DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 22

Mardi 6 juillet 2004
(Séance de 17 heures)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jacky Richard, directeur général de l'administration et de la fonction publique
au ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État

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La Délégation aux droits des femmes a entendu M.  Jacky Richard, directeur général de l'administration et de la fonction publique au ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous poursuivons nos auditions sur le travail à temps partiel en recevant M. Jacky Richard, directeur général de l'administration et de la fonction publique au ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État.

La Délégation s'est intéressée d'abord à l'organisation du travail à temps partiel dans le secteur privé, qui concerne environ 30 % des femmes actives. Elle a entendu des représentants des organisations patronales des industries de la distribution, de la propreté, de l'hôtellerie, les représentants des organisations syndicales, des experts, le directeur des relations du travail au ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Il nous paraît aujourd'hui indispensable de vous auditionner sur la situation et la perspective du travail à temps partiel dans les administrations où, à la différence du secteur privé, le temps partiel est choisi.

Pouvez-vous nous dresser un tableau de l'organisation du travail à temps partiel, des conditions d'accès au temps partiel et des conditions de rémunération ?

Quelles ont été les incidences de la réduction du temps de travail dans la fonction publique sur le travail à temps partiel ? Quelles sont les caractéristiques du temps partiel à l'Éducation nationale, selon qu'il s'applique aux enseignants et non-enseignants ?

Quel est votre point de vue sur la protection sociale des travailleurs à temps partiel, notamment en matière de retraite ? C'est à partir du moment où la Délégation s'est préoccupée de la réforme des retraites que la question du travail à temps partiel a pris une grande acuité à ses yeux. Alors que les femmes ne sont déjà pas favorisées financièrement au moment où elles prennent leur retraite, le temps partiel double le problème et peut conduire à une nouvelle précarité.

Après l'adoption de la loi du 29 août 2003 portant réforme des retraites, quel est le régime applicable aux fonctionnaires à temps partiel, s'agissant de la construction du droit à pension, de la liquidation, du calcul de la décote et de la surcote ?

M. Jacky Richard : Commençons par un tableau statistique avant d'aborder les aspects réglementaires ; nous évoquerons pour finir les importantes questions de l'organisation du travail.

En préalable, il convient de différencier dans la fonction publique le temps partiel choisi du temps partiel imposé. Pour les salariés du privé, le temps partiel est le plus souvent imposé par l'employeur dans le contrat de travail. Dans la fonction publique, les deux situations se retrouvent ; mais, s'agissant des fonctionnaires, il n'existe que du temps partiel choisi, voire du temps partiel de droit. Il existe des situations qui ouvrent droit au temps partiel sans que l'employeur puisse s'y opposer. Le temps partiel choisi, celui que l'agent demande, est rarement refusé. Le débat ne porte que sur la quotité. L'intérêt du service peut faire prévaloir une quotité un peu différente de celle souhaitée par l'agent. Mais, en général, je connais peu d'employeurs publics qui refusent un temps partiel. D'ailleurs, les textes prévoient qu'en cas de refus de temps partiel, il est possible, pour l'intéressé, de soumettre ce différend à la commission administrative paritaire. Ainsi, n'y a-t-il pas de problèmes sur le temps partiel choisi. En revanche, pour les non-titulaires, le temps partiel peut ne pas être choisi, car il arrive aux pouvoirs publics de recruter des agents contractuels pour un temps qui peut être partiel. Je pense notamment à des auxiliaires de l'enseignement. Le recrutement peut être opéré pour assurer un complément de service ou pour assurer un congé de maternité. Dans ce dernier cas, la quotité hebdomadaire est le temps plein, mais le recrutement n'est pas pour la totalité de l'année.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Est-ce un temps partiel ?

M. Jacky Richard : Le temps partiel peut être juridiquement annualisé. Ainsi, depuis 1995, avec le temps partiel annualisé, on peut travailler à plein temps six mois et pas du tout les six autres mois. C'est possible, mais peu fréquent.

La fonction publique compte des agents non-titulaires qui ne travaillent pas à temps plein et se trouvent avec un temps partiel imposé. Dans ce cas, nous ne sommes guère éloignés de la situation du privé. Mais mon exposé sera centré sur le temps partiel choisi.

Sur les effectifs de la fonction publique de l'État, on compte 165 000 fonctionnaires à temps partiel sur deux millions de fonctionnaires, soit 9,5 %. Sur ce total, 152 000 sont des femmes. Ainsi 92 % des fonctionnaires travaillant à temps partiel sont des femmes. Si l'on présente autrement les pourcentages, 15,2 % des femmes sont à temps partiel et seulement 1,7 % des hommes. Les agents non titulaires qui travaillent à temps partiel ou incomplet
- c'est-à-dire le temps partiel imposé - sont au nombre de 88 000, soit 33 % de l'ensemble des agents non titulaires de la fonction publique. On retrouve les chiffres du secteur privé. Sur ces 88 000 agents non titulaires, l'on dénombre 55 000 femmes, soit 44 % des femmes non titulaires de la fonction publique.

Si l'on entre dans le détail de la répartition, l'on s'aperçoit que le temps partiel est peu important à l'Éducation nationale, qui compte 80 000 femmes à temps partiel, soit 11,3 %

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Surtout dans le primaire.

M. Jacky Richard : Oui. Dans les autres ministères, le temps partiel est beaucoup plus important, puisque 72 000 femmes travaillent à temps partiel et que cela représente pratiquement 25 % des femmes de tous les autres ministères. Le quart des femmes dans la fonction publique, hors Éducation nationale, travaille à temps partiel, ce qui est assez important.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : C'est considérable.

M. Jacky Richard : En dehors de l'Éducation nationale, le temps partiel concerne une femme sur quatre. Ces données, de fin 2002, sont en légère baisse par rapport à 2000, où elles atteignaient 27,5 %. L'une des explications avancées lie ce mouvement de réduction du temps partiel à la possibilité de bénéficier de jours de RTT. La souplesse du positionnement de ces jours explique vraisemblablement que l'on a moins recours au temps partiel, qui reste toutefois pénalisant au plan pécuniaire, puisque les jours de RTT sont sans effets sur le salaire. J'ai constaté le phénomène à la direction générale de la fonction publique, petit service de 150 personnes, où des agents qui travaillaient à 80 % sont passés à temps complet.

La quotité de temps de travail la plus demandée est le 80 % ; elle est choisie par 54 % des femmes et des hommes. L'autre quotité la plus choisie ensuite est le mi-temps, 25 % le demandent.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Soit 17 heures et demie.

M. Jacky Richard : Oui, excepté pour les enseignants qui forment l'essentiel des demandes de temps partiel à 50 % parce qu'il n'y a pas d'autres quotités possibles pour le premier degré. C'est une question à l'étude à l'Éducation nationale. Il est envisagé d'ouvrir les quotités, autres que le mi-temps, aux professeurs des écoles. L'Éducation nationale pourra s'affranchir de ces quotités qui vont de dix en dix. La loi l'a prévu, afin de tomber sur un nombre entier d'heures, pour que les élèves puissent bénéficier de leur professeur des heures entières et non par quart d'heure !

Il faut souligner que les personnes à temps partiel ont un âge moyen de 39 ans, 26 % des agents à temps partiel ayant cet âge.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Pourquoi 39 ans ?

M. Jacky Richard : Pour les cadres, c'est un peu plus tard. Je pense que cet âge est lié au nombre d'enfants de moins de 16 ans. C'est la présence d'enfants qui semble déterminante. Après le début de la quarantaine, l'on a moins d'enfants de moins de 16 ans.

Mme Marcelle Ramonet : Les enfants sont élevés.

M. Jacky Richard : La statistique essaie de repérer l'âge le plus fréquent des agents à temps partiel. Vingt-six pour cent d'agents à temps partiel ont 39 ans. Je n'ai pas la déclinaison des âges, mais il y a peut-être 25 % d'agents de 37 ans et 23 % de 35 ans. L'âge le plus représenté est 39 ans.

Mme Marcelle Ramonet : Peut-être n'ont-elles plus, à cet âge, de possibilité d'évolution de carrière ?

M. Jacky Richard : À 39 ans, on n'est pas en fin de carrière.

Aujourd'hui, on a ses enfants plus tard qu'avant. Admettons que l'on ait des enfants à 25 ans, 25 et 15 égalent 40. Avant que les enfants aient quinze ans, les mamans souhaitent être présentes le mercredi. Après, elles estiment pouvoir reprendre le travail à temps plein, car la présence d'un des parents s'avère moins nécessaire.

Mme Danielle Bousquet : Les enfants tout petits sont gardés dans les crèches et par les nourrices ; ensuite, les mères sont sans solution le mercredi ; enfin, ils deviennent adolescents.

M. Jacky Richard : Les femmes titulaires à temps partiel sont 11 % à avoir choisi la quotité 90 % ; 54 % la quotité 80 % ; 5 % la quotité 70 % ; 5 % la quotité 60 % et 25 % la quotité 50 %.

Il n'existe pas de différence avec la fonction publique territoriale, mais il serait intéressant de connaître les comparaisons avec la fonction publique hospitalière qui est très féminisée. Les statistiques devraient retracer cette situation particulière.

Je pense que la fonction publique territoriale compte beaucoup plus d'agents non titulaires et donc beaucoup plus d'agents à temps incomplet que la fonction publique d'État. La fonction publique territoriale compte un peu moins d'hommes à temps partiel, 1 %, à rapprocher de 1,7 % et un peu plus de femmes, 16 %, à rapprocher de 15,2 %. Le total est identique à 9,5 %.

Sur les aspects plus strictement réglementaires, deux catégories de temps partiel sont à distinguer : le temps partiel de droit et le temps partiel choisi. Le temps partiel de droit est celui que le chef de service ne peut pas refuser, car l'agent est dans une situation familiale telle que toute demande doit être suivie d'un accord. Ces situations sont connues et très bien balisées par les textes qui ont institué le temps partiel. Ce sont la naissance ou l'adoption d'un enfant de moins de trois ans ; l'obligation de dispenser des soins à un conjoint, à un ascendant atteint d'un handicap, victime d'un accident ou d'une maladie grave, nécessitant la présence d'une tierce personne ; ou encore avoir un enfant à charge.

L'autre catégorie est celle du temps partiel sur autorisation qui est demandée et rarement refusée. Il peut y avoir des discussions sur la quotité demandée et finalement accordée, mais je ne connais guère de refus de temps partiels opposés à des demandes.

Dans un cas comme dans l'autre, toutes les quotités sont permises, excepté pour les enseignants du premier degré. Pour les enseignants du deuxième degré, cette quotité est recalculée pour tomber juste sur un nombre d'heures plein.

La question de la rémunération est réglée par la règle du prorata, sauf pour les quotités de 80 % et 90 % où, pour inciter à leur recours, il a été indiqué que la quotité financière serait plus importante que la quotité physique. Pour un temps partiel à 80 %, on est payé 85,7 % et pour un temps partiel à 90 %, 91,4 %. Ces quotités sont favorisées pour éviter l'absentéisme lié aux enfants. Plutôt que de subir un absentéisme, l'État employeur a préféré, dans les années 1980, accorder un avantage pécuniaire sur un temps partiel limité pour éviter d'inciter les agents à tricher par un absentéisme qui mettait tout le monde mal à l'aise. Cela a permis une organisation du travail plus planifiée. Chacun sait que tel agent n'est pas là le mercredi. Cela dit, les agents à temps partiel travaillent plus que les autres car, quand ils sont impliqués dans leur travail, ils s'avancent le mardi et rattrapent le jeudi. C'est ce qui ressort de l'expérience d'employeurs, phénomène que j'ai moi-même constaté, sans avoir rien imposé. C'est aussi une des raisons de les payer davantage. Voilà le raisonnement qui a conduit le législateur à accorder cette sur-rémunération.

Pour fixer les règles de temps partiel par rapport aux carrières et par rapport aux promotions, il a été décidé, pour le décompte, que les années passées à temps partiel comptaient comme des années à temps plein. On ne pénalise pas les agents en comptant les années au prorata du temps effectivement réalisé : une année à mi-temps ne compte pas pour une demi-année. C'est, là encore, un avantage donné au temps partiel.

Mme Marcelle Ramonet : Est-ce une nouvelle réglementation ?

M. Jacky Richard : Non, dès que le système a été lancé pour l'avancement de carrières, d'échelon et la promotion de grades, le temps passé à temps partiel a été compté comme du temps plein. Le dispositif a ainsi été conçu pour ne pas pénaliser la promotion des femmes.

Reste le sujet des incidences sur la retraite. Le sujet est compliqué et non totalement stabilisé, même si la loi du 21 août 2003 a apporté des réponses intéressantes à une situation devenue assez compliquée du fait d'une jurisprudence européenne sur les avantages que notre législation avait entendu donner aux femmes. Les femmes bénéficiaient pour le calcul de la retraite de bonifications d'ancienneté - un an par enfant et cela exclusivement réservé aux femmes. La Cour de justice des communautés européennes, qui siège à Luxembourg, par l'arrêt 366-99 Joseph Griesmar, avait précisé qu'il ne convenait pas que les hommes soient interdits de cet avantage.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : N'aurions-nous pu aller au-delà ?

M. Jacky Richard : La Cour de justice des communautés européennes a répondu à une question préjudicielle du Conseil d'État et ce n'est qu'après avoir obtenu réponse que le Conseil d'État a donné raison à M. Griesmar, qui est un magistrat et qui connaît très bien le droit. Ensuite, beaucoup d'hommes qui ont eu trois enfants se sont engouffrés dans la brèche. Actuellement, nous sommes obligés d'appliquer le droit avec des conséquences financières très importantes. Cet avantage était prévu exclusivement pour les femmes. Le juge a considéré qu'il convenait de l'étendre aux hommes. Voilà pourquoi le législateur a considéré que pour les enfants nés après le 1er janvier 2004, un autre système s'appliquerait. Pour ceux qui sont nés avant cette date, nous avons essayé de régulariser la situation. La loi précise que l'avantage ne peut être accordé qu'aux seuls agents qui ont effectivement interrompu leur carrière au moins deux mois. Or, l'on sait très bien que très peu d'hommes interrompent leur carrière. C'est ainsi que le législateur a entendu répondre à cette affaire.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : À la limite, il faudrait prouver que l'interruption est liée à l'éducation d'un enfant.

Mme Danielle Bousquet : En quoi la loi a-t-elle obéré des handicaps pour les femmes ?

M. Jacky Richard : La loi du 21 août 2003 est venue restreindre un avantage indu pour les hommes. Elle a veillé à neutraliser un certain nombre d'effets négatifs et surtout a opéré trois changements importants dans les rapports entre temps partiel et retraite.

Dans le cas du temps partiel sur autorisation, il est désormais prévu qu'il est possible d'améliorer la durée de liquidation des pensions. Les fonctionnaires peuvent demander à surcotiser sur la base d'un traitement de fonctionnaire travaillant à temps plein. Il faut toujours bien distinguer la liquidation de la pension de la constitution du droit. Pour la constitution du droit à pension, les années à temps partiel comptent comme des années à temps plein. En revanche, pour la liquidation, l'on s'en tient au strict temps travaillé. Comme cette règle est stricte, le législateur a entendu donner quelques avantages, dont la possibilité de surcotiser sur la base du traitement plein pour un maximum de quatre trimestres. Un an cela peut être important.

La deuxième mesure joue en cas de temps partiel pour des raisons familiales. En cas de temps partiel de droit, la loi a créé un mécanisme nouveau, de prise en compte gratuite sur la base d'un temps plein des périodes d'interruption pour élever un enfant de moins de trois ans. Cette prise en compte peut atteindre trois ans par enfant. C'est un bénéfice également ouvert aux hommes. Dans ce cas, les périodes de temps partiel pour élever un enfant sont décomptées comme du temps plein. Voilà la deuxième novation.

La troisième novation joue pour la mise en oeuvre de la décote en cas de carrière incomplète. Les périodes effectuées à temps partiel sont prises en compte comme des périodes effectuées à temps plein. Mais cela ne vaut que pour la seule application de la décote. C'est là une règle qui limite pour les femmes les effets de la décote. C'est ainsi une juste compensation des interruptions de carrière, que souvent les femmes décident pour élever leurs enfants.

Sur les aspects liés à l'organisation du travail, vous me demandiez quelle était l'incidence de la réduction du temps de travail sur le travail à temps partiel. La réduction du temps de travail réduit la demande de travail à temps partiel.

À mon sens, les difficultés d'organisation et de gestion que rencontre l'introduction du travail à temps partiel dans certains services de la fonction publique sont faibles. C'est précisément une question d'organisation du travail. Quand un agent souhaite travailler à temps partiel, il prévient selon un délai de prévenance. Après, l'on s'organise. Lorsqu'il s'agit de quotité réduite de l'ordre de 80 % ou de 90 %, les agents organisent d'eux-mêmes leur travail et la vie de leur service s'en trouve peu ou pas perturbée. Tout dépend évidemment des postes de travail. À un guichet par exemple, il faut remplacer l'agent ; mais, dans les bureaux, on sait que l'agent est absent le mercredi ; et l'on s'organise en conséquence.

Mme Danielle Bousquet : Est-ce à dire que sur une quotité de 80 %, l'on ne compenserait pas les 20 % ?

M. Jacky Richard : Les gestionnaires de personnel raisonnent globalement. Les quotités libérées dénommées « les rompus de temps partiel » sont agrégés pour faire des postes. Le problème, c'est qu'il y a beaucoup de temps partiel à 80 % ou 90 % et que les quotités financières sont plus faibles que les quotités physiques. Pour constituer financièrement un poste avec les rompus de temps partiel, il faut plus de cinq temps partiel à 80 %.

Mme Danielle Bousquet : Cela signifie-t-il que les agents à temps partiel effectuent un temps plein en termes de quantité de travail ?

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Très souvent.

M. Jacky Richard : Ils travaillent autrement. C'est une des raisons historiques pour laquelle les 80 % et les 90 % sont mieux rémunérés que la quotité physique dégagée. Certains agents toutefois ne sont pas dans les bureaux le mercredi pour recevoir le public, jour où pourtant les autres agents à temps partiel sont libres pour mener leurs démarches.

Mme Claude Greff : C'est là la difficulté. Il en va de même dans le commerce où les employés n'ont pas d'autres jours pour faire leurs courses que le lundi, jour où les magasins sont fermés.

M. Jacky Richard : C'est effectivement une contradiction similaire.

Mme Danielle Bousquet : Comment expliquer que les personnels d'encadrement ne soient pas autorisés à prendre des mi-temps et à partager leur poste ?

M. Jacky Richard : Je ne suis pas sûr que cela ne soit pas autorisé. Certes, il existe certains corps, tel celui des préfets, dont les membres n'ont pas droit de demander le temps partiel.

J'appelle votre attention sur le fait que mon homologue britannique travaille à temps partiel - et c'est un homme !

Mme Claude Greff : C'est une pratique courante dans les pays nordiques.

Mme Danielle Bousquet : Egalement pour les postes de direction et d'encadrement.

M. Jacky Richard : Il est vrai que dans les pays nordiques, la conception du rapport au travail est tout à fait différente, notamment dans la haute fonction publique.

Donc ce n'est pas interdit, sauf exception. Mais il est vrai que dans la pratique, l'on note une autocensure. Un chef d'établissement du second degré peut-il travailler à temps partiel ? Je ne le pense pas.

Mme Danielle Bousquet : N'est-ce pas autorisé ?

M. Jacky Richard : Dans un grand établissement où tout marche bien et où l'on compte beaucoup d'adjoints, ce n'est pas un problème, mais dans un collège difficile où le principal, souvent une femme, est peu secondé, il est délicat d'assurer la direction d'un établissement à deux, en ayant l'esprit tranquille en dehors de son temps de service.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : À temps complet non plus, on n'a pas l'esprit tranquille !

M. Jacky Richard : A fortiori.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Partager les soucis à deux, n'est-ce pas plus facile ?

M. Jacky Richard : Le pouvoir ne se partage pas complètement, car arrive le moment où l'on doit prendre des décisions, celle d'appeler la police à entrer dans l'établissement, celle de convoquer la famille, etc. La responsabilité se partage difficilement. Reste la certitude que mes propos étaient beaucoup plus définitifs voilà dix ou quinze ans que maintenant et que, dans dix ans, les choses auront encore évolué.

Mme Claude Greff : Dans d'autres fonctions publiques, peut-on rémunérer à 95 % des agents dont la quotité de temps partiel est de 80 % ?

M. Jacky Richard : Je ne le crois pas, le contrôle de légalité du préfet devrait l'interdire. La disposition est « transfonctions publiques », me semble-t-il. Il s'agit là de l'ordonnance de 1982.

Mme Danielle Bousquet : Une de mes assistantes détachée d'un conseil général a pris un temps partiel. Je me suis retrouvée devoir la rémunérer à 95 %, alors qu'elle travaillait à 80 %.

M. Jacky Richard : J'en suis surpris. Les règles concernant les traitements sont strictes. Il s'agissait peut-être d'un complément de rémunération destiné à maintenir un régime indemnitaire antérieur.

Mme Danielle Bousquet : Les hôpitaux rencontrent de grandes difficultés. Ils comptent de nombreux agents à temps partiel à 80 % et la dotation financière correspond à 80 %, alors que la rémunération est à 87,5 %. L'écart conduit les directeurs d'hôpitaux à refuser des demandes supplémentaires de temps partiel.

Sentez-vous une évolution de la demande venant des hommes ?

M. Jacky Richard : Pour les hommes, la demande a toujours été très marginale.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Pour quelles raisons demandent-ils un temps partiel?

M. Jacky Richard : Pour des raisons familiales.

Mme Claude Greff : Souvent pour accompagner un conjoint malade ou en fin de vie.

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