Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2005-2006)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit

Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mercredi 12 avril 2006

Séance de 9 heures 30
85ème jour de séance, 198ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

Consulter le sommaire

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Retour au haut de la page

accès des jeunes à la vie active en entreprise (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative à l’accès des jeunes à la vie active en entreprise.

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement fondé sur l’article 58. Alors que le droit d’amendement est un droit fondamental des parlementaires, et cela m’étonne d’ailleurs de vous, Monsieur le Président, toujours attentif à protéger les droits de l’opposition, vous avez fait disparaître l’un de mes amendements ainsi rédigé : « L’article 8 de la loi du 31 mars 2006 sur l’égalité des chances est karchérisé ». Alors même que cet amendement a été examiné par la commission, vous l’avez refusé, Monsieur le Président, au motif que le verbe « karchériser » ne figure pas dans le Larousse. D’une part, le Larousse n’est qu’un dictionnaire, il ne dit pas la loi, pas même académique concernant le langage. D’autre part, le fait précède souvent le droit et en l’espèce, qui a le premier utilisé ce terme, d’importation teutonne, ce qui n’est d’ailleurs pas étonnant de la part d’une personne qui a elle-même déclaré à New-York qu’elle se sentait étrangère dans son propre pays ? L’humour, vous le savez mieux que quiconque, Monsieur le Président pour pratiquer aussi cet art, est souvent plus efficace que les litanies ennuyeuses du formalisme juridique. J’ai, pour ma part, trouvé une définition de « karchériser » dans un dictionnaire : cela signifie nettoyer en profondeur…

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes - C’est Bricorama ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard - Pas du tout ! Ce terme, lorsqu’il a été utilisé par son inventeur, a constitué une véritable agression contre la jeunesse, traduisant un profond mépris des jeunes des quartiers populaires, déjà humiliés chaque jour. Mais le ministre d’État, dont on connaît le talent de provocateur, n’assume pas ses opinions…

M. le Président – Monsieur Brard, ce n’est pas un rappel au Règlement.

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur le Président, vous avez eu tort de priver l’Assemblée d’une discussion sur l’apport du ministre d’État au renouvellement de notre langue, ce ministre d’État qui est à la fois l’ami de Mme Bettencourt et de Tom Cruise !

M. le Président – J’ai refusé votre amendement, Monsieur Brard, mais j’ai l’intention de saisir l’Académie française d’une part pour savoir si ce terme peut être utilisé, d’autre part pour lui soumettre votre candidature. (Sourires)

avant l'Article premier

Mme Martine Billard - L’amendement 16 vise à accroître les moyens du Fonds de solidarité créé en 1982 pour assurer le paiement de la prime de précarité versée en fin de mission aux titulaires d’un contrat précaire. Les missions de ce fonds se sont considérablement élargies, puisqu’il sert aujourd’hui à financer également l’ASS, la prime due en cas de rupture d’un contrat nouvelles embauches, la prime forfaitaire de retour à l’emploi et la prime mensuelle. Hélas, ses moyens n’ont pas progressé à due concurrence. Résultat, il est de plus en plus fréquent que des allocataires de l’ASS se voient privés de la moitié de leur allocation, au motif qu’un courrier de l’ANPE ne leur est pas parvenu – or les personnes vivant dans la précarité ont souvent des domiciles instables, d’où des retards dans la réception de leur courrier. Et cela arrange bien le Fonds de solidarité, lequel n’est pas suffisamment doté. Il nous semble donc important de dissuader les entreprises de recourir abusivement aux contrats précaires. Autant il est compréhensible de remplacer une femme en congé de maternité ou un homme en congé parental par une personne en contrat à durée déterminée, autant il est anormal de multiplier les contrats précaires, bien au-delà des cas prévus dans le code du travail, d’ailleurs très limités. Nous proposons par notre amendement de créer une nouvelle contribution dite de précarité à laquelle ne serait assujetties que les entreprises utilisant ces contrats et qui alimenterait le Fonds de solidarité – l’objectif étant de limiter le nombre de ces contrats, tout en assurant aux salariés concernés un revenu décent leur permettant de se loger, de se nourrir et de se soigner.

M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales Le chef de l’État a souhaité qu’une négociation s’ouvre avec les partenaires sociaux sur le financement de l’assurance chômage, et de la protection sociale en général. Des concertations sont en cours, avec lesquelles il ne paraît pas opportun d’interférer. Avis défavorable donc.

M. le Ministre délégué – Le Président de la République a lancé en janvier une réflexion sur une nouvelle assise des cotisations patronales. Cette réflexion est en cours au pôle de cohésion sociale et à Bercy. Un autre débat est celui de la refondation de l’assurance chômage souhaitée par les partenaires sociaux. Ceux-ci ont exprimé le souhait de redéfinir les différentes filières de l’assurance et de revoir le niveau des cotisations en fonction des types de contrat. Laissons toute sa place au dialogue social. Avis défavorable donc à cet amendement.

M. Gérard Bapt – Cet amendement pose un problème de fond, et nous le soutenons. Nous ne comprenons pas que le rapporteur et le ministre nous renvoient à deux débats de nature d’ailleurs totalement différente. La négociation en cours entre les partenaires sociaux sur l’assurance chômage est une chose, la réflexion sur la réforme des cotisations patronales en est une autre. J’avais d’ailleurs cru comprendre qu’une nouvelle assise de ces cotisations sur la valeur ajoutée devait servir avant tout la compétitivité.

Mme Martine Billard – Je suis très heureuse d’entendre aujourd’hui dire qu’il faut privilégier la négociation avec les partenaires sociaux. Si on l’avait fait pour le CPE, nous n’en serions pas à siéger un mercredi matin pour le supprimer !

Je souhaite faire observer ici combien il est difficile pour l’opposition de débattre. Si nous nous contentons de refuser ce qui nous est proposé, on nous reproche de n’avoir pas de propositions. Si nous en faisons, on nous répond qu’il faut attendre les négociations entre partenaires sociaux. Je n’ai pas repris dans les cinq amendements que nous avons déposés sur ce texte l’ensemble des propositions pour lutter contre la précarité que contient la proposition de loi déposée par les députés Verts car nous aurons l’occasion de les défendre en détail lors du grand débat citoyen qui aura lieu, je l’espère, sur le sujet, avec l’ensemble des partenaires sociaux. Mais plutôt que d’augmenter les aides aux entreprises, seule proposition du présent texte, nous préférerions que l’on dissuade de recourir aux contrats précaires.

L'amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – J’indique d’emblée que je suis saisi par le groupe UDF d’une demande de scrutin public sur l’amendement 31, qui va être mis en discussion commune avec l’amendement 7.

M. Francis Vercamer - Nous avons vu ce qui est arrivé avec l’introduction du CPE par voie d’amendement, sans dialogue social préalable ni réel débat au Parlement : des manifestations durant des mois, et au final une crispation de l’ensemble de la vie sociale de notre pays. C’est pourquoi nous proposons par notre amendement 31 que dorénavant, toute réforme législative du code du travail soit précédée d’une négociation nationale interprofessionnelle, si les partenaires sociaux le souhaitent.

Je rappelle ce que François Fillon, cadre dirigeant de l’UMP, écrivait dans l’exposé des motifs de la loi de 2004 sur la formation professionnelle tout au long de la vie et sur le dialogue social : « la présente loi doit être l’occasion d’affirmer et de montrer l’application concrète du principe, déjà institué au sein de l’Union européenne, selon lequel toute réforme substantielle modifiant l’équilibre des relations sociales, doit être précédée d’une concertation effective avec les partenaires sociaux et, le cas échéant, d’une négociation entre ceux-ci. À cet égard, le Gouvernement prend l’engagement solennel…

Plusieurs députés socialistes – Eh oui !

M. Francis Vercamer - …de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail. »

Je ne fais que traduire cet engagement dans mon amendement. On m’objectera qu’il est de nature constitutionnelle. Soit, mettons le plus tard dans la Constitution, mais commençons déjà par le mettre dans la loi ! M. de Villepin ne pourra ainsi plus répondre, comme il l’a fait à M. Chérèque, qu’il n’était pas tenu de se conformer à une disposition qui n’était pas dans la loi mais dans un simple préambule ! Bien sûr, ce qu’une loi a fait, une autre peut ensuite le défaire, mais qui osera supprimer une disposition renvoyant au dialogue social ?

M. le Rapporteur – Défavorable.

M. le Ministre délégué – Défavorable.

M. Gaëtan Gorce - Notre amendement 7 a le même objet. J’en profite pour indiquer dans quel état d’esprit nous abordons la discussion. Si le Gouvernement avait respecté la règle, qu’il s’était lui-même fixée, d’une consultation préalable, on aurait sans doute évité les deux mois de crise sociale, de manifestation et de paralysie relative du pays que nous avons connus ! On a perdu beaucoup de temps et le gâchis a été grand. Il faut maintenant trouver une issue. Elle était évidente depuis le début : le retrait. Le Président de la République a préféré s’engager dans l’imbroglio juridique que l’on sait.

Nous n’approuvons pas le contenu de la présente proposition de loi et nous aurions préféré une abrogation claire et nette de l’article 8. Nous ne nous opposerons cependant pas à l’adoption de ce texte, car nous souhaitons une issue à la crise. Nous ne pouvons pas pour autant l’approuver, étant donné ses insuffisances et ses faiblesses.

M. le Rapporteur – Défavorable.

M. le Ministre délégué – Défavorable.

À la majorité de 59 voix contre 32, sur 92 votants et 91 suffrages exprimés, l’amendement 31 n’est pas adopté.
L'amendement 7, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Paul - Parmi les articles totalement scandaleux que comporte le texte abusivement dit « relatif à l’égalité des chances », il en est un dont nous souhaitons particulièrement l’abrogation : c’est celui qui élargit l’autorisation du travail de nuit pour les jeunes apprentis de moins de 18 ans et qui s’applique également aux apprentis juniors de 15 ans. Nous avions vigoureusement dénoncé cette régression. Par notre amendement 2 rectifié, qui vous offre en quelque sorte une session de rattrapage supplémentaire, nous vous demandons solennellement d’abroger cet article.

M. le Rapporteur – Je vais prendre quelques instants pour répondre, car cette question du travail de nuit est importante et va nous permettre de voir comment le groupe socialiste travaille, parfois…

M. Christian Paul - Vous donnez encore des leçons ? Un peu d’humilité, s’il vous plaît !

M. le Rapporteur – Tout le monde souhaite que le travail de nuit soit encadré. Il l’a été dans deux secteurs dans les années 70 : en 1973, dans les domaines du spectacle, de la restauration et de l’hôtellerie ; en 1979, dans le secteur de la boulangerie. Par la suite, les gouvernements ont légiféré, en 1990 d’abord, puis, par ordonnance, je dis bien par ordonnance, en 2001.

Plusieurs députés UMP - Ah !

M. le Rapporteur – À chaque fois, votre majorité tenait la plume. Et 2001, ce n’est pas le XIXe siècle, ce n’est pas Zola !

Quel est aujourd’hui le droit applicable ? Après la réforme de 2005, dont le décret d’application est paru en janvier, le travail de nuit est interdit pour tous les mineurs de moins de 16 ans, à une seule exception près, le domaine du spectacle, exception que vous aviez vous-mêmes validée dans l’ordonnance de 2001 et qui est demandée par les professionnels du secteur.

L’ordonnance de 2001 posait des principes généraux et renvoyait à des décrets, mais ceux-ci n’ont jamais été pris par la majorité de gauche, ce qui veut dire que des métiers comme ceux de l’hôtellerie-restauration restaient dans un vide juridique complet. Nous, nous avons pris les décrets. Ils font tout d’abord la liste des métiers. Ensuite, ils interdisent le travail de nuit complet pour les mineurs entre 16 et 18 ans. Seuls des empiètements sur le temps de nuit sont possibles, par exemple de 22 à 23 heures 30 dans l’hôtellerie-restauration. Troisième mesure, qui évite les abus : nous disons qu’il ne peut pas y avoir de travail de nuit d’un apprenti mineur entre 16 et 18 ans en l’absence du maître d’apprentissage. Je rappelle aussi, Monsieur Paul, que tout cela se fait sur acceptation individuelle de l’inspection du travail et sous son contrôle.

Bien que vous tentiez de faire croire le contraire, rien dans la loi sur l’égalité des chances ne modifie le travail de nuit des mineurs ! Vos amendements n’ont fait que déplacer dans celle-ci le débat que vous auriez dû conduire dans la loi du 26 juillet 2005 ! À ce petit jeu-là, on peut s’amuser. Je vais vous lire un extrait de l’article premier de l’ordonnance de 2001 signée par M. Jospin et Mme Guigou : « Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que ces mineurs, lorsqu’ils ont plus de 14 ans, se livrent à des travaux adaptés à leur âge pendant les vacances scolaires. » Direz-vous que Lionel Jospin a instauré par ordonnance le travail des mineurs de 14 ans ? (Applaudissements et « Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Avis défavorable donc.

M. le Ministre délégué – Même avis.

Mme Catherine Génisson - Le travail de nuit a fait l’objet d’une loi, pas d’une ordonnance, Monsieur le rapporteur : la loi du 9 mai 2001, qui avait donné lieu à de longues discussions sur tous les bancs.

M. Maxime Gremetz - Nous avons voté contre !

Mme Catherine Génisson - Il n’y avait pas, auparavant, de réglementation du travail de nuit, mais des us et coutumes. La loi du 9 mai 2001 a introduit dans le code du travail des mesures protectrices et qui se voulaient dissuasives. Ne dites donc pas, Monsieur le rapporteur, que le travail de nuit a été institué par voie d’ordonnance, ce n’est pas vrai !

L'amendement 2 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Le rejet de cet amendement comme du précédent montre bien que le Gouvernement n’opère qu’un repli tactique dans cette affaire. S’il est contraint, sous la pression de l’opinion publique, des syndicats et de la jeunesse, de renoncer au CPE, il n’a malheureusement pas l’intention de changer ses vues et cherche encore à imposer des orientations qui sont refusées par les partenaires sociaux et la majorité de nos concitoyens. Nous allons donc lui donner avec notre amendement 1, qui a pour objet d’abroger le CNE, une nouvelle chance.

Le CPE était au fond le frère jumeau du CNE. Dans les deux cas, le licenciement peut se faire sans motif et peut intervenir n’importe quand. Les atteintes au droit du travail sont exactement les mêmes. Si donc vous avez compris le message qui vous a été adressé, vous devez en tirer les conséquences pour le CNE. Il sera clair sinon que vous n’opérez qu’un repli tactique, sans aucune intention de changer vos orientations.

Beaucoup de CNE ont été signés, me direz-vous ; mais l’effet de substitution aux autres types de contrat, et notamment au CDI classique, est patent, et l’effet net sur la création d’emploi est impossible à estimer de manière sérieuse. Bien sûr, notre amendement prévoit que l’abrogation des dispositions sur le CNE s’accompagne d’une sécurisation juridique et d’une requalification des contrats déjà signés, sous le contrôle des partenaires sociaux. Ce que nous vous demandons relève de la simple cohérence : si les jeunes de 16 à 25 ans ne peuvent plus être embauchés en CPE dans les entreprises de plus de vingt salariés, ils ne doivent pas non plus pouvoir l’être sous la même forme de contrat dans les entreprises de moins de vingt salariés.

M. le Président – Je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public sur cet amendement 1.

Mme Martine Billard – Mon amendement 14 est analogue. Le Medef aurait bien voulu qu’on étende le CNE aux entreprises de plus de vingt salariés, et c’est bien la raison pour laquelle il n’a pas réellement soutenu le CPE, craignant que la méthode utilisée n’ait pour effet de « plomber » les réformes ultérieures visant à casser le CDI… Mais avec ce type de contrats, on peut faire tourner les salariés sur le même emploi, sans créer d’emplois supplémentaires ! D’ailleurs, nous ne disposons toujours pas du bilan du CNE que l’ordonnance prévoyait de faire au bout de six mois… Le nombre de CNE créés n’a pas de sens puisqu’on ne sait pas combien de CDI et de CDD ont été supprimés. Ce qui est intéressant, c’est le nombre d’emplois créés.

M. Guy Geoffroy - 150 000 !

Mme Martine Billard - Non, le Gouvernement parle de 30 000 à 40 000, et il faudra voir si ce sont des emplois durables.

Si donc aujourd’hui la mobilisation du pays vous oblige à reculer sur le CPE, vous reprendrez l’offensive dès que possible pour en étendre les dispositions à l’ensemble des entreprises ; mais les salariés le refusent, tout simplement parce que tout être humain a envie d’avoir quelques perspectives pour construire sa vie – sans être menacé d’être licencié du jour au lendemain sans savoir pourquoi…

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – De même.

M. Jean-Pierre Soisson - Les socialistes sont en train de pratiquer la tactique du grignotage, en demandant la suppression du CNE après celle du CPE. Nous avons dû reculer sur le CPE, mais n’ayons pas honte de la politique sociale que nous conduisons, qui porte ses fruits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; « Si, honte à vous ! » sur les bancs du groupe socialiste). Nous sommes rassemblés derrière le Gouvernement pour la poursuivre, et il n’est pas question de se laisser entraîner dans ce « détricotage » !

M. Maxime Gremetz - Il faut féliciter M. Soisson de ne pas être hypocrite ! Pour lui, la politique du Gouvernement est excellente. C’est évidemment ce que la rue a montré !

Nous demandons depuis l’origine le retrait du CNE, qui a été institué par ordonnance en plein mois d’août et qui préparait la suite… Il fonctionne selon les mêmes principes que le CPE, votre objectif étant de supprimer le CDI du code du travail ; il est donc tout à fait logique que nous voulions son retrait – et nous allons y arriver !

M. Jacques Le Guen – Ah non !

M. Francis Vercamer - Nous sommes sensibles à ces amendements car le dispositif du CNE est le même que celui du CPE, dont j’avais souligné qu’il pouvait être jugé contraire aux règles du droit international, comme les prud’hommes l’ont déjà fait pour le CNE. Néanmoins, pour évaluer l’intérêt économique du CNE, nous aimerions disposer du rapport promis par le Gouvernement, d’autant que le CNE n’a pas le caractère discriminatoire du CPE – qui ne visait que les jeunes. En attendant d’avoir les chiffres, le groupe UDF s’abstiendra sur ces amendements (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Soisson - C’est une honte !

M. Jean-Marc Ayrault - Le Gouvernement s’est contenté de repousser ces amendements, sans argumenter. En revanche, je remercie M. Soisson de sa franchise.

Après avoir entendu les orateurs de l’UMP dans la discussion générale, je crains que malgré ces trois mois de conflit qui, certes, vont conduire la majorité à défaire ce qu’elle avait fait sur le CPE, il n’y ait pas de vraie négociation avec les partenaires sociaux.

Déjà, vous venez de refuser d’inscrire dans la loi ce que vous aviez inscrit dans l’exposé des motifs de votre projet sur le dialogue social en 2004. Sur le CNE, le Gouvernement s’était engagé à procéder à une évaluation ; quand en disposerons-nous ? Les chiffres que vous annoncez sont des éléments de propagande, mais ils n’ont jamais été vérifiés ; il faut des évaluations contradictoires.

Le CNE fait peser pendant deux ans sur les salariés la menace d’un licenciement sans motif, qui est l’un des principaux motifs de contestation du CPE ; je ne vois donc pas pourquoi cette contestation s’arrêterait d’un seul coup. Déjà, des procédures ont été engagées devant les prud’hommes par des salariés victimes d’un licenciement dans le cadre du CNE. Par ailleurs, des recours ont été engagés devant les instances internationales, ces dispositions n’étant pas conformes aux engagements internationaux de la France dans le cadre de l’OIT. Nous verrons bien le résultat de ces contentieux ; mais je pense aussi à la fragilisation que cela représente pour les chefs d’entreprise. Méditez bien cela ! Ne vous faites pas toujours les porte-parole des entreprises ! Nous aussi nous sommes capables de comprendre ce qu’elles demandent ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Beaucoup préfèrent embaucher un salarié en CDI.

Enfin, que répondra le Gouvernement aux organisations syndicales lorsqu’elles disent unanimement qu’il faudra bien discuter du CNE ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué – Non seulement la loi prévoit une évaluation du CNE au 31 décembre 2008…

M. Christian Paul - Aux calendes grecques !

M. le Ministre délégué – …mais le Gouvernement a mis en place en liaison avec l’ACOSS une évaluation concernant en particulier la situation des salariés après six mois, dont nous informerons bien entendu la représentation nationale.

À la majorité de 85 voix contre 50 sur 139 votants et 135 suffrages exprimés, l’amendement 1 n’est pas adopté.
L'amendement 14, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – L’amendement 13 vise à abroger les articles 2 et 3 de la loi pour l’égalité des chances autorisant l’apprentissage à partir de 14 ans. Le problème est réel : certains jeunes désertent en effet les établissements scolaires car leurs études ne les intéressent plus. Mais prétendre que la solution serait de les envoyer au boulot constitue une mauvaise réponse. À cet âge-là, les jeunes ne sont pas assez mûrs, comme le disent les artisans eux-mêmes. De plus, les Français seront de plus en plus amenés à faire plusieurs métiers et il importe donc de disposer de bonnes bases pour faire face à ces évolutions. Ce sont des dispositifs comme l’école de la seconde chance qui doivent être développés afin de redonner l’espoir aux jeunes ! Ce n’est pas en leur disant qu’ils sont des incapables que nous les motiverons…

M. Jean Auclair - Eux-mêmes en ont marre de l’école !

Mme Martine Billard - … et que nous en ferons de bons artisans.

M. Christian Paul – L’amendement 28 vise également à abroger l’article 2 de la loi abusivement intitulée « pour l’égalité des chances ». L’apprentissage dès l’âge de 14 ans doit être rangé, comme le CPE, au cimetière des idées fausses.

Il s’agit tout d’abord d’une faute éducative : faire migrer massivement une génération vers l’apprentissage précoce, c’est aller à l’encontre d’un mouvement séculaire tendant à élever le niveau de formation initiale de la jeunesse. Vous n’avez convaincu personne quant à la possibilité pour un jeune de revenir vers le collège en cas d’échec. En fait, vous dévalorisez l’apprentissage : d’une voie choisie, vous en faites une voie subie. De surcroît, vous demandez aux enfants les plus en difficulté de choisir plus tôt que les autres leur orientation professionnelle.

M. Jean Auclair - C’est eux qui le veulent !

M. Christian Paul – Il s’agit ensuite d’une discrimination : vous le savez, l’accès à l’apprentissage n’est pas égal pour tous. L’entrée des entreprises est en effet sélective selon la couleur de la peau (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ou le quartier d’origine. Et tous les territoires n’offrent pas à cet égard les mêmes possibilités.

Enfin, vous avez une nouvelle fois refusé le dialogue social en prenant une décision unilatérale : ni les régions, qui doivent financer vos choix, ni les entreprises ne veulent soutenir une telle orientation.

M. Jacques Desallangre – L’amendement 23 rectifié vise également à abroger les dispositions créant l’apprentissage junior et ayant pour effet de légaliser le travail de nuit avant l’âge de 16 ans.

Le CPE est loin d’être la seule disposition controversée de la loi dite pour l’égalité des chances. L’apprentissage junior fait aussi l’unanimité contre lui. Les syndicats dénoncent une remise en cause de la scolarité obligatoire et les artisans ainsi que les PME ne voient rien de bon à promouvoir l’apprentissage forcé. Le président de la fédération nationale de la coiffure a ainsi déclaré qu’avant 16 ans, les jeunes manquent souvent de maturité et de discipline. L’apprentissage junior constitue en fait un double symbole. Tout d’abord, celui du renoncement de l’État à réformer notre système scolaire en lui donnant les moyens de fonctionner. Un programme d’action de grande envergure doté de six milliards sur 2006 et 2007 aurait été envisageable, à condition certes de réviser la dernière loi de finances. Il symbolise ensuite le recul des droits économiques et sociaux à travers la légalisation du travail de nuit avant l’âge de 16 ans. Le 2 février dernier, le Gouvernement et le rapporteur n’ont d’ailleurs pas nié cette triste évidence. Allez-vous vous arc-bouter sur cette décision rétrograde, Monsieur le rapporteur ? Si oui, vous devrez en assumer les conséquences. En fait, vous ne renoncez pas à détruire les dispositions du code du travail protectrices des salariés comme en témoigne la sortie de M. Soisson, qui a trahi vos véritables convictions.

M. le Président – Je suis saisi par le groupe communiste et républicain d’une demande de scrutin public sur l’amendement 23 rectifié.

M. le Rapporteur – L’apprentissage constitue une séquence de formation. Les apprentis préparent des diplômes contrôlés et agréés par l’Éducation nationale, identiques à ceux préparés par la voie académique. Le taux de succès des apprentis est d’ailleurs le même mais leur entrée dans l’emploi est facilitée puisque neuf sur dix, après avoir obtenu un diplôme en apprentissage, trouvent un emploi. La loi sur l’égalité des chances, quant à elle, maintient les limites d’âge légales antérieures : 16 ans en droit commun, 15 ans de manière dérogatoire. L’exposé des motifs de l’amendement 28 est d’ailleurs très précis puisqu’il évoque le « préapprentissage » à 14 ans. Je souhaiterais que la gauche fasse preuve de la même honnêteté dans ses déclarations.

M. Christian Paul - Arrêtez de couper les cheveux en quatre !

M. le Rapporteur – Le vrai problème, dans le domaine de l’apprentissage, c’est un taux de rupture des contrats deux fois plus élevé qu’en Allemagne. Les contrats sont effet signés sans que les futurs apprentis aient une réelle connaissance du métier. L’apprentissage junior constitue donc une préparation à l’apprentissage qui permet de découvrir différents métiers et de choisir en toute connaissance de cause une orientation. J’ajoute que dans le cadre de l’apprentissage junior, le retour vers le système éducatif général est garanti jusqu’au bout. Celui-ci se déroule en outre dans le cadre d’un projet pédagogique personnalisé et donc d’un suivi par l’Éducation nationale jusqu’à l’âge 16 ans.

Enfin, M. Christian Paul a évoqué les régions. Je rappelle que la loi sur la cohésion sociale prévoit la signature de conventions d’objectifs et de moyens entre l’État et les régions, financées par un fonds de 250 millions d’euros en 2006. Les régions, qui toutes ont signé ces contrats, peuvent éventuellement les dénoncer si elles souhaitent se passer des moyens de l’État ! Or, deux tiers d’entre elles ont signé des contrats en matière de préapprentissage, la plus ambitieuse étant la région Poitou-Charentes, qui consacre plus d’un tiers de ses crédits à l’orientation professionnelle à partir de 14 ans. Au vu de ces éléments, la commission émet un avis défavorable aux trois amendements.

M. le Ministre délégué – L’article 115-1 du code du travail rappelle que la formation par alternance et l’apprentissage concourent aux objectifs éducatifs de la nation. Un guide de la formation d’apprenti junior sera mis à la disposition de chaque recteur. Établi en liaison avec le ministère du travail et les branches professionnelles, il fixe un temps éducatif, basé sur une pédagogie innovante pour la découverte des métiers : la durée annuelle des stages, effectués dans au moins deux entreprises afin de découvrir au minimum deux métiers, sera comprise entre huit et seize semaines. Avis défavorable.

M. Lionnel Luca - Je suis toujours désolé de constater que nos collègues socialistes restent campés sur des postures idéologiques du XIXe siècle…

Mme Martine David - La parole est d’or !

M. Lionnel Luca – Ils nous donnent l’impression de vivre au temps de Zola ! Je rappelle que c’est Jack Lang qui a créé cette ouverture : des classes destinées aux jeunes ayant perdu le goût des études ont été créées, d’abord de manière expérimentale, puis validées : elles se développent, fonctionnent et convainquent même les enseignants sceptiques. La loi sur l’égalité des chances ne visait rien d’autre que de permettre leur développement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). L’apprentissage, ce n’est pas la mine, Monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz - Un peu de respect ! Ôtez la main de votre poche !

M. Lionnel Luca - Quand vous aurez des choses à me dire, faites le au-dehors, et d’homme à homme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) !

M. Guy Geoffroy – Nous sommes tous d’accord pour attester de la dimension politique de ce débat, mais je souhaite en proposer une approche pragmatique. Nous sommes nombreux à avoir connu des conseils de classe où les enseignants, passant outre les connotations politiques ou syndicales, cherchaient des solutions dans l’intérêt des enfants, pour leur permettre d’élaborer un projet par la connaissance des métiers et le passage en entreprise. Ils ne cherchaient pas là à mettre à bas les grands principes comme la scolarité à 16 ans, mais, de manière dérogatoire, à trouver une issue profitable pour l’élève. Nous ne parlons de rien d’autre que de cela et je voudrais que nos concitoyens en soient conscients, au-delà de la caricature que veulent en dresser nos collègues de l’opposition.

Un terme important figure dans la loi sur l’égalité des chances : celui de respect (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Le jeune est respecté lorsqu’il se voit proposer un projet qui lui convient, lorsqu’il lui est possible de reprendre sa scolarité s’il juge nécessaire d’approfondir ses connaissances. Ne galvaudons pas ce respect et refusons d’aller dans le sens de la facilité et de la démagogie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) !

M. Jean-Charles Taugourdeau - Il n‘y a rien d’obligatoire dans ce que nous proposons.

M. Alain Néri - Mais vous n’avez rien compris aux jeunes pendant deux mois !

M. Jean-Charles Taugourdeau – Nous proposons une palette de dispositions pour sortir de cette précarité et résister à la concurrence des pays voisins, qui, eux, se donnent de la souplesse. En fait, vous voulez le statu quo ! Mais celui-ci est défavorable aux salariés, car un salarié qui fait la moindre erreur en période d’essai n’a aucune chance d’être gardé en entreprise ! Vous faites donc preuve, soit de mauvaise foi, soit d’une méconnaissance du monde du travail.

Mme Martine Billard – C’est vous qui ne connaissez rien à la période d’essai !

M. Jean-Charles Taugourdeau - Commençons par combattre la vraie précarité en adoptant la préférence communautaire en termes de main-d’œuvre – mais qui a cassé la construction européenne l’année dernière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Francis Vercamer - Le groupe UDF, qui a voté les articles 2 et 3 du projet de loi sur l’égalité des chances, rejettera ces amendements. La formation en alternance est l’une des meilleures idées que nous ayons eues ces derniers temps, car elle offre à la fois un socle de connaissances générales et l’apprentissage d’un métier.

La question de savoir si le jeune est aussi mature à 14 ou 15 ans qu’à 16 ans me rappelle les débats sur l’abaissement du droit de vote de 21 à 18 ans, lorsque d’aucuns estimaient les jeunes de 18 ans trop immatures pour voter. Parfois, il vaut mieux avoir une formation en alternance que de végéter dans un cycle d’enseignement général !

M. Yves Durand – Monsieur le rapporteur, vous répondez à nos amendements avec toute une série de mesures techniques, que vous maîtrisez parfaitement. Mais là ne réside pas le problème de l’apprentissage ! La réalité, c’est que l’on va proposer à un élève en difficulté de sortir du collège pour s’engager, à 14 ans, dans une voie professionnelle. Vous affirmez qu’il est possible de revenir à l’enseignement général, mais vous savez bien que cela est illusoire, tout comme le volontariat ! Avec l’alternance, vous demandez au jeune le double d’efforts, sachant qu’il s’agit d’une entourloupe : sorti physiquement du collège, il n’y retournera plus (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Sans même l’assumer, vous mettez donc fin à la scolarité obligatoire pour les plus fragiles. Contrairement à ce que vous dites, nous ne sommes pas contre l’apprentissage. Mais nous estimons qu’il doit être une voie d’excellence et non une relégation sanctionnant l’échec.

M. Alain Néri – L’égalité des chances est un leurre, car si elle existait, nous n’aurions pas besoin de travailler à l’égalisation des chances. En revanche, l’égalité des droits est primordiale et nous devons faire en sorte que tous aient le droit à l’éducation.

Monsieur Geoffroy, vous n’avez pas le monopole de l’intérêt des enfants (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ! Avec cette proposition de loi, vous affirmez que les plus fragiles, issus des milieux les plus modestes – car on sait combien la durée des études est liée à l’origine sociale – doivent aller en apprentissage, les condamnant à une double journée de travail (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ! C’est intolérable ! Nous sommes en train de revenir un siècle en arrière (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) ! Le groupe socialiste est pour le retrait de cette mesure injuste et antisociale, qui restaure le travail des enfants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - C’est Zola !

M. André Chassaigne – Je voudrais rappeler à notre collègue Geoffroy ce qu’a été notre expérience de chef d’établissement pendant plus de vingt ans. Nous avons tenté de ramener dans le milieu scolaire des élèves en situation de rupture : nous avons notamment créé des filières d’accueil, qui n’ont pas fonctionné. Vous savez très bien que lorsqu’un jeune est sorti du système scolaire, il n’y reviendra plus !

Votre approche est en décalage avec la réalité du monde du travail. Il y a trente ou cinquante ans, on pouvait concevoir de partir en apprentissage avec un faible socle de connaissances. Aujourd’hui, avec la révolution des techniques et la nécessité de se renouveler pendant sa vie professionnelle, ce n’est plus possible. Votre proposition est indiscutablement passéiste (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Elle ne peut aboutir qu’à l’échec (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

L'amendement 13, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 28, mis aux voix, n'est pas adopté.
À la majorité de 97 voix contre 50 sur 147 votants et 147 suffrages exprimés, l’amendement 23 rectifié n’est pas adopté.

M. Yves Durand - L’amendement 4 veut mettre fin à un des scandales de ces dernières années, dénoncé entre autres par le mouvement « Génération précaire » : le détournement des stages en emplois déguisés. Trop de chefs d’entreprises utilisent des stagiaires pour tenir des emplois réels, sans faire aucun effort de formation. Vous avez vous-même dû reconnaître, après de nombreuses interpellations, l’existence du scandale et avez timidement fait une moitié du chemin. Mais ce n’est pas suffisant : allez jusqu’au bout ! Pour donner une véritable sécurité aux stagiaires, nous proposons que les stages d’une durée supérieure à un mois fassent obligatoirement l’objet d’une rémunération qui ne peut être inférieure à 50 % du salaire conventionnel, 80 % à partir de trois mois, et surtout qu’un stage ne puisse être remplacé par un autre stage. Je souhaite que l’ensemble de l’Assemblée vote cet amendement de justice et de bon sens.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre délégué - Avis défavorable.

M. le Président – La parole est à M. Joyandet.

M. Alain Joyandet – Merci de me donner la parole lorsque je ne la demande pas, Monsieur le Président : c’est d’une certaine cohérence, puisque vous ne me la donnez pas lorsque je la demande !

Tous ces derniers amendements se rejoignent sur un thème : le manque de cohérence entre le système éducatif et de formation et le monde du travail, qu’il soit privé ou public. On forme des étudiants dans des filières qui, de toute évidence, n’offrent aucun débouché. Certaines comptent dix fois plus d’étudiants que de postes ! Et l’on voit bien que dans les années 1970, lorsque nous avions plus de cent mille jeunes de 14 à 16 ans dans les filières en alternance, nous n’avions pas le même taux de chômage des jeunes qu’aujourd’hui. Mais il est un peu triste, alors que tout le monde est d’accord sur le constat, que certains s’opposent systématiquement à tout ce que nous proposons. La position du groupe socialiste est des plus simples : la situation est mauvaise, donc il ne faut rien faire. Cela fait une heure que vous ne proposez rien d’autre que de supprimer nos propositions !

Nous n’avons pas envie de retourner cent ans en arrière.

Plusieurs députés socialistes – C’est ce que vous faites !

M. Alain Joyandet - Je tire deux conclusions de vos réactions. D’abord, à chaque fois que nous proposons des solutions nouvelles, vous êtes contre.

M. Maxime Gremetz - L’heure des conclusions n’est pas encore arrivée !

M. Alain Joyandet - Ensuite, il serait bon de suivre l’exemple du président du Sénat, qui a proposé à tous les sénateurs de faire des stages en entreprise. Ce serait très profitable à l’Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président – J’ai donc eu raison de vous donner la parole ! Mais je vous signale que nous n’avons pas attendu le Sénat pour que les députés fassent des stages.

M. Francis Vercamer – Je voudrais faire remarquer à mes amis socialistes qu’ils se conduisent exactement comme ils le reprochaient au Gouvernement : ils déposent en séance des amendements d’une page ! Cet amendement semble intéressant, il est d’ailleurs semblable à des propositions qui avaient été déposées dans le projet de loi sur l’égalité des chances, mais il aurait fallu pouvoir en débattre en commission et éventuellement rectifier certains points. Nous nous abstiendrons donc.

M. Jean-Pierre Brard - J’avais pensé hier soir que M. Joyandet était guéri, mais il vient de faire une rechute. Je dois donc lui rappeler ce qu’il a dit au Premier ministre il y a deux mois : « Depuis plus de huit mois, le chômage baisse incontestablement dans notre pays. »

M. Alain Joyandet - C’est vrai !

M. Jean-Pierre Brard – « Mais nous devons plus loin et plus vite en faveur de l’emploi des jeunes. Ceux-ci éprouvent en effet des difficultés à trouver un stage professionnel… »

M. le Président – M. Joyandet n’est pas l’objet du débat !

M. Jean-Pierre Brard - Mais il en est un élément, qui a contribué à la crise ! Il poursuivait : « Il faut débloquer la situation ! Les jeunes surfent pendant plusieurs années de CDD en CDD. » « Après le succès du CNE, vous avez décidé, Monsieur le Premier ministre, de vous attaquer au chômage des jeunes, ce fléau qui mine nos sociétés. » Voyez l’intérêt de la suite, qui prouve que M. Joyandet est un sarkoziste qui ne s’assume pas : « En cohérence avec les réflexions menées par l’UMP, vous proposez ainsi le contrat première embauche, qui rejoint sur de très nombreux points nos suggestions. Grâce à cette nouvelle politique (…) nous devrions enfin rejoindre les pays dont le chômage structurel s’établit à 5 %, voire moins. » M. Joyandet et ceux qui, comme lui, font allégeance au président de l’UMP, ont été les suppôts déterminés du CPE (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : ils doivent s’assumer !

L'amendement 4, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - L’amendement 5 propose de supprimer le recours aux stages lorsqu’ils ne sont pas inscrits dans un parcours scolaire, universitaire ou professionnel. Il répond à une demande des organisations de jeunes et des syndicats, mais à l’évidence, le débat ce matin n’est pas possible : on voit bien que la proposition de loi en la matière a été totalement improvisée. Nous avons besoin d’un vrai débat sur l’insertion professionnelle des jeunes. Nous ne l’avons pas eu il y a deux mois parce qu’il a été interrompu par le 49-3 et ne l’aurons pas aujourd’hui parce que les dispositions qui nous sont présentées n’ont pour objet que de remplir l’article 8, certainement pas de définir une autre politique. Il aurait été plus clair d’abroger le CPE.

Le CPE n’a pas été un accident : il est lié à une politique sociale qui vise à réduire les droits, en particulier aux salariés et des jeunes. C’est ainsi que le Gouvernement a refusé de s’amender sur l’apprentissage à 14 ans et sur le CNE. Il faut donc rester vigilant. En revanche, le retrait du CPE, lui, est un accident, dû à la mobilisation de l’opinion, et le débat sur la politique de l’emploi des jeunes reste à faire. Nous le tiendrons, avec les syndicats et les organisations de jeunes mais manifestement sans le Gouvernement, qui se contente de gérer au plus pressé.

L'amendement 5, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Elisabeth Guigou - L’amendement 3 aborde les articles 48 et 49 de la loi sur l’égalité des chances, qui instaurent un contrat de responsabilité parentale. Sur ce sujet essentiel, nous partageons les mêmes préoccupations : l’augmentation de l’absentéisme et des violences scolaires, la crise de l’autorité parentale, qui atteint beaucoup de familles…

M. Jean Leonetti - Générée par qui ?

Mme Elisabeth Guigou – Les enfants ont besoin, pour grandir et devenir des êtres sociaux, d’être non seulement aimés, mais éduqués, c’est-à-dire d’apprendre les règles de la vie sociale et de se voir opposer des interdits et des limites en même temps que de développer leur autonomie.

Ces deux articles répondent-ils à nos préoccupations communes, permettent-ils de restaurer l’autorité parentale ? Nous savons que le sujet est difficile : même dans les familles favorisées, qui paraissent tout avoir, il n’est pas si facile que cela d’élever des enfants. Vous proposez, en cas de difficulté – que vous définissez : absentéisme scolaire, trouble à l’ordre – que le président du conseil général établisse un contrat fixant des règles et des obligations avec les familles déficientes. Si le contrat n’est pas respecté, il pourrait suspendre les allocations familiales. Nous sommes contre. D’abord parce que, comme pour beaucoup de vos autres textes, se pose un problème de méthode : il n’y a eu aucune concertation avec les institutions concernées, ni les présidents de conseils généraux, ni les travailleurs sociaux, ni les caisses d’allocations familiales. On retrouve là les carences fondamentales de votre méthode de gouvernement.

Et puis, il y a un problème de fond car vous faites une erreur d’analyse. Les cas de négligence avérée sont très rares et la justice permet déjà de les traiter, puisque les familles qui s’en rendent coupables sont passibles d’une amende de 750 euros, très lourde pour un foyer au RMI. Les moyens existent donc. Avec votre dispositif, on risque de stigmatiser les familles en difficulté, qui sont surtout dépassées. En Seine-Saint-Denis, nous en avons beaucoup, et je pense à ces mères seules qui se lèvent à quatre heures du matin pour venir faire le ménage dans le centre de Paris, y compris ici-même. Croyez-vous que ce soient de bonnes conditions de vie pour encadrer un enfant difficile ? Faut-il les sanctionner ou, comme nous le proposons, rétablir les travaux pratiques encadrés après l’école et les internats éducatifs créés sous le gouvernement de Lionel Jospin ? (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Vous choisissez de frapper au porte-monnaie : nous, nous préférons aider ceux qui en ont le plus besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Billard - Mon amendement 17 est identique et je me retrouve assez largement dans ce qui vient d’être dit. Des enfants difficiles, nul ne conteste qu’il y en ait, mais faut-il rendre leurs familles systématiquement responsables ? Un enfant qui tombe dans la drogue ou dans la délinquance, cela arrive aussi dans les familles des beaux quartiers. Dès lors, la notion même de « famille déficiente » est contraire à notre philosophie, en ce qu’elle tend à porter un jugement moral. Ensuite, votre dispositif est d’autant moins défendable qu’il repose sur l’hypothèse farfelue selon laquelle des parents pourraient laisser sciemment leurs enfants dériver. Enfin, il reviendrait aux élus – maires et présidents de conseils généraux –, transformés en véritables shérifs, de sanctionner ceux qui sortent de la norme. À l’évidence, c’est un souci électoraliste qui vous anime : impuissants à juguler la montée de la violence des jeunes dans la société, réticents à aider les associations et diverses structures qui sont les mieux armées pour la contenir, vous vous payez d’un effet d’annonce et d’une mesure symbolique qui n’auront pour effet que de plomber encore un peu plus des familles déjà bien démunies ! (Approbations sur les bancs du groupe socialiste)

M. André Chassaigne - Notre amendement 24 rectifié est identique. Le contrat de responsabilité parentale fait partie des nombreuses dispositions inacceptables de la loi pour l’égalité des chances que le débat sur le CPE a occultées. Le problème des jeunes laissés à l’abandon par des familles dépassées est partout constaté et leurs difficultés sociales, scolaires et comportementales sont bien connues. Pour le traiter, vous faites de grands moulinets tendant à mettre au ban les parents concernés, au motif qu’ils n’auraient pas fait leur devoir. Est-ce aussi simple ? La solution est-elle d’ajouter du malheur au malheur et d’aider les gens à s’enfoncer un peu plus alors que nos établissements scolaires manquent des travailleurs sociaux, voire, dans bien des cas, des éducateurs spécialisés dont ils auraient besoin pour faire face ? Vous ne proposez que de sanctionner là où il faudrait accompagner, responsabiliser et mobiliser les bonnes volontés. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Marylise Lebranchu - Très bien !

M. le Rapporteur – Défavorable.

M. le Ministre délégué – Même avis. Ces amendements sont hors sujet.

M. Alain Néri – Il est vraiment inique d’envisager de retirer les allocations aux familles en difficulté. Qui peut encore ignorer que ce sont le plus souvent les difficultés sociales et économiques qui engendrent les difficultés scolaires ? Aidera-t-on les plus démunis à rétablir leur autorité parentale et à mieux suivre leurs jeunes en les privant un peu plus encore, alors qu’ils ont besoin de soutien matériel et d’accompagnement social ?

Au-delà des questions de principe, le dispositif envisagé est inapplicable, et je note au passage que vous ne faites pas preuve d’un excès de bravoure en déléguant sa mise en œuvre aux élus locaux…

M. Jean Leonetti - Avez-vous fait autre chose avec l’APA ?

M. Alain Néri - Inapplicable, d’abord, aux familles de plus de deux enfants lorsqu’un seul d’entre eux pose problème : faut-il pénaliser l’ensemble du foyer, et singulièrement les frères et sœurs, souvent plus jeunes, qui se comportent normalement ? Inapplicable, mécaniquement, aux familles d’un seul enfant qui ne perçoivent pas les allocations familiales, et c’est alors le principe d’égalité devant la loi qui est en cause, les foyers à enfant unique se trouvant en quelque sorte en situation d’impunité.

La sagesse vous commande de retirer sans plus attendre ce dispositif injuste, inapplicable et contraire à tous nos grands principes. Puissiez-vous reconnaître plus vite votre erreur que dans le cas du CPE !

Les amendements 3, 17 et 24 rectifié, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gaëtan Gorce – Notre amendement 6 vise à prendre date et à constater l’échec du Gouvernement. À l’évidence, vous n’en seriez pas là si la concertation sociale avait fonctionné. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Nous maintenons que l’abrogation pure et simple de l’article 8 eût été plus claire, qu’il reste dans la loi une série de dispositions inacceptables – CNE, apprentissage junior, contrat de responsabilité parentale, notamment – et que si nous ne nous faisons pas d’illusion sur les chances de les voir abroger, il est indispensable de les dénoncer sans relâche pour contrarier leur application.

M. le Président – En somme, vous avez inventé une nouvelle forme d’amendement qui ne relève pas du domaine législatif mais plutôt de l’injonction !

L'amendement 6, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer - Notre amendement 30 est un amendement de repli par rapport à celui qui a été repoussé tout à l’heure. Il demande au Gouvernement de déposer au Parlement, avant le 1er juillet prochain, un rapport relatif à la mise en place d’une négociation nationale interprofessionnelle avant toute réforme de nature législative du droit du travail.

M. le Président – Je rappelle que 150 rapports à l'Assemblée nationale sont déjà en cours : faut-il en rajouter ?

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. Jean Ueberschlag - Certains invoquent aujourd’hui ardemment le dialogue social, mais j’ai souvenance que sous une précédente législature, des lois ont été votées sans aucune concertation préalable, comme celle sur les 35 heures. Je mets au défi l’opposition, notamment le parti socialiste, de prouver que la négociation avait à l’époque abouti. Vous êtes donc mal placés pour nous donner aujourd’hui des leçons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) D’autre part, si le dialogue social est indispensable, il ne règle pas tout. Ainsi l’accord national interprofessionnel de 2003 sur le droit individuel à formation ne concernait-il que les titulaires de CDI. C’est l’honneur de la majorité actuelle que d’avoir étendu ce droit aux titulaires de CDD. Arrêtez donc, de grâce, de nous faire la leçon ! (Même mouvement)

L'amendement 30, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – Vous nous dites en somme, Monsieur Ueberschlag, puisque vos prédécesseurs ont mal fait, vous auriez le droit de mal faire à votre tour ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Et dire que ce sont les mêmes qui ont créé un contrat de responsabilité parentale ! Je crois, pour ma part, qu’il faut toujours chercher à faire mieux !

L’amendement 15 vise à moduler le montant des cotisations des entreprises en fonction du nombre et du pourcentage de leurs emplois précaires. Il n’y a aucune raison en effet que les entreprises vertueuses, qui embauchent leurs salariés en CDI et les rémunèrent correctement, paient autant que celles qui usent et abusent des contrats précaires pour accroître leurs bénéfices. Hélas, les exonérations de charges accordées depuis quatre ans ne sont pas ciblées : toutes les entreprises reçoivent les mêmes aides, les très petites comme les très grandes, celles qui ne délocalisent pas comme celles qui profitent de ces aides pour s’installer à l’étranger. Il faut en finir avec cette politique indifférenciée : c’est ce que défendent aujourd’hui les Verts dans l’opposition et qu’ils défendront demain s’ils font partie d’une majorité (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Assez de favoriser Virgin, Mac Do, Pizza Hut ou la grande distribution qui imposent à leurs salariés des emplois précaires, le plus souvent à temps partiel, au lieu d’aider les petits commerçants, les petits artisans et toutes les petites entreprises qui créent des emplois, et auxquels vous ne proposez comme seule solution pour survivre que de presser davantage le citron en pénalisant les salariés. Nous proposons, nous, au contraire, de les aider pour que leurs salariés puissent avoir des revenus corrects.

L'amendement 15, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.
La séance, suspendue à 11 heures 20, est reprise à 11 heures 30.

Article premier

M. Philippe Edmond-Mariette - Nul ne peut contester l’urgence sociale de prendre à bras-le-corps le problème de l’emploi. Le chômage est en effet l’une des principales machines à produire inégalités et exclusion, à créer des discriminations entre générations, entre classes d’âge, entre citoyens, selon qu’ils sont blancs, noirs, d’origine étrangère, natifs d’outre-mer, habitants des banlieues ou des quartiers sensibles.

Avec la mort du CPE, nous assistons à l’agonie des institutions de la Ve République…

Une loi promulguée mais pour partie non appliquée, le parti majoritaire qui discute avec les syndicats, assisté de deux membres du Gouvernement, et une véritable cacophonie quant à la décision qui nous conduit à débattre aujourd’hui en urgence d’un texte dont le seul mérite est de supprimer l’article 8 de la loi relative à l’égalité des chances. Ce faisant, le Gouvernement mesure sans doute mieux la pertinence de l’adage selon lequel « l’enfer est pavé de bonnes intentions ».

Quand je lis dans l’exposé des motifs que la situation que connaissent aujourd’hui les jeunes n’est pas acceptable, leur taux de chômage se situant à 22, 2 %, contre 9,6 % pour l’ensemble de la population, et pouvant même atteindre, pour les jeunes sans aucune qualification, 40 %. Monsieur le rapporteur, outre-mer, il atteint 65 % pour les jeunes de 14 à 25 ans ! Partant de ce triste constat, mon amendement consistait à étendre aux régions ultramarines le dispositif des ZUS.

J’ai le sentiment d’un éternel recommencement. En 1993, Édouard Balladur avait tenté le CIP, puis l’avait retiré pour lancer une vaste consultation. Quelques mesures avaient suivi, mais on n’a en fait jamais vraiment abordé la question de fond que pose le chômage des jeunes. Pour ceux qui sont en situation d’exclusion, le seul espoir semble résider dans le CV anonyme et donc dans la formule « Cachons-nous pour être choisis ».

Outre-mer, ni la loi Perben de juillet 1994, ni la loi d’orientation de 2000, ni la loi Girardin de 2003 n’ont permis de juguler le chômage. Si l’option retenue est finalement de renforcer les contrats aidés, Il faut que nos régions défavorisées puissent pleinement bénéficier de ceux-ci.

En manifestant contre le CPE, la jeunesse a poussé un cri d’angoisse, qui fait écho au crépitement des braises des émeutes de novembre 2005. C’est le cri d’une jeunesse tellement désespérée qu’elle fait de son corps le dernier bouclier de son défi à la société, exposant ainsi le dernier bien qui lui reste. C’est à cette jeunesse anxieuse que nous devons penser. L’État ne peut plus différer ses responsabilités, car attendre serait blesser encore la République, qui vient de vaciller sur son socle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Michel Liebgott - Le CPE est retiré, mais sorti par la fenêtre, il risque de revenir plus tard par la grande porte. Le Premier ministre ne l’avait en effet lancé que pour prendre de vitesse le président de l’UMP, qui a lui en tête, comme il l’a déclaré au Figaro, un contrat unique, sorte de CPE modernisé, qui s’inspire également largement du CNE. S’agissant du CNE, des instructions ont d’ailleurs été données aux procureurs par le Garde des Sceaux, ce qui constitue d’ailleurs une ingérence assez curieuse. Il y est dit que les conseils de prud’hommes ne pourront sanctionner les employeurs qu’en cas de volonté de nuire aux salariés, de légèreté blâmable ou d’abus dans l’exercice du droit de résiliation. Nul n’est donc dupe. Le CNE se transformera un jour en contrat unique et le CPE reviendra sous cette forme.

Pour prendre de vitesse le président de l’UMP, le Premier ministre et son Gouvernement ont réussi à plomber la France pendant deux mois, et ce pour un coût sans doute très élevé ! Si le Gouvernement n’a pas consulté les partenaires sociaux, c’est parce qu’il savait bien quelle serait leur position. Son seul projet, en vérité, se résume à vouloir la flexibilité, celle-ci dût-elle se solder par un accroissement du nombre de « travailleurs pauvres », vivant de l’addition de minima sociaux et de petits salaires.

Nous ne sommes pas quant à nous partisans de l’immobilisme (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Nous savons bien que dans une société en mouvement, il faut bouger. Mais nous pensons qu’il faut un dialogue entre les responsables politiques et les partenaires sociaux et qu’il faut relancer la croissance par la demande. Nous constatons d’autre part qu’aucune contrepartie n’est demandée aux entreprises en échange des aides dont elles vont à nouveau bénéficier. Même pas en termes de formation ! On sait pourtant bien que c’est la qualification qui aidera les jeunes à trouver du travail.

M. Simon Renucci - Le Gouvernement et la majorité consentent enfin à la seule issue possible : la disparition du CPE. On peut regretter la lenteur et la confusion qui ont prévalu avant cette décision, mais elle n’en constitue pas moins une victoire pour les étudiants, les salariés et leurs organisations syndicales. Il faut rendre hommage à leur esprit d’unité et à leur sens des responsabilités.

En optant pour un dispositif ciblé sur les jeunes non qualifiés, la majorité valide l’analyse que nous faisions quand nous lui reprochions de généraliser la précarité à tous les jeunes sans pour autant apporter de solutions appropriées aux plus en difficulté. Mais les mécanismes proposés ne constituent qu’un simple aménagement de l’existant, alors qu’il faudrait s’engager dans une direction beaucoup plus offensive, consistant à renforcer massivement les moyens destinés à l’accueil et l’accompagnement des jeunes et à placer clairement le CDI au centre d’un dispositif d’insertion durable des jeunes dans l’entreprise. Tel est le sens des propositions qu seront défendues par le groupe socialiste le 16 mai prochain.

Le temps est venu de comprendre qu’aucune modification du code du travail ne doit être faite sans négociation préalable avec les partenaires sociaux. Il y a là une question cruciale pour l’avenir : celle de la réforme, de sa conduite, de son sens et de sa légitimité. Oui, nous pouvons, nous devons, réformer, mais à condition de mener auparavant une authentique concertation, de respecter le principe de justice et, enfin, d’offrir une perspective audacieuse et solidaire.

Ce n’est pas se dessaisir du pouvoir politique que de pratiquer la concertation. Quant au principe de justice, il suppose que les efforts soient équitablement répartis au lieu de peser sur les plus faibles tandis que d’autres s’en voient dispensés. Ce ne sont ni la réforme ni l’effort que les Français rejettent, mais la politique libérale caricaturale que mène ce gouvernement !

La fonction centrale du politique, c’est d’avoir une vision de l’avenir et d’indiquer un chemin. Or, ce texte, s’il a le mérite d’abroger le CPE, n’offre toujours pas de perspective crédible. Nous nous emploierons quant à nous à proposer une alternative digne de notre pays et de sa jeunesse !

Mme Jacqueline Fraysse - L’enterrement du CPE constitue incontestablement une grande victoire, mais la satisfaction que celle-ci nous inspire ne signifie pas que l’article premier de la présente proposition soit exempt de tout reproche. Il s’agit ni plus ni moins que d’élargir des mesures existantes en matière d’emplois aidés. Or, l’impact des contrats aidés sur l’emploi ne va pas de soi : la légère baisse du taux de chômage observée ces derniers mois est essentiellement liée aux radiations de demandeurs et aux premiers départs à la retraite de la génération du baby-boom ; et l’on ne sait pas grand-chose des effets de substitution ou d’aubaine. Il paraît donc inconcevable, sans disposer d’un bilan sérieux et contradictoire, d’élargir les dispositifs existants, pour un coût s’élevant à la bagatelle de 300 millions en année pleine ! Dès cette année, 150 millions vont être dégagés par redéploiement, nous dit-on ; mais quels sont les programmes qui seront déshabillés ?

Et tout cela sans aucune contrepartie ni contrôle. Ces sommes viennent s’ajouter aux 70 milliards de cadeaux offerts au patronat depuis le début de la législature. Assurément, un bilan s’impose avant d’aller plus loin, d’autant qu’aussi bien les grands groupes du CAC 40, aux profits insolents, que les PME en difficulté auront droit à ces nouvelles aides ! Est-il acceptable que Total, par exemple, avec ses 12 milliards de profit, puisse y prétendre ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

En outre, cet article rend désormais accessible à tous les jeunes « rencontrant des difficultés particulières d’insertion sociale et professionnelle », formule extrêmement floue, le bénéfice du CIVIS, auparavant réservé aux jeunes ayant un niveau inférieur à « Bac + 2 » ; et il permet au titulaire d’un CIVIS d’être admis au bénéfice d’un Contrat jeune en entreprise. Bref, ce texte s’éloigne considérablement de l’objectif affiché de cibler les publics les moins qualifiés et le plus en difficulté. Désormais, un jeune ingénieur ou un titulaire de Mastère en période de chômage pourra obtenir un CIVIS ou un Contrat jeune en entreprise…

Nous ne saurions donc approuver cet article, sur lequel nous avons déposé des amendements visant à instituer une politique beaucoup plus ambitieuse en faveur de l’emploi des jeunes.

M. le Président – Nous en venons aux amendements. Je mets en discussion commune les amendements 19, 18, 25, 26, 20, 21 et 22 du groupe communiste et républicain.

M. Jean-Claude Sandrier - Au cours des manifestations de ces dernières semaines, on a pu constater une contestation croissante du grand frère du CPE, le CNE, qui présente les mêmes caractéristiques et les mêmes dangers. Ce contrat est une tromperie, pour les employeurs comme pour les salariés : aux premiers, le Gouvernement fait croire qu’ils ne risquent pas une procédure devant les prud'hommes, ce qui est faux ; quant aux seconds, il leur revient de prouver la raison de leur licenciement devant le juge.

Le CNE est en outre contraire à la charte sociale européenne, qui interdit de licencier un salarié sans motif. Marque évidente d’un manque de respect à l’égard des salariés, il constitue même une atteinte à la liberté individuelle. Son abrogation s’impose. Il est plus que temps d’en finir avec une conception des relations de travail plus proche du XIXe siècle que du XXIe !

M. le Président – Je suis saisi par le groupe des députés communistes et républicains d’une demande de scrutin public sur les amendements19 et 18. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) J’ai déjà fait preuve d’une grande clémence en acceptant certains de vos amendements car « supprimer » et « retirer » n’ont pas ici plus de valeur juridique que « karchériser ». Seul « abroger » convient. Mais vous pourrez répondre à la commission et au Gouvernement.

M. le Rapporteur – Avis défavorable à tous ces amendements.

M. le Ministre délégué – De même.

M. François Liberti – Le mot « abrogation » est devenu tabou pour la majorité ! Vous vous êtes obstinément refusé à le prononcer, pour des motifs de susceptibilité et d’atermoiements du chef du Gouvernement. Vous aimez pourtant vous réclamer du principe de responsabilité ! Comment ne pas voir, dans le choix de substituer à l’article créant le CPE un dispositif rédigé à la hâte, une opération de bricolage politique ? Nous pourrions en sourire si le sujet n’était pas aussi grave.

Les dispositions qui nous sont soumises aujourd’hui n’ont fait l’objet d’aucune concertation : ni les partenaires sociaux ni les parlementaires n’ont été associés à leur élaboration. Pour vous, la représentation nationale se limite aux députés de l’UMP, comme si nous vivions sous un régime de parti unique ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Nous vous offrons l’occasion de vous rattraper, en votant purement et simplement l’abrogation du CPE.

M. Jean-Pierre Brard –La suppression du CPE a été durant trois mois, sous différents vocables, l’objet commun du mouvement social. Les interventions de nos collègues de l’UMP montrent que, s’ils prennent acte du rapport de force, ils n’ont rien compris ! Vous avez pourtant eu le temps de réfléchir, chers collègues.

Vous auriez dû en voir les signes avant-coureurs, même si vous avez fait adopter le CNE à l’esbroufe par voie d’ordonnance l’été dernier. Maintenant, vous affabulez en racontant que le CNE aurait créé 400 000 emplois alors que selon l’INSEE, ce sont entre 10 000 et 20 000 emplois qui ont été effectivement créés. Tout le reste, ce sont des emplois déclassés de CDI en CNE !

Puis vint le CPE. Vous auriez pu épargner des souffrances extraordinaires à nos collègues de l’UMP, il suffisait de recourir à nouvelle lecture. Vous avez préféré choisir une drôle de procédure, les présidents des groupes UMP du Sénat et de l’Assemblée se trouvant chargés de trouver une solution alternative et de consulter les partenaires sociaux. En fait, il s’agissait de donner le change à l’opinion pour ne pas admettre votre défaite politique. Avec le parti unique, vous recourez à des pratiques dignes des anciens pays de l’Est ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP) Depuis que M. Accoyer est arrivé, il est plongé, tel le Sphinx, dans le silence et la méditation. Lui-même avoue n’avoir aucune expérience de la négociation – mais à quoi bon, puisqu’il n’y en a pas eu : en fait de négociation, c’est l’habillage d’une capitulation !

Monsieur le Président, nous avons eu un débat sur le dictionnaire Larousse. J’ai commis une erreur car je pensais y avoir lu la définition du mot « karchériser ». Nous savons que les hommes politiques rêvent de rentrer dans l’histoire et que la meilleure façon, pour ce faire, est que leur nom devienne un nom commun ou un verbe. On pourrait par exemple parler, vous concernant, du verbe « débréyer » (Protestations sur les bancs du groupe UMP). « Karchériser », c’est une façon, pour M. Sarkozy, d’entrer dans le dictionnaire par délégation. Il est vrai que M. le ministre d’État s’est lui-même expliqué en disant que nettoyer au karcher, c’est nettoyer en profondeur.

M. le Président – Fini de « brariser » ! (Sourires)

M. Michel Liebgott – Si nous allons gagner une bataille, nous n’avons pas pour autant gagné la guerre. Je m’adresse aux jeunes : le CPE est certes supprimé, mais le CNE s’adresse également à eux. Les jeunes étaient les spécialistes des stages, de l’intérim, des CDD : ils deviendront désormais les spécialistes du CNE, qui sauf dans les très grandes entreprises qui elles licencient collectivement.

Je viens d’une région où, dans le monde de la sidérurgie, les salariés ont pendant des années bénéficié d’emplois qualifiés sur des CDI. Or, depuis que les contrats précaires sont massivement utilisés dans les entreprises sous-traitantes, le travail effectué n’est plus le même, les élus locaux le savent tous. Le démantèlement du droit du travail que vous organisez, c’est la dégradation permanente des conditions du travail, mais aussi celle du travail lui-même, et notre pays le paiera cher dans quelques années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Maxime Gremetz - Nous venons de défendre deux amendements concernant l’abrogation du CPE et du CNE, sur lesquels j’ai demandé un scrutin public. Nos trois autres amendements ne peuvent être soumis à la même discussion commune.

M. le Président – Ils seront votés séparément, mais ils sont en discussion commune parce qu’ils proposent tous une nouvelle rédaction de l’article.

M. Maxime Gremetz - Je propose donc que nous procédions au vote sur les deux premiers amendements.

M. le Président – Vous n’êtes pas encore président de l'Assemblée nationale !

M. Maxime Gremetz - Je souhaite simplement que les choses soient claires.

M. le Président – J’espère en tout cas que, si vous présiderez l'Assemblée nationale, vous laisserez tout le monde s’exprimer !

Mme Marylise Lebranchu – Je signale tout d’abord que la formule de « patron voyou » a été inventée par le Président de la République. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Je regrette que nous donnions une image négative, défaitiste, humiliante de la France. En proposant à la jeunesse des contrats précaires, nous lui disons que sa vie sera forcément plus difficile que celle de la génération d’avant. Nous lui disons également que la seule façon d’éviter que des enfants sortent de l’école sans qualification, c’est d’abaisser l’âge de la scolarité obligatoire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) alors que nous pourrions fort bien travailler ensemble pour que l’école permette à tous les jeunes d’obtenir une qualification. Certains enfants connaissent des difficultés dans leur famille, et la majorité ne trouve rien d’autre à faire que de pénaliser les parents ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Notre jeunesse est conquérante et victorieuse et si nous avions autre chose à lui proposer, elle croirait un peu plus à la politique !

M. le Président – Je signale que le chef de l’État a simplement répondu à un journaliste qui l’interrogeait sur l’existence de « patrons voyous » : « Certes, il y a des patrons voyous, a-t-il répondu, mais… ».

M. Maxime Gremetz - Il faut légiférer à ce sujet !

M. Alain Néri – Encore une occasion manquée ! Le Gouvernement avait lamentablement échoué à l’écrit de son examen – nous connaissons la réponse du mouvement social à son passage en force au Parlement. Cette proposition de loi ne vise en fait qu’à camoufler son recul : elle n’apporte rien et vise seulement à sauver les apparences. Vous disiez à M. Brard, Monsieur le Président, qu’il avait sa place à l’Académie française, mais il n’est pas le seul lorsque l’on observe la sémantique et la sémiologie gouvernementales : il s’agit simplement de faire en sorte que le Premier ministre ne perde pas la face tout en essayant de promouvoir le ministre de l’Intérieur.

Ce n’est pas l’objectif. Les jeunes nous interpellent sur leur avenir. Ils ont compris que ce qui leur était offert, c’est davantage de précarité, alors qu’ils n’aspirent qu’à s’installer, créer un foyer et réussir leur vie professionnelle.

Monsieur Larcher, vous avez la chance de pouvoir être admis à l’oral de contrôle. Écoutez donc le message qui vous est adressé et parlez clair : annoncez que vous êtes pour l’abrogation du CPE, et acceptez cet amendement !

À la majorité de 122 voix contre 37 sur 159 votants et 159 suffrages exprimés, l'amendement 19 n’est pas adopté.
À la majorité de 129 voix contre 36 sur 165 votants et 165 suffrages exprimés, l’amendement 18 n’est pas adopté.
Les amendements 25 et 26, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Je mets aux voix l’amendement 20 !

Mme Muguette Jacquaint - Il n’a pas été défendu !

M. le Président – Il l’a été. Mais soit – par égard pour vous. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Muguette Jacquaint – Laissez la représentation nationale la possibilité s’exprimer clairement !

Le mot « abrogation » est tabou pour le Gouvernement, et c’est la raison pour laquelle il remplace le CPE par d’autres dispositions. Mais vous ne proposez au final que le renforcement de mesures existantes, comme les contrats aidés, sur l’efficacité desquels nous avons beaucoup de doutes. Pourquoi ne pas choisir plutôt une voie novatrice, susceptible de sécuriser le développement de l’emploi, tout en apportant une réponse efficace aux difficultés d’insertion professionnelle des jeunes ?

L’amendement 20 vise à limiter les stages abusifs en définissant strictement les cas dans lesquels une convention de stage peut être conclue, ainsi qu’en proposant un mécanisme de requalification des stages abusifs en CDI, sur le modèle existant pour la requalification des CDD en CDI. Il s’agit de favoriser le recours aux stages, de bonne pratique lorsqu’ils permettent la transmission des savoir-faire.

Cet amendement prévoit également que, dans les douze mois suivant la publication de la loi, après consultation des partenaires sociaux, le Gouvernement présente au Parlement un projet de loi étendant ces dispositions à la fonction publique et que, dans les six mois, il engage une négociation en vue de la conclusion d’un accord national interprofessionnel sur l’élaboration d’une charte d’accueil des stagiaires.

Notre proposition constitue bien une alternative utile au CPE. Son adoption permettrait au Gouvernement de faire preuve de volontarisme en matière d’insertion professionnelle des jeunes.

M. Jacques Desallangre – L’amendement 21, qui complète le dispositif destiné à remplacer le CPE, traite de la gestion prévisionnelle des départs à la retraite. 500 000 postes seront libérés d’ici à 2015 grâce aux départs à la retraite des baby-boomers. Ce mouvement démographique important constitue une chance dans la lutte contre le chômage en France.

Dans un tel contexte, il y aurait mieux à faire que d’accorder 300 millions d’euros annuels supplémentaires aux entreprises, méthode qui n’a jamais fait ses preuves. Rappelons au passage que les départs à la retraite ne s’accompagnent pas toujours d’une embauche : ainsi EDF a-t-elle décidé de ne remplacer qu’un départ à la retraite sur quatre dans les années à venir, tandis que France Télécom a annoncé la suppression de 17 000 emplois. En outre, les entreprises peuvent profiter de ces départs pour précariser l’emploi, en remplaçant les CDI par des contrats atypiques tels que le CNE.

L’amendement 21 propose donc de créer un mécanisme reposant sur deux principes : l’incitation à examiner cette gestion prévisionnelle dans le cadre de la négociation annuelle en entreprise ; l’obligation faite à l’employeur de communiquer au comité d’entreprise le nombre de salariés concernés ainsi que de présenter un plan de gestion prévisionnelle, soumis à la négociation et à l’accord majoritaire.

Ce mécanisme assure le renouvellement de la main-d’œuvre dans la négociation et constitue un jalon dans la mise en œuvre progressive d’un dispositif d’emploi et de formation tout au long de la vie. Enfin, il assure aux salariés un développement de l’emploi stable, dans la mesure où les embauches prévues doivent être réalisées en CDI et plus particulièrement destinées aux jeunes de moins de 26 ans.

En cas de non-exécution, ce mécanisme est assorti de sanctions, notamment sous la forme nouvelle d’une contribution annuelle à l’impôt sur les sociétés. Réaliste, il constitue une réponse novatrice et conforme aux principes fondamentaux du droit du travail, contraire en tous points à l’esprit du CNE et du CPE.

M. Gilbert Biessy - L’amendement 22 vise à encadrer le recours aux CDD et constitue une troisième proposition novatrice permettant de remplacer le CPE. Monsieur le ministre, vous déclariez le 24 janvier : « la pire des précarités, c’est le chômage », inaugurant ainsi l’argument, martelé les mois suivants par le Gouvernement et sa majorité, selon lequel la précarité – la peste – vaut mieux que le chômage – le choléra.

Alors que les CDD et l’intérim représentent près de 10 % de l’emploi total, nous sommes convaincus qu’il est à la fois possible de lutter contre la précarité et de combattre le chômage. Nous proposons donc que l’emploi précaire soit plafonné dans chaque entreprise et que le recours aux CDD et à l’intérim, indûment encouragé par la législation, soit limité au remplacement des salariés malades ou en congé maternité. Cette proposition est perfectible et mérite assurément d’être discutée avec les partenaires sociaux. Mais elle vaut mieux que le triste replâtrage auquel nous assistons.

Les amendement 20, 21 et 22, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Michel Liebgott - Mme Lebranchu a rappelé comment la génération prochaine paiera les erreurs du passé, et pas seulement en matière d’endettement. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes sont obligés de faire des petits boulots pour pouvoir poursuivre leurs études. Lorsqu’ils doivent les abandonner, ils entrent dans un cycle de précarité dont il devient ensuite très difficile de sortir. Je suis choqué que le texte qui prétend justement remédier à la précarité ne parte pas du principe du temps complet. L’amendement 8 vise donc à supprimer la mention du temps partiel. On sait que les jeunes font aujourd’hui de longues études, qu’ils auront des carrières courtes avec une succession de contrats différents et n’auront que de faibles droits à la retraite. C’est dire si nous préparons une génération sacrifiée. N’en rajoutons pas ! Les chiffres sont accablants : 60 à 80 % des emplois proposés aux jeunes sont en intérim à temps partiel. Rien ne changera si la loi ne favorise pas fortement les contrats à durée indéterminée à temps complet. On sait que 150 000 des 15-29 ans occupent un emploi à temps partiel inférieur à quinze heures. Imaginez le salaire correspondant ! Puisque l’on a parlé de stages en entreprise pour les députés, je propose qu’ils ne les accomplissent pas dans de hautes fonctions, mais dans les postes réservés à ces jeunes, avec le salaire correspondant. Là, on comprendrait peut-être les erreurs qui sont commises aujourd’hui.

L'amendement 8, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Francis Vercamer - L’amendement 29 propose que l’entreprise rembourse l’aide qu’elle a obtenue pour l’emploi d’un jeune en cas de rupture du contrat pendant la période d’aide. Il paraîtrait en effet curieux qu’elle puisse conserver des crédits destinés à l’insertion professionnelle en cas de licenciement. On m’a répondu que cet amendement était satisfait par l’article D. 322-10-3 du code du travail, mais celui-ci ne s’applique pas aux licenciements pour motif économique. Or, une délocalisation entraîne bien un licenciement pour motif économique ! L’entreprise ne doit pas pouvoir conserver ces aides.

L'amendement 29, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gaëtan Gorce - Le Gouvernement, pour essayer de doucher la déferlante ouverte par l’abrogation du CPE, ravive des dispositifs qui n’ont jusqu’à présent pas démontré leur efficacité, à l’exemple du contrat jeune en entreprise qu’on nous a fait voter lors d’une session extraordinaire en 2002 pour remplacer les emplois-jeunes. L’écart entre les deux dispositifs est frappant. Le Gouvernement porte la responsabilité de la faiblesse de ces dispositifs, mais c’est eux qu’il propose aujourd’hui de renforcer ! Le CIVIS, par exemple, n’oblige à aucune formation en contrepartie des moyens mobilisés par l’État, moyens que vous allez accroître, mais uniquement par voie de redéploiement. Vous allez donc supprimer certaines aides à l’emploi pour en financer d’autres. Cela n’est pas sérieux. L’amendement 9 rappelle que l’aide de l’État doit être soumise à une contrepartie de formation.

L'amendement 9, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bertho Audifax - Les élus d’outre-mer vous rappellent souvent les chiffres du chômage des jeunes dans leurs régions. Ces jeunes ne pourront bénéficier des formations professionnalisantes offertes par le nouveau dispositif sans aides à la mobilité. L’amendement 11 propose donc qu’ils puissent être aidés par l’agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer.

M. le Rapporteur – Cette disposition est d’ordre réglementaire et j’ai saisi le ministre de la question.

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement prend l’engagement d’inscrire cette disposition dans un texte réglementaire et souhaite donc le retrait de cet amendement. Je profite de cette occasion pour rappeler que les périmètres des zones urbaines sensibles sont aussi définies au niveau réglementaire. M. Borloo est à la disposition des élus d’outre-mer pour les étudier avec eux.

L’amendement 11 est retiré.

M. Francis Vercamer – L’alinéa 18 prévoit que l’accompagnement des jeunes « peut » se poursuivre pendant un an. On sait ce qu’il advient de ce genre de formulations… L’amendement 32 propose donc d’écrire que sur la demande du salarié, l’accompagnement « se poursuit » dans un délai maximum d’un an.

L'amendement 32, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article premier, mis aux voix, est adopté.

après l'Article premier

M. Gaëtan Gorce – Vous aviez prévu de mettre en place le CNE, d’en évaluer les résultats et de passer ensuite éventuellement à l’étape suivante, le CPE. C’était en soi de bonne logique, même si nous combattons l’esprit de ces dispositions. L’amendement 10 demande donc l’évaluation de l’ensemble des dispositifs mis en place pour l’emploi des jeunes.

L'amendement 10, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 2

M. le Président – L’amendement 12 du Gouvernement tend à supprimer cet article (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Néri - Ça va être dur à expliquer !

M. le Ministre délégué – Le bureau de la commission des finances n’a pas jugé recevable la requête de M. Migaud portant sur l’irrecevabilité de cette proposition de loi au titre de l’article 40 de la Constitution. L’intention explicite du Gouvernement est en effet de prendre à sa charge les dépenses induites par les dispositifs en faveur des jeunes en difficulté qu’elle met en place. Le financement sera assuré par l’utilisation des reports de 397 millions qui existent sur la mission travail, alors que la dépense prévue est de 150 millions, principalement pour le renforcement du contrat jeune en entreprise. Les 150 000 jeunes les plus éloignés de l’emploi sont en effet notre priorité.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. Didier Migaud – Je ne suis pas convaincu par l’argumentation juridique de la commission des finances : nous sommes en présence d’un véritable objet juridique non identifié (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Le ministre propose de supprimer l’article censé gager les dépenses induites par le texte : la proposition de loi ne comportera donc plus qu’un article qui aggrave la charge publique ! Notre position s’en trouve renforcée.

Le ministre nous a aussi expliqué que son dispositif coûterait 150 millions, financés par redéploiement. Cela veut dire qu’il n’y a pas un centime nouveau pour le programme « accès et retour à l’emploi », mais qu’il y a 150 millions de moins quelque part ! Vous allez en fait retirer 150 millions consacrés à l’emploi dans la loi de finances. Bravo ! Vous faites vraiment n’importe quoi !

M. Borloo nous a fait une démonstration éclatante hier soir : cela valait une séance de cinéma. Il nous a expliqué qu’il fallait « doper les mécanismes existants », dont le dispositif de soutien à l’emploi des jeunes en entreprise. Mais c’est le dispositif dont vous avez réduit les crédits de 36 % dans la loi de finances pour 2006 ! De qui se moque-t-on ? Vos 150 millions supplémentaires ne sont que le rétablissement des crédits pour 2005 ! Tout ça pour ça… Nous comprenons que vous ayez besoin d’une porte de sortie et savons que le ridicule ne tue plus depuis longtemps, mais il y a parfois des bornes à ne pas dépasser.

M. Jean-Marc Ayrault - Si elle n’était pas lourde de conséquences, la situation serait en effet comique ! En tout cas, elle fait plus penser à un sketch de Coluche qu’à un traité de bonne gouvernance. Et croyez bien, cher Gérard Larcher, que nous mesurons, en cet instant, votre souffrance ! S’il restait à démontrer que la « solution » d’abrogation du CPE que vous avez retenue est artificielle, Didier Migaud y est parvenu au-delà de toute espérance. La vérité, c’est que vous n’avez pas eu le courage de prendre la simple mesure d’abrogation de l’article 8 que le pays attendait et qui vous eût évité de vous couvrir à nouveau de ridicule. Nous l’avons démontré : pas un centime de plus n’ira à l’emploi des jeunes et ce renoncement est, en lui-même, dramatique.

Alors, rassurez-vous, quelles que soient les faiblesses de votre méthode, nous allons vous laisser abroger le CPE et nous ne saisirons même pas le Conseil constitutionnel car il est presque sûr qu’il annulerait le présent texte. Ainsi, la page sera tournée, et c’est à nous qu’il reviendra, soyez-en sûrs, d’écrire la prochaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Billard - Manifestement, le Gouvernement, en proposant de supprimer l’article 2 de la présente proposition de loi, se trompe d’abrogation ! C’est bien celle de l’article 8 de la loi pour l’égalité des chances que réclament les Français mobilisés en masse contre le CPE. Une fois encore, en annonçant que le nouveau dispositif sera financé par redéploiements, vous nous forcez à vous faire confiance. Mais nous ne sommes pas dupes, et nous savons déjà que les 150 millions qui seront distraits à cette fin ne seront jamais compensés. Au reste, depuis plusieurs mois, vous ne mettez plus de bornes à votre imagination juridique et les constructions les plus loufoques se succèdent : article premier de la loi sur le droit d’auteur retiré en cours de discussion après avoir été amendé – puis réintroduit, loi promulguée pour ne pas être appliquée, proposition de loi non financée… Merci pour les professeurs de droit et pour les étudiants, dont le programme d’études s’est enrichi, mais tant pis pour le pays ! Plutôt que d’abroger l’article 8, vous avez conçu en toute hâte un dispositif mal fichu qui ne profitera qu’à quelques entreprises, grâce à l’effet d’aubaine créé par la distribution de nouvelles aides non ciblées.

Parce que nous somme résolus à obtenir l’abrogation de fait du CPE, nous sommes obligés de vous laisser aller au bout de cette mascarade, rendue nécessaire par neuf semaines d’affrontements entre MM. de Villepin et Sarkozy. Mais les Français ne s’y trompent pas : les grands gagnants du jour, ce sont les lycéens, les étudiants et les salariés qui ont lutté pour obtenir cette victoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

L'amendement 12, mis aux voix, est adopté et l’article 2 est ainsi supprimé.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Maxime Gremetz – Ce qui restera de ce débat sur le CPE, c’est la formidable victoire du mouvement populaire. Il aura donc fallu deux mois de mobilisation pour que, sous la contrainte, vous abrogiez – sans le dire – un dispositif dont personne ne voulait. Tirons-en d’emblée une leçon générale : nul pouvoir ne peut désormais considérer que le fait de disposer d’une majorité confortable l’autorise à faire n’importe quoi n’importe comment. De telles approches appartiennent définitivement au passé. Les citoyens ont apporté la preuve de leur vigilance et leur degré d’exigence démocratique s’en trouve relevé. Nous sommes, à l’évidence, au début de quelque chose de fort.

Alors, M. de Villepin a prétendu qu’il n’était pas question d’abroger l’article 8 mais de le remplacer par un dispositif renforcé de lutte contre le chômage des jeunes. Au final, nous n’avons – qui s’en étonnera ? – qu’un énième aménagement de mesures qui ont constamment échoué et dont le même Premier ministre, dénonçait très récemment encore, l’inefficacité ! Non contents de défendre des propositions passéistes et inopérantes, vous avez repoussé tous nos amendements, qu’il s’agisse de revenir sur le CNE, sur l’affreuse réintroduction de l’apprentissage à 14 ans, sur le travail de nuit dès 15 ans ou sur la pénalisation des malheureuses familles prétendument déficientes ! Contraints de céder sur l’essentiel, vous ne renoncez pas à prendre des mesures tendant à aggraver la précarité et le chômage des jeunes. Votre objectif ne varie pas : procurer au patronat des salariés taillables et corvéables à merci !

Bien entendu, nous voterons contre cette proposition de loi, en saluant une nouvelle fois la grande victoire des jeunes et des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. le Président – Sur l’ensemble du texte, je suis saisi d’une demande de scrutin public.

M. Gaëtan Gorce – Nous arrivons donc au terme d’un processus douloureux pour le pays, pour ses institutions et pour le dialogue social. Par votre entêtement, vous avez forcé les jeunes, les salariés et les partenaires sociaux unis à se mobiliser. Douloureuse, la démarche l’est aussi, assurément, pour la majorité, conduite à se renier en revenant sur un vote récent. À l’évidence, il eût été plus simple de proposer l’abrogation de l’article 8 et nous vous aurions alors suivi d’enthousiasme ! Las, vous avez voulu en rajouter, via le CIVIS et le CJE, et Didier Migaud a démontré tout à l’heure que vos propositions étaient, au mieux, insignifiantes, et de toute façon impropres à améliorer si peu que ce soit l’emploi des jeunes. Vous avez voulu, bien maladroitement, sauver les apparences mais vous comprenez bien que nous ne partageons pas ce souci ! Nous voterons contre ce train de mesures…

M. Jean Leonetti - Merci ! Vous nous rendez service !

M. Gaëtan Gorce - Et si nous nous félicitons de l’abrogation de fait de l’article 8, nous ne pouvons vous donner quitus sur vos propositions inopérantes et non financées.

À vous croire, l’objectif était de mobiliser de nouveaux moyens au profit des jeunes demandeurs d’emploi les moins qualifiés, relevant des niveaux VI et Vbis. Or que nous enseignent les indicateurs de la DARES ? Tout simplement qu’entre le 1er janvier 2005 et le 1er janvier 2006, le nombre de jeunes en difficulté bénéficiant des dispositifs prioritaires est passé de 127 600 à 125 948, soit 1 652 « unités » de moins. Sans doute est-ce votre manière d’exprimer que vous avez fait du suivi de ces jeunes votre priorité ? Et comment vous croire lorsque l’on constate qu’en quatre ans, ce sont près de 165 000 emplois aidés pour les jeunes qui ont été supprimés ? Votre retrait inavoué n’est d’ailleurs que tactique : restent en vigueur l’apprentissage à 14 ans et le CNE, frère jumeau du CPE qui frappera aussi les jeunes dans les entreprises de moins de vingt salariés.

Nous ne pouvons vous accompagner dans ce vote, et nous vous laissons déguster seuls le plaisir de décider du retrait d’un dispositif que vous avez défendu avec acharnement pendant plus de deux mois ! En phase avec le pays, et nous le serons demain plus que jamais, nous voulons adresser aux jeunes un message de confiance et d’espoir, en rupture totale avec les marques de défiance et de mépris que vous leur témoignez depuis des années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Francis Vercamer - Tout ça pour ça : institutions caricaturées, groupe UMP et Gouvernement sourds à toutes nos alertes – notamment sur la durée de la période dite de consolidation et sur la motivation du licenciement, Président de la République s’apercevant trop tard de la réalité de la situation… Le bilan est lourd. Certes, un scénario assez analogue avait été suivi lorsqu’il avait été question de réformer l’ASS. Nous avions alors alerté le Gouvernement sans être suivis, et quatre mois plus tard, le Président de la République avait dû revenir sur les disposition prises. L’histoire se répète donc, sans que malheureusement, le groupe majoritaire en tire les leçons (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

La crise sociale que vous avons vécue va sans doute s’arrêter ; je doute qu’il en soit de même pour la crise de régime qui s’en est suivie, car ce qui s’est passé pourrait donner des idées à d’autres sur de prochains projets de loi.

Aujourd’hui encore, nous avons proposé des amendements, et celui visant à ce que toute réforme du droit du travail fasse l’objet d’une discussion préalable avec les partenaires sociaux, aurait dû recueillir l’accord de tous, puisqu’il ne faisait que reprendre l’exposé des motifs de la loi Fillon. Or, même celui-là, vous l’avez rejeté, restant sourds à nos appels.

M. Maxime Gremetz - Mais que faites-vous dans la majorité ?

M. Francis Vercamer – S’agissant de la proposition de loi, qui s’inscrit dans le droit fil de la loi de cohésion sociale, que nous avions votée, nous la soutiendrons (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), tout en sachant qu’elle ne suffira pas pour relever les défis de l’avenir avec le départ en retraite de 600 000 à 700 000 salariés par an dans les dix prochaines années, et déjà 300 000 offres d’emploi non pourvues. On ne fera pas face aux nouveaux besoins uniquement par l’immigration choisie.

M. Alain Joyandet - Notre groupe souhaite rendre hommage à l’ensemble des participants du groupe de négociation qui a permis d’élaborer cette proposition de loi (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Je salue le travail accompli ces jours derniers…

M. Jean-Pierre Brard - Vous avez mangé votre chapeau !

M. Alain Joyandet - Si « M. Braillard » voulait bien arrêter de m’interrompre, je poursuivrais… La gauche souhaitait sur ce dossier l’humiliation ; les partenaires sociaux, eux, et je tiens à rendre hommage aux syndicats de salariés comme aux organisations de jeunesse, acceptent le compromis, ce qui traduit un tout autre comportement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ce compromis vise à remplacer l’article 8 de la loi par les dispositions qui vont être adoptées, lesquelles présentent trois avantages.

Tout d’abord, ce compromis va susciter l’apaisement que nous souhaitions tous.

M. Maxime Gremetz – Ce n’est pas sûr !

M. Alain Joyandet – Ensuite, il nous permet de ne renoncer à rien (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) dans la lutte contre le chômage des jeunes, dont le Gouvernement a fait sa priorité, et en cela il peut être assuré de notre entier soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Enfin, il va permettre d’enclencher de nouvelles discussions et négociations entre les partenaires sociaux sur le problème du chômage, des jeunes en particulier.

Le CPE n’était que l’un des outils de la panoplie mise en place par le Gouvernement pour lutter contre le chômage. Qu’il me soit permis de rappeler ici que 260 000 jeunes ont déjà obtenu un CDI par le biais du contrat jeunes en entreprise, que 170 000 sont en CIVIS et que l’on compte aujourd’hui 155 000 chômeurs de moins (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Dans cette explication de vote que je souhaite la plus objective possible, je tiens à dire enfin à ceux qui regrettent que nous n’ayons pas tenu jusqu’au bout, que cette proposition de loi ne constitue pas un renoncement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) mais un acte de courage politique empreint de lucidité (Mêmes mouvements). Nous n’avons pensé qu’à l’intérêt général et à l’avenir de la jeunesse de notre pays. Nous laissons l’opposition verser de l’huile sur le feu car nul ne peut disconvenir que la position du Gouvernement et de la majorité, dans la droite ligne des recommandations du Président de la République, aura été courageuse.

À la majorité de 151 voix contre 93 sur 245 votants et 244 suffrages exprimés, l’ensemble de la proposition de loi est adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 13 heures 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

© Assemblée nationale