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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du jeudi 23 mars 2006

Séance de 10 heures
77ème jour de séance, 180ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à dix heures

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violences au sein du couple (CMP)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la CMPCe texte, que je vous invite à adopter, est le fruit d’un travail parlementaire extrêmement approfondi. Issu des travaux du Sénat, examiné deux fois à l’Assemblée, il a été présenté dans le consensus à la CMP qui s’est réunie au début de ce mois.

Les sujets restant en discussion après la navette n’étaient pas nombreux mais d’importance. Parmi eux, la reconnaissance ou non du viol entre époux, notion introduite dans ce texte par le Sénat afin de sécuriser une jurisprudence déjà ancienne de la Cour de cassation, comme une circonstance aggravante. L’Assemblée, voulant que cette violence perpétrée dans l’intimité du couple ne soit plus traitée comme mineure, a réintroduit cette disposition en deuxième lecture après que le Sénat l’a repoussée une première fois. Au terme d’un débat très riche en CMP, les sénateurs l’ont finalement acceptée – l’Assemblée aurait, de toutes façons, eu le dernier mot – après y avoir apporté quelques clarifications rédactionnelles.

Au moment de clore ce débat, je tiens à souligner les mesures contenues dans ce texte propres à mieux prévenir et, quand la prévention a échoué, à réprimer les violences au sein du couple et envers les enfants. Pour ces derniers, nous avons voulu compléter le dispositif existant car la lutte contre les sévices sexuels dont ils sont victimes doit être menée très tôt. Une meilleure information de la jeunesse est primordiale dans cette lutte fondatrice pour des relations plus harmonieuses au sein du couple. La mesure d’éloignement du domicile conjugal frappera désormais le conjoint violent, ce n’est que justice, et les autorités judiciaires pourront y faire appel plus systématiquement en requérant l’intervention du parquet. D’autre part, la question des violences au sein du couple est traitée pour la première fois dans l’ensemble de son spectre. Sont visées les violences au sein des couples mariés, des couples pacsés ou des concubins et celles commises après la séparation du couple, signes d’un acharnement de la volonté de domination de l’un sur l’autre. Enfin, le fait que des violences soient commises au sein du couple sera considéré comme une circonstance aggravante, et non plus atténuante, ce qui a pour effet de renforcer la répression.

En conclusion, je veux souligner combien l’unanimité dont nous avons fait preuve sur ce texte, à l’Assemblée comme au Sénat, n’est en aucune sorte le signe d’un consensus mou. Avec lui, le peuple français, par l’intermédiaire de ses représentants, affirme avec force qu’il a décidé de ne plus accepter qu’une femme sur dix dans notre pays soit victime de violences au sein du couple et qu’une personne subisse tous les quatre jours cet enchaînement de violences qui peut conduire à la mort. Je remercie le Gouvernement, plus particulièrement M. Pascal Clément de nous avoir accompagnés dans la lutte contre les mariages forcés ainsi que Mme Catherine Vautrin de son action pour une meilleure prise en charge des personnes violentes. J’invite les représentants de la nation à mener un travail d’éducation sur ces questions dans leur circonscription, en particulier auprès des associations et des écoles. À l’initiative de M. Robert Badinter, l’article 212 du code civil a été modifié afin que le respect fasse désormais partie des devoirs mutuels des époux car c’est dans le respect que se construit le couple, c’est dans le respect qu’il vit de manière harmonieuse et équilibrée. C’est l’objectif de cette proposition de loi qui doit être prolongée par un travail local afin que régresse ce mal national de la violence au sein du couple (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe socialiste).

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice - Votre assemblée examine aujourd'hui le texte de la CMP adopté à l'unanimité par le Sénat le jeudi 9 mars. Nous avons encore en mémoire les statistiques dramatiques évoquées pendant les débats. Ce texte constitue une réponse efficace et indispensable à ces comportements intolérables.

Je me félicite que cette proposition fasse l’objet d’un large consensus entre les deux assemblées et entre les différentes sensibilités politiques. Vous êtes parvenus à ce résultat, qui honore la représentation nationale, à l’issue de débats fort riches. Ce consensus a permis d’adopter plusieurs dispositions essentielles concernant le droit civil : je pense notamment au relèvement à 18 ans de l’âge du mariage des femmes et à l’introduction de la notion de respect en tête des devoirs mutuels des conjoints énoncés à l’article 212 du code civil.

Suivant les recommandations de la mission parlementaire sur la famille et les droits de l’enfant, vous avez adopté plusieurs mesures qui renforcent le dispositif de lutte contre les mariages forcés. La réalité du consentement des futurs époux sera mieux contrôlée, notamment lorsque le mariage est célébré à l’étranger. Le Parquet sera en mesure de poursuivre la nullité du mariage pour défaut de consentement. Le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, adopté hier en première lecture, perfectionne également notre dispositif législatif pour lutter contre les mariages forcés et les mariages blancs.

En ce qui concerne les dispositions pénales, la complémentarité du travail des deux assemblées a également été exemplaire. S’agissant de la répression des violences conjugales, la circonstance aggravante liée à la qualité de la victime a été généralisée et étendue aux ex-conjoints et concubins ainsi qu’aux pacsés. Pour lutter contre la privation des pièces d’identité d’une personne par son conjoint ou son concubin, il a été décidé une exception à l’immunité familiale prohibant les poursuites en cas de vol entre époux. Avec beaucoup de cohérence juridique, votre Assemblée a adapté la rédaction finale de cet article aux dispositions du code pénal actuel en évitant ainsi de créer inutilement une nouvelle infraction.

Enfin, votre Assemblée a complété cette proposition par des dispositions permettant de mieux réprimer les mutilations sexuelles, la pédo-pornographie et le tourisme sexuel.

Outre quelques différences d’ordre rédactionnel, un seul point de divergence demeurait entre les deux assemblées : la création d’une circonstance aggravante pour le viol entre époux. Le Sénat s’est finalement rallié à la position de l'Assemblée nationale, ce dont je me réjouis.

Cette proposition revêt un caractère symbolique particulièrement fort. La représentation nationale a su une fois de plus améliorer considérablement notre arsenal législatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Liliane Vaginay – Cette proposition, issue d’une volonté partagée du Sénat et de l'Assemblée nationale et adoptée à l’unanimité des groupes politiques, offre un dispositif cohérent permettant de mieux combattre toutes les formes de violence au sein du couple. Ce processus législatif témoigne également d'une meilleure prise de conscience de la gravité des actes de violence conjugale et illustre la volonté du Gouvernement de conjuguer prévention et répression. Avec ce texte, nous lutterons plus efficacement contre des comportements délictueux restés trop longtemps tabous, redonnant ainsi espoir aux victimes en leur rappelant qu'elles ont des droits. Nous prévenons aussi le passage à l'acte des auteurs de violences en leur rappelant qu'ils encourent des peines d'emprisonnement.

Parmi les principales mesures, citons, au plan civil, le relèvement à 18 ans de l'âge du mariage des femmes, conformément aux recommandations du Comité des droits des enfants des Nations unies pour l'application de la Convention internationale sur les droits des enfants ; l'introduction de la notion de respect dans les devoirs mutuels des conjoints poursuit un même objectif d'égalité entre époux. Par ailleurs, suivant les recommandations de la mission parlementaire sur la famille et les droits des enfants, la proposition renforce le dispositif visant à lutter contre les mariages forcés que le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, adopté hier soir, complète utilement. La réalité du consentement des futurs époux sera également mieux contrôlée, notamment lorsque le mariage est célébré à l'étranger. En outre, le délai permettant de demander la nullité du mariage pour vice du consentement, en cas de cohabitation des époux, a été prolongé, permettant ainsi de prendre en compte des faits souvent dénoncés au moment de la transcription du mariage à l'état civil français. Enfin, par souci de pédagogie, le texte rappelle explicitement que l'exercice de pressions morales ou affectives de la part des parents constitue un cas de nullité du mariage.

Au plan pénal, les dispositions permettant l'éloignement du conjoint violent ont été étendues aux ex-conjoints et ex-concubins, décision essentielle dans la mesure où la violence ne s'arrête pas avec une séparation. Un tiers des décès, en effet, surviennent au moment de la rupture ou dans les mois qui suivent. Par ailleurs, le texte comporte un dispositif destiné à lutter contre la privation des pièces d'identité d'une personne par son conjoint ou son concubin, qui constitue, pour le conjoint violent, le moyen de priver celle-ci de la liberté d'aller et venir. Concernant la répression des violences conjugales, le texte prévoit que la circonstance aggravante liée à la qualité de conjoint ou d'ex-conjoint de la victime s'appliquera, notamment en cas de meurtre. Nous avons discuté en CMP de la qualification de circonstance aggravante en cas de viol ou d'agression sexuelle commis contre le conjoint. Nous avons ainsi rappelé que ces violences s'inscrivaient dans un processus de destruction de la personne par un conjoint violent, exerçant une forte domination sur sa victime. Nos discussions ont effectivement abouti à la création d'une telle qualification.

Enfin, les deux assemblées ont adopté plusieurs mesures visant à renforcer la lutte contre les mutilations sexuelles, la pédo-pornographie et le tourisme sexuel.

Une femme sur dix est aujourd'hui victime de violences conjugales dans notre pays. Pour lutter contre ces souffrances insupportables, nous devons entreprendre un travail de formation et d'éducation avec tous les acteurs de terrain, comme ce texte nous y invite, mais nous devons également punir les auteurs d’actes délictueux. Cette proposition répond certes à une nécessité juridique mais elle constitue surtout un symbole fort pour les victimes et les associations qui les défendent. Le groupe UMP la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Serge Blisko – Ne pas avoir déclaré l’urgence alors qu’il y avait urgence à délibérer sur un sujet aussi grave nous a permis d’accomplir un travail parlementaire de qualité grâce à de nombreuses navettes, preuve que cela est possible, comme le Gouvernement devrait le reconnaître. L’unanimité qui s’est dégagée sur ce texte est de bon aloi car il s’agit d’un signe fort adressé à toutes celles et tous ceux qui sont confrontés à ces terribles situations. Nous avons raison de faire en sorte que les victimes soient toujours mieux protégées, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de femmes ou de mineurs.

Je ne reviens pas sur les dispositifs de lutte contre la pédo-pornographie et le tourisme sexuel, pratiques d’autant plus terribles que les victimes y sont souvent contraintes pour des raisons économiques. Seuls trois points sont restés en débat et la CMP est parvenue à les trancher. Le premier concernait la nullité du mariage pour vice de consentement. Il a été décidé que la crainte révérencielle envers un ascendant constitue un cas de nullité de mariage comme notre Assemblé l'avait souhaité. Nous nous en félicitons. Notre droit admet enfin que le mariage intéresse avant tout les époux et non pas la famille et que cette dernière n'a pas un droit particulier à faire pression sur le choix des futurs époux. C'est la fin d'un archaïsme selon lequel il n'y a pas point de mariage sans consentement des ascendants. Le deuxième point, concernant la reconnaissance du caractère aggravant du viol lorsqu'il est commis au sein du couple, nous satisfait moins même si, selon nous, il convenait avant tout de combler une lacune juridique.

Il était en effet souhaitable d’inscrire dans la loi ce qui ressortait déjà en partie de la jurisprudence de la Cour de cassation ; cependant les parlementaires socialistes considèrent qu’il n’était pas nécessaire de mettre le viol entre époux, terrible en lui-même, au même niveau que le viol en bande organisée ou le viol sous la menace d’une arme – circonstances aggravantes qui figurent déjà dans le code pénal.

Enfin, et c’est fondamental, la CMP a adopté le principe de l’éloignement du conjoint violent du domicile commun. Nous avons tous sur le territoire de nos circonscriptions des refuges pour accueillir les femmes victimes de violence ; il était évidemment indispensable de faire en sorte que ce ne soit pas la victime qui soit mise à la porte du logement, ce qui pouvait être le cas si le contrat de location ou le titre de propriété était au nom du conjoint violent : sur ce point, nous avons corrigé une aberration.

La philosophie du texte est bien marquée par l'exigence de lutter contre les violences dans le couple, de protéger la volonté des époux, mais aussi des pacsés et des concubins. La modification de l'article 63 du code civil était guidée par la volonté de lutter contre les mariages forcés quels qu'ils soient ; mais, Monsieur le ministre, il n’était pas nécessaire de mélanger les sujets en rebondissant sur le débat d’hier soir. Au demeurant, il est regrettable que cet article 63 soit réformé tous les jours : on aurait souhaité un travail parlementaire un peu plus ordonné…

Très utile et très pratique est la sanction de la privation des documents d'identité relatifs au titre de séjour et de résidence d'un étranger par son conjoint ou ex-conjoint, violence certes non physique mais néanmoins extrêmement grave qui met la victime dans une situation de dépendance odieuse.

Enfin, la disposition qui porte l’âge requis pour le mariage de 15 à 18 ans pour les femmes, comme c'était déjà le cas pour les hommes, est essentielle. Il était effrayant qu’on puisse pousser de si jeunes filles au mariage, souvent par des contraintes psychologiques, et en tant qu’officiers d’état-civil nous avons tous éprouvé un malaise devant de telles situations. Au-delà de la nécessaire parité, il s’agit de rendre leur liberté aux femmes.

Pour toutes ces raisons, les députés socialistes voteront ce texte avec confiance et résolution (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Anne-Marie Comparini - Depuis longtemps, l'UDF, comme toutes les familles politiques, souligne la nécessité d'agir contre la banalisation des violences conjugales. C'est pourquoi mon collègue Yvan Lachaud avait déposé en novembre 2004 une proposition de loi dont certaines dispositions sont reprises dans le présent texte.

Nous saluons les avancées qu’il contient et les amendements importants qui ont été votés, fruit d'un vrai travail en commission de nos deux assemblées.

Je soulignerai plus particulièrement la lutte contre les mariages forcés, le compromis satisfaisant auquel est parvenue la CMP sur l'annulation du mariage pour vice du consentement et l'extension des mesures d'éloignement du conjoint violent aux violences commises par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou la personne liée ou ayant été liée par un Pacs.

En première lecture, nous avions insisté sur la nécessité de prévoir des circonstances aggravantes pour le viol commis au sein du couple. La formulation équilibrée qui a été retenue permet de fixer dans le code pénal l'interprétation de la Cour de cassation et ainsi d’empêcher tout revirement de jurisprudence. Dès lors que l’on admet les circonstances aggravantes pour toutes les violences commises au sein du couple, il serait illogique que ce ne soit pas le cas pour l'une des formes les plus graves de violence, le viol.

Permettez-moi cependant quelques observations.

Je regrette l'instauration de la médiation pénale, même si je peux la comprendre. En effet l'esprit de la médiation étant de résoudre un différend d'opinion ou d'intérêt, dans le cas de délits de violence, la médiation, en mettant les deux parties sur le même plan, peut aboutir au rejet sur la victime de l'échec de la conciliation, et par là-même au dédouanement de l’auteur des violences.

D'autres points méritent d'être encore approfondis : la sensibilisation des élèves au respect de l'égalité entre les hommes et les femmes – lors de ma visite au centre pénitentiaire de Liancourt, les éducateurs m’ont expliqué que le premier enseignement qu’ils dispensaient aux mineurs incarcérés était le respect et la connaissance de l’autre sexe – ; la formation spécifique pour les personnels médicaux, les magistrats, les policiers, car trop souvent les femmes – comme les jeunes enfants – victimes de violence craignent d'avoir à affronter la suspicion des services instructeurs ; l'obligation de soin pour les auteurs de violences, sujet sur lequel le docteur Coutanceau a remis un excellent rapport à Mme Vautrin – en France, ils ne sont que 300 à se faire soigner, sur 40 000 condamnés – ; l’obligation d'accueil, d’ hébergement et de soin des victimes. À ce sujet, l'UDF est convaincue qu'il faut soutenir les associations et les centres d'accueil qui, en prenant en charge les victimes et leurs enfants, répondent à leur premier besoin, qui est de se mettre à l'abri.

Les violences conjugales appellent donc, outre de nécessaires réponses juridiques, un plan global d'action et un changement des mentalités.

Rares sont les sujets où le Parlement peut dépasser les clivages partisans et adopter une position commune. En votant avec confiance ce texte, Monsieur le Garde des Sceaux, je voudrais lancer un appel : ne décevons pas toutes celles qui en attendent beaucoup pour leur liberté, leur autonomie et leur envie de vivre. Il ne faudra pas, faute de moyens, en rester au stade des vœux pieux : la loi doit être appliquée, donc avoir les moyens financiers de son ambition. (Applaudissements)

Mme Muguette Jacquaint – Les violences conjugales sont désormais reconnues par les instances nationales et internationales comme un problème de santé publique, dont l'État a la charge de se saisir. Par violence conjugale, il faut entendre toute atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle exercée par le partenaire dans le cadre d'une relation de couple – je tenais à le rappeler, car on ne peut combattre un fléau sans le définir au préalable.

Je souhaiterais vous faire part de ma satisfaction devant la richesse de nos débats, même si une réflexion plus ample sur ce sujet serait nécessaire à mes yeux. La navette a certes été relativement longue, mais ce texte s'est enrichi de dispositions qui traitent d'autres dimensions de la violence conjugale, comme les mariages forcés, l'excision et le tourisme sexuel.

La CMP a adopté l’article premier dans la rédaction de l'Assemblée nationale, qui fait de l'exercice d'une contrainte au mariage, notamment la crainte révérencielle envers un ascendant, une cause de nullité. Grâce à l’adoption de l’article 5, dans la version de l'Assemblée nationale, les mesures d’éloignement et d'incarcération prévues contre les auteurs de telles violences seront également renforcées. Cela étant, je partage les propos de notre collègue sur les soins à prodiguer aux hommes violents, dont il serait bon que nous puissions débattre à l’avenir.

Un seul point de désaccord subsistait entre les deux assemblées : faut-il faire du viol au sein du couple une circonstance aggravante, comme le demandaient les associations ? Le Sénat avait consacré la jurisprudence de la Cour de cassation en prévoyant l'incrimination explicite du viol au sein du couple, tandis que les députés voulaient faire de la qualité de conjoint une circonstance aggravante. La CMP a combiné les deux textes, tout en étendant la circonstance aggravante aux pacsés, aux anciens conjoints et anciens pacsés, auxquels les mesures d'éloignement du domicile de la victime seront également opposables. Bien évidemment, nous nous en félicitons.

Toutefois, on ne saurait réduire la lutte contre ce fléau à une approche strictement répressive, la prévention et l'aide aux victimes devant occuper une large part de l'action politique dans ce domaine, au même titre que l’éducation des enfants. Toutes les initiatives tendant à améliorer les comportements entre hommes et femmes doivent donc être encouragées, et c’est pourquoi je regrette vivement le rejet des amendements que nous avions déposés, au motif qu’ils seraient de nature réglementaire ou que des dispositions similaires seraient déjà en vigueur.

Nos propositions relatives à la prévention, la sensibilisation et l'indemnisation des victimes n’étaient en effet que l'écho des revendications des associations féministes ou de défense des droits de l'homme. Je reste donc persuadée qu'elles devront alimenter à l’avenir une meilleure prise de conscience collective de ce fléau qu’est la violence au sein du couple.

Nous devrions en effet prendre exemple sur la loi-cadre espagnole, qui commence par définir clairement les violence de genre. Celles-ci sont considérées « non comme un problème relevant de la sphère privée, mais comme le symbole le plus brutal de l'inégalité qui existe entre les hommes et les femmes », et s'exercent contre leurs victimes « du fait même qu'elles sont femmes et qu'elles sont considérées par leurs agresseurs comme dépourvues des droits normaux à la liberté et au respect, ainsi que de la capacité de décision ».

Cette définition justifie ensuite une loi alliant répression des actes de violences, aide aux victimes et mesures de sensibilisation et de prévention, conforme à l’approche globale que nous demandions. En effet, nous ne répéterons jamais assez que toutes les femmes sont victimes de violences masculines, sexuelles ou sexistes à un moment de leur vie : insultes, publicités, pornographie, prostitution, coups et blessures volontaires, agressions sexuelles, harcèlement sexuel, viol, mutilations génitales, ou encore humiliations.

Hélas, cette effrayante réalité n’a été que partiellement traitée dans cette proposition de loi, puisque les violences ont été présentées comme des actes individuels et non comme le mécanisme d'une société qui demeure machiste et patriarcale à bien des égards. Derrière le rapport de force exacerbé qu'est la violence, se cache en effet une volonté de maintenir en place le pouvoir des hommes, et de contrôler le corps des femmes, leur sexualité, leur liberté de vivre, bref leur existence.

Certes, des mesures existaient déjà dans notre arsenal législatif, comme l’ont montré nos débats : nous sommes donc sur le bon chemin, mais regrouper toutes ces dispositions au sein d’une même loi, tout en les renforçant et en les complétant, serait un acte politique fort, qui lancerait un message symbolique aux institutions, comme aux hommes et aux femmes du pays. Il est aujourd’hui temps d’ouvrir un grand débat de société sur toutes les formes de sexisme, de violence ou de discrimination dont sont victimes les femmes.

Cette loi globale devrait partir de la réalité des violences dénoncées par les femmes dans toute la France, en vue d’identifier celles qui ne sont pas encore reconnues comme des crimes et des délits, puis de modifier toutes les lois qui induisent une vision stéréotypée des femmes et des violences dont elles sont victimes. Assortie de tous les moyens politiques, juridiques, humains et financiers indispensables, cette loi devrait enfin s’atteler à l’éradication de toutes les violences encore commises dans les sphères publique ou privée, qu’il s’agisse d’institutions judiciaires, éducatives, professionnelles ou médiatiques, mais aussi religieuses et militaires.

Pour conclure, je souhaiterais que vous nous rendiez compte des travaux de la commission interministérielle qui a dû se dérouler le 31 janvier dernier, Monsieur le Garde des Sceaux. J’ajoute enfin que l'application de cette loi devra être effective, ce qui implique la mise à disposition de moyens matériels et financiers importants, notamment pour la création de centres d’accueil.

En espérant un engagement clair sur ce point, nous voterons naturellement cette loi. (Applaudissements sur tous les bancs)

La discussion générale est close.
L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix compte tenu du texte de la CMP, est adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 10 heures 55.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
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Préalablement,
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