DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 4

Mardi 8 novembre 2005
(Séance de 18 heures)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Myriam Bernard, directrice générale adjointe du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD)

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu Mme Myriam Bernard, directrice générale adjointe du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD).

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souhaité la bienvenue à Mme Myriam Bernard, directrice générale adjointe du FASILD et à M. Kaïs Marzouki, directeur de l'action éducative et de la solidarité, en charge des droits des femmes de l'immigration.

Mme Hélène Mignon a regretté que les missions du FASILD aient été élargies sans que les financements correspondants aient été obtenus ; cela empêche cet organisme de fonctionner comme précédemment, au détriment des nombreuses associations qui, sur le terrain, reçoivent des populations issues de l'immigration, notamment pour des actions d'alphabétisation.

Mme Myriam Bernard a reconnu que le budget du FASILD était utilisé en partie pour la mise en œuvre du contrat d'accueil et d'intégration, mais a précisé que le Fonds bénéficiait, pour assurer la montée en charge du dispositif, d'abondements de crédits.

Dans ce cadre, et en raison de la priorité accordée par l'État à la formation linguistique, le Fonds a été tenu de passer des marchés publics, sur des lots qui, en Île-de-France, sont infradépartementaux. Devant l'importance de la commande, les petites associations ont été amenées à se regrouper.

Par ailleurs, un volume annuel de subventions a été maintenu à hauteur de 5 millions d'euros, ce qui est insuffisant, mais permet de financer des actions d'alphabétisation, essentiellement en direction de femmes qui ne sont pas encore prêtes à s'engager dans le parcours de longue durée qu'impose l'apprentissage du français. Avec des moyens supplémentaires, le Fonds pourrait, dans les quartiers, soutenir davantage d'associations de proximité, qui contribuent à la formation du lien social.

Mme Hélène Mignon a souhaité que l'abondement de crédits annoncé vendredi dernier à l'Assemblée nationale par la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité soit utilisé au mieux en faveur des quartiers défavorisés, et regretté que tant de temps ait été perdu.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a précisé que le FASILD, établissement public à caractère administratif fondé en 1958, a pour mission de favoriser, sur l'ensemble du territoire, l'intégration des populations immigrées et de lutter contre les discriminations dont elles peuvent être victimes. Une nouvelle directrice générale vient d'être nommée, Mme Patricia Sitruk, ancienne directrice adjointe du cabinet de Mme Catherine Vautrin.

La Délégation souhaite savoir comment le FASILD se situe aujourd'hui par rapport à ses nouveaux partenaires, notamment l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), comment il fonctionne, comment il aide les étrangers à mieux s'intégrer, que ce soit par le biais de l'apprentissage du français ou par celui d'une meilleure connaissance des droits des femmes immigrées, et comment apprécier les résultats obtenus.

Mme Myriam Bernard a indiqué que le FASILD était placé sous la tutelle du ministère de la cohésion sociale et du ministère du budget. Son budget 2005 est de 181 millions d'euros, dont 158 millions pour ses interventions et 23 pour son fonctionnement interne. Il emploie 290 agents, répartis entre le siège et 21 directions régionales couvrant l'ensemble du territoire métropolitain.

Le Fonds passe notamment des marchés publics dans le domaine de la formation linguistique, et soutient le secteur associatif, soit 6 000 associations, les unes très importantes comme SOS Racisme ou les têtes de réseau associatives, les autres très petites comme les associations de quartier qui mènent des actions de lien social en direction notamment des femmes immigrées. L'apprentissage de la langue est primordial, quand on sait qu'un million de personnes d'origine étrangère, en France, ne maîtrisent pas suffisamment le français pour se débrouiller dans la vie quotidienne et accompagner l'éducation de leurs enfants.

Le Fonds consacre environ 60 millions d'euros aux marchés de formation linguistique et 5 millions aux associations de proximité qui assurent une première action de sensibilisation à la langue, mais il est encore, avec 40 000 à 45 000 personnes formées par an, très loin du compte. Il a donc besoin de nouer des partenariats, notamment avec les collectivités territoriales.

Il existe plusieurs niveaux d'apprentissage de la langue. Certains, et ce sont les plus nombreux, ont besoin de connaître le français de base pour le pratiquer à l'oral ; d'autres ont besoin du français écrit et d'un niveau oral un peu supérieur. L'enseignement doit donc s'adapter au public, en distinguant notamment entre les publics analphabètes, qui n'ont pas été scolarisés, ou très peu, dans leur pays d'origine, et les autres publics qui apprennent le français comme langue étrangère.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est étonnée de la faiblesse du nombre des personnes formées.

Mme Myriam Bernard a expliqué que le FASILD n'était pas le seul intervenant : les communes, par exemple, ont aussi des ateliers de socialisation linguistique.

Le FASILD contribue à l'accueil de 108 000 personnes primo-arrivantes par an. Il existe, certes, un organisme d'accueil des étrangers, l'ANAEM , mais le FASILD est également concerné, le législateur en ayant décidé ainsi en 2005 lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

L'ANAEM est chargée de l'accueil physique et des premières discussions avec les personnes afin d'évaluer leurs besoins. Le FASILD prend le relais pour assurer les prestations offertes dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration (CAI), signé aujourd'hui par 92,4 % des intéressés malgré son caractère facultatif. Il a concerné douze départements en 2003, vingt-six en 2004 ; la quasi-totalité du territoire, DOM compris, devrait être couverte début 2006. Au 30 septembre 2005, on comptait 92 000 signataires du contrat ; le nombre de 100 000 devrait être aujourd'hui dépassé.

Le FASILD passe des marchés publics pour mettre en place les prestations offertes aux signataires du CAI. Une des prestations que les signataires s'engagent à suivre est la formation civique, qui se déroule sur une journée de huit heures, repas compris. On y enseigne un peu d'histoire de France, des Gaulois au XXIe siècle, en passant par la Révolution française, la colonisation, la décolonisation et la Ve République. On y présente également les valeurs de la République, dont la laïcité, qui est pour certains migrants une véritable découverte. Le concept d'égalité entre hommes et femmes est abordé plusieurs fois au cours de la journée.

Mme Claude Greff a demandé à quel moment cette formation avait lieu.

Mme Myriam Bernard a répondu que les représentants de l'ANAEM incitaient les intéressés à s'y inscrire le plus vite possible, le FASILD s'engageant à la mettre en œuvre dans les trente jours de la signature du contrat.

Cette formation est un succès, dans la mesure où les publics sont très intéressés. En revanche, le taux de présence n'est que de 72 % - aucune sanction n'étant prévue pour absentéisme. Un peu plus de femmes que d'hommes signent le contrat et se présentent à la formation civique, malgré d'éventuels problèmes de transport et de garde d'enfants.

Une autre session, complémentaire de la première et très importante pour les femmes, s'intitule : « Vivre en France ». Elle permet de comprendre, en huit heures, comment fonctionnent les services publics. On y indique comment accéder à l'emploi, s'inscrire à l'ANPE, valoriser son expérience ou ses diplômes ; comment trouver un logement ; inscrire les enfants à l'école et s'inscrire à la caisse d'allocations familiales. Malheureusement, cette formation est facultative et n'est prescrite qu'à 18,1 % des personnes intéressées. Le service de l'accueil devrait mieux expliquer aux migrants l'intérêt de cette journée, car le taux de participation n'est que de 57 % sur ces 18,1 % - dont, là encore, une légère majorité de femmes.

Mme Claude Greff a dit craindre que le public potentiel ne soit pas suffisamment informé.

Mme Myriam Bernard a répondu que chaque personne était reçue par un auditeur social de l'ANAEM, qui évoque cette formation. Peut-être faudrait-il la rendre obligatoire dans le contrat.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a abondé en ce sens.

Mme Myriam Bernard s'est dite favorable à ce qu'on institue deux journées obligatoires et consécutives, qui permettraient de faire le lien entre les institutions de la République et les services publics.

Mme Claude Greff a demandé si de telles journées n'étaient pas déjà organisées.

Mme Myriam Bernard a répondu qu'elles n'étaient budgétées qu'à hauteur de 30 % des signatures du contrat, ce qui est supérieur aux besoins actuels, ce qui est dommage car le public en ressort très satisfait.

M. Patrick Delnatte a indiqué qu'il lui semblait qu'on incitait fortement les migrants à suivre ces formations pour obtenir leur titre de séjour.

Mme Myriam Bernard a répondu qu'il s'agissait surtout de la carte de résident. La loi de 2003 dispose en effet que, pour obtenir cette carte, il faut faire la preuve, par tous moyens, de son intégration républicaine, et donc de sa connaissance des valeurs de la République et de sa maîtrise de la langue française. Cela dit, le lien entre contrat d'accueil et d'intégration (CAI) et loi de 2003 n'est pas établi clairement. Un décret en Conseil d'État, déjà prêt, devrait le faire.

M. Patrick Delnatte a estimé ces formations très utiles pour les primo arrivants, qui ne sont là que depuis quelques mois, mais non pour les personnes qui sont en France depuis trois ou quatre ans.

Mme Danielle Bousquet a objecté que celles-ci connaissent sans doute le fonctionnement des services publics, mais moins l'histoire de France ou les principes de la République.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est demandé s'il ne convenait pas de rendre ces formations obligatoires.

Mme Myriam Bernard a répondu que la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 disposait simplement qu'il est « proposé » un contrat.

Mme Danielle Bousquet a préconisé de modifier cette disposition de la loi.

Mme Myriam Bernard a souligné que le FASILD était soumis à de fortes contraintes budgétaires, et qu'il finançait ces formations à hauteur des taux de signature du contrat et des taux attendus de participation.

Mme Claude Greff a regretté que des lois allant dans le bon sens voient leur application bloquée pour des raisons financières.

Mme Myriam Bernard a précisé que la formation linguistique était la plus coûteuse. Quant à la formation civique, son coût est estimé aujourd'hui à 6,5 millions d'euros pour 100 000 personnes. Si elle était rendue obligatoire, son coût ne dépasserait pas 10 millions d'euros, ce qui n'est pas insupportable pour le budget de l'État.

Mme Claude Greff a considéré que les relais du Fonds au sein du monde associatif permettraient de limiter les coûts.

Mme Myriam Bernard a répondu que nombre de ceux qui ont répondu aux appels d'offre étaient des associations avec lesquelles le FASILD travaille déjà de longue date, car on ne s'improvise pas du jour au lendemain formateur pour des publics migrants, et que ces associations avaient très bien su s'adapter à la procédure des marchés publics.

Il serait souhaitable, en revanche, d'améliorer l'organisation locale autour du service public de l'accueil. Actuellement, chaque direction départementale de l'action sanitaire et sociale élabore, sous l'autorité des préfets, un plan départemental d'accueil prévoyant toutes les modalités de l'accueil des primo-arrivants, ainsi que la mobilisation de l'ensemble des services publics de l'État et des collectivités territoriales. Or ces plans n'ont pas été mis en place partout et, lorsqu'ils l'ont été, on a souvent constaté que l'articulation avec l'ANPE est insuffisamment organisée, que les problèmes de logement ne sont pas assez pris en compte, que l'Education nationale s'investit insuffisamment et que le maillage avec les collectivités locales laisse à désirer. L'accueil des collectivités locales est en effet important ; certaines mairies organisent même des cérémonies républicaines, ce qui est une très bonne chose.

M. Patrick Delnatte a souhaité qu'on ne reporte pas pour autant sur le maire les problèmes difficiles qu'entraîne l'accueil des primo-arrivants.

Mme Myriam Bernard a souligné qu'il faudrait au moins résoudre certains problèmes de transport et de garde d'enfants pendant ces journées de formation.

Mme Claude Greff a demandé des précisions sur les méthodes d'accueil dans les pays voisins de la France.

Mme Myriam Bernard a répondu qu'une politique équivalente existait dans la majorité des quinze Etats européens, mais que les modalités différaient. Elles sont d'ailleurs parfois plus sévères : obligation de formation et prise en charge financière de ladite formation par les intéressés eux-mêmes.

Mme Claude Greff a estimé que, pour pouvoir s'installer dans un pays, il fallait en manifester la volonté, accomplir certaines démarches et s'investir personnellement.

Mme Myriam Bernard a indiqué que les services juridiques du Sénat ont fait une excellente étude comparée dans cinq ou six États de l'Union européenne, portant essentiellement sur la formation linguistique, et qu'une stagiaire du FASILD a fait une étude comparative sur les structures qui organisent l'accueil dans onze États membres. Il en ressort que la France est plutôt bien placée, mais qu'elle est l'un des pays les moins exigeants sur le plan linguistique : elle se contente d'exiger des primo-arrivants la maîtrise du français parlé, alors que certains pays, comme les Pays-Bas, l'Allemagne ou l'Autriche, requièrent la maîtrise de la langue écrite. Bien que les primo-arrivants soient de plus en plus nombreux à maîtriser le français, l'ANAEM rencontre des problèmes pour assurer l'interprétariat dans les langues rares. Légalement, le CAI doit être présenté à l'intéressé dans une langue qu'il comprend. Or, c'est souvent le mari qui assure cette traduction...

L'apprentissage du français constitue une mission prioritaire du FASILD, qui est en train de préparer un contrat d'objectifs et de moyens avec le ministère chargé de la cohésion sociale. Les flux étant très variables d'un département à l'autre, ainsi que le pourcentage de non-francophones, l'exercice est des plus difficiles.

Les 45 000 personnes que forme le FASILD chaque année sont, en premier lieu, les signataires du CAI, auxquels il est proposé entre 200 et 500 heures qui peuvent être étalées sur toute la durée du contrat, soit une année, plus, le cas échéant, une année supplémentaire. L'objectif est qu'ils atteignent un niveau de français oral équivalent à celui qui est exigé pour la naturalisation ; c'est ce qu'on appelle le niveau IV du procès-verbal d'assignation linguistique. Il devrait être sanctionné prochainement par un diplôme du ministère de l'éducation nationale.

Mme Claude Greff a demandé quels étaient les bénéficiaires des 500 heures de formation.

Mme Myriam Bernard a répondu qu'il s'agissait de personnes analphabètes qui signent le contrat. Le chiffre peut paraître élevé, mais en fait, le nombre d'heures varie : l'analphabète se verra proposer 500 heures, la personne qui a déjà le niveau II ou III seulement 200.

Mme Claude Greff s'est enquise du coût de la formation.

Mme Myriam Bernard a indiqué qu'il était de 5 euros l'heure, et que la durée moyenne de formation était de 380 heures.

Mme Danielle Bousquet a rappelé qu'il existait, en permanence, un volant d'un million de personnes potentiellement concernées par l'apprentissage du français, et que toutes ces heures de formation ne représentent qu'une goutte d'eau par rapport aux besoins.

Mme Myriam Bernard a souligné que les rythmes de formation variaient eux aussi. Ils s'adaptent à la vie des intéressés, qui se voient proposer aussi bien des cours du soir que des cours du samedi, des cours de quatre, de six, de douze, de vingt ou de trente heures par semaine. De nombreuses femmes choisissent un rythme de six heures par semaine. Pour un volume de 500 heures, cela demande dix-neuf mois. Mais au Canada, les cursus sont encore plus longs qu'en France...

Mme Danielle Bousquet a observé qu'il ne s'agissait pas seulement d'apprendre le français, mais de s'initier à la vie française, car les femmes ne sont pas forcément immergées dans la société.

Mme Myriam Bernard a précisé que les personnes étaient encouragées à choisir une formation de 30 heures par semaine, et que les formations étaient assurées par des associations très performantes, qui collaborent de longue date avec le FASILD. Les élèves ne travaillent pas sur Molière, mais sur du concret, sur la vie en France aujourd'hui. Avant même qu'il ne soit question de formation, on évalue sur les plates-formes de l'ANAEM les besoins des primo-arrivants dans le domaine linguistique, et on détermine ensuite le lieu de la formation et son rythme. Seules 25 % de ces personnes sont considérées comme ayant besoin d'apprendre le français oral, les autres ont déjà le niveau IV requis pour la naturalisation. Le pourcentage baisse d'ailleurs régulièrement.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a expliqué que de nombreux primo-arrivants venaient de pays anciennement francophones.

Mme Myriam Bernard a indiqué que les langues les plus parlées étaient l'arabe, le russe, le turc, l'anglais, le serbo-croate, le vietnamien, l'espagnol et le portugais, ce qui peut donner une idée de la diversité des langues pratiquées.

Par ailleurs, le FASILD prend en charge un second public : des personnes qui se sont fait débouter lors de leur demande de naturalisation pour défaut d'assimilation linguistique, ayant échoué à l'examen du procès verbal d'assimilation linguistique. L'affaire est préoccupante, dans la mesure où elles ont, en moyenne, déjà passé dix-sept ans en France. Ainsi, 3 500 personnes par an se font débouter parce qu'elles ne maîtrisent pas le français oral de base !

M. Patrick Delnatte a considéré que la société n'avait pas à se sentir coupable d'un tel état de fait.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a trouvé inquiétant qu'en dix-sept ans on puisse n'avoir pas acquis une connaissance suffisante du français.

Mme Danielle Bousquet a dit y voir le résultat d'une certaine incurie politique et d'un manque de volonté d'intégration qui dure depuis des années.

Mme Claude Greff a jugé que l'État n'était pas seul en cause, et qu'il y avait lieu de s'interroger sur l'envie d'intégration des personnes concernées.

Mme Myriam Bernard a souligné que certains immigrés savaient très bien se débrouiller tout en ne parlant pas la langue, et que ne pas parler la langue n'était pas nécessairement une preuve de défaut d'intégration.

Mme Danielle Bousquet a objecté que, même pour des Français dits « de souche », le fait de ne pas maîtriser la langue française était un signe de non-intégration dans la société. La Bretagne n'a pas beaucoup d'immigrés, mais ils sont nombreux dans certains quartiers, et l'on y rencontre des femmes qui vivent entre elles et ne connaissent que quelques mots de français.

Mme Claude Greff en a conclu qu'elles n'étaient pas intégrées, et leurs maris non plus.

Mme Danielle Bousquet a objecté que leurs enfants menaient le plus souvent une vie normale et que les filles allaient à l'école.

Mme Claude Greff a estimé difficile d'accepter que des personnes qui s'installent dans un pays ne fassent même pas l'effort d'en apprendre la langue.

Mme Danielle Bousquet a expliqué que certaines d'entre elles ont longtemps pensé revenir dans leur pays d'origine, mais ne l'ont pas fait, et que l'attachement des femmes à leur culture d'origine peut être lié à la volonté de ne pas se couper de leurs racines.

M. Kaïs Marzouki a souligné que les femmes pouvaient être les plus grandes émancipatrices, mais que l'inverse se produisait également. La formation linguistique initiale est importante, mais après cette formation, des « piqûres de rappel » sont nécessaires. Il ne sert pas à grand-chose de donner aux femmes 200, 300, 400 ou 500 heures de formation si elles sont enfermées dans un milieu qui ne parle pas français. La formation professionnelle est également importante, car les femmes qui rejoignent leur mari émigré en France ne travaillent pas. Il y a une action à mener en ce domaine, ainsi que pour lever la précarité juridique dans laquelle elles vivent.

Mme Danielle Bousquet a insisté sur le fait que l'intégration des enfants passait également par la manière dont les femmes se comportent.

Mme Myriam Bernard a précisé que les personnes qui se voient prescrire un grand nombre d'heures de formation linguistique étaient en majorité des femmes. Si le FASILD forme aussi longtemps qu'il le faut les déboutés de la naturalisation, il forme moins longtemps les autres publics, qui bénéficient de 100 ou de 200 heures selon leur niveau. Certains maîtrisent le français écrit et préparent le diplôme élémentaire ou le diplôme approfondi de langue française. Il y aura bientôt un troisième diplôme, qui sanctionnera une bonne maîtrise du français oral et écrit de base et s'intitulera « diplôme initial de langue française ».

L'organisation des cours recherche la plus grande souplesse possible. On essaie de créer des groupes de dix en ville et de cinq en zone rurale.

En 2003, 54 % des personnes qui avaient signé le CAI étaient présentes aux formations linguistiques ; en 2004, elles étaient 56 % ; en 2005, on table sur 65 ou 70 %. Ces pourcentages peuvent paraître faibles, mais on s'est aperçu que les personnes « s'y mettent » en fait tardivement et que, parmi toutes celles qui avaient signé un CAI en 2003, 67 % ont fini par suivre une formation linguistique.

Les difficultés rencontrées sont les mêmes que pour les autres formations. Elles sont malgré tout accrues dans la mesure où il s'agit de formations longues : problèmes de transport, de garde d'enfants, horaires de travail incompatibles, découragement, isolement dans les zones rurales.

Pour compléter cette formation, le FASILD s'adresse aux associations de proximité, auxquelles il verse 5 millions d'euros pour des actions de première sensibilisation au français, destinées pour 80 % à des femmes, dans des ateliers d'alphabétisation de quartier. Ce n'est pas suffisant ; il faudrait que le relais soit pris par les communes et que le FASILD dispose de davantage de moyens pour soutenir le secteur associatif de proximité, qui permet à certaines femmes de commencer à sortir de chez elles, ce qui est très important. Le Fonds soutient également certains organismes qui travaillent sur le droit à la langue ou sur la pédagogie de l'enseignement du français.

L'avenir passe par une meilleure articulation avec les collectivités territoriales. Les directions régionales du FASILD sont en train de contractualiser avec les conseils régionaux pour la formation linguistique des 16-26 ans, que le Fonds, actuellement, ne prend pas en charge, sauf lorsqu'ils ont signé un CAI ou ont été déboutés de la naturalisation. Une contractualisation est également envisageable avec les conseils généraux, s'agissant des allocataires du RMI qui auraient besoin d'apprendre la langue.

Le FASILD devrait également contractualiser avec le secteur privé, puisque la loi du 4 mai 2004 a consacré dans le code du travail la formation linguistique comme une dimension de la formation professionnelle. Il a déjà signé un premier contrat avec ADIA pour mettre en place un plan de formation linguistique pour les intérimaires, et conclu un accord-cadre avec les professions du bâtiment, qui veulent attirer des femmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait part du grand intérêt pris par la Délégation au témoignage de Mme Myriam Bernard et lui a proposé de revenir prochainement pour évoquer d'autres sujets qui n'ont pu être abordés aujourd'hui.

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