Assemblée nationale - Sénat

Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

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Compte rendu

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Mercredi 25 juin 2003
La place des biotechnologies en France et en Europe - étude de faisabilité.
Etat d'avancement et perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs - étude de faisabilité.
Audition de la commission nationale d'évaluation des recherches pour la gestion des déchets radioactifs sur la présentation de son neuvième rapport annuel.

Présidence de M. Claude Birraux, député, président de l'Office

La place des biotechnologies en France - étude de faisabilité.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, rapporteur, après avoir souligné l'intérêt des pouvoirs publics, tant au niveau national qu'aux niveaux européen et international, pour les biotechnologies, a exposé les différentes façons par lesquelles cet intérêt s'était manifesté et les actions prises à cet effet : engagements de moyens financiers directs ou incitatifs, aménagements juridiques tendant à favoriser l'innovation et à établir des passerelles entre la recherche publique et le secteur privé et, enfin, nécessité de définir une stratégie à moyen terme. Il a notamment fait état de l'annonce récente d'une « stratégie dans les biotechnologies » par la ministre déléguée à l'industrie.M. Jean-Yves Le Déaut, député, rapporteur, a fait valoir que cet engagement public reposait sur plusieurs constats. Il a cité, en premier lieu, le retard pris par la France par rapport au Royaume-Uni et l'Allemagne et souligné l'avance prise par les Etats-Unis, insistant sur les efforts financiers que ce pays consentait en faveur de la recherche. Il a estimé, ensuite, que cette prise de conscience tenait au potentiel, notamment économique, des biotechnologies, potentiel que la Commission européenne estimait à 100 milliards d'euros en 2005, et aux bouleversements en termes d'emploi qui en résulteraient. Il a enfin noté que des contraintes légales et réglementaires spécifiques, susceptibles d'entraver les investissements privés, pesaient sur les innovations biotechnologiques.M. Jean-Yves Le Déaut, député, rapporteur, a estimé que ces différentes considérations appelaient une réflexion globale qui justifiait la saisine de l'Office, afin d'évaluer les atouts et les faiblesses des dispositifs mis en œuvre et de définir les conditions permettant de les rendre plus attractifs et innovants. Dans le cadre de cette réflexion, il a tout d'abord estimé nécessaire de mieux appréhender la notion de biotechnologie qui recouvre de multiples réalités. Il a jugé indispensable de s'interroger sur les leviers du développement de ce secteur, tant en ce qui concerne les structures impliquées que les moyens humains, juridiques et financiers mis en œuvre par ces structures. Il a noté que l'engagement de moyens financiers dépendait de l'intérêt suscité par les biotechnologies, ce qui supposait d'établir un bilan des réalisations et d'examiner la pertinence des indicateurs retenus à cet effet. Il a enfin estimé que si la nécessité d'un approfondissement dans le domaine des sciences du vivant faisait l'objet d'un consensus, les conditions éthiques et juridiques de certaines recherches faisaient encore débat tant au plan national qu'international, même si cela ne devait pas constituer un obstacle à l'exploitation du potentiel positif des biotechnologies.M. Jean-Yves Le Déaut, député, rapporteur, a indiqué qu'il comptait mener principalement son étude dans le domaine de la pharmacie, tout en dressant un bilan dans le secteur agro-alimentaire et en évaluant les enjeux des biotechnologies pour l'environnement. Il a ajouté que cette étude devrait aussi permettre d'évaluer la capacité décisionnelle de l'Europe et d'identifier les besoins exprimés dans ce domaine tant par les citoyens que les pays en développement.

M. Claude Birraux, député, Président, après avoir souligné l'intérêt de cette étude au moment où se mettent en place des stratégies publiques, a évoqué la question du bio-terrorisme. Le Rapporteur a indiqué qu'il traiterait de cette question sous l'angle de la bio-sécurité.Puis l'Office a autorisé, à l'unanimité des présents, M. Jean-Yves Le Déaut, député, rapporteur, à engager son étude sur la place des biotechnologies en France et en Europe.

Etat d'avancement et perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs - étude de faisabilité

L'Office parlementaire a ensuite procédé à l'examen de l'étude de faisabilité du rapport de M. Christian Bataille, député, rapporteur, et de M. Claude Birraux, député, rapporteur, sur l'état d'avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs.

M. Christian Bataille, député, rapporteur, a souligné que la saisine par le Bureau de l'Assemblée nationale à l'initiative des quatre présidents des groupes politiques sur les recherches relatives à la gestion des déchets radioactifs, d'une part, marque l'importance qu'à l'issue de la période de 15 ans dévolue à la recherche par la loi du 30 décembre 1991, la gestion des déchets radioactifs entre dans une nouvelle phase de réalisations concrètes, et, d'autre part, consacre une nouvelle fois le rôle capital de l'Office dans ce domaine.

M. Claude Birraux, député, rapporteur, a ensuite indiqué que la problématique de la recherche sur la gestion des déchets radioactifs a beaucoup évolué depuis 1991. D'une part, depuis 1991, de nombreuses questions technico-scientifiques ont reçu des réponses convaincantes, comme, par exemple, la mise au point de matrices de confinement et de conteneurs stables sur plusieurs milliers d'années, et l'amélioration des méthodes d'étude des migrations de radioéléments dans l'environnement, et en particulier dans les milieux géologiques. Par ailleurs, sur les deux questions importantes qui demeurent sur le plan scientifique, à savoir la séparation des radioéléments de haute activité à vie longue et leur transmutation, la France, qui a été, pendant plusieurs décennies, l'un des seuls pays à accorder un intérêt constant à ces deux sujets, est aujourd'hui rejointe par d'autres pays.

Au-delà de la vérification d'un éventuel consensus scientifique, la présente étude permettra d'étudier les centres de stockage étrangers les plus remarquables, en examinant à la fois leurs caractéristiques techniques et les conditions de leur réalisation, notamment les procédures d'information, de consultation des populations riveraines et de décision au plan local et national.

M. Christian Bataille, député, rapporteur, a ensuite noté que la loi du 30 décembre 1991 a incontestablement dynamisé les recherches sur les déchets radioactifs, avec un doublement, entre 1992 et 2001, des dépenses qui leur sont consacrées. L'étude de l'Office traitera de nombreuses questions, en particulier la répartition optimale, entre exploitants et organismes de recherche, de la charge du financement des recherches, les avantages et les inconvénients des fonds dédiés, le niveau nécessaire des dépenses de recherche avant et après 2006, la répartition à court et à moyen terme des dépenses entre les trois axes de recherche de la loi de 1991, la coordination entre les acteurs de la loi, la coopération internationale et les perspectives de marché pour l'industrie française.

M. Claude Birraux, député, rapporteur, après avoir rappelé que la gestion des déchets radioactifs est un ensemble allant des déchets de faible activité à vie courte aux déchets de haute activité à vie longue explicitement visés par la loi de 1991, a estimé que la recherche a permis de faire des progrès incontestables sur les voies et les moyens de réaliser des stockages définitifs présentant des conditions de sûreté optimales, grâce à l'utilisation de méthodes de tri améliorées, de conditionnements et de stockage assurant un confinement efficace à long terme et à la mise en œuvre de méthodes de surveillance fiables et précises.

S'agissant des déchets autres que les déchets de haute activité, deux problèmes principaux restent à résoudre dans la pratique : les déchets spécifiques (graphites ou radifères) et les déchets de moyenne activité à vie longue. Il conviendra également d'examiner quelles études sont menées pour l'entreposage à long terme des combustibles irradiés.

M. Christian Bataille, député, rapporteur, a indiqué que s'agissant de l'axe 1 (séparation-transmutation), correspondant aux recherches les plus difficiles sur un plan scientifique, les progrès effectués en France pour la séparation sont importants, même si l'on doit encore déterminer jusqu'où les actinides mineurs et les produits de fission peuvent et doivent être séparés les uns des autres, et si l'on doit analyser les perspectives économiques des opérations de séparation. Pour la transmutation, les principales questions concernent les expérimentations prévues avec Phénix et le choix des réacteurs qu'il conviendra à l'avenir de réaliser pour continuer les études ou passer à l'étape industrielle.

S'agissant de l'axe 2 (conditions du stockage géologique), l'Agence nationale des déchets radioactifs (ANDRA) a pris des dispositions pour remédier au retard accumulé suite aux erreurs d'appréciation de l'entreprise de travaux publics chargée du creusement des puits et à l'arrêt du chantier en raison d'un accident survenu en mai 2002. Il conviendra de vérifier le bon déroulement de la mise en service de la niche d'expérimentation à -445 mètres et de s'assurer de la qualité des enseignements du programme de forages depuis la surface ainsi que des mesures réalisées au Mont Terri en Suisse et à Mol en Belgique sur des argiles comparables à celle de Bure, une attention particulière devant être accordée aux conditions de la réversibilité qui constituera le trait d'union entre les différentes méthodes de gestion des déchets.

Enfin, l'importance des sommes consacrées à l'axe 3 (conditionnement et entreposage de longue durée) laisse entrevoir des résultats dont il faudra s'assurer de la qualité et dont l'importance pourra, éventuellement, justifier d'une réallocation des sommes qui leur sont consacrées.

M. Claude Birraux, député, rapporteur, a ensuite souligné que la saisine de l'Office est incontestablement d'une grande opportunité pour contribuer au respect des échéances de la loi de 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, notamment en dynamisant l'action des acteurs de la loi de 1991, ce qui favorisera l'obtention des résultats nécessaires à la prise de décision du Parlement.

En tout état de cause, la loi de 1991 ne spécifie pas une période incompressible de 15 ans pour les recherches, mais au contraire une date butoir pour l'évaluation et la décision, cette date étant le 1er janvier 2007.

Différents facteurs pourraient pousser à une décision anticipée. Mais l'esprit de la loi est d'introduire un temps pour la recherche. Il ne saurait donc être question de compacter au-delà du raisonnable les délais qu'elle a prévus. Pour autant, des échéances électorales - élections présidentielle et législatives - importantes interviendront en 2007, interférant avec les échéances proprement techniques et risquant de les différer malencontreusement. La date de l'évaluation globale des recherches ne saurait donc être avancée que de quelques mois pour donner au Parlement les moyens d'examiner celles-ci en temps utile compte tenu du calendrier institutionnel.

Lors du débat qui a suivi, M. Claude Gatignol, député, a indiqué que, sur tous les continents, l'énergie nucléaire est considérée de nouveau comme une énergie d'avenir par les opinions publiques et les parlements. L'Office parlementaire est le mieux à même d'éclairer le Parlement français sur les meilleures solutions pour aller de l'avant dans la gestion des déchets radioactifs.

M. Henri Revol, sénateur, Premier vice-président, a estimé que la longueur de l'arrêt du chantier de Bure par comparaison avec ce qui est la règle dans les travaux publics dans des circonstances semblables, est une affaire d'une grande gravité.

Puis l'Office a autorisé, à l'unanimité des membres présents, M. Christian Bataille, député, rapporteur, et M. Claude Birraux, député, rapporteur, à engager leur étude sur l'état d'avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs.

Audition de la commission nationale d'évaluation des recherches pour la gestion des déchets radioactifs sur la présentation de son neuvième rapport annuel.

L'Office parlementaire a ensuite procédé à l'audition de la commission nationale d'évaluation des recherches pour la gestion des déchets radioactifs instituée par la loi du 30 décembre 1991.

M. Claude Birraux, député, président, a indiqué qu'il revenait à M. Bernard Tissot, président de la commission nationale d'évaluation, de présenter à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, le rapport 2003, soit le neuvième rapport établi par la commission depuis sa création en janvier 1994. En tout état de cause, au fur et à mesure que va se rapprocher le terme du délai fixé par l'article 4 de la loi Bataille, à savoir le 1er janvier 2007, les constatations de la commission sur les trois axes fixés par cette loi requerront, pour l'établissement du rapport global d'évaluation que le Gouvernement doit remettre au Parlement, une grande vigilance.

Après avoir indiqué que le Bureau de l'Assemblée nationale, à la demande des quatre présidents des groupes politiques constitués en son sein, vient de saisir l'Office d'une étude sur « l'état d'avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs », M. Claude Birraux, député, président, a précisé, en tant que co-rapporteur de cette étude avec M. Christian Bataille, député, que cette étude n'a ni pour objet d'interférer avec la mission que la loi a fixée à la commission nationale d'évaluation, ni pour effet d'anticiper ou de reporter l'échéance de la fin 2006.

M. Bernard Tissot, président de la commission nationale d'évaluation (CNE), a ensuite résumé le 9e rapport de cette dernière, en présentant les principaux résultats de l'année écoulée et les perspectives des travaux pour la période 2004-2006. S'agissant des recherches relatives à l'axe 1 de la loi de 1991, l'échelle de temps est différente pour la séparation, dont la faisabilité scientifique et technique est acquise en grande partie, et la transmutation qui, nécessitant des réacteurs dédiés, se place à l'horizon de 2030-2040 et s'inscrit dans la perspective d'un nucléaire durable. Pour ce qui concerne le stockage géologique, l'arrêt du chantier de Bure a conduit l'ANDRA à réviser son programme scientifique, le calendrier étant malgré tout tendu. La commission a recommandé à l'ANDRA la réalisation d'au moins trois forages horizontaux depuis la surface pour étudier l'homogénéité de la couche d'argile et s'assurer de l'absence de fractures. Sur la base d'expérimentations réalisées à Bure pour les zones endommagées et pour la migration de traceurs et sur la base de mesures complémentaires sur d'autres sites, la modélisation, pour laquelle des progrès importants ont été réalisés, apportera une contribution importante. Enfin, pour ce qui concerne l'axe 3, la mise au point de matrices adaptées aux différents types de radioéléments a bien progressé, tandis que le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) et l'ANDRA ont travaillé ensemble à la mise au point de conteneurs, dans lesquels les déchets pourront être introduits une fois pour toutes, qu'ils soient ensuite entreposés ou stockés. En définitive, un jeu de solutions pour la gestion des déchets radioactifs existe d'ores et déjà, avec la perspective de l'élaboration de solutions supplémentaires d'ici à 2006.

En réponse à une question de M. Claude Birraux, député, président, sur les solutions préconisées par la recherche française pour les réacteurs incinérateurs de déchets, M. Bernard Tissot, président de la CNE, a souligné l'intérêt, à certains égards plus grand, suscité par les réacteurs pouvant à la fois produire de l'énergie et transmuter les déchets, par rapport aux réacteurs dédiés à la seule incinération des déchets de haute activité. M. Jean-Paul Schapira, membre de la CNE, a remarqué que, si plusieurs types de projets font l'objet de réflexions approfondies, il sera nécessaire à moyen terme de faire le choix des solutions proches de celle vers laquelle converge un grand nombre d'équipes de recherche européennes.

M. Claude Birraux, député, président, a, alors, souligné, d'une part, l'importance de la ompétition entre les différents laboratoires nationaux aux Etats-Unis, et, d'autre part, le caractère inéluctable d'un choix entre les différents concepts de réacteurs de Génération IV et la nécessité d'une coopération internationale sur le ou les systèmes retenus.

M. Christian Bataille, député, a estimé que si l'on peut se réjouir du contenu du neuvième rapport de la commission nationale d'évaluation, toute référence au granite étant toutefois inutile et une interrogation demeurant sur la possibilité pour l'ANDRA de combler son retard, il conviendra à l'avenir d'aller plus loin dans l'affichage de résultats aisément interprétables, qui devront porter également sur l'entreposage des combustibles usés. En tout état de cause, les recherches relatives à la loi de 1991 portent sur des méthodes de gestion dont il apparaît de plus en plus clairement qu'elles sont complémentaires, la réversibilité constituant le trait d'union entre elles.

M. Jean-Claude Duplessy, membre de la CNE, a estimé que les efforts réalisés par l'ANDRA pour réviser son programme d'expérimentations scientifiques débouchent sur un résultat satisfaisant.

M. Claude Gatignol, député, regrettant les retards pris par certains projets, s'est toutefois félicité des dispositions prises par l'ANDRA et par les résultats obtenus pour les conteneurs.

M. Jean Lefèvre, membre de la CNE, a précisé que la réalisation de conteneurs parallélépipédiques spécifiques pour les déchets B en coopération entre l'ANDRA et le CEA, devrait aboutir fin 2004.

M. Ghislain de Marsily, membre de la CNE, a indiqué que les progrès de sécurité faits pour le creusement du puits de Bure devraient aussi bénéficier à la vitesse de creusement et que les forages déviés complémentaires constituent une garantie d'obtention de résultats.

M. Bernard Tissot, président de la CNE, a estimé qu'une grande partie des difficultés rencontrées à Bure provient des conditions de démarrage du projet.

En réponse à l'interrogation de M. Claude Birraux, président, sur les éventuelles possibilités de coopération avec la Russie, M. Jean-Paul Schapira, membre de la CNE, a d'abord souligné l'expertise russe sur les réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb, qui pourrait être utile à un futur projet européen développé dans l'Union européenne, puis M. Jean Lefèvre, membre de la CNE, a ensuite précisé que les méthodes de stockage des déchets en Russie ne correspondent pas aux exigences très élevées des autres pays nucléaires.

M. Bernard Tissot, président de la CNE, ayant fait part d'une demande de l'autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection de disposer à la mi-2004 d'un pré rapport d'évaluation globale des recherches relatives à la loi de 1991, M. Christian Bataille, député, a indiqué que, compte tenu de l'accélération des recherches en cours, la date butoir de la fin 2006 pour l'évaluation globale des recherches ne saurait être avancée que de quelques mois pour tenir compte du calendrier institutionnel et qu'il ne saurait y avoir en la matière ni précipitation, ni anticipation hâtive et excessive.

Après avoir remercié la Commission nationale d'évaluation et son président pour leur contribution à l'information du Parlement, M. Claude Birraux, président, a levé la séance.


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