COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER
LE PROJET DE LOI RELATIF À L'ASSURANCE MALADIE

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 17 juin 2004
(Séance de  9 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Yves Bur, président,

puis de M. Pierre Morange, vice-président.

SOMMAIRE

 

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- Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, et de M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie

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La commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie a entendu M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, et M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, sur le projet de loi relatif à l'assurance maladie.

Le président Yves Bur a souligné qu'il a fallu attendre neuf ans après la démarche courageuse de M. Alain Juppé avant qu'un gouvernement ne s'attaque à nouveau à un domaine jugé particulièrement risqué. Après un long travail de concertation et le rapport très consensuel du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, le ministre relève le défi de remettre sur les rails une assurance maladie et un système de santé qui, sans intervention, vont dans le mur. Comme l'a rappelé hier la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale, le taux de couverture des charges de l'assurance maladie par ses produits est tombé à 90  %. En clair, 10  % de ses dépenses ne sont pas financés, ce qui représente l'équivalent des remboursements de médicaments.

Face à une telle situation, il était temps de réagir. Il faut se réjouir de la détermination des ministres, MM. Philippe Douste-Blazy et Xavier Bertrand, à sauver notre sécurité sociale. L'objectif du projet de réforme - et de l'ensemble des mesures qui ont fait l'objet de débats avec les partenaires sociaux -  est d'engager le pays, les Français et bien évidemment les professionnels de santé dans une démarche de changement des comportements afin que chacun des acteurs fasse un usage raisonné et raisonnable du système de santé, avec le souci permanent de l'utilisation optimale des ressources. Il s'agit d'un chantier considérable.

Cette mobilisation doit associer les usagers. Elle doit concerner aussi naturellement les professionnels de santé qui portent la responsabilité première dans la réussite de la réforme. Celle-ci n'exonère pas l'hôpital de profonds changements afin de mieux utiliser les moyens considérables qui lui sont consacrés.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a d'abord souligné la fierté que M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, et lui-même éprouvent de présenter devant les députés le projet de loi relatif à l'assurance maladie. Conformément au souhait du Président de la république, le gouvernement engage, un an après la réforme des retraites, la modernisation du pilier majeur du système de protection sociale que constitue l'assurance maladie. Cela montre tout l'attachement que le gouvernement et les parlementaires accordent à ce système public et solidaire. Cette réforme est attendue par les Français et peut les rassurer sur l'avenir de leur système d'assurance maladie, qui est préservé et consolidé.

Le système de santé entre dans une nouvelle étape de cette grande réforme, celle du débat au Parlement. C'est une étape majeure qui permettra de faire évoluer le projet du gouvernement. Ce débat au Parlement fait suite à une phase de concertation très intense menée avec l'ensemble des acteurs du monde de la santé, de l'assurance maladie et des partenaires sociaux. Cette concertation a permis d'aboutir à un projet qui va faire évoluer en profondeur le système de santé et d'assurance maladie et tous ceux qui ont contribué à l'amélioration du projet, dans le cadre de la démocratie sociale, doivent être remerciés. Peu de réformes ont donné lieu à autant de rencontres, d'échanges et de débats. Depuis plus de deux mois, les ministres ont été en contact permanent avec les partenaires sociaux, les représentants des professionnels de santé et des patients, les représentants des organismes d'assurance maladie de base et complémentaire. Plus d'une centaine d'entretiens ont été menés avec l'ensemble des partenaires de cette réforme.

Cela est venu après le diagnostic partagé établi par le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et la première phase de concertation menée par M. Jean-François Mattei, dont l'action doit être saluée. Tous les acteurs de l'assurance maladie, auxquels il faut rendre hommage, se sont, eux aussi, investis dans cette concertation, et ont fait remonter leur vision de la situation, leurs propositions, leurs inquiétudes.

La contribution de l'Assemblée nationale à ce grand débat, grâce aux travaux de la mission présidée par le Président de l'Assemblée nationale, M. Jean Louis Debré, sur la problématique de l'assurance maladie, a également été importante. Les travaux de la mission ont bien montré les enjeux de la modernisation de l'assurance maladie. L'assurance maladie est bien, en effet, ce « patient gravement affaibli » que la mission évoque et il faut faire à la fois des « soins intensifs » et de « la chirurgie réparatrice ». Comme l'avait relevé le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, la mission a souligné la nécessaire réorganisation du système de soins comme de la gouvernance de l'assurance maladie et pointé l'indispensable responsabilisation de tous les acteurs. Au-delà des divergences de fond qui subsistent et qui subsisteront sans doute entre les différentes familles politiques sur ce sujet, le travail de cette mission parlementaire a joué un rôle très important dans cette phase de concertation et de débats.

Mais après le temps de l'écoute, du dialogue et de la concertation est venu le temps de l'action.

Face à l'accumulation des déficits, il est en effet indispensable de stopper la dérive des comptes et d'entamer le retour à l'équilibre. La Commission des comptes de la sécurité sociale, qui s'est réunie hier, a rappelé l'ampleur des déséquilibres actuels. Le déficit devrait atteindre près de 12,9 milliards d'euros. Ce résultat s'explique d'abord par la faible croissance des recettes. La croissance de 1,9 % de la masse salariale en 2003 et les prévisions actualisées pour 2004, soit 2,9%, demeurent relativement faibles. La croissance montre des signes de reprise mais qui demeurent encore trop modestes pour avoir un impact sur les recettes. Tous souhaitent voir cette tendance s'accélérer, ce qui se vérifiera ou non à l'automne. Cette atonie conjoncturelle des recettes se conjugue avec un dynamisme des dépenses de l'assurance maladie qui ne se dément pas. L'ensemble des travaux récents, qu'il s'agisse du rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ou du rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, montre bien la continuité des évolutions dans ce domaine depuis 1997 : depuis cette date, le déficit structurel de l'assurance maladie, c'est-à-dire le déficit corrigé des variations conjoncturelles, a crû continûment. Il s'agit bien, ici, d'une tendance de fond relative aux dépenses de santé.

Une croissance exceptionnelle des recettes en 2001 et 2002, liée à une conjoncture économique internationale très particulière, a masqué ce dynamisme des dépenses. Une fois cette évolution favorable des recettes passée, le ralentissement de la croissance a brusquement fait ressortir le déficit cumulé. Une telle vivacité des dépenses fait peser une menace sur l'équilibre des comptes de l'assurance maladie. Les années 2002 et 2003 ont été aussi marquées par des mesures ponctuelles qui ont contribué à entretenir ce dynamisme des dépenses d'assurance maladie, en particulier la mise en place des 35 heures : 3,4 milliards d'euros, c'est le coût des 35 heures à l'hôpital. Ce montant considérable continue de peser en 2004 sur l'évolution des dépenses hospitalières.

Il y a néanmoins des signes positifs lorsque l'on regarde attentivement l'évolution très récente de l'assurance maladie. L'année 2003 marque une première décélération de la croissance des dépenses de l'assurance maladie par rapport à 2002, où le taux de croissance atteignait 7,2 %. Ensuite, le dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), même s'il reste important, se réduit substantiellement par rapport aux années antérieures : il ne sera que de 1,2 milliard d'euros en 2003, contre plus de 3 milliards d'euros en 2001 et presque 4 milliards d'euros en 2002. Les premiers chiffres pour 2004 confirment cette nouvelle tendance même s'il convient de rester prudent. Ces évolutions ne permettent pas de revenir à l'équilibre mais elles évitent une plus forte dégradation des comptes. Face à l'ampleur de ces déséquilibres, il est donc nécessaire d'agir et d'entamer ce « redressement par la qualité » qu'appelle de ses vœux le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Organiser notre système de soins est la priorité du gouvernement : c'est le cœur du projet de loi.

Le premier élément de cohérence du système de soins est la constitution du dossier médical personnel. Chaque Français doit pouvoir disposer d'ici 2007 de ce dossier médical, qu'il partagera avec son médecin traitant et, le cas échéant, avec l'ensemble des professionnels de santé avec lesquels il est en contact. Ce dossier répond à une demande d'information médicale de la part de nos concitoyens ; il est aussi un droit donné aux patients par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Ce dossier sera obligatoire et à terme, l'accès au dossier conditionnera le remboursement des soins. L'expérience menée en 1993 par le ministre de la santé, Mme Simone Veil, où le dossier médical n'avait pas été rendu obligatoire, est à cet égard riche d'enseignements. L'ensemble des partenaires gagnera à la mise en place rapide d'un dossier médical : le médecin par un meilleur suivi de son patient grâce à l'information en temps réel sur son patient ; le patient, par une garantie de qualité de soins et un accès unifié aux informations le concernant, trop souvent éparses ; l'assurance maladie, par la limitation des soins inutiles ou dangereux .

L'organisation de l'offre de soins suppose aussi de construire de véritables « parcours de soins » au bénéfice du malade, qui ne doit plus être laissé seul face à une organisation qu'il ne comprend pas toujours et dans laquelle, parfois, il se perd. Tout le monde a en tête des exemples personnels, ou de proches, d'examens ou de consultations répétés parce que le patient est mal renseigné ou qu'il ne sait pas précisément à qui s'adresser. Il est nécessaire de remettre de la cohérence dans un système de soins qui est parmi les plus performants du monde, particulièrement dans ce que les experts appellent le « curatif individuel », mais qui s'épuise parce qu'il manque de repères et d'organisation. C'est là que la mise en place du médecin traitant prend tout son sens.

Porte d'entrée pour le malade, ce médecin, qu'il soit généraliste, la plupart du temps, ou spécialiste, sera librement choisi par le malade car la liberté est au cœur de notre système. Aucun Français ne se verra imposer son médecin car ce n'est pas notre système, ce n'est pas notre modèle. Le médecin traitant orientera le patient dans le système de santé afin de l'aider à construire son parcours de soins. Un certain nombre de spécialistes resteront évidemment en accès direct, tels que les pédiatres ou les ophtalmologistes. Il n'est pas souhaitable que la loi ou des décrets fixent un cadre rigide à ce médecin traitant car cela relève de la responsabilité des partenaires conventionnels, c'est-à-dire des caisses d'assurance maladie et des professionnels de santé.

Enfin, pour une nouvelle organisation de l'offre de soins, il faut renforcer le lien entre la médecine de ville et l'hôpital. Ces deux mondes s'ignorent trop souvent.

Il n'y a pas d'un côté une réforme de l'assurance maladie et de l'autre une réforme de l'hôpital. Il y a bien une réforme de l'organisation des soins qui vise au décloisonnement, au développement des réseaux, à l'élaboration d'une véritable stratégie d'offre de soins sur un territoire donné. Le médecin libéral et le médecin hospitalier, qu'il soit public ou privé, n'ont pas à connaître des règles différentes. Trop souvent on a montré du doigt la médecine libérale, qui serait la cause de tous les soucis. Cela n'est pas vrai. Tous doivent être logés à la même enseigne.

C'est notamment pour mettre en œuvre ces décloisonnements que le projet de loi prévoit un rapprochement entre les unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM) et les agences régionales de l'hospitalisation (ARH). Ces deux institutions devront travailler ensemble sur toute une série de sujets comme la répartition de l'offre de soins, la permanence des soins, le développement des réseaux. Le rapprochement entre la ville et l'hôpital est une exigence. Il passe aussi par un même respect par les professionnels de santé des référentiels de bonne pratique, la même adhésion aux démarches d'évaluation, le même engagement en faveur de la qualité des soins. Il n'y a pas lieu de douter de l'adhésion des médecins à une démarche qui met le patient au cœur des préoccupations.

Pour accompagner cette organisation de l'offre de soins, il est apparu indispensable de mieux définir les compétences de l'ensemble des acteurs et de rénover la régulation du système et son pilotage.

C'est le sens tout d'abord de la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie. Il ne faut pas parler de cette gouvernance uniquement en termes d'institutions et de pouvoirs. Il s'agit avant tout de mettre le système d'assurance maladie au service du malade et d'une offre de soins plus efficace et mieux organisée. La délégation de nouvelles compétences au bénéfice des caisses d'assurance maladie et le partenariat entre régimes de base et organismes complémentaires doivent permettre aux gestionnaires de l'assurance maladie de mener une politique globale du risque maladie, sur la base des objectifs de santé publique et des principes généraux, dont l'Etat reste garant. Sur le médicament et la gestion de l'hôpital, l'assurance maladie sera très étroitement associée aux décisions, au travers de sa participation, d'une part, au comité économique des produits de santé dont les compétences sont élargies et, d'autre part, au comité de l'hospitalisation qui va se mettre en place. De la même façon, le renforcement de la coopération entre les différents régimes d'assurance maladie via l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) et la réforme des instances dirigeantes des caisses nationales et locales doivent donner plus de lisibilité et plus d'efficacité à ce système.

Le pilotage passe aussi par un dialogue conventionnel rénové et pacifié entre les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé. Il faut retrouver confiance dans les relations conventionnelles. Là encore la loi donne des outils, grâce à l'arbitrage, pour régler les éventuels différends et consolide les accords grâce au droit d'opposition donné aux syndicats majoritaires. C'est aux acteurs du système de santé et d'assurance maladie qu'il revient de faire vivre cette négociation conventionnelle dans un esprit de dialogue et d'ouverture.

La deuxième ligne de force du projet de loi, le fil rouge de la réforme, est la promotion de la qualité des soins. La nécessité d'une évaluation de l'utilité médicale fondée sur des critères réellement scientifiques est un des messages forts du rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Le système s'épuise, d'une certaine façon, à vouloir tout financer, sans hiérarchie ni visibilité. C'est la raison pour laquelle il faut redonner une cohérence aux choix que nous sommes amenés à faire et nous donner les moyens de rembourser les médicaments et les traitements innovants qui constituent la médecine de demain. Or aujourd'hui, aucun outil ne permet d'évaluer l'utilité médicale d'un acte lorsqu'une demande d'admission au remboursement est faite, alors que la démarche existe pour le médicament. C'est évidemment une lacune très importante à laquelle il faut remédier. La Haute autorité de santé devra émettre un avis sur l'utilité médicale des produits et des actes avant l'admission au remboursement. Elle pourra également être sollicitée par différents acteurs. Elle pourra être saisie par l'assurance maladie, l'Etat, les professionnels de santé et les représentants des usagers pour réévaluer l'efficacité de certains actes médicaux et certains traitements, si cela s'avère nécessaire. La Haute autorité se verra confier une deuxième mission toute aussi centrale dans le nouveau dispositif : celle de veiller à l'élaboration et à la diffusion des référentiels de bonne pratique. Sur ce sujet, il faut passer à la vitesse supérieure et surtout diffuser des référentiels qui sont applicables dans la vie quotidienne des professionnels de santé. Rien ne sert en effet d'avoir une référence médicale de cinquante pages, inapplicable pour le médecin généraliste.

La qualité des soins passe aussi par un engagement renforcé des professionnels de santé dans des démarches de formation continue et d'évaluation. Il faut avoir confiance dans la capacité des professionnels de santé à être les acteurs de la réforme, à relever le défi de la qualité. Le projet de loi prévoit un certain nombre de dispositions qui vont dans ce sens. Cet engagement doit concerner les professionnels libéraux comme ceux qui exercent à l'hôpital, public ou privé. C'est un point central auquel le gouvernement est extrêmement attaché. Cette logique de qualité des soins entrera à l'hôpital, au travers d'accords de bons usages des soins qui pourront être signés au niveau national entre l'Etat, les fédérations hospitalières et l'assurance maladie, accords déclinés ensuite au niveau local.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, a indiqué que le troisième axe de ce projet est le redressement financier de l'assurance maladie.

La situation financière de l'assurance maladie est très grave et il est urgent d'agir. En présentant un plan de redressement de 15 milliards d'euros, le gouvernement répond à ce défi ; 15 milliards d'euros, c'est évidemment considérable. Il y a eu un temps où les plans de réforme de la sécurité sociale étaient sur ces ordres de grandeurs, mais en francs et non en euros. C'est donc un plan ambitieux et structurant pour l'avenir. Il repose d'abord sur 10 milliards d'euros de moindres dépenses en 2007 et non d'économies comme, par un raccourci trompeur, on a trop souvent tendance à le dire. En effet, en 2007, les Français dépenseront beaucoup plus pour leur santé qu'en 2004. Les dépenses de santé continueront de croître car c'est légitime. Il n'y a pas et il n'y aura pas de rationnement des soins, de quelque nature que ce soit. Cependant, tout a été mis en œuvre pour que chaque euro investi dans le système de soins le soit à bon escient, de façon efficace.

Cela passe tout d'abord, à hauteur de 3,5 milliards, par la mise en œuvre des mesures de maîtrise médicalisée des dépenses, notamment le dossier médical personnel, le médecin traitant et la promotion du bon usage du médicament. La diffusion effective de référentiels de bonne pratique sous l'égide de la Haute autorité de santé constitue également un volet essentiel de cette maîtrise médicalisée des dépenses. Des interrogations se font entendre ici et là sur les moyens d'atteindre ces objectifs. Or la CNAMTS vient d'expliquer dans une étude datant de quelques semaines qu'en réalité les dépenses inutiles peuvent être estimées à près de 5 à 6 milliards, ce qui représente l'équivalent de près de 15 % des prescriptions de biens et de soins médicaux. Par rapport à notre objectif de 3,5 milliards, cela signifie qu'il y a des marges de manœuvres considérables dans la promotion des bonnes pratiques médicales, le renforcement de la coordination des soins autour du malade. Soigner mieux et dépenser mieux, ce n'est pas un slogan, cela peut et cela va devenir une réalité.

La politique du médicament, au travers notamment d'un développement rapide du médicament générique, constitue le deuxième volet de ce plan, à hauteur de 2,3 milliards d'euros. Ce volet est construit en lien avec l'industrie du médicament, afin de concilier les exigences d'économies avec la nécessaire valorisation de la recherche et de l'innovation. Soigner mieux en dépensant mieux doit aussi s'appliquer à la filière des produits de santé. C'est tout le sens de la politique du médicament qui va être développée dans les années qui viennent. Si le développement du générique constitue l'axe principal de ce plan, d'autres mesures y contribueront :

- une meilleure adaptation des conditionnements aux prescriptions, par exemple en permettant la délivrance de boîte de médicaments de trois mois aux malades chroniques ;

- une plus grande maîtrise du processus de rétrocession des médicaments de l'hôpital vers la ville qui est à l'origine d'une forte progression des dépenses. ;

- un relèvement mesuré des taxes applicables aux industries du médicament, au travers de la reconduction de la taxe sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques instaurée par la loi de financement pour 2004 et l'augmentation de la taxe sur les dépenses de promotion.

Les Français consomment en moyenne une boîte de médicament par personne et par semaine, soit 1,5 fois plus que les Allemands et les Espagnols. La promotion contribue indéniablement à cette situation, même si ce n'est pas la seule explication. Le projet de loi prévoit aussi la mise en place d'une charte de qualité de la visite médicale conclue entre les industriels et le comité économique des produits de santé. Cela devait aussi favoriser la diffusion d'une information de meilleure qualité sur le médicament.

Parce qu'il contribue à près de la moitié des dépenses d'assurance maladie, il est légitime que la modernisation de la gestion de l'hôpital participe à la réforme de l'assurance maladie. C'est principalement grâce à une rationalisation de la politique d'achat que l'hôpital contribuera à ces 10 milliards d'euros, à hauteur d'1,6 milliard d'euros. La mission d'étude et d'analyse hospitalière a souligné la très grande hétérogénéité des coûts d'achats à l'hôpital, qui pour certains produits vont de 1 à 5. Ce n'est évidemment pas satisfaisant et il y a là aussi des marges de progrès très importantes.

Le renforcement du contrôle des arrêts de travail au travers de procédures plus simples et plus efficaces, dans le respect des droits des professionnels comme des patients, devrait permettre d'économiser 800 millions d'euros dans ce domaine d'ici à 2007. Il ne s'agit en rien de culpabiliser les uns ou les autres. Il s'agit simplement de s'assurer de la réalité de la justification médicale de l'arrêt de travail et de décourager les abus.

Tout le monde sait qu'il y a des abus : de certaines entreprises, de certains médecins, de certains patients. Ils sont toujours très minoritaires mais pour préserver le système des arrêts de travail, qui est historiquement l'un des fondements de notre système d'assurance maladie, il faut veiller à ce qu'il ne soit pas détourné. Encore une fois, rien ne peut raisonnablement justifier qu'on consomme trois fois plus d'arrêts de travail dans un département par rapport à un autre et bien évidemment en proportion de la population. Cela n'a, à l'évidence, rien à voir avec un quelconque besoin de santé de la population.

L'économie des frais financiers liés au transfert de la dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) et la modernisation de la gestion du réseau des caisses d'assurance maladie contribueront également à ce plan, respectivement pour 1,1 milliard et 200 millions d'euros.

Pour compléter ces 10 milliards d'euros d'économies ou de moindres dépenses, le plan du gouvernement prévoit 5 milliards d'euros de recettes supplémentaires qui se déclinent en 1 milliard d'euros au titre de la participation des usagers (contribution de 1 euro et de l'augmentation du forfait journalier) et 4 milliards de recettes supplémentaires.

Parmi ces 4 milliards, il faut relever notamment la contribution d'1 milliard de l'Etat au travers d'une fraction plus importante des droits tabacs donnée à l'assurance maladie. Le Parlement a souvent souligné la complexité des liens financiers entre l'Etat et la sécurité sociale et la nécessité de clarifier les choses. Une clarification a déjà été entamée en supprimant le FOREC et en affectant une part croissance des droits tabacs à l'assurance maladie depuis 2002.

Avec la réforme de l'assurance maladie, un pas supplémentaire est fait en opérant ce transfert d'1 milliard d'euros des droits tabacs. Ce transfert de l'Etat est un geste très fort, dans un contexte financier difficile pour les finances de l'Etat : c'est aussi une réponse très concrète au débat sur les charges indues. Au surplus, une telle affectation des droits tabacs à l'assurance maladie repose sur une logique de santé publique.

Un souci de justice et d'équité a animé le gouvernement dans le choix des mesures de recettes.

C'est un effort partagé, des entreprises, des actifs, des retraités, à chaque fois dans des limites qui semblent acceptables par les uns et les autres. L'augmentation de la CSG sur les retraités ne s'applique qu'aux retraités imposables. Elle est limitée puisqu'elle se monte à 0,4 point, ce qui laisse un écart important -  0,9 point -  avec la CSG payée par les actifs. Alors qu'une politique très ambitieuse de prise en charge de la dépendance se met en place, il a semblé possible que les retraités contribuent également à l'effort de redressement de l'assurance maladie. L'augmentation de l'assiette de la CSG sur les revenus d'activités a semblé justifiée après la réforme des frais professionnels intervenue fin 2002.

Le taux de CSG sur les revenus du patrimoine et de placement sera par ailleurs relevé de 0,7 point. Compte tenu du prélèvement déjà prévu au profit de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) - 0,3 point au 1er juillet 2004) - le taux de CSG sur les revenus financiers et du patrimoine sera porté à 8,5 %.

Enfin, la CSG sur le produit des jeux sera quant à elle relevée de 2 points et passera à 9,5 %. S'agissant des entreprises, le projet de loi prévoit une augmentation de 0,03 point de la contribution spécifique de solidarité sur les sociétés. Il était logique que les entreprises participent à l'effort de redressement des comptes de l'assurance maladie. Elles le font dans des proportions qui, là encore, sont raisonnables.

En conclusion, M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a souligné que la réforme qu'il entend mener est une réforme nécessaire dont l'ambition est de modifier les structures du système de soins dans le sens d'une plus grande cohérence et d'une qualité accrue des soins.

Après l'exposé des ministres, le président Yves Bur a posé les trois questions suivantes :

- La réforme proposée par le gouvernement, dans la mesure où elle est fondée sur la volonté de modifier le comportement des acteurs du système de soins, produira essentiellement ses effets à long terme. Toutefois, quelle est la montée en charge envisagée par le gouvernement et quel est l'échéancier des économies à venir sur la période 2004-2007 ?

- Est-il possible d'avoir des précisions quant au comité d'alerte créé par le projet de loi : quelle est la nature de ses missions, quelles mesures sera-t-il chargé de mettre en œuvre ?

- Si la mise en place d'une véritable gouvernance à la tête du système de soins est indispensable tant l'absence de pilotage a nui, jusqu'à présent, à l'ensemble du système, ne faudrait-il pas veiller, dans un souci de meilleure gestion, à associer le niveau territorial à cette gouvernance rénovée, par exemple en créant des agences régionales de santé (ARS) ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur, a posé les questions suivantes :

- Quelle articulation existe-t-il entre ce projet de loi et la réforme de la santé publique actuellement en deuxième lecture au Sénat ? Quel sera notamment le rôle de la Conférence nationale de santé publique - instance consultative créée par le projet de loi relatif à la santé publique et absente du présent projet de loi - et de ses déclinaisons régionales ?

- L'hôpital occupe une place centrale dans le système de soins français en raison de la qualité des soins qu'il assure. A ce titre, toute réforme de l'hôpital a un impact fort sur l'ensemble du système de soins. Comment s'articule le projet de loi avec le principe de la tarification à l'activité (TAA) mis en place par la loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2004 ? Comme se conjugue la réforme avec les ordonnances qui seront prises au titre de l'article 50 du projet de loi d'habilitation ?

- Au niveau local, s'agissant du pilotage de la santé, il existe un enchevêtrement complexe de structures qui va à rebours de toute efficacité. Quelles solutions sont préconisées pour améliorer la coordination au niveau local ?

- Quel est l'échéancier pour la mise en œuvre du dossier médical personnel (DMP) et quelles sont les économies attendues pour le régime d'assurance maladie par la mise en place de cette mesure ?

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a apporté les éléments de réponse suivants :

- Préalablement à toute réforme doit être posée la question suivante : faut-il préserver le système de santé à la française ? Une fois qu'il a été répondu à cette question par l'affirmative, l'alternative qui s'est présentée devant le gouvernement a été la suivante : soit s'engager dans une réforme de type maîtrise comptable des dépenses, soit opter pour une politique plus ambitieuse de maîtrise médicalisée du système de soins. C'est cette dernière option qui a été choisie et dont le projet de loi relatif à l'assurance maladie est l'expression. Celui-ci repose sur un principe simple : la responsabilisation des acteurs, déclinée au niveau des patients (par la prise en charge d'1 euro à chaque consultation) et des professionnels de santé (avec la mise en place d'un dossier médical personnel). Cette responsabilisation correspond à une rationalisation - et non à un rationnement - des dépenses. Enfin, le gouvernement entend, une fois la loi votée, être très attentif à son application. Il souhaite ainsi exercer un véritable « service après vote » qui consistera notamment à veiller à ce que la nouvelle gouvernance du système de soins soit entrée dans les faits dès le 1er janvier 2005.

- La mise en place du comité d'alerte a pour ambition de répondre à cette situation préjudiciable consistant à ce que l'ONDAM, voté chaque année par le Parlement, soit systématiquement dépassé sans que jamais n'en soit tirée aucune conséquence. Le rôle du comité d'alerte sera précisément d'intervenir dès que l'ONDAM risque d'être dépassé et de formuler des propositions propres à limiter les dépenses de santé afin que celles-ci n'excèdent pas trop largement - sauf dans le cas d'une crise sanitaire majeure - l'enveloppe décidée par le Parlement. Cette mesure est un élément central de la crédibilité de la réforme envisagée par le gouvernement. Elle tend en effet à la responsabilisation des acteurs sans toutefois agir comme un couperet.

- Il est indispensable de rapprocher la gouvernance de l'hôpital et celle de la médecine de ville, notamment dans un souci de meilleure gestion des risques sanitaires. Le projet de loi comporte des dispositions en ce sens, particulièrement au niveau décentralisé. Il est possible d'aller plus loin. Toutefois, il importe, en terme de structures administratives, de respecter une certaine cohérence. En particulier, en raison de considérations relatives à la fonction publique hospitalière et au fonctionnement des hôpitaux, la gestion de l'hôpital doit continuer à relever de l'ARH. En outre, il serait imprudent de supprimer l'échelon régional de l'assurance maladie ;

- Il existe un lien évident entre la réforme de l'assurance maladie et les dispositions du projet de loi relatif à la santé publique. L'assurance maladie contribuera à la réalisation des objectifs de santé publique. Une réforme des structures n'a de sens que sous-tendue par la poursuite d'objectifs clairs de santé publique, lesquels sont précisément définis dans le projet de loi actuellement en cours d'examen au Sénat. Il est impossible que l'Etat délègue la compétence du choix des objectifs de santé publique, mais la Haute autorité de santé pourra définir le contenu de la consultation de prévention ;

- Le processus de décision à l'intérieur de l'hôpital public et dans l'ensemble du système de soins doit être rendu plus transparent. Des assises régionales de l'hospitalisation vont être organisées pour expliquer la réforme. Dans un souci de meilleure efficacité, il importe de rapprocher l'assurance maladie de l'hôpital. Le comité de l'hospitalisation est la structure qui remplira cette mission ;

- La tarification à l'activité doit évidemment être maintenue. Personne ne souhaite aujourd'hui revenir sur ce principe au profit d'un retour au budget global. Toutefois, il faut veiller à ce que chaque hôpital reçoive, en plus de ce financement, une enveloppe pour l'accomplissement des missions d'intérêt général. Enfin, le dossier médical personnel sera aussi utilisé à l'hôpital.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, a ensuite précisé les modalités de la montée en puissance de l'application des dispositions de nature financière :

(en milliards d'euros)

 

Participation
des usagers

Nouvelles recettes

Organisation et fonctionnement du système de soins

Total

Fin 2005

0,8

4

2,5 - 3

7,3 - 7,8

Fin 2006

0,9

4,2

6 - 6,5

11,1 - 11,6

Fin 2007

1

4,2

10

15,2

Ces chiffres ne sont que des objectifs à atteindre puisqu'ils sont susceptibles d'évoluer en fonction du texte qui sera finalement voté par Parlement et du comportement des acteurs du système de santé.

Par ailleurs, le gouvernement est conscient à la fois de la nécessité d'agir rapidement et de l'obligation de résultat qui lui incombe étant donné la gravité de la situation. C'est pourquoi, il veillera à assurer un « service après vote » consistant, une fois le texte adopté, à assurer une sortie rapide des textes d'application et la mise en place de dispositifs d'évaluation.

M. Marc Bernier a souligné que la réforme de l'assurance maladie est très attendue dans la population car elle paraît indispensable pour sauvegarder le système de protection sociale. Elle sera d'autant mieux acceptée qu'elle paraîtra équitable et fondée sur des principes justes qui respectent l'égalité des citoyens devant l'offre de soins. Il semble à ce titre important de rapprocher le fonctionnement de la médecine libérale et de la médecine hospitalière.

Certaines questions doivent être précisées. Il faudra être très attentif à la question de la répartition de l'offre de soin sur tout le territoire, notamment dans les zones rurales. Ainsi qu'en sera-t-il de l'organisation de maisons médicales, qui devraient permettre de soulager les urgences hospitalières tout en améliorant la permanence des soins ? Est-il envisagé de nommer des médecins libéraux sur des postes à temps partiel à l'hôpital pour permettre une meilleure collaboration entre les deux types de médecine et tenir compte de la féminisation de la profession ? Cette réforme sera-t-elle l'occasion de lancer des expériences pilotes pour l'organisation des soins ?

M. Jean-Marie Le Guen a tout d'abord noté que s'ouvrait aujourd'hui une nouvelle période du débat sur l'assurance maladie, période marquée par la fin du spectacle et le début d'une réelle analyse de la réforme. Le débat parlementaire y contribuera. A titre d'illustration, lors de la dernière audition du ministre de la santé par la mission d'information sur la problématique de l'assurance maladie, celui-ci a souligné l'ampleur supposée des fraudes liées à l'usage de la carte vitale. Depuis, cette question a fait « pschitt » et elle ne semble plus à l'ordre du jour pour permettre à l'assurance maladie d'obtenir des économies. L'heure n'est plus à esquiver les véritables questions.

Les commentateurs prennent lentement conscience des insuffisances, notamment financières, de ce projet de loi. En réalité, il ne s'agit pas d'une réforme mais plutôt d'un énième plan de redressement qui n'est pas crédible, s'avère déjà insuffisant et comporte des lacunes. Il propose une solution miracle, qui est le report à l'infini du déficit sur les générations futures. Le plan est moins anodin qu'il est souvent dit mais plus dangereux que ce qu'évoquent les ministres : il ne propose pas une réforme du système de santé mais bien une déstructuration de l'assurance maladie.

S'agissant du bilan, il faut souligner que les gouvernements de gauche ont sauvegardé l'assurance maladie. Les gouvernements de droite ont pris des décisions qui ont fragilisé la situation financière de l'assurance maladie et ont en fait créé une régulation par le déficit.

Le groupe socialiste conteste la méthode utilisée par le gouvernement. Ce dernier a publié des prévisions apocalyptiques, puis a stigmatisé la fraude et enfin a annoncé des solutions miracles au chiffrage ahurissant. Des prises de positions de responsables sociaux ont été détournées. Après une phase de confusion d'idées, le gouvernement a précipité le calendrier après l'avoir différé pendant de longs mois.

Il est souvent difficile pour les parlementaires de recueillir des informations lors des auditions du ministre de la santé. Afin de préserver la qualité des conditions de travail de la commission, qui doit travailler dans des délais serrés, il serait donc utile de savoir rapidement si le gouvernement entend déposer des amendements pour combler les lacunes de son texte.

M. Jean-Luc Préel a souligné l'urgence de cette réforme alors que tous les secteurs de la santé sont en crise. Les travaux du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ont permis d'identifier les causes de cette crise, parmi lesquelles l'absence de pilotage du système et de critères fiables d'évaluation. La réforme proposée comporte plusieurs avancées positives, s'agissant notamment de l'organisation de l'offre de soins ou la mise en place du dossier médical personnel, qui doit d'abord être un vecteur d'amélioration de la qualité des soins. Encore faudra-t-il préciser le rôle - décisionnaire ou seulement consultatif - de la Haute autorité de santé, qui doit être réellement scientifique, ainsi que les missions de l'Institut des données de santé.

Ce projet de loi soulève cependant plusieurs interrogations :

- Concernant les aspects financiers, la décision de prolonger la durée de vie de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) conduit à faire porter la charge de cette réforme sur les générations futures. Dès lors, il convient de s'interroger sur les autres modes de financement que la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

- S'agissant de la gouvernance, cette réforme a pour objectif de clarifier les responsabilités de chacun des acteurs, mais n'aurait-il pas été préférable de distinguer ce qui doit relever de la solidarité nationale de ce qui doit relever de la gestion par les partenaires sociaux, par exemple pour la prise en charge des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui pourraient être gérés par une caisse autonome ? Dans le même sens, n'est-il pas nécessaire de renforcer la régionalisation afin de regrouper sous une autorité unique, nommée par l'Etat, l'ensemble des acteurs compétents à cet échelon en matière de prévention, de médecine ambulatoire et de médecine hospitalière ?

- Il convient par ailleurs de préciser l'articulation entre cette réforme et les différentes réformes intervenues en matière de santé : le projet de loi relatif à la politique de santé publique, l'ordonnance de simplification en matière sanitaire, le projet de loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, qui porte notamment sur l'organisation interne de l'hôpital, ainsi que les projets de loi relatifs aux responsabilités locales et aux affaires rurales.

- Enfin, allons-nous vers la médicalisation de l'ONDAM, alors qu'il n'indiquait jusqu'à présent qu'une progression arithmétique des dépenses de santé ? Quel sera le rôle du comité d'alerte et du conseil d'orientation, afin de parvenir à une meilleure maîtrise de la progression de l'ONDAM ? Enfin, l'ONDAM comportera-t-il un volet hospitalier et un volet médico-social ? De manière plus générale, il semble préférable de ne pas s'orienter vers une enveloppe fermée de progression des dépenses de santé et de s'interroger sur les moyens de renforcer la médicalisation de l'ONDAM, à travers notamment la détermination d'orientations pluriannuelles.

En réponse aux différents intervenants, M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a apporté les précisions suivantes :

- La répartition de l'offre de soins sur l'ensemble du territoire, en particulier en milieu rural, est une question importante. Il faut donc améliorer le dispositif actuel, en réformant le décret prévoyant des aides à l'installation des médecins libéraux.

- Le débat reste ouvert sur la question des postes de praticiens hospitaliers à mi-temps ou à temps partiel. Autant le système des attachés n'était pas suffisamment valorisant pour les médecins libéraux, autant celui des praticiens à temps partiel, en particulier dans les hôpitaux de proximité, peut permettre aux praticiens libéraux d'hospitaliser eux-mêmes certains de leurs patients en tant que de besoin. Ce système représente, en outre, un intérêt en termes d'aménagement du territoire. C'est la raison pour laquelle il convient d'expérimenter un tel système, en lien notamment avec le développement du dossier médical personnalisé.

- La dialectique de M. Jean-Marie Le Guen, consistant à affirmer qu'il n'y a pas de réforme et dans le même temps que le projet de loi constitue une déstructuration du système, est difficile à saisir. La réforme ne consiste pas seulement à augmenter les recettes de l'assurance maladie, mais surtout à remédier aux causes de l'augmentation des dépenses. Aujourd'hui, 10 millions de cartes Vitale sont en surnombre, ce qui met en évidence l'existence de difficultés de gestion de l'assurance maladie. Cela ne signifie cependant pas qu'il y a 10 millions de cas de fraude, ni que l'on peut ignorer l'existence des 48 millions de cartes dont le fonctionnement ne pose pas problème. La difficulté principale réside dans l'absence d'identification de la personne présentant une carte Vitale, qui peut ne pas en être la titulaire. Des travaux sont actuellement engagés par l'Inspection générale des affaires sociales afin d'évaluer plus précisément le montant de ces fraudes, qui pourraient porter sur des sommes importantes.

- Il convient par ailleurs de souligner que la réforme ne peut porter sur les seuls salariés ou les seules entreprises, mais requiert un effort équitable et partagé par tous.

- S'agissant des reports de charges, le niveau de la dette cumulée s'élève à 32 milliards d'euros. Doubler le niveau de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) risque de freiner la consommation des ménages et, partant, d'obérer la croissance, au détriment de l'emploi. Le transfert des dettes de 2004, 2005 et 2006 sur la CADES correspond à un transfert sur les générations futures, lié à un déficit exceptionnel de l'assurance maladie. Pour enrayer ces augmentations folles, il convient de porter les efforts sur l'accroissement des dépenses de santé. Mais il est à noter que c'est l'opposition actuelle qui a adopté la prolongation de la CRDS jusqu'en 2014.

- S'agissant de la proposition de création d'agences régionales de santé (ARS), le développement du dossier médical personnalisé ou encore, plus généralement, la nouvelle gouvernance, ces questions ont déjà été évoquées à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la politique de santé publique avec M. Yves Bur et M. Jean-Michel Dubernard, également rapporteur de ce texte. S'il peut en effet apparaître souhaitable de renforcer la coordination des acteurs au niveau régional, selon des modalités qui restent à déterminer, une attention particulière doit cependant être portée aux moyens d'atténuer les disparités en termes d'offres de soins ainsi que sur le moment adapté pour mettre en œuvre cette réforme. Il convient pour y répondre d'accroître la coopération entre les ARH et les unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM). En revanche, il est difficilement envisageable que la fonction publique hospitalière soit, du jour au lendemain, gérée directement par l'assurance maladie.

- Le comité d'alerte doit également prendre en compte la médecine ambulatoire et le secteur médico-social.

- Enfin, s'agissant du débat parlementaire à venir, le gouvernement n'envisage pas de proposer des modifications d'envergure du projet de loi, même si des amendements pourront être présentés en tant que de besoin.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, a ensuite souligné le caractère à la fois indispensable et urgent de la réforme, qui a bien été compris par les Français, alors que le déficit de l'assurance maladie se creuse de 23 000 euros par minute. Après la phase de concertation et de dialogue social, au cours de laquelle les partenaires sociaux ont pu contribuer à certaines avancées, vient à présent le temps du débat parlementaire, débat ouvert et susceptible d'améliorer le projet de loi.

En tout état de cause, il est fallacieux d'affirmer que le gouvernement se livre à une présentation apocalyptique de la situation de l'assurance maladie, puisqu'il s'appuie sur le constat dressé en janvier 2004 par le Haut conseil pour la réforme de l'assurance maladie et procédant d'une démarche consensuelle. De ce constat, il ressort que, pour couvrir le déficit à l'horizon de 2020 sans recettes nouvelles, il faudrait par exemple abaisser le taux de prise en charge par les régimes de base de 76 % à 51 % de la dépense de santé, ce que nous ne voulons pas. Une deuxième possibilité consiste à doubler le niveau de la contribution sociale généralisée (CSG), soit une forme d'étatisation, mais cela conduirait à diminuer le pouvoir d'achat des Français d'ici 2020. Enfin, une troisième option pourrait être de réduire la qualité de l'offre de soins et de participer ainsi au délitement de notre système de santé. C'est pourquoi il est aussi important de mener à bien cette modernisation de l'assurance maladie.

Notre démarche ne s'inscrit pas dans une logique purement financière. Seize plans de redressement ont été mis en œuvre depuis 1977, dix par la gauche et six par la droite. Aucun n'a permis d'atteindre des objectifs satisfaisants pour l'assurance maladie. La détermination et la méthode sont aujourd'hui plus que jamais de mise, car cette réforme vise pour la première fois à faire véritablement évoluer les comportements. Le débat ne porte pas sur le constat, ni sur les principes du système de l'assurance maladie lui-même : il ne sera procédé à aucun déremboursement, pas plus qu'à des transferts du régime obligatoire vers les régimes complémentaires. Il est important de préserver le système « à la française » ; c'est bien l'objet du présent projet de loi.

- Au sujet de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, certains sont favorables à la création d'une caisse distincte. Or, les partenaires sociaux ne souhaitent pas la création d'une telle caisse pour une branche qui, au demeurant, comporte des services communs avec ceux de la branche maladie.

- L'ONDAM doit permettre de favoriser une maîtrise médicalisée des dépenses, qui préserve la qualité des soins. Cela ne correspond donc pas à une logique comptable de court terme, mais plutôt à une logique de responsabilisation face à des objectifs de dépenses. La santé publique ne doit pas rester prisonnière d'une enveloppe, sauf à ce que soient niées les spécificités du système français. A l'automne, un projet de réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale sera présenté, afin notamment qu'elles puissent présenter des perspectives pluriannuelles.

M. Gérard Bapt a estimé que si la responsabilisation des acteurs, et non la culpabilisation, est présentée comme l'un des principes sous-tendant le projet de loi, ses articles 3, 5 et surtout 10 prévoient des déremboursements, qui constituent bien des sanctions pour les assurés, en cas de « dépenses indues », dont on ignore la définition. Il faudrait en effet préciser si elles correspondent à des erreurs administratives, à une faute des usagers ou encore au non-respect d'une prestation de la part du prescripteur ; mais dans tous les cas, c'est l'usager qui serait sanctionné.

Quant à la méthode proposée, le groupe socialiste a avancé des propositions mais souhaite également travailler à partir du projet présenté. Concernant les modalités de financement de la couverture complémentaire, il semble que le ministre ait déjà indiqué qu'il s'agirait d'un crédit d'impôts, avant même que l'Assemblée nationale n'ait été saisie de cette question. L'annonce dans la presse d'une réforme de la loi organique relative aux lois de financement au mois de septembre peut également laisser penser qu'il s'agit en réalité de mettre en place une maîtrise comptable de l'assurance maladie.

Après avoir salué un projet courageux, qui repose sur un effort partagé entre tous les acteurs, M. Philippe Auberger s'est interrogé, compte tenu des projections chiffrées fournies par M. Xavier Bertrand à l'horizon 2005-2007, sur le montant du déficit prévisionnel sur cette période en l'absence de mesure de redressement.

En tout état de cause, il faut mettre un terme aux mythes entourant la CADES : les frais financiers de cette caisse ne pourront en effet que croître car, pour l'alimenter, il faudra bien emprunter à long terme, c'est-à-dire aux taux les plus élevés. A l'origine, la CADES devait être équilibrée par la CRDS or, si rien n'est fait, la CADES risque de sombrer dans un gouffre financier. Dans ces conditions, il peut sembler légitime de s'interroger sur la suppression de la CADES et la reprise de sa dette par l'Etat, ce qui lui permettrait de bénéficier de sa garantie pour contracter des emprunts.

Pour la première fois, et l'on peut s'en réjouir, le terme de « déficit structurel » a été employé en matière de sécurité sociale. Il serait cependant utile que le ministre apporte des précisions sur cette notion. En effet, les recettes nouvelles seront prélevées sur la consommation ce qui augmentera, de façon mécanique, l'épargne de précaution.

Enfin, une ambiguïté doit être levée concernant la nature des lois de financement de la sécurité sociale. Comme pour les lois de finances, le Parlement devrait voter des normes, c'est-à-dire des crédits qui ne doivent pas être dépassés, avec, le cas échéant, la possibilité de présenter un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificatif.

Mme Elisabeth Guigou a rappelé l'impérieuse nécessité d'engager au Parlement un débat digne de ce sujet important. En raison notamment du vieillissement démographique et des progrès médicaux, la croissance des dépenses de santé est en effet supérieure à celle du produit national brut. Dans ces conditions, la question principale porte sur les moyens de maîtriser les dépenses et d'organiser les recettes.

Quelques chiffres au préalable : entre les années 1993 et 1997, la Commission des comptes de la sécurité sociale a évalué à près de 22,5 milliards d'euros le déficit cumulé de l'assurance maladie. Pour la période 1998-2002 ce montant a été divisé par deux. Pour la période allant de 2003 à aujourd'hui, ce montant atteint désormais environ 24 milliards d'euros. Ainsi, pendant trois ans de gouvernement socialiste, le régime général a été excédentaire. Les mesures alors adoptées portaient notamment sur la maîtrise des dépenses des professionnels de santé et une politique vigoureuse du médicament, avec la promotion des génériques et la prescription en dénomination commune. Par ailleurs, afin de ne pas limiter les remboursements, comme l'a fait l'actuel gouvernement, une taxe sur la promotion pharmaceutique a été instituée et un effort a été demandé aux laboratoires afin de diminuer les prix des médicaments, y compris ceux des médicaments innovants. Concernant l'hôpital, qui doit rester le pilier de notre système de santé, la majorité précédente a augmenté ses moyens, tant il est vrai que les personnels hospitaliers sont parmi ceux qui méritent le plus de bénéficier des 35 heures. Au reste, cette gestion n'a pas été un échec puisque les hôpitaux ont pu respecter leurs enveloppes.

Deux points particuliers méritent par ailleurs d'être clarifiés : en premier lieu, pour quelles raisons le gouvernement n'a-t-il rien fait depuis deux ans pour mettre en place le système de couverture supplémentaire mis au point par la majorité précédente pour les personnes non éligibles à la CMU bien que disposant de faibles revenus ? Le gouvernement envisage-t-il, d'autre part, de rétablir la gratuité de l'aide médicale d'Etat (AME) ?

En réalité, la politique menée depuis deux ans pèse uniquement sur les recettes et laisse filer les dépenses, et ce d'autant plus que la politique économique actuelle a contribué à l'augmentation du chômage, qui a entraîné une baisse des recettes sociales. Or, 100 000 chômeurs de moins représentent près de 1,5 milliard d'euros supplémentaires pour les caisses de sécurité sociale. Si le projet de loi prétend se fonder sur un effort nécessaire partagé entre tous, il ne saurait en réalité avoir d'autres effets que de reporter vers les générations futures la charge des déficits. Il s'agit donc d'un projet inefficace et dangereux.

Le groupe socialiste a pour sa part avancé plusieurs propositions visant à garantir la solidarité du financement, et en particulier l'institution de cotisations patronales assises sur les richesses produites et non sur les salaires, et la réaffectation à l'assurance maladie des taxes sur le tabac, les alcools et les conventions d'assurances, qui représentent près de 15 milliards d'euros. Dans le domaine de la prévention, chacun sait qu'en France on rembourse trop et on ne prévient pas assez. Deux axes prioritaires doivent donc être dégagés : santé au travail et santé en milieu scolaire. Or, la politique du gouvernement actuel a conduit à baisser les moyens de la prévention scolaire. Quant à la prévention en milieu professionnel, elle doit résulter de négociations entre les partenaires sociaux afin de limiter les coûts induits par les accidents du travail. Enfin, la tarification à l'activité doit être mise en œuvre dans le respect des missions particulières du secteur public.

M. François Guillaume a rendu hommage à un projet courageux, responsable et cohérent. Pour ce qui concerne l'augmentation des ressources, la responsabilité accrue des assurés sociaux constitue une avancée positive. Cependant, le montant d'1 euro de la contribution semble trop faible et il peut sembler nécessaire de réduire l'écart du taux de prélèvement de la CSG entre les actifs et les retraités. La gouvernance de l'hôpital doit, certes, être centrée sur la responsabilisation des directeurs d'hôpitaux et des chefs de service mais cela ne rend pas moins urgente la réduction de la complexité administrative, dont le coût semble aujourd'hui excessif. S'agissant du regroupement des trois caisses d'assurance maladie au sein de l'UNCAM, la Mutualité sociale agricole (MSA) pourra-t-elle conserver les spécificités de son régime ? A cet égard, l'équilibre constant du régime particulier de l'Alsace-Lorraine constitue un exemple de décentralisation réussi.

M. Jacques Domergue a jugé qu'un des éléments structurants de la réforme réside en effet dans la responsabilisation des patients. Cependant, la contribution d'1 euro mis à la charge de ces derniers connaît des exonérations, au profit notamment des bénéficiaires de la CMU et des mineurs. Il serait cependant préférable de retenir des critères médicaux plutôt que sociaux pour déterminer le champ des personnes soumises à cette franchise.

M. Jean Le Garrec a souligné l'élégance des propos du ministre et son habileté aux « jeux de cape », mais il convient d'entrer dans le vif du débat. Le débat ne doit certes pas se résumer à une opposition entre un bilan et un projet mais les députés socialistes étant fiers de leur bilan, ils seront sévères avec le projet. En réponse aux critiques émises au sujet de ce bilan, il convient de rappeler que, durant les trois années du gouvernement de Lionel Jospin, la croissance en France a été supérieure d'un point à la croissance en Europe, alors que durant les deux dernières années, la croissance dans notre pays a été inférieure d'un point à celle des autres pays d'Europe. Quant aux 35 heures à l'hôpital, les travaux de la mission d'information sur les 35 heures sont là pour témoigner de la complexité de la mise en œuvre de cette mesure mais également de ses effets bénéfiques à terme. Enfin, si l'on doit se féliciter que le gouvernement actuel prolonge les politiques initiées sous la majorité précédente en matière de prévention ou de médicament générique, il est très regrettable qu'il ait supprimé les mesures de péréquation hospitalière alors qu'il est essentiel d'améliorer l'offre de soins sur l'ensemble du territoire.

Le projet présenté par le gouvernement se résume en fait à un plan comptable pour le citoyen usager et à un plan de maîtrise médicalisée aléatoire pour les professionnels de santé, ordonnateurs de la dépense publique. Les articles 10 et 14 du projet de loi sont à ce titre très éloquents : dans les deux cas, si le médecin ne respecte pas ses obligations, ce sera le patient qui sera pénalisé. Le texte fait preuve d'une très grande prudence par rapport aux professionnels de santé tout en demandant de gros efforts aux citoyens.

M. Edouard Landrain a rappelé que la situation française n'est pas une exception. Tous les pays d'Europe ont affronté ces dernières années des problèmes de déficit de leurs régimes de sécurité sociale mais ils ont su prendre à temps des mesures qui ne diffèrent pas vraiment des dispositions proposées aujourd'hui. On doit donc surtout déplorer le retard pris par le précédent gouvernement et les positions idéologiques de l'opposition. Pourquoi ne serait-il pas possible d'obtenir en France un consensus comme celui obtenu en Allemagne entre la CDU et le SPD, sur des mesures bien plus sévères que celles proposées par le gouvernement ? Décentralisation, responsabilisation, promotion des médicaments génériques, formation des médecins ne sont pas des solutions miracle, mais des dispositifs qui ont déjà fait leur preuve ailleurs en Europe. Il est vrai cependant que les autres pays européens n'ont pas les 35 heures, qui compliquent formidablement la tâche !

Après s'être félicité que la réforme prenne en compte des problèmes structurels laissés de côté depuis de nombreuses années, M. Richard Mallié a souhaité que le projet de loi soit source de simplification et non de complexification des structures existantes. Alors que la généralisation du tiers payant a eu un effet déresponsabilisant sur les patients, en les incitant au nomadisme médical et à la surconsommation de soins, il faut se réjouir de l'instauration d'une franchise d'un euro sur tous les actes médicaux, même si des interrogations demeurent sur le coût sa perception et de sa gestion pour les établissements hospitaliers. Quel a été finalement l'accueil réservé par les professionnels de santé au projet de réforme ?

M. Pierre-Louis Fagniez a constaté que face au sujet du projet présenté par le gouvernement, la gauche évoque surtout les recettes, et ce de façon très pessimiste, alors que la droite parle plutôt des dépenses à éviter. Le texte affirme la volonté de responsabiliser tous les acteurs du système de santé : les usagers, les caisses et les professionnels de santé. Il ne s'agit pas de fustiger quiconque mais l'on peut néanmoins reconnaître qu'il n'existe pas de dépenses qui ne passent pas par un médecin. Il faut être honnête et le reconnaître : les médecins jouent un rôle essentiel pour réguler le système. Ce qui compte avant tout, c'est que les dépenses soient utiles ; or la CNAM a récemment chiffré entre 5 et 6 milliards d'euros le montant des dépenses inutiles. Il y a donc de quoi faire !

En ce qui concerne le dossier médical personnel, le ministre le place au cœur de sa réforme. Cependant, pour que ce dossier devienne un élément important de dispositif de santé publique, il faut éviter de renouveler la mauvaise expérience du carnet de soin, qui n'était pas obligatoire et dont certains médecins n'ont jamais su quoi faire. Une utilisation rationnelle et systématique du dossier médical personnel d'ici 2007 implique que de gros efforts soient faits en matière d'informatisation et de formation de tous les médecins. Le gouvernement doit en être bien conscient.

En réponse aux différents intervenants, M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a apporté les précisions suivantes :

- Le gouvernement a effectivement l'intention de modifier la loi organique afin de renforcer la portée des lois de financement de la sécurité sociale en les complétant par une vision pluriannuelle et en faisant mieux concorder les champs des recettes et des dépenses. Par ailleurs, il est d'ores et déjà possible de présenter des lois de financement rectificatives mais cela n'a jamais été fait car, jusqu'à présent, l'ONDAM n'a jamais été considéré comme une norme. Cela doit désormais être le cas, y compris pour les gestionnaires des caisses.

- En ce qui concerne le déremboursement des dépenses indues, il ne s'agit pas de faire supporter à l'usager les erreurs du prescripteur mais bien de lutter contre les fraudes et les abus.

- Il reviendra au Parlement de décider de la forme que prendra l'aide de l'Etat pour l'adhésion à une mutuelle. Il pourra s'agir d'une aide directe ou d'un crédit d'impôt, la Mutualité française étant plus favorable à cette dernière solution.

- Il est indiscutable que l'augmentation de la CSG entraînera une diminution de la consommation. On doit cependant noter que, contrairement au gouvernement précédent, la majorité actuelle n'a pas fait le choix d'augmenter le taux de la CSG mais plutôt de modifier son assiette.

- Les chiffres évoqués par Mme Elisabeth Guigou au sujet de la croissance durant les dernières années sont tout à fait exacts mais l'opposition aurait bien tort de s'en prévaloir car ils ne sont que le reflet de la conjoncture économique mondiale durant cette période. Tout le monde sait que quand la croissance ralentit, le chômage augmente et les cotisations sociales diminuent, ce qui entraîne un déficit des comptes sociaux. Le rééquilibrage de ces mêmes comptes sociaux en période de croissance n'est donc pas dû à l'action spécifique d'un gouvernement mais résulte des mécanismes macro-économiques.

- En revanche, les chiffres d'augmentation des dépenses de l'assurance maladie publiés par la Commission des comptes de la sécurité sociale sont eux tout à fait significatifs des politiques menées. Le taux d'accroissement des dépenses est en effet passé de 1,5 % en 1997 à 4 % en 1998, 3,3 % en 1999, 4,7 % en 2000, 5,8 % en 2001 et 7,2 % en 2002. Nombreux sont ceux qui évoquent la fixation à 20 euros du montant de la consultation chez un médecin généraliste pour expliquer la hausse des dépenses de santé en 2002, mais c'est trop vite oublier que cette hausse avait été préparée par les conventions signées en 2001 et 2002, sous le gouvernement précédent. Ainsi, l'opposition a non seulement aucun titre à se prévaloir de la réduction des déficits sociaux constatée entre 1997 et 2002, mais elle doit au contraire reconnaître que le gouvernement socialiste a participé à l'accroissement des dépenses en favorisant l'augmentation du coût de la médecine libérale.

- Il est faux de dire que l'instauration des 35 heures a permis de donner plus de moyens aux hôpitaux. Bien au contraire, les 35 heures ont été appliquées - ce qui était normal, la loi ayant été votée - mais les postes supplémentaires correspondants n'ont pas été financés, ce qui a conduit à une dégradation des conditions de travail. Il ne s'agit pas aujourd'hui de revenir sur les 35 heures mais bien de prendre ses responsabilités. A cet égard, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) a publié un intéressant rapport sur l'application des 35 heures à l'hôpital que Mme Elisabeth Guigou pourrait lire utilement.

- En ce qui concerne la politique du médicament, il est nécessaire de mettre l'accent sur le développement des génériques, mais il faut également continuer à favoriser l'innovation et la recherche, en remboursant au juste prix les médicaments innovants.

- La couverture maladie universelle (CMU) se caractérise par un effet de seuil intolérable : avec 566,50 euros de revenus, la prise en charge est intégrale ; avec 1 euro de plus, il n'y a plus aucune aide. C'est pourquoi le gouvernement va proposer de réformer ce dispositif, après concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux.

- L'évolution des dépenses d'aide médicale d'Etat (AME) renvoie en fait à la politique de l'immigration. Le Président de la République a eu raison d'insister sur la nécessité de réduire drastiquement les délais de traitement des demandes d'asile. Comme les gouvernements socialistes de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne, le gouvernement français considère également qu'il faut reconduire à la frontière les étrangers en situation irrégulière. Mais la prise en charge plus ou moins généreuse des soins ne saurait constituer un instrument de gestion des flux migratoires : une maladie grave, comme le sida ou la tuberculose, doit en tout état de cause être soignée.

- L'affirmation selon laquelle le poids de la réforme serait supporté par les plus modestes n'est pas fondée. C'est, au contraire, en l'absence de réforme, avec une croissance annuelle de 6 ou 7 % des dépenses d'assurance maladie, que l'on aboutirait à court terme à des déremboursements massifs et à l'entrée dans le système des assureurs privés, aux dépens des plus modestes, ce dont nous ne voulons pas, pas plus que l'opposition. Quant à affecter l'intégralité des taxes sur les tabacs et les alcools à l'assurance maladie, cela nécessiterait une compensation pour le budget de l'Etat et, comme souvent avec l'opposition, davantage de charges et d'impôts. Enfin, il n'est pas nécessaire de revenir sur le dispositif mis en place avec le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales (FOREC).

- Le développement de la prévention en milieu scolaire est effectivement une nécessité. Il est prévu de mettre en place des consultations systématiques en ophtalmologie et pour les soins dentaires à l'âge de six ans et à l'entrée au collège.

- La tarification à l'activité prendra en compte les missions d'intérêt général de l'hôpital, qui doivent naturellement être préservées.

- En ce qui concerne le rôle de l'UNCAM, une concertation est engagée pour trouver le meilleur équilibre possible et préserver l'identité et le réseau du régime agricole. La MSA a en effet développé, grâce à sa connaissance du milieu rural, des actions très intéressantes, notamment dans le domaine de la prévention.

- S'agissant de la contribution forfaitaire d'un euro, le projet de loi prévoit qu'elle s'applique également pour les soins dispensés aux urgences, qui ne sont pas suivis d'une hospitalisation. Or, il est vrai que la récupération matérielle de cette somme poserait des problèmes d'organisation aux hôpitaux et il existe certainement d'autres moyens d'éviter la saturation des services d'urgences. Le texte pourra donc évoluer sur ce point.

- Comme l'a souligné à juste titre M. Jean Le Garrec, il subsiste d'importantes disparités régionales, concernant en particulier le Nord-Pas-de-Calais, en matière de dépenses de santé. Ces disparités doivent toutefois être analysées en fonction de la structure de la population : âge moyen, répartition des sexes et catégories socioprofessionnelles. La tarification à l'activité permettra de corriger plus efficacement les déséquilibres que les dispositifs précédents, qui se fixaient un horizon de trente ans pour parvenir à l'équité territoriale. Par ailleurs, en ce qui concerne les dépenses indues, il est légitime que le patient ne soit pas tenu pour responsable des dérives dues aux professionnels de santé ou aux chefs d'entreprise ; le texte pourra donc être amendé sur ce point.

- S'agissant des systèmes de santé étrangers, évoqués avec précision par M. Edouard Landrain, il apparaît clairement que des principes tels que le développement des génériques, la coordination des soins ou la mise en place d'un dossier médical partagé sont présents dans de nombreuses réformes menées ou envisagées par nos voisins européens.

- Les professionnels de santé ont bien compris qu'ils seraient soumis à des dispositions contraignantes : pour la première fois de véritables sanctions sont prévues mais, comme cela avait été demandé par les syndicats de médecins lors du « plan Juppé », il s'agit de sanctions individuelles et non collectives. Les professionnels de santé sont intimement associés à l'élaboration de la présente réforme ; au-delà de tout clivage, le gouvernement travaille avec l'ensemble des organisations représentatives, et notamment avec la Fédération hospitalière de France (FHF) présidée par M. Claude Evin. et il serait souhaitable d'arriver à ce type de relation de manière générale.

M. Jean-Marie Le Guen a regretté la nature des propos tenus par le ministre et en particulier que la coopération avec la FHF soit en quelque doute instrumentalisée : bientôt il ne sera plus possible de lui serrer la main, sans que cela soit aussitôt interprété comme une adhésion à la réforme de l'assurance maladie...

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a ensuite évoqué la question des « dépenses inutiles ». Le président de la Caisse nationale d'assurance maladie estime que 6 à 7 milliards d'euros d'économies peuvent être faites à ce titre. Aussi bien la majorité que l'opposition peuvent et doivent dire ensemble qu'il est légitime de ne rembourser que les dépenses utiles. Enfin, tous les médecins devront utiliser le dossier médical personnalisé. Un accès par Internet est envisagé afin de faciliter sa mise en place.

En réponse à M. Philippe Auberger, M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, a en premier lieu évoqué la question de la détermination des « tendanciels ». La Commission des comptes de la sécurité sociale réfléchit à cette question et les dépenses tendancielles pourraient être effectivement supérieures de 1 à 1,5 milliard d'euros par an à ce qui était jusqu'à présent admis. Cependant, les prévisions du gouvernement pour l'équilibre futur de l'assurance maladie sont prudentes car elles n'intègrent pas l'incidence psychologique de la réforme - dans les pays étrangers, le choc psychologique des grandes réformes se traduit clairement par un ralentissement de la dépense - non plus que les recettes supplémentaires qui pourraient être liées à la croissance.

L'ONDAM doit effectivement être mieux cerné. D'une part, l'organisation d'un débat d'orientation permettra d'intervenir en amont sur sa fixation ; d'autre part, l'enjeu de la réforme organique envisagée réside dans l'introduction de dispositions pluriannuelles. Cependant, l'ONDAM doit rester un objectif et non pas devenir une enveloppe fermée.

S'agissant des recettes, certains ont pu dire que la création de nouvelles taxes ou l'augmentation massive de la CSG constituaient le préalable nécessaire à toute réforme. Ce serait la voie de la facilité. Il convient de ne pas briser la croissance future par des prélèvements excessifs et il est pour le moins contradictoire, de la part de l'opposition, d'appeler à plus de prélèvements tout en regrettant l'insuffisance de la croissance. Le gouvernement a retenu une option équilibrée en matière de recettes nouvelles ; en particulier, l'augmentation limitée à 0,4 point de la CSG des retraités les rapprochera du taux de droit commun sans les aligner sur celui-ci, car leurs perspectives de gains de revenus sont moindres que celles des actifs qui bénéficient de la croissance, même s'il convient de rappeler que la réforme des retraites a mis en place un dispositif de rattrapage des pensions en cas d'inflation supérieure à la prévision initiale qui profitera aux retraités dès cette année.

Les spécificités du régime alsacien-mosellan doivent être étudiées. Sa situation est-elle meilleure parce que le taux de cotisation est plus élevé ou parce que l'esprit de responsabilité y est plus développé ? Les contributions des parlementaires et des élus de cette région sur ce sujet seront naturellement les bienvenues.

En ce qui concerne le rôle futur de la MSA, l'UNCAM n'a pas vocation à fusionner les réseaux existants mais à les coordonner en préservant leur identité. Les apports de la MSA en matière de prévention, de maillage du territoire et de dialogue avec les organismes complémentaires doivent être préservés.

Enfin, pour ce qui est de la participation d'un euro pour les consultations et de sa conciliation avec le tiers-payant, il s'agit d'un problème technique qui devra être étudié. En tout état de cause, du point de vue du gouvernement, les bénéficiaires de la CMU ne doivent pas être concernés par cette disposition, compte tenu de la modestie de leurs moyens. D'ailleurs, la responsabilisation des assurés ne passe pas seulement par cette contribution forfaitaire.

En conclusion, M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de l'assurance maladie, a souligné qu'il s'agit d'une réforme structurelle et juste et indiqué que le gouvernement est prêt à examiner toutes les améliorations qui seront proposées.

M. Pierre Morange, président, a remercié les ministres d'avoir apporté des réponses détaillées aux commissaires, s'agissant d'une question qui est au cœur du pacte républicain.


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