaient - M. Gautier-Sauvagnac nous en parle souvent - la nécessité de développer le temps partiel en France, car qui dit « temps partiel » dit « flexibilité ». Il était indiqué que la France figurait comme le pays européen le moins développé en matière de temps partiel. Il développait l'argument que : plus le temps partiel est développé, moins il y a de chômage. C'est mathématique. Le Medef est intéressé par un temps partiel flexible qui permet, à moindre coût, d'accroître la productivité des entreprises.

Ce à quoi nous sommes favorables et que nous voulons promouvoir est le temps partiel choisi, non le temps partiel imposé.

Le temps partiel a un aspect séduisant. Si on méconnaît la réalité, on peut se dire que c'est merveilleux et que cela permet à des femmes, pendant un temps de leur vie, de concilier la vie familiale, la garde des enfants, d'être moins fatiguées. Sans faire de misérabilisme, la réalité est autre. Les statistiques sont là pour preuve. Les femmes qui travaillent tôt le matin, tard le soir, comment font-elles pour faire garder leurs enfants alors qu'elles touchent des revenus minima et que souvent il s'agit de familles monoparentales ? Ce n'est pas simple. On en a une représentation intellectuelle ; sitôt que l'on discute avec elles, c'est autre chose, on passe à la vie réelle ; c'est, si j'ose dire, la galère pour nombre d'entre elles.

S'agissant de la représentation syndicale, il faut véritablement être courageux pour se syndiquer dans ces types de travaux. Dans une chaîne d'hôtellerie très connue, nous avons assisté à une quasi-exploitation des femmes. Ce fut très dur pour elles de conserver leur emploi. Il y a chantage.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Si les femmes ne sont pas syndiquées, comment intervenez-vous ?

Mme Gabrielle Simon : Dans cette entreprise, les injustices furent telles, les faits étaient à ce point inhumains...

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Sont-ce les employées qui vous les ont rapportés ?

Mme Gabrielle Simon : Oui, les employées.

Ce fut tellement excessif qu'il y a eu révolte. Nous avons reçu un coup de téléphone et nous sommes venues les aider. Nous avons nommé des délégués syndicaux pour les protéger et avons soutenu une action importante. Nous sommes allées très loin.

Dans ces secteurs, le taux de syndicalisation est faible. Mais si une personne syndiquée fait connaître un problème, même si les autres ne le sont pas, ce n'est pas pour autant que nous ne les aidons pas. Nous comprenons parfaitement que ces hommes et ces femmes aient peur de se syndiquer. Notre priorité est de les soutenir, de les aider, de les informer de leurs droits, quand elles en ont besoin.

Que ressentons-nous ? Que le temps partiel équivaut à une précarité dans une grande majorité des cas, les trois-quarts. Certes, le temps partiel est parfois un temps choisi, ce qui est merveilleux ; c'est encore mieux quand, dans certaines entreprises, par exemple à la Banque de France, il y a un accord de travail à temps partiel. Les gens reconduisent leur temps partiel tous les six mois. Le jour où ils veulent revenir à temps plein, ils reviennent à temps plein. Il s'agit d'un accord d'entreprise dont la CFTC est à l'origine et qu'elle a signé dans les années 82, au tout début de l'instauration du temps partiel.

Auparavant, j'étais secrétaire générale de la CFTC à la Banque de France. J'ai appris que la Banque de France demandait une renégociation de cet accord, en commençant par les agents de caisse, arguant du fait que le temps partiel n'était pas compatible avec leur travail. Il y a une vraie bagarre pour conserver le principe. C'est la situation idéale. Les femmes qui souhaitent un temps partiel l'obtiennent et le jour où elles veulent retravailler à temps plein, elles retravaillent à temps plein.

Nous avions tenté de négocier, ce que nous n'avons pas obtenu et qui se révélerait véritablement un atout considérable pour le temps partiel : que les femmes puissent cotiser pour bénéficier de la retraite à taux plein.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Elles n'en ont pas les moyens.

Mme Gabrielle Simon : Toutes ne le pourraient pas, mais certaines le pourraient. Il faudrait que les personnes puissent choisir un mi-temps ou 60 %, 80 %.

Si une femme est payée 50 % de son temps mais qu'elle travaille 60 % de son temps et que les 10 % lui permettent de financer une retraite à taux plein, certaines femmes, je puis vous l'assurer, seraient intéressées, car pour l'heure, consacrer de l'argent à sa retraite est difficile.

J'évoquerai l'expérience de la Banque de France. Nous avons négocié, dans le cadre de plans sociaux, un temps partiel sur cinq ans ou sur dix ans. Sur cinq ans, il était rémunéré 60 % ; sur dix ans, il était rémunéré 70 %. L'entreprise finançait les trois-quarts de la retraite à taux plein, un quart l'était par le salarié. C'est dire que des personnes d'un certain âge et un peu fatiguées ont pu prendre un temps partiel et ont touché une retraite correcte. Parallèlement, cela aura permis à d'autres de rester dans l'entreprise. Certes, il n'est jamais agréable de négocier des plans sociaux, car cela suppose des suppressions d'emploi. Mais il est satisfaisant d'avoir pu trouver des solutions qui convenaient aux personnes.

Aujourd'hui, qui dit « temps partiel » dit « précarité ». Ce n'est toutefois pas toujours le cas. Nous avons pour objectif un temps partiel choisi pour que les femmes parviennent à concilier leurs différents temps de vie selon leur choix.

Je vous livre maintenant un aperçu du développement du temps partiel. En 1982, 9,2 % des actifs travaillaient à temps partiel contre 17 % en 2002. Plus de 10 % des femmes se déclarent sous-employées et voudraient travailler à temps plein. On voit bien qu'il ne s'agit pas d'un temps partiel choisi, mais d'un temps partiel imposé. Par ailleurs, les secteurs d'activité où le temps partiel se développe le plus sont ceux qui ont le plus besoin d'une main-d'œuvre flexible. Un lien s'opère entre flexibilité et temps partiel imposé. Les chiffres le dessinent assez bien. Ainsi, le temps partiel se développe-t-il davantage dans le secteur tertiaire, où l'on trouve 18 % des actifs.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Le secteur marchand aussi.

Mme Gabrielle Simon : Oui. Ajoutons le secteur des services aux particuliers, l'éducation, la santé, l'action sociale. Le temps partiel est supérieur à 95 % du temps de travail dans le secteur du maintien à domicile (aides ménagères et travailleuses familiales).

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Est-ce une bonne chose où est-ce, selon vous, de l'exploitation ?

Mme Gabrielle Simon : Il convient d'être plus nuancé. Cela permet à certaines femmes de rentrer sur le marché du travail et la formule est par conséquent moteur. Mais pour qu'elle soit véritablement positive, il conviendrait que ces femmes accèdent pour finir à un temps plein. Le temps partiel n'est pas une mauvaise chose s'il permet de remettre le pied à l'étrier à des femmes qui n'ont pas travaillé pendant plusieurs années, par manque de confiance en elles, par crainte ou parce que d'autres contraintes les empêchaient de travailler à temps plein. Pour elles, le temps partiel peut être une solution. Elles travaillent, reprennent confiance, découvrent le monde du travail et ce que cela peut leur apporter comme satisfaction. C'est positif. En revanche, cela ne l'est plus, dès lors que les emplois offerts sont un mode de gestion et qu'on ne leur permet pas d'accéder à un temps plein. Cela pourrait être positif à partir du moment où, au bout d'un laps de temps plus ou moins long suivant les personnes, elles auraient le choix d'opter pour un temps plein.

En outre, il faut savoir que certaines entreprises jouent de cette précarité. Si des personnes sont disponibles et veulent prendre la place, c'est aussi plus facile. Les contraintes extérieures ne sont pas simples. Dans le secteur du maintien à domicile, les personnes âgées sont très difficiles, veulent être aidées par une personne, puis par une autre, ont le sentiment d'avoir été volées. C'est une activité professionnelle complexe. Pour moi, le pourcentage de 95 % de travailleurs à temps partiel est trop élevé. Nous ne savons pas combien de femmes souhaitent travailler à temps partiel. Si nous nous situions dans les moyennes, nous pourrions établir l'hypothèse que cela correspond grosso modo à du temps choisi. Mais lorsque l'on atteint un taux de 95 %, le temps partiel n'est pas choisi. C'est la conclusion que nous tirons.

Le temps partiel est utilisé par les PME-TPE. Pour elles, c'est intéressant, car elles n'ont pas les moyens de recruter un plein temps, mais ont besoin de compétences.

Lorsque des femmes décident de faire plusieurs temps partiel, c'est une bonne chose si les deux entreprises sont implantées dans le même secteur et que les temps de transports sont réduits ; sinon c'est une source supplémentaire de fatigue et de difficultés.

Trente-quatre pour cent des salariés à temps partiel souhaiteraient travailler davantage. Les trois quarts de ces salariés préféreraient passer à temps complet.

Le secteur de la grande distribution emploie également des personnes à temps partiel pour gérer son personnel avec le maximum de souplesse. Mais lorsque les femmes ont des horaires atypiques, elles sont privées des modes de garde collectifs ou individuels. C'est dire qu'elles ont des conditions de travail difficiles, qu'elles sont dépendantes de la famille ou de leurs amis.

Quelle est l'incidence des « lois Aubry » sur le travail à temps partiel ? Lors des négociations dans les entreprises, un certain nombre de personnes à temps partiel se sont posé la question de savoir si elles retravailleraient à temps plein ou si elles resteraient à temps partiel ; encore fallait-il qu'elles aient la possibilité de travailler à temps plein. Là où ce fut possible, certaines femmes ont retenu cette solution, sans doute parce qu'elles avaient un certain âge et que leurs enfants étaient élevés. Cela dépendait aussi des accords d'entreprise. Dans certaines entreprises, il a été possible de négocier la réduction du temps de travail des personnes travaillant à temps partiel, même si ce n'était pas une obligation. Si le temps partiel a été proratisé en même temps que la rémunération, cela pouvait être intéressant pour certaines femmes à temps partiel. Cela dépendait des accords et des opportunités.

N'y a-t-il pas concurrence avec la situation des salariés bénéficiant de la RTT ? Il est certain que certaines personnes ont mal vécu cette situation lorsqu'elles n'ont pu bénéficier de l'accord des trente-cinq heures. Elles ont eu le sentiment d'être délaissées et ont éprouvé un sentiment d'injustice. En effet, elles gagnent moins ; en outre, les personnes à temps partiel dans les entreprises disent souvent qu'elles payent leur temps partiel plusieurs fois : une fois par une rémunération moindre ; une deuxième fois par une retraite qui sera moindre ; une troisième fois, parce qu'elles font quasiment le même travail que si elles étaient à temps plein ; une quatrième fois, parce qu'elles n'ont pas le même déroulement de carrière que les employés à temps plein.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Et une cinquième fois, parce qu'elles ne profitent pas de la RTT. Cela fait beaucoup.

Mme Gabrielle Simon : L'employeur, qui a besoin d'une main-d'œuvre flexible, sait que deux temps partiels à cinquante pour cent équivalent plus qu'un temps plein. Certes, il y a des cas où certaines personnes ne s'investissent pas, mais en règle générale, toutes les études démontrent le contraire. Et au moment du déroulement de carrière, le chef d'entreprise leur dit pourtant qu'elles sont à temps partiel et qu'il est normal que l'on fasse passer avant elles une personne à temps plein.

Le temps partiel féminin est particulièrement développé dans certaines branches. Dans le secteur de la propreté, un tiers des salariés occupe un emploi à temps partiel. Les salaires se situent à 2 % au-dessus du Smic. 70 % des salariés à temps partiel sont des femmes. Pour la grande distribution, entre 15 et 65 % de salariés travaillent entre 8 heures et 30 heures par semaine. Soixante-quinze pour cent de ces salariés sont des femmes et travaillent dans la vente, à l'accueil, sont hôtesses, caissières... Le niveau de rémunération est le Smic horaire. En théorie et en moyenne, les horaires sont communiqués aux salariés quinze jours à l'avance, avec un délai de prévenance de sept jours en cas de modification. Suite à la « loi Fillon » sur la formation professionnelle et la réforme du dialogue social, votée au mois d'avril, les délais de prévenance pourront être raccourcis par accord d'entreprise, alors même qu'ils n'étaient pas respectés. Si l'on demande à une personne de venir le lendemain ou le surlendemain et que celle-ci se trouve dans l'incapacité plusieurs fois de suite de répondre favorablement, on ne la garde pas.

Le patronat était très demandeur de cette réforme. Demain, les accords d'entreprises pourront être moins favorables que les accords de branche. Auparavant, on négociait un accord de branche et on considérait que les entreprises étaient protégées. Désormais, les accords d'entreprises pourront être plus défavorables. Combien d'accords d'entreprises réduiront les délais de prévenance ?

Nous avons toujours eu pour axe la conciliation des vies. C'est un pivot central de la CFTC. Parler de conciliation des vies signifie, pour une femme qui n'est pas mariée, sans enfants, le droit à une vie sociale. C'est même nécessaire, cela fait partie de la vie, de la dignité de la personne, de son équilibre. Pour une femme qui a des enfants, concilier vie familiale et vie professionnelle pendant un certain temps se révèle positif pour elle, sa famille, la société. Peut-être faudrait-il investir pour permettre aux femmes d'assumer leur rôle de parentalité quand cela est nécessaire.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Lorsque nous organisions des forums au RPR, c'était l'une des propositions de Mme Prudhomme et l'une des miennes.

Mme Patricia Le Bihan : Oui, elle souhaitait moduler le congé parental.

Mme Gabrielle Simon : C'est l'une de nos demandes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Pour la petite enfance, je ne le conteste pas. Mais il y a aussi l'adolescence et les personnes du troisième âge, qui entrent dans cette réflexion. La femme ou l'homme - l'homme, car je continue à dire que le temps partiel ne doit pas uniquement être réservé aux femmes - devraient avoir la possibilité de prendre un temps partiel modulable.

Mme Patricia Le Bihan : Quand on parle de concilier les temps de vie, cela concerne aussi les hommes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Si on y arrive pour les femmes, automatiquement, les hommes en bénéficieront.

Mme Patricia Le Bihan : Ce serait un pas supplémentaire par rapport à la parentalité.

Mme Gabrielle Simon : Dans le secteur social et médico-social, 34 % des salariés travaillent à moins de 80 %. Le faible niveau des salaires entraîne à terme de graves conséquences, en particulier sur les niveaux des retraites. C'est évident. Les personnes travaillant à temps partiel ont des niveaux de qualification faible et ont donc commencé à travailler tôt. Mais, la retraite à soixante ans ne leur est pas du tout accessible. Elles doivent attendre l'âge de soixante-cinq ans pour bénéficier du minimum vieillesse et recevoir un revenu qui se situe aux alentours du RMI.

Mme Patricia Le Bihan : Le nombre d'hommes demandant la liquidation de leur retraite à soixante ans, voire avant, est plus élevé que celui des femmes, alors que, dans la tranche soixante/soixante-cinq ans, ce sont les femmes qui sont les plus nombreuses.

Si l'on retient les interruptions de carrière liées aux maternités, aux grossesses, voire à un parent à soigner, à soixante ans, après calcul, une femme doit continuer à travailler pour obtenir une retraite décente, encore plus si elle se retrouve seule, séparée ou veuve.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : La question s'est posée lorsque nous avons analysé le projet de loi sur le divorce.

Mme Gabrielle Simon : Nous avançons une proposition : nous pensons qu'il faudrait essayer d'imaginer une modification des régimes de retraites complémentaires, dont le principe est en lui-même complexe. Nous nous demandons si plusieurs taux de cotisations ne pourraient être envisagés pour les entreprises, notamment pour le temps partiel, pour que les personnes à temps partiel puissent bénéficier d'une retraite correcte. Il conviendrait également de développer les accords en entreprise pour que l'employeur prenne en charge une partie des cotisations et que le salarié en assume une autre partie. Nous ne demandons pas que les entreprises payent la totalité, mais que des accords soient passés et que les personnes ayant travaillé à temps partiel puissent bénéficier d'un niveau de vie correct au moment de leur retraite. Il s'agit de transferts de charges. Comment cela se passera-t-il ? Demain, ces personnes seront à la retraite et toucheront le minimum vieillesse. Ce que les entreprises ne payent pas à un moment donné, parce qu'elles veulent privilégier la flexibilité et réduire leurs charges à tout prix, ce sera la société qui l'assumera par l'intermédiaire du minimum vieillesse. Est-ce normal ?

Une analyse est à entreprendre: de quoi avons-nous besoin à court et moyen termes et quelle est la portée des décisions prises à long terme, leurs effets pervers ?

J'en viens à nos propositions pour concilier vie personnelle et sociale et vie professionnelle.

Nous demandons que le congé parental d'éducation puisse être pris de manière fractionnée jusqu'aux seize ans de l'enfant. Selon une enquête BVA, réalisée par la CFTC en 2001, l'extension du congé parental à temps plein ou à temps partiel est la demande qui revient le plus souvent. Nous sommes persuadés qu'il faut aller en ce sens. Nous sommes conscients que c'est un outil de flexibilité. Nous sommes opposés au temps partiel imposé. Nous reconnaissons que le temps partiel peut offrir une possibilité d'insertion, mais qu'il faut que l'on offre aux femmes la possibilité de travailler à temps plein.

J'ai indiqué que les femmes à temps partiel payaient cinq fois leur temps partiel. Il faut vraiment que, dans les entreprises, les femmes le payent une fois et qu'elles accèdent à des évolutions de carrière correspondant à leurs compétences. Il y a un vrai travail à faire, un travail aussi de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, tout en sachant qu'une telle gestion peut présenter nombre d'effets pervers sur la flexibilité, la rémunération au mérite, et qu'elle tient compte davantage des objectifs à court terme de l'entreprise qu'à moyen ou à long terme. Il y a un vrai travail à entreprendre sur le moyen et le long termes et sur la responsabilité sociétale des entreprises qui ne peuvent se permettre d'employer des personnes, de les utiliser x années, sans leur offrir la possibilité de maintenir leur niveau de compétences. Je ne parle pas d'accroître leur niveau de compétences. Ce qui se passe ensuite, ce n'est plus leur problème. C'est l'Etat qui doit veiller à cela en promouvant des contrats-types.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : On réalise des économies au niveau des entreprises, non au niveau de l'Etat.

Mme Gabrielle Simon : Lors de la dernière négociation, les représentants du MEDEF nous ont opposé des graphiques, protestant que l'Etat asphyxiait les entreprises par des prélèvements obligatoires catastrophiques, et qu'elles étaient en train de mourir. J'ai alors pris la parole pour remarquer le caractère paradoxal des propos tenus : d'un côté, le MEDEF nous montre des statistiques, des schémas couleurs, démontrant que les prélèvements obligatoires en France sont les plus élevés d'Europe, que les entreprises sont étranglées, qu'elles ne peuvent absolument pas financer un droit au reclassement, le MEDEF demandant à l'Etat de le financer. Mais si l'Etat assume la charge qui normalement incombe au MEDEF, que se passera-t-il, ai-je questionné, pour les prélèvements obligatoires ? J'ai indiqué qu'il était paradoxal de parler de prélèvements obligatoires trop élevés et de se décharger sur l'Etat de charges incombant aux entreprises.

Sur le temps partiel choisi, il y a un autre axe : des évolutions de carrière satisfaisantes afin que les personnes qui choisissent le temps partiel ne le payent qu'une seule fois.

Il faut aussi apporter des garanties aux salariés sur les conditions de travail et les charges de travail : que l'on ne leur demande pas de faire un temps plein alors qu'ils sont à temps partiel ; étudier dans quelles conditions on prévoit le retour au temps plein, effectuer un suivi formation-évolution de carrière.

Nous exprimons des craintes sur la faculté de moduler le temps de travail des salariés à temps partiel. Si l'encadrement est insuffisant, nous craignons que les effets pervers du temps partiel ne se développent. Il faut donc aller en sens contraire et mieux encadrer le temps partiel.

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