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DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 10

Mardi 24 janvier 2006
(Séance de 17 heures)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Martin Hirsch, président d'Emmaüs-France.

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Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a exprimé, au nom des membres de la Délégation, le plaisir qu'elle avait d'accueillir M. Martin Hirsch, président d'Emmaüs-France, à un moment où il n'est plus possible d'ignorer la « nouvelle équation sociale », pour reprendre le titre du rapport qu'il a remis en 2005 au ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Ce rapport souligne combien les nouvelles formes de précarité touchent les femmes.

M. Martin Hirsch a insisté sur le paradoxe apparent que revêt son audition par la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Emmaüs était en effet, à l'origine, un mouvement exclusivement masculin. Les communautés Emmaüs sont encore aujourd'hui masculines dans une proportion de 92 %. La pauvreté, à l'époque de la création de ce mouvement, épargnait les familles. L'extrême pauvreté était caractéristique des personnes seules, le plus souvent des hommes, ayant vécu une situation de rupture autour de l'âge de 45 ans. Au cours des vingt dernières années, il a fallu organiser de nouvelles formes d'accueil afin de s'adapter à de nouvelles formes de pauvreté frappant les femmes ou les familles. Les associations de terrain, d'une part, et les statistiques, d'autre part, font apparaître deux facettes d'une même réalité. Sur le terrain, l'on constate l'émergence d'une pauvreté féminine. Des femmes vivent aujourd'hui dans la rue, parfois avec leurs enfants. En Seine-Saint-Denis, on estime que 5 000 enfants sont sans domicile. Les statistiques, quant à elles, montrent que les femmes, qui représentent 52 % de la population française, constituent 54 % des personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté.

La pauvreté d'après-guerre était caractérisée par le manque et la pénurie. Elle s'est résorbée au fur et à mesure que la croissance permettait au marché d'absorber toute une catégorie de la population qui en était exclue. Parallèlement subsistait la pauvreté des plus de 60 ans, liée à l'absence d'un système de retraite. Les « trente glorieuses » ont conduit à diviser par deux le taux de pauvreté. Cette évolution a correspondu à la diminution de la pauvreté des plus de 60 ans, due à la mise en place des systèmes de retraite ainsi qu'à l'augmentation du taux d'activité féminine. Elle a cependant masqué l'augmentation de la pauvreté dans les tranches d'âge d'activité, touchant principalement les femmes.

Dans les années 1980, la « nouvelle pauvreté » correspond aux failles des systèmes de protection sociale. Ce phénomène a fait naître une réflexion et des débats qui ont conduit à la création du revenu minimum d'insertion. Celui-ci était destiné aux personnes qui se situaient aux marges des systèmes de protection sociale. L'analyse de la pauvreté dans la France des années 2000 met en évidence, d'une part, la subsistance de cette pauvreté des marges - par ailleurs aggravée par l'immigration -, et, d'autre part, l'apparition d'une pauvreté au cœur du système. La figure emblématique de cette pauvreté est la travailleuse pauvre, c'est-à-dire la femme avec enfants, à la tête d'une famille monoparentale, ayant un travail à temps partiel, et dont les revenus cumulés - salaire et allocations - ne lui permettent pas de franchir le seuil de pauvreté. L'expérience de terrain semble montrer que ce phénomène relativement récent est en expansion. Les statistiques ne permettent pas de le confirmer, car les chiffres dont on dispose remontent à cinq ans. L'absence de statistiques annuelles sur les travailleurs pauvres est particulièrement dommageable. De manière générale, les statistiques portant sur la pauvreté sont trop parcellaires et trop peu régulièrement mises à jour.

Cette pauvreté au cœur du système se traduit par des souffrances d'un autre type. De plus, elle n'est pas nécessairement visible. Le haut fonctionnaire travaillant dans un ministère pourra croiser le matin, dans son bureau, des agents d'entretien sans même soupçonner qu'ils sont frappés par cette pauvreté.

La travailleuse pauvre subit donc une situation combinant un temps partiel subi, un salaire faible correspondant à un travail peu qualifié, et les complications liées aux nécessités de la garde des enfants. Le rapport de mission remis en mars 2005 à Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, « Les inégalités entre les femmes et les hommes : les facteurs de précarité », montre que l'une des caractéristiques de la pauvreté des femmes en France est l'importance du travail non qualifié, avec, en corollaire, des salaires horaires plus faibles. Quand cela se conjugue avec un temps partiel, les femmes plongent dans la pauvreté.

Un débat a eu lieu en 2005 sur ce qu'on a appelé la « taxe Emmaüs ». Emmaüs a développé toute une série d'entreprises d'insertion dans le secteur du tri et de la collecte des textiles, qui correspond très bien à des emplois non qualifiés féminins. Par ailleurs, la conséquence des quotas chinois a été que les entreprises commercialisant les textiles ont vu leur prix d'approvisionnement en matières premières baisser de 30 %. Le consommateur, lui, n'a vu les prix baisser que de 1 %. Une partie de la marge bénéficiaire de ce secteur économique devrait donc alimenter les entreprises d'insertion qui réemploient une partie des personnes que ce même secteur licencie. Tel était l'enjeu de la taxe Emmaüs.

Faire baisser le nombre des enfants vivant dans la pauvreté exige trois choses : que les parents travaillent ; que leurs revenus leur permettent d'accéder à un logement digne ; que les différents services publics puissent apporter des réponses adaptées à leurs problèmes.

Dans cette perspective, certains leviers échappent au moins partiellement à l'action des pouvoirs publics, notamment la politique des salaires. D'autres, par contre, dépendent de leur action. Si une femme ayant deux enfants ne peut prétendre, soit compte tenu de l'offre de travail, soit en raison des conditions de la garde de ses enfants, à autre chose qu'à un emploi à mi-temps payé au SMIC, elle se retrouvera rapidement au-dessous du seuil de pauvreté. Les pouvoirs publics peuvent agir sur un premier levier : toutes les études montrent que les conditions de garde des enfants constituent un obstacle très important au travail des femmes. Le deuxième levier est la combinaison des revenus du travail et de ceux issus de la solidarité, dont le cumul doit être suffisant pour franchir le seuil de pauvreté. Il convient donc de sortir du système du RMI plafonné. À cet égard, si le I d'insertion a souvent fait l'objet de critiques, le M de minimum a été trop négligé. Le RMI est, pour beaucoup de personnes, un revenu maximum. Pour mettre fin à cette situation, il faut donc pouvoir conjuguer revenus du travail et revenus de solidarité. Le système actuel ne permet ce cumul que pendant six mois ou un an, ce qui veut dire que les personnes qui retrouvent un travail doivent faire face à la perspective d'avoir, dans un an, des revenus inférieurs à leurs revenus actuels. Cette baisse de revenus risquera de les entraîner dans la spirale du surendettement si les prêts à la consommation sont le seul moyen à leur disposition pour maintenir leur niveau de dépenses.

Il convient donc de passer d'un système d'allocations différentielles à un système dans lequel les revenus de la solidarité seraient conçus comme un complément au revenu du travail. Plus le revenu du travail est élevé, plus ce complément doit être faible. Cela ne dispense pas, par ailleurs, d'agir sur les différents paramètres permettant d'augmenter le revenu du travail : discuter avec les partenaires sociaux pour que le temps partiel subi ne se développe pas ; agir sur les conditions de développement du salariat ; travailler dans le sens d'une plus grande qualification des personnes concernées.

La très grande pauvreté présente des caractéristiques spécifiques. Les réponses sociales classiques ne sont plus adaptées à ces personnes parce qu'elles n'ont pas été prises en charge suffisamment tôt, ce qui a pour effet de provoquer une plongée dans des situations qui les conduisent soit à la rue ou dans des centres d'urgence, soit à l'hôpital psychiatrique, soit à la prison. Récemment, une femme a purgé une peine de six mois de prison à la suite de 26 procès-verbaux : elle avait pris le train sans payer ses billets. Cette situation explique en partie la crise de ces différentes institutions : les centres d'hébergement d'urgence ne sont pas destinés à accueillir cette population, ce qui explique pourquoi ils sont débordés ; les prisons sont faites pour répondre à la délinquance et non pour soigner les pathologies sociales ; les hôpitaux psychiatriques ont vocation à soigner les malades mentaux et non pas la souffrance sociale.

La première chose à faire est d'enrayer la destruction des emplois non qualifiés. Si le secteur marchand ne le fait pas, il convient de le faire contribuer à des actions menées dans le secteur non lucratif, et dont l'objectif ultime est d'obtenir ce résultat.

S'agissant de l'immigration, il importe de distinguer deux aspects. D'une part, les populations immigrées sont plus vulnérables que les autres sans que cette vulnérabilité s'explique par des facteurs spécifiques. D'autre part, il existe une pauvreté spécifique à l'immigration, liée à l'impossibilité administrative d'accéder au travail.

M. Patrick Delnatte a souhaité revenir au débat relatif à la taxe Emmaüs. Le département du Nord a été sinistré par les pertes d'emplois dans le secteur textile. La situation est telle qu'une taxe supplémentaire aurait pour effet d'affaiblir la compétitivité des entreprises concernées. Une chose est de reconnaître que le principe d'une telle taxe se justifie, autre chose est de considérer qu'il est opportun de l'appliquer aux entreprises d'un secteur particulièrement fragile.

Il a également souligné que la présence d'immigrés en situation irrégulière pouvait conduire à paralyser les institutions destinées à répondre aux situations d'urgence.

M. Martin Hirsch a rappelé que les différents secteurs économiques avaient accepté le principe d'une taxe à condition qu'elle soit acquittée par d'autres qu'eux-mêmes. La distribution y était favorable dès lors que les entreprises de production la paieraient... La lutte entre les différents acteurs était similaire à celle que l'on constate autour de la pratique des marges arrière. Il importe que les entreprises d'insertion ne soient pas victimes de ces combats. Emmaüs ne préconisait pas l'instauration d'une subvention, mais d'un « visible fee » répondant à une logique économique. Car ce sont bien les entreprises d'insertion qui prennent en charge l'élimination des textiles de mauvaise qualité.

Enfin, il a estimé que la prise en charge de la pauvreté au sein des populations immigrées ne se faisait pas au détriment des actions en direction de la pauvreté autochtone. La proportion des personnes immigrées dans les centres d'accueil peut être importante. Dans certains centres, elles peuvent être majoritaires. La question est de savoir si l'on doit faire payer aux pauvres immigrés les défaillances de la politique d'immigration. Par ailleurs, il n'est guère envisageable de vaincre la pauvreté dans les pays riches si les écarts entre ceux-ci et les pays pauvres ne se réduisent pas.

Mme Martine Carrillon-Couvreur a insisté sur le décalage entre le constat dramatique de la situation de pauvreté frappant les enfants et l'insuffisance des réponses qui y sont apportées. Les chiffres sont inquiétants. Des efforts sont déployés an niveau local, mais l'ampleur du phénomène appelle la mise en œuvre de politiques nationales.

M. Martin Hirsch a souligné que les enseignants étaient conscients du problème. Devant les efforts que déploient les enfants pauvres pour cacher leur pauvreté, ils sont placés devant un dilemme : doivent-ils faire semblant de ne rien voir ou tenter de mettre en œuvre des solutions ? La fréquentation des cantines scolaires est inversement proportionnelle à la pauvreté des familles. Dès le plus jeune âge, on constate des différences dans les soins que reçoivent les enfants selon la catégorie sociale à laquelle appartiennent leurs parents, qu'il s'agisse de problèmes dentaires, de problèmes de vue, d'obésité ou de malnutrition.

Les classes sociales aisées développent, quant à elles, des stratégies d'évitement. Le recours aux cours privés connaît une augmentation spectaculaire. La mise en œuvre de politiques publiques est urgente. Il importe par exemple qu'elles puissent, dans deux ou trois matières stratégiques, dont l'anglais, remédier aux insuffisances du système scolaire, lesquelles ne sont évidemment pas dues aux défaillances personnelles des enseignants.

Mme Hélène Mignon a souligné que certaines familles refusaient la participation de leurs enfants aux classes de découverte dans le souci d'éviter que leur pauvreté ne devienne visible, par exemple en voyant leurs pyjamas rapiécés.

Elle a fait observer que la pauvreté en milieu rural était beaucoup plus importante qu'on ne le croit. Beaucoup d'enseignants ont toujours des biscuits dans leur bureau, parce qu'ils s'aperçoivent souvent, en fin de matinée, que certains enfants n'ont pas mangé depuis la veille au soir. Beaucoup de familles ne peuvent trouver du travail faute de moyens de transport. Déménager dans les zones où les parents pourraient se voir offrir un travail est parfois impossible, faute de pouvoir y trouver un logement.

Il est vrai que certains centres d'hébergement sont encombrés par des personnes immigrées qui sont dans l'attente d'une régularisation. Cela empêche parfois les professionnels d'effectuer le travail d'insertion qu'ils souhaitent. Mais lorsque ce travail est fait malgré tout, et que les personnes concernées sont prêtes à redevenir autonomes, elles sont souvent en butte à l'impossibilité de trouver un logement. On constate également des phénomènes de ségrégation dans l'attribution des logements.

Mme Hélène Mignon a interrogé M. Martin Hirsch sur l'expérience britannique en matière d'aide aux femmes en situation de pauvreté. Elle paraît séduisante, mais les salaires de certains Britanniques sont bas, parfois même inférieurs au seuil de pauvreté. Les ministères fournissent des chiffres encourageants, mais qui ne semblent pas confirmés par la réalité du terrain.

M. Martin Hirsch a souscrit aux remarques de Mme Hélène Mignon sur l'importance cruciale des difficultés liées au logement. Il a ajouté que la pauvreté actuelle diffère des celle d'hier en ceci qu'elle renvoie à une pluralité de causes : le logement, l'emploi, le surendettement, les problèmes de santé, d'autres encore. Le problème est d'organiser le croisement des différentes politiques publiques. Quand une famille est confrontée à six problèmes différents, n'en traiter qu'un seul revient en fait à n'en traiter aucun.

Il vaut mieux aujourd'hui être pauvre en France qu'au Royaume-Uni. Mais la situation outre-Manche est en voie d'amélioration, même si les problèmes de pauvreté y ont longtemps revêtu une plus grande acuité qu'en France. À l'inverse, la France a longtemps été préservée, mais la situation y est en voie de détérioration. Pour schématiser, les Britanniques sont passés par une phase de démantèlement des systèmes de protection qui a accru la pauvreté et n'a offert d'autres ressources aux pauvres que celles des revenus du travail. Ils peuvent aujourd'hui reconstruire des systèmes d'aide sociale. La France, elle, connaît une détérioration à petit feu et à bas bruit.

Mme Hélène Mignon a fait observer qu'au Royaume-Uni, une jeune femme enceinte et isolée était prise en charge dès le début de la grossesse. Elle est conseillée dans la manière d'élever son enfant avant même qu'il soit né, puis accompagnée de manière régulière.

M. Martin Hirsch a souligné l'importance de ce point, en ajoutant que les travailleurs sociaux français se rendaient beaucoup moins souvent aux domiciles des personnes. Ils n'y vont que quand la situation se détériore, de sorte qu'ils sont mal perçus.

Par ailleurs, les femmes pauvres ont très peur qu'on leur retire la garde de leurs enfants, ce qui les conduit à adopter des stratégies d'évitement.

Mme Hélène Mignon a précisé que c'était justement la raison pour laquelle ces femmes en sont venues à se tourner beaucoup plus vers les associations que vers les services sociaux. De plus, elles se plaignent souvent de n'avoir avec les travailleurs sociaux aucun échange humain, ceux-ci ne s'occupant de leur situation qu'à travers la gestion d'un dossier informatisé.

M. Martin Hirsch a déploré cette relation de guichet. Il convient de récuser l'idée de guichet unique parce qu'il convient de récuser l'idée même de guichet.

Mme Béatrice Vernaudon a estimé essentiel de s'engager dans une politique de prévention en accompagnant les familles avant que des problèmes apparaissent. Il convient surtout d'accompagner les couples au moment de la naissance, en repérant les difficultés qui peuvent survenir, que ce soit du point de vue du logement ou de l'insertion professionnelle. L'action de proximité est la clé d'une lutte efficace contre la pauvreté.

M. Martin Hirsch a souscrit à cette analyse, qui le conduit à ressentir un certain scepticisme devant le contrat de responsabilité parentale que prévoit le projet de loi pour l'égalité des chances dont le Parlement aura prochainement à débattre. Non pas que la logique des droits et des devoirs soit choquante. Elle est d'ailleurs au cœur des structures associatives animées par le mouvement Emmaüs. Mais le projet de loi prévoit de déclencher la responsabilité parentale une fois que des problèmes sont apparus, alors qu'il conviendrait de mobiliser les différents services sociaux, publics et associatifs pour accompagner les familles avant la survenue de problèmes importants. En outre, les familles qui ont longtemps été laissées à elles-mêmes et traversent une situation critique n'ont d'autres ressources que les allocations sociales. Soit on ne suspendra pas le versement de celles-ci, auquel cas le « contrat » relève de la gesticulation, soit on le suspendra, auquel cas les conséquences pour ces familles pourront être catastrophiques.

L'intervention sociale doit donc être située beaucoup plus en amont. Il convient de résister à la tendance qui consiste à déverser des trains de mesures nationales sans les avoir expérimentées. Il est inutile d'accumuler les textes législatifs à un rythme soutenu sans avoir les moyens de les appliquer.

M. Patrick Delnatte a jugé important de définir les faits qui doivent déclencher la prise en charge des familles en amont.

M. Martin Hirsch a souligné qu'il était nécessaire d'intervenir avant que des problèmes aigus ne surviennent. Les familles doivent être informées, par exemple lors de la naissance d'un enfant, que des dispositifs d'écoute existent, auxquels ils peuvent faire appel. Par ailleurs, la détection de problèmes relevant de la pauvreté et non de la délinquance doit aboutir à la proposition de mesures de suivi et d'accompagnement, que ce soit auprès d'associations, auprès de services sociaux ou, le cas échéant, de l'équipe enseignante.

Les expérimentations locales ne sont jamais généralisées. À l'inverse, les ministères souhaitent mettent en œuvre des dispositifs dont il est avéré qu'ils ne sont pas à même de répondre à des problèmes nouveaux.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a déploré qu'à chaque alternance, la nouvelle majorité s'attache à mettre en œuvre une politique qui lui permette de se démarquer de la majorité précédente.

M. Pierre-Christophe Baguet a insisté sur le poids des attentes sociétales. Quand la population demande un renforcement de la lutte contre les incivilités, les pouvoirs publics ont tendance à définir une politique sociale répondant à cette attente.

Mme Martine Carrillon-Couvreur a estimé que le socle de la solidarité nationale était en voie d'effritement. La politique sociale a tendance à se disperser en mesures diverses qui sont autant de bribes de politique, dont les associations éprouvent sans doute des difficultés à apercevoir la cohérence.

M. Martin Hirsch a souligné qu'à un problème déterminé, les pouvoirs publics avaient tendance à réagir en faisant une annonce et non en proposant une solution. Il est également frappant de constater l'écart entre les grands chiffres annoncés par les ministères et la réalité du terrain, qu'il s'agisse des emplois aidés ou des chantiers d'insertion.

M. Patrick Delnatte a insisté sur le fait que les crédits ne sont souvent pas délégués à temps, ce qui limite la capacité d'agir des préfectures.

M. Martin Hirsch a regretté l'extension d'une logique de déresponsabilisation. Les administrations et les collectivités se renvoient trop souvent la balle.

Enfin, il a fait observer qu'historiquement, les systèmes de solidarité se sont construits par substitution aux solidarités associatives, locales, familiales. La France, contrairement à d'autres pays, n'a pas su penser la complémentarité entre ces deux formes de solidarité. Si les associations prennent en charge un problème donné, les pouvoirs publics ont tendance à leur rendre hommage tout en y voyant une bonne raison ne plus intervenir eux-mêmes, et quand les pouvoirs publics interviennent, les solidarités associatives ou familiales semblent ne plus avoir leur place. Une meilleure articulation est nécessaire. Qu'une personne ait droit à la couverture maladie universelle n'empêche pas qu'elle doive être orientée dans ses différentes démarches, au besoin par une association. À l'inverse, en cas de canicule, les services d'urgence de l'État doivent jouer leur rôle, mais il n'appartient pas au préfet de se substituer aux individus dans leurs relations de voisinage, notamment quand il s'agit d'intervenir auprès des personnes fragiles.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a remercié M. Martin Hirsch pour sa contribution aux travaux de la Délégation.


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