DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 11

Mardi 1er février 2005
(Séance de 18 heures)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

page

- Audition de Mme Blandine Kriegel, présidente du Haut Conseil à l'intégration

2

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu Mme Blandine Kriegel, présidente du Haut Conseil à l'intégration.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Blandine Kriegel, professeur de philosophie politique à l'université de Paris-X-Nanterre, chargée de mission auprès du Président de la République sur les questions de droit civique et d'éthique, présidente du Haut Conseil à l'intégration, d'avoir répondu à l'invitation de la Délégation, qui a choisi comme thème de travail pour 2005 les femmes de l'immigration, et qui ne pouvait mieux commencer ses travaux qu'en entendant celle dont les réflexions et les écrits illustrent toute l'importance du sujet. On y retrouve d'ailleurs très largement les préoccupations que la présidente percevait, lorsqu'elle était enseignante, chez les jeunes filles issues de l'immigration, et qui rejoignent celles de Fadela Amara, présidente de l'association Ni putes, ni soumises et membre de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.

Dans le cadre d'une autre audition, deux avocates de Ni putes ni soumises ont montré qu'en dépit de toutes les bonnes volontés et du travail accompli par le gouvernement, notamment par Mmes Nicole Ameline et Catherine Vautrin, il reste beaucoup à faire.

Le Haut Conseil à l'intégration a rendu deux avis remarqués sur ces questions, le premier sur la promotion sociale des jeunes des quartiers en difficulté, le second, précisément, sur la question des femmes issues de l'immigration. Il est donc intéressant de voir comment on peut faire évoluer les choses sans provoquer de révolution car, au-delà de l'avenir de ces filles et de ces femmes, c'est la réussite de la France qui est en jeu.

Mme Blandine Kriegel a souligné que c'est aussi en tant qu'enseignante, à l'université de Lyon-III, qu'elle a commencé à s'intéresser à ce sujet, constatant l'écart des performances entre les garçons et les filles parmi les jeunes « beurs » qui représentaient 15 % de ses élèves.

Saisi par le Premier ministre d'une demande d'avis sur les droits civiques des femmes issues de l'immigration, le Haut Conseil a dressé un panorama complet de leur situation, ce qui l'a amené à faire un certain nombre de recommandations, auxquelles il a essayé d'intéresser un certain nombre d'autorités publiques et de ministères, engageant à cette occasion avec Mme Nicole Ameline un partenariat assez fructueux. Pour autant, il reste beaucoup à faire, y compris sans doute sur le plan législatif.

Si la situation de ces femmes est devenue un phénomène d'opinion, elles le doivent d'abord à leur propre action, et en particulier à la marche des femmes des cités. Elles ont ainsi mis l'accent sur le fait qu'au cœur de leur condition se trouvait la question de droit, très importante, du conflit entre les lois françaises, qui prévoient une égalité législative, et certaines conventions bilatérales passées avec des pays où les droits des femmes ne sont pas équivalents à ceux des hommes. La nature des conflits varie selon la génération, le pays d'origine, la date d'immigration, et le traitement des phénomènes de société n'est pas le même.

Le Haut Conseil s'est intéressé à un certain nombre de sujets sensibles : répudiation, excision, mariage forcé, polygamie, traite.

La répudiation revêt une importance particulière dans les conventions bilatérales, en particulier avec le Maroc et avec l'Algérie puisque, même prononcée unilatéralement, elle peut, en raison de la double nationalité, avoir des effets sur le sol français.

Selon les associations, 35 000 jeunes filles sont chaque année victimes de l'excision en France. Il ne s'agit pas seulement d'une coutume honteuse, mais d'une pratique qui met en cause l'équilibre psychologique des victimes et qui pose, par ses conséquences physiologiques, notamment au moment de l'accouchement, un véritable problème de santé publique, y compris en termes de coût. Le professeur Roger Henrion l'a bien montré.

On compte aussi 35 000 mariages forcés qui, à la différence des mariages blancs, n'étaient pas pris en compte dans le projet de loi sur l'immigration, bien qu'ils constituent une atteinte plus grave aux droits de la personne. Heureusement, les auditions ont conduit la commission à défendre un amendement pour les mettre sur le même plan. Dans le cadre de la réforme du divorce, le Haut Conseil a souhaité que le ministère public puisse demander leur annulation. Il a obtenu que les agents diplomatiques soient sensibilisés à cette question, afin qu'ils puissent alerter les procureurs.

La répudiation et le mariage polygamique entraînaient des restrictions à l'entrée et au séjour des étrangers, avec des effets cruels sur les femmes puisque, jusqu'à une date récente, l'acquisition de la carte de résidente et de la nationalité restait liée à la qualité de conjointe. M. François Fillon, alors Ministre des affaires sociales, a accepté que, dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, la carte de résident soit remise à titre individuel.

S'agissant de la traite et de l'esclavage, il apparaît que si ceux qui font venir les femmes sont visés par la « loi Sarkozy », tel n'est pas le cas de ceux qui les exploitent et les font travailler.

A partir de ce constat, le Haut Conseil a fait un certain nombre de recommandations. La première est que les femmes puissent signer individuellement, à leur arrivée en France, le contrat d'accueil et d'intégration. Sur ce point, il a eu entière satisfaction.

Il convient par ailleurs que les conventions bilatérales qui méconnaissent le principe d'égalité entre les hommes et les femmes soient dénoncées, or tel n'est pas le cas. On a toutefois vu que, lors de la visite du Président de la République au Maroc, le roi Mohammed VI a annoncé une réforme de la moudawana, c'est-à-dire du code de la famille, tendant à renforcer cette égalité, de façon à rendre la polygamie presque impossible et à améliorer les conditions de transmission de l'héritage. Tout ceci a pu être vérifié à l'occasion d'un grand colloque sur les femmes organisé sur place. Au même moment, le ministre de la justice a pris des décrets d'application de la réforme.

Lorsque le Président de la République s'est rendu en Algérie, une femme a pris la parole lors de la réception à l'ambassade pour lui demander son appui en vue d'une réforme analogue du code de la famille. Un projet est aujourd'hui à l'étude devant le Conseil de la révolution.

Pour éviter l'application d'un statut personnel inégalitaire, le Haut Conseil avait proposé que la loi du domicile prévale lorsqu'elle est plus favorable aux femmes. Cette évolution est déjà intervenue en Grande-Bretagne et en Belgique, elle est envisagée en Espagne, et la Convention de La Haye a encouragé ce mouvement, qui relève du législateur.

L'objectif était de faire des femmes issues de l'immigration un public privilégié de la politique d'intégration. Un certain nombre de femmes remarquables ont d'ailleurs été entendues par le Haut Conseil lors de la préparation de cet avis.

La première prise en compte de ses recommandations a donc été l'amendement à la loi sur l'immigration qui a rendu plus difficile le mariage forcé. Les femmes fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, en particulier la Directrice des droits de l'homme, ont été de formidables relais, et les télégrammes diplomatiques qu'elles ont envoyés aux agents consulaires ont rendu plus difficiles les mariages forcés, les consuls exigeant désormais de voir les jeunes femmes avant de transcrire les mariages sur les registres d'état civil.

Ce mouvement se heurte toutefois à l'attitude des magistrats, dénoncée à juste titre par les associations, et l'organisation d'une conférence des procureurs généraux sur ce thème serait sans doute utile.

Désormais, les consuls reçoivent les futurs mariés séparément, ce qui permet aux jeunes femmes de tenir un discours différent. Certaines leur écrivent aussi pour leur demander leur aide. Mais, lorsqu'ils bloquent la transcription et préviennent les Affaires matrimoniales à Nantes, ils reçoivent un accueil médiocre. Sans doute cela tient-il au fait que l'on a longtemps considéré que cela relevait du caractère privé de la vie du couple, mais il faut désormais que les choses évoluent. C'est pourquoi le Haut Conseil a beaucoup insisté sur la dimension individuelle du parcours d'intégration et de l'entretien.

L'expression « mariage forcé » ne figure malheureusement pas dans la loi relative à la maîtrise de l'immigration, qui se contente d'une référence à l'article 146 du code civil qui dispose qu'il n'y a pas de mariage sans consentement. Pour les mariages en France, l'article 74 de la loi pose le principe de l'audition commune des futurs époux par l'officier d'état-civil avec la possibilité d'une audition séparée. En revanche, pour les mariages à l'étranger, l'article 75 prévoyant l'audition séparée pour la transcription, la sensibilisation des agents consulaires à ce sujet est une belle réussite.

Dans les deux cas, l'article 76 permet de recourir au procureur de la République pour s'opposer au mariage en France ou à sa transcription. Cette possibilité existait en réalité depuis 1993 mais n'était jamais utilisée. A l'origine, le texte faisait du fait qu'un des futurs époux ne puisse justifier de la régularité de son séjour en France un indice sérieux de mariage forcé.

Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel. Or des auditions ont montré que le mariage forcé pourrait être, par le biais de la compensation financière donné à la famille, un mécanisme d'achat d'un titre de séjour.

On pourrait aller plus loin puisque la nouvelle incrimination pénale créée par l'article 31 de la loi ne concerne que les mariages blancs et pas les mariages forcés.

Au total, on est encore loin du compte, il faut aller beaucoup plus loin sur ces questions, peut-être en empruntant la voie législative.

A Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, qui lui demandait si elle était optimiste, Mme Blandine Kriegel a répondu qu'en dépit du discours des médias sur la « panne » de l'intégration, et grâce aux efforts du Gouvernement depuis trois ans, avec la politique du contrat d'accueil et d'intégration, avec le plan de cohésion sociale, avec toutes les mesures symboliques qui ont été prises - musée de l'immigration, Conseil du culte musulman -, 58 % des Français considèrent aujourd'hui que l'on intègre plutôt convenablement les étrangers. Cela incite d'autant plus à l'optimisme qu'on ne connaît pas en France de violences intercommunautaires comme celles qui secouent actuellement la Grande-Bretagne et que l'insurrection des banlieues, que d'aucuns prophétisaient, n'a pas eu lieu.

Et, si tout ne va pas encore pour le mieux, la politique de lutte contre les discriminations, l'engagement de faire quelque chose pour les quartiers, la promotion active sont en train de changer la donne, grâce aussi à l'action des jeunes femmes, qui a été un véritable moteur.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a indiqué que, selon Fadela Amara, on ne s'est jamais occupé des mères de celles qui agissent aujourd'hui, qu'on ne leur a pas enseigné les lois françaises, ce qui pose un problème d'identité à leurs enfants.

Mme Blandine Kriegel a reconnu qu'il y avait là un problème fondamental : jusqu'au contrat d'accueil et d'intégration, on n'avait jamais enseigné les lois de la République à ceux qui arrivaient et à qui on demandait ensuite de les respecter. Ainsi, on condamne celles qui pratiquent l'excision, mais on ne leur a jamais dit que c'était interdit... Le Haut Conseil a fait un travail important sur ce point en redéfinissant le cahier des charges et en éditant un livret de la formation civique. Désormais, une des premières choses enseignées à ceux qui signent le contrat d'accueil et d'intégration, est le droit des personnes, en particulier l'égalité entre hommes et femmes.

Plus fondamentalement, comme on oublie l'air qu'on respire, on considère qu'il va de soi de vivre dans une démocratie, on oublie la chance que l'on a, on oublie que tout cela est fragile, on ne se donne pas la peine de l'enseigner. Qu'elles soient socialistes, conservatrices ou libérales, les idées qui ont dominé l'Europe aux XIXe et XXe siècles ont toutes mis l'accent sur les questions économiques et sociales, tandis que le droit, les institutions politiques passaient au second plan. Ainsi, s'il y a une « instruction civique » dans le primaire et le secondaire, il n'y a pas d'« instruction juridique ». Alors que « nul n'est censé ignorer la loi », on n'enseigne même pas comment rédiger un contrat ou un bail, et il faut faire une licence en droit pour pouvoir en acquérir quelques notions. Si on enseigne aujourd'hui à l'université les droits de l'homme, l'histoire de la pensée et des idées, cela ne s'est pas du tout répandu dans la société. Ainsi, les travailleurs sociaux, même s'ils font de leur mieux, n'ont reçu aucune formation sur les lois de la République. Avant le contrat d'accueil et d'intégration, dans le module de formation « Vivre en France », le premier transparent traitait de l'ANPE, le deuxième des ASSEDIC ! On n'y trouvait que du social, rien sur l'idée de la France ! C'est pourquoi le nouveau livret comporte au moins quelques éléments de la Constitution et des lois que l'État est tenu de faire connaître. Mais, si le contrat d'accueil et d'intégration prévoit 30 heures de formation linguistique, il n'offre que trois heures de formation civique, faute d'enseignants formés aux notions de droit. Comme le préconisait Claude Nicolet dans un rapport à Jean-Pierre Chevènement, il faut enseigner le droit.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a observé que le « rapport Thélot » n'y faisait pas allusion et que cela ne semblait toujours pas prévu dans la grande réforme de l'éducation.

Mme Blandine Kriegel l'a déploré, et a souligné que les grands universitaires qui siègent au Haut Conseil sont persuadés que c'est une nécessité.

La panne de l'intégration a sans doute un rapport avec le départ d'enseignement des humanistes classiques. Aujourd'hui si les familles françaises qui ont reçu cet enseignement des fondamentaux (la langue, l'histoire) ont été en mesure de pallier ainsi les insuffisances du système, comment les femmes issues de l'immigration le pourraient-elles ? Il y a donc là un vrai frein à l'intégration.

Le ministre François Fillon est très sensible à ces questions. A la question de savoir si le Haut Conseil a été auditionné par la « commission Thélot », Blandine Kriegel répond négativement. Dans son avis, le Haut Conseil s'était aperçu qu'en matière d'éducation les collégiens étaient un peu les oubliés des actions visant à l'intégration. Il a salué les expériences menées aussi bien à la RATP qu'à l'UIMM ou à l'École de la seconde chance, qui tendent à ajouter à l'enseignement général des stages professionnels et d'éducation civique. Il faut donc réhabiliter l'enseignement professionnel, avec des passerelles qui mènent jusqu'au métier d'ingénieur. Sur ce sujet un lobbying a été exercé auprès de Jean-Louis Borloo et de François Fillon pour qu'ils généralisent ces expériences, et ils l'ont fait.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a évoqué la promotion des lycées des métiers prônée par M. Jean-Luc Melenchon.

Elle s'est par ailleurs interrogée sur le décalage entre le discours tenu par les filles qui se sont mobilisées et qui ont fait le tour de France et la réalité vécue dans les banlieues par les filles issues de l'immigration, qui peinent à sortir d'un contexte familial marqué par l'autorité du père et du fils aîné. Comment peut-on mieux diffuser dans les banlieues tout ce qui est fait pour que les choses avancent ?

Mme Blandine Kriegel a vu là un vrai problème. Les jeunes femmes mobilisées sont une élite, de futurs cadres, mais les jeunes lycéennes appellent aussi la République à l'aide, ainsi que le Haut Conseil l'a constaté lors d'une réunion publique à laquelle Jean-Marie Bockel l'avait invité à Mulhouse. La République leur a répondu avec la loi sur le voile, qui fonctionne remarquablement : 49 refus seulement, dont beaucoup en Alsace, où la loi de 1905 ne s'applique pas. On voit là l'efficacité d'une méthode fondée sur la fermeté de la loi, sur le dialogue, sur la compréhension, sur une politique d'ensemble qui fait passer le message que l'on veut vraiment intégrer, s'attaquer aux discriminations et remettre en marche l'ascenseur social.

Mme Michèle Tabarot a demandé à Mme Blandine Kriegel son opinion sur la discrimination positive.

Mme Blandine Kriegel a rappelé que le Haut Conseil s'y est intéressé très tôt, bien avant la prise de position de Nicolas Sarkozy, ce qui l'a amené, dans le cadre d'une réflexion très approfondie sur l'idée de mettre des quotas dans les grandes écoles, à se pencher sur l'histoire de la discrimination positive.

Dans certains pays comme l'Inde, l'Afrique du Sud ou les États-unis, qui ont connu une ségrégation en fonction de la caste ou de la race, on a offert des avantages sur la base de quotas ethniques, parce qu'il a paru juste d'offrir une réparation à des groupes qui avaient été discriminés en tant que tels. Or la France, même si elle a un passé colonial, n'a jamais, en dehors de la période pétainiste, inscrit dans le droit métropolitain une quelconque ségrégation sur une base ethnique.

Qui plus est, même aux États-unis, l'affirmative action a été abandonnée en 1978, après que la Cour Suprême a déclaré inconstitutionnels les quotas ethniques qui avaient amené à refuser l'inscription d'Alan Bakke à l'école de médecine alors qu'il avait obtenu de meilleures notes que les membres des minorités concernées, auxquelles 16 % des places étaient réservées.

Certains considèrent qu'on applique déjà la discrimination en France, en particulier avec les politiques des ZEP ou de l'aménagement du territoire. Dans ces cas, l'État mène simplement une politique de restauration de l'égalité des chances par des avantages compensateurs, mais pas sur une base ethnique. Faire de la discrimination positive dans les banlieues, ce ne serait pas seulement consacrer de l'argent aux équipements publics, mais réserver à Fatima ou à Malik des postes auxquels on interdirait d'accéder à Nicole et Marcel, même s'ils habitent le même quartier. Personne ne fait cela, pas même Sciences Po, où il existe un tour extérieur destiné aux jeunes défavorisés, et auquel se présentent aussi des Russes ou des Polonais qui habitent en banlieue...

Beaucoup jouent sur les mots, mais il ne faut pas confondre action positive et discrimination positive.

On a vu aussi dans la parité une application de la discrimination positive. Mais il ne faut pas oublier que ce principe a été inscrit dans la Constitution parce que le Conseil constitutionnel a refusé la logique des quotas. Du coup, les femmes, qui recherchaient quand même plus d'égalité dans l'exercice de la citoyenneté, ont choisi une autre argumentation : dans les pays développés, la citoyenneté est fondée sur les droits de l'humain, or l'humain est homme et femme, la féminité n'est pas une quotité, une proportion de l'humanité, mais une qualité ; elle est aussi universelle que la masculinité. Faire des femmes un quota de l'humanité ou une communauté est absurde ! Aristote a d'ailleurs écrit que le premier attribut « substantiel » de l'humanité, c'est la masculinité ou la féminité.

Dans le domaine de l'immigration, il faut faire la différence entre les quanta d'immigration professionnelle au profit des entreprises qui ont besoin de main d'œuvre, comme dans les travaux saisonniers, et le quota de peuplement, qui est une proportion. Transformer les quanta en quotas est impossible dans l'état actuel de notre droit.

Sur le plan psychologique aussi, la politique des quotas a des effets nocifs dans la mesure où elle ne fait pas droit à la performance individuelle. Autant il convient de restaurer l'égalité des chances sur la ligne de départ, autant l'obligation de résultat est contraire à la finitude humaine et au fait que tout le monde ne peut pas tout faire en même temps.

Même en Inde, comme l'a souligné Amartya Sen de telles politiques ne semblent pas avoir donné les résultats qu'on en attendait Elles semblent bien étrangères à la tradition républicaine française, qui n'a jamais péché sur ce point et qui fait aussi bien avec l'action positive.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a proposé qu'une nouvelle rencontre soit organisée une fois que la Délégation aura achevé ses auditions et avant qu'elle ne remette ses recommandations. S'il apparaissait qu'une loi est nécessaire pour aider à une meilleure intégration des femmes de l'immigration, le législateur pourrait sans doute s'appuyer sur les propositions du Haut Conseil.

Mme Blandine Kriegel a répondu que la Délégation pouvait compter sur elle et s'est réjouie d'avoir été reçue par des femmes élues de la Nation. Quand on voit ce que les femmes fonctionnaires ont pu faire pour que les choses avancent, on se dit que des femmes parlementaires plus nombreuses pourraient aller encore plus loin.

Elle a souhaité que l'on aille plus loin, en particulier sur la question des mariages forcés, car celles qui les subissent vivent des situations terribles et sont tout simplement privées du droit de vivre comme des jeunes filles du XXIe siècle.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est déclarée particulièrement sensible à cette question qu'on ne peut plus ignorer. Il est donc urgent que la Délégation fasse des propositions à ce propos. Il faut aussi tout faire pour aider les femmes algériennes.

--____--


© Assemblée nationale