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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mercredi 3 mai 2006

Séance de 21 heures 30
87ème jour de séance, 205ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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immigration et intégration (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration.

Mme la Présidente – À la demande de la commission des lois, l’article premier est réservé jusqu’après l’article 12.

après l'article premier

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des loisRappelons tout d’abord qu’il a été décidé d’un commun accord en commission de réserver la discussion de l’article premier après l’article 12 dont le dispositif lui est lié. Nous rétablissons ainsi l’ordre des articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers.

L’objet de l’amendement 405 est de créer un Conseil national de l’immigration et de l’intégration. « Pourquoi une instance supplémentaire ? » se demanderont certains. En matière d’immigration, les chiffres sont importants. Or il se trouve qu’ils sont actuellement peu fiables. Deux raisons à cela. La première est technique : le fichier informatisé qui permet de gérer les titres de séjour, l’AGDREF, a plus de vingt ans. Je salue d’ailleurs l’effort qui a été fourni pour l’améliorer.

M. Bernard Accoyer - Très bien !

M. le Rapporteur – Deuxièmement, il y a un problème méthodologique. Comment comptabiliser l’immigration ? Faut-il indiquer le lieu de naissance et la nationalité de l’immigré ? Le Conseil participera à l’élaboration des statistiques figurant dans le rapport au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique de l’immigration, auquel le Gouvernement souhaite donner une grande importance. Sa composition sera fixée par décret. J’ajoute qu’il serait souhaitable que les parlementaires y soient représentés, dans leur diversité.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire  Le Conseil national de l’immigration et de l’intégration sera une instance très utile. Bien que les points de vue de l’administration, des experts et du monde associatif diffèrent, nous travaillons déjà ensemble au quotidien. C’est le cas à Roissy dans la zone d’attente avec la Croix-rouge et l’ANAFÉ, ou encore dans le centre de rétention administrative avec la CIMADE. C’est également le cas quand il s’agit de réfléchir aux orientations de la politique de l’immigration. Pour élaborer ce projet de loi, le ministre d’État a consulté les associations telles Emmaüs, Solidarité Sida, Africagora, la Fédération protestante, la CIMADE, le Secours catholique, les représentants des évêques,…

M. Jean-Pierre Brard - Les évêques ! Vous ne les portez pas dans votre coeur !

M. le Ministre délégué - …les associations de laïcs. Ce Conseil, composé de façon paritaire entre les pouvoirs publics et la société civile, permettra des relations plus régulières entre l’administration et les associations. Il aura pour mission de participer à l’élaboration des chiffres de l’immigration mentionnés dans le rapport remis par le Gouvernement au Parlement. L’utilité de disposer de chiffres fiables a été démontrée hier. Nous avons déjà progressé en la matière grâce aux travaux de l’observatoire statistique du Haut Conseil à l’intégration présidé par Blandine Kriegel et du groupe de statistiques du secrétariat général du comité interministériel de contrôle de l’immigration dont M. Patrick Stefanini assure la direction. Il sera également chargé de donner un avis sur la politique d’immigration et d’intégration dans un rapport annexé au rapport annuel que le Gouvernement remet au Parlement. Le Gouvernement a émis un avis favorable à cet amendement.

M. Patrick Braouezec – On peut s’interroger sur la représentativité de ce Conseil. Pour l’heure, il n’est composé que de deux collèges : l’un regroupant les ministres en charge de l’immigration et l’autre rassemblant des personnalités qualifiées. À quel collège participeront les parlementaires ? Par ailleurs, dans un souci de diversité, il serait préférable que les personnalités qualifiées soient choisies par la représentation nationale, et non par le Gouvernement seul.

M. Bernard Roman - La création de ce Conseil a été expressément demandée par les représentants des églises de France. C’est une bonne chose à condition qu’y participent au moins des députés et des sénateurs, auxquels il faut ajouter les élus locaux. En effet, pourquoi les oublier alors qu’ils sont en première ligne quand il s’agit d’immigration ? Ce sont eux qui s’occupent au quotidien des problèmes des immigrés : logement, certificat d’hébergement et bientôt contrat d’intégration. Sous réserve de cette modification, le parti socialiste ne s’opposera pas à la création de ce Conseil.

M. René Dosière – Ce futur Conseil sera très utile. Pour preuve, dans le dernier rapport sur la politique d’immigration qui nous a été remis figurent de manière très détaillée le nombre d’arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière et de mesures d’éloignement, mais non celui des arrêtés d’expulsion et des interdictions judiciaires du territoire. Un peu plus de rigueur est assurément nécessaire…

M. le Rapporteur – Je remercie les intervenants d’avoir souligné l’utilité de cet organisme.

M. Julien Dray - Profitez de cette attitude conciliante, elle ne va pas durer !

M. le Rapporteur – En acceptant ce Conseil, le Gouvernement montre qu’il entend faire toute la transparence sur ce dossier. Quant à la composition de cet organisme, il est d’usage qu’elle soit fixée par décret. Mais l’on pourrait très bien préciser au Sénat qu’y figure un collège des élus.

M. le Ministre délégué – Monsieur Dosière, les chiffres auxquels vous faites allusion sont mentionnés dans le rapport des orientations de la politique de l’immigration à la page 85.

M. Julien Dray - Lisez le rapport du Sénat ! Il y est écrit que ces chiffres ne valent rien !

M. Claude Goasguen - Un rapport sur la politique de l’immigration, c’est déjà mieux que rien ! Il a le mérite d’exister !

M. Julien Dray – Des rapports, il y en a tellement ! Avec, on pourrait construire des murs…

M. Claude Goasguen - …comme celui de Berlin ?

Mme la Présidente - Un peu de calme ! Écoutons le ministre.

M. le Ministre délégué - Je rappelle que c’est toujours un décret qui fixe la composition de ce type d’instance. En outre, dans la mesure où celle-ci sera chargée de remettre un rapport au Parlement – et même si le Gouvernement est favorable à ce que des élus participent à ses travaux – est-il opportun que des parlementaires en soient membres ? M. Roman avait du reste plutôt plaidé pour la participation de maires. Le moment venu, je m’engage à ce que le décret de composition prenne en compte votre demande de voir mieux associés les élus.

M. Patrick Braouezec - Vous n’avez pas répondu sur le mode de désignation des personnalités qualifiées : il serait utile de préciser, avant que le texte n’aille au Sénat, qu’elles ne seront pas choisies par le seul gouvernement mais aussi par la représentation nationale. Après tout, les gouvernements changent, et ceci peut même constituer une garantie pour vous…

Mme Christine Boutin - Allons donc ! (Sourires)

L'amendement 405, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Par notre amendement 354, nous proposons que les documents de séjour mentionnés aux articles L.311-2 à L.311-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – titres de séjour et récépissés divers – puissent, une fois prise en préfecture la décision de les délivrer, être remis aux intéressés à la mairie de leur commune de résidence, à l’instar de ce qui se pratique pour les passeports et cartes nationales d’identité des citoyens français. Cela éviterait aux résidents étrangers d’interminables files d’attentes – jusque tard dans la nuit ou dès l’aube - et des démarches parfois humiliantes. Dans un département tel que le mien, la bonne volonté du service des étrangers de la préfecture n’est pas en cause, mais les volumes à traiter sont tels que les conditions de remise des documents sont difficiles à gérer, et l’adoption du présent texte n’arrangera rien !

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Si nous prenions une telle décision, les petites communes seraient confrontées à des problèmes de logistique non négligeables. Sur le fond, j’observe que vous n’avez eu de cesse, en commission, de dire qu’il fallait se méfier de l’arbitraire de certains maires. Dès lors, est-il cohérent de proposer de leur confier de nouvelles prérogatives ?

M. Bernard Roman - Il ne s’agit pas de décider de la délivrance des titres mais de simplifier leurs modalités de remise.

M. le Rapporteur – Soit, mais le système serait lourd à gérer. J’ai fait la file d’attente à la préfecture de Paris, tout récemment, et le délai d’une heure un quart ne m’a pas paru insupportable.

M. le Ministre délégué – Gardons-nous, en effet, de compliquer les choses. C’est aux préfectures qu’il incombe de délivrer les titres et des adaptations pratiques sont déjà possibles, notamment celles permettant aux universités de délivrer les cartes d’étudiant. Avis défavorable.

M. Patrick Braouezec - Ça part mal ! Nous avions là l’occasion d’adresser un signal aux résidents étrangers et de leur simplifier un peu la vie en revoyant le circuit, par analogie avec ce qui est mis à la disposition des citoyens français pour retirer leur CNI ou leur passeport. Si vous considérez que les maires n’ont rien à faire en ces matières, supprimez cette facilité qui a créé des charges supplémentaires nullement compensées pour les communes.

M. le Ministre délégué – Pas de double discours au sujet des relations entre l’État et les collectivités : on ne peut pas reprocher à l’État de transférer sans cesse de nouvelles charges sans compensation, et, dans le même temps, demander à exercer de nouvelles prérogatives qui présentent un coût important, humain et financier, en particulier pour les petites communes. Je rappelle que plusieurs communes se plaignent déjà d’avoir du mal à traiter les remises de passeports.

M. Patrick Braouezec - Rien ne justifie la ségrégation entre Français et résidents étrangers.

M. Julien Dray - L’amendement de Jean-Pierre Brard soulève un problème très intéressant. Si l’on veut bien admettre que le maire joue un rôle prépondérant dans l’intégration des résidents, il serait très opportun que la remise des titres de séjour lui donne l’occasion d’un premier contact avec les intéressés…

M. Claude Goasguen - Allons, c’est un employé municipal qui s’en chargerait, pas le maire en personne !

M. Julien Dray - Et pourquoi pas ? Nous avons entendu la droite répéter à l’envi que le maire devait être l’acteur central et voilà qu’elle se braque contre la moindre évolution en ce sens. Quant aux problèmes logistiques, je m’engage ce soir à ce que la région Ile-de-France donne, le cas échéant, des facilités aux communes pour assumer cette nouvelle mission, si l’amendement était voté.

M. Jean-Pierre Brard - Évitons tout malentendu : nous ne proposons pas que la décision – régalienne – de délivrance des titres soit transférée aux communes, mais – et le maire qu’a été M. Mariani me comprend bien – que ceux-ci puissent être remis à leurs titulaires en mairie, comme les passeports ou les CNI le sont à nos concitoyens. Je me suis présenté au service des étrangers de la préfecture de Bobigny le 6 avril dernier à 5 heures du matin et il y avait déjà une file d’attente de plusieurs centaines de personnes, simplement pour la remise des documents, les décisions administratives ayant été prises, au termes de procédures lourdes…

M. Julien Dray - C’est la même chose à Evry !

M. Richard Mallié - Un titre de séjour, cela se mérite !

M. Jean-Pierre Brard - Je ne demande qu’un geste de dialogue donnant quelques commodités pratiques ; en aucun cas de revenir sur les prérogatives qui appartiennent en propre à l’État au titre de ses missions régaliennes. Je suis un républicain : je n’entends pas démembrer l’État – raison pour laquelle j’ai voté contre la décentralisation Raffarin…

M. le Rapporteur - Nous faisons bien entendu confiance aux élus municipaux et le problème ne se situe donc pas à ce niveau. Considérez plutôt que dans les communes qui comptent parfois jusqu’à 20 % d’étrangers, une telle évolution aurait un coût considérable pour les services municipaux. M. Brard a bien voulu rappeler que j’avais été maire pendant seize ans, avant que la règle de non-cumul ne me conduise à démissionner : pour venir de la préfecture d’Avignon à la mairie de Valréas, les passeports et CNI mettaient parfois plusieurs jours, ce qui n’était pas favorable aux demandeurs. Vos intentions sont bonnes, mais le transfert de charges et la complication qui découleraient de l’adoption de cet amendement me font considérer qu’il serait plus sage de ne pas l’adopter.

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement vous prouve sa bonne volonté, Monsieur Brard : nous ne pouvons pas mettre cela dans la loi car il ne faut pas que ce soit systématique, mais si vous acceptez de retirer votre amendement, je prends l’engagement que les communes qui le souhaiteront auront la faculté de passer une convention avec la préfecture, comme elles peuvent déjà le faire avec les universités pour la délivrance des cartes d’étudiant.

M. Bernard Roman - J’invite le rapporteur et le ministre à examiner avec intérêt la proposition de M. Brard, qui rejoint celle qui avait été faite en commission de donner aux maires l’information sur la situation des personnes immigrées résidant sur leur commune. La distribution des titres de séjour n’alourdirait pas beaucoup la charge des collectivités : au niveau national, cela représenterait une augmentation de 2 % environ de l’ensemble des documents qu’elles remettent. En revanche, quel gain humain, y compris pour les services des préfectures ! Il est inacceptable que dans certains départements, des personnes se lèvent à une heure du matin, fassent 200 km jusqu’à la préfecture pour retirer un papier et repartent finalement bredouilles parce que la file d’attente était trop longue. On pourrait aussi gagner du temps en utilisant tout simplement la poste…

Quant à l’expérimentation, Monsieur le ministre, mieux vaudrait qu’elle soit ouverte par la loi plutôt qu’en dehors d’elle…

M. Jean-Christophe Lagarde - M. Brard évoquait tout à l’heure les files d’attente à la préfecture de Seine-Saint-Denis, qui sont en effet inacceptables. Tous les soirs, on voit des gens attendre, et parfois dormir sur place. Mais il s’agit de personnes qui viennent déposer un dossier, et non retirer la carte.

Cela étant, Monsieur le ministre, le fait est qu’en tant que maire, j’aurais besoin de savoir quelles sont les personnes qui détiennent un titre de séjour sur le territoire de ma commune ; et la délivrance des cartes – qui n’aurait rien de coûteux, contrairement à l’instruction des dossiers – serait pour les maires le moyen d’avoir des informations qu’ils n’obtiennent aujourd’hui qu’à l’occasion des mariages ou des demandes de logement, par exemple, et d’éviter qu’une même personne puisse détenir plusieurs titres – ce que la préfecture n’est pas en mesure de contrôler. Offrir cette faculté me paraîtrait donc une bonne idée.

M. Jean-Pierre Brard - J’accepte la proposition du ministre et je retire mon amendement – en attendant le dépôt devant le Sénat d’un amendement semblable qui permettra à M. le Ministre de réitérer son propos.

L'amendement 354 est retiré.

M. le Ministre délégué – Monsieur Lagarde, en parlant des files d’attente dans les préfectures, vous justifiez ce texte : s’il y a des files d’attente, c’est que la pression migratoire est insupportable (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Monsieur Brard, le Gouvernement s’engage par ma voix à ce que, lorsqu’une commune le souhaite, elle puisse passer une convention avec la préfecture pour assurer la remise des titres de séjour. Nous sommes prêts à le préciser lors du débat au Sénat.

Mme la Présidente - Monsieur Mamère, je ne puis vous donner la parole puisque l’amendement a été retiré.

M. Noël Mamère - Je vous la demande sur le fondement de l’article 58, alinéa 1, du Règlement.

Selon le ministre, ce texte trouverait sa justification dans une pression migratoire insupportable. Or le démographe Hervé Le Bras explique que l’immigration est stable depuis dix ans ! On dénombre trois millions d’étrangers, soit 5 % de la population. Quant à l’immigration irrégulière, elle concernerait entre 200 000 et 400 000 personnes.

Art. 2

M. Richard Mallié – On a assisté de la part de l’opposition à une levée de boucliers contre l’idée que la France choisisse ses immigrés. Or vaut-il mieux faire le choix d’accueillir des ressortissants étrangers désireux de s’intégrer et de mener à bien un projet dans notre pays, ou subir – je dis bien subir – l’arrivée de personnes le plus souvent animées par le désir de profiter du système français ?

En rendant obligatoire l’obtention d’un visa de long séjour pour la délivrance d’une carte de séjour temporaire, l’article 2 ne fait que tirer les leçons des abus constatés avec les visas touristiques. Combien d’étrangers sont arrivés sur notre territoire avec un visa de tourisme, dans le but de se faire soigner dans nos hôpitaux ! Combien de femmes ont débarqué sur notre sol à quelques semaines de leur accouchement, dans l’objectif de mettre au monde leur enfant dans notre pays ! Ouvrez les yeux, chers collègues ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) On fait venir du pays le cousin malade qui, en usurpant la carte Vitale d’un membre de la famille, se fera soigner gracieusement, avant de repartir chez lui ou de rester illégalement sur notre territoire…

Cette situation n’est plus tenable. Il est temps de prendre des mesures fermes pour parer aux abus auxquels donnent lieu les visas de courte durée. Préciser que les étrangers admis à séjourner durablement sur le territoire feront l’objet, en amont, d’un choix par l’autorité consulaire dans leur pays d’origine, c’est donner à nos concitoyens une garantie quant aux intentions de ces immigrés. Plus qu’une formalité administrative, c’est une assurance contre la fraude (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) .

M. Bernard Roman – Je m’étonne de cette prise de position d’un député UMP manifestement sur la défensive (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Je le comprends ! L’immigration choisie, disait hier Julien Dray lors d’une émission, c’est, dans un pays voisin du nôtre, « importer » pour la coupe du monde de football 30 000 prostituées pour lesquelles des logements ont été prévus (« Quel rapport ? » sur les bancs du groupe UMP). Si c’est votre conception des relations Nord-Sud et de l’immigration choisie – car c’est bien de cela qu’il s’agit, choisir ses immigrés – vous voyez ce que vous êtes en train de faire de la République française !

L’article 2 institue l’obligation d’un visa de long séjour pour l’attribution de tous les tires qui seront accordés désormais. Permettez-moi de reprendre mon exemple de tout à l’heure, en espérant que le Gouvernement puisse y répondre. Que se passe-t-il quand un citoyen français épouse, pour prendre un exemple dans ma circonscription, une étudiante d’origine irakienne régulièrement inscrite à l’Université de Lille et titulaire d’un titre de séjour étudiant ? Elle devra retourner en Irak demander un visa de long séjour pour que sa situation puisse être régularisée en France !

M. Claude Goasguen - Depuis quand les lois sont-elles rétroactives ?

M. Bernard Roman - Je pose la question pour le cas où ce texte serait voté ! Il se peut certes que l’UMP ait un réflexe salutaire, ou que le Gouvernement n’ait pas la possibilité d’aller jusqu’au bout de la procédure législative. Mais s’il est adopté, le Gouvernement a-t-il pensé à ce cas ? A-t-on mesuré le coût que l’on fait ainsi supporter aux couples mixtes ?

M. Jérôme Rivière - L’amour n’a pas de prix !

M. Bernard Roman – A-t-on pris en compte, d’autre part, les besoins qui vont se manifester dans les consulats concernés, où il faut déjà attendre un, deux, voire trois mois pour obtenir un rendez-vous pour demander un simple visa touristique ? Et l’on voudrait rendre obligatoire l’instruction d’un visa long séjour pour l’ensemble des titres de séjour ! Il y a là une méconnaissance de la situation dans les consulats, ou une arrière-pensée, puisque c’est en réalité un filtre supplémentaire pour « doser » l’immigration en fonction d’objectifs quantitatifs déclinés dans les différents pays.

Venons-en aux conséquences de cet article. L’épouse étrangère qui ne retournera pas dans son pays, le regroupement familial rendu encore plus difficile par le fait que le consulat d’Alger ou de Dakar ne fournira pas le visa de long séjour nécessaire, conduiront les étrangers à entrer en France soit avec des visas touristiques, soit illégalement. Ils seront là, des milliers à n’être ni régularisables, ni expulsables puisque protégés par l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. C’est toute la logique de votre machine infernale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Claude Goasguen - C’est n’importe quoi !

M. Bernard Roman - Non, c’est la réalité !

M. René Dosière - Permettez-moi une mise au point. Combien de fois ai-je entendu cette phrase de Michel Rocard : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde » ? Le problème est qu’elle est tronquée. En réalité, elle s’achève ainsi : « Raison de plus pour qu’elle traite bien la part qu’elle se doit d’en accueillir ». Oui, la France se doit d’accueillir des immigrés (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), parce qu’elle a eu un empire colonial, dont les enfants sont venus, dans le froid et la boue, combattre – et souvent mourir –pour que vive la France.

M. Christian Vanneste - C’était dans l’article 4, que vous avez voulu supprimer ! Le sacrifice des troupes de l’outre-mer ! C’est un aveu ! C’est une honte !

Mme la Présidente - Je vous en prie, Monsieur Vanneste ! Je vous demande de vous taire !

M. René Dosière - Je suis le député du Chemin des Dames. Tous les ans, nous commémorons la funeste offensive du général Nivelle. Parmi les tombes françaises des trois cimetières de Cerny-en-Laonnois se dressent de nombreuses tombes musulmanes. Voilà ce qu’ont fait les tirailleurs sénégalais ! Ces anciens combattants ont des droits sur nous.

M. Christian Vanneste - Absolument !

M. René Dosière - Peut-on rejeter leurs descendants ?

M. Christian Vanneste - Certainement pas !

M. René Dosière - Depuis la Révolution, la France est considérée comme le pays des Droits de l’Homme : hormis sous Vichy, elle a toujours été un lieu d’asile pour ceux qui étaient persécutés. Il est clair, cependant, qu’elle ne peut accueillir sans limite : l’immigration doit être maîtrisée. J’aimerais que l’on cesse de nous présenter comme les tenants d’une ouverture des frontières à tous les immigrés (« C’est ce que vous avez fait ! » sur les bancs du groupe UMP). Le nombre des immigrés dans la population française est d’ailleurs stabilisé depuis 1975…

M. Richard Mallié - Évidemment ! Vous avez régularisé à outrance !

M. René Dosière - … à 7,4 % selon l’INSEE. Si cette population est inégalement répartie sur le territoire, c’est la politique de la ville ou la politique de l’aménagement du territoire qui sont en cause. Quant à l’immigration clandestine, elle est estimée entre 200 000 et 400 000 individus – soit 0,5 %, au maximum, de la population française. Que l’on cesse de présenter l’immigration comme un tsunami ! Outre-mer, le problème est différent.

Nous sommes loin, enfin, de bien traiter les immigrés en situation régulière. Il n’est que de voir leurs conditions de vie. Quant aux immigrés clandestins, ils sont condamnés à la misère et à l’exploitation. S’agissant du respect des personnes, la distinction entre immigration régulière et clandestine est du reste peu pertinente. Si beaucoup de Français, hélas, désignent sans honte un homme comme immigré d’après son apparence physique, aucun ne peut dire s’il est régulier ou clandestin. C’est finalement toute personne d’apparence étrangère qui devient le bouc émissaire.

M. Julien Dray - Discutons un peu pratique. Quel parlementaire n’a pas reçu dans sa permanence un électeur intervenant en faveur d’un ami ou d’une connaissance qui rencontre des difficultés pour accéder ne serait-ce qu’au service des visas du consulat ? Nos consulats sont surchargés par ces procédures, à tel point que certains ne délivrent presque plus de titres de séjour et que la corruption se développe. Avec ce dispositif, vous compliquez encore les choses.

En subordonnant l’obtention d’un titre de séjour à la délivrance d’un visa de long séjour que les étrangers devront retourner chercher dans leur pays d’origine, vous allez fabriquer de nouveau des clandestins car, d’une façon ou d’une autre, qu’ils aient ou non obtenu leur visa, ils reviendront dans notre pays où ils ont déjà tissé des liens. Les procédures kafkaïennes de nos préfectures, où, faute de pouvoir connaître les droits de chacun tant la législation est complexe et évolutive, les décisions sont souvent prises à la tête du client, se retrouvent dans nos consulats. Et comme les intéressés seront obligés de revenir dans notre pays, ils le feront clandestinement et pour se protéger, ils iront là où ils peuvent être accueillis par des connaissances. Voilà comment la clandestinité crée des ghettos. Voilà comment dans quelques années, il faudra de nouveau, quel que soit le gouvernement, régulariser des sans-papiers de toute façon inexpulsables (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Leonetti – Il n’y a que vous qui votez de telles lois !

M. Julien Dray – La procédure que vous mettez en place ne sert donc à rien. Elle ne fera que fabriquer des clandestins.

M. Patrick Braouezec – M. Mallié, hélas sorti de l’hémicycle à cet instant, semble ne pas bien connaître ce dont il parle ! Le nombre d’immigrés par rapport à la population totale n’a pas augmenté en France depuis trente ans, Noël Mamère et René Dosière l’ont rappelé. Pour M. Mallié, cela s’explique du fait que nous en aurions régularisé un très grand nombre…

M. Jérôme Rivière - Il a dit « naturalisé ».

M. Patrick Braouezec - Non, il a bien dit « régularisé », ignorant sans doute que régularisé ou non, un étranger demeure un étranger. Que cela vous plaise ou non, le nombre d’étrangers est stable dans notre pays, toutes les statistiques le confirment.

Plusieurs députés UMP - On ne doit pas consulter les mêmes !

M. Patrick Braouezec - Si on continue de tenir ici des propos inadmissibles comme ceux qu’a tenus notre collègue, le problème de l’immigration n’est pas près d’être réglé. En effet, on ne saurait légiférer à partir de cas marginaux. Ainsi a-t-il pris l’exemple de mères étrangères venant accoucher en France. Mais combien sont-elles dans les hôpitaux de Seine-Saint-Denis qui, à proximité de la plus grande frontière de notre pays que constitue l’aéroport de Roissy, sont les premiers à les accueillir ? Sur les trois mille accouchements pratiqués chaque année à l’hôpital de Saint-Denis, elles représentent au maximum 5%. Finissons-en donc avec l’irrationnel et le fantasme de l’invasion de nos hôpitaux par les migrants !

Pour le reste, je rejoins Julien Dray. Pensez-vous créer les conditions pour que les étrangers accueillis sur notre territoire puissent y vivre tranquillement, dignement et honnêtement en subordonnant l’obtention d’une carte de séjour à celle d’un visa de long séjour dans le pays d’origine, alors que, dans certains consulats, il faut plus d’un mois pour obtenir non le visa, mais un simple rendez-vous ? Je comprends mieux maintenant les exemples qui nous sont régulièrement donnés depuis hier de l’immigrant, informaticien indien ou chirurgien chinois. Pour les secteurs où l’on a besoin d’immigrés, on facilitera l’obtention des visas de long séjour…

M. Claude Goasguen – Oui, ce sera l’immigration choisie.

M. Jérôme Rivière - Et c’est légitime.

M. Patrick Braouezec - Comment allez-vous choisir ceux qui viendront ? Vous ne pourrez que discriminer entre les individus.

Mme Henriette Martinez – On parle ici de l’immigration comme s’il s’agissait d’un problème franco-français, alors qu’il s’agit d’un phénomène mondial lié à l’extrême pauvreté d’une partie du monde.

M. Patrick Braouezec - Je l’ai dit tout à l’heure dans ma motion de renvoi.

Mme Henriette Martinez – Si la misère est la cause de l’immigration, n’en faisons pas aussi sa conséquence en laissant venir sur notre territoire des immigrés qui ne pourraient pas y trouver des conditions de vie satisfaisantes. Ne cédons pas à l’angélisme : non, nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde. Deux milliards et demi de personnes, soit plus du tiers de l’humanité, vivent aujourd’hui de par le monde avec moins de deux euros par jour et 24 000 personnes meurent de faim tous les jours (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Nous sommes aussi sensibles que vous à cette situation dramatique, Monsieur Brard. Simplement, nous nous refusons à accentuer ce déséquilibre du monde en accueillant dans les pays riches tous ces pauvres, à l’égard desquels nous avons d’immenses responsabilités. La réponse ne réside pas seulement dans l’immigration, et certainement pas dans une immigration sauvage et incontrôlée, au terme de laquelle les étrangers ne peuvent que vivre dans des conditions indignes. A cet égard, j’aurais aimé, Messieurs, que vous votiez le budget de la coopération et de l’aide publique au développement (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Mieux vaut en effet aider ces malheureux à vivre dans leur pays plutôt que de subir leur immigration dont ils sont les premiers à souffrir. Notre pays s’honore d’avoir porté son aide publique au développement de 0,32 % du PIB en 2001 à 0,47 % en 2006, ne vous en déplaise.

M. Bernard Roman - C’est faux !

Mme Henriette Martinez - Il faut poursuivre cet effort car si une immigration choisie par notre pays aussi bien que par ceux qui la vivront peut être un élément de réponse, elle ne saurait être le seul. Je fais partie de ceux qui jugent indispensable l’aide publique au développement.

M. Bernard Roman - Hypocrisie ! Ce Gouvernement l’a diminuée.

Mme Henriette Martinez – Que nous jugions nécessaire une plus grande solidarité mondiale ne nous autorise pas à faire preuve d’angélisme. Nous devons au contraire faire preuve à la fois de réalisme, de pragmatisme et d’humanisme. Mais nous sommes aussi nombreux à droite qu’à gauche à avoir ces préoccupations dans la tête et dans le cœur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Le budget de l’aide publique au développement a diminué, ce qui est doublement criminel parce qu’entre temps, la situation s’est encore dégradée. Nous sommes nombreux ici, de tous bords d’ailleurs, à défendre le co-développement et les leçons de morale ne sont dont pas de mise.

La faille de votre dispositif est qu’en subordonnant l’obtention d’une carte de séjour à un retour dans le pays d’origine pour obtenir un visa de long séjour, vous allez inévitablement créer des clandestins sur notre territoire, et donc des situations de misère puisque les sans-papiers ne peuvent ni travailler ni se loger. Cela n’empêchera pas les immigrés d’entrer dans notre pays, avec un visa touristique par exemple, mais leur retour en règle, avec ce fameux visa de long séjour, sera tout à fait aléatoire. A ce sujet, j’aimerais bien connaître le nombre de visas délivrés sur présentation d’une attestation d’accueil. Pourquoi certaines personnes se voient-elles refuser, parfois pour la énième fois, leur visa au consulat de Bamako ou de Cotonou et sont-elles ainsi privées du simple droit de rendre visite à leur famille (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) ? Lorsque nous interrogeons les consulats à ce sujet, ils nous répondent que d’une part, les instructions ne sont pas très claires – certains ont le courage de le dire –, et que d’autre part ils n’ont pas les moyens de gérer ces délivrances de visas. L’obtention de ces sésames est aléatoire. Or, la réponse des pouvoirs publics, fût-ce à l’égard d’étrangers, ne saurait être aléatoire. Et l’impossibilité de régularisation que vous instituez est vraiment la pire des choses.

M. Noël Mamère – Mme Martinez vient de nous faire une leçon de géopolitique et de compassion universelle…

Mme Christiane Taubira - D’ailleurs un peu simpliste !

M. Noël Mamère - En effet, mais il faut dire que nous sommes habitués à la caricature et au simplisme avec le ministre de l’intérieur qui veut nous faire croire que le simple bon sens inspirerait ce texte, pourtant le plus dur à l’égard des étrangers depuis une loi de 1937, une des seules d’ailleurs qu’ait maintenues le régime de Vichy. Cela en dit long sur vos intentions en ce qui concerne les immigrés… Madame Martinez, vous qui vous présentez comme une spécialiste du développement et des inégalités, vous oubliez simplement de préciser que les migrations les plus importantes, des plus miséreux – 40 % des Africains vivent avec moins de un dollar par jour – ont lieu du sud vers le sud, et non vers le nord.

La France est un des pays qui accueillent le moins de migrants en Europe. En 1997, nous en avons régularisé 70 000, alors que l’Italie et l’Espagne faisaient dix fois plus. Alors ne dites pas que ce texte est vertueux, qu’il va aider ceux qui sont dans la plus grande misère. Ne dites pas de contrevérités, quand le Gouvernement et le Président de la République n’ont pas tenu leurs engagements sur l’aide au développement.

Mme Henriette Martinez - Mais si !

M. Noël Mamère - Ce que fait la France, depuis quarante ans, c’est de cultiver la Françafrique et l’argent va dans les poches de dictateurs que le Président de la République salue comme des amis. Rappelons l’élection du fils de M. Eyadéma, celle de M. Bongo au Gabon, l’aide de l’armée française au dictateur Idriss Déby.

M. Bernard Roman - Il a raison !

M. Noël Mamère - … Je le rappelle parce que Mme Martinez a voulu nous donner des leçons sur la vertueuse politique d’aide au développement de la France. C’est une politique d’aide aux dictateurs, et non aux peuples. Les Maliens qui participent à la richesse de notre pays envoient chez eux plus d’argent que l’État français au titre de l’aide au développement. Alors ne nous dites pas qu’en acceptant qu’un certain nombre d’entre eux viennent dans notre pays, nous les enfonçons dans la misère.

L’article 2 est très révélateur de l’esprit qui guide le ministre de l’Intérieur. C’est un projet de loi électoraliste, pour braconner sur les terres de l’extrême droite en faisant de l’immigré un bouc émissaire. Mais de toute façon, le droit européen s’impose au droit français, et vous êtes obligés d’appliquer l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme. Demander à un étranger marié à un Français d’aller chercher son visa de long séjour dans son pays d’origine, c’est porter atteinte au regroupement familial au sens de cet article 8, …

M. Claude Goasguen - Pas du tout !

M. Noël Mamère - …De même que le refus de régulariser quelqu’un qui est marié avec un Français depuis dix ans.

M. Jérôme Rivière - Mais non !

M. Noël Mamère - Alors dites purement et simplement que vous voulez l’immigration zéro et que vous faites du lepénisme sans l’avouer, mais ne venez pas nous donner des leçons !

M. Claude Goasguen - Je voudrais rassurer certains collègues qui ont évoqué des problèmes juridiques de façon assez hasardeuse. L’ancien président de la commission des lois a évoqué la situation d’une femme qui serait en France et voudrait se marier dans l’avenir. Une fois cette loi votée, elle se soumettra à la procédure de l’article 2.

M. Bernard Roman - Donc elle retournera en Irak ! Bravo !

M. Claude Goasguen - D’autre part, Monsieur Mamère, le risque de contradiction avec l’article 8 de la convention européenne ne nous a pas échappé. Mais le Conseil d’État, qui a étudié la question, ne nous a pas signifié de contradiction.

Pour compléter ma réponse, Monsieur Roman, la loi n’est pas rétroactive. Si le mariage a lieu avant sa promulgation, l’épouse que vous évoquez demeure dans l’ancien système et n’a pas à se déplacer. Cessez donc de faire des procès d’intention ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) De plus, ce système est en vigueur au Canada, aux États-Unis et dans la plupart des pays européens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Roman - C’est une contrevérité ! Dans quels pays européens ?

M. Claude Goasguen - Si l’on vous écoutait, à quoi bon faire la loi ? Par nature, tout obstacle à l’entrée des immigrés conduit de façon inéluctable à la clandestinité. D’ailleurs, lors du débat sur la loi Chevènement, vous en étiez tellement persuadés que vous avez créé une situation de paralégalité dont il a fallu des années, notamment avec la loi de 2003, pour réguler les abus.

M. Bernard Roman - N’importe quoi !

M. Claude Goasguen - Bref, arrêtez de nous donner des conseils.

Pour M. Braouezec, toute opinion qui n’est pas la sienne est forcément calamiteuse. Nous avons quand même le droit de ne pas être d’accord. Mais il a parfaitement compris le sens de la loi. Ce n’est pas de faciliter les entrées, mais de réguler à la baisse le flux de l’immigration (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Rivière - Bravo !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - M. Sarkozy disait déjà cela en 2003 !

M. Noël Mamère - Notre amendement 150 tend à supprimer l’article 2. Aux arguments que nous avons développés, j’ajoute que subordonner l’obtention de la carte de séjour à un visa long séjour va encore plus loin que la loi de 2003…

M. Jacques Myard - Heureusement !

M. Noël Mamère - …qui ne parlait que de possibilité. Or dans un certain nombre de consulats en Afrique, c’est long, compliqué, et c’est à la tête du client.

M. Claude Goasguen - C’est inadmissible ! Vous parlez de fonctionnaires !

M. Noël Mamère - A la tête du client, tout à fait ! En tant qu’élus nous avons les preuves qu’il existe de la corruption dans certains consulats. De plus, vous allez transformer en clandestins des hommes et des femmes qui refuseront de repartir dans des pays à risque pour demander un visa, et eux aussi pourront avoir à faire à la corruption de représentants des consulats.

M. Claude Goasguen - Vous insultez le corps diplomatique ! Les consuls ne sont pas des voyous !

M. Noël Mamère – En fait, en interdisant la régularisation sur place, vous voulez jeter dehors des gens qui peuvent être mariés avec des Français, installés depuis dix ans. La convention européenne des droits de l’homme leur donne droit à une vie privée. Vous allez en faire des clandestins, vous allez briser des familles. Votre projet est inique et immoral.

M. Serge Blisko - Notre amendement 270 est également de suppression. Cet article 2 est inique, et va créer de nouveaux clandestins. Nous, qu’on vient solliciter dans nos permanences, savons combien la situation est devenue complexe. Au fil des 71 révisions de l’ordonnance de 1945, nous avons créé un chef d’œuvre de complexité administrative, qui déroute même des avocats spécialisés. Ce projet le complexifie encore, et il créera de nouvelles injustices, dispersera des familles, séparera des conjoints. Même dans le cas où un retour au pays ne comporte pas de menace grave connue, il se peut qu’une femme ait à repartir dans sa famille ou son groupe qui étaient hostiles à son mariage. Voyez le tableau récapitulatif à la page 58 de l’excellent rapport de M. Mariani, où figure la liste des cas de personnes entrées régulièrement avant la loi qui devront repartir dans leur pays pour obtenir un visa.

M. Bernard Roman - Vous n’allez tout de même pas maintenir cet article !

M. Serge Blisko - Vous ne pouvez pas dire qu’on ne fait que réguler les entrées clandestines !

M. Claude Goasguen - Nous n’avons jamais dit cela !

M. Serge Blisko - En fait, ce projet de loi vise à interdire et à verrouiller (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) ! M. Mariani le reconnaît lui-même à la page 58 de son rapport !

M. Jérôme Rivière – Vous enfoncez une porte ouverte !

M. Serge Blisko - Preuve est faite que demain, les familles ne pourront plus se réunir : maris et femmes, parents et enfants resteront séparés à cause de ce verrouillage.

M. Claude Goasguen - Du vrai Zola !

M. Serge Blisko - Vous parlez d’immigration « choisie » : croyez-vous vraiment que les immigrants choisiront un pays qui présente une telle complexité ? Pourquoi tant de jeunes préfèrent-ils partir au Canada ou ailleurs ? C’est précisément à cause de ce type de projets de loi, qui fait d’eux les parias de la France, de même que des étudiants que nous formons et qui décident de partir !

M. Patrick Braouezec - Avec l’article 2, que l’amendement 485 vise à supprimer, nous sommes dans le vif du sujet. Contrairement à ce que prétend le ministre de l’intérieur, il ne s’agit pas d’un projet de régularisation ou de choix, mais de verrouillage.

M. Jacques Myard - Très bien : nous sommes d’accord !

M. Patrick Braouezec – Là commence l’hypocrisie, car ce n’est pas ce que l’on nous annonce !

Mme Martinez nous a expliqué comment toute la misère du monde était attirée par les conditions meilleures de notre pays.

M. Alain Marsaud - C’était au temps de notre modèle social !

M. Patrick Braouezec - Soyons sérieux : c’est impossible ! Vous savez bien que la législation actuelle rend déjà très difficile l’entrée irrégulière sur notre territoire, et lorsque cela se produit – de façon toujours marginale – c’est souvent le fait de réseaux mafieux, moyennant un coût important.

M. Mansour Kamardine - Faut-il donc les laisser faire ?

M. Patrick Braouezec - Pas du tout : je m’oppose à toutes les mafias, toutes ! Y compris celles qui blanchissent de l’argent sale via des sociétés-écran que couvrent certains gouvernements ! L’affaire Clearstream en est un exemple…

M. Claude Goasguen - Et les anciens du KGB ?

M. Mansour Kamardine - Et les morts à l’Elysée ?

M. Patrick Braouezec - On veut le plus souvent s’installer en France pour y retrouver sa famille, ou pour des questions de santé – accoucher dans de bonnes conditions, par exemple – ou encore pour travailler, naturellement. Un travailleur malien peut faire vivre jusqu’à vingt personnes chez lui : le retour de l’argent au pays via ces réseaux de solidarité est bien plus important que vos vains programmes de co-développement.

Renversons l’article 2 : créons d’abord les conditions du co-développement, recensons les besoins économiques, sanitaires, éducatifs des populations concernées. Et en attendant, permettons les allers et retours des immigrés vers leurs pays d’origine ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur – Chacun sait, Monsieur Braouezec, que la plupart des immigrés clandestins sont entrés légalement sur notre territoire, avant de s’y maintenir illégalement. En 1997, 130 000 certificats d’hébergement ont été délivrés, contre 730 000 en 2002 : voilà une source de séjours irréguliers bien plus importante que les filières mafieuses, même si l’existence de celles-ci est incontestable.

Le projet de loi vise à redonner au visa de long séjour sa vocation première : permettre aux autorités consulaires de vérifier que les conditions légales de l’immigration sont réunies. Je remercie M. Blisko d’avoir rappelé que le tableau présenté dans mon rapport fait la liste exhaustive de tous les cas de figure concernés.

Pour éviter de créer de nouveaux cas de personnes qu’on ne peut ni expulser ni régulariser, la règle sera assortie de nombreuses exceptions – concernant la carte de séjour temporaire délivrée pour des raisons de liens personnels et familiaux ou pour des raisons de santé, par exemple.

Par ailleurs, la nécessité de produire un visa de long séjour ne signifie nullement que nous renforçons les conditions d’attribution des différentes cartes : il s’agit simplement d’en vérifier le respect. Trouvez-vous normal qu’un ressortissant moldave, par exemple, étant entré régulièrement dans l’espace Schengen par la Belgique, et ayant décidé sous trois mois de se marier en France, puisse bénéficier d’un titre de séjour sans qu’à aucun moment la France ait pu vérifier son dossier ? C’est une simple question de bon sens.

Le nouvel article L. 311-7 ne remet pas en cause le droit de séjour des étrangers s’étant mariés avec un Français, mais permet simplement de vérifier qu’il n’y a pas détournement ou union forcée.

M. Jérôme Rivière – Très bien !

M. le Rapporteur – Avec l’amendement 40 que je proposerai, qui donne des garanties pour les conjoints de français, l’article 2 est parfaitement acceptable. La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements 150, 270 et 485.

M. le Ministre délégué – Le débat est passionné, mais chacun devrait pouvoir se convaincre sereinement qu’il a sa part de responsabilité pour limiter la présence de clandestins sur notre territoire. Leur nombre ne peut réjouir personne.

Sur plus de 1,9 million d’étrangers qui entrent en France chaque année grâce à un visa de court séjour, plusieurs dizaines de milliers y demeurent irrégulièrement. Pour remédier à cette situation, nous avons mis en place, à titre expérimental, des visas biométriques dans cinq consulats. D’ici la fin de l’année, trente consulats seront équipés, avant que tous ne le soient à la mi-2007. La demande française d’harmoniser la délivrance de ces visas a d’ailleurs été entendue par nos partenaires de Schengen, y compris les dix nouveaux membres qui feront bientôt partie de cet espace.

Reste le problème des visas de long séjour. Je comprends le sens de vos amendements, mais la situation actuelle encourage les étrangers à demeurer en France illégalement.

Plusieurs députés socialistes – C’est faux !

M. Richard Mallié - Cessez votre angélisme !

M. le Ministre délégué – Il faut y mettre un terme : les séjours irréguliers impliquent souvent des conditions de vie dramatiques, que nous voulons éviter.

M. Noël Mamère - Au contraire, vous les aggravez !

M. le Ministre délégué – Pour venir s’installer en France, il faut donc y être autorisé depuis son pays par un visa de long séjour. M. Roman cite l’exemple de cette étudiante étrangère à Lille qui se marie avec un Français. Mais si elle est étudiante, c’est qu’elle a un titre de séjour : il n’y a donc aucun problème. C’est lorsqu’un étranger en situation clandestine désire épouser un Français que le problème se pose. Il ne lui est pas interdit de se marier. Simplement, nous exigeons qu’il retourne dans son pays d’origine régulariser sa situation en obtenant un visa de long séjour. Tel est le sens de l’article 2. Par conséquent, le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression 150, 270 et 485.

M. Bernard Roman - Monsieur le Ministre, si ce que vous dites est vrai, il faut modifier la loi ! L’article 2 exige que l’on produise un visa de long séjour afin d’obtenir une carte de séjour. Or, un visa étudiant n’est pas un visa de long séjour : l’étudiant doit faire la preuve qu’il a réussi ses examens pour avoir le droit de rester sur notre territoire. Dans le cas contraire, ce serait un moyen redoutable de contourner la législation !

M. le Ministre délégué - Un visa de court séjour est un visa de moins de trois mois. Un visa de long séjour vaut pour trois mois et plus.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois - Et ce, quel que soit le statut du détenteur du visa !

M. le Ministre délégué – Le visa étudiant suffit donc pour obtenir une carte de séjour (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Julien Dray - Peut-être, mais le titre de séjour étudiant n’est pas de même nature puisqu’il est conditionné à la réussite des études ! S’il était équivalent aux autres cartes de séjour, ce serait une catastrophe ! Ce serait ouvrir les vannes de l’immigration ! Je demande une suspension de séance pour éclaircir ce point.

M. Jean-Christophe Lagarde – Les dispositions de l’article 2 n’ont rien de choquant à condition que l’on ne supprime pas la possibilité de régulariser une personne après qu’elle a passé dix ans sur le territoire. J’entends bien qu’il n’est pas stratégique de faire une telle proposition en période préélectorale mais elle me semble juste. La plupart des étrangers que j’ai rencontrés à ma permanence entrent sur le territoire français avec un visa de tourisme délivré par un pays de l’espace Schengen, le plus souvent l’Italie. Dans la majorité des cas, ils ne demandent leur régularisation qu’après quatre ou cinq ans passés en France. De ceux-là, il n’est pas anormal que l’on exige un visa pour obtenir une carte de séjour.

Mme Christine Boutin - Même pour se marier ?

M. Jean-Christophe Lagarde - Dans le même temps, pour éviter la constitution de « stocks » d’immigrés, il faut garder la possibilité de régulariser un étranger après dix ans de séjour en France.

M. Claude Goasguen - Non !

M. Jean-Christophe Lagarde - Quelle est l’alternative ? L’expulsion ?

M. Claude Goasguen - Exactement !

M. Jean-Christophe Lagarde – Monsieur Goasguen, M. le Ministre d’État lui-même nous a invités à envisager la politique de l’immigration sous un angle pratique. Nous n’avons pas les moyens d’expulser tous les clandestins de France. Sur les 100 000 reconduites à la frontière prononcées par an, 20 000 seulement sont exécutées.

M. Jacques Myard - Nous allons faire des efforts !

M. Jean-Christophe Lagarde – Savez-vous quel est l’objectif préfectoral de reconduite à la frontière en Seine-Saint-Denis ? 800 étrangers ! C’est ridicule ! Nous devons garder la capacité de régulariser des clandestins au bout de dix ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

En revanche, s’agissant du visa étudiant, je ne vois pas quel est le problème. Le ministre a dit très clairement qu’il correspond à un visa de longue durée et donne droit à un titre de séjour.

M. le Ministre délégué – Je ne peux pas laisser le débat prendre cette tournure. Quel est l’objet de l’article 2 ? Permettre à des étrangers de sortir de la clandestinité. Pour les titulaires d’un visa de moins de trois mois, nous avons mis au point une procédure d’exception avec l’Union européenne. Les autres, quel que soit leur statut, devront posséder un visa de long séjour. Ils seront donc clairement identifiés, ce ne seront plus des clandestins. Par ce dispositif, nous voulons signifier clairement que la France n’est pas laxiste et qu’une autorisation est nécessaire pour entrer sur notre territoire. J’ajoute que le visa de court séjour sera biométrique. Avec ce dispositif, il ne sera plus possible de passer entre les mailles du filet.

M. le Rapporteur – Le visa de plus de trois mois est un visa de long séjour. C’est le cas du visa étudiant. D’ailleurs, la loi prévoit qu’un titre de séjour peut leur être accordé même en l’absence de visa, à titre exceptionnel. Aux termes de L. 313-7 du code des étrangers, « en cas de nécessité liée au déroulement des études, et sous réserve d'une entrée régulière en France, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour même en l'absence du visa de long séjour requis. Sous les mêmes réserves, il peut également la délivrer à l'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis l'âge de seize ans au moins et qui poursuit des études supérieures ».

M. Bernard Roman - Autrement dit, vous vous contredisez !

Mme Christine Boutin - M. le Ministre d’État a insisté sur la nécessité de tenir un débat. Je veux y contribuer, même si je ne suis pas représentative de mon groupe sur ces questions. Comme M. Roman, j’avais compris qu’un étranger désirant se marier avec un Français serait désormais obligé de retourner dans son pays demander un visa de long séjour, ce qui implique une séparation pour une durée indéterminée. Les files d’attente sont parfois longues.

M. Claude Goasguen - Le mariage n’a pas encore eu lieu !

Mme Christine Boutin – Imposer cette séparation est paradoxal puisque la communauté de vie est un élément déterminant pour l’obtention d’un titre de séjour. Par ailleurs, ce voyage occasionne des frais importants et inutiles et fait courir des risques à ceux qui ont quitté leur pays pour des raisons politiques. Personne ne s’étonnera ici que je défendre l’institution du mariage. J’étais plutôt d’accord avec l’interprétation de M. Roman mais la réponse du rapporteur sur la carte de long séjour me satisfait. Je défendrai tout de même un amendement de repli !

M. Bernard Roman - Je demande une suspension de séance pour faire le point sur cette question importante et vérifier dans les codes la nature précise du statut étudiant, lequel semble permettre, à entendre M. Mariani, d’obtenir un titre de séjour sans visa de long séjour. Manifestement, le travail préalable sur ce texte n’a pas été suffisant et la motion de renvoi en commission de Patrick Braouezec était justifiée.

Première question de clarification : considère-t-on que la personne titulaire d’un visa étudiant qui se marie avec un Français est dispensée de l’obligation de visa de long séjour posée à l’article 2 ?

M. le Rapporteur – C’est le cas.

M. Bernard Roman - Tant mieux pour les intéressés, mais tant pis pour vous, car alors les demandes de visa étudiant vont exploser puisque ce sera le seul moyen de rester en France sans visa de long séjour !

Autre question : une personne qui entre en France avec un visa de tourisme et qui se marie avec un Français se retrouve-t-elle dans la même situation que le titulaire d’un visa étudiant ? Autrement dit, exigera-t-on d’une Irakienne entrée avec un visa de tourisme de moins de trois mois, qui viendrait à se marier avec un Français et qui aurait trouvé du travail chez nous, de retourner dans son pays pour demander au consulat de France sur place de lui délivrer un visa de long séjour ? Si tel est bien le cas, de telles pratiques sont indignes de notre République ! (Murmures sur divers bancs)

M. le Ministre délégué – Je conçois, Monsieur Roman, que de telles dispositions ne soient pas conformes à vos convictions mais, la réalité, c’est que nous sommes confrontés à une utilisation frauduleuse des visas de tourisme et du mariage… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

MM. Noël Mamère et Julien Dray – Mais non ! Vous exagérez !

M. le Ministre délégué - … et qu’en toute hypothèse, un visa de tourisme n’a pas vocation à vous autoriser à demeurer de manière permanente sur un territoire dont vous n’êtes pas ressortissant. Pour rester en France, même si vous vous êtes marié avec un Français, vous devrez retourner dans votre pays d’origine pour demander et obtenir un visa de long séjour. Telle est la législation dont nous vous proposons de doter notre pays (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Bernard Roman - Vous allez fabriquer de l’illégalité et vous le savez pertinemment !

M. le Rapporteur – J’appelle l’attention de MM. Dray et Roman – dont je ne mets pas en doute la bonne foi – sur le fait que les dispositions que j’ai citées figurent à la sous-section relative à la carte de séjour temporaire destinée aux étudiants. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Braouezec - Manifestement, la suspension de séance ne sera pas inutile. Ce qui est clair, et M. Estrosi l’a du reste indiqué à plusieurs reprises, c’est que l’objectif de cette loi est de résorber la clandestinité. On peut le faire en procédant à des régularisations (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), ou en renvoyant dans leurs pays les personnes que l’on ne juge pas en situation de rester. Avec cet article, vous allez créer de nouveaux sans-papiers. Mme Boutin, dont je ne partage pas toutes les valeurs,…

M. Claude Goasguen - Pacsez-vous !

M. Patrick Braouezec - …l’a évoqué. Il ne faut pas se cacher la réalité : une personne mariée avec un Français qui ne pourra pas obtenir sa régularisation ne retournera de toute façon pas dans son pays d’origine. Au reste, qu’avez-vous prévu pour régler les situations dans lesquelles la délivrance d’un visa de long séjour serait refusée ? Allez-vous forcer les couples à se séparer ? Il est inadmissible de compliquer la vie des gens à ce point, et plus encore de faire croire aux Français que certaines des difficultés qu’ils peuvent éprouver sont liées à ces situations tout à fait marginales et exceptionnelles.

La séance, suspendue à 23 heures 40, est reprise à 23 heures 55.

Mme la Présidente - Nous passons au vote (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Roman - Le sujet est important. Il semble que, sous réserve de quelques exceptions permettant à l’autorité administrative d’attribuer des cartes d’étudiant à des personnes qui ne disposent pas de visa de long séjour, la plupart des titres de séjour d’étudiants soient liés à des visas long séjour, lesquels sont renouvelés jusqu’à la fin des études. Avec cet article 2, seront obligés de disposer d’un visa long séjour toutes les catégories d’étrangers demandant un statut de long séjour, à l’exception des étudiants. Imaginons qu’un ressortissant français souhaite faire venir sa jeune épouse, résidant au Sénégal et titulaire du baccalauréat : la voie du regroupement familial étant difficile, elle peut obtenir son inscription à l’université de Bordeaux, par exemple, et dès lors, elle n’aura plus besoin de demander un visa long séjour pour regroupement familial.

Cet article me semble donc avoir été bricolé dans le seul souci d’un affichage idéologique.

M. le Ministre délégué – Les auteurs de ces amendements essaient de semer le trouble, mais notre objectif est clair : faire en sorte que l’on ne s’installe plus durablement sur notre territoire en situation clandestine. Nous y avons pourvu d’abord par les nouvelles dispositions sur les visas biométriques touristiques de moins de trois mois dans le périmètre Schengen, puis par cet article 2. Vous voulez que notre pays offre à tous ceux qui le souhaitent la possibilité de s’installer sans autorisation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Telle n’est pas notre conception de l’immigration.

L’article 2 prévoit donc que, pour demeurer dans notre pays de manière régulière, il faut obtenir auprès d’un de nos consulats un visa de long séjour de plus de trois mois. Vous avez voulu saisir le prétexte des visas délivrés aux étudiants. Une circulaire relative à la procédure d’instruction des demandes de visa de long séjour pour études a été adressée le 16 janvier 2006 aux chefs de postes diplomatiques et consulaires : sans visa de long séjour pour études, un étudiant étranger ne peut plus venir faire ses études en France et obtenir de carte de séjour pour étudiant. La réponse est claire. Avec le vote de l’article 2, il n’y aura plus de possibilité pour quiconque de se mettre en situation irrégulière (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. Patrick Braouezec – Je n’ai rien compris.

M. Julien Dray - Sans doute suis-je celui d’entre nous qui a eu à connaître, comme député, le plus de lois sur l’entrée et le séjour des immigrés.

M. Claude Goasguen et M. Yves Bur - Non !

M. Julien Dray - Chaque fois qu’on a débattu de ces questions, il a fallu reconnaître que des difficultés d’application survenaient inévitablement, compte tenu de la complexité des systèmes mis en place. Vous êtes vous-mêmes régulièrement contraints de revenir sur vos propres lois : j’ai rappelé l’épisode des fameuses lois Debré II venues invalider les lois Debré I.

Vous voulez durcir les conditions d’attribution de la carte de séjour, et vous choisissez pour cela de renvoyer les demandeurs dans leur pays d’origine, pour qu’un filtrage soit opéré dans les consulats par le biais de l’obtention des visas. Mais vous mettez à part un titre de séjour, celui qui concerne les étudiants. En fermant une porte, vous reportez en fait le problème sur les titres de séjour étudiant. Et la faille est dans votre dispositif : c’est le pouvoir discrétionnaire que vous avez sur l’attribution des cartes d’étudiant. Votre système ne peut donc pas marcher.

Les amendements 150, 270 et 485, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Noël Mamère - L’amendement 152 est un amendement de repli. Vous subordonnez l’obtention de la carte de séjour à la production d’un visa long séjour. Nous voulons revenir à la loi de 2003, qui prévoyait que l’obtention de la carte de séjour « peut être » subordonnée à la production de ce visa. Au nom d’une lutte obsessionnelle contre l’immigration clandestine, vous êtes en train de fabriquer encore plus de clandestins. Loin de mettre fin à l’existence d’irréguliers, cet article vise à chasser un certain nombre de gens de notre pays et à opposer de nouveaux obstacles à ceux qui veulent y vivre en famille. A y bien regarder, il sera plus facile à une Espagnole mariée à un Allemand de vivre en France, qu’à une étrangère mariée à un Français. Votre loi est un bricolage idéologique, un texte d’affichage que vous nous demandez d’adopter alors que tous les décrets d’application de la loi de 2003 ne sont pas encore publiés. A un an de l’élection présidentielle, cela ressemble plus à de la communication qu’à de la politique.

M. Serge Blisko - C’est cousu de fil blanc !

M. Noël Mamère - Vous dites que nous sommes passionnés : mais c’est vous qui suscitez les passions sur ce sujet, qui mérite mieux que des ambiguïtés.

Mme Christine Boutin - L’amendement 252 est identique. On touche là à la personne humaine : il est très difficile de réglementer l’amour (« Voilà ! » sur les bancs du groupe socialiste). Prétendre tout codifier est une démarche vouée à l’échec.

Les dispositions de l’article 2 vont accroître le nombre des sans-papiers. L’obligation de demander un visa de long séjour créera des difficultés presque insurmontables en termes de coût et de risque politique, si bien que les personnes concernées préféreront vivre dans l’irrégularité plutôt que de retourner dans leur pays d’origine pour obtenir un visa long séjour. Ce n’est pas parce que je défends – pour une fois – le même amendement que M. Mamère que nous ne pouvons pas avoir raison ! Après tout, d’autres pays européens nous montrent que ce type d’alliance peut fonctionner. (Sourires)

M. Julien Dray – Ah ! Ah !

M. le Rapporteur – Ces deux amendements sont en fait de nouveaux amendements de suppression rédigés différemment (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Le débat a déjà eu lieu ; le ministre a répondu. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le Ministre délégué – Le rapporteur a parfaitement raison. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Il n’est pas interdit à un étranger, fût-il clandestin, de se marier avec un Français. S’y opposer serait contraire à la Constitution. Simplement, un visa de long séjour est exigé des étrangers pour pouvoir vivre en France. La législation est la même, et depuis longtemps, dans la plupart des grands États européens – notamment au Royaume-Uni, en Allemagne et en Espagne.

M. Patrick Braouezec - Cela fait trois sur 25 !

M. le Rapporteur – Mais deux et demi à gauche !

Mme Christine Boutin - J’ai bien entendu vos propos, Monsieur le ministre, et je vais retirer cet amendement car j’appartiens à la majorité et je suis une femme loyale, comme le ministre d’État m’en a fait hier le compliment.

Il n’a jamais été dans mon intention de demander, sous une autre forme, la suppression de l’article 2. Je vous demande de croire à ma sincérité : il s’agissait bien pour moi d’un amendement de repli.

J’ignore quelle est la législation exacte en vigueur sur le sujet dans les pays européens que vous avez cités, Monsieur le ministre, mais je vous fais confiance. Je me demande seulement comment elle est appliquée dans les faits, car de toute façon, un homme et une femme qui ont envie de se marier…

M. Patrick Braouezec - Se marient !

Mme Christine Boutin - En effet. Faudra-t-il par exemple qu’une femme étrangère retourne dans son pays pour y demander un visa de long séjour, même si elle risque d’y être lapidée ?

Cela étant, je retire mon amendement pour faire preuve de solidarité.

M. Bernard Roman – Je le reprends.

M. Jean-Christophe Lagarde - Moi aussi, en faisant remarquer au passage au rapporteur que cet amendement ne revient pas au même que la suppression de l’article : il préserve par exemple la nouvelle carte de séjour Compétences et talents, innovation que je juge tout à fait intéressante.

Pour le reste, comment les étrangers concernés pourront-ils, une fois mariés, obtenir le visa de long séjour demandé puisque, obligés de retourner dans leur pays d’origine pour le chercher, peut-être pour longtemps vu les délais, ils ne rempliront plus la condition aujourd’hui exigée de vie commune pour obtenir un titre de séjour ? Cette mesure ne pourra pas être appliquée dans les faits.

La rédaction proposée dans cet amendement, « peuvent être » au lieu de « sont », me paraît préférable car elle renvoie certes au pouvoir discrétionnaire du préfet, mais au moins celui-ci pourra-t-il tenir compte de la réalité des situations.

M. Braouezec est convaincu que les mariages frauduleux sont marginaux. Je ne le pense pas. À Drancy, les enquêtes de suivi social ont montré qu’environ un quart des mariages célébrés entre un Français et un étranger en situation irrégulière étaient de complaisance, beaucoup de femmes se retrouvant seules une fois que leur conjoint a obtenu son titre de séjour. Il suffit, en cas de soupçon, que le maire s’oppose au mariage, nous dit M. Dray. Mais ce n’est pas possible : le maire peut seulement saisir le procureur de la République, et si celui-ci conclut après enquête que rien ne s’oppose au mariage, le maire est obligé de procéder à sa célébration. J’ai ainsi eu récemment à connaître du cas d’une jeune fille, manifestement faible d’esprit (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), s’apprêtant à se marier avec un clandestin. Comme il était de mon devoir d’officier d’état-civil, j’ai demandé une enquête au procureur, lequel m’a répondu qu’il n’y avait aucun problème. Or, la veille même de la célébration, l’Aide sociale à l’enfance ordonnait de retirer son enfant à la future épouse, qui venait d’accoucher quelques jours auparavant – et c’était le troisième enfant qu’on lui retirait. J’ai alors saisi de nouveau le procureur qui, cette fois, a interdit le mariage. C’est dire le sérieux des enquêtes puisque la première n’avait rien révélé, c’est dire aussi la difficulté des maires à s’opposer aux mariages. L’amendement de Mme Boutin, en renvoyant au pouvoir du préfet, permettrait de résoudre ces difficultés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’amendement présente au moins l’avantage de laisser la main aux pouvoirs publics et de leur donner une latitude d’appréciation dans des situations où, de toute façon, les étrangers concernés resteront sur le territoire – car qui peut croire qu’ils retourneront dans leur pays d’origine chercher un visa de long séjour, au risque de ne pas l’obtenir, alors que c’est dans notre pays qu’ils veulent vivre ? La situation qui résulterait de cet amendement est de loin préférable à vos dispositions, qui n’aboutiront qu’à créer des clandestins sans possibilité de régularisation. Une loi que les pouvoirs publics n’ont pas les moyens d’appliquer est plus dangereuse qu’une loi qui leur laisse un pouvoir d’appréciation.

M. Patrick Braouezec – Cet amendement de repli remplace une obligation par une possibilité, avec tout ce que cela peut avoir de discrétionnaire et d’arbitraire. Mais, comme notre collègue Le Bouillonnec, je pense que c’est néanmoins préférable, car on pourra ainsi mieux tenir compte des situations concrètes et régler des cas difficiles.

Tout en restant persuadé que les mariages de complaisance entre Français et étrangers en situation irrégulière restent marginaux par rapport aux mariages d’amour, je ne conteste pas les chiffres donnés par notre collègue Lagarde. Mais réalise-t-on les mêmes enquêtes sociales de suivi pour les mariages entre Français ? Elles donneraient peut-être les mêmes résultats ! D’une manière générale, en Ile-de-France, un divorce sur deux a lieu dans les trois premières années du mariage…

M. le Rapporteur – Cinq !

M. Serge Blisko – Je voudrais m’attarder un instant sur les raisons pour lesquelles nous avons repris l’amendement de Mme Boutin. On va chercher à contrôler la profondeur des liens affectifs entre un homme et une femme, dont le seul tort de l’un d’entre eux est de n’être pas Français. Cette suspicion, cette inquisition étonnent. On n’en demande pas tant à un couple franco-français…

M. Yves Bur – Quelle naïveté !

M. Serge Blisko - Et pourtant, le psychothérapeute de couple que je suis aurait des choses à dire… Mme Boutin a raison, le droit et l’amour n’ont pas grand-chose à voir.

De toute façon, que veut-on exactement ? Que l’intéressé reparte dans son pays et soit soumis à l’arbitraire d’un consulat – et tous ne se valent pas, Monsieur Goasguen. Ici ou là, il suffit de graisser la patte d’un employé, puisque la rareté crée toujours un marché noir. En laissant un pouvoir local mal contrôlé décider arbitrairement de l’avenir d’une femme ou d’un homme, vous créez des tentations. L’inspection générale des Affaires étrangères découvre sans cesse des réseaux, parfois bien médiocres. Faute de créer des conditions correctes pour vivre en France, on poussera ces gens dans la clandestinité avec toutes ses conséquences.

Les amendements 152 et 252 mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Christian Vanneste - La carte « compétence et talent » va permettre à des étrangers de faire valoir leurs capacités dans notre pays, puis dans le leur. Son obtention est soumise à celle d’un visa de long séjour. Notre amendement 347 permet à ceux qui sont déjà demandeurs d’asile d’en bénéficier. Ainsi nous ne resterons pas insensibles devant la misère qu’ont supporté un artiste cubain ou un scientifique de Corée du Nord qui auront fui des dictatures socialistes rétrogrades.

M. Patrick Braouezec - Pour prendre des exemples au hasard !

M. le Rapporteur - Nous assistons ce soir à des rapprochements originaux : tout à l’heure entre M. Mamère et Mme Boutin, maintenant entre M. Vanneste et M. Mamère, dont l’amendement 153 est proche du 347. La commission a émis un avis négatif sur ce dernier. L’idée en est généreuse. Mais on remplace ainsi un visa de long séjour par un récépissé de demande d’asile.

M. le Ministre délégué- Le récépissé est une autorisation provisoire de séjour pendant l’examen de la demande d’asile. Si elle est acceptée, le demandeur a droit automatiquement a une carte de résident de dix ans. S’il est débouté, c’est un étranger en situation irrégulière qui doit retourner dans son pays. Considérer le récépissé de demande d’asile comme un visa de long séjour serait tout à fait inapproprié. Avis défavorable. Mais peut-être retirerez-vous cet amendement ?

M. Christian Vanneste - Ces arguments rationnels viennent à bout de mon élan de sensibilité. Je retire l’amendement et je ne voterai pas celui de M. Mamère.

L'amendement 347 est retiré.

M. Jérôme Rivière - Les amendements 22, 23 et 24 de Mme Marland-Militello sont défendus.

M. le Rapporteur – L’intention en est louable. La France peut déjà refuser l’accès a toute personne qui présente une menace pour l’ordre public. Mais on ne peut demander un extrait de casier judiciaire : tous les pays n’en ont pas, et refusera-t-on l’accès à une personne condamnée dans son pays pour homosexualité par exemple ? D’autre part, il serait paradoxal de demander un billet de retour à un candidat à l’immigration permanente. La commission a rejeté ces amendements.

M. le Ministre – Les consuls doivent être vigilants et ne pas délivrer de visa de long séjour à des délinquants. C’est une instruction de bon sens qui leur est donnée. On ne peut demander la production d’extrait de casier judiciaire alors que certains délits, poursuivis dans le pays d’origine, ne le sont pas chez nous. On ne peut non plus exiger de billet de retour pour une demande de long séjour.

M. Jérôme Rivière - Devant ces arguments de bon sens, Mme Marland-Militello aurait sans doute retiré ces amendements.

Les amendements 22, 23, et 24 sont retirés.

M. Bernard Roman - Rappel au règlement. Monsieur le ministre, puisque des instructions sont données aux consulats pour ne pas accorder de visa à des délinquants, comment des membres notoires de la mafia russe peuvent-ils faire des acquisitions foncières de grande valeur dans le sud de la France, où ils séjournent plusieurs mois par an ?

M. le Ministre – Ce type d’opérations mafieuses existe partout, y compris sur les Champs-Élysées. Les ministres de l’Intérieur de l’Union européenne mettent en place des dispositifs, notamment grâce à la cellule Tracfin, pour lutter contre ces pratiques. Actuellement, toutes les forces de sécurité intérieure peuvent consulter le fichier Schengen 1. Le fichier Schengen 2, qui comprend les dix nouveaux entrants, ne serait consultable qu’aux frontières extérieures de l’Union. Mais la France, l’Allemagne et l’Italie demandent de pouvoir continuer à le consulter comme le fichier précédent. Nous poursuivons les trafics quels qu’ils soient et en tout lieu du territoire national – et peut-être dans le Nord également, Monsieur Roman.

M. Bernard Roman - Il n’y avait aucune arrière-pensée, mais la Côte d’Azur attire.

M. Noël Mamère - L’amendement 151 vise à exclure les demandeurs d’asile de l’obligation de visa de long séjour, qui leur impose un retour dans le pays qu’ils ont fui. Votre texte ne précise pas cette exception. L’amendement 153, bien différent, donne à la délivrance d’un récépissé de demandeur d’asile valeur de régularisation, et met notre législation en conformité avec la Convention de Genève de 1951. A ce titre, nous aurons l’occasion de revenir sur le problème des demandeurs d’asile et le rôle fâcheux de l’Ofpra qui verrouille leur entrée sur notre territoire.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. L’amendement 151 est inutile : soit le demandeur d’asile est débouté, auquel cas il doit quitter le territoire et il n’est pas question de lui offrir une situation plus favorable ; soit il obtient le statut de réfugié et une carte de résident, auquel cas l’article 2 ne le concerne plus ; soit encore il obtient la protection subsidiaire, auquel cas l’article 25 précise clairement qu’il n’est plus concerné par l’obligation de visa de long séjour. Il en va de même pour l’amendement 153 : le demandeur est soit débouté, soit admis comme réfugié.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. René Dosière - Ces précisions étaient bien utiles !

Les amendements 151 et 153, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 40 vise à obliger les consulats à délivrer un récépissé prouvant leur dépôt de demande de séjour aux conjoints de Français. Il arrive que les consulats ne répondent pas à ces demandes avant le délai de deux mois au-delà duquel le refus est implicite. Or, en l’absence de tout document officiel, les demandeurs ne peuvent rien prouver. Grâce à cet amendement, un recours sera désormais possible auprès de la commission de recours à Nantes, qui annulera forcément tout refus de visa de long séjour, puisque celui-ci doit être motivé.

M. Patrick Braouezec - C’est le bon sens.

M. le Ministre délégué – Excellent amendement.

M. Jean-Christophe Lagarde - Cet amendement exige-t-il des décrets d’application ?

M. le Ministre délégué – Non.

M. Bernard Roman - Le sous-amendement 474 élargit cette disposition aux enfants de ressortissants français.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

M. le Ministre délégué – Sagesse.

Le sous-amendement 474, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Roman - Le sous-amendement 473 vise à éviter qu’un piège ne se referme sur ceux qui seront, hélas, obligés de retourner dans leur pays pour demander un visa de long séjour afin d’obtenir leur titre de séjour de longue durée. Il est précisé que, sauf précautions d’usage, la délivrance d’un visa de longue durée est de droit.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Ce sous-amendement revient sur le principe même de l’article 2.

M. Patrick Braouezec - Pas du tout !

M. le Ministre délégué – Même avis : c’est exactement le contraire de ce que nous souhaitons.

M. Patrick Braouezec - C’est incroyable !

M. Claude Goasguen - Mais vrai !

M. Patrick Braouezec - Ce sous-amendement se justifie par la situation dans laquelle vous mettez les couples mariés. Il précise clairement que, sauf en cas de menace à l’ordre public, ou de fraude, ou d’annulation de mariage, les conjoints doivent pouvoir se réunir en France. Cette délivrance d’un visa de longue durée est de droit ! Sinon, vous avouez l’inavouable : souhaitez-vous donc que les mariés ne vivent pas ensemble durablement ?

M. Bernard Roman - Nous venons de voter l’obligation pour les consulats de délivrer un récépissé, seul document officiel apte à prouver que la demande de visa a bien été faite. Si le consulat ne répond pas dans les deux mois, le refus est implicite. Le sous-amendement propose de considérer que le visa est de droit pour les conjoints. Si vous refusez, c’est que vous voulez empêcher les couples mariés de vivre en France.

M. Noël Mamère - En outre, le rejet de ce sous-amendement, qui est conforme à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, rendrait le texte inapplicable au regard du droit européen.

M. Jérôme Rivière – L’article 8 ne concerne pas ce sujet !

Mme Marylise Lebranchu - S’il n’y a pas de menace pour l’ordre public en France, et s’il n’y a pas de fraude au mariage ou d’annulation, pourquoi refuser le droit au conjoint de revenir ? Quelle précaution a-t-on oubliée ?

M. le Ministre délégué – Ce sous-amendement pose deux problèmes. D’abord, il n’est pas cohérent avec l’amendement 40.

M. Patrick Braouezec - Mais si !

M. le Ministre délégué – Ensuite, sa rédaction est inappropriée : l’expression « de droit » est contraire à la volonté du Gouvernement de laisser toute liberté d’appréciation aux consuls. La délivrance ne peut être de droit (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Julien Dray - En cette heure avancée, la vigilance du ministre se relâche au point de nous dévoiler la vérité. Laisser toute liberté aux consuls, c’est ouvrir la voie à l’arbitraire le plus total !

M. Claude Goasguen - Les consuls ne sont ni des nababs, ni des satrapes : ils sont soumis à la loi !

M. Julien Dray - Dans une telle incertitude, personne ne sollicitera plus cette procédure ! Le sous-amendement 473 a le mérite de donner des garanties : aucun titre de séjour ne sera délivré à quiconque contrevient à la loi, ou s’il y a suspicion quant à son mariage. Ainsi, les choses sont claires ! Sinon, que feront les consuls ? Refuseront-ils les titres au gré des recommandations de verrouillage du ministre de l’intérieur ? Un tel décalage avec la Convention européenne des droits de l’homme ouvrira la voie à d’infinies possibilités de recours, et les contentieux se multiplieront. Le sous-amendement protège donc votre propre dispositif !

M. le Rapporteur – Sur le fond, nous sommes d’accord, puisque votre sous-amendement ne fait que rappeler l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Néanmoins, il est mal rédigé et mal placé : l’amendement 40 concerne le récépissé.

M. Jean-Christophe Lagarde – Quel est le but de ce sous-amendement ? Permettre à un étranger marié à un Français d’obtenir une carte de séjour au titre de la vie privée et familiale - normalement réservée aux étrangers qui ne sont pas mariés et ne sont pas sur le territoire français - lorsqu’il ne peut malheureusement pas rentrer dans son pays demander un visa. Sans cela, le dispositif que nous aurons voté ne sera pas applicable. Certes, ce sous-amendement est mal placé mais il serait sage que le Gouvernement le reprenne. Monsieur le Ministre, pouvez-vous en prendre l’engagement ?

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement ne peut être favorable à ce sous-amendement tel qu’il est rédigé et placé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). En revanche, nous sommes d’accord sur le fond. Je propose donc de le reprendre sous la forme suivante : « Le visa de longue durée ne peut être refusé à un conjoint de Français, sauf en cas de fraude au mariage ou de menace à l’ordre public » et de le présenter au Sénat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Braouezec – Pourquoi pas à l’Assemblée ?

M. le Ministre délégué – C’est impossible ! Nous sommes à la fin de la discussion de l’article 2 !

M. Patrick Braouezec - Celui-ci n’a pas été voté.

Mme la Présidente – Vous pouvez encore compléter l’article, Monsieur le Ministre.

M. le Rapporteur – La rédaction proposée par le Gouvernement est bonne. Créons un nouvel alinéa ainsi rédigé.

M. Jean-Christophe Lagarde – Il faut ajouter le cas de l’annulation du mariage.

M. le Ministre délégué – Très bien, procédons ainsi, mais il faut d’abord passer au vote de l’amendement 40.

Mme Marylise Lebranchu - Rien n’empêchait, au plan juridique, que l’on adopte le sous-amendement 473.

M. le Ministre délégué – Je ne m’oppose pas à ce que le nouvel amendement soit signé par les députés du groupe socialiste.

M. Claude Goasguen - C’est impossible !

M. le vice-président de la commission – L’amendement 40 et le sous-amendement 474 concernent tout deux le récépissé. Il en va autrement du sous-amendement 473 qui gagne donc à faire l’objet d’un amendement séparé à l’article 2, créant un troisième alinéa. La commission lève la forclusion afin que la signature des députés socialistes y figure. Ainsi aurons-nous réglé la question sur les plans juridique et politique.

M. René Dosière - Très bien.

M. Bernard Roman - Je prends acte de cet engagement et je retire le sous-amendement.

Le sous-amendement 473 est retiré.
L'amendement 40, sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Je mets à présent aux voix l’amendement 604 créant un troisième alinéa après l’article 2, ainsi rédigé : « Le visa de longue durée ne peut être refusé à un conjoint de Français, sauf en cas de fraude au mariage, d’annulation de mariage ou de menace à l’ordre public ». Il est signé par M. Roman et les membres du groupe socialiste.

M. Claude Goasguen - Non ! C’est impossible !

M. Bernard Roman - Quelle mesquinerie !

L'amendement 604, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre délégué – C’est la deuxième fois qu’il y a unanimité ce soir, signe que nous travaillons dans un esprit constructif !

L'article 2, modifié, mis aux voix, est adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 4 mai, à
9 heures 30.
La séance est levée à 1 heure 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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ordre du jour
du jeudi 4 mai 2006

NEUF HEURES TRENTE : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi (n° 2986) relatif à l’immigration et à l’intégration.

Rapport (n° 3058) de M. Thierry MARIANI, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3e Séance Publique

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

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