Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit

Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mercredi 1er mars 2006

Séance de 15 heures
66ème jour de séance, 154ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

Consulter le sommaire

La séance est ouverte à quinze heures.

Retour au haut de la page

Questions au GOuvernement

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président – Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions auront trait à des thèmes européens.

concurrence agricole dans l’Union européenne

M. Yvan Lachaud - Il y a quelques jours, les agriculteurs ont manifesté en grand nombre et dans la dignité dans les grandes villes du Languedoc-Roussillon. Leur demande était simple : vivre de leur production. Nos agriculteurs, arboriculteurs et viticulteurs traversent en effet une crise sans précédent, qui les plonge dans un désarroi difficilement exprimable. Chaque jour, c’est en effet une exploitation viticole qui disparaît dans le Languedoc-Roussillon.

Le Gouvernement doit agir, et nous attendons les mesures promises par le Premier ministre lors de ses rencontres avec les parlementaires. Mais, selon l’UDF, la réponse doit aussi venir de l’Europe, car la concurrence entre pays producteurs n’a aujourd’hui rien d’équitable.

En France, une heure de travail coûte ainsi douze euros, dont quatre de charges, contre six euros en Espagne, dont seulement un de charges sociales. Une disparité semblable affecte les produits phytosanitaires, puisque certains d’entre eux sont autorisés en Espagne, mais interdits en France, ou bien vendus 40 % plus cher dans notre pays. Par exemple, un kilo de désherbant coûte 750 euros en France, et 400 en Espagne.

Comment la France compte-t-elle donc obtenir, Monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, que les mêmes règles s’appliquent enfin à tous les agriculteurs de l’Union européenne ? Il faudrait obtenir l’application du principe de précaution en matière phytosanitaire, et viser à l’harmonisation des charges sociales. Nos agriculteurs attendent un tel résultat, Monsieur le ministre, et nous ne devons pas les décevoir (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche  Vous connaissez mieux que quiconque les difficultés actuelles, Monsieur Lachaud, et vous savez que la réponse à votre question n’a rien de simple.

Les charges sociales posent un problème général, qui par exemple concerne aussi les routiers : celui des distorsions de charges entre pays européens. Pour y faire face, nous avons déjà introduit dans la loi d’orientation agricole un certain nombre de mesures techniques, qui reprennent les excellentes propositions de M. Le Guen : le contrat emploi formation, la possibilité d’employer pendant au moins un mois les moins de 26 ans, l’allongement de la période d’exonération pour les emplois occasionnels ou bien encore l’aide à la transformation des contrats à durée déterminée. L’ensemble de ces mesures représente une aide d’environ dix millions d’euros pour la filière viticole et arboricole.

Cela dit, nous devons effectivement en faire davantage afin d’aider les régions frontalières, qui traversent de graves difficultés.

S’agissant des produits phytosanitaires, il nous faudra atteindre un difficile équilibre entre la protection du consommateur et les besoins des producteurs. J’ai en effet constaté que ceux-ci souffrent dans le Sud-Ouest d’un vrai problème de concurrence avec l’Espagne, de même que les éleveurs du fait du coût des produits vétérinaires.

L’observatoire créé par la loi d’orientation agricole nous aidera à calculer l’ampleur de telles distorsions, et je proposerai au Premier ministre de nommer un parlementaire en mission. Une fois la question étudiée ensemble, nous mettrons en place des solutions au plus vite – nous pouvons y parvenir, et nous le devons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

directive Bolkestein

M. Michel Vaxès – Quelques semaines avant le vote du 29 mai, qui a rejeté à une large majorité le projet libéral de Constitution européenne, et avec lui la directive Bolkestein, le Président de la République assurait que cette directive n'existait plus.

Le Parlement européen vient pourtant de l'examiner et les chefs d'Etat et de gouvernement vont à leur tour se prononcer sur une version réécrite par la Commission. Malgré le médiocre compromis passé entre la droite et le parti socialiste européen, contre l'avis de toute la gauche française, le texte sur la « libre prestation de services » conserve sa logique première : faire de la mise en concurrence la règle, et de la sauvegarde des acquis sociaux des exceptions à justifier au cas par cas, selon l'appréciation des juges européens.

L'ambiguïté sur l'application du principe du pays d'origine demeure en effet, et le flou entretenu sur la définition des services publics ouvre la porte à toutes les régressions. Alors que la socialiste allemande Evelyne Gebhardt affirme avoir obtenu que le principe du pays de destination devienne la règle, tout en concédant que rien de tel ne figure dans le texte, son interlocuteur conservateur Malcolm Harbour assure au contraire qu'au « vu de la jurisprudence européenne, c'est le principe du pays d'origine qui s'appliquera ». Quant au patronat européen, il annonce qu’il détournera la législation du travail en recourant à de faux travailleurs indépendants !

Nos concitoyens en ont assez d'être trompés, et continuent à exiger le retrait de cette directive. Quelles initiatives comptez-vous donc prendre, monsieur le Premier ministre, pour faire entendre la voix de la France, qui, sur un tel sujet, est plus celle de notre peuple que celle de sa représentation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes Comme je vous l’ai déjà indiqué la semaine dernière, le Parlement européen a réécrit de fond en comble la proposition de directive sur les services, qui n’a plus rien à voir avec le texte initial (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Dans la suite des négociations, le Gouvernement veillera à ce que soit respecté un équilibre entre le développement des échanges, qui est dans notre intérêt, tant les services sont créateurs d’emplois, et la dimension sociale de l’Union européenne. Le principe du pays d’origine étant supprimé, le droit du travail français s’appliquera en France, et les services publics seront préservés. Nous nous assurerons que la Commission tienne compte le plus largement possible du vote très net du Parlement européen à ce sujet.

Notons par ailleurs que la démocratie européenne a bien fonctionné (Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste) : après la remise à plat demandée par le Conseil européen, le Parlement européen a joué tout son rôle, en retravaillant sur le texte et en corrigeant la proposition initiale de la Commission.

J’ajoute que le bon résultat auquel nous sommes parvenus est le fruit d’un accord entre les deux principales formations du Parlement européen, et qu’il a été approuvé à une très large majorité : 400 voix contre 200 environ. Contrairement à la majorité de la gauche européenne et en compagnie des députés européens les plus libéraux, la plupart de vos amis politiques ont pourtant voté à Strasbourg contre ce texte ! Voilà les faits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

pacte pour la recherche

M. Jean-Luc Reitzer - Le projet de loi pour la recherche, dit pacte pour la recherche, est entré en discussion ici même hier. Mes collègues l’ont tous souligné dans la discussion générale, le moment est historique et il y a urgence à agir. La recherche, en effet, c’est l’avenir de nos enfants, de nos emplois et de notre pays. Il faut pourtant se rendre à l’évidence : la France est une puissance moyenne face aux grandes puissance scientifiques établies ou en devenir. Que cela plaise ou non, l’Europe est donc notre seule voie pour lutter à armes égales. Las, les plans et les stratégies de la connaissance ont beau se multiplier à Bruxelles, rien ne change. Le pacte pour la recherche s’inscrit-il bien dans la construction de l’Europe de l’enseignement supérieur et de la recherche ? La création de l’Institut européen de la technologie, annoncée la semaine dernière, est-elle un vœu pieux, ou bien la France compte-t-elle y participer, et comment ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche - L’Europe est notre horizon permanent. Pour exister, il faut avoir la masse critique suffisante : c’est le constat de tous les pays européens. Il nous faut donc rassembler nos énergies, en nous assurant qu’elles sont de nature à pouvoir s’inscrire dans une perspective européenne. Le pacte pour la recherche donne justement aux chercheurs et aux universitaires les outils nécessaires pour se rassembler dans une perspective européenne. Nous sommes totalement en phase avec les projets de la Commission, et notamment celui d’Institut européen de technologie que le commissaire Figel a présenté la semaine dernière au Conseil Éducation, qui entre tout à fait dans le cadre de l’Europe des projets chère au Premier ministre. Il s’agit en effet de créer des synergies avec toutes les excellences qui existent en Europe, pour pouvoir être les meilleurs sur des points d’excellence. La démarche est la même que celle que nous initions avec les pôles d’enseignement supérieur et de recherche – PRES – et les réseaux thématiques de recherche avancée. Notre recherche se réorganise au moment même où l’Europe de la recherche et de la technologie se renforce au service de l’emploi : saisissons donc notre chance ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

europe de la recherche

M. Alain Claeys - À l’heure où se négocie le septième programme cadre de recherche et de développement des communautés européennes et où nous débattons de l’avenir de la recherche française, nous devons malheureusement constater, Monsieur le Premier ministre, l'absence d'ambition de votre gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe UMP) pour la recherche et l'enseignement supérieur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). De grands noms de la recherche ont encore dénoncé hier le manque d'ambition navrant de votre projet. Nous savons pourtant que les emplois futurs en France et en Europe dépendent d'abord de la priorité financière que nous accorderons à la recherche et à la formation. Votre politique ne nous permettra pas d'atteindre l’objectif de Lisbonne – 3 % du PIB pour la recherche en 2010. Dans le rapport parlementaire de la délégation pour l’Union européenne « Recherche française, recherche européenne », un éminent député de votre majorité appelle la recherche européenne à plus d’ambition et réclame une augmentation conséquente des moyens budgétaires. Comment conciliez-vous cet objectif avec la position du Président de la République, qui impose à l'Union européenne un carcan budgétaire interdisant de fait toute augmentation significative de son budget pour la recherche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche - Que de contrevérités !

M. François Loncle - De votre part !

M. le Ministre délégué - Dire que le pacte pour la recherche manque d’ambition, alors que jamais autant de moyens (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste) n’ont été mis au service de la recherche ! Et il ne s’agit pas seulement de promesses, mais de réalités : les 3 000 emplois promis sont dans le budget 2006, les milliards supplémentaires – un en 2005, 2 en 2006 – sont là ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Jamais vous n’avez consenti les mêmes efforts ! M. Allègre ne déclarait-il pas ici même qu’il ne fallait pas créer d’emplois publics de chercheurs ? Heureusement, nous avons rompu avec ces années : nous militons pour l’augmentation des budgets européens consacrés à la recherche ; nous avons obtenu que l’Europe crée une Agence pour la recherche fondamentale – c’est grâce à la France qu’elle existe ! Nous réclamons une augmentation du programme cadre pour la recherche et le développement, parce que la recherche est essentielle pour l’emploi de demain. Le Président de la République a même proposé l’utilisation de fonds de la Banque européenne d’investissement pour accroître sensiblement les moyens consacrés à la recherche. La cohérence est totale entre notre politique nationale et la politique européenne. C’est à rebours de ce que vous avez fait : manifestement, c’est cela qui vous dérange ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

sécurité à l’école

M. Philippe Vitel - Le 3 février dernier, vous présentiez à Courbevoie, Monsieur le ministre de l’intérieur, de nouvelles mesures de prévention en milieu scolaire. « Il ne faut pas opposer la pédagogie à la sécurité. On ne doit pas avoir peur à l’école. Je parle autant pour les enfants, qui doivent évidemment être protégés, que pour les enseignants, qui ont un métier difficile, mais qui n’ont pas plus à se transformer en victimes qu’en justiciers », déclariez-vous alors. Fort de ce constat et conscient des menaces qui pèsent dans l’enceinte même des collèges, vous venez de signer dans le département que vous présidez un protocole expérimental permettant de désigner dans chaque circonscription de sécurité publique un policier référent mis à la disposition des collèges. Il participera à la mise en place d’actions de prévention tout en renforçant, par sa présence, la sécurité au sein même des collèges. Qu’attendez-vous de cette expérimentation ? Dans quel délai l’étendrez-vous à l’ensemble du territoire si elle répond à vos espérances ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire Le premier constat que je veux faire, sous le contrôle du ministre de l’éducation nationale, est que la violence à l’école n’a cessé d’augmenter. Nul ici ne peut accepter que les enseignants soient laissés seuls face à des adolescents de plus en plus violents (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Dire qu’on respecte les enseignants de la République et les laisser seuls face à la violence est irresponsable (Mêmes mouvements). On ne devient pas enseignant pour faire le coup de poing avec des individus qui ne respectent rien ni personne, quel que soit leur âge. Il faut aider les enseignants.

Mais il n’y a pas une réponse unique, il y en a une palette, de la prévention au suivi comportemental (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste), un ensemble de mesures. Et l’on doit regarder ce qui se fait ailleurs. Certains dirigeants du parti socialiste, notamment Mme Royal, disent que ce qu’a fait Tony Blair est formidable (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP). Et qu’a-t-il fait ? Il a généralisé le policier référent dans les écoles anglaises. Ce que les socialistes anglais ont fait, les socialistes français peuvent peut-être comprendre que nous souhaitions l’expérimenter. Il s’agit de mettre un policier référent à la disposition des collèges qui le souhaitent, sur la base du volontariat. Aucun collège n’y sera obligé. Ceux qui le voudront auront un policier à la disposition des familles, des enfants, des enseignants, qui viendra, s’ils le veulent, passer une demi-journée, pour faire de la prévention, et aider les enseignants à faire régner un minimum de sécurité, dans des établissements qu’il faut sanctuariser contre la violence. Nous avons le devoir d’agir. Si cette expérimentation du policier référent fonctionne bien, comme l’a dit le ministre de l’éducation il y a trois mois déjà, elle sera généralisée à tous les établissements qui le demanderont. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

Extradition de Youssouf fofana

M. Loïc Bouvard - Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Michel Vergnier - Il y en a un ?

M. Loïc Bouvard - Jusqu’à présent dix-sept personnes ont été mises en examen suite à la découverte du corps d’Ilan Halimi. Ce crime odieux a légitimement bouleversé nos concitoyens. Ilan Halimi, vingt-trois ans, a été enlevé, séquestré et est décédé après avoir été torturé, tout ceci étant lié, semble-t-il, à son appartenance à la religion juive.

Youssouf Fofana, le chef présumé du gang, s’est enfui au lendemain de la découverte du corps. Il est actuellement détenu en Côte d’Ivoire, et je rends hommage aux policiers dont l’efficacité a permis de retrouver sa trace aussi rapidement. Ce Français d’origine ivoirienne est désormais sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour son rôle présumé dans l’enlèvement et la mort du jeune Ilan. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part des contacts que le Gouvernement a pris avec les autorités ivoiriennes et nous dire où en est la procédure d’extradition de Youssouf Fofana afin qu’il réponde de ses actes devant la justice française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - M. Fofana a été arrêté le 22 février à Abidjan grâce à une coopération très étroite entre les services de police français et ivoiriens. Des officiers de la police judiciaire française ont participé aux interrogatoires sur commission rogatoire des deux juges d’instruction parisiens saisis de ce dossier. Un mandat d’arrêt international a été délivré dès le 24 février et transmis sans délai aux autorités ivoiriennes. Les juges d’instruction français ont décidé de transmettre aux autorités ivoiriennes une demande d’extradition. La procédure est en cours en Côte d’Ivoire.

M. Fofana a été présenté hier devant le juge d’instruction et devant le procureur de la République du tribunal de première instance d’Abidjan. Il appartient maintenant à la chambre d’accusation d’Abidjan de statuer sur notre demande d’extradition. Il est possible que nous ayons une réponse demain. Le Gouvernement souhaite que cette réponse soit très claire et très rapide. Nous le devons à la mémoire d’Ilan, au respect de sa famille, de ses proches, de la communauté juive et de tous les Français qui ont été horrifiés par cette atrocité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

fusion entre suez et gaZ de France

M. Pierre Ducout – Monsieur le Premier ministre, lors de la présentation du projet de loi, qui portait bien mal son titre, relatif au service public de l’électricité, le 15 juin 2004, M. Sarkozy prenait l’engagement au nom du Gouvernement qu’EDF et GDF ne seraient pas privatisés (« Menteur ! » sur les bancs du groupe socialiste). Le Président de la République l’avait solennellement rappelé (« Menteurs ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Malheureusement, une rumeur d’OPA a suffi pour balayer cet engagement et faire annoncer une fusion-disparition de GDF. En effet, inutile de nous mentir une seconde fois : l’échange d’actions avec Suez aboutira bien à cette disparition, avec une dilution de la part de blocage de l’État dans le capital.

Ainsi, au nom du patriotisme économique, vous décidez de la disparition d’une entreprise publique, GDF, pour en fragiliser une autre, EDF. Ce jeu de dominos vous tient lieu de politique industrielle, au risque de remettre en cause la pérennité du service public et notre indépendance énergétique, et votre vision européenne se borne à choisir une entreprise belge au détriment d’une italienne.

Quant à l’évolution des prix du gaz, Gérard Mestrallet, le PDG de Suez, a déclaré qu’il aurait été aux côtés des actionnaires de GDF autres que l’État pour exiger une hausse plus importante lors des précédentes négociations. Cela n’augure rien de bon pour les consommateurs ni pour les salariés.

La politique énergétique mérite mieux que cette précipitation et l’utilisation politicienne du patriotisme économique pour justifier la destruction de la « muraille de Chine » élevée par M. Sarkozy pour garantir le statut public de GDF. Pouvez-vous nous assurer que, demain, vous ne privatiserez pas EDF, au moindre bruissement de la Corbeille ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Que d’aplomb, et que d’inexactitudes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) sur un sujet important pour la nation, et qui devrait nous réunir (Les protestations sur les bancs du groupe socialiste couvrent la voix de l’orateur). Il est raisonnable de constituer un deuxième pôle énergétique français, pour conserver le centre de décision en France. Nous avons besoin d’un grand opérateur national du gaz, et avoir deux champions mondiaux comme EDF et GDF-Suez-Electrabel importe. La gauche doit assumer aussi l’intérêt national.

Certains d’entre vous disent : précipitation, improvisation ! Je réponds : anticipation. La France porte en effet depuis un an le débat sur l’énergie. Et depuis des mois, les deux groupes ont bâti un projet, que, depuis quelques jours, nous avons décidé de soutenir (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Loin de toute précipitation, nous allons entrer, à la demande du Premier ministre, dans une grande période de concertation avec les organisations syndicales pour bâtir un projet social (Mêmes mouvements).

Certains d’entre vous crient à la privatisation. Je réponds : choix de la nation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), car, oui, les représentants du peuple que vous êtes auront à se prononcer sur le projet qui vous sera présenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

fusion entre suez et gaz de france

M. Luc-Marie Chatel - Monsieur le ministre de l’économie, je voudrais à mon tour vous interroger sur le rapprochement de Suez et Gaz de France, qui, certains ont tendance à l’oublier, va permettre la naissance du premier groupe gazier mondial et du deuxième fournisseur européen d’énergie. Cet accord s’inscrit dans la continuité des discussions entamées depuis de nombreux mois par les deux entreprises et qui ont déjà permis la prise d’initiatives communes, comme la réalisation de centrales à gaz dans le sud de la France.

Contrairement à ce qu’on entend, cette fusion a été largement anticipée. Elle est soutenue par le Gouvernement et par la majorité, car elle s’inscrit dans une stratégie de long terme qui consiste à garantir l’indépendance énergétique de la France en termes de capacités d’investissement, de production et d’approvisionnement.

Au cours du débat parlementaire de 2004, le ministre de l’économie de l’époque, Nicolas Sarkozy, avait indiqué que le secteur de l’énergie devait être considéré comme stratégique pour notre pays et justifiait à ce titre une action spécifique des pouvoirs publics. C’est ce même principe qui guide aujourd’hui le gouvernement de Dominique de Villepin lorsqu’il soutient un regroupement porteur d’espoir pour la pérennité de l’emploi industriel dans notre pays. Pouvez-vous nous dire comment cette fusion va s’intégrer dans la stratégie énergétique et industrielle française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Quelle différence entre un discours responsable et la polémique entretenue par la gauche ! (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Nous sommes entrés désormais dans une deuxième phase. Après l’anticipation, la concertation.

À la demande du Premier ministre, j’ai reçu, avec les présidents des deux entreprises, l’ensemble des organisations syndicales plusieurs heures durant (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Après le projet industriel, nous avons décidé de bâtir ensemble le projet social. Nous avons recueilli à cet effet trente-quatre questions, le tout dans une ambiance responsable et digne, républicaine dirais-je (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), chacun étant conscient des enjeux. Les organisations syndicales nous ont indiqué qu’elles nous feraient parvenir d’autres questions. Nous nous réunirons la semaine prochaine pour décortiquer toutes ces questions une par une et leur apporter des réponses, une par une ! Nous, nous préparons l’avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

grippe aviaire

M. Etienne Mourrut - Le risque d’une pandémie mondiale de grippe aviaire a conduit de nombreux États, dont la France, à appliquer le principe de précaution et vous suivez avec beaucoup de vigilance, Monsieur le ministre de la santé, l’évolution de la situation. Selon les experts, aucune mutation du virus n’aurait à ce jour été constatée, ce qui exclut toute transmission interhumaine.

Il convient cependant de rester vigilant. C’est dans cet esprit qu’a été organisé la semaine dernière à Lyon un exercice de simulation. Pouvez-vous nous dire quels sont les enseignements que vous tirez de cet exercice et si vous comptez en organiser d’autres pour parfaire le dispositif de protection ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Il faut distinguer trois niveaux : d’abord, celui de l’épizootie, qui concerne les oiseaux, notamment les volailles ; ensuite, celui de la transmission de l’oiseau à l’homme, qui n’a été constatée qu’en Turquie et en Asie du Sud-Est ; enfin, ce que l’on appelle la pandémie, c’est-à-dire la transmission de l’homme à l’homme. Nous nous préparons aussi à ces deux derniers risques.

Nous nous dotons pour ce faire de moyens de protection : nous commandons des masques en plus du stock que nous avons déjà, des médicaments antiviraux – nous en avons 14 millions aujourd’hui et nous voulons en avoir 33 en 2007 – et nous réservons des vaccins. Mais il importe aussi de savoir qui ferait quoi en cas de pandémie. Cela fait l’objet d’un plan, que nous nous attachons à améliorer en permanence. Rien de tel pour cela que d’organiser des exercices. C’est pourquoi nous avons organisé à Lyon une simulation visant à vérifier qu’en cas d’arrivée par avion de personnes ayant contracté la grippe aviaire en Asie du Sud-Est, les personnels de l’avion, de l’aéroport et du système hospitalier savaient bien ce qu’ils avaient à faire.

Ce genre d’exercice nous permet d’aller dans le détail et de pouvoir ensuite transposer les résultats à l’ensemble des établissements de santé et du corps médical. Les 15 et 16 mars prochains, un autre exercice, d’ampleur nationale, sera organisé à Paris. Le Premier ministre y participera.

Face au risque de pandémie, nous avons l’obligation d’être dans l’anticipation. Notre plan ne sera jamais définitif, car tant que nous pourrons l’améliorer, nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

cpe

M. Jean-Pierre Dufau - Dans votre conférence de presse de ce matin, Monsieur le Premier ministre, vous avez qualifié de décevants les derniers chiffres du chômage. Ce n’est pas au thermomètre qu’il faut vous en prendre : c’est votre politique qui est mauvaise, et c’est elle qu’il faut changer (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Du CNE, pris par ordonnance, au CPE adopté par le biais du 49-3 à l’Assemblée, vous avez avancé masqué : les Français ne devaient pas savoir. Mais après le mardi gras, les masques tombent (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP). Aujourd’hui, le pays se dresse contre vous. Les jeunes et l’opinion refusent le CPE, le patronat lui-même est réticent. Les lycées et les facultés sont en émoi. Tous se mobilisent pour la manifestation du 7 mars. Grâce aux parlementaires, les organisations syndicales ayant été écartées de toute concertation préalable, le contenu scandaleux de la loi sur l’égalité des chances est désormais public : apprentissage à 14 ans, travail de nuit dès 15 ans, licenciement sans motif et sans explication pendant les deux premières années du CPE… quel mépris du code du travail, quel mépris de la dignité des jeunes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Monsieur le Premier ministre, vous avez appelé au rassemblement et à la bataille pour l’emploi. Vous les aurez, mais pas forcément comme vous l’auriez voulu. Vous avez annoncé ce matin une nouvelle exonération des charges sociales pendant trois ans pour les entreprises qui embauchent en CDI, y compris des jeunes. Cette mesure, qui constitue une évidente contradiction, traduit vos doutes. Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin retirer ce contrat première embauche…

Plusieurs députés UMP - Non !

M. Jean-Pierre Dufau - …dont le pays ne veut pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement - Je vous remercie de me donner l’occasion d’informer l’Assemblée que le Sénat a voté cette nuit, à la suite d’un débat serein et de grande qualité, l’article relatif au contrat première embauche (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le Sénat, après un débat de 17 heures et à la lumière de 81 amendements, a voté l’article que vous aviez vous-même adopté à la suite d’une discussion approfondie (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) dans les mêmes termes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le débat parlementaire permet de s’éloigner des caricatures. Il nous a ainsi permis d’expliquer aux sénateurs que loin de retourner à l’apprentissage à quatorze ans, nous organisions, sous la responsabilité des équipes pédagogiques, une découverte des métiers suivie d’un contrat junior ; de confirmer que les droits à l’indemnisation chômage du CPE sont supérieurs à ceux de tout autre contrat français ; de rappeler que les droits à la formation étaient acquis dès le premier mois. Bref, ce contrat apporte de la souplesse et une amélioration des droits des jeunes.

Enfin, Monsieur Dufau, je ne doute pas que vous étiez là lors des débats parlementaires : vous saviez donc déjà ce qu’a confirmé le Premier ministre ce matin, et qui figure dans le texte sur l’égalité des chances : l’entreprise bénéficiera bien, pour l’embauche sur CDI de tout adulte de moins de 26 ans au chômage depuis plus de six mois, d’une exonération totale de charges…

Plusieurs députés socialistes – Et voilà !

M. le Ministre - …pour dégonfler une situation inacceptable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

soutien à la communauté harkie

M. Christian Kert - Je ne reviendrai pas sur le sentiment qu’ont laissé, sur l’ensemble, il est vrai, des bancs de la représentation nationale, les propos récemment tenus par le président de la région Languedoc-Roussillon à l’encontre de la communauté harkie (Huées sur les bancs du groupe UMP). Mais peut-être aurions-nous pu espérer meilleure sanction que celle qui a été prise par le parti socialiste contre Georges Frêche, lequel s’est empressé de déclarer qu’il n’avait rien à redouter de la commission des conflits devant laquelle il doit être traduit, puisqu’il y est souvent allé et n’a jamais été condamné ! Après avoir bafoué une communauté, l’élu bafoue son propre parti… Peut-être cela incitera-t-il ses confrères à réagir avec plus de fermeté. C’est, pour vous, un problème de conscience.

M. Jean Glavany - Et Vanneste ? Elle est à géométrie variable, votre conscience !

M. Christian Kert - Les propos de M. Frêche n’ont pas suscité seulement le malaise dû au dérapage d’un élu : surtout, ils ont fait apparaître que la communauté harkie, oubliée de l’histoire…

Plusieurs députés socialistes – Par qui ?

M. Christian Kert - …ne parvient pas à obtenir la considération de la communauté nationale. C’est d’autant plus regrettable que jadis, à votre place, Monsieur le Président, a siégé un vice-président harki., le Bachaga Boualem

Alors que nous venons de voter une loi qui leur était largement destinée et dont, pour la première fois, les aspects matériels étaient susceptibles de leur apporter quelque apaisement, voilà que Georges Frêche nous fait réaliser que, sur le plan moral, les consciences de certains ne se sont toujours pas habituées à respecter l’histoire d’un drame et à reconnaître la dignité de ces hommes et de ces femmes rangés sous la bannière française, symbole pour eux de respect de la parole donnée et d’appartenance à une communauté de destin. Que pensez-vous qu’il soit humainement possible de faire, après la honte que nous avons éprouvée le 11 février, pour reprendre le chemin sur lequel notre majorité, et elle seule, s’est engagée pour rendre à la communauté des harkis de France hommage, justice et dignité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants - Beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce sujet. La question se résume ainsi : est-il grave de traiter un être humain de sous-homme ? Si l’on pense que ça l’est, que c’est même très grave, on ne peut pas rester inactif. Le Gouvernement, pour sa part, a pris ses responsabilités et fait en sorte que ce soit à la justice de dire le droit. Si l’on pense qu’il n’est pas grave d’utiliser des mots qui rappellent les pires époques de l’histoire, on tergiverse, comme nous le voyons aujourd’hui. Ainsi, hier soir encore, M. Frêche répondait à des médias avec la plus grande désinvolture, voire en témoignant une nouvelle fois d’un manque de respect évident (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Je veux témoigner de la profondeur de la blessure des harkis. Cette émotion a d’ailleurs traversé l’ensemble de la communauté nationale, car l’agression a dépassé les harkis pour toucher l’homme lui-même. Ces hommes et ces femmes d’honneur méritent notre respect et notre reconnaissance. C’est d’ailleurs dans cet esprit que le gouvernement de Dominique de Villepin applique la loi du 23 février 2005 que vous avez votée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

pÔles de COMPÉTITIVITÉ

M. Michel Sordi – Bien que la politique économique du Gouvernement commence de porter ses fruits, l’Alsace, en particulier le département du Haut-Rhin, connaît des difficultés industrielles persistantes. Les secteurs du textile et de la sous-traitance automobile subissent une grave récession et les restructurations auxquelles sont contraintes les entreprises s’accompagnent de plans sociaux douloureux pour les salariés. La région Alsace possède pourtant de multiples atouts, dont sa situation géographique au cœur de l’Europe, sa main-d’œuvre qualifiée et ses infrastructures de qualité. En lançant les pôles de compétitivité, le Gouvernement a montré qu’il avait foi dans la capacité d’innovation et de réussite industrielle de la France au travers de ses régions. Les acteurs économiques des régions Alsace et Franche-Comté se sont mobilisés pour créer un pôle de compétitivité Véhicules du futur, visant à gagner la course à l’innovation dans le secteur automobile, grâce à trois projets de coopération portant sur les véhicules propres, les véhicules intelligents et l’excellence de la filière. Cette coopération renforcée doit permettre à chaque membre du réseau de développer sa valeur ajoutée en se concentrant sur son métier et ses savoir-faire spécifiques.

Conçus comme des leviers du développement économique et de l’emploi, s’appuyant sur la recherche et l’innovation, les pôles de compétitivité se mettent progressivement en place. Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, pouvez-vous faire le point sur l’état d’avancement de ces pôles, en particulier sur celui des véhicules du futur et les retombées à en escompter pour les équipementiers automobiles et leurs salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire Je sais votre mobilisation sur la situation économique en Alsace, mais aussi celle du secteur automobile. Le Gouvernement est particulièrement attentif à ces questions. À la demande du Premier ministre, des mesures prioritaires ont été inscrites à l’ordre du jour du prochain comité interministériel à l’aménagement et à la compétitivité des territoires qui se tiendra lundi prochain. Nous souhaitons tout d’abord mieux flécher les fonds structurels mais aussi les aides à finalité régionale, sachant que la France, lors de la négociation, a obtenu des résultats supérieurs même à ses attentes pour la période 2007-2013. Ce sera aussi l’occasion pour nous de faire le point sur le secteur automobile et les mutations économiques d’une manière plus large. Le 1er janvier dernier, a ainsi été créée la Délégation interministérielle à l’aménagement et la compétitivité des territoires, fusion de la DATAR et de la Mission aux mutations économiques. Enfin, au travers des pôles de compétitivité, nous souhaitons anticiper les évolutions industrielles, comme s’y attachera le pôle Véhicules du futur en Alsace-Franche-Comté. Lors du prochain CIACT, nous ferons d’autres propositions concernant le secteur automobile. D’une façon plus générale, nous proposerons des simplifications avec un guichet unique pour le dépôt des dossiers, un fonds de financement unique pour l’ensemble des aides d’État et une gouvernance allégée. N’en déplaise aux Cassandre, au travers des pôles de compétitivité, le Gouvernement met en œuvre une grande politique en faveur de l’industrie, de l’innovation, de l’emploi et de l’attractivité des territoires régionaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 15, sous la présidence de Mme Hélène Mignon.
PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON
vice-présidente

Retour au haut de la page

recherche (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programme pour la recherche.

motion de renvoi en COMMISSION

Mme la Présidente – J’ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une motion de renvoi en commission, déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Frédéric Dutoit - La France a besoin d’une recherche forte et dynamique, activité indispensable aux innovations, au développement économique et au rayonnement culturel de notre pays.

Ce secteur traverse pourtant une crise sans précédent : la recherche française a rétrogradé du quatrième au dixième rang mondial en termes de dépense nationale ; les politiques de recherche sont toujours plus dépendantes des intérêts financiers ; les citoyens sont exclus des grands choix ; les jeunes se détournent des études scientifiques ; les chercheurs consacrent plus de temps à trouver des crédits ; l’indépendance de l’expertise publique est menacée. Ces difficultés s’inscrivent dans un contexte de marchandisation accrue de la science et la mise en concurrence des systèmes de recherche nationaux conduit à exiger des chercheurs une compétitivité accrue.

À l’issue du grand débat national d’il y a deux ans et des États généraux de Grenoble, la communauté scientifique a émis des propositions cohérentes et consensuelles de réforme. Les organisations syndicales ont rendu public un mémorandum, qui aurait dû inspirer le projet de loi. Mais le Gouvernement n’a pas tenu compte de cette mobilisation citoyenne et s’est appliqué à instituer – en dehors du cadre législatif – une grande partie de sa réforme autoritaire et libérale, en créant l’Agence nationale de la recherche, les campus de recherche, l’agence de l’innovation industrielle et les pôles de compétitivité.

Les crédits annoncés pour 2006 et 2007 restent très insuffisants pour atteindre l’objectif de 3 % du PIB en 2010, fixé aux conseils européens de Lisbonne et de Barcelone.

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – Ce taux regroupe recherche publique et recherche privée !

M. Frédéric Dutoit - La plupart des universités ne disposent pas de la taille critique pour développer une activité de recherche de qualité dans l'ensemble des disciplines. Mais le Gouvernement se refuse à affronter ce problème : il choisit de concentrer l'ensemble de l'effort sur quelques pôles, les campus thématiques d'excellence, qui recevront l’essentiel des nouveaux crédits.

Cela n’est pas nouveau : l’État dépense 6 700 euros par an et par étudiant à l'université, et le double pour les élèves de classes préparatoires aux grandes écoles. La France s'est ainsi dotée d'un système d'enseignement supérieur à deux vitesses, avec une filière sélective regroupant essentiellement des jeunes issus de catégories sociales aisées.

Ce projet de loi engendrera inéluctablement une nouvelle fracture puisque les autres universités – les plus en difficulté – devront continuer à se contenter de miettes : elles seront incitées à s'organiser en PRES, sans qu'aucun budget ne soit prévu pour ce nouveau dispositif. Par ailleurs, ces nouvelles structures, ajoutées aux pôles de compétitivité, ne feront que renforcer le manque de lisibilité du système et accroître les disparités.

Une partie déterminante du dynamisme de la recherche se jouera pourtant dans les universités : il serait indispensable de renforcer le lien enseignement–recherche, de prendre en compte le taux d'échec dramatique en premier cycle, de mettre en œuvre une évaluation des politiques scientifiques. Bien au contraire, Nicolas Sarkozy a proposé d’expérimenter l'autonomie des universités, souhait qui trouve sa traduction dans des amendements de la majorité.

Or ce principe, outre qu’il témoigne d’une vision restrictive et idéologique, remet gravement en cause l'égalité entre les étudiants, la gratuité et de la continuité du service public d'enseignement supérieur. L'autonomie de recrutement d’une partie des enseignants fera peser de graves dangers sur le statut des personnels des universités et permettra de concentrer les meilleurs enseignants dans certaines universités et certaines filières.

Si les universités disposent déjà de possibilités de recherche de financements supplémentaires – taxe d'apprentissage, collectivités territoriales, dons – l'autonomie dans la recherche de financements ouvrira la voie au désengagement financier de l'État, à la concurrence entre établissements, et à l’augmentation massive des droits d'inscription. Ce n'est pas dans la poche des étudiants que l'on doit aller chercher l'argent que l'État refuse d'investir !

Depuis la loi Savary qui donnait aux universités les moyens de réussir la massification de l'enseignement supérieur, les universités ont évolué. La loi doit changer, mais dans le cadre d'un service public consolidé, garantissant l’égalité.

Pour contrecarrer cette offensive, nous considérons que l'augmentation des crédits doit porter principalement sur la mission Recherche et Enseignement supérieur de la LOLF et que les avantages fiscaux doivent être plafonnés au niveau de ceux de 2006. En effet, l'efficacité d'un dispositif comme le crédit impôt recherche reste encore largement à prouver.

Faire reposer près d’un tiers des moyens programmés sur le bon vouloir des entreprises relève, au mieux d'une déclaration d'intention, au pire d'une supercherie. Que ce crédit d'impôt puisse être comptabilisé au titre de l'effort de programmation est inconcevable : cela témoigne d'une vision extrêmement optimiste de la bonne volonté des entreprises, et relève de la tricherie budgétaire. Il s'agit en fait de crédits échappant aux impôts, donc au budget de l'État, et, à ce titre, non susceptibles de financer une quelconque dépense de recherche.

De surcroît, les allégements fiscaux, tel que le CIR, doivent concerner exclusivement les PME et les PMI et s'accompagner d'une contrepartie, comme la création d'emplois qualifiés permanents sur le sol national.

Aussi convient-il de répartir, dans le cadre de la programmation budgétaire prévue d’ici 2010, les crédits supplémentaires afin de créer des emplois statutaires dans les universités et les organismes de recherche, d'accroître les montants des allocations de recherche – indexées sur le point indiciaire de la fonction publique – et le nombre d'allocataires, d'améliorer les carrières et leur attractivité, et enfin, de permettre la rénovation et la mise aux normes du patrimoine immobilier universitaire.

L'ANR ne doit pas devenir à terme l'acteur central du financement de la recherche, faute de quoi le financement de la recherche publique ne sera pas garanti et les activités de recherche non financées sur projet, notamment en sciences humaines et sociales, ne seront pas préservées. Nous proposons donc que les financements sur projets restent marginaux, à hauteur de 700 millions en 2010.

Corrélativement, ce projet de loi consacre une augmentation sans précédent de l'emploi précaire. Le refus d’un plan pluriannuel pour l'emploi – demande pourtant forte de la communauté scientifique – correspond à l'arrêt immédiat, en 2002, du plan mis en place par M. Schwartzenberg.

En revanche, le financement de l'ANR est bien programmé jusqu'en 2010, où ses moyens devraient atteindre 1 300 millions d'euros, ce qui permettra de financer plusieurs milliers de CDD, qui viendront s'ajouter aux autres contrats temporaires. S'il n'est pas explicite, le choix de l'emploi précaire au détriment de l'emploi statutaire apparaît clairement dans le projet de loi.

Il faut pourtant que le financement et les emplois de certains organismes, notamment dans la recherche fondamentale, ne soient pas fragilisés, dans le contexte prévisible de mise en concurrence des laboratoires pour l'obtention de crédits et d'asphyxie progressive des laboratoires hors PRES.

Subordonner la recherche fondamentale aux besoins de l'industrie est aberrant : si les grands scientifiques du début du XXe siècle avaient dû travailler pour les entreprises et n’avaient pu spéculer sur des théories sans application immédiate, nos technologies modernes relèveraient encore de la science fiction !

Rappelons en outre que la recherche militaire et les programmes technologiques nucléaire, aéronautique et spatial absorbent à eux seuls plus de 40 % de la dépense publique de recherche, et que la recherche française accuse un déficit considérable dans la plupart des domaines liés au développement durable et à la santé publique : santé environnementale et toxicologie, écologie, énergies renouvelables, agriculture biologique et durable, chimie et ingénierie vertes, qui restent des domaines orphelins en France.

Hélas, la politique du Gouvernement entraînera un effondrement irrémédiable de toute recherche appliquée dans notre pays. Déjà plusieurs centres de recherche privé ont fermé, des firmes comme Aventis ou Pfizer préférant aller exercer leur activité dans des pays où le lien entre recherche fondamentale et appliquée est soutenu, aux Etats-Unis par exemple. N’oublions pas en effet que l'industrie privée américaine est massivement dépendante du secteur public.

Mais telle n’est pas la seule dimension de ce projet de loi qui ait été rejetée par la communauté scientifique : il en est de même du pilotage prévu. Le Haut Conseil devrait être indépendant du pouvoir politique et représentatif de la communauté scientifique, tout en incluant une participation de la société civile, qui ne se réduit pas aux grandes entreprises. Il devrait par ailleurs pouvoir s’autosaisir et bénéficier d’une publicité systématique de ses avis.

Or, le Haut Conseil défini dans ce projet de loi ne répond à aucune de ces exigences. Le Gouvernement ne souhaitant pas que la société civile puisse se faire entendre, celle-ci est exclue du Haut Conseil, et malgré les recommandations de la communauté scientifique, la politique suivie par le Gouvernement résulte aujourd’hui des interventions du Medef et d'un ensemble d'associations dépourvues de toute représentativité, mais qui prétendent « penser moderne » en lieu et place des scientifiques et de la société – Fondation pour l'innovation politique de l'UMP, Association de la recherche Technique, FutuRIS, Conseil Stratégique de l'Innovation, ou encore diverses revues qui déploient un intense lobbying auprès des politiques et des médias.

Les thèmes de l'ANR ont ainsi été déterminés sans l’avis d'une quelconque instance scientifique, et les laboratoires ont été tenus à l'écart du choix des pôles de compétitivité.

Par ailleurs, la volonté d’imposer une « culture de projet » témoigne d’une incroyable ignorance sur le fonctionnement réel de la recherche : projet de thèse, projet de recherche post-doctoral, projet de recherche pour les candidatures dans les organismes et universités, projet d'équipes au sein des unités, projet quadriennal des unités, toute la recherche est déjà organisée autour de projets inscrits dans une vision à long terme !

Il s’agit donc, ni plus ni moins, d’instaurer un nouveau mode de fonctionnement reposant sur des contrats à court terme, qui s'imposent déjà dans tous les secteurs d'activité, au risque d’écraser tout ce qui ne peut s’épanouir que sur le long terme. Plusieurs de nos prix Nobel actuels, par exemple, n'auraient eu aucune chance de mener leurs travaux à leur terme dans un tel système.

C’est que le développement d’outils conceptuels, qui peuvent ensuite aider d'autres chercheurs à penser et chercher, n'entrera jamais dans le cadre de contrats à court terme assortis d’objectifs bien définis. Voilà une réalité que les chercheurs connaissent bien, mais que les adeptes de la culture du court terme ignorent malheureusement !

Autre point de discorde : l'évaluation des chercheurs. En effet, s’il n'existe pas d'exemple de recherche scientifique exclusivement animée et pilotée par un ministère, c'est pourtant ce que vous prétendez imposer.

En dépit de l'harmonisation des pratiques et de la coordination entre les différents niveaux où se développe la recherche – individus, laboratoires, établissements, universités, pôles et autres structures – la concentration de l'évaluation au sein d’une seule et unique instance, l'Agence d'évaluation de la recherche, risque d'entraîner des difficultés de fonctionnement.

Bien des questions demeurent encore en suspens : comment se déroulera la chasse aux moyens ? La présence d'experts étrangers garantira-t-elle un jugement objectif ? Mettre en place des critères transparents et publics réglera-t-il les problèmes posés par la sélection ? Quelles seront la composition et le mode de désignation des membres, de même que les règles de fonctionnement des instances nouvelles ? Et enfin, avec quelles instances internationales le Conseil supérieur de l'évaluation traitera-t-il s’agissant de l'évaluation des établissements ?

Vous oubliez que les EPST ont une longue tradition d'évaluation des équipes et laboratoires avec lesquelles ils entretiennent des relations contractuelles, et que si leurs chercheurs sont habitués être évalués par le comité national ou ses équivalents, ceux de l'université ne le sont pas.

Vouloir évaluer à tout prix, en appliquant la même procédure à ceux dont la mission première est de faire de la recherche et à ceux qui doivent se consacrer à la transmission des connaissances, a donc tout de la quadrature du cercle. Pour être reconnue et acceptée, l’évaluation doit être adaptée.

Pour me faire l’écho d’une organisation syndicale, l'évaluation scientifique est en effet l'une des choses les plus difficiles au monde : elle ne peut être déconnectée de la notion d'éthique des évaluateurs – devoir de confidentialité, nécessité d'être explicite, limitation des effets de réseaux d'influence. Le caractère non prévisible de la recherche invite par ailleurs à instaurer des procédures suffisamment souples, fondées sur la confiance et aptes à repérer l'inattendu, à favoriser son émergence, et à préserver toutes les possibilités de sortir des sentiers battus, des coteries et des postures timorées ou de pure convenance. Or, votre projet de loi est bien loin de telles exigences !

Pour conclure, le dédoublement des structures verticales et horizontales de la recherche va compliquer le système et multiplier par deux ou trois le temps pris aux laboratoires par l’élaboration des dossiers.

Mais ce n’est là que la conséquence d'une politique dont le seul but est d'affaiblir le développement des connaissances au profit d’une recherche purement utilitariste, guidée par les besoins des firmes, et non par ceux de notre société.

Pourtant, les pays qui ne maintiendront pas un outil de recherche d'excellence seront incapables de suivre les bouleversements économiques engendrés par l'accélération de la production des connaissances. Pis encore, ces pays perdront rapidement la capacité de former les jeunes générations de façon compétitive, et ils tomberont donc dans une dépendance économique difficilement réversible. Voilà l’avenir qui nous attend, et vous en porterez la culpabilité !

Responsable et passionnée, la communauté scientifique française a souhaité une loi d'orientation et de programmation de la recherche, pour laquelle elle a formulé tout un ensemble de propositions, rassemblées dans le texte des états généraux de la recherche d’octobre 2004.

Or, le Gouvernement a commencé par jouer la montre pendant toute une année, avant de décider d'une discussion en urgence du projet de loi en décembre 2005, puis de le reporter pour cause de nouvelle urgence, passage en force du contrat « première embauche » oblige.

Puisque nous n’en sommes plus à un report près, remettons-nous au travail ! Au nom des chercheurs eux-mêmes, nous demandons donc le renvoi en commission de ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur – Je voudrais rappeler à M. Dutoit que la commission a beaucoup travaillé sur ce projet de loi. Avant même son dépôt, nous avons eu de nombreux échanges avec les ministres de la recherche successifs et avec les chercheurs eux-mêmes. Nous avons ensuite conduit plus de soixante auditions – les représentants des syndicats, les responsables des universités et des grandes écoles, les organismes de recherche privée, les cercles de réflexion et plusieurs prix Nobel. Nous avons également mené des missions à Lyon et aux Etats-Unis.

J’ajoute que nous nous sommes réunis plusieurs fois au titre des articles 86 et 88, et nous nous réunirons ce soir au titre de l’article 91 de notre Règlement. Nous avons déjà examiné plus de trois cents amendements au cours de sept heures d’intéressants débats en commission (Signes d’approbation sur plusieurs bancs du groupe UMP). Nous avons également entendu MM. Claeys et Cohen, respectivement au nom de la commission des finances et de la commission des affaires économiques, ainsi que plusieurs membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Sur le fond, le texte qui nous est proposé va dans le sens d’un rapprochement entre la recherche publique et l’université, qui seront associées au sein des PRES. Et si l’évaluation soulève effectivement des difficultés pratiques, la création d’une nouvelle agence est indispensable : le CNE fait de son mieux, mais c’est d’une structure aux compétences globales que nous avons aujourd’hui besoin. Chaque organisme a en effet mis en place ses propres procédures, comme je le constate chaque jour à l’INSERM.

Par ailleurs, comment pouvez-vous dissocier le progrès des connaissances de leur utilisation ? La recherche fondamentale et la recherche appliquée vont en effet dans le même sens, comme le montrent l’institut Pasteur, le CRNS, qui a beaucoup travaillé sur les nouveaux carburants, les aliments et la défense dans l’après-guerre, ou bien encore l’INSERM, d’abord appelé institut d’hygiène et créé pour mener des recherches appliquées.

Enfin, si l’interpénétration entre la recherche publique et la recherche privée doit être renforcée, cela ne signifie nullement la mise sous tutelle de la recherche fondamentale, bien au contraire !

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche Votre propos ne manque pas de contradictions, Monsieur Dutoit, puisque vous nous accusez tout à la fois d’autoritarisme et de libéralisme. Je sais que vous êtes un adepte de la dialectique, mais vous semblez cultiver les antinomies à plaisir !

Où voyez-vous en outre que nous allons faire dépendre la recherche fondamentale des intérêts privés ? C’est oublier que la moitié des projets soutenus par l’ANR relèvent de la recherche fondamentale. Nous martelons que nous devons avoir une recherche fondamentale forte et non conditionnée par la recherche finalisée et les attentes des entreprises.

Vous niez l’utilité du crédit impôt recherche. Mais comment espérer consacrer un jour 3 % de la richesse nationale à la recherche sans de telles incitations fiscales ? Il y a là une évidente contradiction ! Le crédit impôt recherche financerait, dites-vous, des emplois hors du sol français : c’est faux ! Bref, il y a beaucoup de critiques mal fondées et de procès d’intention dans votre propos. Nous avons en commun l’objectif de développer la recherche. Vous n’êtes certes pas obligé d’être d’accord avec tout ce que nous proposons, mais reconnaissez au moins que ce texte va dans le bon sens, et ayez l’honnêteté d’invoquer tel ou tel syndicat ou organisation plutôt que « la communauté scientifique ».

explications de vote

M. Pierre Lasbordes - Je vous ai écouté avec intérêt, Monsieur Dutoit : vos propos sont excessifs. Vous faites le procès d’un texte qui n’est certes pas parfait, mais qui est bien accueilli par une grande partie de la communauté scientifique.

Alors que les premiers pas de l’ANR donnent satisfaction aux chercheurs, vous voudriez limiter ses crédits. Mais elle en consacre 30 % à la recherche fondamentale, qu’il ne faut surtout pas sacrifier. Vous dites qu’il faut augmenter le nombre de postes statutaires : aucun gouvernement n’en a créé autant !

M. Jean-Yves Le Déaut – C’est faux !

M. Pierre Lasbordes – De grâce, ne recommençons pas le débat sur le plan pluriannuel de 2001 ! Vous opposez sans cesse recherche appliquée et recherche fondamentale. Un Pierre Potier a pourtant su transposer sa recherche fondamentale en recherche appliquée, ce qui permet de soigner aujourd’hui une bonne part des malades atteints de cancers. Vous dites qu’on ne consacre pas de crédits au développement durable et à l’environnement : c’est faux, puisque c’est une priorité de l’ANR. Vous dites que ce projet aurait été inspiré par le Medef et FutuRIS – où siègent, je vous le rappelle, tous les présidents d’organismes de recherche, qui n’ont pas tous, que je sache, été nommés par des gouvernements de droite ! Les laboratoires auraient été tenus à l’écart des pôles de compétitivité : ce n’est pas ce que j’ai pu observer dans ma circonscription ! Vous mettez en doute la compétence des experts étrangers dans l’évaluation : il est pourtant capital d’avoir un regard extérieur pour apprécier la compétence – généralement reconnue – de nos chercheurs. Vous contestez l’homogénéité supposée de l’évaluation, mais il est évident que les critères employés ne seront pas les mêmes pour un chercheur en sciences humaines et sociales et un chercheur en sciences de la vie ! Pour toutes ces raisons, le groupe UMP repoussera cette motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Cohen - Voilà deux ans que nous attendons cette loi, deux ans que le cri de colère des chercheurs a fait prendre conscience que la recherche devait devenir une priorité. L’année 2004 a vu, après un large débat, les états généraux de Grenoble, qui ont permis d’établir un socle de propositions commun à l’ensemble des chercheurs. Depuis, nous attendons.

Pourquoi faut-il renvoyer ce texte en commission ? D’abord parce qu’il y a un décalage entre ce que propose le Gouvernement et les travaux de la commission. Les parlementaires peuvent donc encore améliorer le texte, comme l’a fait le Sénat en prévoyant un plan de financement applicable jusqu’en 2010. Nous avons également des interrogations sur l’Agence. Loin de nous l’idée d’affirmer que la recherche sera nécessairement finalisée parce qu’elle est pilotée, mais il est clair que la recherche fondamentale sera cantonnée dans des domaines définis par l’Agence, donc par le Gouvernement…

M. le Ministre délégué – Mais non ! Et les programmes blancs ?

M. Pierre Cohen - …ce qui, soit dit en passant, rompt avec l’usage établi, qui veut que toutes les structures soient démocratiques.

Nous n’avons de réponse précise ni sur les financements de l’Agence, ni sur l’évaluation – que la commission souhaite, contrairement à ce que prévoit le texte, maintenir dans les organismes. Quant aux PRES, les dispositions qui les concernent montrent bien que vous avez en tête ces fameux campus de pôles d’excellence. Que dire des doctorants, de l’Europe ? Ce que la délégation à l’Union européenne a demandé ne se retrouve ni dans la loi, ni dans l’action du Gouvernement ! Bref, il y a matière à travailler.

M. Pierre Albertini – Les motions de procédure, quelque peu détournées de leur objet initial, permettent à la minorité, et c’est tout à fait respectable, d’exprimer ses critiques à l’endroit d’un texte que je juge personnellement insuffisant. Cela dit, ce texte, nous l’attendons depuis dix-huit mois et le Président de la République en a fait une priorité nationale. On peut toujours souhaiter que le renvoi en commission soit l’occasion de l’améliorer, mais le but ultime reste tout de même la séance plénière.

La recherche transcende les clivages politiques : c’est un effort de la nation toute entière. Il est donc légitime que le Parlement fixe un cadre de référence, sans attenter pour autant à la liberté et à l’indépendance des chercheurs. C’est précisément sur ce point que le projet est faible. Son principal mérite, ai-je entendu, serait de mettre en place un dispositif nouveau. « À défi nouveau, structures nouvelles » a affirmé le ministre. Je ne suis pourtant pas convaincu que le problème soit là : je préférerais pour ma part une logique de projets. C’est souvent un signe de défaite de la pensée que de raisonner en termes de structures, comme nous le faisons trop souvent. Nul ne sait l’usage qui sera fait de ces structures : laissons-les donc évoluer.

J’ai beaucoup de respect pour le collectif « Sauvons la recherche », qui a eu le mérite de mettre l’accent sur les retards accumulés par notre pays depuis longtemps. Mais gardons-nous d’additionner les revendications de tous les syndicats de chercheurs. Il y a une hiérarchie dans les priorités.

Il est temps que la discussion générale s’engage.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

Mme la Présidente - J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

avant l’article premier

M. Pierre Albertini - Je souhaite, avec mes collègues du groupe UDF, ajouter avant l’article premier un article d’intention ainsi rédigé : « La recherche est d’intérêt public. La République française contribue à son développement sous toutes ses formes, fondamentale, sociétale et économique. Elle affirme le lien essentiel entre la recherche et la formation. » Le progrès des connaissances ne se partage pas. Il est bon d’affirmer que la recherche mérite d’être valorisée sous toutes ses formes. Personne ne discutera l’importance de la recherche fondamentale, mais la recherche économique et sociétale a tout autant d’importance, et la recherche en sciences humaines et sociales est d’ailleurs un point faible aujourd’hui. Il est très bien de travailler sur les sciences du vivant, les maladies émergentes, les sciences de l’information et les nanotechnologies, mais faut-il pour autant négliger l’étude du fonctionnement de notre société ? Enfin, je n’insiste par sur le lien entre recherche et formation.

On m’objectera qu’un tel amendement est purement déclaratif. L’argument vaudrait si le texte ne contenait pas des dispositions qui pourraient tomber sous la même critique. Ne vaut-elle pas pour ce Haut conseil scientifique et technologique qui va éclairer les décisions du Président de la République sur les grandes orientations nationales de la recherche ? Car je ne vois guère ce que cela modifie dans notre ordonnancement juridique. De même, quand je lis que ce Haut conseil a vocation à créer dans les pays en voie de développement « des centres d’excellence visant à renforcer leurs communautés scientifiques et à contribuer à leur développement durable », je m’interroge. Ce que je propose, c’est d’affirmer que la recherche, sous toutes ses formes, a un intérêt public, et de le faire dans un texte qui lui donne des moyens supplémentaires, même s’ils sont insuffisants, pour envoyer un signal à la communauté scientifique et à la nation.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Nous sommes tous d’accord sur le fond, mais il est déclaratif et ne comporte aucun élément normatif. En revanche, éclairer le Président de la République et le Gouvernement, c’est une mission que l’on confie au Haut conseil, et contribuer à la formation de centres d’excellence dans les pays en voie de développement, c’est l’ébauche d’une autre mission. Enfin, les députés et notre Président veulent faire simple. Ne surchargeons pas la loi.

M. le Ministre délégué - Effectivement, on ne saurait être hostile à ce qui est proposé, mais nous sommes désormais plus attentifs à n’inscrire dans la loi que des dispositions réellement normatives. Le code de la recherche, qui codifie des textes plus anciens, contient des déclarations de cet ordre, mais désormais nous suivons mieux la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Le Déaut - Nous soutenons cet amendement. Certes l’article L. 111-1 du code porte que « la politique de la recherche et du développement technologique vise à l'accroissement des connaissances, à la valorisation des résultats de la recherche, à la diffusion de l'information scientifique et à la promotion du français comme langue scientifique. » Mais l’intérêt de cet amendement est d’affirmer, comme nous l’avons fait dans la discussion générale, qu’il faut une recherche fondamentale forte, que la recherche est d’intérêt public et qu’elle est liée à la formation. Tout cela ne figure pas dans le code de la recherche.

M. Alain Claeys – Cet amendement, que M. Albertini défendait presque en s’excusant, a à mes yeux trois grands mérites. D’abord il affirme le lien indissociable entre recherche et formation, ce qu’a déjà fait le Sénat en étendant la mission de l’agence d’évaluation à l’enseignement supérieur. En second lieu, il affirme bien le caractère transversal de la recherche. Or l’on pourrait craindre que demain, notamment en raison du recours aux appels d’offres, la recherche sur la société ne soit négligée. Enfin, cessons une fois pour toute d’opposer recherche fondamentale et recherche appliquée.

Une remarque encore : M. Albertini ne souhaite pas que l’on parle trop de structures, et je le rejoins. Mais les structures cachent souvent des politiques. Plus les premières sont claires, plus celles-ci sont lisibles.

M. Frédéric Dutoit - Cet amendement devrait nous rassembler. Il n’est pas assez normatif, nous dit-on. Mais ne vaut-il pas la peine, en début du projet, d’affirmer les valeurs de la recherche, et l’intérêt public qu’elle présente dans toutes ses composantes ? J’admets tout à fait que l’on n’oppose pas recherche fondamentale et recherche appliquée, mais je veux aussi qu’on souligne l’importance de la recherche sur la société. Le Parlement s’honorerait de voter une telle déclaration de principe.

M. Pierre Albertini – Si j’avais trouvé dans le code de la recherche l’affirmation de ces principes, je n’aurais pas déposé un tel amendement. Mais ils ne figurent pas dans le code, qui n’est qu’une compilation. J’insiste encore sur le lien entre formation et recherche – et tous les enseignants du supérieur sont des chercheurs.

Enfin, affirmer que la recherche présente un intérêt public n’est pas qu’une proclamation : c’est aussi une base pour justifier en droit l’intervention des collectivités territoriales dans ce domaine.

L'amendement 195, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Gouriou - Le tableau prospectif annexé fait ressortir un déséquilibre dans l’évolution des budgets respectifs de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » et de l’Agence nationale de la recherche, ce qui marque une volonté du Gouvernement de privilégier un financement de la recherche sur les projets, au détriment des structures et de la recherche de longue haleine. Une telle dérive risque de conduire à l’abandon de pans entiers de la recherche.

Je pense par exemple aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, qui souffrent depuis plusieurs années d’un désengagement des pouvoirs publics. Il y avait auparavant plusieurs centres nationaux de recherche dans ces domaines : il n’y a plus aujourd’hui qu’un seul organisme public, le RNRT, qui dispose de moyens dérisoires. Il ne faut pas s’étonner dans ces conditions que nous ne soyons plus en mesure de rivaliser avec les industries étrangères.

Nous proposons donc, dans les amendements 322 et 323, d’écrire que le taux d’évolution du budget de l’ANR ne pourra pas être supérieur à celui de la MIRES.

J’ajoute que si la création de pôles de compétitivité est une bonne chose – vous nous avez d’ailleurs fait l’honneur de venir en inaugurer un en Bretagne, Monsieur le ministre, – encore faut-il que leurs besoins puissent être satisfaits. J’ajoute aussi qu’il faudrait intensifier les échanges universitaires entre notre pays et la Chine, car, comme le faisait remarquer récemment l’ambassadeur de Chine en France à une délégation du groupe d’amitié France-Chine, ils ne sont pas comparables à ceux qui ont lieu entre la Chine et l’Allemagne ou le Royaume-Uni.

M. Pierre Cohen - Le tableau fait en effet ressortir que l’ANR aura en 2010 un budget bien supérieur à celui de tous les organismes et universités réunis, hors salaires…

M. le Ministre délégué – Pourquoi regarder hors salaires ?

M. Pierre Cohen - La question est : quelle sera la capacité des uns et des autres pour financer des projets ? Notre crainte est qu’en 2010, toute la recherche soit pilotée par une Agence qui pourrait fort bien négliger des pans entiers du champ du savoir au profit exclusif de ceux que voudrait valoriser le gouvernement de l’époque. Nous avons besoin de garanties à ce sujet et nous voulons qu’un équilibre soit préservé.

J’ai défendu l’amendement 324.

M. Alain Claeys - Je défends l’amendement 325. Si nous voulons éviter des discussions sans fin et ce que vous appelez à tort des procès d’intention…

M. le Ministre délégué – On aimerait !

M. Alain Claeys - …il faudrait d’emblée éclairer la représentation nationale sur l’évolution respective des crédits alloués à l’Agence d’une part, la MIRES de l’autre. C’est la question que se posent les chercheurs, car ce sont bien les flux financiers qui détermineront demain l’organisation de la recherche. Prenez-vous donc l’engagement, Monsieur le ministre, que les crédits attribués aux organismes évolueront dans les mêmes proportions que ceux attribués à l’Agence ?

M. Jean-Yves Le Déaut – Je défends l’amendement 326. L’article L. 111-6 du code de la recherche dit que les choix en matière de programmation et d’orientation de la recherche sont arrêtés après une concertation étroite avec la communauté scientifique. Or, j’ai là une lettre signée par d’éminents représentants de ladite communauté qui souligne combien il est important que la croissance des moyens des organismes de recherche et des universités, d’une part, et de l’ANR, d’autre part, soit équilibrée, ce qui n’est pas le cas, disent-ils, dans le projet actuel.

Quand on regarde le tableau annexé, on constate en effet que les moyens des laboratoires vont évoluer en suivant l’inflation. Les seuls moyens qui augmentent vraiment sont ceux de l’ANR ou ceux des divers crédits d’impôts. Comment voulez-vous financer dans ces conditions la recherche fondamentale ? Comment comptez-vous, avec une hausse uniquement dédiée à l’ANR, à la fois créer des postes, remédier à la misère des universités, mieux rémunérer les jeunes chercheurs ? Cela suppose tout de même des moyens basiques.

M. François Brottes – Le financement de la recherche de base est essentiel. Si, demain, on décide de ne financer que les livres des écoles, et plus les enseignants qui apprennent à lire et à écrire, à quoi serviront les livres, et qui pourra ensuite en écrire ? Si nous ne consacrons plus des moyens significatifs à l’acquisition permanente de la connaissance dans l’ensemble des disciplines – …

M. le Rapporteur – C’est hors sujet !

M. François Brottes - …et, avec un taux égal à l’inflation, nous allons tout droit à l’étouffement – nous n’aurons plus de projets de qualité. La question est extrêmement importante.

Nous ne sommes pas contre le financement des projets : c’est un élément indispensable, qui permet de développer l’interdisciplinarité et d’avancer dans de nombreux domaines. Mais si les organismes de recherche, à la base, ceux qui travaillent discipline par discipline, sont obligés de courir en permanence après les projets et les contrats pour simplement pouvoir payer leur loyer, comment voulez-vous que nous soyons à la hauteur ? Les deux approches sont complémentaires, et les taux d’évolution que vous prévoyez sont bien trop dissemblables pour ne pas être dangereux. Nous voudrions être assurés de votre volonté, Monsieur le ministre, de maintenir les moyens de l’ensemble de la recherche française, seule façon pour qu’elle puisse répondre à vos appels à projets.

Tel est le sens de l’amendement 326.

M. le Rapporteur – Nous nous sommes un peu éloignés de la discussion, sauf peut-être quand M. Claeys a évoqué les procès d’intention. Mais, Monsieur Claeys, les projections dans l’avenir ne sauraient être très précises, d’autant que les échéances à venir peuvent changer bien des choses.

Aujourd’hui, le budget de la mission interministérielle, recherche et enseignement supérieur cumulés, se monte à 12 milliards, dont seulement 800 millions sont destinés à l’Agence. La proportion est significative ! Par ailleurs, 30 % des crédits de l’Agence sont allés au CNRS, sans parler du système du préciput qui, si l’amendement est adopté, permettra aux organismes de se voir reverser une petite partie des financements acquis sur les projets. Enfin, il est difficile de comparer des structures établies depuis de nombreuses années et une structure naissante, qui est en train de prendre sa place – avec un succès impressionnant d’ailleurs, si l’on pense au nombre de projets qui lui ont été soumis et à leur intérêt. La commission a donc repoussé ces amendements.

M. le Ministre délégué – Il est important de faire le point sur les chiffres. Les crédits de la MIRES consacrés à la recherche, soit l’ancien BCRD, ajoutés à ceux de la recherche universitaire se montent à 12 milliards pour 2006, dont 8,5 de charges de personnel. Restent donc trois milliards et demi qui constituent le budget des organismes de recherche, budget qui augmente de 3 % pour chacun. Les crédits d’engagement de l’ANR ne se montent, eux, qu’à 800 millions pour 2006 et ne devraient atteindre que 1,3 milliard à la fin de la période de programmation. Cette proportion montre l’esprit de notre projet : des organismes financés normalement, dont les dotations sont en progression, et en supplément, avec les appels à projets, des ressources nouvelles destinées à des équipes autant de recherche fondamentale que de recherche finalisée et qui concernent à hauteur de 30 % des programmes en blanc, où l’initiative est laissée aux équipes.

En partant de l’idée qu’il n’y a pas d’équipe « en l’air », c’est-à-dire qui ne soit pas soutenue par un organisme, j’ai demandé, en reprenant une idée du président Dubernard, qu’une part de chaque financement de projet, appelée le préciput, soit attribuée au budget général de l’organisme auquel l’équipe attributaire du projet appartient. Cela répond à un souci d’équité et permet de faire profiter toutes les équipes d’un organisme du succès de celles qui ont remporté un appel à projet.

Nous avons ainsi conjugué la sérénité et la pérennité nécessaires à la recherche et la stimulation qui lui est indispensable. Les appels à projets sont, qu’on le veuille ou non, reconnus par la communauté scientifique. Qu’un dirigeant d’organisme préfère avoir un budget à lui paraît certes humain, mais on ne peut se passer de cette stimulation, qui existe dans tous les grands pays de recherche. Par ailleurs, l’Europe fonctionne également largement par appels à projets. Il faut accoutumer nos équipes à ce système, auquel elles sont de toute façon confrontées quand elles font appel à des financements européens.

J’espère que vous serez convaincus que nous avons mis en place une méthode équilibrée, ouverte et qui permet à la fois la continuité et l’émulation des équipes. À notre étonnement, certains membres des bancs de gauche se sont référés à ce que je n’appellerai pas un modèle américain. Sachez que certains pays sont, en matière de remise en cause des financements permanents, infiniment plus sévères que nous et qu’ils font dépendre l’existence même des équipes de recherche de leur réussite aux appels à projets ! Ce n’est pas notre cas. Nous avons une autre vision de la recherche, une vision équilibrée et je ne crois pas que vos critiques soient fondées.

M. Pierre Cohen – Il faut choisir entre un débat de bonne foi, constructif, et des attaques personnelles. François Hollande, hier, s’est référé à la part de la recherche dans le budget des États-Unis et d’autres pays. Il n’a jamais érigé le modèle américain comme référence. Mais si les fonds consacrés à la recherche progressaient en France au même rythme qu’aux États-Unis, au Japon, en Inde et en Chine, nous ne serions pas ici à essayer de répartir nos crédits !

Si nous ne sommes pas d’accord sur les chiffres, nous n’aurons que des discussions de sourds. Vous avez parlé de 12 milliards pour l’ensemble de la recherche dans la MIRES.

M. le Ministre délégué – Non ! La MIRES et la recherche universitaire !

M. Pierre Cohen - Bref, les crédits des organismes de recherche et de l’enseignement supérieur. Les 8 milliards et demi de charges de personnel et le milliard, environ, de charges de gestion courante – chauffage, loyers… – enlevés, restent environ 2,5 milliards. Comparés aux 630 millions de l’ANR, l’équilibre de 2006 nous semble bon. Mais nos amendements concernent votre plan de financement pour les cinq années à venir ! L’évolution des crédits de la MIRES et de l’Agence montre un déséquilibre complet. M. Dubernard affirme qu’il est pour la liberté de la recherche, mais si les crédits de la MIRES, en 2010, ne couvrent que les charges courantes et de personnel et si l’argent frais ne vient que de l’Agence, il n’y aura plus de liberté ! Aujourd’hui, le budget du CNRS est d’environ deux milliards, dont un et demi pour les salaires et 500 millions de contrats. L’Agence a plus de fonds !

Mme la Présidente - Monsieur Cohen, veuillez conclure.

M. Pierre Cohen - Le déséquilibre est extrêmement important. Nous voudrions des réponses précises plutôt que des attaques mesquines.

M. Jean-Yves Le Déaut – J’ai défendu l’amendement 327. Je défends l’amendement 328.

Nous souhaitons que l’évolution des crédits de la MIRES et de l’Agence se fasse de façon parallèle une fois que l’Agence se sera stabilisée. Si ceux de l’Agence sont privilégiés, des laboratoires et des universités vont fermer.

Vous venez d’avouer que les crédits de la recherche, y compris universitaire, sont de 12 milliards. Que ne l’avez-vous dit lors de la discussion du budget ! Donc, 0,7 % du produit intérieur brut français sont consacrés à la recherche publique.

M. le Rapporteur – Ne soyez pas de mauvaise foi !

M. Jean-Yves Le Déaut - Nous sommes loin du 1,1 % du rapport !

M. le Rapporteur – Quelle image vous donnez de l’Assemblée !

M. Jean-Yves Le Déaut - Les autres crédits vont à l’enseignement supérieur et à l’université. 0,7 % pour la recherche et le développement, ce n’est pas assez. Nous ne sommes pas contre la recherche privée, mais il faut un effort substantiel sur la recherche fondamentale.

Les amendements identiques 322 à 328, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Article premier et annexe

M. Christian Blanc – L’article premier du texte est consacré à l’augmentation des moyens. Étrange méthode décidément ! Ne trouverait-on pas curieux de payer les factures d’entreprises du bâtiment avant même d’avoir vu les plans de l’architecte ? Pourquoi en irait-il différemment pour ce qui est de la recherche ? En réalité, la réflexion sur l’architecture de notre système académique n’est pas seulement repoussée après le débat sur les moyens, elle est largement oubliée. Le projet de loi empile les structures nouvelles pour n’avoir pas à réformer celles qui existent. Il en résulte une complexité qui rend le plan d’ensemble laborieux, voire illisible, donc difficilement applicable.

Ce projet de loi aurait éventuellement été acceptable il y a une quinzaine d’années pour améliorer un système que l’on jugeait alors globalement efficace. Il ne l’est pas dans un monde où le progrès ne cesse de s’accélérer. D’autres pays un temps immobiles, comme le Japon, ont su, il y a quelques années, modifier en profondeur leur système de recherche avec le succès que l’on sait. Qui, parmi nous, avait entendu parler d’internet ou utilisait couramment un portable il y a quinze ans ? Or, imaginerait-on aujourd’hui notre vie quotidienne sans internet ni portable ? C’est bien la preuve de l’accélération des progrès technologiques.

En 2006, ce projet de loi est inadapté. S’il permet de petites avancées, il ne tranche aucune question délicate. Pourquoi, avec l’ANR, créer une structure supplémentaire ? Pourquoi ne pas aller au bout de la logique et transformer les organismes comme le CNRS en agences de moyens ? Comment accepter d’ailleurs que les missions des organismes de recherche ne soient pas évoquées dans le texte ? Étrange silence ! En l’état, le risque est grand que ceux-ci se transforment en simples administrations de gestion des emplois, alors que les emplois de chercheurs devraient être directement gérés par les universités.

S’il faut se féliciter de la création des PRES, qui marquent la nécessité d’une coopération plus étroite entre universités et instituts de recherche, pourquoi ne pas réunifier les statuts de chercheur et d’enseignant-chercheur ? Pourquoi, sur la lancée, ne pas donner leur autonomie aux universités, en commençant pas les laisser gérer leur masse salariale comme le font la plupart de leurs homologues étrangères ? Pourquoi ne pas les doter d’une gouvernance efficace, ne serait-ce qu’à titre expérimental dans un premier temps ?

Voilà les questions auxquelles il conviendrait de répondre avant d’aborder celle des moyens. En effet, augmenter les moyens de la recherche publique sans modifier profondément son organisation revient à arroser une terre stérile. On me rétorquera sans doute que ces questions, ne concernant pas la recherche mais l’université, seront traitées lors d’une prochaine étape. Funeste erreur de stratégie ! L’enseignement supérieur et la recherche forment un tout, partout dans le monde désigné sous le nom de « monde académique ». Les réformer séparément consacre l’organisation verticale et cloisonnée de notre système de recherche, à l’heure où une approche transversale est le meilleur gage de créativité. Il suffit pour s’en convaincre de voir ce qui s’est passé à Grenoble depuis une vingtaine d’années où, aux franges de la légalité, une telle transversalité a été privilégiée. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) Le LETI a d’ailleurs obtenu plus de brevets que le MIT. (M. le rapporteur s’étonne) Je comprends, Monsieur le rapporteur, votre étonnement, mais le LETI est précisément l’une de nos rares réussites en matière de recherche.

Je défendrai une douzaine d’amendements – dont beaucoup concernent les universités –, pour trois raisons. Première raison : après avoir pris deux ans de retard pour présenter ce projet de loi, le Gouvernement a déclaré l’urgence pour gagner deux mois dans le débat parlementaire. Soit. Mais, puisqu’il est urgent de réformer la recherche, pourquoi ne l’est-il pas de réformer les universités qui hébergent les trois quarts des moyens de recherche publics ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Deuxième raison : le monde académique français est jugé sur le plan international au travers du prisme de nos universités. Or, la faiblesse de celles-ci handicape nos chercheurs et nos étudiants dans la compétition internationale. Je refuse de me résigner à ce que parmi les cent premières universités mondiales, seules quatre soient françaises, tandis que trente-sept sont américaines… La question de la gouvernance n’y est pas étrangère. Comment des conseils d’administration comptant soixante membres pourraient-ils définir une stratégie claire pour nos universités ?

Troisième raison, qui me permettra de conclure en dénonçant de nouveau l’erreur de perspective consistant à tout analyser sous l’angle des moyens. Contrairement à ce que laisse supposer cet article premier, nous ne devons pas débattre seulement de la manière de mieux dépenser mais aussi de la meilleure façon de faire naître de la connaissance et des savoirs, afin de mieux comprendre notre monde et asseoir notre développement économique. Voilà ce dont il doit être question au XXIe siècle lorsqu’on parle de recherche et d’innovation. Dans une économie moderne, le travail en synergie des universitaires, des chercheurs et des entrepreneurs est la clé de la création de richesses. Le Gouvernement en a accepté l’idée en lançant les pôles de compétitivité, ce dont je me réjouis. Mais il faut désormais faire preuve de cohérence et garantir aux chercheurs et aux universitaires l’environnement juridique et économique qui leur permettra de fertiliser ces pôles, au bénéfice de notre économie.

Les amendements que je défendrai reprennent plusieurs des éléments d’une proposition de loi relative à l’économie de l’innovation que l’ai déposée en juillet dernier et que 171 collègues de l’UDF et de l’UMP ont cosignée. J’espère qu’ils recevront un accueil favorable.

M. Frédéric Dutoit - Intervenant sur l’article premier, je dirai ce que devrait être, selon moi, la programmation budgétaire des moyens de la recherche. Les deux périodes de fort accroissement de la recherche en France ont été les années soixante puis les années quatre-vingt. L’effort maximal en pourcentage du PIB a été atteint en 1993, mais depuis 1997, il n’a pas suivi, connaissant même un coup d’arrêt. Cela est d’autant plus grave que les carences sont également structurelles. En effet, traditionnellement, les grands États s’appuient sur des universités fortes pour développer les connaissances, étant entendu que les recherches peuvent avoir d’importantes retombées sociales. Certes, la recherche est maintenant devenue essentiellement un enjeu économique.

Pour que les moyens de la recherche publique et privée représentent 3 % du PIB d’ici à 2010, il convient d’accroître leur part actuelle dans le PIB de 40 %. Ils devraient donc augmenter de 25 milliards d’euros cumulés de 2005 à 2010 par rapport aux moyens ouverts en 2004. Ces 25 milliards supplémentaires devraient inclure la création de cinq mille emplois statutaires par an dans les universités et les organismes de recherche dans le cadre d’un plan pluriannuel pour l’emploi scientifique, la revalorisation des allocations de recherche qui devraient être indexées sur l’indice de la fonction publique, l’augmentation du nombre des allocataires de recherche de façon qu’il n’y ait plus aucun doctorant qui ne soit pas rémunéré ni sans garanties sociales, l’amélioration des carrières, notamment de leurs débuts, l’accroissement des crédits de paiement des universités, des EPST et des EPIC pour les porter au niveau des standards internationaux, la rénovation et la mise aux normes du patrimoine immobilier universitaire, le renforcement de la participation de l’État aux grands programmes industriels et technologiques adossés aux entreprises ou organismes publics et parapublics.

Il conviendrait également de plafonner les avantages fiscaux au niveau de ceux de 2006.

Enfin, afin de garantir la pérennité du financement de la recherche publique, au-delà de 2006, les budgets de l’ANR et de l’OSEO-ANVAR devraient s’ajouter à celui du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Faisant ces propositions, nous nous inscrivons dans une vision à long terme, dans le droit fil des décisions des Conseils européens de Lisbonne et de Barcelone de porter à 3 % du PIB le budget de la recherche en 2010. Les crédits annoncés en 2006 et 2007 sont très insuffisants pour atteindre cet objectif. Seule l’augmentation de 25 milliards d’euros que nous préconisons sur les années 2005-2010 le rendrait possible. Cet effort devrait bien entendu tenir compte de l’inflation. D’où l’importance de viser une augmentation des moyens en euros constants.

Disposer d’une recherche publique forte est pour la France et pour l’Europe un enjeu à la fois culturel, social et économique.

M. le Rapporteur – Monsieur Blanc, je doute que vous parveniez à nous démontrer que le LETI a déposé plus de brevets que le MIT… en dehors du domaine de la microélectronique. Vous jugez ce projet de loi inadapté à son temps. Permettez-moi de vous répondre que, disant cela, vous êtes, vous, hors de la réalité. Mieux vaut en effet progresser à petits pas rapides et sûrs qu’à grands pas hasardeux.

Rappelons-nous ce qui s’est passé en 1986, où une réforme très solide en est restée à l’ébauche.

Mais je voulais intervenir sur la programmation et vous rappeler, Monsieur le ministre, que j’avais déposé un amendement, adopté à l’unanimité, qui rétablissait la notion d’euros constants, dans le droit fil du Sénat.

M. Alain Claeys - Que dit le Gouvernement ?

M. le Rapporteur – Nous avons entendu beaucoup d’arguments contre cet amendement, notamment que l’article 40 lui était opposable, ce qui explique d’ailleurs – et je le regrette vivement – qu’il ne soit pas discuté en séance.

Je sais aussi que la programmation budgétaire, au-delà d’un an, commence à perdre sa signification. Je sais également que les dépenses engagées ne peuvent l’être que pour l’année à venir dans le cadre de la LOLF. Enfin, je sais que l’obligation juridique résultant d’une loi de programme sera d’autant plus limitée qu’à partir de 2007, elle entrera en conflit avec la souveraineté des assemblées parlementaires.

Pourtant, les députés ont voulu souligner la nécessité de maintenir l’effort en faveur de la recherche. Il est de 1,4 % du PIB en direction de la recherche publique et de 0,8 % pour la recherche privée, ce qui fait un total de 2,2 %.

M. Jean-Yves Le Déaut - C’est bidon !

M. le Rapporteur - Nous souhaitons que vous concluiez une sorte de contrat moral…

M. Pierre Albertini - C’est du déclaratif !

M. le Rapporteur - …avec les chercheurs et les universitaires. Dites-leur que vous espérez qu’à l’avenir, les principes qui ont guidé vos engagements en 2006 et 2007 seront respectés.

M. le Ministre délégué – Je sens que mon intervention est attendue, et pas seulement par le président Dubernard. Nous avons proposé, et ce n’est pas si fréquent, une loi de programmation pour la recherche. D’autres lois de programmation ont été votées par le passé, que l’on s’est empressé d’oublier, même dans la continuité politique.

Il s’agit pour nous d’un engagement concret : le texte a été présenté à l’automne dernier et les premiers efforts financiers ont été votés dans la loi de finances pour 2006. Il n’échappe à personne que 2007 sera une année d’élections et personne ne sait quelle en sera l’issue.

M. Alain Claeys - Ce n’est pas le problème !

M. le Ministre délégué – Oh que si ! Il eût été facile de fixer des objectifs chimériques, des chiffres ambitieux et inaccessibles pour la période 2008-2010.

M. François Brottes - Vous l’avez bien fait pour la police !

M. le Ministre délégué – Nous avons voulu souligner notre volonté de poursuivre l’effort financier. Nous avons voulu indiquer des montants, qui, quelles que soient les circonstances économiques, puissent être réalisés.

Il n’est pas d’usage que nos lois de programmation précisent s’il s’agit d’unités constantes ou courantes car les données économiques des dernières années de la période sont, par définition, inconnues. Une seule loi a fait exception à ce principe, mais la période concernée étant celle de la législature, elle nous engageait totalement.

Prenons une hypothèse d’école. Imaginons qu’en 2007, des responsables s’engagent dans une politique budgétaire semblable à celle qu’a conduite M. Fabius dans les années 1980. Nous aurions alors une inflation bondissante…

M. François Brottes - C’est de la politique-fiction !

M. Alain Claeys - Vous ne voulez pas répondre !

M. le Ministre délégué – Il est évident qu’il faudrait revoir de fond en comble les prévisions. Mais nos chiffres demeurent raisonnables, adaptés à des hypothèses raisonnables. Si les circonstances le permettent, il faudra même que le futur Gouvernement, appuyé par la future majorité, dépasse ces objectifs.

Nous avons voulu être ambitieux pour les années de notre ressort et fixer des chiffres accessibles pour la suite.

M. Jean-Yves Le Déaut - Le Parlement est bafoué, Madame la présidente. Chers collègues, vous êtes des godillots si vous acceptez cette explication !

M. le Ministre délégué – Nous voulons déployer un effort financier significatif pour la recherche. La Constitution impose que, chaque année, la loi de finances entérine les propositions du Gouvernement, et nous avons, hélas, trop d’exemples de lois de programmation qui ne sont jamais suivies d’effet. Nous prenons l’engagement que celle-ci le sera et nous espérons être ceux qui la mettront en œuvre.

Je voudrais également répondre très brièvement à M. Blanc. Monsieur le député, vous nous reprochez de parler beaucoup de moyens, mais non d’architecture. Tournez-vous plutôt vers la gauche de cet hémicycle pour faire de tels reproches. Ce n’est pas notre cas, mais il se trouve que l’usage, dans les lois de programmation, est de commencer par la programmation.

Faites-nous la grâce de croire que nous savons dans quel monde nous vivons, que nous connaissons aussi bien les faiblesses que les forces de notre recherche ! N’oublions pas que les chercheurs français se situent au premier plan pour de nombreux secteurs, qu’ils sont les premiers en mathématiques ou en physique, ce qui n’est pas négligeable !

Nous pensons qu’il est pragmatique d’engager une réforme d’envergure sans bousculer les structures, car le système français a aussi ses avantages. Bouleverser le paysage de la recherche, cela aurait pour effet de rendre notre système inefficace pendant de nombreuses années. Il est possible d’améliorer la recherche tout en maintenant le cadre actuel.

Nous n’empilons pas les structures, Monsieur Blanc. Toutes les structures nouvelles ont une finalité bien précise : nous n’avions pas d’agences d’appel à projets ou d’agence d’évaluation. Les structures qui, tel le LETI, associent les grands organismes, permettront aux acteurs de la recherche de développer de nouvelles coopérations.

En faisant confiance au monde de la recherche, en donnant une impulsion aux organismes existants grâce aux nouveaux outils offerts par la loi, nous accroîtrons l’efficacité de la recherche française (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Cohen - Monsieur le ministre, vous êtes en pleine contradiction et c’est extrêmement grave. Depuis le début du débat, vous appelez au consensus. Mais vous ne pouvez arguer du fait que l'Assemblée nationale aurait l’habitude de ne jamais établir une programmation au-delà de la législature.

M. le Ministre délégué – Je n’ai jamais dit cela !

M. Pierre Cohen – Si, vous avez dit que les gouvernements ne faisaient jamais de lois dépassant la période où ils étaient au pouvoir. Or, la loi relative à la programmation militaire ou la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure prouvent le contraire.

Vous n’avez pas répondu à la question de M. Dubernard. Nous considérons déjà que ce tableau ne répond pas à l’objectif de Lisbonne. Mais en plus, vous laissez planer l’idée qu’il est possible que l’inflation grignote chaque année 2 % du budget, soit sur cinq ans, près de deux milliards. Il nous apparaît donc nécessaire de savoir si, oui ou non, ce tableau est à euros constants. Nous demandons une suspension de séance afin que vous prépariez votre réponse.

La séance, suspendue à 18 heures 15, est reprise à 18 heures 20.

M. Alain Claeys - Rappel au Règlement sur le fondement de l’article 58. Ce projet de loi ne comportait aucun tableau chiffré lors de sa présentation au Sénat…

M. le Ministre délégué – C’est faux !

M. Alain Claeys - …et même si la discussion au Sénat a permis d’apporter certains éclaircissements, vous voulez nous faire adopter ce texte dans la précipitation et le flou le plus complet.

Dans sa sagesse, le rapporteur a fait une proposition accueillie favorablement par l’ensemble de la commission. Notre question est simple : raisonnons-nous en euros constants ou courants, Monsieur le ministre ? Vous parlez de 20 milliards d’euros en 2005, et de 24 en 2010, mais dans l’hypothèse d’une inflation et d’une croissance s’établissant à environ 2 %, la progression sera quasi nulle s’il s’agit d’euros courants.

L’amendement du président Dubernard a été repoussé au titre de l’article 40, comme le voulait la logique, mais votre refus de le reprendre n’est étayé par aucune justification valable : votre argument portant sur la durée de la législature ne tient pas, comme l’a montré l’exemple de précédentes loi de programme.

Même si cet amendement ne comble pas toutes les lacunes de votre projet de loi, nous avons besoin de faire un geste financier fort si nous voulons renforcer l’attrait des carrières scientifiques pour les jeunes, et redonner espoir aux chercheurs. Faut-il comprendre que vous avez perdu l’arbitrage financier au profit de Bercy, puisque vous restez paralysé dès le premier article de cette loi ?

Ce ne sont pas de bonnes intentions, ni un programme électoral que nous vous demandons, mais tout simplement que vous repreniez à votre compte cet amendement, comme peut le faire tout ministre de la République.

Mme la Présidente – Souhaitez-vous prendre la parole, Monsieur le ministre ? (Signe de refus de M. le ministre)

M. Pierre Cohen – Puisque le ministre ne veut pas nous répondre, nous demandons une nouvelle suspension de séance, qui lui donnera le temps de réfléchir ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué – Au risque de me répéter, cet amendement ne viendra pas en discussion, la commission l’ayant déclaré irrecevable.

En revanche, notre engagement pour 2006 et 2007 ne fait aucun doute, et il est même déjà devenu une réalité s’agissant de 2006. Au-delà de cette période, qui nous concerne directement, nous avons prévu que les crédits de recherche augmenteront plus vite que l’inflation et que le reste du budget de l’État, mais tout dépendra des circonstances économiques…

M. Pierre Cohen - C’est faux !

M. le Ministre délégué - …et du vote annuel de la majorité du moment, comme il se doit. Voilà la forme que nous donnons à notre engagement.

Par ailleurs, je n’ai jamais affirmé qu’une loi de programme ne peut aller au-delà de la durée d’une législature, mais seulement qu’un gouvernement qui fait voter une loi de programme s’engage surtout sur sa propre législature. Voilà une réalité politique qui n’aura échappé à personne !

M. Noël Mamère - Le flou de votre projet tend à masquer votre renoncement à mener une véritable politique de la recherche. Alors que les crédits régressent depuis trois ans, vous voulez nous faire croire, en déclarant l’urgence, que votre Gouvernement a enfin compris la gravité de la situation, et qu’il s’apprête à répondre aux exigences des chercheurs.

Avec le président de la commission, c’est la troisième fois que nous vous demandons de reprendre cet amendement, qui ne pouvait être adopté par la commission : une telle décision n’appartient qu’à vous ! Ce serait le moyen d’envoyer un signe politique au pays tout entier en nous confirmant que cette loi de programmation est bien en euros constants. Je suis consterné que vous soyez encore une fois, sur un sujet aussi important, le délaissé de ce gouvernement ; que vous soyez à la remorque d’un ministre de l’intérieur qui, lui, obtient tout ce qu’il veut pour mener une politique sécuritaire, avec des lois de programmation dont on se soucie peu de savoir si elles seront maintenues ou abrogées. Vous êtes bien peu sûr de votre fait pour indexer ainsi sur une nouvelle majorité votre loi de programmation et nous dire qu’à ce titre, vous ne pouvez prendre l’engagement qu’elle est en euros constants ! Mes collègues socialistes ont raison de demander une nouvelle suspension de séance : il faut que vous puissiez enfin nous dire clairement si, oui ou non, cette loi de programmation est en euros constants. Si ce n’est pas le cas, vous avez joué les Ponce Pilate aux dépens des chercheurs.

M. le Rapporteur – Remettons les choses à leur juste place. J’ai considéré, Monsieur le ministre, qu’il était de mon devoir d’aborder ce sujet même si l’amendement que nous avions voté est tombé sous le coup de l’article 40. Il tombe aussi, du reste, sous le principe de l’annualité budgétaire, et nul ne peut préjuger de la majorité qui sera élue en 2007. Je considère pour ma part que la réponse du ministre est satisfaisante : pour 2006 et 2007, voire au-delà pour autant que les engagements vaillent, le calcul en euros constants est retenu.

M. Jean-Yves Le Déaut – Le sujet est très important. Nous avons estimé en commission qu’il fallait affirmer dans la loi que notre effort de recherche devait être porté à 3 % du PIB en 2010. Pour y parvenir en euros courants, il faut 10 milliards d’euros, qui n’ont pas été prévus dans cette programmation. Afin de « rattraper » 2 des 10 milliards nécessaires, les rapporteurs des deux commissions qui ont examiné ce texte ont proposé de retenir un calcul en euros constants, ce qui a été voté à l’unanimité. Et l’on vient aujourd’hui nous dire que l’amendement en question est tombé sous le coup de l’article 40 ! À quoi sert-il de représenter la nation si on ne peut changer un seul chiffre d’une loi de programmation ? La recherche est sacrifiée en France, et nous ne pourrions rien faire ? Non, mes chers collègues, la réponse du ministre n’est pas satisfaisante, même d’ici 2007, puisque l’inflation n’a pas été prise en compte ! La solution que nous proposions n’était certes pas la meilleure, mais du moins y avait-il 2 milliards ! Si la recherche est vraiment une priorité, le Gouvernement doit reprendre cet amendement. C’est très grave : il s’agit de la priorité que notre pays, hormis sous le général de Gaulle et sous François Mitterrand, n’a jamais su donner à la recherche. La suspension de séance demandée par Pierre Cohen s’impose donc.

Mme la Présidente - Je vous l’accorde. Puisse-t-elle nous permettre de reprendre nos débats dans la sérénité.

La séance, suspendue à 18 heures 35, est reprise à 18 heures 50.

M. le Ministre délégué – Dans ce débat, l’opposition avait des arrière-pensées. Pourtant, n’ayant pas mené une politique de la recherche bien ambitieuse lorsqu’elle était au pouvoir, elle ne devrait pas faire la fine bouche devant une augmentation de 6 milliards en trois ans et la création de vrais emplois, à la différence de ceux promis dans le passé.

Pour l’avenir, bien entendu, les montants inscrits dans toute loi de programmation doivent être confirmés dans les lois de finances annuelles. Mais pour vous rassurer totalement sur nos intentions, si nous avons toujours la responsabilité de la politique après les élections, pour 2008, 2009 et 2010, les montants qui figurent dans ce projet de loi de programmation s’entendent en euros constants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Déaut - Enfin !

M. le Ministre délégué - Cela devrait faire retomber cette polémique bien inutile.

L’important reste que nous ayons une loi de programmation, que nous commencions à l’appliquer avec des moyens supplémentaires pour l’ANR et pour les organismes de recherche. Telle est notre politique. Le reste, ce sont des mots. Mais ces mots vous engagent pour l’avenir, Messieurs de l’opposition. Nous voulons que chacun s’engage à ce que la recherche soit, durablement, une priorité pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Claeys – Nous n’avions aucune arrière-pensée, mais seulement un souhait, celui d’améliorer et de garantir l’avenir de la recherche en France. Si nous avons mené cette discussion, suite à un amendement du président de la commission adopté à l’unanimité par celle-ci, c’est que nous le pensions juste. Vous venez de le reconnaître. Nous en prenons acte, car nous avons décidé d’être constructifs, dans l’intérêt de la recherche.

Mais n’essayez pas de nous donner des leçons. Vous avez perdu trop de temps : deux ans entre l’engagement du Président de la République et la discussion de ce projet, sans oublier les réductions successives des crédits de la recherche après 2002 (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre délégué – Non !

M. Alain Claeys - Je ne veux pas polémiquer, mais c’est la transformation de 500 postes de titulaires en postes précaires qui a lancé le mouvement des chercheurs en janvier 2004 !

Il a donc fallu une heure et demie pour que le ministre arrive aux conclusions du rapporteur. Nous nous en félicitons.

M. le Rapporteur - Je salue l’esprit de compréhension du ministre. L’amendement n’est pas en discussion, mais j’ai voulu en parler tout de même, car le sujet est important – et en tant que président de la commission, je représente ici tous ses membres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

En commission, nous étions très satisfaits de la somme considérable – 6 milliards –que vous nous avez annoncée pour 2006 et 2007. Nous le sommes plus encore de savoir que si cette majorité se maintient, les crédits ultérieurs sont en euros constants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Accoyer - C’est une bonne nouvelle pour la France !

M. Pierre Albertini - Le travail du Parlement ne dépend pas d’échéances dont nul ne connaît l’issue, et par notre amendement 196, nous voulons rappeler l’engagement fort pris à Lisbonne de consacrer 3 % du PIB à la recherche en 2010. Nous en sommes à 2,2 %. La Finlande et la Suède ont déjà atteint l’objectif de Lisbonne. Pourquoi nous serait-il interdit ? La défaillance vient, très largement, de la recherche privée, et la stratégie de Lisbonne recommande d’augmenter régulièrement sa part dans les pays où elle est trop faible.

Certes, la loi de programmation n’engage que ses auteurs, puisque chaque année, c’est dans la loi de finances qu’on fixera le montant réel de l’effort de recherche. C’est d’ailleurs probablement une des raisons pour lesquelles la culture de la LOLF aura du mal à s’implanter. Si elle ne sert qu’à évaluer l’action de l’administration, dans un esprit de discipline budgétaire, sans remettre en cause les objectifs des politiques publiques, nous n’aurons réussi que très partiellement à donner toute sa portée à l’action du Parlement.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. Il s’agit là d’un engagement de la France auprès de ses partenaires européens, et il a été précisé à Barcelone en 2002 que les 3 % correspondaient à 2 % pour la recherche privée et 1 % pour la recherche publique. Si la première est loin du compte, on peut espérer qu’avec l’agence pour l’innovation industrielle et les pôles ce compétitivité, le mouvement s’accélère. Pour la recherche publique, nous en sommes déjà à 1,4 %. Ne figeons pas la situation à un niveau plus bas.

M. le Ministre délégué – Même avis défavorable. M. Albertini est trop fin juriste pour ne pas savoir que nous ne sommes pas ici dans le domaine de la loi, mais dans le cadre d’une ambition, qui dépend d’ailleurs largement des entreprises. Nous ne pouvons pas disposer pour elles.

M. Pierre Cohen - Nous avons tous dit en commission qu’il fallait que le projet soit « eurocompatible ». Puisque nous sommes tous d’accord sur l’objectif, pourquoi ne pas l’écrire dans la loi ?

Je constate d’autre part que nous n’avons pas les mêmes chiffres ou que nous ne faisons pas les mêmes calculs, Monsieur le rapporteur : comment arrivez-vous donc à 1,4 % ? Je suggère que l’on nous apporte d’ici demain un tableau qui puisse nous convaincre de la justesse de ce taux !

M. Daniel Garrigue - Ce sont des objectifs qui ont été fixés à Lisbonne, pas des obligations ! Fixer pour la recherche un objectif de dépense de 3 % du PIB a permis une utile prise de conscience, mais il ne s’agit pas d’un objectif contraignant. D’ailleurs le groupe de travail conduit par Wim Kok a conclu que les objectifs fixés pour 2010 ne pourraient pas être atteints, notamment compte tenu du retard pris dans les années 2000 à 2002.

C’est dire aussi que nous sommes un peu fatigués de recevoir des leçons de la part de ceux qui ont été aux affaires entre 1997 et 2002. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Cohen - C’est vous qui avez asphyxié la recherche !

M. Daniel Garrigue - Vous avez voté en 1999 une loi sur l’innovation et la recherche, dans laquelle il n’y avait pas un seul chiffre de programmation, alors que vous aviez la croissance et que vous participiez à la préparation de la stratégie de Lisbonne !

Aujourd’hui, une volonté s’affirme ! Ne faites donc pas la fine bouche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Cohen - La volonté n’est pas venue toute seule ! Il a fallu beaucoup vous pousser.

M. Jean-Yves Le Déaut - Pour atteindre les objectifs qui ont été fixés à Lisbonne – avec l’accord du Président de la République, Monsieur Garrigue, sans vouloir donner de leçons –, il faudra que la recherche publique soit capable d’entraîner la recherche privée et qu’elle bénéficie pour cela de moyens beaucoup plus élevés qu’aujourd’hui. J’en profite pour dire que la loi de 1999 était une loi sur l’innovation, pas sur la recherche, et que la stratégie de Lisbonne n’était pas encore arrêtée…

M. Daniel Garrigue - Vous la prépariez !

M. Jean-Yves Le Déaut – Quoi qu’il en soit, si l’on veut se rapprocher un peu des objectifs de Lisbonne, il faudrait au moins que l’on écrive dans la loi ce qu’a demandé unanimement la commission, à savoir que les budgets prévus soient en euros constants. Par ailleurs, je soutiens la demande de M. Cohen : nous aimerions savoir comment le Gouvernement arrive au taux de 1,4 % et nous aimerions donc disposer demain d’un tableau retraçant la structure de financement de la MIRES.

L'amendement 196, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 109 est rédactionnel.

M. le Ministre délégué – Favorable. Je veux seulement dire au groupe socialiste que les chiffres se rapportant aux dépenses de recherche et développement s’appuient sur des statistiques européennes parfaitement claires et aux définitions normées. Ce sont des documents accessibles à tous. Arrêtons donc ce faux débat !

Mme Anne-Marie Comparini - J’avais déposé au nom du groupe UDF un amendement qui se rapportait aussi à l’annexe mais qui a été écarté au titre de l’article 40. Nous y proposions que la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » bénéficie d’une augmentation annuelle minimale de 3 %, étant entendu que la formation doit aller de pair avec la recherche. Notre pays est l’un des rares qui dépensent plus pour un lycéen que pour un étudiant. Les besoins de l’enseignement supérieur sont grands, qu’il s’agisse de rénover le patrimoine immobilier ou d’augmenter le nombre des allocataires de recherche.

Le début de ce texte doit être l’occasion de faire passer un message fort auprès des acteurs de la recherche, qui doivent être assurés qu’eux aussi pourront compter sur une hausse minimale. L’article 40 ayant été opposé à mon amendement en ce sens, je me demande si le Sénat a une interprétation plus souple de cet article, puisqu’il a laissé passer l’annexe.

La recherche française ne saurait être la simple somme des projets financés par l’ANR. Il faut que les organismes et les universités aient aussi la garantie que leus moyens augmenteront.

Mme la Présidente - Je vous confirme que le Sénat n’a pas les mêmes règles que l’Assemblée concernant l’article 40.

L'amendement 109, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 110 de la commission supprime l’alinéa 4 de l’article premier pour le replacer ailleurs, en fin de projet.

M. le Ministre délégué – Sagesse de l’Assemblée.

M. Pierre Cohen - Où exactement et sous quelle forme ?

M. le Rapporteur - L’amendement 177, que vous trouverez page 264 du rapport, dispose qu’un rapport sur la mise en œuvre de la présente loi sera présenté par le Gouvernement au Parlement à l’occasion de l’examen des projets de loi portant règlement définitif des budgets de 2006 à 2010 et qu’il dressera notamment un bilan de l’emploi des chercheurs dans le secteur public et dans le secteur privé. Vous l’avez voté en commission.

L'amendement 110, mis aux voix, est adopté.

M. Alfred Marie-Jeanne - L’amendement 107 prévoit également le dépôt d’un rapport qui établisse les conditions du développement de la recherche en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique, définisse ses objectifs et propose le cas échéant de nouvelles dispositions tenant compte de leurs situations particulières.

Les chercheurs qui exercent dans ces régions ont en effet des craintes importantes concernant, par exemple, la réduction de l’offre de formation universitaire, l’aspiration des cerveaux vers les pôles de compétitivité ou le risque de détourner les étudiants de l’université des Antilles et de la Guyane. Ils appellent l’attention sur la nécessité d’une réflexion quant aux conditions de l’instauration d’un pôle de compétitivité – car chez nous, il n’y a pas de grandes entreprises, de mécénat ni de fondation –, et sur le fonctionnement particulier de l’université des Antilles et de la Guyane, éclatée entre les trois territoires. C’est pourquoi j’insiste pour que l’université joue un rôle fédérateur.

M. le Rapporteur – Cet amendement a beaucoup intéressé la commission, qui lui a donné un avis favorable. À titre personnel, deux remarques : j’ai eu l’occasion de me rendre compte, à la Réunion, de la qualité des relations entre l’université et des organismes de recherche tels que l’INRA. Je vous propose donc de mentionner la Réunion dans votre amendement, ainsi que d’enlever le terme « également », qui n’est pas approprié.

M. Alfred Marie-Jeanne - Je suis d’accord.

M. le Ministre délégué – Je souscris totalement à l’objectif de M. Marie-Jeanne. Faut-il que cette disposition figure dans la loi ? Je m’en remets en la matière à la sagesse de l’Assemblée.

L'amendement 107 ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère - L’amendement 26 prévoit une gestion prévisionnelle de l’emploi, par le biais d’un plan pluriannuel des postes d’enseignants chercheurs, de chercheurs et des autres catégories de personnel concernées, afin de faire face aux prochains départs massifs en retraite. Il ne me semble pas devoir poser de problème.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par le 114 après l’article premier.

L'amendement 26, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L’amendement 111 apporte une précision.

L'amendement 111, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L’amendement 113 est de précision.

M. le Ministre délégué - Avis favorable.

M. Pierre Cohen – Vous proposez une modification de la terminologie qui n’est pas sans conséquences. Vous affirmez que le budget augmente d’un milliard, dont 360 millions d’avantages fiscaux. Même si nous ne partageons pas cette présentation des choses, « avantages fiscaux » est le bon terme : les entreprises paieront moins d’impôts grâce à leur effort de recherche. L’expression « dépenses fiscales » suggère plutôt qu’il s’agit d’une dépense budgétaire.

L'amendement 113, mis aux voix, est adopté.
L'article premier et l’annexe, modifiés, mis aux voix, sont adoptés.

après l'Article premier

M. Alain Claeys - Il n’y a pas de gestion prévisionnelle des emplois sans plan pluriannnuel. C’est l’objet de l’amendement 266 rectifié. Vous avez fait état du passé, Monsieur le ministre : je vous rappelle que le plan pluriannuel avait été mis en place en 2000 par le gouvernement Jospin, et que la première mesure du gouvernement Raffarin, en 2002, a été de le supprimer. Cela a été une faute : à l’heure d’une crise des vocations scientifiques, la représentation nationale et le Gouvernement doivent donner de la lisibilité aux jeunes qui choisissent cette carrière ; par ailleurs, nous allons bientôt être confrontés à des départs massifs en retraite.

Comment voulez-vous rendre cette loi crédible si la nation ne s’engage pas dans la durée, quelles que soient les alternances, sur un plan pluriannuel d’embauche des chercheurs, enseignants-chercheurs et de l’ensemble du personnel concerné ? On sait que le départ en retraite d’un chercheur dans un laboratoire doit s’anticiper sur plusieurs années. Nous souhaitons connaître votre position sur la programmation pluriannuelle.

M. le Rapporteur – La question de l’emploi a déjà été abordée en détail depuis le début de la discussion et la notion de gestion prévisionnelle a été validée sur tous les bancs. Mais de quel type doit-elle être ? Une gestion souple, qui permette d’anticiper, ou des principes rigides qui nous entravent et nous empêchent de nous adapter aux évolutions des structures de recherche ? La commission a donc préféré la rédaction de l’amendement 114, qui offre une réelle visibilité dans le domaine de l’emploi avec un état prévisionnel et indicatif sur cinq ans, présenté chaque année par le Gouvernement, des recrutements de personnel statutaires et non statutaires dans la fonction publique. Il répond au souci de Mme Comparini d’avoir une évolution glissante. La commission a donné un avis défavorable à l’amendement 57 de la commission pour avis, car il est satisfait par le 114.

M. le Ministre délégué – Il est assez difficile de prévoir quels emplois seront créés à l’horizon de cinq ans, surtout selon la distinction que pose l’amendement 114 entre emplois statutaires ou non. Les responsables d’organismes de recherche n’en seront pas capables. On peut regretter que la gestion des ressources humaines ne soit pas meilleure, mais c’est la réalité de la situation. N’oubliez pas que la LOLF donne aux gestionnaires de programmes une très grande latitude en matière d’emplois. En effet, le principe de fongibilité asymétrique, voulu par le législateur, permet que des crédits de personnel soient transformés en crédits de fonctionnement.

Cinq ans sont vraiment un horizon lointain en matière de gestion des ressources humaines. Toute prévision à cet horizon serait donc sujette à caution. C’est pour cette raison pratique que je ne peux être favorable à ces amendements, même si je partage avec vous l’objectif d’amener les organismes à établir des prévisions aussi fiables que possible, spécialité par spécialité. Mais il ne faudrait pas, par des prévisions hasardeuses, abuser les futurs candidats.

M. Pierre Cohen - Monsieur le ministre, je note que vous répondez sur le plan technique dans un débat éminemment politique.

Que les choses soient claires : nous avions critiqué, entre 1997 et 1999, le manque de souffle de la politique de recherche, en particulier en matière de recrutements. Et dans le rapport que nous avons présenté en 1999 avec Jean-Yves Le Déaut, nous insistions en premier lieu sur la nécessité d’une programmation pluriannuelle des recrutements dans l’emploi scientifique, vu qu’entre 2008 et 2012 auraient lieu des départs massifs en retraite. Je comprends bien qu’un plan établi à l’horizon de cinq ans ne puisse être intangible et doive être adapté chaque année. Il n’en reste pas moins indispensable, si l’on veut que des jeunes se passionnent de nouveau pour la recherche, qu’ils sachent s’il offrira de nombreux emplois dans les années à venir. Nous disions également dans notre rapport qu’il ne fallait pas seulement programmer des recrutements de chercheurs, mais aussi d’ingénieurs, de personnels techniques et administratifs.

M. le Ministre délégué – Nous l’avons fait.

M. Pierre Cohen - Il ne faut pas le faire sur une année seulement, mais sur cinq.

Mme Anne-Marie Comparini - Je comprends bien, Monsieur le ministre, qu’un état prévisionnel des effectifs sur cinq ans pose quelques problèmes au regard des règles de la comptabilité publique. Mais, comme cela est fort bien indiqué dans l’exposé des motifs de l’amendement 57, toute politique cohérente de l’emploi scientifique doit s’inscrire dans le long terme afin de permettre une gestion rationnelle des ressources humaines. Avec ces amendements, nous sommes au cœur du problème. Une visibilité à long terme est indispensable.

L'amendement 266 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 114, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Yves Le Déaut - Par l’amendement 267 rectifié, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre 2006, un rapport sur la mise en place d’un plan pluriannuel de l’emploi scientifique. Nous l’avions démontré dans notre rapport de 1999, des départs en retraite massifs vont avoir lieu dans l’enseignement supérieur et la recherche entre 2006 et 2012. Si ce mouvement n’est pas anticipé, on risque de manquer d’enseignants et de chercheurs. Tout le paradoxe est qu’aujourd’hui, les jeunes se détournent des carrières scientifiques, alors que les besoins seront considérables demain. Notre question est simple : comment ces départs en retraite massifs seront-ils gérés ?

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement, préférant un état annuel glissant.

M. le Ministre délégué – Même avis. L’amendement 114 adopté tout à l’heure satisfait d’ailleurs celui-ci. Pour faire face aux départs en retraite prévus dans les années à venir, des recrutements massifs sont prévus. Mais il est difficile de faire des prévisions.

M. Pierre Cohen - Je comprends mal le concept d’état annuel glissant. Je comprendrais que l’on établisse un plan pluriannuel à horizon de cinq ans, adapté ensuite chaque année. Mais nous présentera-t-on chaque année un nouveau plan à horizon de cinq ans ?

L'amendement 267 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Déaut - Nous proposons par l’amendement 338, qu’un rapport d’évaluation des niches fiscales soit remis par le Gouvernement. Le constat est le suivant : sur les 10 000 docteurs formés, seuls 1 500 sont employés, dans les meilleures années, par le secteur privé. Les déductions fiscales, et notamment le CIR doivent être évalués à la lumière de l’emploi scientifique. François Hollande a expliqué hier qu’il était favorable à ce que l’on attribue ces déductions fiscales en lien avec l’emploi des jeunes docteurs dans le secteur privé.

Nous voulons connaître la vérité, d’autant plus que cette programmation mélange les crédits de la MIRES, ceux de l’ANR et les déductions fiscales : c’est le mariage de la carpe et du lapin !

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement, car elle a adopté un amendement semblable après l’article 16 bis. Par ailleurs, cette évaluation est réalisée dans le cadre de la LOLF. Je vous demande par conséquent de retirer cet amendement.

M. le Ministre délégué – Même avis.

L'amendement 338, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Anne-Marie Comparini – Pour le groupe UDF, l’article premier est le moyen de fonder l’action en faveur de la recherche. Nous voulons, par l’amendement 198, affirmer le rôle des collectivités locales. Je sais qu’un article relatif aux PRES évoque ce rôle mais je trouve intéressant d’envisager une contribution des collectivités locales qui aille au-delà.

M. le Rapporteur – La commission a rejeté cet amendement car les collectivités locales, dont nous connaissons l’importance, ont déjà la possibilité de s’impliquer et de contribuer au développement de la recherche dans les PRES, et même dans les réseaux de recherche technologique avancée. La bulle « biosphère 2 » est ainsi née de la volonté d’un État américain, l’Arizona : cela procède du même esprit.

M. le Ministre délégué – Rien ne s’oppose à l’intervention des collectivités territoriales. Mais cet amendement, tel qu’il est rédigé, c’est le pâté de cheval et d’alouette ! Les collectivités locales financent la recherche à hauteur de 450 millions, tandis que l’État lui consacre 20 milliards. Mais votre rédaction laisse entendre que l’État viendrait renforcer l’action des collectivités locales ! Cela ne me semble pas convenable.

J’ajoute que la politique de la recherche est du ressort de l’État, et qu’il n’est pas question que nous ayons 22 politiques de recherche atomisées sur le territoire. Naturellement, les collectivités locales sont les bienvenues dans le soutien – pas seulement financier – qu’elles apportent à la recherche.

M. Pierre Cohen - Cet amendement est ambigu, dans la mesure où il existe des contrats de plan État-région dans les domaines de transferts de technologie, d’innovation et de recherche. En outre, il laisse à penser qu’il y a glissement de compétence de l’État vers les collectivités locales.

Mme Anne-Marie Comparini – Je vous demande simplement de lire cet amendement, qui dit que l’État concourt « avec » les collectivités au développement de la recherche. Votre commentaire montre que les clones du référendum de 1969 sévissent encore dans cette assemblée.

L'amendement 198, mis aux voix, n'est pas adopté.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 55.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

© Assemblée nationale