DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 2

Mardi 18 octobre 2005
(Séance de 18 heures)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Joëlle Voisin, chef du service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE)

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu Mme Joëlle Voisin, chef du service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE).

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Joëlle Voisin d'avoir répondu à l'invitation de la Délégation, et rappelé qu'elle avait pris le 23 septembre 2004 la tête du service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE). Ce service, outil extrêmement important du combat pour l'égalité entre les hommes et les femmes, est chargé de mettre en œuvre la politique gouvernementale en la matière. Il anime et coordonne le réseau des déléguées régionales et des chargées de mission départementales aux droits des femmes, dont il faut souligner le rôle déterminant en tant que vecteur privilégié pour diffuser les mesures gouvernementales directement sur le terrain. Il leur faut, pour cela, faire preuve de beaucoup de détermination et de volonté. Elle a donc souhaité savoir quel rôle Mme Joëlle Voisin entendait donner à ces déléguées et comment elle comptait en faire le véritable lien entre le terrain et le ministère.

Elle lui a également demandé, au moment où la Délégation achève ses travaux sur son thème de travail annuel, celui des femmes de l'immigration, quelle était sa propre vision de cette question extrêmement délicate.

Enfin, en cette période budgétaire, elle a souhaité savoir si elle jugeait les crédits dont dispose son service adaptés à la nécessité de donner plus de poids à la lutte pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Joëlle Voisin a remercié la Délégation de lui permettre d'exposer les missions et les activités du service des droits des femmes et de l'égalité. Avant d'essayer d'apporter des éléments de réponse aux questions de Mme la Présidente sur le réseau déconcentré du service et sur l'intégration des femmes de l'immigration, elle a souhaité dresser rapidement le cadre d'intervention, les missions et les moyens du service, ce qui lui permettra également de répondre à la dernière question, sur le budget.

La première structure gouvernementale chargée des droits des femmes remonte à 1965, date de la création du Comité du travail féminin, placé sous la tutelle du ministre du travail. Les premières déléguées régionales des droits des femmes ont été nommées en 1974 lorsque Mme Françoise Giroud était secrétaire d'État à la condition féminine. Le service s'est progressivement organisé et professionnalisé, les personnels conservant toutefois de leur militantisme initial un grand sens de l'engagement au profit des femmes.

Aujourd'hui placé sous l'autorité de Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, le service est composé d'une administration centrale de 46 agents, organisée en quatre bureaux - deux thématiques, « égalité professionnelle » et « droits personnels et sociaux », et deux transversaux, « ressources humaines - administration générale » et « communication » -, trois missions et un réseau de 173 agents, implantés en 104 points du territoire. Ce réseau donne toute sa légitimité au service, puisqu'il permet de dispenser une politique de l'égalité entre les hommes et les femmes sur l'ensemble du territoire, y compris outre-mer, le service ayant en particulier des correspondantes à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.

La politique de l'égalité est une politique d'intégration systématique de la dimension hommes-femmes dans les politiques publiques, qu'on appelle également gender mainstreaming. Elle repose sur le principe qu'aucune politique n'est neutre au regard de l'égalité. La démarche de l'approche intégrée lancée lors de la conférence mondiale de Pékin en 1995, favorise en effet, par une approche transversale la prise en compte des situations et des besoins respectifs des hommes et des femmes dans l'élaboration, la mise en place, le suivi et l'évaluation des politiques publiques, sans exclure, bien entendu, des mesures spécifiques en direction de certaines femmes, lorsqu'il faut réduire des inégalités constatées.

L'action menée par le service repose ainsi sur une démarche pluriannuelle et interministérielle qui doit permettre de construire progressivement des relations nouvelles avec l'ensemble des administrations, le secteur associatif, et les partenaires sociaux. C'est ainsi qu'ont été signés différents accords avec le FASILD, l'AFPA, l'ANPE, qu'ont été désignés des « correspondants égalité » dans les différents ministères, et qu'a été signée et remise au Premier ministre, le 8 mars 2004, la Charte nationale de l'égalité. L'objectif est de développer des partenariats avec tous ceux qui peuvent contribuer à faire prendre en compte la dimension de l'égalité.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est dite surprise que le « correspondant-égalité » au sein du ministère de l'Éducation nationale n'ait pu être un relais efficace lors de l'examen du projet de loi d'orientation, car l'école est bien le premier lieu où il faut agir. On peut donc parler d'occasion manquée.

Mme Joëlle Voisin a répondu que son service s'était beaucoup battu avec ce correspondant pour introduire des éléments sur l'égalité entre les filles et les garçons dans ce projet de loi et que, sans ce combat, la loi aurait peut-être contenu encore moins d'éléments...

Par ailleurs, à ceux qui lui disent que, plutôt que d'avoir un service spécifique, il conviendrait de faire intégrer la dimension égalité hommes/femmes par tous les ministères, elle répond qu'il est encore trop tôt pour cela.

Assez atypique, le service correspond, dans le cadre de la LOLF, à un programme spécifique, le programme 137 : « Egalité entre les hommes et les femmes ». Les quatre axes politiques du programme sont identiques à ceux de la Charte de l'égalité. Ils correspondent aux quatre objectifs du service : favoriser l'accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision dans les champs politique, associatif et économique ; favoriser l'égalité professionnelle ; favoriser l'accès des femmes aux droits ; faciliter l'articulation des temps de vie.

Pour que ces objectifs puissent être atteints, le service dispose d'un budget de 27,44 millions d'euros, dont 17 millions d'euros de crédits d'intervention, qui permettent de subventionner des associations et d'aider certaines entreprises à développer une politique d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, et 10,44 millions d'euros qui correspondent aux moyens humains du service et aux crédits de fonctionnement du réseau déconcentré. Même si ces crédits sont très faibles, ils ont un effet de levier important, et permettent d'obtenir des crédits, souvent plus importants, des collectivités territoriales ou d'autres ministères. Ainsi, les conseils généraux s'impliquent souvent en utilisant les outils créés par le service. Les déléguées utilisent ces crédits pour accompagner des partenariats locaux et piloter des actions spécifiques. Elles doivent, en effet, savoir motiver, convaincre les acteurs locaux.

Le programme LOLF est le seul, au sein de la mission « Solidarité et intégration » à laquelle il appartient, à intégrer une action correspondant aux moyens du service. C'est extrêmement contraignant, mais aussi extrêmement responsabilisant, et l'on peut espérer que, tout en respectant la fongibilité asymétrique, c'est-à-dire l'impossibilité d'utiliser les crédits d'intervention pour augmenter les moyens en personnel, la LOLF accroîtra à partir de janvier 2006 la souplesse d'utilisation des crédits, par exemple en permettant de recruter un attaché principal sur un poste d'attaché, pourvu que l'on demeure dans les limites de la masse budgétaire attribuée.

Les crédits du programme sont répartis pour 78 % entre les délégations régionales, les 22 % restants correspondant à l'action qu'impulse directement le service central pour subventionner notamment les associations spécialisées, au niveau national, dans l'accès aux droits des femmes et la lutte contre les violences. Il s'agit du CNIDFF, dont la subvention pluriannuelle représente à elle seule 31 % des crédits non déconcentrés, et des trois associations qui gèrent des permanences téléphoniques nationales : la Fédération nationale solidarité femmes, le Collectif féministe contre le viol et l'Association contre les violences faites aux femmes au travail.

Les quatre objectifs - accès aux responsabilités, égalité professionnelle, accès aux droits et articulation des temps - sont eux-mêmes déclinés en objectifs opérationnels qui varient selon les caractéristiques des régions. Ils ne peuvent être identiques en Auvergne, où il y a 40 % de femmes créatrices d'entreprises alors que la moyenne nationale est inférieure à 30 %, et à la Réunion, où les violences conjugales sont le problème majeur. Des échanges réguliers conduits avec les déléguées régionales dans le cadre d'un dialogue de gestion permettent d'adapter l'enveloppe qui leur est déléguée aux besoins de la région.

Les objectifs opérationnels du service correspondent naturellement aux grands axes de la politique conduite par la ministre déléguée.

Dans le champ « femmes et emploi », qui figurait parmi les priorités pour 2005, qui se prolongeront en 2006, il est essentiel de lutter contre la précarité du travail et de favoriser le retour à l'emploi de femmes qui ont cessé une activité professionnelle pour élever leurs enfants. Le taux de chômage des femmes reste en effet supérieur de deux points à celui des hommes. En outre, parmi les 3,2 millions de personnes dont le salaire est inférieur au SMIC, on compte 80 % de femmes.

Il s'agit de poursuivre le dialogue engagé avec l'ensemble des acteurs, les partenaires sociaux et le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, dont le SDFE assure le secrétariat, et de mener à bien la préparation de la loi sur l'égalité salariale et celle de ses quatre décrets d'application.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé qu'en première lecture du projet de loi relatif à l'égalité salariale entres femmes et les hommes, si le Sénat n'avait pas enlevé les dispositions les plus novatrices, c'est-à-dire les amendements qu'elle avait présenté et fait adopter à l'Assemblée nationale, il aurait été possible d'éviter des faits aussi choquants que les nominations qui viennent d'intervenir au conseil d'administration du CNRS, dont Le Monde de ce soir se fait l'écho. Car c'est aussi là, dans les conseils d'administration des entreprises, qu'est l'enjeu.

Mme Joëlle Voisin a ajouté que le service avait pour tâche d'accompagner les entreprises qui se sont engagées pour l'égalité, par le biais de la signature de contrats d'égalité professionnelle ou de contrats de mixité ainsi que par la promotion du label « égalité » décerné aujourd'hui à douze entreprises - douze autres devant signer une convention dans les prochains jours. Le cahier des charges demeure toutefois trop contraignant pour la majorité des PME.

En réponse à une question de la Présidente qui lui demandait si le contrat pour la mixité des emplois pouvait être considéré comme l'outil applicable aux petites entreprises, Mme Joëlle Voisin a répondu que tel semblait effectivement être le cas. En effet, le contrat d'égalité professionnelle est surtout collectif, et destiné aux entreprises de taille importante ; elle a cité l'exemple de la société de transport Graveleau, où ce contrat devrait améliorer la situation d'une centaine de femmes. Pour sa part, le contrat de mixité est davantage dirigé vers des actions plus individuelles dans les PME. Il est très intéressant en ce qu'il permet de faire évoluer les mentalités.

Le service s'efforce également d'encourager la création ou la reprise d'entreprises par des femmes et de faciliter l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale. Il faut préserver les bons taux de fécondité et d'activité féminine de la France.

Promouvoir l'égalité professionnelle relève d'une stratégie de développement et devrait être bénéfique tant aux salariés qu'aux entreprises. Cela suppose de changer progressivement les mentalités, cela dès l'école, et d'attirer les femmes vers des métiers traditionnellement masculins, ceux du bâtiment par exemple.

Dans le champ de l'accès aux droits et du respect de la dignité, il s'agit : de développer des mesures spécifiques en faveur des femmes de l'immigration ; de renforcer l'information des femmes dans tous les domaines ; de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité de tous les acteurs concernés - policiers, gendarmes, magistrats, professionnels de santé, travailleurs sociaux.

Un plan global, sur trois ans, a été lancé en novembre 2004 à l'occasion de la journée mondiale pour l'élimination des violences faites aux femmes. Il est évalué en continu. La mobilisation de tous est indispensable pour que, grâce à des réponses diversifiées et complémentaires, les femmes victimes osent dénoncer la maltraitance qu'elles subissent, sans culpabilité, sans craindre de faire vivre à leurs enfants une situation pire encore après la dénonciation. Cela suppose d'améliorer la qualité de l'information des femmes sur leurs droits et d'augmenter les possibilités d'hébergement. C'est un plan intégral, qui concerne de très nombreux ministères et dans lequel le service joue un rôle pilote. A la différence de l'Espagne, la France n'a pas eu besoin d'une loi spécifique, et on peut donc considérer qu'elle est plus en avance par certains aspects.

Le service est également très impliqué sur des sujets européens et internationaux. L'égalité entre les hommes et les femmes est en effet partie intégrante de la construction européenne. Depuis le traité de Rome qui, en 1957, consacrait l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, elle est devenue un élément de l'identité européenne.

S'agissant du réseau des déléguées régionales et des chargées de mission départementales, et dans la mesure où le service intervient dans des domaines très différents, ses déléguées régionales et ses chargées de mission départementales doivent être régulièrement informées de l'état d'avancement des objectifs nationaux, afin de les relayer efficacement sur le terrain. Leur rôle est difficile, et leur effectif a baissé depuis 2003. Elles agissent, chacune à leur niveau, avec conviction et détermination, mais sont quasiment seules sur le terrain et obligées de se « démultiplier » dans de nombreuses instances.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné qu'elles sont extrêmement courageuses, que leur tâche est difficile mais très importante, et qu'il ne faudrait pas qu'elles aient le sentiment d'être considérées comme quantité négligeable. Or, l'accueil qui leur est trop souvent réservé ne les incite guère à faire remonter les problèmes jusqu'aux préfets, qui se sentent très peu concernés par ces problèmes, à l'exception notable de certains d'entre eux, notamment Mme Bernadette Malgorn. La première déléguée régionale, Mme Marie Judlin, avait eu, il faut s'en souvenir, à gérer le problème des femmes dans une industrie textile en déclin ; on s'aperçoit aujourd'hui qu'elle avait eu raison sur toute la ligne.

Mme Joëlle Voisin a indiqué qu'elle faisait de ce réseau un élément fort de son service, qui n'existerait pas sans lui, et qu'elle mettait l'accent sur le soutien qui doit lui être apporté. Le dialogue de gestion est particulièrement fructueux et facilité grâce à la visioconférence, et permet un enrichissement mutuel.

Les déléguées et les chargées de mission viennent d'horizons divers, du milieu associatif, d'autres d'administrations, ou de l'entreprise. Elles ont des expériences complémentaires, et leur situation administrative est différente, ainsi que leurs salaires, et leur position dans les préfectures. Les déléguées régionales, que le décret 29 avril 2004 maintient auprès du préfet de région, ont un positionnement plus clair que les chargées de mission départementales, pour lesquelles un tel texte n'existe pas et qui sont parfois intégrées dans des bureaux de la préfecture. C'est pourquoi la ministre déléguée a recommandé, par lettre du 30 novembre 2004, leur positionnement direct auprès des préfets. Les moyens dont elles disposent varient selon les régions et les départements. En effet, certains préfets ont mis des secrétariats à leur disposition et leur fournissent gracieusement bureau et matériel. D'autres demandent systématiquement au service un remboursement des moyens mis à leur disposition. D'autres, enfin, doivent louer elles-mêmes des locaux. Avec l'application de la LOLF on peut craindre que les avantages dont certaines disposent ne se raréfient.

Par ailleurs sur les 66 chargées de mission départementales en fonction aujourd'hui, treize sont dans une situation particulière. En effet, huit sont mises à disposition gracieusement par des administrations et le poste budgétaire correspondant n'existe donc pas, deux ont des contrats à temps incomplets, deux sont de catégorie B et une de catégorie C. Leur remplacement, lorsqu'elles partiront à la retraite, sera donc impossible.

En résumé, le rôle des chargées de mission et des déléguées est difficile, et elles sont souvent très isolées. Une réflexion est engagée au sein d'un groupe de travail dans lequel les unes et les autres sont représentées, sur les moyens de revoir le fonctionnement du réseau dans un triple objectif : mutualiser leurs compétences ; diminuer leur isolement et renforcer leur soutien ; maintenir un ancrage territorial départemental, voire infra-départemental pour certaines problématiques. Dans la mesure où il paraît difficile d'envisager des créations de postes, une réorganisation interne sera sans doute nécessaire.

On peut également espérer que la LOLF permettra, au sein de la masse financière dont dispose le service et dans le respect de la fongibilité asymétrique, de revoir le montant des indemnités de responsabilité des déléguées et des chargées de mission - 274,41 euros par mois pour les premières et 91,46 euros pour les secondes -, qui ne correspondent absolument pas à leur engagement personnel.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a jugé cela hautement souhaitable au regard du rôle capital qu'elles ont à jouer : ce sont elles qui sont sur le terrain et qui peuvent ainsi énoncer des vérités essentielles.

On sait bien que, dans une conjoncture difficile, les femmes sont les premières touchées ; il conviendrait donc que le réseau soit conforté. Si, de ce point de vue, les propos de Mme Joëlle Voisin sont rassurants, la Présidente n'aura de cesse de rappeler que, si le Président de la République s'est donné pour objectif l'égalité entre les hommes et les femmes, si le Premier ministre s'est engagé à faire avancer les choses dans son discours de politique générale, si Nicolas Sarkozy a insisté sur la place des femmes, il faut que cela se traduise par des actes, à commencer par un véritable soutien au service des droits des femmes et de l'égalité.

Mme Joëlle Voisin a ensuite souhaité décrire les principaux axes d'actions du service en ce qui concerne les femmes de l'immigration.

Le service s'efforce tout d'abord de contribuer, aux côtés de la Direction de la population et des migrations (DPM), à l'amélioration de la connaissance de leurs droits. Conscients des difficultés spécifiques de ces femmes, le SDFE, la DPM et le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) ont signé, le 4 décembre 2003, un accord cadre national qui engage un partenariat sur les principaux axes suivants : améliorer la connaissance de la situation des femmes de l'immigration, sensibiliser et former les acteurs associatifs et institutionnels à cette question ; faire évoluer positivement les représentations de ces femmes ; promouvoir l'accès aux droits dès l'accueil ; favoriser l'intégration sociale par l'éducation et par l'amélioration de l'accès à la culture des femmes immigrées et issues de l'immigration ; favoriser leur intégration économique. Cet accord a également vocation a être décliné en régions, et ce thème était d'ailleurs à l'ordre du jour des journées nationales de rencontre du réseau, les 15 et 16 septembre dernier.

Il convient de rappeler que les femmes de l'immigration connaissent les mêmes difficultés d'accès aux droits que le reste de la population appartenant aux mêmes catégories socio-professionnelles. Leurs difficultés sont toutefois aggravées par la méconnaissance de la langue française et par l'enchevêtrement résultant de la concurrence des systèmes juridiques différents des pays d'origine et du pays d'accueil en matière de statut personnel.

C'est pourquoi ont été mises en place ou envisagées différentes mesures.

Pour les primo-arrivantes, le contrat d'accueil et d'intégration, effectif depuis juillet 2003, a trouvé un ancrage législatif avec la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. L'État s'engage à faciliter l'intégration des personnes primo-arrivantes et chaque nouvel arrivant sur le territoire s'engage à respecter les lois de la République, l'égalité entre les hommes et les femmes étant expressément soulignée. Sa signature s'accompagne de formations civiques et, si nécessaire, linguistiques, et fournit une occasion propice pour faire comprendre que les violences telles que les mutilations sexuelles féminines ou les mariages forcés sont prohibées en France. Les coordonnées des Centres d'informations sur les droits des femmes et des familles (CIDF) sont indiquées dans la version actualisée du livret d'accueil.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné que les femmes jouaient un rôle déterminant dans l'intégration et souhaité que l'information sur le nombre de femmes signataires de ces contrats soit largement diffusée.

Mme Joëlle Voisin a répondu qu'il y avait eu, en 2004, 37 600 contrats signés sur les 41 000 proposés et que 52,2 % l'avaient été par des femmes. Plus de 92 000 contrats ont été signés entre juillet 2003 et le 31 septembre 2005 dont 52,4 % par des femmes.

Elle a ajouté qu'une expérimentation était lancée sur une plate-forme d'accueil de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) afin de tester en matière d'accès aux droits un partenariat actif entre ces plates formes et le réseau des centres d'information des droits des femmes. Cela paraît d'autant plus important qu'il s'agit d'un des seuls moments, avec les consultations de PMI, où on peut délivrer un message à ces femmes.

Pour les femmes déjà installées en France, des formations linguistiques sont financées par le FASILD et plusieurs outils sont en cours d'élaboration.

Un guide de l'égalité des femmes et des hommes de l'immigration va être élaboré par le service en partenariat avec les associations concernées sur la base des documents déjà existants tels que le guide jaune « Madame, vous avez des droits », réalisé par le CIDF du Rhône et l'association « Femmes contre les intégrismes ». Ce guide aura vocation à combler le besoin d'information juridique, mais également à donner des informations sur le caractère répréhensible de certaines pratiques. Il fournira également des informations très pratiques. Il fera l'objet d'une large diffusion - plates-formes d'accueil, CIDF, associations, consultations de PMI, mairies, etc. - et devrait être traduit l'an prochain en plusieurs langues.

En outre, un guide franco-marocain permettra aux femmes marocaines ou franco-marocaines vivant en France de s'approprier la nouvelle moudawana. Il sera publié d'ici la fin de l'année.

Pour lutter contre les violences spécifiques que subissent les jeunes filles de l'immigration - mariages forcés, excision, etc. -, le ministère délégué à la cohésion sociale et à la parité, en lien notamment avec le ministère de l'Intérieur, doit mener des actions spécifiques sur trois champs, prévention, répression et accompagnement.

En matière de prévention, le ministère accorde et réitère régulièrement son soutien financier aux associations spécialisées dans la prévention des mariages forcés ou des mutilations sexuelles féminines - ELELE, Groupe femmes pour l'abolition des mutilations sexuelles (GAMS), Association Fatoumata pour l'émancipation des femmes (AFEF).

Dans le cadre de l'accompagnement de l'action de l'association « Ni putes, ni soumises », le ministère chargé des droits des femmes a soutenu la conception et la rédaction, par l'association, d'un guide du respect mutuel, dont 100 000 exemplaires ont été diffusés dès fin mars. Destiné aux jeunes générations, il rappelle notamment les principes législatifs concernant les mariages forcés et donne des adresses utiles pour trouver un soutien de proximité. Le ministère a également réédité et diffusé en 2004 les brochures et affiches « Protégeons nos petites filles de l'excision ». Par cette campagne, il s'agit de continuer à sensibiliser les parents vivant déjà en France.

Dans le champ de la répression, il est envisagé, contre les mariages forcés, d'instaurer un délit de contrainte au mariage, que sa nature soit civile ou religieuse, qui pourrait être intégré dans le projet de loi sur les violences porté par le ministère de l'Intérieur. Ce projet devrait également prévoir une aggravation des peines si la victime est mineure ou vulnérable ; une application de ces incriminations lorsque le délit sera commis à l'étranger par une personne étrangère résidant habituellement en France ; l'élévation de l'âge minimum du mariage de 15 à 18 ans.

Les mutilations sexuelles féminines sont elles déjà pénalement réprimées et l'objectif est donc de rendre la répression plus effective. C'est pourquoi, le projet de loi contre les violences pourrait prévoir d'allonger le délai de prescription, en matière d'action publique, à vingt ans et à compter de la majorité de la victime ; d'introduire la possibilité de poursuivre pour des faits commis à l'étranger lorsque la personne concernée est étrangère mais réside habituellement en France.

Sur le champ de l'accompagnement, les victimes de mariages forcés peuvent bénéficier des dispositifs prévus pour les femmes victimes de violence, notamment des aides financières et des dispositifs d'hébergement. Certaines places leur sont réservées dans des structures d'accueil d'urgence.

Le sujet des femmes polygames qui décohabitent est extrêmement délicat, car il a d'importantes conséquences humaines qu'on connaît mal. Il relève d'un traitement interministériel. Les circulaires du 25 avril 2000 et du 10 juin 2001 ont encouragé les familles à sortir de la polygamie par la procédure de divorce ou la décohabitation. Le relogement ne saurait à lui seul apporter la solution au problème, et doit s'accompagner d'une politique de soutien des femmes à qui l'on demande d'assumer un rôle de chef de famille monoparentale. Il faudrait aussi envisager, sans proposer des mesures de tutelle aux prestations sociales dont l'objet serait détourné dans ce cas, de verser les prestations familiales directement aux mères, même si elles sont sans doute difficiles à identifier précisément. Il importe donc, d'abord, de connaître l'ampleur du phénomène, et une enquête conjointe a été commandée pour cela à la CNAF et à la MSA.

Il y a lieu, parallèlement, de sensibiliser les acteurs de terrain aux problèmes spécifiques de la polygamie. C'est l'objet de la convention entre la DPM et l'Association des femmes africaines du Val-d'Oise.

Enfin le Gouvernement a engagé une action décisive dans la lutte contre les discriminations liées au sexe par l'adoption de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

L'insertion des femmes de l'immigration dans la société civile est également très importante. La femme de l'immigration a, pendant des années, été représentée comme l'épouse, à charge de son mari et confinée dans des tâches domestiques, sans participation à la vie publique. Le développement de statistiques sexuées permet depuis quelques années de mieux tracer le portrait des femmes immigrées et de constater qu'elles sont plus de plus en plus actives - 55,6 % contre 64,2 % pour les femmes non immigrées. Leur taux de chômage
- 18,8 % est toutefois presque deux fois plus élevé que celui des femmes non immigrées. Elles sont sur-représentées parmi les ouvriers - 14,2 % - et les employés - 8 %. Elles travaillent en majorité dans le secteur tertiaire - services aux personnes, nettoyage, grande distribution. Leur activité est souvent à temps partiel et leur statut précaire. Elles subissent une double discrimination du fait de leur sexe et de leur origine.

Plusieurs pistes d'actions de nature différente peuvent être envisagées pour favoriser leur insertion professionnelle.

La première est la mobilisation du service public de l'emploi pour la lutte contre le cumul des discriminations. Depuis 2001, plusieurs partenaires institutionnels se sont engagés dans le programme européen ESPERE - Engagement du Service Public de l'Emploi pour Restaurer l'Egalité -, dont l'objectif est d'intégrer la prévention des discriminations directes et indirectes dans les missions du service public pour l'emploi. Ce projet a permis, à partir d'expérimentations menées dans plusieurs régions, de sensibiliser et de former les acteurs de la politique de l'emploi à la discrimination raciale sur le marché du travail. L'année 2005 étant la dernière phase de ce programme, il s'agit désormais de capitaliser les expériences et de modéliser des outils en ce domaine.

La seconde est le décloisonnement des métiers. II importe en effet de favoriser la diversité des parcours éducatifs et de formation des jeunes filles d'origine étrangère afin de permettre aux femmes immigrées d'intégrer de nouveaux métiers. Cela implique un travail de sensibilisation des employeurs. Des partenariats ont ainsi été noués avec les entreprises de travail temporaire ADECCO et ADIA afin de favoriser l'accès direct des femmes des quartiers de la politique de la ville, parmi lesquelles beaucoup des femmes immigrées, sur le marché du travail, dans des secteurs porteurs d'emploi auxquels elles accèdent difficilement.

La troisième est le développement de la création d'activités. Les femmes immigrées se tournent de plus en plus vers la création d'activités ou d'entreprises pour laquelle elles sont très motivées. Le nombre de femmes parmi ceux qui reprennent ou créent une entreprise est aujourd'hui inférieur à 30 %. Le ministère souhaite développer l'entrepreneuriat féminin. Il y a là, sous réserve d'un accompagnement spécifique, place pour les femmes de l'immigration, notamment dans les secteurs de l'artisanat, du commerce et des services.

La quatrième est le développement du parrainage des jeunes femmes vers l'emploi. II s'agit de leur permettre d'accéder à un emploi stable et de s'y maintenir, en les faisant accompagner par des parrains ou marraines bénévoles, en activité ou retraités, ayant la confiance des employeurs et faisant partager aux jeunes parrainées leur expérience, leurs relations et leur connaissance du monde de l'entreprise.

D'autres formules encore doivent être inventées pour permettre aux femmes et aux hommes issus de l'immigration de progresser au cours de leur carrière professionnelle au sein des services aux personnes ou au sein de la fonction publique hospitalière. De véritables parcours promotionnels sont désormais possibles, en utilisant les contrats aidés du plan de cohésion sociale, pour intégrer des jeunes dans des emplois du secteur sanitaire, pour les maintenir dans l'emploi, s'ils montrent des compétences, grâce au PACTE, ou pour leur permettre d'accéder à un emploi qualifié par la validation des acquis de l'expérience.

Enfin, afin de donner confiance aux jeunes filles, de leur donner des modèles d'identification, il est nécessaire de mettre en valeur celles, parmi les femmes de l'immigration, dont les parcours de vie sont des parcours de réussite. La campagne pour l'égalité entre les hommes et les femmes lancée en mars 2005 par la ministre déléguée à la parité a contribué à véhiculer une image positive des femmes de l'immigration.

Il faut enfin insister sur l'importance de l'école et de la réussite scolaire comme vecteur d'intégration. Les établissements scolaires jouent également un rôle primordial dans la prévention des pratiques coutumières que sont les mutilations sexuelles féminines et les mariages forcés. L'école doit être le creuset de l'éducation au respect de l'autre, quel que soit son sexe.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié Mme Joëlle Voisin pour cet exposé très complet et d'un optimisme rassurant, en particulier en ce qui concerne le réseau des déléguées aux droits des femmes, et pour avoir apporté à la Délégation un certain nombre d'informations nouvelles sur la politique en direction des femmes de l'immigration, même si toutes les expériences prévues n'ont pas encore été lancées et si tous les guides ne sont pas parus.


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