Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit

Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du jeudi 16 mars 2006

Séance de 21 heures 30
74ème jour de séance, 175ème séance

Présidence de M. Yves Bur
Vice-Président

Consulter le sommaire

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

Retour au haut de la page

droit d’auteur et droits voisins
dans la société de l’information (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

M. le Président – La Conférence des présidents a décidé que l’examen du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information pourra se poursuivre demain matin et demain après-midi.

APRÈS L'ART. 14

M. Christian Paul – L’amendement 339 vise à garantir l’avenir de la webradio, vecteur essentiel de la diversité culturelle. A l’heure où la rareté des fréquences hertziennes induit une concentration de l'offre musicale autour de quelques radios et une surexposition de titres phares, qui a sans doute largement contribué à réduire les revenus de nombreux artistes, la webradio assure en effet un accès licite à certaines musiques.

Elle est hélas handicapée dans notre pays par un cadre juridique incertain, la piste d'un règlement contractuel webcasteur-producteur ayant été abandonnée en raison d’un différend entre les producteurs et les artistes sur l'exercice des droits numériques de ces derniers. Il en résulte une insécurité juridique qui nuit gravement aux initiatives et aux investissements, et à laquelle nous devons donc remédier.

C’est en effet l’avenir de la radio, ainsi que des centaines d’emplois qui sont en jeu : tous les portails et sites web français ayant des projets de webradios publics et privés sont à l'arrêt depuis plus de deux ans. Tout ce secteur est aujourd’hui en panne, les seules offres de webradios françaises restant cantonnées à une rediffusion en ligne simultanée et intégrale de leur programme hertzien, le simulcasting, couvert par le régime de licence légale.

L'écoute de la radio en ligne progresse pourtant avec l'essor du haut débit, et les auditeurs pourront bientôt se connecter grâce aux nouveaux matériels de salon. Malheureusement, cet essor ne profite ni aux sociétés ni aux artistes français, car cette audience se répartit aujourd'hui entre quelques centaines de radios étrangères.

Afin de prendre en compte les évolutions technologiques favorisant la convergence, d'assurer des conditions de concurrence loyales et de faire cesser la discrimination dont sont victimes les webradios, il est donc urgent de redéfinir le champ de la licence légale selon le mode d'accès aux oeuvres – en flux continu ou à la demande – dans le respect du droit communautaire et des traités internationaux.

Ainsi, la législation internationale affirme un droit de rémunération au titre des droits voisins dans le cadre des services en ligne, mais le droit exclusif ne s'applique que lorsque l'œuvre est mise à la disposition du public à la demande, de manière à ce que chacun puisse avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement.

Or, cette définition ne s'applique pas aux services de diffusion numérique en flux continu, qu’il s’agisse du simulcasting ou du webcasting, car l'œuvre n'est pas accessible à un moment choisi individuellement, étant incorporée dans une programmation en flux continu, identique pour tous et sans possibilité d'individualisation ou de choix.

Cet amendement tend donc à modifier la rédaction du troisième alinéa de l’article L.214-1 du code de la propriété intellectuelle, afin de donner un nouveau souffle à la webradio dans notre pays.

M. le Président – Je voudrais indiquer à M. Bloche, qui m’a fait parvenir une demande de scrutin public sur cet amendement, que sa délégation de pouvoir expirait à 17 heures 30. Afin de favoriser des débats sereins, je vais néanmoins faire annoncer un scrutin public dans l’enceinte du Palais (Protestations sur certains bancs du groupe UMP).

M. Christian Vanneste, rapporteur de la commission des lois – La commission a émis un avis défavorable, cet amendement reprenant l’amendement 83 après l’article 4, qui avait été repoussé par la commission et l’Assemblée nationale en première lecture.

M. Christian Paul - Mais faut-il persévérer dans l’erreur ?

M. le Rapporteur – Je peux vous répéter les raisons de notre refus: cet amendement étend la licence légale aux webradios, pourtant très différentes de la diffusion radiophonique traditionnelle. Vous allez ainsi ouvrir une immense brèche dans la protection des œuvres sur Internet, et saper l’objectif de ce texte : la lutte contre les téléchargements illicites.

M. Christian Paul - Mais il ne s’agit pas de téléchargements illicites !

M. le Rapporteur – Certaines webradios permettent pourtant à l’internaute de construire son propre programme, ce qui est sans doute très innovant, mais bien peu respectueux de la propriété intellectuelle. Une mission de médiation avait d’ailleurs été confiée à un membre du Conseil d’Etat, M. Hadas Lebel, qui avait conclu à l’impossibilité d’un consensus sur cette question.

M. le Président – Tout en donnant votre avis sur cet amendement, pouvez-vous défendre le 263, 2ème rectification, Monsieur le ministre ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication – L’amendement 83, qui portait sur le même objet, a effectivement été rejeté, l’absence de droit exclusif pour la radiodiffusion se justifiant par sa nature de marché secondaire d’exploitation des phonogrammes. Le maintien d’un droit exclusif est en revanche nécessaire en vue de maîtriser le développement de la webradio, qui constitue un marché primaire.

Une démarche contractuelle reste envisageable, comme en témoigne la signature en mars d’un accord entre la Sesam et AOL, qui permet à cette dernière une diffusion sous forme de streaming. J’ajoute que ni la convention de Rome, ni la directive n’imposent l’extension de la licence légale aux webradios, et qu’il s’agit d’une question complexe qui exige un encadrement réglementaire très détaillé et très spécifique. Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable à cet amendement.

S’agissant maintenant de l’amendement 263, 2ème rectification…

M. Christian Paul - … qui n’a rien à voir, puisqu’il s’agit de sanctions infligées aux internautes !

M. le Ministre – … il est évident que tous les acteurs ne partagent pas la même responsabilité : il convient de distinguer clairement les internautes qui téléchargent des morceaux de musique pour leur usage personnel et les personnes physiques ou morales qui incitent au téléchargement illégal, ou tirent profit de mises en ligne illicites, parfois même avant la commercialisation des oeuvres.

Ceux qui porteraient atteinte au droit d’auteur seront naturellement exposés à des sanctions pour contrefaçon, mais je répète qu’il n’est pas concevable d’envoyer en prison un internaute qui téléchargerait illégalement de la musique pour son usage personnel.

Il était donc nécessaire de graduer les sanctions et de les adapter à la gravité des faits, en créant un régime dérogatoire au délit de contrefaçon : nous proposons que les actes de simple téléchargement soient désormais passibles de contraventions de première classe, ou de deuxième classe s’ils s’accompagnent d’une mise en ligne. Nous contribuerons ainsi à préserver le droit d’auteur face aux risques nouveaux engendrés par la diffusion numérique des œuvres, tout en conciliant cet objectif avec la liberté de communication sur internet.

Sans remettre en cause la répartition des compétences entre le pouvoir réglementaire et le pouvoir législatif, vous est ainsi présenté l’ensemble du dispositif que nous mettons en place pour conduire l’offre numérique à son point d’équilibre.

Cet amendement met un terme à une période fâcheuse pendant laquelle les internautes non seulement ne disposaient pas d’une offre légale – le texte la crée – mais avaient le sentiment qu’ils pouvaient être injustement sanctionnés. Si vous adoptez l’amendement, ce ne sera plus possible. C’est là un progrès considérable. D’un côté, nous préservons le droit d’auteur, qui garantit l’avenir de la diversité culturelle ; de l’autre, par souci d’équilibre, nous concilions technologie et respect des principes.

J’ai voulu que ce qui, dans ces dispositions, relève du pouvoir réglementaire donne lieu à discussion et à un questionnement tout à fait légitime.

M. Patrick Bloche - Je reviens sur l’amendement 339. Il est quand même extraordinaire que nous ne soyons pas capables de fixer un cadre juridique pour le développement des webradios. Selon le rapporteur, on a rejeté cette disposition en première lecture – il veut parler du début de l’examen de ce texte en décembre… (Sourires) – mais les webradios sont l’avenir de la radio, et nous n’avons pas si souvent l’occasion de légiférer sur ce domaine. Profitons-en pour nous inscrire dans une perspective à plus long terme. On sait bien que la rareté des fréquences hertziennes a conduit à la concentration et à la standardisation de l’offre musicale. Internet, outre la gratuité, a le grand avantage de favoriser une culture de la diversité.

M. Michel Piron - Internet est un outil, pas une culture.

M. Patrick Bloche – Puisque l’on a malheureusement abandonné la voie contractuelle, réglons cette question par la loi. Depuis deux ans, tous les portails ont des projets de webradios qui sont en panne à cause de cette incertitude. Tout ce qui existe, c’est la rediffusion simultanée sur le web de programmes des chaînes hertziennes. Construisons l’avenir, et offrons aux webradios les possibilités de développement qu’elles attendent.

M. Pierre-Christophe Baguet - Effectivement, les fréquences hertziennes sont rares et ne suffisent ni pour les radios généralistes ni pour les radios musicales. Selon un rapport de l’Observatoire de la musique, la diversité n’est pas suffisante. Les webradios sont une solution à saisir pour mieux l’assurer. Nous avons légiféré pour retarder les négociations sur les renouvellement des fréquences et le plan FM 2006, lancé avec votre soutien, Monsieur le ministre, est débattu par le CSA. Donnons à celui-ci un signal fort. J’observe d’ailleurs que le service public, auquel on reproche souvent d’être passéiste, a été le premier à lancer une webradio sportive. Ayant commis un rapport sur la radio FM, je suis favorable à l’amendement 339.

M. Michel Piron - Parler d’une culture de l’internet introduit une grave confusion. Il ne s’agit que d’un instrument susceptible d’être mis au service d’une culture. Mais cet outil peut servir la diversité ou la desservir et favoriser l’uniformité du message. Nous devons y prendre garde.

M. Frédéric Dutoit - Ces considérations générales ont peu à voir avec l’amendement. L’internet n’est pas une nouvelle culture, mais son utilisation peut effectivement modifier considérablement l’accès à la culture, et influer sur la diversité culturelle – qui, au passage, est autre chose que l’exception culturelle. Avec internet, on n’a pas d’un côté des émetteurs institutionnels et de l’autre côté les récepteurs ; ces derniers peuvent aussi être émetteurs, ce qui change les rapports sociaux.

Les webradios existent. Il faut leur donner le cadre juridique dont elles ont besoin pour se développer. Le groupe communiste votera donc l’amendement 339.

M. Christian Paul – Cet amendement, que vous vous apprêtez à refuser, pourrait être pour les web radios ce que fut au début des années quatre-vingts la loi sur les radios libres. Monsieur le ministre, si vous aviez été alors ministre de la culture, auriez-vous laissé dire que les radios libres risquaient de porter atteinte à la diversité culturelle ? Alors qu’elles étaient interdites depuis des années, le Parlement, sous l’impulsion de Jack Lang, les a légalisées, et elles ont donné un souffle nouveau à toute la création musicale française.

Si votre inquiétude, Monsieur le rapporteur, a trait à la rémunération des artistes dont les œuvres seraient diffusées sur les web radios, retravaillons sur ce point. Nous pouvons trouver une solution. Elle est à portée de main. Saisissons l’occasion, comme cela fut fait en 1981. Cela n’aurait rien d’iconoclaste. Réfléchissez donc bien avant de vous prononcer ce soir car, si elles sont adoptées, vos propositions devront être revues dans un an et demi. N’attendons pas jusque là. Votez dès ce soir l’amendement 339.

A la majorité de 28 voix contre 11 sur 39 votants et 39 suffrages exprimés, l’amendement 339 n’est pas adopté.

M. le Président – L’amendement 263 2ème rectification a déjà été présenté.

Mme Jacqueline Fraysse - Le ministre devrait donner un avis favorable à notre sous-amendement 274 pour n’être pas en contradiction avec ses déclarations du 22 février dernier, rapportées par l’agence Reuter, selon lesquelles ce projet de loi devait « garantir l’exception pour copie privée qui donne à chacun la liberté de copier des œuvres pour lui et pour ses proches. » L’amendement 263 2ème rectification comporte d’ailleurs en lui-même une contradiction puisqu’une copie effectuée à des fins personnelles, par définition licite, ne saurait être « non autorisée ». C’est d’ailleurs pourquoi nous demandons, par notre sous-amendement, la suppression de ces deux mots.

Toutes ces contradictions trahissent en fait le peu d’empressement du Gouvernement à satisfaire les attentes légitimes des internautes. L’UFC-Que Choisir ? vous reprochait le 7 mars dernier d’aller « à contre-sens de l’histoire numérique », « de vous attaquer aux échanges privés des consommateurs » et de « vouloir créer par décret de nouvelles contraventions, privant ainsi le Parlement d’un débat légitime ». C’est tout aussi à tort que vous soumettez l’usage privé des œuvres achetées par les consommateurs au contrôle unilatéral des professionnels, en totale contradiction avec le principe même de la copie privée.

M. Bernard Carayon - Je n’ai rien compris à votre propos.

M. Patrick Bloche - Le sous-amendement 329 clarifie la notion de mise à disposition résultant directement et à titre accessoire d’une reproduction. La formulation retenue pourrait être comprise comme ne concernant que les mises à disposition résultant d’un téléchargement effectué par l’utilisateur d’un système d’échange. Or, de telles mises à disposition peuvent être induites par la simple utilisation du système d’échange, lequel peut imposer, par exemple, le partage des fichiers du disque dur de l’ordinateur connecté au service de communication au public en ligne. Cette mise à disposition-là est bien effectuée à des fins personnelles, et non commerciales. Nous proposons donc de l’inclure plus explicitement dans l’article.

Permettez-moi, Monsieur le président, de m’exprimer à cet instant sur l’amendement 263 2ème rectification du Gouvernement, dont le ministre nous a dit cet après-midi que l’examen constituerait un moment historique. Et comme nous savons tous que nous légiférons sous les yeux du monde entier… et même au-delà (Rires), il n’est pas inutile de rappeler que si nous en débattons aujourd’hui, c’est parce qu’une majorité de députés, de tous bords, a, le 21 décembre dernier, voté un amendement légalisant le téléchargement et instituant en contrepartie une nouvelle recette pour le financement de la culture. Dès lors, notre débat a pris une tout autre tournure. Des marges de manœuvre sont apparues pour préserver le droit à copie privée et ne plus assimiler le téléchargement à un délit de contrefaçon, si bien que les internautes ne sont plus menacés de trois ans de prison et 300 000 euros d’amende. Il faut féliciter les députés qui sont parvenus à briser la logique exclusivement répressive du texte initial. Aussi insuffisant soit-il, sans nous, jamais cet amendement 263 2ème rectification n’aurait vu le jour (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Nous en revendiquons donc notre part de paternité. (Mêmes mouvements). Le vote historique du 21 décembre a permis de faire disparaître les dispositions les plus liberticides de votre projet initial. Pour autant, votre choix aujourd’hui demeure paradoxal. Tout en ne légalisant pas le téléchargement, vous maintenez le principe de sa gratuité, contribuant de fait à le banaliser.

Dans la mesure où de nombreuses dispositions sont renvoyées au pouvoir réglementaire, nous avons plusieurs questions précises à vous poser. Comme l’a fort justement souligné le président de la commission des lois, l’infraction devra être précisément définie par vous-même, Monsieur le ministre. Sera-t-elle constituée pour chaque téléchargement ? Pour chaque œuvre téléchargée ? Qui la constatera ? Qui sera chargé des contrôles ?

M. le Rapporteur - L’amendement 263 2ème rectification est en effet l’une des conséquences de ce qui s’est passé fin décembre. Dans le projet de loi initial, les internautes effectuant des téléchargements illicites à des fins personnelles, de même que ceux qui communiquaient au public des œuvres protégées, y compris à des fins non commerciales, s’exposaient aux lourdes sanctions pénales applicables au délit de contrefaçon, à savoir trois ans de prison et 300 000 euros d’amende -même si chacun savait que de telles peines n’auraient jamais été appliquées (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Sur tous les bancs, nous avons considéré que ces dispositions étaient déséquilibrées.

M. Christian Paul - Que je sache, vous n’avez pas voté notre amendement, Monsieur le rapporteur.

M. le Rapporteur – J’avais moi-même présenté plusieurs amendements adoptés par la commission réservant les sanctions pénales applicables au délit de contrefaçon au contournement des seules mesures techniques de protection.

Dès le début de notre débat en décembre, le Gouvernement proposait une réponse graduée. La concertation qui s’est engagée a permis d’aller plus loin encore avec cet amendement, aux termes duquel le téléchargement non autorisé et la communication publique d’œuvres, d’interprétations, de phonogrammes ou de vidéogrammes ne relèvent plus que du régime des contraventions. Vous avez, Monsieur le ministre, répondu parfaitement aux questions soulevées alors par la commission. Aussi la commission a-t-elle émis un avis favorable à l’amendement 263 2ème rectification. Il en va autrement du sous-amendement 274, contraire à l’esprit de l’amendement du Gouvernement. Ce sous-amendement vise à rendre licite le téléchargement, c’est-à-dire à réintroduire la licence globale, tandis que le Gouvernement prévoit de sanctionner le téléchargement illicite par une contravention. Au mois de décembre, je ne l’avais donc pas soutenu.

M. Christian Paul - Nous nous en doutions !

M. le Rapporteur - La commission l’a repoussé. Quant au sous-amendement 329, il est satisfait par le deuxième alinéa de l’amendement du Gouvernement. Avis défavorable donc.

M. le Ministre – Par cohérence, avis défavorable au sous-amendement 274. Quant au sous-amendement 329, il est effectivement satisfait par l’amendement 263 2ème rectification.

Pour que chacun puisse, en toute conscience…

M. Christian Paul - Télécharger !

M. le Ministre - …voter, il me semble important de clarifier les enjeux.

Tout d’abord, le champ des infractions. Il est clairement circonscrit : seuls le téléchargement illicite et le téléchargement illicite avec mise à disposition automatique de l’œuvre seront sanctionnés. Avec l’amendement 263 2ème rectification, ces actes ne relèvent plus de la contrefaçon, punie de 300 000 euros d’amende et de trois ans de prison. C’est légitime : les échanges gratuits entre internautes ordinaires ne correspondent pas à une activité lucrative comparable à la contrefaçon. Et comme cette affaire est aussi question de valeur, nous souhaitons que les fournisseurs d’accès à internet fournissent régulièrement aux internautes des informations sur la propriété intellectuelle et le droit d’auteur. Par ailleurs, différencier le téléchargement illicite de la contrefaçon permet également de sortir de la procédure du délit, qui implique garde à vue et perquisition. Il s’agit donc de punir ces actes par des sanctions adaptées. D’ailleurs, nous n’avions pas eu le temps d’en discuter en décembre, mais je rappelle que le Gouvernement avait prévu un dispositif de responsabilité des internautes en deux étapes, la première consistant à envoyer à l’internaute un e-mail d’information. Contrairement à ce qu’ont affirmé les médias, il n’a donc jamais été question de jeter l’internaute ordinaire en prison. Je l’ai répété à maintes reprises aux parlementaires qui m’ont interrogé par la suite. Comment avez-vous pu croire qu’il en était autrement ?

M. Christian Paul – C’est pourtant simple ! Vous n’avez pas pris position quand des internautes ont été condamnés par les tribunaux.

M. le Ministre - Par l’adoption de l’amendement 263 2ème rectification, vous mettrez un terme définitif à ces rumeurs infondées.

S’agissant de la protection de la vie privée, il ne s’agit pas de surveiller les internautes mais de surveiller les œuvres.

Mme Martine Billard et M. Christian Paul - Quelle différence ?

M. le Ministre – Écoutez, nous avons le droit d’avoir des convictions politiques différentes…

M. Christian Paul – Il ne s’agit pas de politique mais de la vie de tous les jours !

M. le Ministre - …mais il importe d’affirmer solennellement que la liberté de communication ne sera pas entravée et que l’on ne portera pas atteinte au respect de la vie privée. C’est l’auteur qui détermine le régime juridique de l’œuvre, vous l’avez rappelé. Il peut choisir de diffuser gratuitement son œuvre s’il a besoin de se faire connaître ou de vouloir vivre du produit de son travail. La technologie est donc un facteur de progrès car elle permet d’attacher à l’œuvre un certain nombre de signaux, tels que son caractère protégé ou non. Des amendements visant à donner des informations au consommateur sur le choix de l’auteur ont d’ailleurs été votés.

Les constats de téléchargement illicite seront opérés par des logiciels pair à pair qui téléchargeront l’adresse IP de l’internaute contrevenant.

M. Christian Paul - Comment faire si vous interdisez les logiciels pair à pair ?

M. le Ministre – L’infraction sera constatée par un officier de police judiciaire. Le procureur pourra alors demander l’identité de l’internaute à son fournisseur d’accès. Cette procédure est totalement protectrice des libertés individuelles.

Ensuite, beaucoup d’entre vous s’interrogent sur l’effectivité des sanctions. Seront-elles appliquées ? Comment ? À l’unité ? À l’œuvre ? Assisterons-nous à une multiplication des amendes ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) ) Le téléchargement illégal ne doit pas être plus attractif que le téléchargement légal. Il ne faut ni banaliser la gratuité, ni étrangler financièrement les internautes. Les sanctions seront liées au constat de l’acte de téléchargement. La contravention prévue est de 38 euros pour un simple acte de téléchargement et de 150 euros pour un téléchargement avec mise à disposition d’œuvre. Les critères à partir desquels seront fixées les contraventions seront déterminés en Conseil d’État : on peut imaginer des limitations dans le temps ou des seuils établis en fonction du nombre d’œuvre ou du poids des fichiers.

M. Christian Paul – On ne sait pas ce qu’il en sera !

M. le Ministre – Dans le souci de rendre ces sanctions effectives, nous créerons un service spécialisé, tel qu’il en existe contre la cybercriminalité.

M. Christian Paul - Combien de fonctionnaires ?

M. le Ministre – Voilà toutes les informations que je voulais vous communiquer. J’ai le sentiment qu’avec ce dispositif nous avons atteint un point d’équilibre que rien ne vous empêche d’approuver.

Par ailleurs, comme tout ministre de la République, je suis à la disposition du Parlement, de la commission des lois…

M. Pierre-Christophe Baguet – N’oubliez pas la commission des affaires culturelles !

M. le Ministre - …et de toutes les commissions. En tant qu’ancien député, je ne dérogerai jamais à ce principe. En d’autres termes, même si la question des contraventions relève du domaine réglementaire, je suis prêt à y travailler avec vous.

Le point d’équilibre que nous avons atteint ensemble, j’y tiens. Je souhaite qu’internet permette la diffusion des œuvres et des artistes et la rémunération de leur œuvre et que les internautes soient responsabilisés. D’ailleurs, les jeunes ont des valeurs et les défendent...

M. Christian Paul - Oui, dans la rue, cet après-midi même !

M. le Ministre – La jeunesse respecte la diversité culturelle et le travail artistique. Il est donc légitime et sain de traiter différemment ceux qui veulent faire de l’argent en détournant le droit d’auteur des internautes. Il nous faut entreprendre une œuvre collective de pédagogie pour responsabiliser les internautes.

M. le Président – Sur l’amendement 263 2ème rectification, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

Mme Martine Billard - Le ministre vient de nous apporter quelques éclaircissements. Nous en sommes quand même à la cinquième version, ce qui démontre combien le Gouvernement était incertain. Si la présente rédaction n’envoie plus les internautes en prison, elle pose encore beaucoup de questions sur son application.

Monsieur le ministre, vous nous répétez constamment que ce sont les œuvres qui seront surveillées et les auteurs qui détermineront le régime de diffusion. Vous venez de nous expliquer que le constat s’effectuera par un logiciel peer to peer ; l’adresse IP permettra à l’officier de police judiciaire de remonter jusqu’à son propriétaire, ce qui est le cas actuellement dans les affaires de pédophilie, de racisme et d’antisémitisme. Cependant, cela peut parfois s’avérer difficile, ce que vous reconnaissiez d’ailleurs dans l’amendement 228.

En outre, l’amende sera de 38 euros pour un téléchargement illicite et de 150 euros pour un téléchargement avec mise à disposition automatique de l’œuvre. D’une part, vous en revenez par cette dernière contravention à l’interdiction du peer to peer, qui est l’une de vos obsessions. D’autre part, je vois mal comment vous parviendrez à détecter un téléchargement individuel, à moins qu’il y ait dénonciation : vous ne pourrez donc pas appliquer l’amende de 38 euros. Ne laissez donc pas croire qu’il y aura deux sortes d’amendes ! C’est celle de 150 euros qui s’appliquera pratiquement à tout coup. A moins que, comme vous l’aviez laissé entendre pour la peine de prison prévue dans la première version de l’amendement, elle ne doive jamais être appliquée – mais une telle méthode pourrait paraître bizarre de la part du législateur et de la commission des lois !

Par ailleurs, à la question que nous vous vous posons depuis le début, à savoir si c’est la connexion, la durée ou le nombre d’œuvres téléchargées qui sont visées, vous nous répondez que c’est le Conseil d’Etat qui le précisera. Je trouve cela dommageable, alors que ce texte est à l’étude depuis deux ans et en discussion depuis le mois de décembre. Nous avons à plusieurs reprises déploré que l’Assemblée se trouve dessaisie de son pouvoir de législateur : aujourd’hui, elle ne peut même plus être informée des décisions qui pourront être prises. Les justiciables doivent pourtant savoir quels seront les recours possibles et l’étendue de la sanction.

M. Laurent Wauquiez - Madame Fraysse, je ne comprends pas du tout votre sous-amendement. Soit la reproduction est autorisée, soit elle ne l’est pas. Le but de l’amendement du Gouvernement est de faire en sorte qu’une reproduction non autorisée ne soit pas pénalisée. Alors que les députés de gauche ont souligné qu’il fallait être précis pour laisser la marge d’interprétation la moins grande possible aux juges, vous jouez à front renversé et prenez le risque que les juges estiment que seule la reproduction autorisée ne doit pas faire l’objet d’une pénalisation. Sans plus d’explications, nous ne pouvons comprendre.

Monsieur Bloche, vous nous dites que c’est grâce au vote de décembre que nous avons pu rediscuter et rééquilibrer le système, mais vous y allez un peu fort en revendiquant la paternité de ces nouvelles propositions !

M. Patrick Bloche - Je vous le concède, je suis parfois excessif !

M. Laurent Wauquiez - Je vous remercie de le reconnaître. Désormais, c’est l’avenir qui importe : comptez-vous voter cet amendement ? Soit on en reste à la situation actuelle, qui comporte un risque d’emprisonnement des internautes, soit vous acceptez de sortir de la pénalisation individuelle. A cet égard, le scrutin public a sa signification.

Enfin, M. Paul a évoqué la figure historique de Jack Lang, icône du parti socialiste en la matière. Mais jamais celui-ci n’a été présent dans ce débat plus de trente secondes. Je n’ose pas soupçonner qu’il y ait un double jeu, MM. Lang et Hollande envoyant à l’extérieur de l’hémicycle, des signaux aux artistes et MM. Paul et Bloche, dont je salue le travail, réaffirmant ici-même leur soutien aux internautes (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Christian Paul – Comment pouvez-vous penser que les députés socialistes, membres d’un grand parti démocratique qui a vocation à gouverner, puissent s’exprimer dans cet hémicycle sur des questions aussi essentielles, sans qu’il y ait eu, au sein de leur groupe, un débat et une délibération collective, ainsi que des prises de position réitérées, rappelées avant-hier par Jean-Marc Ayrault ?

S’agissant de cet amendement, vous appelez à un vote disciplinaire, après ce qui fut le vote libre de décembre. Sur le fond, cet amendement en est à sa deuxième rectification : c’est dire l’effort qui est fait pour accoucher de ce petit monstre, dont je préfère ne pas revendiquer la paternité.

En effet, nous sommes passés de la riposte graduée à la riposte dégradée, et, qui plus est, de la lumière à l’ombre. Si en décembre, c’était au Parlement de décider, aujourd’hui, ce sont les bureaux de la rue de Valois qui rédigeront un décret. Le régime pénal très aggravé, que les juges répugnaient à mettre en œuvre, devient un régime contraventionnel, sommet de l’hypocrisie.

Pour les internautes, il signifie une insécurité juridique totale : 38 euros ou 150 euros ? 38 euros et 150 euros ? Multipliés par combien de contraventions ? Qu’est-ce qu’un acte de téléchargement, qualification que vous avez donnée de la contravention ? Nous ne quitterons pas l’hémicycle sans le savoir, Monsieur le ministre !

Par ailleurs, ce système ne sera pas dissuasif : le téléchargement continuera de plus belle, grâce au développement du haut débit et aux nouveaux contournements, d’ores et déjà en préparation. Il s’agit en fait d’une dépénalisation qui ne dit pas réellement son nom.

Concrètement, comment les choses vont-elles se passer ? Dans le cas des radars automatiques sur la route, pour reprendre une comparaison qui est souvent faite, il existe une base légale précise, et les photos permettent au propriétaire du véhicule de contester l’infraction ; ici, sur quoi va-t-on se fonder ?

Je ne suis pas le seul à m’inquiéter, en témoigne cette déclaration faite aujourd’hui par la présidente de l’association nationale des juges d’instance : « La navette entre les agents de police judiciaire et le juge de proximité suppose une procédure très complexe pour chaque infraction. Je ne vois pas comment mettre en branle une machine aussi lourde pour 38 euros ou même 150 euros d’amende ; et les juges de proximité n’ont ni le temps ni les compétences pour absorber ce travail ». Oui, il faudrait entendre sur cette question le Garde des Sceaux. Nous avons besoin de comprendre ce qu’est l’acte de téléchargement : est-ce un morceau, dix morceaux, mille morceaux ?

Une dernière question, Monsieur le ministre, qui concerne les usages.

Aujourd’hui, il y a de la musique sur des centaines de milliers de blogs, tous les jours des fichiers musicaux s’échangent par le biais des messageries. Est-ce là une mise à disposition condamnable ? L’amendement Vivendi rend-il coupable MSN ?

M. Jean Dionis du Séjour - Cet amendement nous ramène à la question suivante : quel modèle culturel voulons-nous construire dans un monde où l’internet va être le vecteur de diffusion majeur ?

Le groupe UDF propose deux objectifs : premièrement, promouvoir la création culturelle ; deuxièmement, saisir les possibilités offertes par l’internet d’une diffusion plus large, plus diversifiée et plus populaire de la culture.

Comment faire pour les atteindre ? Selon nous, la consommation de la culture sur l’internet doit devenir l’assiette principale de la rémunération culturelle ; d’où notre soutien aux plateformes légales payantes, notre soutien aux mesures techniques de protection – à condition qu’elles soient respectueuses des libertés privées –, et notre soutien responsable – alors que le discours du groupe socialiste n’est pas responsable – à un dispositif de sanctions. La directive européenne, dans son article 8, n’appelle-t-elle pas les Etats membres à mettre en place des sanctions efficaces, dissuasives et proportionnées ?

Mme Martine Billard - Efficaces…

M. Jean Dionis du Séjour - En décembre, Monsieur le ministre, vous aviez proposé le concept de la réponse graduée. Certains éléments étaient inacceptables, en particulier la police privée de l’internet ; mais d’autres étaient intéressants : responsabilisation de l’abonné, prévention par l’envoi de messages d’avertissement.

L’amendement que nous avons déposé n’a, pour des raisons de gestion de la séance, pas été retenu. Nous renonçons à notre demande de levée de forclusion, dans un souci d’apaisement ; mais je voudrais néanmoins poser les questions que soulevait cet amendement.

La réponse graduée doit selon nous être réécrite autour de principes simples : c’est à l’État d’assurer la police, non à des sociétés privées ; il faut une chaîne claire entre la détection, le contrôle et la sanction. Il faut poser clairement le problème de la responsabilisation de l’abonné, Monsieur le ministre : vous n’en ferez pas l’économie, et je voudrais vous entendre sur ce sujet. Il faut aussi laisser le temps à l’abonné de mettre bon ordre sur sa machine – pensons aux parents d’adolescents qui téléchargent. Enfin, il faudrait que les coûts de gestion soient modiques : on ne peut pas faire une enquête sur chaque téléchargement.

Nous voterons cet amendement, parce qu’il va dans le sens de l’article 8 de la directive et du modèle économique et culturel que nous appelons de nos vœux ; mais nous attendons vos réponses, Monsieur le ministre.

M. Frédéric Dutoit - Pour notre part, nous voterons contre. Monsieur Wauquiez, vous avez eu des propos particulièrement politiciens en prétendant que nous voudrions donc que les internautes soient sanctionnés plus fortement…

M. Laurent Wauquiez - C’est la réalité !

M. Frédéric Dutoit - Nous sommes contre ce projet, parce qu’il ne répond pas aux besoins en matière de rémunération des auteurs et de développement des échanges sur l’internet ; et nous voterons contre cet amendement parce qu’il est inefficace.

Pourriez-vous nous éclairer, Monsieur le ministre, sur la façon dont on constatera l’infraction d’un téléchargement simple ? Vous nous parlez de services spécialisés de l’État dans la lutte contre la cybercriminalité ; est-ce à dire que les téléchargements sont des crimes ? Quels seront les moyens de ces services ? Vont-ils écouter les communications des internautes au hasard ? Les interceptions, me semble-t-il, supposent une autorisation du juge…

M. Pierre-Christophe Baguet - Sans reprendre ce qu’a dit mon collègue Dionis du Séjour, je voudrais insister sur le fait que pour responsabiliser les huit millions d’internautes qui téléchargent, il faut une politique globale et équilibrée. Le credo de l’UDF, c’est responsabilisation, pédagogie, puis sanctions proportionnées – et applicables car crédibles. Il s’agit de se comporter en bon père de famille. Nous nous félicitons d’ailleurs que les internautes passent du statut de criminels potentiels à celui de simples contrevenants. Mais la pédagogie ciblée reste pour nous une priorité absolue, et cet amendement nous laisse un peu frustrés. J’avais proposé que sur les publicités faites par les fournisseurs d’accès, on rappelle que le piratage nuit à la création artistique.

Du reste, je souhaiterais que notre Assemblée se prononce sur ce point et rende obligatoire l’inscription de cette formule sur tous les sites, qu’il soient commerciaux ou non, privés ou institutionnels. Ainsi se diffuserait une sorte de charte du bon usage de l’internet et de la défense de la diversité culturelle.

Malgré l’amendement du Gouvernement, plusieurs interrogations restent en suspens. Quelles seront, notamment, les modalités de dépistage, sachant qu’il sera toujours plus facile d’identifier le téléchargement d’un film que celui d’une œuvre musicale ? Nous vous suggérons, Monsieur le ministre, de vous inspirer de la méthode retenue par le ministre de la santé pour la loi sur le handicap, en constituant des groupes de travail pour préparer la rédaction des décrets d’application car ceux-ci seront d’une importance capitale. Ces groupes devraient notamment comporter des parlementaires et des représentants des internautes, ainsi que des professionnels et des associations.

M. Patrick Bloche - D’abord, je donne acte à M. Wauquiez que j’ai été bien excessif en revendiquant la paternité de ce « petit monstre juridique » qu’est le mauvais amendement du Gouvernement. Sans doute mes fonctions à la tête de la mission famille m’ont-elles conduit à une vision par trop extensive de la notion de paternité… En revanche, comme l’a excellemment relevé M. Dutoit, le vote du 21 décembre est manifestement à l’origine de cet amendement, déposé à la fin du mois dernier.

Ensuite, dans la mesure où le ministre se dit prêt à faire le tour de toutes les commissions parlementaires, je l’invite à commencer par la commission des affaires étrangères puisque nous légiférons sous les yeux du monde entier…

S’agissant des modalités d’établissement de l’infraction, on étudiera avec profit la délibération de la CNIL du 23 décembre 2003, relative à la procédure de constatation automatisée des infractions routières car des problèmes analogues ne manqueront pas de se poser pour ce qui concerne la constatation des infractions au téléchargement. La conclusion qui s’impose d’évidence, c’est qu’il n’existe aucune base légale pour utiliser un dispositif de constatation automatique…

Mme Martine Billard - Absolument.

M. Patrick Bloche - Monsieur le ministre, nous vous reposons la question : comment seront constatées les infractions ? Allez-vous créer une police de l’Internet ? Dans l’affirmative, sera-t-elle publique ou privée ? Comment les citoyens pourront-ils contester les constats ? Comment les droits de la défense seront-ils garantis ? Par analogie avec les infractions au code de la route, l’internaute soupçonné d’usage illicite pourra-t-il accéder à toutes les informations le concernant ? Dans l’hypothèse où serait retenu un système de traitement automatisé, sera-t-il placé sous l’autorité du procureur de la République ? Vous nous devez des explications car s’il appartient au titulaire du pouvoir réglementaire de créer des contraventions, c’est au législateur qu’il incombe de veiller à ce que les droits fondamentaux des citoyens soient respectés. Si la loi n’apporte pas de précisions complémentaires sur la procédure pénale ou sur les modalités d’exercice des droits de la défense, tout porte à croire que les contraventions ainsi créées seront inconstitutionnelles.

Bien entendu, nous ne voterons pas cet amendement.

M. Laurent Wauquiez - On marche sur la tête !

M. le Ministre – Je crois avoir été très clair dans mes explications précédentes. A Pierre-Christophe Baguet et Jean Dionis du Séjour, je rappelle que notre objectif primordial est de sécuriser juridiquement le droit d’auteur aujourd’hui affecté par les usages nouveaux de l’Internet, afin que se développe une offre légale et attractive, fondée sur un modèle économique adapté…

M. Pierre-Christophe Baguet - Tout à fait d’accord.

M. le Ministre – Par ailleurs, je crois moi aussi beaucoup aux actions de sensibilisation au respect des œuvres, menées dès l’école. Ces campagnes doivent s’attacher à faire comprendre les enjeux de la propriété intellectuelle, du droit d’auteur et de la rémunération du travail de création artistique, car il y a là autant de valeurs qu’il convient de faire partager.

L’idée de diffuser un courriel d’information en cas de constatation d’une infraction mérite aussi d’être approfondie…

M. Pierre-Christophe Baguet - En effet.

M. le Ministre – …et un amendement viendra préciser ultérieurement le contenu du message de sensibilisation qu’il convient d’adresser à tous les abonnés.

Monsieur Christian Paul, les ministres ne s’invitent pas dans les commissions parlementaires : ils répondent à leur convocation. Je suis prêt au travail de concertation sur les décrets d’application auquel vous m’incitez et je ne manquerai pas de me rendre devant la commission des affaires étrangères de votre Assemblée si elle le juge utile.

A Mme Billard et M. Dutoit, je veux dire qu’il faut éviter de faire naître des peurs inutiles. Il ne s’agit pas de surveiller les internautes mais les œuvres…

Mme Martine Billard - Vous ne manquez aucune occasion de le répéter mais cela ne veut rien dire !

M. le Ministre – Mais si, et vous le savez parfaitement. Disons plutôt que vous ne voulez pas comprendre.

La perspective de sanctions de 300 000 euros et trois ans de prison a créé une peur légitime dans l’opinion, et nous avons souhaité rééquilibrer le dispositif en vue de le rendre tout à la fois mieux applicable et plus progressif. Le Garde des sceaux va mobiliser les parquets et le Premier ministre a annoncé des dispositions opérationnelles visant à constituer, au sein des services de l’État, des cellules spécialisées auxquelles incomberont les opérations de contrôle, de surveillance et d’application des sanctions, en priorité à l’encontre de ceux qui méritent d’être placés en situation de responsabilité pénale parce qu’ils tirent un profit financier du détournement des droits d’auteur.

Le point d’équilibre auquel nous sommes parvenus me semble justifier amplement l’approbation de votre Assemblée.

M. Patrick Bloche - Rappel au Règlement. Nous voulons bien être coopératifs mais nous sommes ici pour travailler. Nous avons posé des questions précises, notamment sur le fondement d’une délibération de la CNIL, et le ministre nous répond par des généralités. Je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance.

La séance, suspendue à 23 heures 15, est reprise à 23 heures 17.
Les sous-amendements 329 et 274, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
A la majorité de 34 voix contre 9 sur 43 votants et 43 suffrages exprimés, l’amendement 263, 2e rectification, est adopté.

M. le Ministre – L’amendement 264 est de coordination.

M. le Rapporteur – Avis favorable. L’amendement 48 de la commission est retiré.

L'amendement 264, mis au voix, est adopté.

M. Thierry Mariani - Dans le même esprit que l’amendement à l’article 12 que nous avons adopté hier soir, l’objet de l’amendement 267 rectifié n’est pas de prohiber le peer to peer, mais de promouvoir un usage de cette technique qui soit plus respectueux des droits des artistes. Pour y parvenir, nous proposons de faire porter la responsabilité sur les éditeurs de logiciels, et non plus sur les internautes : grâce à des innovations technologiques récentes, ces professionnels du virtuel disposent en effet des moyens leur permettant d’identifier les flux qui transitent de pair à pair, et donc de rémunérer les ayants droit.

Afin d’obliger les éditeurs à intégrer ces technologies dans les logiciels qu’ils mettent à la disposition du grand public, cet amendement prévoit des mesures préventives de nature à inciter les éditeurs de logiciels à s’inscrire d’eux-mêmes dans un processus de juste rémunération de la création culturelle.

Certes, le code civil prévoit déjà des sanctions en cas de violation du droit d’auteur et des droits voisins, mais il me semble opportun d’associer les éditeurs à une démarche coopérative avec les ayants droit. Une telle évolution ne dénaturera ni les caractéristiques économiques et techniques des logiciels de peer to peer, ni leur destination initiale, et sera d’autant plus bénéfique que l’obligation s’imposera à tous les éditeurs. Ainsi, les internautes ne risqueront plus de commettre des actes illégaux engageant leur responsabilité, et les acteurs de la scène culturelle française pourront continuer à vivre du produit de leur art.

M. Laurent Wauquiez - La vigueur des réactions sur les bancs l’opposition démontre bien la difficulté de ce sujet.

M. Christian Paul - Les défenseurs de la liberté sont là !

M. Laurent Wauquiez – Ne versez pas dans la facilité ! Nous devons préserver le logiciel libre, car une technique n’a en soi rien d’illégal, comme l’a expliqué M. Carayon, mais nous devons également éviter le détournement de ces technologies au-delà du raisonnable.

Mon sous-amendement 388 rectifié tend ainsi à mettre un terme à la traque engagée contre les internautes, en concentrant l’action sur les intermédiaires. A une pénalisation à tout crin, nous préférons une action moins dure, reposant sur des mesures de prévention et visant des exploitations commerciales illicites. Nous avons donc essayé d’améliorer la proposition de mon collègue Mariani en concertation avec les représentants du logiciel libre et des artistes.

Nous plaçant sur le terrain de l’édition de logiciels et non de l’utilisation – principe que Mme Billard ne reniera sans doute pas –, nous prévoyons que les actions civiles pourront viser des actes « manifestement illégaux » aboutissant à un téléchargement illicite dans le cadre d’une exploitation commerciale, comme le veut la directive européenne. Nous suivrons ainsi l’exemple de plusieurs pays étrangers, tout en offrant une meilleure protection qu’eux au logiciel libre.

M. Christian Paul - Si l’amendement de M. Wauquiez pèche par son opacité, celui de M. Mariani est tout à fait clair : il s’agit encore de l’amendement « Vivendi » qu’il défend patiemment depuis hier en compagnie de M. Vanneste.

A vouloir frapper les éditeurs de logiciels, vous vous trompez de cible : les logiciels de peer to peer sont des technologies neutres, dont il est possible de faire des usages très différents, pour le meilleur comme pour le pire. Ce sont donc les utilisations illégales qu’il faut viser, voire les intermédiaires s’ils poursuivent des buts manifestement illicites.

En vous concentrant sur les éditeurs, vous commettez donc une erreur de stratégie colossale, comme le montrent d’ailleurs toutes les réactions de la communauté du logiciel libre. Nous ne saurions donc en aucun cas accepter l’amendement 267 rectifié, que notre sous-amendement 327 tend à corriger.

Plus étrange est le sous-amendement de M. Wauquiez, dont on ignore la cible exacte. Après 24 heures de méditation et de remords, M. Wauquiez semble avoir compris que les logiciels de peer to peer ne doivent pas être attaqués…

M. Laurent Wauquiez - Ne soyez pas si arrogant !

M. Christian Paul - … mais c’est une pure apparence. Votre sous-amendement à l’amendement Vivendi-Mariani – ou Mariani-Vivendi, car on ne sait plus qui en est le père et qui en est la mère porteuse – frappe lui aussi les éditeurs de logiciels. Nous ne pouvons donc vous suivre sur ce terrain : entendons les cris de ceux qui se révoltent contre vos erreurs d’appréciation !

M. le Rapporteur – La commission avait émis un avis défavorable à l’amendement présenté par M. Mariani, qui prévoit des sanctions civiles à l’encontre les éditeurs de logiciel.

M. Patrick Bloche - Enfin, la raison prévaut !

M. le Rapporteur - Cet amendement s’inscrit certes dans la ligne des travaux de la commission Sirinelli pour le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, qui mettait en cause la responsabilité civile des éditeurs de logiciels. Mais la commission des lois a estimé qu’il visait une cible trop large. Le sous-amendement de M. Wauquiez restaure l’équilibre. A titre personnel, je suis donc favorable à l’amendement ainsi précisé. Il s’agit d’exonérer les internautes pour rendre responsables les éditeurs qui tirent profit du piratage. En conséquence, je ne peux bien entendu qu’émettre un avis défavorable au sous-amendement 327.

M. le Ministre – Le Gouvernement est favorable à l’amendement 267 rectifié sous réserve de l’adoption du sous-amendement 388 rectifié qui assure l’équilibre nécessaire entre la protection des auteurs et l’innovation technologique, la défense de notre potentiel culturel et artistique et de notre potentiel scientifique. Le droit commun du référé tel que le déterminent les articles 808 et 809 du nouveau code de procédure civile autorise déjà le juge à prendre toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser un dommage. Mais il n’est pas normal que les éditeurs de logiciels puissent tirer profit d’infractions qu’ils conduisent les internautes à commettre, alimentant ainsi une véritable économie souterraine au détriment des créateurs. Il est donc utile de compléter le dispositif pénal pour sanctionner l’intention frauduleuse par des peines dissuasives. Cela suppose toutefois des garanties : il s’agit en premier lieu de l’intervention au cas par cas du juge. Il s’agit ensuite de réserver le dispositif aux cas où il y a évidence manifeste que le logiciel participe d’une logique commerciale et que les éditeurs tirent profit de ces actes illicites. Ces avancées vont dans le même sens que celles constatées dans la jurisprudence d’autres pays.

Bien entendu, j’émets un avis défavorable au sous-amendement 327.

Mme Martine Billard - Une précision, d’abord : nous sommes ici face, non à un amendement Vivendi, mais à un amendement Philips. En effet, il s’agit d’obliger à l’adoption dans les échanges peer to peer d’une nouvelle technologie développée par Shawn Fanning, l’ancien responsable de Napster, pour la société Philips. Un accord a déjà été conclu avec Universal Music, et on essaye aujourd’hui de faire pression pour que tous les logiciels peer to peer l’adoptent, ce qui en fera un équivalent de DRM. C’est interdire à terme toutes les autres possibilités d’utilisation du peer to peer, alors que celui-ci ne sert pas qu’a des échanges illégaux, mais aussi, de plus en plus, à des échanges scientifiques.

D’autre part, l’amendement 261 adopté à l’article 13 punit déjà de six mois d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de « procurer » des moyens de contourner les mesures techniques de protection. On peut dire que l’éditeur qui est distributeur est dans ce cas. Dans certains cas, la sanction prévue ici entrera en contradiction avec celle qui figure à l’article 13.

M. Frédéric Dutoit - Cet amendement permet au juge d’enjoindre à un éditeur de logiciels de prendre toutes mesures pour en empêcher ou limiter l'usage illicite. Mais dans le cas de logiciels libres, l’éditeur est souvent un groupe multinational, de sorte qu’il est impossible d’identifier un interlocuteur unique et donc de contraindre l’éditeur à quoi que ce soit.

Toujours dans le cas de logiciels libres, une fois le code source disponible, il n'est plus possible de revenir en arrière car toute personne en ayant une copie pourra à loisir reconstituer la version d'origine du logiciel ou en retirer un élément à sa convenance. Les mécanismes de limitation sont donc inopérants.

En outre, une bonne partie de l'offre logicielle d’une société comme Sun Microsystems est en open source. Le système d'exploitation français Mandriva est également livré en open source. Même si l’on demandait à son éditeur d'y intégrer des mécanismes empêchant de servir des fichiers MP3, un utilisateur pourrait très facilement récupérer les sources et se construire une nouvelle version dépourvue de ces mécanismes.

Pour appliquer cet amendement 267, il faudrait interdire à l'ensemble de la planète de créer des logiciels open source permettant le partage de fichiers. Ce n'est pas réaliste car ces logiciels existent déjà, et ce serait dangereux pour la France d’essayer de pratiquer une telle censure.

On peut aussi s’interroger sur la portée du sous-amendement 410 de M. Wauquiez, qui vise les logiciels manifestement utilisés à échelle commerciale. Vivendi Universal est à l'origine de l'amendement 150, et donc de l’amendement 267 rectifié. Or son jeu qui connaît le plus grand succès commercial utilise le protocole BitTorrent pour distribuer les mises à jour critiques or il s’agit d’un protocole peer to peer également utilisé par les internautes s'échangeant des oeuvres protégées. Vivendi souhaite-t-il mettre en péril un jeu grâce auquel chacun de ses 5 millions d'abonnés lui verse 12 euros par mois ? De même, le serveur web Apache fait fonctionner une très grande partie des serveurs web de l'internet. Certains l'utilisent pour construire des sites d'échanges d'œuvres protégées. Serait-on tenter de demander à la fondation Apache d'apporter des modifications à son serveur pour qu'il refuse de servir des fichiers MP3 ou BitTorrent ? Ce serait impossible puisque Apache est un produit open source dont l'utilisateur peut à loisir retirer les fonctionnalités indésirables. De plus, cela ne fermerait pas les sites déjà en place. Il faudrait donc pour qu'un tel modèle soit efficace mettre en place un filtrage aux frontières, ce qui est proprement impensable, à moins de vouloir imiter la Chine, le Yémen et l'Arabie Saoudite. Quelle modernité !

M. Patrick Bloche - En réalité, cet amendement se situe dans le droit fil du 150 que vous avez fait adopter hier soir. Vous commettez la même erreur de condamner une technologie en elle-même, et non les usages illicites qui peuvent en être faits.

M. Laurent Wauquiez - Vous devriez donc être favorables au sous-amendement 388 rectifié.

M. Patrick Bloche – Si cet amendement est voté, nos développeurs de logiciels de peer to peer se trouveront pénalisés par cette législation d’exception, au sens propre du terme, et contraints de s’expatrier. Sans compter que, pour un logiciel de peer to peer, la notion d’éditeur n’a aucun sens sur le plan juridique, cet amendement présente un risque considérable pour les logiciels futurs. Une nouvelle fois, vous asphyxiez la recherche et l’innovation.

M. Jean Dionis du Séjour – Le groupe UDF, comme hier sur l’amendement 150, émettra un vote négatif. Cet amendement 267 rectifié n’est pas illégitime. Sur ce point, nous ne partageons pas les arguments de nos collègues socialistes. Un éditeur de logiciel est responsable de ses actes, et lorsqu’il ne prévoit pas de DRM, il sait pertinemment ce qu’il fait. Si nous sommes défavorables à cet amendement, c’est, d’abord, que ses dispositions ne figurent pas dans la directive. Or, la transposition des directives européennes a pour objet de parvenir à des législations nationales les plus homogènes possible, ne l’oublions pas. D’autre part, qu’on le veuille ou non, les DRM vont devenir une réalité. Les éditeurs de logiciels libres n’auront que le choix de les intégrer et ainsi entrer sur un marché au potentiel considérable – le fondateur de Linux a ainsi déclaré qu’intégrer des DRM ne lui posait pas de problème –, ou de s’y refuser et de risquer d’être marginalisés. Ce sont eux qui doivent décider. J’ai envie de vous dire, Monsieur le ministre : laissez-les vivre et trancher !

M. Christian Paul – Vous vous employez, délibérément ou par méconnaissance, à étouffer l’innovation par ces amendements successifs. Dès ces mesures adoptées, les déclinologues en tous genres ne manqueront pas de les citer en exemple, un de plus, des mauvais choix faits pour la France.

Sur le plan juridique, comment cela se passera-t-il concrètement ? Comment les éditeurs verront-ils leur responsabilité mise en cause pour autrui ? Enfin sur le plan technique, comment identifiera-t-on les fautifs quand des dizaines, des centaines, des milliers de développeurs concourent à l’élaboration d’un logiciel de peer to peer aux usages multiples ?

Permettez-moi enfin de relever les incohérences qui existent au sein de l’UMP et apparaissent aujourd’hui au grand jour. Ainsi, en début d’année, M. Sarkozy, président de l’UMP, dont les conseillers se pressent d’ailleurs ce soir aux portes de notre hémicycle, sans doute inquiets des positions que vous prenez, avait, devant la communauté des arts, des lettres, des internautes, des éditeurs de logiciels, et certaines sociétés de droits judicieusement choisies, pris le triple engagement de garantir l’interopérabilité, de ne pas entraver le développement de l’industrie de l’Internet, en particulier du logiciel libre, et de laisser les innovations telles que les webradios se développer. Or, voilà que, délibérément ou par méconnaissance, vous ruinez tous ces principes. Cela laisse augurer d’une sérieuse reprise en mains de vos troupes dans les jours à venir.

M. le Président – Je suis saisi par le groupe communiste et républicain d’une demande de scrutin public sur l’amendement 267 rectifié.

M. Pierre-Christophe Baguet – Sous-amendé comme le propose M. Wauquiez, cet amendement devient acceptable. Certaines sociétés privées étant toujours abondamment citées, ce qui ne laisse jamais de m’étonner, je tiens à souligner que cet amendement a fait l’objet d’une longue concertation avec le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique.

M. le Rapporteur – Tout à fait.

M. Pierre-Christophe Baguet – Nous pouvons faire confiance à cette docte assemblée.

M. Laurent Wauquiez - Les orateurs de l’opposition ont vivement critiqué l’amendement. Mais si on le sous-amende comme je le propose, l’équilibre en est tout à fait différent.

Il ne faut pas confondre l’outil et l’usage, dites-vous. Mais c’est précisément ce que nous ne faisons pas, en visant l’utilisation. Vous objectez aussi que ces dispositions seraient inapplicables : sur ce point, je fais observer, en particulier à M. Dionis du Séjour, que la rédaction du sous-amendement est calquée sur celle de l’article 8.3 de la directive. La dernière objection est que la France serait seule à prendre de telles dispositions. Ce n’est pas vrai, d’autres pays l’ont fait, qui ne sont ni la Chine ni le Yémen, mais l’Autriche, la Belgique, la Finlande et la Grèce.

Le sous-amendement 388 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Le sous-amendement 327 tombe.

Le sous-amendement 410 est retiré.
A la majorité de 31 voix contre 10 sur 41 votants et 41 suffrages exprimés, l’amendement 267 rectifié sous-amendé est adopté.

M. le Ministre – Le téléchargement et la mise à disposition illicite par échange sur Internet d’œuvres protégées ont pris une ampleur qui menace, à terme, la musique et le cinéma français. Chaque internaute doit en prendre conscience. C’est pourquoi il est indispensable de compléter les dispositions d’information déjà votées à l’article 7 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique par des actions de prévention, et ce en amont d’éventuelles poursuites judiciaires. Par l’amendement 260, le Gouvernement propose donc que les fournisseurs d’accès transmettent à leurs abonnés des messages électroniques de sensibilisation aux dangers du piratage pour la création artistique. Par respect de la vie privée, ces messages de prévention seront généraux, et non individualisés comme cela était prévu initialement.

M. Jean Dionis du Séjour - Quel dommage !

M. le Ministre – Ils ne seront donc liés à aucune surveillance.

Mme Jacqueline Fraysse – Cet amendement du Gouvernement permet de s’interroger sur le rôle des fournisseurs d’accès. Le Conseil économique et social, dans son rapport sur les droits d'auteur de 2004,…

M. Christian Paul - Excellent rapport !

Mme Jacqueline Fraysse - …s’était prononcé résolument pour une participation financière des fournisseurs d’accès à la création artistique littéraire. Montrant que « le point réel de contrôle des flux financiers qui doivent revenir à bon droit à la création se situe dans l'exercice même du métier de fournisseur d'accès », il en concluait qu’exonérer Internet « de toute contrainte légale sur les contenus transmis reviendrait à abandonner la rémunération du créateur. » Ainsi, les opérateurs doivent être considérés comme garants du système et assumer financièrement l’intégralité des actions d'information en direction des internautes. Tel est le sens du sous-amendement 277.

M. Frédéric Dutoit – Très bien !

M. le Ministre – Très bien !

M. le Rapporteur – La commission a émis un avis favorable à l’amendement 260. Il correspond à l’esprit de ce projet de loi : faire œuvre de pédagogie envers les internautes.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois – En effet !

M. le Rapporteur – Quant au sous-amendement 277, il est conforme à notre intention initiale. Nous y sommes donc favorables.

M. le vice-président de la commission des lois – Très bien !

M. le Rapporteur – Mon sous-amendement 268 rectifié vise, quant à lui, à substituer au mot « piratage », péjoratif, les mots « téléchargement et mise à disposition illicites ».

M. Christian Paul - Comme c’est émouvant !

M. Jean Dionis du Séjour - Excellent !

Mme Martine Billard - C’est vraiment parce vous n’aviez pas le choix !

M. le Ministre – Avis favorable aux sous-amendements 277 et 268 rectifié.

Le sous-amendement 277, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – À l’unanimité (« Enfin, le consensus ! » sur plusieurs bancs).

Le sous-amendement 268 rectifié, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 260 sous-amendé, mis aux voix, est adopté.
La séance, suspendue le vendredi 17 mars à 0 heure 05, est reprise à 0 heure 20.

art.15

M. le Rapporteur - L’amendement 49 est d’harmonisation.

L'amendement 49, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 15 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

après l’art.15

M. le Rapporteur – L’amendement 50 concerne la perception des droits d’auteurs et droits voisins sur la rediffusion de programmes audiovisuels à partir d’antennes collectives. Avec les arrêts « Parly II » du 1er mars 2005, la Cour de cassation a assimilé les syndicats de copropriétaires à des entreprises de spectacles, lorsqu’ils réacheminent des signaux de télévision reçus par une antenne collective. Il va de soi que contraindre ces syndicats à payer une redevance de droits d’auteur n’est guère admissible. On pourrait sans doute imaginer que les sociétés de gestion de droits signent avec eux des contrats les autorisant à procéder à ce réacheminement sans rémunération. Mais de telles procédures sont lourdes, et cette voie contractuelle pourrait être remise en cause. Selon un professeur de droit de la propriété intellectuelle, la solution retenue par la Cour de cassation peut en outre perturber la compréhension du droit d’auteur dans le corps social, alors qu’il convient au contraire de la conforter !

L'amendement 50, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Bloche – L’amendement 100 pourrait faire l’objet d’une attention bienveillante dont aucun de ceux que nous avons présentés n’a bénéficié jusqu’ici !

En instaurant en 1985 la rémunération pour copie privée, le législateur entendait soutenir les secteurs de la création les plus directement concernés en consacrant un quart de cette ressource – « les 25 % » – à des actions d’intérêt général : aides à la création, actions de diffusion du spectacle vivant et de formation.

Vingt ans après, ces secteurs connaissent d'importantes évolutions techniques et un élargissement à d'autres modes d'exploitation, comme la distribution en ligne, la téléphonie mobile ou encore les webradios. Il convient donc que les actions d'intérêt général contribuent à leur meilleure adaptation au nouvel univers numérique, en soutenant en premier lieu la numérisation des catalogues et le développement d'offres numérique diversifiées, en favorisant en second lieu la compréhension et le respect des droits de propriété littéraire et artistique comme des usages licites reconnus aux consommateurs.

De telles actions devraient également bénéficier aux secteurs de l'écrit et de l'image fixe, que le législateur a inclus en 2000 parmi les bénéficiaires de la rémunération pour copie privée. L’amendement 100 vise donc à les mentionner à l’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, 2% du quart des ressources seraient consacrés à des actions collectives d’information et d’éducation sur les droits d’auteur et sur les méfaits de la contrefaçon.

M. le Rapporteur – Le premier objet de cet amendement, visant à consacrer 2 % de ces 25 % à des actions de sensibilisation à la rémunération des auteurs et à la contrefaçon semble intéressant mais mériterait d’être étudié plus précisément : en effet, ce prélèvement devrait financer, non la lutte contre la contrefaçon en général, mais la lutte contre la seule contrefaçon d’œuvres artistiques.

L’amendement tend également à étendre le champ des actions collectives en faveur de la création, de la diffusion du spectacle vivant et de la formation des artistes à un domaine nouveau assez vague, les actions en faveur de la diversité et de l’innovation en matière d’offre culturelle sous forme numérique. Cette proposition peut se comprendre après l’extension en 2000 de la copie privée aux supports numériques et au développement de l’offre culturelle sous forme numérique, mais il faudrait approfondir la réflexion afin de préciser les choses.

Avis défavorable, donc.

M. le Ministre – Avis défavorable également : il importe d’éviter tout éparpillement des actions susceptibles de bénéficier des aides visées à l’article 321-9 du code de la propriété intellectuelle ; le bénéfice de celles-ci ne saurait être étendu à des actions d’accompagnement, qu’il appartient aux sociétés concernées de mener et de financer.

M. Patrick Bloche - En matière d’imprécision, Monsieur le rapporteur, vous êtes orfèvre, vu le nombre d’amendements imprécis qui ont été votés depuis le 20 décembre… Je regrette que vous n’acceptiez pas cet amendement ; c’est une nouvelle illustration du fait que les grands perdants de ce texte vont être les auteurs et les artistes.

L'amendement 100, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Je suis saisi par le groupe UDF d’une demande de scrutin public sur l’amendement 199.

M. Jean Dionis du Séjour – Actuellement, la loi fixe à 25 % la part de la rémunération pour copie privée qui est destinée à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes. Je propose par cet amendement de passer à 30 %, ce qui apporterait 8 millions supplémentaires, ce qui n’est pas inintéressant étant donné la stagnation, voire le recul, du budget de la culture dans ce domaine.

M. Dominique Richard - Pas du tout, il a augmenté !

M. Christian Paul - Mais non, reculé !

M. Jean Dionis du Séjour - Cette évolution serait très acceptable pour les auteurs puisque la rémunération pour copie privée a rapporté 165 millions en 2004, contre 82 millions en 2000, soit un doublement en quatre ans. Elle serait d’autant plus justifiée que les 25 % sont actuellement perçus non sur la totalité de la rémunération pour copie privée, mais sur les 95 % restant après déduction des 5% correspondant aux frais de gestion.

M. le Rapporteur – Le taux de 25 % paraît suffisant pour financer des actions culturelles, puisque cela représente plus de 40 millions par an. N’oublions pas en outre qu’il s’agit d’un prélèvement sur des sommes collectées pour compenser des pertes de droits. Quant aux frais de gestion, ils ne sont pas très élevés puisqu’ils n’atteignent que 5%. Enfin, on comprend mal que les auteurs de cet amendement proposent de relever un prélèvement sur un produit dont ils demandaient précédemment la disparition ! Avis défavorable, donc.

M. le Ministre – Cet amendement peut paraître séduisant, mais il priverait les titulaires de droits d’une rémunération qui leur permet de poursuivre leur activité créatrice. Le même objectif peut être atteint par une diminution des frais de gestion des sociétés de gestion de droits.

Pour répondre à certaines interpellations, je tiens à indiquer que les crédits de l’État affectés au spectacle vivant ne sont pas en diminution. Il est également faux de dire que nous avons mis des crédits en réserve : grâce à un arbitrage du Premier ministre, j’ai pu déléguer à toutes les DRAC les sommes que vous aviez inscrites au budget.

M. Patrick Bloche - Je m’attendais presque à ce que le Gouvernement donne un avis favorable à cet amendement, afin de compenser la baisse des crédits de l’État destinés au spectacle vivant et l’assèchement financier des DRAC, privées de crédits déconcentrés… Pour notre part, nous comprenons le sens de cet amendement mais nous ne ferons pas ce cadeau au Gouvernement ; notre seul but dans ce projet est d’assurer la légitime rémunération des auteurs et des artistes, et nous ne voulons pas déshabiller Pierre pour habiller Paul.

M. Jean Dionis du Séjour - La rémunération pour copie privée rapporte quand même deux fois plus qu’il y a quatre ans… Le ministre a certes raison de dire que des économies sont possibles sur les frais de gestion, la SACEM elle-même le reconnaît. La position du groupe socialiste est cohérente sur le plan idéologique, mais je me tourne vers mes collègues de la majorité : pourquoi refuser d’augmenter un peu, pour aider la création, le prélèvement sur une ressource qui est en pleine expansion ?

M. Christian Paul - Depuis deux semaines, Monsieur le ministre, vous vous obstinez à tenter de nous faire croire que votre budget en faveur du spectacle vivant est en augmentation ; or le rapport de notre collègue Dassault faisait état d’une baisse de 8,5 % ! Qui a raison, qui a tort ?

M. Frédéric Dutoit - Je suis surpris que vous proposiez cet amendement, Monsieur Dionis du Séjour, alors que vous étiez farouchement opposés à la mise à contribution des fournisseurs d’accès, ou du commerce. Une fois encore, vous faites porter l’effort sur les consommateurs plutôt que sur ceux qui engrangent le maximum de profits. Nous sommes très favorables à l’idée que la rémunération pour copie privée soit affectée au spectacle vivant mais nous voterons contre cet amendement cavalier.

A la majorité de 27 voix contre 4 sur 31 votants et 31 suffrages exprimés, l’amendement 199 n’est pas adopté.

M. Christian Paul - L’amendement 198 est de coordination.

L'amendement 198, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Paul – Une partie des sommes perçues au titre de la redevance copie privée est affectée à des fonds de soutien aux auteurs et aux artistes-interprètes. L’accès à ces fonds est souvent conditionné à l’adhésion à une société de gestion collective – forme à laquelle je m’empresse de dire que nous sommes très attachés. Cependant, les conditions d’adhésion statutaires sont incompatibles avec de nouvelles méthodes juridiques de diffusion des œuvres telles que les licences « Creative Commons ». Dans un esprit d’ouverture, notre amendement 200 tend à rendre les fonds de soutien accessibles aux non adhérents des société de gestion.

M. le Rapporteur – Défavorable.

M. le Ministre – Même avis car l’article L. 311-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit déjà que la rémunération est perçue pour le compte des ayants droit sans faire aucune distinction statutaire. L’amendement est donc inutile.

L'amendement 200, mis aux voix, n'est pas adopté.

AVANT L'ART. 16

M. le Rapporteur – L’amendement 51 est de précision.

L'amendement 51, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

M. le Rapporteur – L’amendement 304 vise à prendre en compte, parmi les personnes publiques soumises à la future loi, la Banque de France et les autorités administratives indépendantes dotées de la personnalité morale, telles que l’AMF, la Haute autorité de santé ou la future Agence française de lutte contre le dopage.

L'amendement 304, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Dominique Richard - L'amendement 152 rectifié est défendu.

M. le Rapporteur – Cet amendement pose un important problème de principe. En effet, les articles 17 et 18 ont pour objet de définir le droit d'auteur des agents publics, qu'il s'agisse du droit moral ou du droit patrimonial. Inversant la logique en vigueur depuis un avis du Conseil d'Etat de 1971, l'avis OFRATHEME, qui déniait pratiquement tout droit d'auteur au fonctionnaire, ces articles posent le principe que les agents publics disposent d'un droit d'auteur analogue à celui de tous les créateurs, assortis d’aménagements substantiels destinés à ne pas empêcher le fonctionnement normal de l'administration. Ainsi, le droit moral ne permet pas à l'agent public de s'opposer à une modification de l'œuvre décidée dans l'intérêt du service par l'autorité hiérarchique, sauf si la modification porte atteinte à son honneur ou à sa réputation.

De son côté, l'article 18 prévoit qu’en cas d'exploitation commerciale de l'œuvre, la personne publique employeur dispose d'un droit de préférence, et qu’en l'absence d'exploitation commerciale, les droits sont cédés dès leur naissance à l'employeur public. Ces dispositions du projet sont nécessaires et légitimes, sous réserve de quelques améliorations rédactionnelles que proposent les amendements – de la commission 52, 53, 55 et 56. Elles sont cependant en contradiction avec le statut et les exigences liées à la fonction exercée par les professeurs de l'enseignement supérieur. La commission avait estimé, ainsi qu'il est dit dans le rapport au dernier alinéa de la page 128, que les dispositions du statut des enseignants du supérieur et des chercheurs leur permettraient de déroger à la règle générale posée par les articles 17 et 18. Le rapport dit ainsi que le principe retenu « ne vaut cependant pas, à l'évidence, pour le cas des créations par des agents publics exerçant une fonction se caractérisant par une grande autonomie intellectuelle, -voire une indépendance de jugement, même si celle-ci s'inscrit dans une hiérarchie. Tel est notamment le cas des professeurs d’université, des conservateurs des musées ou des commissaires du gouvernement auprès des juridictions administratives. Pour ces différents corps de fonctionnaires, les dispositions prévues par le présent article ne devraient trouver à s'appliquer réellement que pour autant que leur statut ne garantit pas leur indépendance. Mais mieux vaut l’indiquer explicitement pour éviter toute ambiguïté.

La commission a donc émis un avis favorable à l’adoption de cet amendement.

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 152 rectifié, mis aux voix, est adopté.
L'article 16 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 17

M. le Rapporteur – Les amendements 52 et 53 sont rédactionnels.

Les amendements 52 et 53, approuvés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article 17 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 18

M. le Rapporteur – Dans le cas d’activités de recherche faisant l’objet de contrats de partenariat avec des entreprises ou organismes privés, ceux-ci ne peuvent contracter que s’ils connaissent a priori le titulaire du droit d’auteur sur les résultats des recherches qu’ils co-financent. Or cet article prévoit que dans le cas de l’exploitation commerciale d’une œuvre de l’esprit créée par un agent dans l’exercice de ses fonctions, la personne publique employeur ne dispose que d’un droit de préférence – et non d’un transfert de droit à la naissance de l’œuvre. L’amendement 54 tend à déroger au principe ainsi posé en n’appliquant pas les dispositions nouvelles si l’organisme employeur est un EPST ou un EPSCT, ou si les activités de recherche sont menées en partenariat avec le secteur privé.

Les amendement 305 et 56 sont de coordination et l’amendement 55 est rédactionnel.

M. le Ministre – Favorable aux quatre.

Les amendements 54, 305, 55 et 56, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article 18 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 19

M. le Rapporteur – L’amendement 57 est défendu.

M. le Ministre – Sagesse.

L'amendement 57, mis aux voix, est adopté.
L'article 19 ainsi modifié,mis aux voix, est adopté.

ART. 20

M. le Rapporteur – L’amendement 58 est rédactionnel.

L'amendement 58, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 20 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 20

M. Jean Dionis du Séjour - L’amendement 213 vise à renforcer la transparence de la gestion des sociétés de perception et de répartition des droits, et, en particulier, la répartition des montants collectés. Le contrôle de gestion par la Cour des comptes qu’il institue aurait vocation à se substituer à l’action de la commission permanente de contrôle qui existe déjà.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Si contrôle de la gestion et des comptes des sociétés de perception et de répartition des droits fait – à tort ou à raison –, l’objet de critiques récurrentes cette proposition ne peut être retenue.

En parfaite cohérence avec la nature des fonds qu’elles gèrent, ces sociétés jouissent en effet d’un statut privé, et la commission de contrôle des sociétés de droit d’auteur, créée par la loi du 1er août 2000, a été logiquement placée hors du champ de la Cour des comptes. Il existe toutefois une certaine proximité entre les deux institutions : le président de la commission de contrôle est statutairement un conseiller maître de la Cour, la commission siège dans les locaux de la Cour, qui assure son secrétariat et fournit nombre de ses rapporteurs.

J’ajoute que la commission de contrôle a précisément pour mission de vérifier la gestion et les comptes des sociétés de droit d’auteur, en vertu du II de l’article L.321-13 du code de la propriété intellectuelle.

M. le Ministre – Avis défavorable, pour ces mêmes raisons.

L'amendement 213, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - L’amendement 203 réclame des informations que je suis en train de rassembler avec M. Bloche. C’est pourquoi je vous demande une suspension de séance.

M. le Président – Elle vous est accordée, mais il serait bon de mieux vous organiser à l’avenir !

La séance, suspendue à 1 heure, vendredi 17 mars, est reprise à 1 heure 5.

M. Patrick Bloche - Les amendements 203 et 206 rectifié sont défendus.

Les amendements 203 et 206, rectifié, rejetés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Patrick Bloche – Bien que les accords fixant le niveau et les modalités de répartition de la redevance soient conclus entre les ayants droit et les représentants des consommateurs, ces deux types d'acteurs ne sont pas aujourd'hui systématiquement mis en relation lors d'un accès à un service de communication en ligne.

L’objet de l’amendement 207 est de remédier à pareille situation.

L'amendement 207, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Bloche – L’amendement 208 rectifié vise à introduire un nouveau titre dans le livre troisième du code de la propriété intellectuelle, destiné à accueillir les articles encadrant les actes de mise à disposition d'œuvres protégées au public via internet.

Nous proposons donc que le titre V soit intitulé « Mise à la disposition du public, à la demande, d'un phonogramme, d'une œuvre graphique, photographique, d'illustration ou de dessin ».

L'amendement 208, rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Richard – Depuis plusieurs années, le secteur du disque subit de graves difficultés, qui menacent la diversité des œuvres et des répertoires, ainsi que la pérennité du secteur, du producteur au détaillant. L’amendement 367 rectifié tend donc à créer un mécanisme de crédit spécifique à la production phonographique.

Si le Gouvernement a déjà donné son accord de principe, les discussions avec Bruxelles sont en cours. Pourriez-vous, Monsieur le ministre, informer la représentation nationale de l’état des négociations, comme vous l’avait déjà demandé M. Martin Lalande lors de l’examen de la loi de finances rectificative pour 2005 ?

M. le Rapporteur – Voilà une excellente idée, qui germe depuis six mois. Il conviendra de lui donner vie dès que la Commission européenne aura accepté le projet d’aide qui lui a été notifié. Afin de soutenir la diversité culturelle, nous pourrions ainsi aider l’industrie musicale française, malheureusement affectée par de fortes diminutions de son chiffre d’affaires.

Relevons que ce dispositif est concentré sur les plus petites structures, puisqu’il est plafonné à 500 000 euros par entreprise et par an. Ce complément au projet de loi permettrait donc d’améliorer très opportunément la rentabilité de ce secteur.

Si cet amendement n’a pas été examiné par la commission, j’y suis tout à fait favorable à titre personnel.

M. le Ministre – Vous avez rappelé, Monsieur Richard, les mécanismes de financement que j’ai présentés à la Commission au début de cette année, et je vous en remercie. Comme vous l’avez relevé, ce crédit d’impôt devrait permettre d’organiser un soutien aux PME et TPME de l’industrie musicale.

J’ajoute que nous devons notre espoir d’obtenir l’accord de la Commission européenne à notre victoire sur la diversité culturelle à l’UNESCO.

M. Christian Paul - Nous attendons de voir pour le croire, comme pour la TVA sur la restauration !

M. le Ministre - S’il existe parfois des débats publiques sur les aides que nous devons apporter aux diverses catégories d’entreprises, nous avons prévu des plafonds qui devraient limiter le soutien apporté à une centaine d’entreprises indépendantes…

M. Michel Piron – Ce n’est pas rien !

M. le Ministre – …essentielles pour le développement des logiciels en France, mais aussi pour le potentiel scientifique et musical de notre pays.

N’oublions pas pour autant la création du fond d’aides remboursables – 1,8 million d’euros pour des prêts de 150 000 euros au maximum et à un taux de 4 % –, ni le soutien octroyé à l’offre culturelle de proximité par l’intermédiaire du FISAC, qui consacrera à cette action une enveloppe d’un million d’ici à juin 2006. Si internet permet la diffusion la plus large possible des œuvres possibles, nous avons également à cœur de soutenir l’offre de proximité et les entreprises indépendantes.

L'amendement 367 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 59, rectifié, est de coordination.

M. le Ministre – Avis favorable.

M. Patrick Bloche - Si je n’ai pas voulu retarder tout à l’heure nos débats, je voudrais attirer votre attention sur les menaces que la Commission européenne fait peser sur nos sociétés de gestion collective des droits, au nom de la concurrence.

La première attaque vient d’une recommandation de la direction du marché intérieur, qui prône une concurrence en matière de licences, pour le plus grand profit des sociétés qui gèrent les portefeuilles des artistes, Sony ou Universal par exemple. Très concrètement, si l’on peut déjà s’inscrire dans n’importe quelle société de gestion collective européenne, c’est à une société de gestion collective française qu’il revient de gérer les droits sur notre territoire. Or, tel ne sera plus le cas demain, pour le plus grand préjudice de la SACEM.

Une deuxième remise en cause, plus dangereuse encore, est le fait de la direction de la concurrence. Celle-ci entend en effet instaurer une concurrence sur les tarifs entre utilisateurs, au risque de rompre les accords de réciprocité existants.

J’observe d’ailleurs que les services culturels ne sont pas exclus du champ de la directive sur les services, l’amendement des socialistes en ce sens ayant été rejeté au Parlement européen…

M. Christian Paul - Par l’UMP.

M. Patrick Bloche - …et ce alors que la Commission européenne remet aussi en cause la rémunération pour copie privée. Il est urgent de se saisir du problème, pour donner un sens concret à la convention signée à l’Unesco sur la diversité culturelle. Quelles initiatives comptez-vous prendre pour que les sociétés de gestion collective continuent à faire leur travail dans de bonnes conditions ?

L'amendement 59 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre - Cette question porte, au fond, sur l’articulation entre la politique française et la politique européenne. Les dispositions que vous adoptez nous mettrons en position de force pour obtenir le maintien du droit à l’exception pour copie privée.

D’autre part, en 50 ans de politique culturelle, la France a, grâce à un certain nombre d’aides, préservé un filière musicale et une filière cinématographique. Pendant longtemps, nous étions le mouton noir, le mauvais élève de la classe, car nous refusions que les lois du marché régissent les biens et les échanges culturels. Aujourd’hui, dans un contexte où l’on veut préserver les identités nationales, ce qui était une spécificité française est devenu une méthode à suivre. Paradoxalement, alors que la France était menacée de procédures judiciaires, un certain nombre de pays nous envoyaient des délégations pour reprendre nos procédures. A l’égard de la Commission, j’ai donc choisi la transparence totale en ce qui concerne les aides au cinéma et j’attends, dans un avenir proche, une décision positive.

Enfin, je mènerai à la Commission et au conseil des ministres de la culture les bagarres nécessaires pour que nos sociétés de gestion de droits collectifs ne soient pas pénalisées.

Art. 21

M. Jean Dionis du Séjour - Notre amendement 167 a pour objet de favoriser l’accès aux non voyants de fichiers numérisés, grâce au dépôt légal. Par l’amendement 272 à l’article 1er, le Gouvernement a déjà permis une avancée très importante, puisque les documents imprimés mis à disposition du public feront l’objet d’un dépôt sous forme de fichier numérique lorsque celui-ci existe, dans un standard ouvert. Un compromis a été réalisé entre le syndicat national de l’édition et la BNF. J’en prends acte et je retire l’amendement 167.

M. le Rapporteur – Je défends les 11 amendements 60 à 71 qui ont tous pour objet de corriger les articles du projet relatifs au dépôt légal d’internet pour tenir compte de deux modifications intervenues depuis le dépôt du texte en décembre 2003. Il s’agit d’une part de la codification de la loi du 20 juin 1992 relative au dépôt légal au sein du code du patrimoine, par l’ordonnance du 20 juin 2004. Il s’agit d’autre part de l’article 1er de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, qui a substitué, à l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986, le concept de communication publique par voie électronique à celui de communication publique en ligne.

Seul l’amendement 64 rectifié apporte deux précisions de fond. Il s’agit d’abord de permettre aux organismes chargés du dépôt légal de l’internet d’obtenir du CSA et des organismes gérant les noms de domaine sur internet les informations nécessaires sur les sites à archiver. En second lieu, celui qui s’ oppose irrégulièrement au dépôt légal est passible d’une sanction pénale. Le droit pénal étant d’interprétation stricte et la sanction grave, il est nécessaire de déterminer précisément les contraintes qui s’imposent aux organismes dont le sites font l’objet de la collecte et d’indiquer de façon spécifique que le codage de l’accès aux sites ne doit pas empêcher cette collecte.

M. le Ministre – Avis favorable sur les amendements 60 et 61.

M. Christian Paul - Je reviens sur l’amendement 167 que le rythme de la séance ne m’a pas permis de reprendre. Il est pourtant essentiel pour rendre vraiment crédibles les dispositions concernant les non voyants. Nous ferons le bilan dans quelques mois, mais nous craignons qu’en l’absence d’un véritable dépôt légal des fichiers numérisés, l’avancée que vous avez voulue ne produise pas tous ses effets, car l’amendement 272 ne distingue pas assez clairement ce qui est facultatif et ce qui est optionnel.

L'amendement 60, mis aux voix, est adopté de même que l’amendement 61.
L'article 21, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 22

L'amendement 62, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté de même que l’amendement 63.
L'article 22, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 22

M. Patrick Bloche - Les spécifications des formats dans lesquelles sont stockées les écrits, images et sons de toute nature faisant l’objet d’une communication publique – par exemple le traitement de texte Microsoft Word – ne sont pas publiques, ce qui rend difficiles les transformations nécessaires pour rendre les œuvres accessibles à des personnes atteintes d’un handicap. L’amendement 214 prévoit donc que ces spécifications doivent être déposées dans un format ouvert.

M. le Rapporteur – Imposer aux gestionnaires de sites internet un dépôt légal dans un format ouvert ne correspond pas du tout au mécanisme retenu par le projet de loi et par les opérateurs directement concernés, la BNF et l’INA. Au dépôt obligatoire, qui n’aurait guère de sens car les sites changent en permanence, a été préféré le principe du dépôt par collecte et aspiration des sites. L’obstacle peut toutefois être que l’accès à certains sites est codé ou crypté. Mais la commission a adopté l’amendement 64 2ème rectification pour y remédier. Votre amendement est donc en grande partie satisfait. Il ne pourrait de toute façon pas être adopté dans sa rédaction actuelle, dans la mesure où il modifie la loi du 20 juin 1992, abrogée le 20 février 2004 et codifiée depuis au sein du code du patrimoine. En outre, à la notion de « communication au public en ligne », qui n’est plus valide sur le plan juridique, il faudrait substituer celle de « communication au public par voie électronique ». La commission est donc défavorable.

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 214, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - Après que M. Dionis du Séjour a retiré son amendement, je me réjouis que nous puissions évoquer de nouveau la situation des personnes handicapées, en particulier aveugles et malvoyantes. Nous avons aujourd’hui l’occasion de prendre des mesures concrètes pour que celles-ci ne soient plus cruellement tenues à l’écart de la lecture.

On peut comprendre que les éditeurs soient réticents à toute nouvelle contrainte, mais quelle charge matérielle et financière créerait pour eux cet amendement ? Il ne leur est pas demandé de numériser tout leur catalogue, mais seulement, à l’avenir, de déposer à la BNF, en même temps que l’ouvrage imprimé, un format numérique. Il n’est pas un livre aujourd’hui qui soit édité sans faire l’objet d’une maquette numérique. Cela ne leur demanderait donc aucun effort particulier ni aucun investissement supplémentaire. Il y a aujourd’hui très peu d’ouvrages transcrits en braille, car cette transcription est d’un coût prohibitif. En votant cet amendement, nous rendrions un immense service à des dizaines de milliers de nos concitoyens, sans pénaliser les éditeurs.

M. le Rapporteur – Cet amendement va dans le sens de la pratique puisque la BNF reçoit déjà des dépôts légaux d’ouvrages accompagnés de fichiers numériques. Il se heurte néanmoins à plusieurs objections. Tout d’abord, certains éditeurs ne souhaitent pas passer par un traitement informatique et peuvent préférer une impression artisanale à l’ancienne. Pourquoi leur imposer cette contrainte ? Ensuite, les modalités précises du dépôt légal relèvent du domaine réglementaire. Enfin, comme le précédent, cet amendement ne saurait être adopté en l’état dans la mesure où il modifie la loi du 20 juin 1992, abrogée le 20 février 2004 et codifiée depuis au sein du code du patrimoine.

M. le Ministre – Nous sommes, je le crois, parvenus à un bon équilibre avec l’amendement 272 du Gouvernement qui prévoit que « les documents imprimés, dès lors qu’ils sont mis à la disposition du public, font l’objet d’un dépôt sous la forme d’un fichier numérique, lorsque celui-ci existe, auprès d’organismes désignés par les titulaires de droits et agréés par l’autorité administrative dans un standard ouvert. Ces fichiers sont rendus accessibles aux personnes morales et établissements visés, qui les mettent ensuite à la disposition des personnes handicapées ». Cet amendement permettra de rendre les œuvres accessibles aux personnes handicapées, objectif que nous partageons tous.

M. Patrick Bloche - Nous ne sommes pas convaincus que l’amendement 272 réponde totalement au problème que nous avons soulevé. La faiblesse de la réponse du rapporteur est d’ailleurs patente, réduit qu’il a été à invoquer le travail des moines copistes… (Dénégations de M. le rapporteur) Il est vraiment dommage de ne prévoir que des dispositions facultatives. Il aurait fallu être beaucoup plus volontariste et garantir par la loi une réelle égalité de droits pour les personnes handicapées.

L'amendement 215, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 23

M. le Rapporteur – L’amendement 64 2ème rectification est défendu.

M. le Ministre – Avis favorable.

L'amendement 64 2ème rectification, mis aux voix, est adopté et l’article 23 est ainsi rédigé.

Art. 24

M. le Rapporteur – L’amendement 65 supprime l’article qui n’a plus de justification.

L'amendement 65, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l’article 24 est ainsi supprimé.

Art. 25

M. le Rapporteur – Les amendements 66 et 67 sont de coordination.

L'amendement 66, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l’amendement 67.

M. le Rapporteur – L’amendement 68 est rédactionnel.

L'amendement 68, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 25 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 25

M. le Ministre – Je retire l’amendement 229 dans la mesure où le 64 rectifié de la commission répond à l’objectif poursuivi.

L’amendement 230 répond à une demande de la Commission européenne de mise en conformité. Il ne modifie pas la pratique.

L'amendement 230, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

Art. 26

M. le Rapporteur – Les amendements 69 et 70 sont de coordination.

L'amendement 69, accepté par le Gouvernement, est adopté, de même que l’amendement 70.
L'article 26 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 26

M. le Ministre – Sans changer la pratique, il convient de modifier les articles L 311-2 et L 214-4 de notre code de la propriété intellectuelle afin de les mettre en conformité avec les règles communautaires. Ces articles précisent que les droits de copie privée et de rémunération équitable sont répartis aux ayants droit si les phonogrammes et vidéogrammes ont été fixés pour la première fois « en France ». L’amendement 231 a pour objet d’y remplacer les mots « en France » par « dans un État membre de la Communauté européenne ».

L'amendement 231, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.
La séance, suspendue à 1 heure 40, est reprise à 1 heure 50.

Art. 27

M. le Rapporteur – L’amendement 71 est de coordination.

L'amendement 71, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 27, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

avant l'Art. 28

M. le Ministre – Ce texte nous offre l’occasion de transposer une autre directive touchant au droit d’auteur, celle relative au droit de suite, que nous aurions dû transposer avant le 1er janvier 2006.

Le droit de suite est un pourcentage versé aux artistes plasticiens et à leurs héritiers lors de chacune des reventes successives de leurs œuvres sur le marché. En France, ce droit de 3% n’est appliqué qu’aux ventes aux enchères publiques. Il a été créé en 1920 à l’occasion, dit-on, de la revente de L’Angélus de Millet : le propriétaire du tableau s’était considérablement enrichi tandis que la famille de l’artiste était dans la gêne ; le droit de suite était une manière de remédier à des situations socialement difficiles.

Une majorité de pays de l’Union européenne, dont l’Allemagne, l’Espagne ou la Pologne, appliquent le droit de suite. Ce n’est pas le cas du Royaume-Uni, place largement dominante sur le marché de l’art contemporain. La directive du 27 septembre 2001 harmonise le droit de suite et les taux applicables à l’ensemble des pays de l’Union. Elle permettra donc aux professionnels français de travailler dans les mêmes conditions que leurs homologues européens, notamment britanniques. Elle instaure une dégressivité des taux applicables en fonction du montant de la vente. En outre, elle plafonne à 12 500 euros le droit de suite versé pour une œuvre. Cette disposition permettra d’enrayer la délocalisation des ventes vers des places dépourvues de droit de suite telles que New York.

Nombreux sont les professionnels qui s’inquiètent des conséquences de la transposition de cette directive. C’est le cas des galeries qui jusqu’alors n’acquittaient pas le droit de suite mais cotisaient en contrepartie au régime de sécurité sociale des artistes depuis plusieurs années. C’est également le cas des sociétés de vente volontaire qui vont voir le droit de suite augmenter d’un quart. C’est pourquoi, à la demande du Premier ministre, le décret d’application en Conseil d’État fixera les conditions dans lesquelles les galeries françaises bénéficieront des mêmes avantages que les galeries britanniques. En effet, les États membres où ce droit n’existait pas, dont le Royaume-Uni, ont obtenu que les ventes d’œuvres d’artistes décédés en soient dispensées jusqu’en 2010, voire 2012. Le même décret fixera le seuil de prix de vente à partir duquel les ventes seront soumises au droit de suite, dans la fourchette de 0 à 3 000 euros prévue par la directive. Enfin, il est prévu que la Commission présente un rapport sur l’application et les effets de la directive, notamment sur la compétitivité du marché européen, avant le 1er janvier 2009.

J’ai ainsi défendu l’amendement 232.

L'amendement 232, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

Art. 28

M. le Rapporteur – L’amendement 72 est de correction et l’amendement 73 de cohérence.

M. Jean Dionis du Séjour - Monsieur le ministre, je note que l’on se réfère encore à la « Communauté européenne » et non à « l’Union européenne » dans certains amendements du Gouvernement. Une mise à jour est nécessaire !

M. le Ministre – Monsieur Dionis du Séjour, la Constitution européenne n’ayant pas été adoptée, nous avons pour obligation d’employer ce terme dans certains domaines.

Avis favorable aux amendements 72 et 73.

M. Jean Dionis du Séjour - Toutes mes excuses !

Les amendements 72 et 73, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article 28, modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 29

M. le Rapporteur – Les amendements 74 et 75 sont rédactionnels, l’amendement 76 est de coordination, l’amendement 77 rectifié est également rédactionnel.

Les amendements 74, 75, 76 et 77 rectifié, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article 29, modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 29

M. le Rapporteur – L’amendement 78 est rédactionnel.

L'amendement 78, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Bloche - L’amendement 79 est important, nous y tenons. Il tend à supprimer une disposition de la loi du 6 août 2004, révisant la loi de 1978 dite « informatique et libertés », autorisant la constitution de fichiers d’infractions au code de la propriété intellectuelle au motif de freiner le téléchargement illégal de musique et de films en ligne.

Contre toute attente, et malgré notre opposition, ce droit a été ouvert à des sociétés privées de perception et de gestion du droit d’auteur et de droits voisins. Cela n’est pas sans poser problème d’un point de vue technique et juridique.

Tout d’abord, les fichiers ainsi constitués ne sont pas fiables. Pour exemple, la marge d’erreur du système de traitement des infractions constatées est de 25% bien qu’il soit géré par l’État et sous le contrôle direct de l’autorité judiciaire, ce qui n’est pas le cas des fichiers précités.

On sait également que ce risque est accru lorsque l'on autorise les croisements de fichiers. Or c'est ce qu'entraîne la disposition contestée, puisque sa mise en œuvre repose sur la collecte automatique, sans discernement, d'adresses IP.

Je ferai remarquer à ce sujet que tous les internautes n’ont pas d’adresse IP fixe, et que certains utilisent des logiciels dits d’anonymisation, qui attribuent une adresse masquant l’adresse IP originale.

Deuxièmement, cette disposition constitue une entorse grave à des principes de nature constitutionnelle, puisqu’elle autorise des personnes morales de droit privé à effectuer des rappels à la loi, en envoyant des messages électroniques aux adresses IP, via les fournisseurs d’accès. Or le rappel à la loi est assimilable à une sanction pénale qui, dans le cas d'espèce, est prise en totale méconnaissance de nos principes constitutionnels, prononcée par une société privée sur la base d'une présomption de culpabilité établie par des moyens discutables.

Troisièmement, cette disposition constitue une atteinte à la liberté de conscience et à la vie privée : nul ne peut, au nom de la défense du droit d'auteur, ni même au nom de la création culturelle, privatiser l'espace public.

Pour toutes ces raisons, il convient de supprimer l'autorisation donnée à des sociétés privées de constituer des fichiers de données à caractère personnel.

Cette disposition pouvait à l’époque être considérée comme une mesure d’attente. Mais au terme de l’examen de ce texte, compte tenu du travail effectué, tout contestable qu’il soit, et de votre conviction d’avoir doté notre pays d’un dispositif protégeant les droits d’auteurs et les droits voisins, je pense qu’il serait sain et sage de voter cet amendement.

M. le Rapporteur – L’amendement 79 tend à abroger un dispositif introduit très récemment dans la loi de 1978, ce qui serait prématuré. Dans le contexte de téléchargement illicite, ce dispositif est utile, même si tout le monde s’accorde à rechercher plutôt des voies de sanction civile.

Par ailleurs, ce dispositif est suffisamment encadré pour ne pas donner lieu à des débordements : lorsqu’il l’a validé, le Conseil constitutionnel a notamment précisé que les données recueillies ne pourront acquérir un caractère nominatif que dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Enfin, la création des fichiers est subordonnée à l’autorisation de la CNIL, qui a refusé notamment ceux qui lui semblaient donner lieu à une surveillance trop systématique des usagers sur internet. Ce dispositif, parfaitement encadré et équilibré est donc de nature à assurer l’équilibre entre le respect de la vie privée et celui des autres droits et libertés : il est préférable de le conserver. Avis défavorable.

M. le Ministre – La disposition que vise à supprimer cet amendement a été adoptée à l’été 2004. Ce régime équilibré a été validé par le Conseil constitutionnel et s’accompagne d’un strict contrôle de la CNIL, dont l’autorisation préalable doit être recueillie. La CNIL n’a d’ailleurs accepté à ce jour qu’un seul dossier et en a refusé un autre en octobre 2005. Ce dispositif donne donc toute satisfaction. Avis défavorable.

L'amendement 79, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Dionis du Séjour - L’amendement 166 est défendu.

L'amendement 166, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

seconde délibération

M. Richard Cazenave - En vertu de l’article 101-1 de notre Règlement, je sollicite une seconde délibération sur l’article 7, afin de préciser les dispositions relatives à l’interopérabilité.

M. le Vice-président de la commission – La commission accepte la seconde délibération.

M. le Président – Elle est de droit.

M. Christian Paul – Ceci est une épreuve de vérité. Je suis prêt à reconnaître votre volonté, Monsieur Cazenave, d’améliorer ce texte, et vous êtes d’autant mieux inspiré en l’espèce que celui-ci est mauvais et que la procédure d’urgence vous empêchera de l’amender ultérieurement.

Cette demande vient sanctionner des débats particulièrement chaotiques, comme on en a rarement connus pendant cette législature. Peut-être est-ce dû à la complexité de cette question, nouvelle pour le législateur, mais il faudra aussi analyser les responsabilités et les fautes commises. Le Conseil constitutionnel s’en chargera certainement.

Vous avez commencé par retirer l’article premier, avant de le réintroduire, contre l’avis, d’ailleurs, du président de l’Assemblée. Il en résulte un texte opaque et peu sûr, aussi bien pour les internautes que pour les artistes, pour les producteurs que pour les développeurs de logiciels. Là où vous cherchiez à verrouiller et à réprimer, vous avez produit une illusion de sécurité qui devrait appeler prochainement une réécriture.

Conformément à l’article 101-3 de notre Règlement, nous souhaitons une suspension de séance afin que la Commission des lois puisse se réunir et présenter par écrit un rapport sur les nouveaux amendements qui nous sont présentés à l’article 7.

M. Patrick Bloche - Je souhaite faire un rappel au Règlement, fondé sur l’article 58. Initialement, l’article 7 visait à créer, dans le code de la propriété intellectuelle, un article L.331-5 définissant les MTP et garantissant leur compatibilité par la délivrance de licences. Cela n’avait donc rien à voir avec l’interopérabilité, contrairement à ce que disait l’exposé des motifs.

De trois alinéas initialement, cet article en compte désormais huit. Il a déjà été discuté dans la nuit du 22 décembre. A cette occasion, M. le ministre expliquait, avec la grande modestie qu’on lui connaît : « Les dispositifs que nous vous proposons sont en avance par rapport à la stricte transposition de la directive européenne. Je suis fier de le dire : sur ce sujet comme sur celui de la réponse graduée, nous jouons le rôle d’éclaireur pour les pays de l’Union européenne. »

M. Christian Paul - Un peu scout !

M. Patrick Bloche - Ce désormais fameux article L.331-5, à l’exception de son premier alinéa, a été totalement réécrit, en plusieurs fois. Notre groupe avait proposé une nouvelle rédaction dans un amendement 85, dès le mois de juin. Du côté du groupe UMP, notamment sous la signature de MM. Cazenave et Carayon, ont été proposées pas moins de trois rédactions différentes : l’amendement 143, enregistré à la séance le 8 décembre 2005 ; l’amendement 240, enregistré le 20 décembre ; l’amendement 253, enregistré le 21 décembre. Vous nous demandez maintenant une seconde délibération pour discuter de quatre amendements ; loin d’être anecdotique, cette demande traduit la confusion qui caractérise la rédaction de cette loi. Je m’associe donc bien sûr à la demande de Christian Paul de réunir la commission des lois ; et puisque la possibilité de déposer des amendements sur l’article 7 se trouve ainsi rouverte, le groupe socialiste a l’intention de l’utiliser.

La séance, suspendue à 2 heures 15, est reprise à 3 heures 10.

M. le Président – Je rappelle que le rejet des amendements vaut confirmation de la décision prise en première délibération. Monsieur le Rapporteur, vous avez la parole pour présenter les conclusions de la commission.

M. le Rapporteur – La commission des lois a examiné sept amendements : quatre présentés par M. Cazenave et plusieurs de ses collègues, deux par M. Bloche et plusieurs de ses collègues et un de M. Baguet, qui n’a finalement pas été défendu mais que nous avons évoqué.

Les quatre premiers amendements tendent, estimons-nous, à réaliser le meilleur équilibre possible entre l’exigence d’interopérabilité et le respect des droits d’auteur. Adopté par la commission, l’amendement 1 est rédactionnel ; le 2 insiste sur l’équilibre entre interopérabilité et droit d’auteur que je viens d’évoquer ; le 3 demandait que, s’il constate des pratiques anticoncurrentielles de la part d’un fournisseur de mesures techniques, le Conseil de la concurrence ordonne l’accès aux informations essentielles à l’interopérabilité, mais la commission lui a préféré l’amendement 5 de M. Bloche, lequel tend à ce que tout intéressé puisse demander au président du TGI statuant en référé d’enjoindre sous astreinte à un fournisseur de mesures techniques de fournir les informations essentielles à l’interopérabilité ; l’amendement 4 de M. Cazenave vise à autoriser toute personne désireuse de mettre en œuvre l’interopérabilité à procéder aux travaux de décompilation qui lui seraient nécessaires pour disposer des informations essentielles et la commission l’a adopté ; enfin, la commission a émis un avis défavorable à l’adoption de l’amendement 6 de M. Bloche, car elle a jugé excessive la proposition de ne pas interdire la publication du code source.

M. le Vice-président de la commission – Pour éviter toute confusion, je précise que le sous-amendement de MM. Baguet et Dionis du Séjour a bien été examiné en commission.

M. Richard Cazenave - Je remercie la commission et le Gouvernement de nous avoir permis de travailler utilement et de proposer à notre Assemblée des mesures qui vont sensiblement clarifier l’exercice de l’interopérabilité. Au terme de nos travaux, nous disposerons sans doute de la législation la plus avancée d’Europe sur ces questions.

Nous avions déjà enregistré d’importantes avancées en décembre dernier : la non-brevetabilité des mesures de protection, conformément à la décision du Parlement européen selon laquelle tout logiciel n’est pas brevetable ; le respect de l’interopérabilité par les MTP ; la notion de standard ouvert ; la sécurité des systèmes d’information et des données personnelles, introduite par des amendements après l’article 7 et confiée à la DCSSI et la CNIL ; et enfin, aux articles 13 et 14, l’exception de contournement des mesures de protection et la fourniture des moyens de contournement pour la recherche, l’interopérabilité et la sécurité informatique.

Aujourd’hui, l’amendement 1 est de nature rédactionnelle : il tend à supprimer la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 7, tout en introduisant une référence à la loi du 30 septembre 1986.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

M. le Ministre – L’ensemble de ces amendements vise à clarifier l’article 7, en posant le principe que les MTP ne doivent pas nuire à la mise en œuvre de l’interopérabilité, sans pouvoir autant remettre en cause les droits d’auteur.

En effet, l’utilisateur doit pouvoir lire une œuvre légalement acquise sur le support ou le logiciel de son choix, et nous devons donner toute sa place au logiciel libre, véritable chance pour la création française en matière informatique. Les mesures prévues concernent donc tant les éditeurs de logiciels, qui doivent fournir les informations nécessaires à l’interopérabilité, que le logiciel libre.

Sur l’amendement 1, j’émets un avis favorable.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Carayon - L’amendement 2 précise que les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d’empêcher la mise en œuvre effective de l’interopérabilité, dans le respect du droit d’auteur. Grâce à cette disposition, l’interopérabilité ne restera pas un simple concept, mais pourra entrer dans les faits, dans le souci de lutter contre des pratiques anticoncurrentielles et de protéger les consommateurs.

J’ajoute que la réaffirmation de l’exception de décompilation, qui n’est soumise à aucune condition, en sera la garantie.

M. Jean Dionis du Séjour - Je n’ai pas pu participer aux tractations menées au sein de la grande alliance PS-UMP (Rires sur divers bancs), qui donnent à ces débats une touche très allemande, mais je voudrais attirer l’attention de mes collègues sur le sous-amendement 7.

Pour le moment, l’article 7 nous énonce d’abord le principe selon lequel « les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d’empêcher la mise en œuvre effective de l’interopérabilité », puis passe à une définition : « On entend par informations essentielles à l’interopérabilité la documentation technique », ce qui me semble d’une rédaction assez abrupte, ces « informations essentielles » n’ayant pas été mentionnées auparavant.

Soucieux de la fluidité du texte, le groupe UDF propose donc d’insérer, avant la définition, la phrase suivante : « Les fournisseurs de mesures techniques donnent l’accès aux informations essentielles à l’interopérabilité. » En effet, ce sont à ces acteurs que nous devons les grippages actuels : s’ils n’ignorent pas qu’une démarche de normalisation devra avoir lieu tôt ou tard, ils s’y refusent encore, dans le seul souci d’accroître leurs propres parts de marché. Pour débloquer la situation, il suffirait pourtant que l’Etat se décide à les mettre sous pression législative, au lieu de se cacher derrière son petit doigt !

L’UDF n’ayant guère eu de motif de satisfaction au cours de ces débats, nous vous offrons l’occasion de nous faire plaisir, en nous associant à la grande alliance (Sourires).

M. le Rapporteur – Ce sous-amendement ne manque pas de charme, mais il est satisfait par l’amendement 5, que la commission a approuvé.

M. Jean Dionis du Séjour - Pas du tout !

M. le Ministre – Avis favorable à l’amendement 2, mais défavorable au sous-amendement 7.

M. Bernard Carayon - Je serais favorable à l’entrée du FDP dans la « grande coalition » (Rires sur divers bancs). Si cet amendement ne change pas grand-chose sur le fond, il fournit une transition stylistique qui n’est pas dépourvue d’utilité.

M. Jean Dionis du Séjour – J’avoue mal comprendre l’argument du rapporteur. Comment peut-il dire que l’amendement 5, ou même le 6, satisfait mon sous-amendement, qui a l’avantage d’énoncer clairement la responsabilité incombant aux fournisseurs de MTP ?

Le sous-amendement 7, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 2 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Paul - Nous avons tenté de vous aider à réécrire cet article 7, qui reste malheureusement très en deçà de ce qu’on pourrait attendre de nous. Si les amendements 5 et 6 étaient adoptés, nous pourrions sans doute éviter la mise à mort du logiciel libre dans notre pays, mais il ne faudrait pas croire pour autant que seraient levées toutes les menaces qui planent sur l’innovation, du fait des amendements que nous avons adoptés hier et aujourd’hui…

M. Michel Piron - Mais nous ne faisons que soutenir la création !

M. Christian Paul - … et qui seront le péché originel de cette loi.

M. Michel Piron - Il ne manquait plus que ça !

M. Christian Paul – Même si nous sommes prêts à voter les amendements de clarification qui nous sont proposés, et qui fournissent effectivement une « transition stylistique », nous demanderons une seconde délibération sur l’amendement 150, 2ème rectification, en vertu de l’article 101, alinéa 3 de notre Règlement.

S’agissant de l’amendement 5, nous défendons depuis le début de ce débat, et même depuis le printemps 2005, l’idée selon laquelle tout intéressé, entreprise ou particulier, doit pouvoir demander au président du tribunal de grande instance, statuant en référé, d’enjoindre sous astreinte à un fournisseur de mesures techniques de fournir les informations essentielles à l’interopérabilité.

Un autre scénario était certes possible : le recours au Conseil de la concurrence, mais notre solution a l’avantage d’offrir au particulier la possibilité de saisir le juge, en dehors d’une logique strictement commerciale - la garantie de l’interopérabilité nous parait en effet relever du juge judiciaire.

Nous proposons par ailleurs que le fournisseur ne puisse exiger en contrepartie que les frais de logistique induits.

M. Richard Cazenave - La commission ayant voté en faveur de l’amendement 5, l’amendement 3 est tombé, puisqu’il couvrait le même domaine…

M. Geoffroy, Vice-président de la commission Dites plutôt qu’il est retiré !

M. Richard Cazenave – Il est retiré !

M. le Rapporteur – Avis favorable à l’amendement 5.

M. le Ministre – Je préférais que la compétence soit attribuée au Conseil de la concurrence, mais je ne suis pas défavorable à ce qu’elle le soit au tribunal de grande instance. En revanche, je le suis à la fixation par la loi des frais exigibles dans ce cas. De ce fait, sagesse sur l’amendement.

M. Bernard Carayon - Sans être convaincu que l’autorité judiciaire soit préférable au Conseil de la concurrence, nous avons toute raison de croire en la vertu de son intervention. Simplement, sa saisine est peut-être superflue en l’espèce dans la mesure où toute privation de l’accès à l’information entraîne déjà la possibilité pour tout citoyen de saisir le juge. Néanmoins, nous voterons l’amendement.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

M. Richard Cazenave - L’amendement 4 permet à toute personne désireuse de mettre en œuvre l’interopérabilité de procéder aux travaux de décompilation sans délais.

L'amendement 4, accepté par la Commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Bloche – Il est dommage que l’on n’ait pas constitué la mission d’information demandée par les socialistes dès novembre 2004. En effet, on constate que dès que les parlementaires se réunissent dans le souci de l’intérêt général, ils sont capables de dépasser les clivages partisans et de faire du bon travail. C’est le cas sur cet article 7. Notre amendement 6 vise à préserver les logiciels libres. Pour cela, il faut que l’utilisateur puisse exécuter le logiciel gratuitement, étudier son fonctionnement, le modifier et le redistribuer. L’amendement dispose donc qu’on ne peut interdire la publication du code source et de la documentation technique d’un logiciel indépendant interopérant pour des usages licites par une mesure technique de protection d’une œuvre. Ce serait perfectionner le dispositif par une garantie que nous demandons depuis près d’un an.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre – Rien dans le texte n’interdit la publication du code source d’un logiciel libre. Mais ce code source ne doit pas comporter de commentaire destiné à porter atteinte aux droits relatifs à l’œuvre. En revanche, le terme d’ « usages licites » est trop large et trop ambigu. Je ne peux donc pas émettre un avis favorable.

M. Bernard Carayon - Cet amendement n’apporte rien de substantiel à l’excellent équilibre auquel nous sommes parvenus collectivement, Gouvernement, majorité et opposition. Mais nous pouvons bien terminer par un geste de magnanimité à l’égard de l’opposition.

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté.
L'article 7 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Bloche - Dans l’esprit qui a été celui de M. Cazenave pour réécrire l’article 7 de façon aussi parfaite, puisqu’il a été adopté à l’unanimité, et pour préserver le logiciel libre, nous demandons, en application de l’article 101, une seconde délibération sur l’amendement 150 rectifié.

M. le Président – Nous allons suspendre pour examiner la question.

La séance, suspendue à 3 heures 40 est reprise à 3 heures 45.

M. le Président – Monsieur Bloche, vous demandez une seconde délibération sur l’amendement 150 rectifié devenu l’article 12 bis. Mais le champ de la seconde délibération a été défini au moment où l’un de nos collègues l’a demandée, et la commission a accepté de se réunir dans ce cadre. Si l’on vous suivait, il s’agirait d’une troisième délibération. Vous comprenez ce que cela aurait d’excessif. Mais étant donné le climat consensuel, œcuménique, ou au moins apaisé…

M. Jean Dionis du Séjour - C’est la grande alliance !

M. le Président - ...dans lequel se termine ce débat, je vais, de façon très exceptionnelle, demander à la commission si elle accepte de se réunir pour examiner la question.

M. le Vice-président de la commission - Vous avez fort bien dit, monsieur le Président. La demande de seconde délibération a donné lieu à une réunion fructueuse de la commission, dans l’esprit du Règlement. Il s’agit maintenant, en quelque sorte, d’une demande reconventionnelle. S’efforçant de rechercher une approche commune sur l’article 7, la commission a effectué un bon travail et elle n’est donc pas favorable à cette demande de nouvelle délibération sur l’amendement 150, qui n’a d’ailleurs pas été formulée lors de sa réunion, mais seulement lors de notre retour dans l’hémicycle.

M. Christian Paul - Refusant cette demande, la majorité entend réaffirmer son soutien à l’amendement Vivendi ! C’est sa responsabilité, mais il était de la nôtre de proposer de le réécrire afin de préserver les intérêts des éditeurs de logiciels libres français et de soutenir l’innovation. Majoritaires, vous pouvez imposer ce soir vos décisions. Il n’en reste pas moins que nous avons l’impression d’avoir gagné la bataille d’idées qui s’est engagée depuis quelque temps dans le pays.

Nous avons souhaité, avec tous nos collègues socialistes et communistes, user ce soir de toutes les ressources du Règlement de notre assemblée pour éviter les conséquences gravissimes qu’auront de nombreux articles de ce texte. Nous ne sommes, hélas, parvenus à en améliorer qu’un sur une trentaine, celui relatif à l’interopérabilité.

Monsieur le président, il n’y a dans notre démarche rien de consensuel ni d’œcuménique. Ce texte demeure très mauvais. Reste seulement à espérer que le Sénat l’améliorera. Notre rôle était de nous battre pied à pied et de pointer, les uns après les autres, les mauvais choix du Gouvernement et leurs conséquences dramatiques. Ne vous méprenez pas sur notre état d’esprit ! Outre le coup d’arrêt porté en décembre dernier, seuls deux points positifs nous paraissent pouvoir être soulignés : l’exception prévue pour les bibliothèques et les mesures que nous venons de voter concernant l’interopérabilité.

M. Bernard Carayon – Ce fameux amendement 150 rectifié, nous l’avons rééquilibré par un sous-amendement que vous n’avez pas voté, Monsieur Paul, ni vous ni vos amis. Vous avez fait le choix de la politique du pire, qui est la pire des politiques.

M. Patrick Bloche – Grâce au vote intervenu sur l’article 7 à cette heure tardive de la nuit, les grands gagnants seront les consommateurs, c’est-à-dire nos concitoyens et au final, l’intérêt général. Je regrette qu’il n’y ait pas eu de deuxième délibération sur l’amendement 150 rectifié, devenu l’article 12 bis, qui ne fera que pénaliser lourdement l’innovation et la recherche dans notre pays. Je rappelle enfin que nous saisirons le Conseil constitutionnel.

M. le Ministre – Au terme de la discussion des articles, je tiens, au nom du Gouvernement, à vous remercier, Monsieur le président, pour la façon dont vous avez conduit nos débats, et vous prie de transmettre ces remerciements au Président de l'Assemblée nationale ainsi qu’à tous les vice-présidents qui ont présidé nos nombreuses séances de travail. Je remercie également le rapporteur, le président et le vice-président de la commission des lois, ainsi que l’ensemble des députés qui ont participé à ce débat. J’avais pris l’engagement de la disponibilité, ce qui était la moindre des choses pour un tel débat de société. A ceux qui ont voté les articles du texte ainsi que les amendements proposés par le Gouvernement, enrichis du travail passionné des parlementaires, je puis assurer qu’ils ont fait œuvre utile. Réconcilier auteurs et créateurs avec la toute nouvelle technologie qu’est Internet constitue un défi que peu ont accepté de relever. Nous avons accompli des avancées considérables, bien au-delà de ce qu’imposait la transposition de la directive européenne. Les mesures que nous avons adoptées concernant la copie privée ou bien encore l’interopérabilité, constituent des avancées considérables qui – trêve d’ironie –, seront, n’en doutez pas, largement observées.

Je remercie les parlementaires de l’UMP qui ont voté des dispositions permettant d’éloigner le spectre de la prison pour les internautes. Mais le plus important est que la sécurité juridique offerte par ce texte permettra à une offre nouvelle de naître. Les musiciens, les cinéastes, les jeunes talents comme les plus confirmés, pourront faire rayonner leur œuvre grâce à Internet. A chacun son rôle : au Gouvernement et au Parlement de définir le cadre juridique ; aux créateurs et aux professionnels de l’utiliser au mieux pour que le plus grand nombre possible d’œuvres puissent être diffusées.

Merci de ce travail et, même si le terme peut paraître inapproprié, je suis fier et je souhaite que vous le soyez également de ce débat qui a été long, riche, passionné. Il était important de le mener à son terme. J’espère qu’au moment du vote solennel de ce texte, vous aurez chevillé au cœur le sentiment d’avoir fait œuvre utile au profit de nos concitoyens, des artistes, des créateurs, des auteurs et des internautes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président - Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur ce texte auraient lieu mardi 21 mars, après la déclaration du Gouvernement préalable au prochain Conseil européen.

Prochaine séance : le mardi 21 mars à 9 heures 30.
La séance est levée à 3 heures 55.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

Retour au haut de la page

ordre du jour
du Mardi 21 MARS 2006

NEUF HEURES TRENTE : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

Questions orales sans débat.

QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE

1. Déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen des 23 et 24 mars 2006 et débat sur cette déclaration.

2. Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi (n° 1206), après déclaration d’urgence, relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

3. Discussion du projet de loi organique (n° 2883) relatif à l’élection du Président de la République.

Rapport (n° 2934) de M. Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

4. Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 2611 rectifié) relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs.

Rapport (n° 2966) de M. Dominique JUILLOT, au nom de la commission des affaires culturelles familiales et sociales.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

© Assemblée nationale