DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 1

Mardi 11 octobre 2005
(Séance de 16 h 15)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Si elle a souhaité qu'elle soit la première invitée de la Délégation en cette rentrée parlementaire, c'est parce que les femmes sont partie prenante dans l'ensemble de ses domaines de compétence, qu'il s'agisse de l'intégration ou de la cohésion sociale.

S'agissant de la parité en politique, Mme la ministre s'est exprimée le 6 juin dernier à l'occasion du colloque organisé pour les 10 ans de l'Observatoire de la parité et les 5 ans de la loi sur la parité. La Délégation aura l'occasion de l'entendre à nouveau, peut-être dans un délai assez bref, puisqu'il semble que des textes soient en préparation sur ce sujet.

De même, la Délégation serait heureuse de la recevoir au moment de la deuxième lecture du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, afin de lui faire part de ses attentes sur ce texte.

Mais c'est aujourd'hui dans le cadre de son thème de travail annuel, celui des femmes de l'immigration que la Délégation souhaite entendre Mme Catherine Vautrin. C'est un sujet difficile et délicat sur lequel la Délégation souhaite faire le point avec la ministre de la situation actuelle et des avancées possibles.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a remercié la Présidente pour cet accueil et s'est réjouie de retrouver la Délégation, avec laquelle elle souhaite avancer sur de vrais sujets de société. Car s'il est des sujets à court terme, il en est d'autres, tel celui de la place des femmes dans la société, pour lesquels la réflexion et l'échange doivent précéder la décision.

Avant d'en venir au thème de cette audition, la ministre a souhaité insister sur deux points d'actualité.

Elle a ainsi rappelé qu'en défendant au Sénat, en juillet dernier, le projet de loi sur l'égalité salariale, elle avait pris des engagements sur des aspects ne figurant pas dans le texte. Le premier est le temps partiel subi, à propos duquel les choses ne sont pas aussi évidentes qu'on le dit parfois. L'enquête qu'elle a demandée à la DARES devrait permettre de savoir exactement de quoi on parle. Le deuxième est celui du désenclavement du travail des femmes, celles-ci étant cantonnées dans onze des quarante familles de métiers.

Pour que les choses avancent dans ces deux domaines, elle a tout d'abord demandé à la Délégation aux droits des femmes du Conseil économique et social de lui faire part de ses approches sur le travail à temps partiel en novembre prochain, avant la deuxième lecture du texte. Elle a par ailleurs rencontré ce matin son collègue ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, M. Gérard Larcher, et deux réunions sur ces thèmes sont prévues avec les partenaires sociaux, les 24 et 29 novembre.

La ministre a ensuite rappelé qu'elle venait d'être interrogée, lors des questions au gouvernement, sur la place des femmes en politique. Le sondage publié par Le Parisien montre que les Français souhaitent qu'il y ait plus de femmes dans ce secteur. Elle-même plaide pour la mixité et la complémentarité. En rester à 12,5 % de femmes députées est un vrai échec. Les politiques doivent donner l'exemple, les partis sont prêts à avancer, et il faut vraiment se battre car les élections législatives auront lieu dans dix-neuf mois et les municipales suivront.

Il est aussi nécessaire de progresser sur la place des femmes dans la haute fonction publique et elle a fait un certain nombre de propositions au Premier ministre en ce sens. Pour sa part, elle a déjà nommé une femme, Mme Anne-Marie Charvet, à la tête de la Délégation interministérielle à la ville, et elle en a proposé une autre pour prendre la direction du FASILD. Cela lui paraît d'autant plus nécessaire qu'elle a constaté, lors d'une réunion des directeurs régionaux et départementaux de l'équipement, que, sur 150 personnes présentes, il n'y avait pas plus de 20 femmes, y compris les hôtesses d'accueil...

Pour en venir aux femmes de l'immigration, cette audition me donne l'occasion de faire le point. Il convient d'abord de rappeler que la moitié des immigrés - 50,3 % exactement - sont des femmes, soit 2,1 millions en 1999. Mais ce chiffre ne tient compte que de celles qui vivent en France et qui sont nées étrangères dans un pays étranger, et non de l'ensemble, bien plus important, des « femmes de l'immigration », qui disposent d'une carte d'identité française depuis longtemps mais continuent à être perçues par l'opinion publique, dans leurs liens de parenté et de culture, comme étant d'origine immigrée. En fait, aujourd'hui un quart des Français ont un de leurs quatre grands-parents d'origine immigrée.

La richesse des talents, des compétences de ces femmes peut être un atout fondamental pour la société française, qui ne doit pas se construire sans elles. C'est pourquoi la ministre fait de leur intégration un des axes forts de sa politique. Leur situation se situe d'ailleurs au confluent de ses deux portefeuilles, parité et cohésion sociale, mais elle relève aussi de l'exclusion et de la politique de la ville.

Clarifiée par le Haut Conseil à l'intégration, relayée par l'accord cadre signé notamment par le service des droits des femmes et de l'égalité, la politique menée en leur direction passe en particulier par le contrat d'accueil et d'intégration. Aujourd'hui, en matière d'immigration, la France manie deux notions : humanité de l'accueil des nouveaux arrivants et fermeté.

À l'évidence, il n'est pas possible de réussir l'intégration si on ne parle pas le français. En signant, dès son arrivée, le contrat d'accueil et d'intégration, la primo-arrivante s'engage à connaître ses droits et devoirs mais aussi à apprendre la langue. Un budget de 60 millions d'euros est consacré chaque année à ces actions.

Par ailleurs, l'entretien individuel a été rendu systématique lors de l'accueil sur les plates-formes, les femmes étant informées de leurs droits en tête-à-tête avec un interprète. On sait en effet que le moment de leur arrivée est un des seuls où un tel contact sera possible car, en particulier si elles n'ont pas d'enfants et n'ont donc pas à se rendre aux consultations de PMI, elles risquent d'être ensuite enfermées dans des appartements, où il sera difficile de leur délivrer un message.

Bon nombre de femmes, mariées à un cousin, arrivent en France du jour au lendemain, sans en parler la langue. Il faut donc avoir en leur direction une véritable stratégie de formation. La ministre milite ainsi fortement pour que la délivrance d'un titre de séjour de dix ans soit soumise à un test de pratique du français.

Elle souhaite également que les centres d'information des droits des femmes (CIDF) soient présents aussi souvent que possible sur les plates-formes, pour accompagner et informer les femmes.

La réforme de l'accueil permet ainsi une meilleure information sur l'égalité des droits, ceux femmes étant encore largement bafoués.

La ministre est très sensibilisée à la question des violences. La journée contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre, permettra de rebondir sur le sujet. Il ne faut jamais oublier que ces violences sont une intolérable négation des droits fondamentaux de la personne, qu'elle soit issue de l'immigration ou française de souche.

Le Conseil de l'Europe a adopté mardi dernier une résolution très importante sur les relations entre les femmes et les religions. Il s'est prononcé clairement contre les mariages forcés, les mutilations sexuelles, les violences dont les femmes sont les premières victimes, arguant que « la liberté de religion ne peut pas être acceptée comme un prétexte pour justifier les violations des droits des femmes. »

La ministre a souhaité faire part de l'engagement du Gouvernement dans la lutte contre les violences et contre tout ce qui bafoue la place des femmes dans la société

En cinquante ans, la population immigrée a connu une importante féminisation puisque, en 1968 la part des femmes dans la population immigrée n'atteignait que 43,9 %. À partir de 1974, à l'immigration de travail a succédé l'immigration du regroupement familial, ce qui explique cette évolution. Mais le fait que les femmes soient arrivées en France plus récemment a des effets sur leur place dans la société, notamment en raison de problèmes de langue. Il est préoccupant qu'une femme de cinquante ans, une fois ses enfants élevés, se retrouve seule dans son quartier, incapable de sortir de chez elle en raison de la barrière de la langue.

De ce point de vue l'association de femmes de Vaulx-en-Velin, Cannelle et Piment, a mené une action exemplaire en permettant à des femmes d'origine différente, s'intégrant difficilement et ayant comme seul point commun de ne pas parler français, de mettre en valeur leurs compétences culinaires. Elles ont commencé par cuisiner, les gens sont ensuite venus manger au centre d'action sociale et elles ont vendu leurs produits, avant de constituer une entreprise d'insertion, puis une véritable entreprise qui compte aujourd'hui sept salariés en CDI et qui est devenue un véritable traiteur de l'agglomération lyonnaise. Elle pourrait même aujourd'hui envisager de franchiser dans d'autres quartiers de grandes villes. La ministre leur a fait rencontrer l'ensemble des déléguées aux droits des femmes, car elle croit beaucoup à la mutualisation des expériences. Elle avait aussi fait venir à la même réunion Yasmina Benguigui, cinéaste, qui a beaucoup décrit le fameux « plafond de verre » qui empêche l'évolution professionnelle des femmes. Mettre en évidence de telles expériences permet aussi d'éviter de tomber systématiquement dans le misérabilisme : il y a des difficultés, mais il y a aussi des réussites de l'immigration, et il faut mettre en avant les possibilités offertes par le modèle républicain.

Le groupe de travail sur les femmes de l'immigration a bien avancé et ses conclusions ont été rendues le 8 mars dernier. Trois objectifs ont été dégagés : faciliter l'accès aux droits, promouvoir les droits fondamentaux de la personne, garantir aux femmes de l'immigration leur place dans la société. Certaines propositions sont désormais à l'étude. Lors de l'université d'été de Ni putes ni soumises, la ministre a fait part de la détermination du gouvernement à avancer sur le sujet de l'âge nubile. Il est en effet anormal qu'il demeure de quinze ans pour les jeunes filles et de dix-huit ans pour les jeunes gens. Il est temps de procéder à une harmonisation dont les conséquences seront extrêmement importantes pour les jeunes filles issues de l'immigration. Cette disposition figurera dans le texte sur les violences que le ministre de l'intérieur présentera au printemps.

La pleine connaissance de leurs droits par les femmes de l'immigration se heurte non seulement à la barrière de la langue mais aussi à l'enchevêtrement et à la complexité des textes. Il serait donc bon de prévoir un guide à l'attention de celles qui viennent d'arriver. C'est ce qui vient d'être fait, avec le Maroc, pour mettre en application et expliquer la Moudawana. Plus généralement, la ministre a demandé au service des droits des femmes de réaliser un guide de l'égalité des hommes et femmes de l'immigration qui serait remis systématiquement sur les plates-formes.

Cela permettrait également de mieux informer sur les mutilations sexuelles. Récemment, à Marseille, un chef d'établissement scolaire a parlé de ces petites maliennes qui, dès l'âge de douze ans, repartent dans leur pays pour y être mutilées et mariées avant de revenir en France. Ces pratiques sont donc extrêmement organisées et il faut se mobiliser car on ne saurait laisser faire cela en France.

Autre sujet de mobilisation, les mariages forcés, dont près de 70 000 jeunes femmes seraient victimes sur le territoire français. La loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a permis de progresser de façon considérable. En effet, les règles procédurales du mariage permettent désormais à l'officier de l'état civil ou à l'autorité consulaire d'auditionner séparément les candidats au mariage.

Ce sujet a été abordé récemment lors d'un conseil interministériel à l'immigration où a été rappelée la nécessité de former le personnel consulaire. La ministre a constaté à Rabat le savoir-faire et la délicatesse d'un agent consulaire confronté à la demande d'un homme d'une soixantaine d'années et d'une jeune femme qui ne parlait pas un mot de français...

Un autre moyen de lutter contre ce phénomène pourrait être la pénalisation des mariages forcés. L'idée du délit de contrainte à mariage est particulièrement intéressante. Sa création, envisagée également dans le cadre du projet de loi sur les violences, permettrait de condamner les parents ou la famille exerçant une contrainte sur le consentement au mariage.

Mais, quelle que soit la répression, elle ne saurait remplacer la prévention. L'information sur les mariages forcés est donnée sur les plates-formes de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) et elle figurera dans le guide de l'égalité des femmes et des hommes de l'immigration. Il faut aussi encourager le plus possible les associations, qui font un travail très intéressant. La ministre demandera au FASILD de revenir sur ce sujet. À chaque génération, il faut reprendre les explications et dire clairement ce qui n'est pas normal.

L'accompagnement des victimes est un autre aspect de la question. Des expériences sont actuellement menées avec un dispositif de familles d'accueil car il faut non seulement apporter des premières réponses mais aussi aider les jeunes filles à se reconstruire, en particulier quand elles ont aussi été victimes de violences. Des études sont également conduites sur la possibilité pour la femme victimes de violences de rester chez elle : il n'y a aucune raison que ce soit la victime qui soit obligée de partir.

Mme Marcelle Ramonet a fait observer que cela ne fonctionnait pas et insisté sur la nécessité de trouver plutôt des hébergements de nuit pour ces femmes.

M. Pierre-Christophe Baguet a ajouté qu'il convenait aussi de mieux former les policiers.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a répondu qu'elle savait que les élus locaux étaient régulièrement confrontés à ce problème. C'est la raison pour laquelle ses services travaillent sur le sujet. Elle a aussi rappelé qu'il y a aujourd'hui, tous types d'hébergements d'urgence confondus, 100 000 places pour un coût global d'un milliard.

La polygamie est un autre sujet important et difficile à appréhender. Une étude de l'INED et de l'INSEE faisait état en 1993 de 10 000 familles polygames en France. Un sociologue en a recensé 15 000 deux ans plus tard et la presse parle aujourd'hui de 30 000.

En tout cas, les témoignages concordent sur le fait que la seconde épouse est rarement acceptée et que les situations conflictuelles sont fréquentes dans la promiscuité et dans une grande souffrance pour les femmes et pour les enfants.

Pour avoir eu à gérer cet été, comme plusieurs autres ministres, l'incendie du boulevard Vincent Auriol, Mme Catherine Vautrin a constaté que, lorsqu'il y a cent enfants pour dix familles, la situation n'est pas celle de familles françaises types... Certes, on a réussi à trouver trente-deux appartements, mais les choses sont extrêmement difficiles.

Les circulaires du 25 avril 2000 et du 10 juin 2001 sont destinées à encourager les familles à « sortir » de la polygamie. La ministre a par ailleurs l'intention de commander une double enquête à la CNAF et à la MSA, afin d'identifier les situations de polygamie par le repérage des allocataires qui perçoivent une somme particulièrement importante au titre des prestations familiales. Pour s'attaquer au phénomène, il faut en bien connaître l'ampleur.

Mme Chantal Brunel, députée, avait proposé d'instaurer une « tutelle aux prestations sociales enfant », mais on peut craindre que son caractère automatique ne stigmatise l'ensemble de ces familles. Mieux vaudrait peut-être que la mère, légitime, naturelle ou adoptive, ait la qualité d'allocataire des prestations, ce qui permettrait un meilleur suivi.

Il faudra aussi régler le problème de toutes celles qui arrivent en prétendant être des « grandes sœurs » et qui sont en situation irrégulière. Or il faut que l'allocataire soit en situation régulière.

Le Gouvernement est également mobilisé sur la question des familles. Un dispositif expérimental d'aide au retour est actuellement mené, de septembre 2005 à juin 2006, dans vingt-et-un départements, sur une procédure permettant de raccompagner des familles déboutées du droit d'asile. Le Gouvernement a fait de la réduction du délai d'instruction des dossiers de demande d'asile une priorité. Le conseil d'administration de l'OFPRA a établi en juin dernier une première liste de douze pays d'origine sûrs. A la fin de l'année 2005, le délai sera ramené à neuf mois pour le traitement des dossiers par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Commission des recours des réfugiés (CRR), l'objectif étant d'arriver à six mois. Ainsi sera-t-il possible d'organiser le retour avant que ces personnes ne s'installent et ne deviennent parents d'enfants nés en France. Le coût du maintien d'une personne déboutée du droit d'asile en centre de rétention est de 7 000 euros, alors que le dispositif qui permet de raccompagner deux adultes et deux enfants coûte au total 8 000 euros. Qui plus est, cette mesure repose sur un vrai projet qui facilite la réinsertion des personnes dans leur pays d'origine et apporte donc une véritable solution. En juin prochain, au vu des résultats, une généralisation pourra être envisagée.

La réussite scolaire est aussi un élément très important. L'école est au cœur du dispositif d'intégration, et les filles réussissent mieux dans leurs études. En outre, les établissements scolaires peuvent aider au repérage des pratiques coutumières. Des actions sont menées dans le cadre de la politique de la ville. Avec les équipes de réussite éducative, pour la première fois on est entré dans une logique d'accompagnement non plus territorial mais individuel.

Après l'école, vient théoriquement l'insertion professionnelle. Mais le taux d'activité des femmes immigrées est nettement inférieur à celui des femmes françaises, ce qui n'est pas le cas pour les hommes. Alors que les Portugaises ont le taux d'intégration professionnelle le plus élevé, il est extrêmement faible pour les femmes originaires du Maghreb et de Turquie. En 2002, le taux de chômage des femmes immigrées atteignait 18 %, sans que cela soit lié à un plus faible niveau d'études puisqu'à situation de famille et à niveau scolaire comparables, ces femmes restent moins actives que les Françaises de souche.

On touche là à un autre sujet, celui de la discrimination positive et de l'accompagnement en termes d'égalité des chances : comment aider celles qui sont non seulement femmes, mais encore issues de l'immigration, à trouver une activité professionnelle ? Qui, plus est même quand elles trouvent un emploi, elles sont confrontées au « plafond de verre » et exclues des postes de responsabilité. Il faut leur appliquer les dispositions qui ont commencé à être prises pour les femmes en général. Une manifestation importante sera organisée à la fin du mois d'octobre, à l'occasion de l'attribution du label égalité à de nouvelles entreprises.

Un travail est également mené avec la CGPME sur la place des femmes dans les petites entreprises, car il est encore plus difficile de faire une place aux femmes quand on n'a un encadrement que de trois ou quatre personnes. Un modèle d'intégration devrait être prêt en janvier 2006.

Le récent changement à la tête du MEDEF est par ailleurs de bon augure. La ministre a rencontré à deux reprises Mme Laurence Parisot, qui est si attentive à ce sujet qu'elle a elle-même engagé une démarche « égalité » au sein de l'organisation patronale.

L'ensemble de ces projets trouvera une traduction concrète avant la fin de l'année, sous la présidence du Premier ministre, lors de deux comités interministériels, l'un à la ville et l'autre à l'intégration. Un certain nombre de mesures seront annoncées à cette occasion, en particulier en ce qui concerne la lutte contre les violences, la création du délit de mariage forcé, l'harmonisation de l'âge nubile, l'extension du délai de prescription pour les mutilations sexuelles. Plus généralement, il faut réfléchir ensemble à toutes les actions permettant de mettre en valeur les femmes de l'immigration, leurs parcours de réussites, notamment avec les mesures de parrainage, de tutorat, d'accompagnement dans les parcours professionnels, ainsi qu'avec la présentation des apports spécifiques des femmes par la Cité nationale de l'histoire de l'immigration.

Des outils existent, l'opinion publique est mobilisée. Pour rapprocher les politiques de la population il faut désormais agir. La ministre sait pouvoir compter sur la détermination de la Délégation qu'elle remercie de l'accompagner dans son travail quotidien.

M. Pierre-Christophe Baguet s'est déclaré impressionné par la forte proportion de mariages forcés, 70 000 mariages forcés représentant près du quart des 300 à 350 000 mariages célébrés chaque année.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a confirmé le chiffre de 60 à 70 000 mariages forcés.

M. Martial Saddier a souhaité que le dispositif de labellisation soit étendu aux collectivités territoriales et s'est porté candidat, au nom de sa ville.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a ajouté que le maire de Vienne, M. Jacques Remiller, serait sans doute intéressé également, lui qui mène une forte politique de féminisation au sein de sa collectivité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a jugé l'idée excellente et s'est déclarée prête à mener une expérimentation avec Bonneville. Ses services prendront contact avec ceux de M. Martial Saddier. Une rencontre pourrait aussi être organisée avec M. Jacques Pélissard, afin d'y associer l'Association des maires de France.

Elle a par ailleurs souhaité que la réflexion se poursuive sur la parité dans les exécutifs locaux, car celle-ci ne s'est pas réalisée en dépit de l'obligation d'alterner un homme et une femme dans les scrutins de liste.

Mme Bérangère Poletti a remercié la ministre pour son exposé complet.

Elle a demandé quand serait disponible l'étude sur le temps partiel car il s'agit d'un enjeu très important pour les femmes, mais aussi, en effet, d'un sujet sur lequel tout ce qui se dit n'est pas forcément juste.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a répondu qu'elle disposait déjà d'une première ébauche. Le nouveau responsable de la DARES étant en place depuis 15 jours, elle lui a demandé de rendre les éléments définitifs sous deux semaines, car il est effectivement indispensable de savoir de quoi on parle vraiment. On peut en particulier s'interroger sur la possibilité de faire évoluer les femmes qui travaillent à temps partiel dans certains types de métier, comme les hôtesses de caisse, vers d'autres métiers plus porteurs.

Mme Bérengère Poletti a évoqué le risque pour ces femmes, qui ont choisi le temps partiel pour se consacrer à leur famille, de se retrouver dans une situation très difficile au moment de la retraite si cette famille a éclaté : c'est souvent quand elles sont seules que la misère leur tombe dessus.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné qu'il ne fallait pas minimiser les difficultés des femmes qui travaillent à temps partiel et qui sont le plus souvent sous qualifiées. Peut-être les jeunes filles sont-elles désormais mieux formées, mais c'est la population des 30-50 ans qui pose aujourd'hui problème ; on le voit bien quand on se rend dans une ANPE.

Dans tous les contrats qui sont mis en place, des questions se posent pour les femmes. Il faut être capable d'y répondre.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a répondu que la première des choses sur lesquelles il fallait travailler était l'employabilité à vie. Le CDI n'est pas la panacée : quand une entreprise ferme, peu importe le contrat, on se retrouve au chômage. Cela n'a rien d'infâmant, il faut que ce soit l'occasion de rebondir. C'est donc bien la question de la formation des femmes, souvent sous qualifiées, qui est posée.

Dans une ville que Mme Bérengère Poletti connaît bien, quand on a fermé le silo de lessive en poudre, 200 femmes qui n'avaient jamais rien fait d'autre que conditionner la lessive se sont retrouvées sans emploi et il a bien fallu les accompagner pour qu'elles en trouvent un autre.

Pour aller vers l'employabilité à vie et garantir l'autonomie des femmes, il faut « booster » le droit individuel à la formation.

Chez Eurocopter à Marseille, la ministre a rencontré une pilote d'essai, qui est sans doute unique dans son genre, mais aussi une femme de 45-50 ans, qui lui a expliqué qu'elle était employée de bureau et qu'après plus de deux ans au chômage, elle avait appris qu'on recrutait chez Eurocopter, qu'elle s'était présentée, qu'elle avait suivi un contrat de formation et qu'elle était aujourd'hui électricienne et ravie d'avoir un travail et de faire autre chose.

Lorsqu'elle était en charge des personnes âgées, la ministre s'est rendue à Châteauroux, ville qui connaît des difficultés liées à la fermeture d'un certain nombre d'entreprises du textile. L'association Familles rurales a mis en place une formation sur les services à la personne et les femmes qui ont pu en bénéficier se sont réjouies d'avoir non seulement un emploi, mais aussi un diplôme.

Cela montre bien qu'il y a une volonté de redémarrer, de ne pas rester sur l'échec d'un licenciement et c'est une direction dans laquelle il faut absolument poursuivre.

Mme Marcelle Ramonet a souhaité revenir sur la question de la parité. Elle-même a animé hier une réunion de femmes maires dans le Finistère et elle a lu le sondage qui vient d'être publié par Le Parisien, selon lequel 64 % des Français souhaitent qu'il y ait plus de femmes au Parlement. Aujourd'hui, la France se situe de ce point de vue au 21e rang de l'Union européenne et au 65e rang mondial. Il n'y a que 17 % de sénatrices et 12,5 % de députées. Dans les villes de moins de 3 500 habitants, on ne compte que 11 % de femmes maires et on tombe à 6 % pour les villes de plus grande taille. Comment, dans ces conditions, faire en sorte qu'il y ait davantage de femmes dans les exécutifs ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a souligné qu'il s'agissait d'un véritable combat de tous les jours, qui devait être mené par chacun, au sein même des partis politiques. Pour cela, il n'existe pas cinquante outils. On sait bien que les chartes ne servent à rien et que d'autres pistes doivent être explorées. L'une d'entre elles est celle des exécutifs, dont elle a déjà parlé. Une autre est celle du « ticket » suppléant-titulaires, à laquelle elle n'était guère favorable auparavant, parce que les femmes sont en général en option. Mais elle a réalisé qu'en appliquant ce principe, sur la base d'une douzaine de candidats dans chacune des 577 circonscriptions, il y aurait près de 6 000 femmes candidates aux législatives. Même si elles se trouvaient majoritairement en position de suppléantes, on peut penser qu'avoir acquis cette expérience leur permettrait ensuite de se tourner vers autre chose - pourquoi pas vers les cantonales ou les municipales ? Ce système peut donc être un moyen de leur mettre le pied à l'étrier. Il s'agit pour l'instant uniquement d'une idée, sur laquelle aucun arbitrage n'a été rendu et qui nécessiterait une loi organique.

Peut-être faudrait-il d'ailleurs étendre cette mesure aux élections cantonales, ce qui éviterait des élections partielles, actuellement fréquentes, et permettrait d'avoir de plus en plus de conseillères générales.

Mme Marcelle Ramonet a souhaité des conseils généraux paritaires.

M. Martial Saddier a jugé anormal que l'assemblée départementale soit la seule où ce principe ne s'applique pas.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné qu'il n'y avait en Moselle que deux femmes sur les 51 membres du conseil général.

Elle a par ailleurs observé que l'application de la mesure proposée par la ministre imposerait sans doute d'introduire une dose de proportionnelle, ce qui ne va pas de soi.

Elle-même avait déposé une proposition de loi en ce sens, dès son élection en 1998, mais il semble que le ministère de l'intérieur et que les partis politiques ne soient pas prêts.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a rappelé qu'on avait entendu récemment des propos inacceptables à propos d'une parlementaire, qu'on ne pouvait laisser passer sans réagir.

Elle a confirmé qu'elle était favorable à la mixité et la complémentarité, et s'est réjouie que des hommes soient aussi présents à cette réunion. Elle a souhaité un engagement commun dans ce qui est encore une longue marche mais qui doit déboucher au plus vite.

M. Martial Saddier a envisagé qu'un grand parti politique fasse de la parité aux conseils généraux un des thèmes de campagne des prochaines élections législatives. Dans ce cas, l'autre grand parti serait bien obligé de lui emboîter le pas et on ne voit pas comment l'assemblée départementale resterait encore longtemps à l'écart de la parité.

Il a souhaité revenir par ailleurs sur le contrôle des mariages. Il est impératif de savoir qui exerce ce contrôle. Aujourd'hui, les procureurs sont débordés et, la plupart du temps, ils ne peuvent répondre dans les délais.

S'agissant de la pression des familles au sein de la communauté musulmane, on s'aperçoit aujourd'hui que de plus en plus, dans les quartiers, les frères suppléent les parents vieillissants, non pour des questions de religion, mais pour se poser ainsi en caïds. Sans doute conviendrait-il que les ministères fassent de ce problème un axe de travail des équipes de réussites éducatives.

M. Martial Saddier s'est également inquiété des effets du ramadan dans les écoles : lundi, il a constaté qu'une petite fille et un petit garçon n'avaient pas avalé leur salive depuis huit heures du matin. D'autres passent toute la journée à l'école sans se nourrir. C'est extrêmement difficile à gérer pour les enseignants et il y a sans doute quelque chose à faire car le conditionnement d'enfants aussi jeunes est inquiétant.

Enfin, dans la mesure où on ne peut séparer certains des problèmes que connaît la France de ceux que connaissent les pays, notamment africains, qui alimentent l'immigration, il serait souhaitable que la coopération décentralisée soit davantage tournée vers des actions en direction des femmes de ces pays. Cela paraît indispensable quand on voit qu'au Niger chaque homme a quatre femmes, et chacune d'entre elles huit enfants...

La ministre peut-elle aider les communes qui veulent engager de telles actions de coopération et faire comprendre au ministère des affaires étrangères qu'elles sont hautement souhaitables ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a remercié M. Martial Saddier pour toutes ces réflexions très intéressantes. Elle est elle-même tout à fait convaincue de la nécessité de la coopération décentralisée car réussir à mener des actions d'éducation en direction des petites filles de ces pays, c'est penser aux générations futures. Elle a l'intention d'aborder ce sujet avec sa collègue en charge de la coopération. Dans ce cadre, il faut absolument travailler avec les élus des communes jumelées.

Mme Anne-Marie Comparini a observé que s'il était utile qu'il y ait une loi en faveur de la parité, les femmes se heurtaient bien à un manque de considération au sein des partis où structures de pouvoir comme élites ne veulent pas d'elles à la tête d'une collectivité. Pourtant, le sondage du Parisien montre bien qu'il ne s'agit pas de donner plus de place aux femmes pour se faire plaisir, mais parce qu'elles sont partie prenante de la société et parce que la population voient leur arrivée d'un œil favorable.

S'agissant de l'insertion professionnelle des femmes de l'immigration et, plus généralement, des femmes d'origine étrangère, il semblerait intéressant d'entendre le président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), qui donne chaque semaine sur l'antenne d'Europe 1 un exemple de discrimination dans l'emploi liée aux origines ethniques.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a répondu que plus de 600 dossiers relatifs aux discriminations raciales avaient déjà été reçus, ce qui est un chiffre élevé pour une institution de création récente, et que ce nombre devrait croître avec l'installation cette année de trois antennes en métropole et dans les DOM-TOM, l'objectif étant de couvrir à terme l'ensemble des régions. Pour une loi votée en janvier, les résultats sont spectaculaires, un peu comme pour l'Agence nationale de la rénovation urbaine qui, deux ans après sa création, a déjà engagé 14milliards dans 233 quartiers.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme la ministre déléguée, ainsi que tous les participants à cette audition.

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