Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit

Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du jeudi 9 mars 2006

Séance de 9 heures 30
71ème jour de séance, 165ème séance

Présidence de M. Yves Bur
Vice-Président

Consulter le sommaire

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Retour au haut de la page

droit d’auteur et droits voisins
dans la société de l’information (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

M. Christian Paul – Rappel au Règlement. Je voudrais communiquer au Président de notre Assemblée et au Gouvernement la lettre que le président du groupe socialiste, Jean-Marc Ayrault, vient d’adresser au Premier ministre.

L’examen du projet de loi sur le droit d’auteur dans la société de l’information, moment législatif particulièrement important, a tourné à une humiliation inacceptable pour les institutions de notre République.

Chacun a en mémoire la suspension de nos travaux au mois de décembre, qui devait donner lieu à un examen sérieux du sujet grâce à des consultations approfondies, d’ailleurs menées en dehors de cet hémicycle. Notons au passage que l’opposition n’avait encore jamais été entendue, ni même invitée à participer au débat.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - C’est faux !

M. Christian Paul - Nous n’avons eu l’occasion de vous interroger qu’il y a huit jours, lorsque vous êtes venu devant la commission des lois !

Depuis lundi soir, nos débats ont tourné au simulacre de démocratie, le Gouvernement ayant décidé de retirer l’article premier amendé. Nous avions immédiatement dénoncé cette mauvaise manière faite au Parlement, ainsi que l’inconstitutionnalité de cette décision...

Plusieurs députés du groupe UMP – Vous l’avez déjà dit mille fois !

M. Christian Paul – …mais le Président, s’appuyant sur des précédents historiques, avait paru épouser la thèse du Gouvernement, au moins le temps de cette soirée.

En décidant de soumettre à une deuxième délibération l’article premier amendé, vous avez ensuite fait volte-face, car votre procédure encourait un risque d’inconstitutionnalité, comme M. Accoyer et le ministre l’avaient enfin reconnu. Un tel désordre témoigne d’une méconnaissance totale des procédures parlementaires, qui ridiculise nos institutions.

Nous vous demandons donc instamment de prendre la seule décision qui nous permettrait de sortir de cette situation la tête haute, et de nous remettre sérieusement au travail : suspendez l’examen de ce texte et acceptez la création d’une mission d’information parlementaire regroupant tous les groupes de l’Assemblée, et peut-être commune avec le Sénat, afin que nous puissions jeter les bases d’une loi enfin consensuelle.

Sur un sujet aussi important et aussi conflictuel, où des intérêts contradictoires s’affrontent, il est en effet inenvisageable qu’un camp l’emporte sur l’autre. Je ne fais pas allusion à l’opposition entre la droite et la gauche, tant les clivages sont internes à chaque groupe, mais à la fracture qui sépare les artistes et les internautes, les auteurs et les interprètes. Nous ne pouvons pas légiférer dans de telles conditions sur un sujet qui touche à l’avenir de la culture en France et au droit de l’internet !

Il ne faudrait pas que nous votions par discipline de groupe sur les trois cents ou quatre cents amendements qui ont été déposés sur des sujets aussi complexes et essentiels que les mesures techniques de protection, le logiciel libre, ou l’avenir de l’innovation et l’emploi dans le secteur informatique, pour la seule raison que vous n’aurez pas eu le courage de marquer une pause dans l’examen de ce texte.

Voilà, mes chers collègues, ce que le président du groupe socialiste a écrit au Premier ministre. Afin que nous puissions prendre connaissance de la position du Gouvernement, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance.

M. le Président – Comme j’ai été saisi de plusieurs demandes de rappel au Règlement, je vais donner la parole aux différents orateurs, si vous en êtes d’accord, avant de demander au ministre d’y répondre, et enfin d’accéder à votre demande, qui est de droit.

À titre personnel, je voudrais toutefois souligner qu’il serait bon de sortir du débat procédural…

M. Christian Paul - Il y a plusieurs façons d’en sortir !

M. le Président - …afin d’entrer dans le vif du sujet, dont l’importance n’échappe à personne. C’est en effet ce qu’attendent tous ceux qui nous regardent, ainsi que les jeunes et l’ensemble du monde de la culture.

M. Frédéric Dutoit - Rappel au Règlement. Je partage votre opinion, Monsieur le Président : il faut que nous débattions du fond.

Sans revenir sur les récents incidents, je voudrais néanmoins relever un fait précis : le Premier ministre s’est paré de toutes les vertus en remettant en discussion l’article premier du texte, mais il ne poursuit qu’un objectif : éviter l’écueil d’une censure par le Conseil constitutionnel.

Son objectif est désormais d’obtenir le rejet de l’article premier, après un simulacre de débat, et de faire adopter l’amendement 272 dans la foulée. L’examen du projet pourrait ainsi retrouver un semblant de cohérence, mais le Gouvernement anticipe le résultat de notre vote. Or, on peut s’interroger sur la légalité d’une procédure ainsi suspendue à un vote conforme au souhait du Gouvernement : dans l’hypothèse, peu probable il est vrai, où l’article premier serait adopté, ainsi que l’amendement 272, nous aurions deux articles de même objet et contradictoires.

Le Gouvernement pourrait sortir d’une telle situation par le haut en retirant son projet et en organisant un vrai débat, mais reconnaissez en tout cas, Monsieur le Président, que le Gouvernement a anticipé le vote de l’Assemblée, ce qui ne semble guère respectueux de notre Constitution.

M. le Président – Il ne s’agit pas de tirer des plans sur la comète, Monsieur Dutoit. Si l’article premier devait effectivement être adopté, il faudrait en tirer toutes les conséquences, mais nous n’en sommes pas là.

M. Dominique Richard - Rappel au Règlement. C’est un mauvais procès que vous faites au Gouvernement : le ministre a dit et répété qu’il se tenait à la disposition de chaque député qui souhaiterait le rencontrer, mais ce n’est pas à lui d’inviter la commission à s’entretenir avec lui ! Dès leur demande, il a immédiatement rencontré les commissions qui l’ont invité.

La vérité est d’une grande simplicité : le parti socialiste est dans l’embarras car il est divisé sur cette question. Il veut faire diversion parce que ce texte comporte des avancées qui servent les internautes et les auteurs. Par respect pour eux, il est temps d’en venir au texte.

M. François Bayrou - Je voudrais faire un rappel au Règlement. J’imagine, Monsieur le ministre, que vos collaborateurs vous ont fait part de l’ambiance qui régnait dans les couloirs de l’Assemblée hier soir. L’un des mots les plus utilisés était celui d’apocalypse. Jamais, disaient des députés éminents de tous les groupes, ne s’est vu un tel désordre, un tel embrouillamini, un tel chaos. Ce matin, les commentaires des radios étaient encore plus sévères. Le benjamin de l'Assemblée nationale, M. Wauquiez, a employé des mots qu’aucun d’entre nous ne peut renier. À ce stade, il n’est pas possible d’imaginer forcer le débat. Ce n’est pas la première fois dans cette enceinte que nous demandons au Gouvernement de faire preuve de raison. Il s’agit d’un débat extrêmement difficile, que beaucoup de commentateurs ont du mal à comprendre, et peut-être beaucoup de parlementaires aussi. C’est un débat très technique qui aura des conséquences considérables sur la société, le monde de la culture et le modèle de l’internet.

Monsieur le ministre, il faut suspendre le débat et réunir une mission d’information. Il faut aussi lever l’urgence, pour nous redonner au moins la sécurité des allers-retours entre l’Assemblée et le Sénat. Si nos institutions prévoient la navette, ce n’est pas seulement pour que les parlementaires puissent faire leur travail au mieux, mais également pour que les citoyens puissent se faire entendre auprès d’eux. Ils exercent ainsi à la fois leur fonction d’élaboration de la loi et de représentation. Les enjeux sont tels – culture, rémunération des artistes, logiciels libres, respect de la vie privée, principe de la copie – que les députés devraient être unanimes pour demander au Gouvernement, et au besoin lui imposer, de redonner de la dignité à nos travaux et de prendre le temps de la réflexion.

M. Richard Cazenave - Je voudrais faire un rappel au Règlement. Il y a un autre aspect de l’image que nous donnons qui est déplorable : celui d’une assemblée qui, sur trois heures et demi de séance hier soir, en a consacré deux et demi à parler…

M. Patrick Bloche - La faute à qui ?

M. Richard Cazenave - Lorsque vous parlez, nous ne vous interrompons pas !

M. Christian Paul - Parce que vous êtes accablés !

M. Richard Cazenave - Pas du tout ! Ne nous interrompez pas : vous avez un temps de parole, dont vous usez et abusez. Nous vous écoutons avec patience, et nous trouvons cela normal. Gardez donc, s’il vous plaît, un peu de modestie.

M. Christian Paul - Il y a un Règlement, ici ! Nous n’en abusons pas.

M. le Président – Monsieur Paul…

M. Richard Cazenave - Nous donnons l’image d’un Parlement qui passe son temps à débattre de questions de procédure. Rien n’a été fait pour l’empêcher de s’exprimer : il y a simplement eu hésitation sur la manière de prendre en compte toutes les réflexions qui ont été faites depuis deux mois et demi et d’introduire dans le texte les éléments d’équilibre qui faisaient défaut. Si le Gouvernement avait choisi le passage en force, nous n’aurions pas ce genre de discussion ! La situation ne résulte pas d’une volonté de museler la démocratie, mais au contraire de nourrir le débat. Le résultat est que nous allons voter deux fois : et alors ? Nous aurions préféré éviter ces hésitations de procédure, mais maintenant, et pour la dignité des débats, il faut en venir au fond d’un texte qui intègre, parce que nous en avons décidé ainsi, les remarques qui ont été faites depuis sa première discussion.

M. Alain Suguenot - Je voudrais faire un rappel au Règlement. Il est temps de sortir de la politique politicienne : on ne fait de la procédure que pour éviter d’en venir au fond. L’avenir de l’économie de la culture face à la mondialisation et au numérique constitue un défi, et c’est cela qui intéresse les Français. Inventer la culture de demain, fondée sur une collaboration inédite entre créateurs, producteurs et public est difficile. Il faut donc rester modestes. Nous devons encore travailler, intégrer d’autres évolutions. Pour cela, il faut se poser les bonnes questions : comment traduire la révolution en cours en nouveaux emplois, en nouvelles opportunités de compétitivité, en nouvelles sources de revenus pour les créateurs ? Comment maintenir l’Europe dans la compétition numérique ? Des millions d’emplois, et accessoirement notre rayonnement culturel, sont en jeu. Certains l’ont oublié. Le discours manichéen sur le droit d’auteur ne fait que renforcer le sentiment que la sphère politique n’est pas capable d’appréhender les nouveaux modes de consommation numérique. Le risque est que les internautes, en France et au-delà, fustigent les acteurs de la culture alors qu’ils adulent les consoles portables japonaises et les baladeurs américains. Ce débat dépasse largement le microcosme d’où certains le voient et il est temps de se remettre au travail.

M. Patrick Ollier - Je voudrais faire un rappel au Règlement. Certains propos relatifs à la disponibilité du ministre me posent problème. Le sujet est complexe, et nous avons tous eu le souci de disposer d’une information complète. La commission des affaires économiques a donc souhaité rencontrer le ministre. Lors de sa réunion du 22 février, où l’opposition était largement représentée, le débat a été dense et positif.

M. Christian Paul - La réunion a été annoncée une heure à l’avance !

M. Patrick Ollier - Certainement pas en ce qui concerne la commission des affaires économiques, dont vous ne faites d’ailleurs pas partie.

M. Christian Paul – Je voulais assister à la réunion !

M. Patrick Ollier – Vous étiez libre d’y assister, et l’audition a été annoncée plusieurs jours à l’avance. Il ne faut donc pas faire de mauvais procès au ministre.

Le texte pose des problèmes de fond, qui ne peuvent être traités que par un débat démocratique.

M. Christian Paul - Il n’est pas mûr !

M. Patrick Ollier – Chacun doit pouvoir faire part de sa position, et l’Assemblée pourra ensuite trancher. Elle ne doit pas laisser réussir les manœuvres politiciennes qui visent à réduire cette affaire à un problème de procédure. Le ministre a largement exposé ses arguments. Il est temps de reprendre le travail, puis chacun votera en son âme et conscience.

M. Patrick Bloche - Je voudrais faire un rappel au Règlement. Nous voulons tous traiter le fond du sujet : c’est pour cela que nous sommes ici. Quant à la disponibilité du ministre, convenez à tout le moins que l’examen du projet a commencé, le 20 décembre, sans qu’il ait été entendu et que, le 21, lorsque la logique même du texte a été remise en cause par une majorité de l’Assemblée, il n’a pas eu le souci de rencontrer les députés ! Il a fallu attendre le 22 février pour une audition en commission des affaires économiques, et encore l’avons-nous apprise trop tard pour pouvoir nous y rendre, et c’est dans la même matinée du 1er mars qu’ont eu lieu ses auditions par la commission des lois et par celle des affaires culturelles.

Pour nourrir le débat, nous avons posé des questions au ministre : nous n’avons toujours pas de réponses. Le Gouvernement nous assure que l’interopérabilité sera garantie : comment ? Nous attendons toujours son amendement à ce sujet.

M. Richard Cazenave - Nous n’en sommes pas encore à cet article !

M. Patrick Bloche – Nous nous sommes étonnés que le collège des médiateurs …

M. Richard Cazenave - C’est à l’article 8 !

M. Patrick Bloche - …soit à la fois régulateur et arbitre des litiges. Nous avons demandé ce qui constituerait l’infraction, qui contrôlerait, qui établirait les contraventions, comment le lien entre l’adresse IP et l’identité de l’internaute serait établi. Nous traitons donc du fond depuis un certain temps, mais nous n’avons pas de réponse.

Au moins, que nous soyons de gauche ou de droite, ne dénigrons pas nos propres travaux ! Ce que nous vivons ici est avant tout de la responsabilité du Gouvernement. Essayez de prendre conscience de l’état d’esprit de nos concitoyens apprenant hier que le Gouvernement avait retiré la licence globale du texte et ce matin qu’il l’avait réintroduite !

Hier soir, le président Dosière parlait de « procédure innovante ». Quel euphémisme ! Nous sommes en pleine pantalonnade. Regardez la feuille jaune : nous allons discuter de la suite des amendements « après » l’article premier, et ensuite de la suite de l’article premier lui-même ! C’est la première fois que je vois ça. Surtout, si l’article 84 du Règlement permet au Gouvernement de retirer un article à tout moment jusqu’à son adoption définitive, il n’est pas prévu, une fois le retrait effectué, qu’il puisse le réintroduire ! Cela pose un véritable problème de constitutionnalité. Cette situation nous prive de notre droit constitutionnel, qui est notre raison d’être, à déposer des amendements.

Cela fait beaucoup de questions qui méritent réponse. Mieux vaudrait donc retenir la proposition, reprise par plusieurs groupes, de retirer ce texte de l’ordre du jour et créer une mission d’information. Pour l’heure, le groupe socialiste demande une suspension de séance pour que le ministre puisse ensuite nous faire part de la réponse du Premier ministre à la lettre que Jean-Marc Ayrault lui a adressée ce matin.

M. le Président – En réintroduisant l’article premier, le Gouvernement, finalement, rouvre la discussion, et l’Assemblée ne peut se plaindre d’avoir ainsi la possibilité de discuter de toutes les questions qui ont été évoquées au cours de ce débat de procédure.

M. François Bayrou - Il l’a retiré !

M. Christian Paul - Et il faudrait pouvoir amender !

M. le Président – En ce qui concerne la feuille jaune, l’inversion de l’ordre de discussion des article n’est pas inhabituelle. C’est notamment le cas chaque fois que le Gouvernement exerce son droit de réserve. Il n’y a là rien de si anormal. Ne faites donc pas de mauvais procès. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Certains, sur les bancs de gauche comme de droite, ont fait allusion aux internautes qui suivent nos travaux. J’ai le sentiment que ce long débat de procédure les a découragés depuis longtemps, et qu’ils préféreraient que nous parlions du fond.

Je donne maintenant la parole à M. le ministre, puis nous suspendrons la séance.

M. le Ministre - Ce que veut le Gouvernement, c’est mener à bien la réforme nécessaire pour réconcilier la technologie et la création, et faire en sorte que les œuvres soient diffusées le plus largement auprès du plus large public. Les enjeux sont nombreux, les défis importants. Il était donc nécessaire que tout soit débattu à l’Assemblée nationale. Pour le Gouvernement, ce qui compte, c’est la clarté, la transparence.

M. Patrick Bloche - Nous sommes en pleine confusion !

M. le Ministre – Les représentants de la nation ont cette magnifique responsabilité de prendre seuls les décisions.

Toutes les questions sont maintenant sur la table. S’agissant de la licence globale, la plupart des députés de l’UMP ont pris position contre, mais le groupe respecte la liberté de conscience et un certain nombre de parlementaires ont exprimé un avis contraire,…

M. Christian Paul - C’est une question parmi 50 autres !

M. le Ministre - …comme vous avez le droit, Monsieur, Bayrou, Monsieur Paul, Monsieur Bloche, d’avoir des points de vue divergents dans votre propre groupe.

Le Gouvernement ne cherche en rien la précipitation ni l’embrouille, mais la transparence totale. Les débats de procédure sont prévus par le Règlement, ils ont lieu. Mais une fois ces débats épuisés, venons-en au fond. C’est urgent. Si nous ne faisions rien, les internautes resteraient, en cas de téléchargement illégal, passibles de trois ans de prison et 300 000 euros d’amende ; l’interopérabilité et la copie privée, qui sont des perspectives très positives et souhaitées par les parlementaires, seraient différées.

Nous avons le temps devant nous pour une vraie délibération. Personne ne peut dire que je me suis soustrait à la moindre demande de concertation. J’ai trop de respect pour le Parlement et pour la démocratie. Chacune des commissions qui l’a voulu, chacun des groupes qui l’a voulu m’a entendu. Mon équipe et moi-même avons été à la disposition de tous les parlementaires en permanence, et nous l’avons fait savoir par écrit.

Après ces débats de procédure, je souhaite donc que nous puissions reprendre le débat sur le fond. Vous aurez à vous reprononcer dans la clarté et le respect du Règlement, pour éviter toute insécurité juridique, sur des questions fondamentales. Libre à ceux qui pensent que la licence globale n’est pas une bonne solution de le redire au terme d’un vrai débat, libre à ceux qui veulent que chacun puisse lire sur tous les supports une œuvre légalement acquise de le dire, libre à ceux qui veulent rappeler les modalités de diffusion de le faire. C’est cela la dignité du débat parlementaire. Lorsque cette loi sera adoptée, l’image que nous donnerons sera celle de législateurs et d’un Gouvernement courageux qui ont fait les réformes nécessaires et attendues.

M. le Président – la séance est suspendue, à la demande du groupe socialiste.

La séance, suspendue à 10 heures 5, est reprise à 10 heures 45.

M. François Bayrou - Rappel au Règlement, fondé sur les articles 84 et 100.

Après le coup de théâtre d’hier soir, qui a suivi le coup de théâtre de lundi soir…

M. Christian Paul - C’est le coup de théâtre permanent !

M. François Bayrou - Vous me l’enlevez de la bouche !

Au-delà du sourire, le Gouvernement doit répondre à la question constitutionnelle qui se pose. La procédure est la garantie des droits du Parlement et des citoyens que nous représentons. L’article 84 du Règlement précise que les projets de loi peuvent être retirés par le Gouvernement à tout moment jusqu’à leur adoption définitive. Une controverse substantielle a déjà eu lieu quant au retrait, en cours de discussion, de l’article premier. D’après les informations distillées ici ou là, c’est après l’intervention de membres du Conseil Constitutionnel – dont j’ignore d’ailleurs le bien-fondé… constitutionnel – que cet article a été réintroduit faute de quoi le texte aurait pu, semble-t-il, être déclaré inconstitutionnel. Ce n’est plus maintenant le temps de la controverse mais celui de l’improvisation juridique car aucun article de notre Règlement ne prévoit la réintroduction d’un article retiré.

M. Christian Paul - C’est l’article additionnel après l’article 84 ! (Sourires)

M. François Bayrou – Comment le Gouvernement peut-il rétablir un article qu’il a retiré ? Cela revient à remettre en cause notre droit « sacré » d’amendement.

M. Patrick Bloche - En effet.

M. François Bayrou – Quelle est donc la raison d’être juridique de ce rétablissement ? Le texte de l’article premier est-il repris par un amendement ? Dans ce cas, nous devons pouvoir le sous-amender et il convient donc de revoir le calendrier de nos travaux.

M. Didier Mathus - Rappel au Règlement.

J’ai du mal à suivre ce feuilleton rocambolesque des Pieds nickelés font la loi. Mais c’est la rue de Valois qui, en l’occurrence, essaie de faire la loi, et elle s’y prend fort mal. Nous assistons à la réintroduction d’un article qui a été retiré, et non pas réservé. Par quel tour de passe-passe procédural ? Non seulement l’amateurisme du Gouvernement est patent, mais notre droit d’amendement est remis en cause ! L’examen de ce texte doit donc être suspendu afin de réunir d’urgence les commissions et les groupes parlementaires. Une telle impréparation est d’ailleurs paradoxale puisque ce texte a été déposé en décembre 2003 et que nous l’examinons aujourd’hui dans des conditions ubuesques. J’entends parler de concertations tous azimuts avec l’ensemble des acteurs concernés, mais ce matin encore, le monde de l’édition dénonce un projet qui ne cesse de changer. La sagesse serait de renoncer, comme l’a demandé le président du groupe socialiste à M. le Premier ministre. Je vous lis sa lettre…

M. Bernard Accoyer - Elle a déjà été lue !

M. le Président – En effet, par M. Christian Paul.

M. Christian Paul - Un extrait seulement !

M. Didier Mathus – Je n’en lis que la fin : « Devant un tel gâchis qui ridiculise les institutions de la République, je vous demande instamment de prendre la seule décision qui vaille : suspendre l’examen de ce texte invertébré et accepter la constitution d’une mission d’information parlementaire visant à établir les bases d’une loi consensuelle. Poursuivre ce débat dans de telles conditions décrédibiliserait le travail législatif. » Voilà plus d’un an que nous avons demandé la constitution d’une telle mission, et chaque jour sa nécessité se vérifie un peu plus. Alors que la jeunesse se dresse contre le CPE, n’en rajoutez pas une couche avec cette loi !

M. le Président – Le droit d’amendement ne saurait être mis en cause dans cette Assemblée.

M. François Bayrou - Pétition de principe !

M. René Dosière - Rappel au Règlement.

Soucieux de la parfaite constitutionnalité de nos débats, nous souhaiterions avoir quelques précisions. S’il est en effet bien clair que l’article premier a été retiré sur la base de l’article 84 du Règlement, sur quel article le Gouvernement s’est-il fondé pour le réintroduire ? Si cet article premier était remis en discussion, aurions-nous le droit de déposer de nouveaux amendements ? Dans l’affirmative, le Gouvernement demanderait-il, comme le troisième alinéa de l’article 100 du Règlement l’y autorise, que l’Assemblée ne délibère pas sur les amendements qui n’ont pas été soumis à la commission ? La commission, dès lors, ne devrait-elle pas se réunir à nouveau ? S’il est possible de déposer de nouveaux amendements, nous aurons évidemment besoin de temps pour les élaborer.

Mme Christine Boutin - Rappel au Règlement fondé sur l’article 58.

La situation est manifestement bloquée, or nous aurions dû, depuis longtemps déjà, transposer la directive européenne. Quelle que soit la manière dont le Gouvernement procède, le Conseil Constitutionnel devra se prononcer. Dans un esprit de conciliation et d’apaisement, et alors que nous discutons d’un texte essentiel puisqu’il concerne ce grand enjeu de société qu’est la culture, je propose de renvoyer son examen en commission.

M. Nicolas Dupont-Aignan – Très bien !

M. Henri Emmanuelli – Rappel au Règlement fondé sur l’article 58.

La séance de mardi soir était un peu surréaliste lorsqu’un cours de droit constitutionnel nous a été administré du haut de la tribune présidentielle. M’étant permis de constater qu’il était difficile de discuter d’un article additionnel après un article qui avait été retiré, j’ai eu droit à une leçon sur l’article 84 et M. Debré m’a fait observer qu’en tant qu’ancien président de l’Assemblée nationale, j’étais censé connaître le Règlement. Il me semble que l’on aurait pu, comme on dit dans le sud-ouest, s’« économiser » l’ironie et l’arrogance du ton.

Ce n’est pas la première fois que, dans sa hâte, le Gouvernement joue avec le Règlement de l’Assemblée nationale et le droit des parlementaires. La disposition sur les bienfaits de la colonisation a ainsi été retirée pour éviter qu’elle ne soit à nouveau débattue.

M. Christian Paul - Bis repetita ! M. Vanneste était déjà au cœur de l’affaire !

M. Henri Emmanuelli – Bref, ces bégaiements et ces aberrations juridiques témoignent d’un profond malaise et d’une improvisation permanente. Monsieur le ministre, vous n’arriverez pas à endiguer l’aspiration à la liberté par des artifices de procédure ! Vous n’y arriverez pas davantage en caricaturant les points de vue de l’opposition, laquelle s’appliquerait à « fliquer tous les internautes de France ». Mais c’est vous qui, après avoir voulu en faire des délinquants, en faites aujourd’hui des contrevenants qui seront passibles d’amendes !

M. Dominique Richard - Vous n’avez pas lu le texte !

M. Henri Emmanuelli – J’ai entendu les déclarations de M. le ministre ce matin.

S’il doit y avoir flicage avec les DRM, nous saurons qui en est responsable ! Compte tenu du ridicule que vous infligez à l'Assemblée nationale et au Gouvernement, Monsieur le ministre, c’est plutôt vous qui devriez être retiré ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Dionis du Séjour – Dans la situation qui est la nôtre, deux questions se posent : faut-il ou non reporter nos travaux, et faut-il ou non changer de méthode ? Je ne suis pas pour le report de la discussion. Je suis humilié par l’incapacité de mon pays à transposer une directive européenne. Restons humbles : le parti socialiste ne sut pas, en son temps, proposer une loi sur la société de l’information, et on sait ce qu’il est advenu du débat en décembre. Aujourd’hui, on nous reproche à la fois l’amateurisme et la démagogie. Nous devons impérativement travailler, et avancer !

Mme Muriel Marland-Militello - Nous ne demandons que cela !

M. Jean Dionis du Séjour – Pourquoi donc refuser de lever l’urgence ? Donnez-nous le temps de la maturation, puisque cela nous a déjà réussi pour le commerce électronique !

M. Laurent Wauquiez - M. Bayrou parlait de théâtre : de quel côté se trouvent les comédiens ? Vous n’assumez pas vos responsabilités. Votre discours est incohérent : M. Emmanuelli prétend que le Gouvernement cherche à faire passer le texte au forceps juste après que certains de ses collègues ont rappelé la concertation dont il a fait l’objet depuis 2003.

M. Patrick Bloche - Non ! Nous avons dit le contraire !

M. Christian Paul - Lisez le journal !

M. Laurent Wauquiez - C’est vous-mêmes qui, à force de suspensions et de rappels au Règlement, vous asseyez sur le droit d’amendement !

Regardez les avancées du texte remanié : exception de copie privée, remplacement du contrôle individuel de l’internaute par un contrôle plus large de l’exploitation commerciale des logiciels…

M. Henri Emmanuelli - Comment fait-on ?

M. Laurent Wauquiez - Discutons-en pour le savoir, au lieu de tourner autour du pot ! L’urgence nous oblige à agir : en l’état, un internaute peut se retrouver en prison pour avoir téléchargé un seul fichier mp3.

M. Christian Paul - Non, car les juges ne vous suivront pas, heureusement !

M. Laurent Wauquiez - Ce sont les artistes français qui souffrent le plus aujourd’hui de la baisse des ventes.

M. Christian Paul - Johnny Halliday ?

M. Laurent Wauquiez - Écoutez-les et soyez responsables : travaillons enfin sur les amendements !

M. Jean-Marie Le Guen - Votre sens de la solidarité nous bouleverse !

M. Alain Suguenot - Le temps n’est pas à la crucifixion d’un ministre. Aucun de ses prédécesseurs n’a eu le courage de s’atteler à la tâche si difficile de concilier les anciens et les modernes. Les problèmes subsistent – je ne suis pas moi-même toujours d’accord avec le ministre, mais je rends hommage à sa volonté de permettre le dialogue (« Très bien ! » sur le banc de la commission). Il n’est pas responsable de l’actuel problème de procédure (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), mais là n’est pas le vrai débat.

Le Parlement a besoin de temps pour exercer sa force de proposition. Nous séchons tous sur une feuille blanche, parce qu’il nous faut écrire l’histoire du numérique et du droit d’auteur, rien de moins ! Donnez-nous un peu de temps, et n’intentons pas un procès en sorcellerie à ceux qui travaillent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Richard Cazenave – Certains se régalent de ce débat de procédure…

Plusieurs députés socialistes – La faute à qui ?

M. Richard Cazenave - …qui a l’avantage de masquer leur embarras devant des questions complexes qu’ils n’osent pas trancher !

M. Christian Paul - Pas du tout !

M. Richard Cazenave - Cessez de dire que nous n’avons pas mis les derniers deux mois et demi à profit pour réfléchir !

M. Christian Paul - En effet : vous avez aggravé la situation !

M. Richard Cazenave - Face aux avancées introduites dans le texte remanié, vous restez figés dans une posture d’opposition pour éluder les sujets importants.

Il y a en effet des incertitudes sur l’adaptation du droit d’auteur à une société de plus en plus complexe, et le curseur n’est pas facile à placer. Pourtant, il existe des solutions : venons-en donc au débat ! La procédure ne nous privera pas de notre droit d’amendement, comme M. le Président va certainement nous le dire. C’est aujourd’hui que l’instabilité juridique existe avec des peines de prison ! Ce texte propose les solutions pédagogiques de demain : nous serons le premier pays au monde à mettre fin à la situation scandaleuse de vente liée entre le logiciel iTunes et l’iPod, en inscrivant l’interopérabilité dans la loi ! Ne retardons donc plus le débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Paul - Avant de verser des larmes de crocodile sur les « majors », Monsieur Wauquiez, regardez donc les profits d’Universal Music, qui ont explosé ces dernières années !

M. Laurent Wauquiez - Vous déformez mes propos : je parlais des artistes !

M. Christian Paul - Votre compassion serait plus utilement consacrée au budget du spectacle vivant, par exemple, qui a diminué de 8,5 % cette année, comme l’a rappelé M. Dassault.

On entend parler de bataille de procédure, voire de comédie. Mais la démocratie parlementaire exige de débattre selon des règles connues de tous. Or, malgré de nombreux rappels au Règlement émanant de plusieurs groupes, nous ignorons toujours comment vous comptez poursuivre notre discussion ! Même sous la Ve République, pourtant riche en cas de maltraitance du Parlement…

M. Richard Cazenave - Vos ministres se sont illustrés dans ce domaine !

M. Christian Paul - …nous n’avons jamais rien vu de semblable !

On nous oppose que l’effort de concertation s’est accentué depuis décembre. Ce n’est pas ce que dit M. Eyrolles, président du syndicat national de l’édition française, dans Libération de ce matin : il est furieux des modifications apportées au texte sans concertation, et précise que l’amendement 272 pénalise doublement les éditeurs français.

M. Laurent Wauquiez - Lisez jusqu’au bout : il dénonce aussi les turpitudes du groupe socialiste !

M. Christian Paul – On ne peut légiférer contre la société : soit on piétine certains intérêts pour en privilégier d’autres, soit on recherche l’intérêt général. Or, vous fuyez celui-ci depuis des mois, et la société vous rattrape.

Si la cohérence du texte de décembre était fondée sur la répression, elle avait au moins le mérite d’exister. Aujourd’hui, elle a disparu. En attendant que l’Assemblée prenne connaissance des règles du débat, la sagesse exige que le Gouvernement retire le texte !

M. Nicolas Dupont-Aignan – À force de vouloir aller vite, nous traînons ! Sur le fond, je persiste à demander une mission d’information parlementaire pour faire le point sur les enjeux colossaux que nous allons sinon traiter dans l’urgence.

M. Christian Paul - Même l’UMP demande cette mission !

M. Nicolas Dupont-Aignan – Sur la procédure, une motion de renvoi en commission permettrait un état des lieux et nous éviterait le ridicule.

M. Dominique Richard - Puisque nous en sommes à la revue de presse, permettez-moi de vous rappeler la déclaration faite par M. Hollande le 16 janvier, telle que l’a rapportée l’AFP : il déclarait être favorable à un dispositif autre que la licence globale, permettant la rémunération des créateurs tout en autorisant la copie privée en nombre limité ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Voilà qui contredit tous les propos que vous tenez depuis des mois ! Entrons donc enfin dans le vif du sujet !

M. Laurent Wauquiez - Vous avez voté tous les amendements en faveur de la licence globale, et votre premier secrétaire est contre !

M. François Hollande - Merci, Monsieur Richard, de rappeler ma position, mais j’aurais tout aussi bien pu le faire moi-même ! Si je suis venu ce matin, c’est pour constater qu’il n’y a pas de débat…

Plusieurs députés UMP - Quel aveu ! Nous qui pensions que vous étiez venu pour parler du fond !

M. François Hollande - Alors qu’il était question d’élaborer un texte permettant aux internautes d’accéder librement aux biens culturels moyennant une juste rémunération des créateurs, l’absence de concertation et le manque de considération du Gouvernement pour les droits élémentaires du Parlement créent une situation de blocage qui empêche de débattre au fond. La seule solution raisonnable pour en sortir dignement, c’est de convoquer une mission d’information parlementaire ayant vocation à aborder tous les enjeux, une fois retiré ce projet de loi dont plus personne ne perçoit l’économie générale. Autre problème majeur, vous avez imposé l’urgence sans que rien le justifie. Ce qui eût été urgent, c’eût été de transposer la directive…

Plusieurs députés UMP - Que ne l’avez-vous fait ?

M. François Hollande - Je rappelle que nous ne sommes plus aux responsabilités depuis quatre ans ! À présent, nous n’en sommes plus à quelques semaines près, surtout si elles sont mises à profit pour approfondir la discussion parlementaire. Le calendrier raisonnable s’impose de manière évidente : retrait du présent texte, concertation et création d’une mission d’information parlementaire. Compte tenu des errements de la procédure actuelle – article retiré… puis réintroduit, contestations diverses, doutes au cœur même de la majorité –, vous n’avez guère d’autre choix que de vous retirer pour revenir devant le Parlement une fois la sérénité rétablie et la concertation achevée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre – L’intérêt général, c’est le débat de fond ; l’intérêt général, c’est le respect de la souveraineté parlementaire. Il y a le temps de la concertation – et elle a été menée avec tous les interlocuteurs que passionne ce grand débat de société -…

M. Christian Paul - Elle a surtout été partielle, et tardive !

M. le Ministre - …et il y a celui de la décision. S’agissant des consultations, certains ont évoqué la position du Syndicat des éditeurs. J’aurais apprécié qu’ils aillent au bout de leur démonstration, en admettant que les conclusions de cette organisation diffèrent sensiblement de celles qu’ils avaient entérinées par leur vote de décembre ! Plus généralement, je rappelle que, pour indispensables que soient les concertations, l’honneur d’un parlementaire, c’est de se prononcer librement et en conscience, sans que nul ne puisse lui dicter de l’extérieur la conduite à tenir. Ne confondons pas concertation et décision car les deux ne sont pas à mettre sur le même plan. Quant à moi, je suis à la disposition du Parlement aussi longtemps qu’il le voudra pour que la discussion aille au fond…

MM. Didier Mathus et François Hollande – Levez l’urgence !

M. le Ministre – …et je ne vois pas pourquoi le débat de qualité qui s’était engagé en début de semaine ne pourrait pas reprendre. Afin de lever toute ambiguïté – et pour répondre aux préoccupations de nature juridique ou politique qui s’étaient exprimées –, le Gouvernement a souhaité que tous les sous-amendements à son amendement 272 soient examinés, de même qu’un certain nombre d’amendements – dont le nombre peut même être complété – à l’article premier…

M. Henri Emmanuelli - C’est une plaisanterie ! Le discours change chaque jour !

M. le Ministre – Je pense aussi aux nombreux parlementaires qui ont beaucoup travaillé sur ces sujets, souvent avec passion. C’est la fierté des députés de l’UMP et de plusieurs membres du groupe UDF de s’être situés dans une logique très positive. Sur le fond, chacun aura compris qu’il ne s’agit pas simplement de transposer une directive mais de traiter tous les nouveaux problèmes que posent les usages du numérique. S’agissant par exemple de l’interopérabilité, de très grandes avancées sont intervenues depuis quelques semaines. En quoi consiste l’interopérabilité ?...

M. Didier Mathus - De quoi parlez-vous ? Cela n’a rien à voir !

M. le Ministre – …À donner la possibilité de lire sur tous les supports une œuvre légalement acquise. Sur ce point et les autres, que proposent ceux qui nous critiquent ? De ne rien faire, au risque de laisser prospérer certains monopoles ? De ne pas graver dans le marbre de la loi l’exception de la copie privée ? Moi, je pense en permanence aux jeunes artistes qui veulent se faire connaître ! Si vous acceptez de débattre au fond, votre Assemblée pourra adopter dans quelques minutes un sous-amendement destiné à conforter la place centrale du créateur, au cœur du dispositif du droit d’auteur…

M. Christian Paul - C’eût été un scoop au XVIIIe siècle ! Merci Beaumarchais !

M. le Ministre – Il est essentiel de le rappeler. Quant aux éventuelles sanctions, nous sommes parvenus à des propositions équilibrées et je remercie tous ceux qui, parmi vous, ont eu l’honnêteté de le reconnaître. Je suis, par principe, ouvert à tous les amendements et sous-amendements…

M. Henri Emmanuelli - Vous n’avez pas le choix ! C’est la Constitution qui nous donne le droit d’amender.

M. François Loncle - Faites plutôt la leçon au Premier ministre : c’est lui qui a eu recours au 49-3 !

M. le Ministre – Je respecte scrupuleusement nos institutions. Dans ce grand débat, il y a aussi les questions qui fâchent, et j’ai déjà eu l’occasion de dire qu’il n’était pas facile d’expliquer à nos concitoyens qu’il fallait à présent sortir de la logique de la gratuité totale pour entrer dans celle de la responsabilité. Trop de temps a été perdu, au point que certaines entreprises fragiles ont déjà disparu. Toutes vos interpellations sont légitimes…

M. Henri Emmanuelli - Monsieur est trop bon !

M. le Ministre - …mais vous devez à présent délibérer au fond.

M. Christian Paul - Levez l’urgence !

M. le Président – La parole est à M. Geoffroy, vice-président de la commission des lois…

M. Christian Paul - Tiens, la commission se réveille !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois - Lorsque le fond est évoqué, la procédure s’invite dans le débat, cependant que les manœuvres de procédure sont émaillées de considérations – parfois intéressantes – sur le fond !

M. Henri Emmanuelli - Ça oui ! Il y a un bug !

M. Laurent Wauquiez – Ne partez pas si vite, Monsieur Hollande ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Accoyer - Rappelez-nous votre position sur la licence globale !

M. Christian Paul - Et vous, celle de M. Sarkozy !

M. le Vice-président de la commission - Nous voulons aborder à présent les questions de fond…

M. Didier Migaud - Nous aussi, mais pas sous la pression de l’urgence !

M. le Vice-président de la commission - Le ministre vient, avec beaucoup de talent, de patience et de profondeur,…

M. Henri Emmanuelli - N’en jetez plus ! Vous allez vous enliser !

M. le Vice-président de la commission - …de rappeler comment la suite de nos travaux pouvait être envisagée. S’agissant de la constitutionnalité de la procédure, soyons humbles ! Le Conseil constitutionnel, en sa grande sagesse et dans la plénitude de ses attributions, se prononcera. Tout commentaire à ce stade me semble superflu. Certains se croient autorisés à dénoncer le fait que l’article premier soit ré-évoqué après l’examen de l’amendement 272 mais je veux leur dire que leur critique n’est pas fondée…

M. Didier Mathus - Allons bon ! Vous disiez le contraire avant-hier !

M. le Vice-président de la commission -D’autres prétendent que le texte nous est présenté sans concertation préalable, alors que le ministre a été entendu par nos commissions…

M. Christian Paul - Beaucoup trop tard et en trente minutes !

M. le Vice-président de la commission - Pas du tout ! Sur ce texte, la commission des lois s’est réunie au titre de l’article 88 le 20 décembre, puis au moins trois fois au titre de l’article 91 de notre Règlement – le 21 décembre, le 1er mars et avant-hier. C’est donc en toute transparence qu’est rouverte la discussion de l’article premier…

M. Didier Mathus - Rien ne vous permet de l’affirmer ! Et le droit d’amendement ?

M. le Vice-président de la commission - Quand nous en serons à l’article premier, nous étudierons tous les amendements déjà déposés et il sera possible d’en examiner de nouveaux. Dans ces conditions, je considère, au nom de la commission des lois, que tout risque de forclusion est écarté. Vous pourrez déposer tous les amendements que vous jugerez nécessaires pour enrichir nos débats, et nous réunirons une quatrième fois la commission des lois au titre de l’article 91. Le Parlement pourra ainsi continuer son travail législatif, dans la plénitude de ses pouvoirs – c’est en effet ce que vous prétendez vouloir, ce que nous souhaitons tous, sur tous les bancs, et ce que l’opinion attend.

Telle est la position de la commission sur la validité et la légitimité de la procédure retenue. Nous pouvons, et nous devons, reprendre les débats (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Bloche - Il n’y a visiblement pas plus de distance entre le Capitole et la roche tarpéienne qu’entre la rue de Valois et le Palais Royal !

L’intervention de M. Geoffroy vient de démontrer comment le risque d’inconstitutionnalité nous a conduits à cette pantalonnade parlementaire…

M. le Vice-président de la commission - Pas du tout !

M. Patrick Bloche – …mais nous aimerions que vous nous expliquiez maintenant, Monsieur le ministre, quel article du Règlement vous permet de réintroduire un article que vous aviez retiré, et non pas réservé. De quel droit ?

Notre préoccupation principale, partagée par l’ensemble de nos collègues, est de pouvoir exprimer nos positions et de nourrir l’examen de ce texte en déposant des amendements et des sous-amendements. Vous vous êtes déclaré prêt, Monsieur le ministre, à discuter de tous les amendements que nous voudrions déposer, mais c’est la moindre des choses ! C’est notre droit d’amender !

Et si vous aimez tant les amendements, pourquoi ne pas lever l’urgence que vous avez déclarée, et ainsi nous autoriser une nouvelle lecture de ce texte, après son examen par le Sénat ?

Pour ce qui est de la concertation, Christian Paul nous a fait part de la réaction du président du Syndicat national de l’édition, et je vous interpellais hier sur un communiqué des syndicats de journalistes, affilié à la Société de gestion collective des droits d'auteur dans le domaine du multimédia, qui constatait qu’un accord avait été signé par le ministre de l’éducation nationale sans qu’ils aient pu être consultés. Contestant avoir été légitimement représentés par les éditeurs, ils ont annoncé l’ouverture de procédures judiciaires.

Après les éditeurs, qui n’ont pas été consultés sur votre amendement 272, voilà donc que vous mécontentez les journalistes ! Et je n’évoque même pas votre audition tardive en commission. Comment pouvez-vous ainsi prétendre qu’il y a eu une réelle concertation sur ce dossier, alors que chacun connaît les puissants intérêts qui ont joué ?

Nous contestons donc que ce texte ait atteint un point d’équilibre, et je vous demande à nouveau, comme François Hollande et Jean-Marc Ayrault, de retirer votre projet. Si vous n’accédez pas à notre requête, suspendons au moins la séance jusqu’à 15 heures, afin que nous puissions nous consacrer à la rédaction de nouveaux amendements, et tenons une nouvelle réunion de la commission des lois.

M. Bernard Accoyer - Rappel au Règlement. Je regrette profondément l’attitude de l’opposition (Rires bancs du groupe socialiste), qui a choisi d’esquiver le débat de fond, dans l’espoir de dissimuler ses divisions (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le compte rendu de nos débats en attestera : elle a choisi de ne s’intéresser qu’à la procédure, qui n’intéresse personne !

J’ajoute qu’une seule juridiction est compétente dans notre pays pour juger de la constitutionnalité de nos travaux :…

Plusieurs députés du groupe socialiste – Avant, pendant et après ?

M. Bernard Accoyer - …le Conseil constitutionnel, et c’est heureux. Nous vous faisons confiance pour le saisir ! Il se prononcera.

M. Christian Paul - Vous avez déjà jugé pour lui en revenant en arrière !

M. Bernard Accoyer – Pour en venir au fond, il est vrai que deux opinions s’opposent, mais le refus de la licence globale prévaut de façon quasi unanime, c’est-à-dire exception faite de deux de nos collègues et du parti socialiste, même s’il y aurait beaucoup à dire sur votre position.

M. Christian Paul - Si vous procédiez à un vote par bulletins secrets, vous auriez des surprises !

M. Henri Emmanuelli - Où est le rappel au Règlement ?

M. Bernard Accoyer - C’est un rappel au Règlement !

M. Christian Paul - Plutôt un testament !

Plusieurs députés socialistes – Un requiem !

M. Bernard Accoyer – Il faut que nous adoptions les mesures indispensables et urgentes que contient ce projet de loi.

M. Didier Mathus - Cessez donc de vous ridiculiser !

M. Bernard Accoyer - Les auteurs apprécieront, ainsi que les internautes, qui courent aujourd’hui le risque d’être traités comme des délinquants.

Plusieurs députés socialistes – Par votre faute !

M. Bernard Accoyer – On dirait que cette question ne vous intéresse guère, pas plus que les mesures relatives à la copie privée, à l’interopérabilité et au logiciel libre.

C’est un double langage que tient le parti socialiste ! Car, il y a d’un côté l’hostilité à la licence globale affichée, auprès des artistes, par François Hollande, par M. Lang et Mme Tasca, deux anciens ministres de la culture, mais aussi par Mme Hidalgo, responsable de la culture au parti socialiste, et il y a d’autre part votre position à l’Assemblée, où vous vous prononcez en faveur de la licence globale !

M. Jean-Marie Le Guen - Stalinien !

M. Bernard Accoyer - D’ailleurs, si M. Hollande est passé quelques minutes ce matin, il n’a évoqué que la procédure, se gardant bien de nous dire s’il est ou non hostile à la licence globale ! Quel double langage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Henri Emmanuelli - On va finir par regretter Alain Juppé !

M. Bernard Accoyer – Par honnêteté, reconnaissez qu’il existe des divisions au sein de chaque groupe politique, mais qu’une majorité est favorable à la création, à la culture, aux internautes et aux jeunes. C’est pourquoi nous devons maintenant rentrer dans le débat et cesser de tergiverser (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Henri Emmanuelli - Rappel au Règlement !

M. Jean Dionis du Séjour - Mais où allons-nous à ce rythme ?

M. Henri Emmanuelli – Vous vous souciez de l’emploi du temps des responsables socialistes, mais je note que le Premier ministre ne nous a pas fait la grâce de sa présence depuis le début de nos débats. Et je constate que vous nous quittez déjà, Monsieur Accoyer – vous jouez à l’intermittent du spectacle. Occupez-vous donc d’abord de votre maison ! Nous n’avons de leçons à recevoir de personne.

Je voudrais maintenant m’adresser à notre président de séance et, à travers lui, aux administrateurs de cette Assemblée : les règles de présentation des articles et des amendements dans la « feuille jaune » ne relèvent pas du hasard, et la nomenclature est censée donner tout son sens aux débats. Or, avez-vous déjà vu un « jaune » rédigé de la sorte ?

M. Bernard Accoyer - Vu votre double langage, il faudrait savoir où est le jaune ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Henri Emmanuelli - Comment ? J’ai toujours appartenu au parti socialiste, alors que vous avez fait partie de mouvements d’extrême droite dans votre jeunesse.

Plusieurs députés socialistes – Retirez vos propos ! Facho !

M. Henri Emmanuelli - Vous êtes si ridicule que vos remarques ne m’atteignent même pas. Je reprends donc : a-t-on déjà lu un « jaune » qui place un « article premier (suite) » après un « après l’article premier (suite) » ?

M. Richard Cazenave - Vos collègues l’ont déjà dit cent fois en votre absence !

M. Henri Emmanuelli – Tout cela manque de sérieux ! Je vous demande, à tout le moins, de suspendre la séance pour rédiger un jaune qui soit conforme au droit. Nous sommes là, et nous comptons faire notre travail. Le ministre a expliqué avec une certaine condescendance qu’il était ouvert à la discussion des amendements : nous n’avons pas besoin de son autorisation pour cela !

M. le Président – J’ai déjà dit tout à l’heure que l’inversion des articles était tout à fait classique.

M. Richard Cazenave - Il n’était pas là !

M. le Président – Des dizaines de jaunes ont été rédigés de cette façon.

M. Frédéric Dutoit - M. Accoyer vient de fuir, mais je le lui ai déjà dit hier : il est absolument inacceptable qu’il caricature systématiquement nos positions, bien que le ministre ait dit vouloir un débat clair et transparent, et qu’il laisse croire que nous serions contre les droits d’auteur et contre leur juste rémunération. Cela prouve qu’il n’a pas d’argument à faire valoir sur le fond du débat.

M. Christian Paul - Il n’a rien compris !

M. Frédéric Dutoit - Vous avez dit qu’il fallait entrer dans le débat parce que, si l’on ne change pas la législation, les internautes et les créateurs seraient confrontés à de plus en plus de difficultés. Or j’ai là un communiqué selon lequel il est devenu indispensable que le Gouvernement retire ce texte, car il n’est pas propre à assurer de façon équilibrée les droits du public et des créateurs, et selon lequel seul ce retrait peut permettre de reprendre ensuite un débat serein, de légiférer dans l’intérêt général et d’aboutir à une loi dont chacun reconnaisse la légitimité. Je vous livre quelques-uns de ses très nombreux signataires : Free software Fondation France, EUCD Info, ligue Odebi, Spedidam, Adami, SNM-FO, Qwartz Electronic Music Awards, Ligue de l’enseignement – la Ligue de l’enseignement ! – ou UFC-Que choisir…

Plusieurs députés UMP - Résistez aux lobbies !

M. Frédéric Dutoit - Vous voyez bien que ceux qui sont directement concernés et qui connaissent la législation sont eux aussi favorables au retrait du texte. Une mission d’information doit être constituée pour élaborer un texte équilibré et consensuel, car nous sommes tous attachés aux droits d’auteur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Vice-président de la commission - Si des amendements nouveaux sont déposés, je confirme que la commission se réunira pour les examiner. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons déjà fait sur l’article premier, mais la commission prend l’engagement qu’il n’y aura pas de forclusion en ce qui concerne la suite. Si chacun partage cet état d’esprit, je suggère que nous achevions ce matin l’examen des sous-amendements à l’amendement 272, que la commission des lois se réunisse et que nous reprenions l’article premier cet après-midi (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Dionis du Séjour – Je retire de tout cela qu’il appartient au Conseil constitutionnel de statuer sur la constitutionnalité et que l’article premier est toujours ouvert aux amendements. Restent deux questions. D’abord, allons-nous reprendre le travail ? Nous venons de passer deux heures et demie en rappels au Règlement, il est temps de se décider ! Nous souhaitons, pour notre part, nous remettre au travail (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). La France connaît sur ce dossier un retard humiliant. Si vous avez lu vos mails, vous vous rendez compte de l’image que nous avons donnée. Les professionnels et les internautes attendent un nouveau cadre législatif, il serait temps de s’en rendre compte.

Plusieurs députés socialistes – Ils attendent le retrait du texte !

M. Jean Dionis du Séjour - Certainement pas. Ensuite, doit-on changer notre méthode de travail ? Oui, mais pas avec une mission d’information parlementaire : il est indispensable de lever l’urgence, pour que la navette permette aux commission de se saisir à nouveau du dossier. Il nous faut des réponses à ces deux questions, sans quoi nous n’avons plus qu’à reprendre le train !

M. le Ministre – Je partage le souci exprimé par le vice-président de la commission des lois d’avancer sur le fond, en toute clarté et ouverture d’esprit.

M. Didier Migaud - On vous a posé des questions précises !

M. le Ministre - Je souhaite que nous examinions maintenant les sous-amendements à l’amendement 272.

Plusieurs députés socialistes – Levez l’urgence !

M. le Ministre - Ensuite viendra l’examen des amendements qui restaient en discussion sur l’article premier, enrichis d’amendement supplémentaires. Le Gouvernement n’a aucune intention de précipiter l’examen du texte.

Plusieurs députés socialistes – Levez l’urgence !

M. le Ministre – Nous avons tout le temps de travailler, autant ici qu’ensuite au Sénat. Si une grande différence apparaît, des positions inconciliables, entre les deux chambres, le Gouvernement appréciera la situation en tout respect de la souveraineté parlementaire et décidera s’il y a lieu d’organiser des navettes supplémentaires. Notre état d’esprit est celui de l’ouverture et de la volonté de clarification (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous n’avons que trop attendu pour débattre de ces questions majeures. Nous n’en avons pas eu le courage. Nous sommes l’avant-dernier pays de l’Union à transposer la directive !

Plusieurs députés socialistes – La faute à qui ?

M. le Ministre – C’est donc notre fierté d’aller plus loin et de traiter de questions qui sont en discussion dans toutes les écoles, dans tous les cafés, dans toutes les familles : prix, modèles d’accès, prépaiement, lecture des œuvres sur tous les supports, offre nouvelle, soutien aux artistes et aux créateurs… C’est pourquoi le Gouvernement souhaite le débat le plus approfondi possible.

Plusieurs députés socialistes – Levez l’urgence !

M. le Ministre – Vous avez évoqué les critiques d’un certain nombre d’associations : elles soutiennent toutes la licence globale !

M. Christian Paul - Comme des millions de gens !

M. le Ministre - J’affirme à nouveau que dans une démocratie, après le temps de la concertation vient celui de la décision. Ce temps vous appartient de manière souveraine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 11 heures 55, est reprise à 12 heures 40.

M. le Président – Nous avons passé la matinée sur un débat de procédure. Nous avons fait, je crois, le tour de la question. J’avais craint que les internautes qui nous regardaient aient abandonné, mais certains ont réagi, et dit que ce débat…

M. Christian Paul - …est une leçon d’instruction civique !

M. le Président - …ne manquait pas d’intérêt, même s’il s’apparentait parfois à un reality show. Il est maintenant de notre responsabilité d’entrer dans le vif du sujet. Ce qu’attendent les internautes, le monde de la culture, c’est que nous clarifiions les relations entre les parties sur internet. Là est notre devoir, et non de prolonger interminablement un débat de procédure : dans ce domaine, le Conseil constitutionnel jugera.

M. le Vice-président de la commission - Très bien !

M. le Président – Je vous propose donc d’entrer dans le débat de fond, sauf si quelqu’un veut encore s’exprimer.

M. Didier Mathus - Rappel au Règlement. Il est vrai que le débat peut paraître aux internautes compliqué, peut-être incompréhensible. Rappelons d’abord que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il est fondamental car il met en jeu l’ensemble des échanges de matière grise, des échanges culturels, dans le monde de demain et concerne donc toute la société.

Nous sommes saisis d’un texte élaboré à partir d’un traité international de 1996 et d’une directive européenne de 2001, époque où la seule plateforme de peer to peer n’avait rien de comparable avec celles qu’on connaît aujourd’hui. En décembre 2003, le Gouvernement nous proposait sa vision de la transposition de la directive,…

M. Richard Cazenave - On l’a dit dix fois !

M. Didier Mathus - …et, curieusement, déclarait l’urgence. Cela signifie qu’il n’y aura pas de navette entre les assemblées pour parfaire le texte en l’amendant, ce qui est le droit constitutionnel du Parlement, et pour essayer de concilier des intérêts contradictoires – demande de liberté, apport au bien-être collectif que constituent les échanges de fichiers, légitime revendication des créateurs d’être rémunérés à leur juste valeur.

Nous menons une bataille de procédure, c’est vrai, mais nous le faisons en conscience…

M. Jean Dionis du Séjour - Il faut peut-être arrêter.

M. Didier Mathus - …car, en raison de l’urgence, nous n’avons pas d’autre moyen de combattre ce qui, sur le fond, nous paraît nocif dans le projet.

En trois jours de débat, on a bien vu que même le Gouvernement était très hésitant sur la méthode à employer. Dans un premier temps, il a retiré l’article premier car il n’était pas sûr de sa majorité. En effet, en décembre, un certain nombre de parlementaires s’étaient mis d’accord pour combattre son projet. Puis, hier soir, on nous a dit qu’il y avait peut-être un risque constitutionnel, et on a réintroduit cet article premier. Cette procédure confuse néglige pour le moins les droits du Parlement, à qui vous ne faites pas confiance pour débattre, pour rencontrer les acteurs. En deux mois, depuis décembre, il n’y a pas eu de discussion (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais des pressions, voire du harcèlement de la part de lobbies, jusque dans les couloirs de l’Assemblée, dans des conditions moralement discutables. Certains collègues en ont publiquement témoigné.

M. Christian Paul - Comme M. Carayon.

M. Didier Mathus – Le Gouvernement a donc mal engagé l’affaire et, en décrétant l’urgence, n’a pas permis une discussion de fond sur ce sujet capital de la circulation des fichiers numériques.

Pour sortir de cette situation, nous n’avons qu’une seule arme, c’est la procédure, et nous sommes décidés à l’utiliser jusqu’au bout. Mais nous faisons une proposition. Si le Gouvernement veut faire un geste, qu’il lève l’urgence,…

M. Jean Dionis du Séjour - Cela, oui.

M. Didier Mathus - …ou que l’Assemblée fasse droit à notre demande de création d’une mission d’information – la moindre des choses sur un sujet aussi complexe.

Mme Martine Billard - Et on n’en serait pas là.

M. Didier Mathus - On n’en serait pas là, effectivement, si cette demande avait été satisfaite quand nous l’avons présentée il y a plus d’un an. Nous aurions rencontré tous les acteurs de la filière et certainement contribué à améliorer le projet du Gouvernement. Selon nous, en effet, ce texte est dangereux pour les libertés individuelles parce qu’il entraîne la systématisation des DRM pour les échanges de fichiers numériques, et qu’il aboutit à une marchandisation généralisée des échanges sur internet. Nous ne demandons qu’à débattre de cela, mais la procédure qu’a choisie le Gouvernement nous l’interdit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président – Je ne peux pas laisser dire que les droits du Parlement sont bafoués : personne ne nous empêche d’avoir ce débat sur le fond ; il n’appartient qu’à l’Assemblée de l’engager résolument.

M. Patrick Ollier – Faisons-le !

M. le Vice-président de la commission - Les propos de M. Mathus clarifient bien le jeu – au sens noble du terme – politique de l’opposition dans ce débat. Mais qu’il me soit permis de rectifier une inexactitude. Il faut que chacun sache bien que décider l’urgence, ce n’est pas se mettre dans l’obligation définitive de ne consacrer au texte qu’une seule lecture à l’Assemblée et au Sénat : c’est donner au Gouvernement la faculté de réunir une commission mixte paritaire s’il l’estime nécessaire, en fonction de l’état d’avancement des travaux à l’issue de la première lecture (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Migaud - La commission des lois défend l’urgence ! C’est indigne ! Parlez-vous en son nom ou parlez-vous au nom du Gouvernement ?

M. le Vice-président de la commission - Acceptez de l’entendre : il n’est pas définitivement acquis qu’il n’y aura qu’une lecture. Ainsi le veut la Constitution (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le ministre a bien indiqué tout à l’heure que, à l’issue de la première lecture par les deux assemblées, il pourrait être amené à décider que la discussion se poursuive. Par ailleurs, lors de la troisième réunion de la commission des lois au titre de l’article 91, a été adopté un amendement prévoyant la remise d’un rapport au Parlement dans lequel le Gouvernement fera le point de la réforme au bout d’un an d’application. C’est bien la preuve que le Gouvernement ne veut pas figer les choses, et que si c’est nécessaire nous pourrons continuer à travailler sur le sujet (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Migaud - C’est une mascarade ! Ramenez-nous le président de la commission des lois !

M. le Vice-président de la commission - La commission des lois se réunira cet après-midi si elle constate le dépôt d’amendements à l’article premier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) – sur les dispositions qui restent à discuter. Mais il faut commencer par achever l’examen de l’amendement 272.

M. Didier Migaud - On croirait entendre un conseiller du ministre !

M. Henri Emmanuelli - Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous dites, Monsieur Geoffroy !

M. le Président – Je vais donner la parole au ministre, puis nous lèverons la séance.

M. le Ministre – Hier soir, après des débats de procédure, nous avons examiné un certain nombre de sous-amendements. Des avis divergents ont été exprimés librement. C’était un beau débat, aux enjeux considérables. Je souhaite qu’il puisse se poursuivre.

Ce qui est très important, c’est de définir des principes, des cadres, car le législateur était en retard pour donner des garanties nouvelles tant aux créateurs et aux auteurs qu’aux internautes. Nous sommes là pour faire en sorte que la technologie, qui est une chance, n’ait pas de conséquences fâcheuses. Nous sommes dans une matière très évolutive ; c’est la raison pour laquelle, de façon très exceptionnelle mais comme c’est normal, le Gouvernement a pris l’engagement de déposer au bout d’un an un rapport au Parlement.

M. Christian Paul – Où serez-vous dans un an ? C’est aux électeurs que vous rendrez des comptes !

M. le Ministre - C’est aussi la raison pour laquelle, afin de préparer des évolutions législatives, le ministre de la culture et de la communication que je suis est en permanence à la disposition de chacune des commissions de l'Assemblée nationale.

Je souhaite que le débat de fond ait lieu. Il ne doit pas y avoir d’ambiguïté : je suis prêt pour cela à prendre tout le temps nécessaire, il n’y a aucune précipitation.

Plusieurs voix socialistes – Levez l’urgence !

M. le Ministre – Vous aurez d’autant plus tout loisir de vous exprimer que vous allez pouvoir discuter de nouveaux amendements à l’article premier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Je vous le répète : si le Gouvernement constate un décalage important entre les positions de l'Assemblée nationale et du Sénat, il ne convoquera pas la CMP et il fera en sorte que les positions puissent se rapprocher.

M. Patrice Martin-Lalande – C’est la logique !

M. le Ministre – Le Gouvernement reconnaît la souveraineté parlementaire, mais il rappelle qu’on attend de nous des réponses concrètes.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 12 heures 55.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

© Assemblée nationale