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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mercredi 10 mai 2006

Séance de 15 heures
91ème jour de séance, 215ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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questions au Gouvernement

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

clearstream

M. Nicolas Perruchot - Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et concerne le dossier Clearstream (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Charles Cova - On nous enquiquine !

M. Nicolas Perruchot - Depuis trois semaines, il ne se passe pas un jour sans que de nouvelles révélations, toutes plus estomaquantes les unes que les autres, soient rendues publiques. Chaque jour, les journaux publient des procès-verbaux d’auditions, des comptes rendus d’écoutes téléphoniques ou des photocopies de pièces saisies dans les perquisitions. Cette affaire plonge notre pays dans une tourmente politique aux conséquences gravissimes.

Après la déclaration du Président de la République, comment comptez-vous, pour autant que cela soit encore possible, assainir le climat empoisonné qui règne au sein de votre gouvernement et garantir que des fuites, systématiquement organisées, ne troubleront pas l’instruction et la sérénité de la justice ?

M. le Président – La parole est à M. Clément (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice  Je voudrais remercier M. Perruchot d’avoir rappelé à l’Assemblée, et à travers elle, à tous les Français, les principes d’une bonne justice : l’indépendance des juges – indispensable dans cette affaire – ; la présomption d’innocence – nous en inspirons-nous tous ? – ; le secret de l’instruction – plusieurs fois violé.

La justice et la démocratie sont construites sur ces trois principes fondamentaux et la confusion actuelle est née de ce que qu’ils n’ont pas été respectés. Si nous voulons pour notre pays la vérité et la sérénité, je ne peux qu’appeler à leur respect ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

situation des hôpitaux

M. André Chassaigne - Ma question concerne une autre tourmente, celle des hôpitaux. La fermeture sans délai de 113 blocs opératoires, préconisée par le professeur Valencien, suscite une vive émotion parmi les professionnels, les usagers et les élus locaux. C’est particulièrement le cas dans ma circonscription où deux hôpitaux, à Thiers et à Ambert, sont concernés. Cette émotion est encore amplifiée par la menace de fermeture qui pèse sur de nombreuses maternités, dont celle d’Ambert.

Les politiques de restriction des dépenses publiques accentuent depuis des années les inégalités sociales et territoriales. Elles viennent de prévaloir dans la rédaction de ce rapport. Sans doute n’avez-vous pas contesté ce document, Monsieur le ministre, car il se trouve dans la continuité du plan Hôpital 2007 et confirme que la marchandisation de notre système de santé est sur les rails (« La question ! » sur les bancs du groupe UMP).

Nos hôpitaux souffrent d’un sous-financement sans précédent, 1,5 milliard, équivalant à 23 000 emplois. Ce rapport fait la chronique de la mort annoncée des établissements de proximité, son auteur ayant affirmé qu’« il n’y a pas d’autres solutions que d’abolir le statut public de l’hôpital » et que « la France pourrait avoir 15 à 20 % de chirurgiens en moins, sans que cela nuise aux malades ». Si les recommandations de ce rapport étaient prises en compte, ce serait un coup terrible porté à nos territoires et à l’accès de tous aux soins de proximité.

Monsieur le ministre, face au scandale que suscite ce rapport, et au tollé provoqué par l’asphyxie budgétaire, donnerez-vous enfin aux hôpitaux les moyens financiers, humains et matériels garantissant l’exercice de ce droit fondamental qu’est la santé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Le rapport Valencien recommande, pour les hôpitaux effectuant moins de 2 000 actes par an, de considérer si la sécurité des patients et la qualité des actes sont bien assurés. C’est ce que je ferai, animé par la logique du sur-mesure. Je n’enterrerai pas ce dossier, pas plus que je n’ai de plan pour fermer 113 blocs chirurgicaux !

Vous le savez, puisque vous avez discuté avec les représentants de mon ministère au sein des agences régionales d’hospitalisation, et vous n’ignorez pas que, s’agissant des deux exemples que vous avez cités, il est prévu, non pas de fermer les services mais d’organiser des coopérations.

Il n’est pas question de faire des économies en fermant des établissements : les interventions chirurgicales devront de toute façon être prises en charge et remboursées par la sécurité sociale. En revanche, il importe de savoir si la qualité des actes et la sécurité des patients sont garanties. C’est dans cet esprit que nous travaillerons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

charte des stages en entreprise

M. Lucien Degauchy – Chacun connaît l’importance des stages, dont bénéficient la moitié des étudiants : marchepied vers la vie active, ils représentent une expérience fondamentale, dont il est à souhaiter qu’elle se développe encore.

Si, dans la plupart des cas, les employeurs font preuve de bonne volonté et de pédagogie, il convient de veiller à ce que les stages ne soient pas des emplois déguisés. Une charte, fruit de la concertation entre l’État, les confédérations patronales, les étudiants et les enseignants, a été signée le 26 avril. Monsieur le ministre de l’emploi, pouvez-vous nous préciser quelles garanties elle apporte désormais à nos étudiants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement - Vous avez raison, les stages sont à la fois un outil pédagogique et un outil d’insertion professionnelle. Encore doivent-ils le rester et ne pas devenir un contrat de travail déguisé. C’est la raison pour laquelle la loi pour l’égalité des chances a défini un certain nombre de règles : l’obligation d’une convention de stage, l’exonération de cotisations sociales jusqu’à 360 euros, et enfin l’obligation de rémunérer les stages d’une durée supérieure à trois mois, le montant de la gratification étant renvoyé à la négociation sociale. Par ailleurs, une charte a été signée par la plupart des organisations syndicales représentatives sous la houlette de Gérard Larcher. Elle entre aujourd’hui en application et prévoit le développement des stages, mais aussi leur sécurisation, avec une convention de stage, un suivi par un membre de l’équipe pédagogique, une évaluation, et une gratification obligatoire au-delà de trois mois. Ce travail qui a trouvé son aboutissement le 26 avril contribuera à rapprocher le monde de l’entreprise et celui de l’enseignement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

affaire clearstream

M. Bruno Le Roux - Depuis quelques semaines, nos concitoyens sont abasourdis par les échos de l’affaire d’État qu’est devenue l’affaire Clearstream. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Je vous interroge solennellement, Monsieur le Premier ministre. Nous avons posé des questions précises, qui relèvent toutes du fonctionnement normal de l’État républicain. Elles participent d’une double démarche : l’information du Parlement et sa fonction de contrôle de l’exécutif, mais aussi la nécessité de clarté pour nos concitoyens. Elles n’opèrent aucune confusion avec l’enquête judiciaire en cours, mais interrogent votre responsabilité politique. Vous n’y avez pas répondu. Nous ne nous satisfaisons pas du climat délétère que vous entretenez (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Les Français ne savent toujours pas pourquoi le ministre des affaires étrangères que vous étiez s’est mêlé d’une affaire relevant des ministres de l’intérieur et de la défense, ni pourquoi la justice n’a pas été alertée en temps et en heure des éléments d’information attestant une manipulation. Ils ne savent pas non plus pour quels motifs, à quelles fins et sous quelle autorité les services de renseignement ont été utilisés pour évaluer l’implication de personnalités politiques. Pas moyen de savoir, enfin, comment le secret défense sur les listings informatiques saisis au siège d’EADS et placés sous scellés a été levé sans passer par la commission du secret défense.

Jamais le sommet de l’État n’avait été plongé dans un tel climat de suspicion et de délation, sur fond de complot grossier. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Le Président de la République s’emploie aujourd’hui à répondre à ses ministres par voie de communiqué ; un ministre, numéro deux du Gouvernement, dénonce des « officines » et des « apprentis comploteurs cherchant à salir », tandis qu’un autre raille les préoccupations de carrière et les ambitions personnelles. L’État-UMP semble englué dans la fin d’un système, le chiraquisme. L’affaire Clearstream discrédite un peu plus, s’il en était besoin, l’action de votre gouvernement. Vous n’êtes plus en mesure de répondre aux attentes des Français, confrontés à des difficultés sociales croissantes. Il est temps de tourner la page. Allez-vous enfin prendre toute la mesure de la crise que vous avez créée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président – La parole est à M. Copé. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État - Sur l’affaire elle-même, il y a une exigence de vérité qui s’impose à tous, cela va de soi. Vous comprendrez aisément que, dans notre République, ce soit au premier chef le travail de la Justice. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Chacun sa mission dans la République !

En vous écoutant, Monsieur Le Roux, comme j’écoutais hier M. Quilès, et d’autres responsables socialistes la semaine dernière, je me demandais pourquoi nous avions droit, de manière aussi systématique, aux mêmes questions sur cette affaire. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Nous avons beau répondre, commenter, en parler, ce sont toujours les mêmes qui reviennent ! Ne soyons pas dupes : et si c’était, pour vous, une bonne manière de ne pas parler d’autre chose (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) – par exemple, de l’histoire de votre parti, des années Mitterrand (Interruptions et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) – ou de ne pas évoquer les sujets qui fâchent, comme les divisions de votre groupe politique ou les débats qui le traversent. Prenons l’exemple de la flexibilité du travail. Il y a quelques semaines, dans le Financial Times, Ségolène Royal (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) rendait hommage « au travail de Tony Blair, qui avait fait baisser le chômage en introduisant plus de flexibilité ». (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). C’était juste avant le CPE. Si Ségolène Royal était Anglaise, peut-être l’aurait-elle approuvé ! Voilà un débat que nous pourrions avoir : cela changerait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

socle commun de connaissances

M. Marc Joulaud - Notre assemblée a adopté en mars 2005, Monsieur le ministre de l’éducation nationale, le projet de loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école qui avait été présenté par votre prédécesseur, M. Fillon. Ce texte ambitieux entend relancer l’école et corriger les difficultés et les insuffisances constatées, pour construire une école plus juste qui mette d’abord l’accent sur la qualité de l’enseignement. Il a donc placé au cœur de ses priorités la réussite de tous les élèves.

En effet, si notre pays dépense plus que la moyenne des pays européens pour la formation initiale, et si le budget de l’éducation nationale est en constante augmentation, 150 000 jeunes quittent encore chaque année le système scolaire sans diplôme ni qualification, et 80 000 élèves entrent en sixième sans savoir correctement lire, écrire ou compter. La proportion des bacheliers diminue et nous sommes en retard sur nos voisins pour l’apprentissage des langues étrangères. Réduire l’échec scolaire en garantissant à chaque élève la maîtrise des savoirs indispensables constitue un enjeu majeur pour notre pays. C’est le principe du socle commun de connaissances que vous venez de présenter. Pouvez-nous en préciser les grandes lignes ? Comment et dans quels délais sera-t-il mis en œuvre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche - La loi d’orientation sur l’école se met en place dans des conditions satisfaisantes. Vous n’entendez sans doute plus parler du remplacement des professeurs absents : grâce à la loi que vous avez votée, voilà un problème réglé !

M. Patrick Roy – Les professeurs ne sont pas remplacés !

M. le Ministre - Le socle commun de connaissances et de compétences, sur lequel le Haut conseil de l’éducation travaille depuis novembre, a aussi fait l’objet d’une large concertation avec les partenaires sociaux, ainsi que des recommandations de la commission Périssol et du rapport Rolland. Il sera soumis à votre commission des affaires culturelles dans quelques jours. Il comprend sept piliers : la connaissance de la langue française, les bases scientifiques et mathématiques, dont les règles élémentaires de calcul, une langue étrangère vivante, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, la culture humaniste, les compétences sociales et civiques et l’esprit d’initiative. Le décret sera publié d’ici la fin du mois de juin.

Cette réforme constitue un véritable acte refondateur pour l’éducation nationale : un tel ensemble de textes s’était accumulé depuis Ferry, qu’il était plus qu’urgent d’y remettre de la cohérence. Ce sera fait dans les jours prochains et je remercie tous ceux qui ont voté ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

permanence des soins

M. Jacques Le Guen – La permanence des soins a été réorganisée il y a un an, à la suite d’un décret et d’un accord conventionnel entre assurance maladie et syndicats de médecins. Les gardes et astreintes des médecins libéraux ont été revalorisées, pour les inciter à s’impliquer davantage dans ce dispositif basé sur le volontariat. Depuis, des progrès ont été constatés, mais ils sont inégaux sur l’ensemble du territoire. Tous les départements doivent pourtant bénéficier de ces améliorations. Jeudi dernier, vous avez réuni, Monsieur le ministre de la santé, l’ensemble des acteurs. Pouvez-vous détailler les dispositions qui vont être prises pour garantir un meilleur fonctionnement du dispositif sur tout le territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités La permanence des soins, c’est s’assurer que nos concitoyens qui ont un problème de santé trouveront toujours une solution si leur cabinet médical est fermé. Il nous appartient de faire en sorte qu’il y ait toujours quelqu’un au bout du fil, hospitalier ou libéral. Depuis un an, les choses se sont améliorées, mais il faut encore progresser. C’est l’objectif que tous les acteurs, sans exception, se sont fixé.

La semaine dernière, nous avons pris des décisions dont plusieurs répondent aux souhaits exprimés par les parlementaires, à l’occasion notamment du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les préfets pourront dorénavant déclencher la permanence des soins dès le samedi après-midi, et cette permanence sera renforcée les jours fériés et en cas de pont, pour éviter les problèmes que nous avons connus ces dernières années. Les maisons médicales de garde seront évaluées, les procédures simplifiées et le financement rendu pluriannuel – je souhaite pouvoir le porter à trois ans, sans formalités et avec davantage de lisibilité pour les professionnels. Une campagne d’information sera aussi lancée sur l’usage du centre 15 et du 15, pour créer les bons réflexes, et nous travaillons avec les dentistes pour qu’à partir de la rentrée, une permanence existe le week-end dans chacun des départements.

La permanence des soins, c’est un droit. Nous sommes en train d’en faire une réalité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

commémoration de l’abolition de l’esclavage

M. Eric Jalton – Monsieur le Premier ministre, la France commémore aujourd’hui, enfin, les victimes des traites négrières et de l’esclavage en même temps que son abolition. Il n’aura pas fallu moins de quatre longues années pour que le Président de la République se décide à appliquer la loi du 21 mai 2001, votée sous le gouvernement de Lionel Jospin, et qui reconnaît l'esclavage comme un crime contre l'humanité.

La loi prévoyait que serait choisi un jour de mémoire en métropole, non plus pour les seuls abolitionnistes, célébrés à juste titre depuis des décennies, mais aussi pour les victimes des traites, ces femmes et ces hommes dont bon nombre de nos compatriotes, notamment en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à la Réunion, sont les enfants. Le choix de cette journée a pu faire débat, mais si les dates de commémoration diffèrent selon les territoires et les consciences, le souvenir est partout le même. C'est donc la nation toute entière qui désormais, tous les 10 mai, rendra hommage aux victimes de l'esclavage dans une commémoration unanime.

L'abolition de l'esclavage est un des principes fondateurs de notre République, comme le rappelait le Président de la République tout à l’heure dans les jardins du Luxembourg. Rien ne doit venir ternir le nécessaire devoir de mémoire, pas même les provocations de quelques parlementaires UMP concernant l'article 2 de la loi Taubira (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). L'histoire de notre pays a ses heures de gloire et ses zones d'ombre. Nous la partageons. Il ne s'agit pas pour la France de faire repentance, mais de comprendre toutes les pages de son histoire pour mieux unir la communauté nationale. Pouvez-vous, Monsieur le Premier ministre, nous assurer de votre détermination à mieux faire partager et respecter cette mémoire et à œuvrer ainsi pour une plus grande fraternité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président – La parole est à M. Baroin (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer – Cette journée est très importante pour nous tous, essentielle pour les enseignants et les enfants. Dans l’esprit qui a conduit la représentation nationale unanime à voter la proposition de loi de Christiane Taubira, que je salue ici (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), c’est une double mémoire qu’il faut honorer à la date choisie par le Président de la République sur proposition du comité pour la mémoire de l’esclavage et des traites négrières : celle de l’esclavage et celle de son abolition. Cette double mémoire doit nous inspirer pour faire comprendre aux jeunes Français à la fois notre histoire commune et sa portée universelle – car, au-delà de la date elle-même, qui, c’est vrai, était importante pour beaucoup d’Antillais, c’est cette dimension qu’il faut considérer. La décision du Président de la République a placé la France au premier rang des nations reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité, une histoire qui malheureusement perdure dans d’autres pays actuellement. C’est donc autant un message d’avenir et d’espérance que de lutte et de conquête. Si notre République est issue de ses conquêtes passées, l’humanité et la citoyenneté partagées seront issues des conquêtes futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

pme-PMI

M. Jean-Jacques Gaultier - Une enquête publiée ce matin démontre la bonne vitalité de nos PME-PMI, tendance qui s’est encore consolidée ces derniers mois.

Par ailleurs, le baromètre BPLG-AFP qui donne des indications plus précises en matière de chiffre d’affaires, d’emploi, de rentabilité, d’investissements, indique que les chiffres d’avril sont très proches de ceux de février, où ils avaient atteint leur plus haut niveau depuis trois ans. Les résultats sont particulièrement bons en matière d’emploi dans les services, pour le troisième mois consécutif, les entreprises recrutent davantage qu’elles ne réduisent leurs effectifs. Monsieur le ministre chargé des petites et moyennes entreprises, pouvez-vous nous confirmer cette tendance, dresser le bilan des mesures prises depuis 2002 et nous dire quelles initiatives compte prendre le Gouvernement pour soutenir la croissance de nos PME-PMI ?

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales – Derrière les rumeurs qui assourdissent actuellement les Français, ce gouvernement et sa majorité obtiennent des résultats. Or, les rumeurs disparaîtront, les résultats resteront (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le taux de chômage va tomber en-dessous de 9 % cette année, la création d’entreprises n’a jamais été aussi dynamique, le nombre de contrats d’apprentissage a augmenté de 10 % et l’investissement industriel atteindra vraisemblablement 6 % cette année, niveau inégalé depuis 2002. C’est dire le dynamisme actuel de notre économie. Dans ce contexte, nous souhaitons bien sûr soutenir celles de nos PME-PMI qui connaissent la croissance la plus forte. Le Premier ministre rencontrera demain deux mille « Gazelles », ces PME-PMI françaises dont le chiffre d’affaires a triplé ces deux ou trois dernières années et qui ont créé de 30 000 à 40 000 emplois. Dans la perspective de les accompagner encore mieux, il annoncera demain de nouvelles mesures en leur faveur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

grÈve administrative des directeurs d’École

M. Dominique Le Mèner – De nombreux directeurs d’école, dont les missions se sont alourdies et complexifiées, sont en grève depuis plusieurs années. Parmi leurs revendications figurent notamment l’obtention de décharges de cours, une aide administrative et un véritable statut, leur permettant d’assumer au mieux leurs responsabilités. Ils ne sont en effet dispensés d’enseigner que si leur établissement compte au moins treize classes. Si celui-ci en a entre cinq et treize, ils bénéficient de décharges d’heures de cours, pouvant aller jusqu’à un mi-temps, mais s’il a moins de cinq classes, ce qui est le cas de la majorité des écoles, ils n’ont aucune décharge. Pour assurer leurs fonctions, ils ne disposent pas de secrétaire et ne reçoivent qu’une indemnité annuelle, bien maigre au regard des efforts qu’ils consentent. Cette absence de moyens et de reconnaissance entrave le bon fonctionnement de notre système éducatif. Monsieur le ministre de l’éducation, quelles mesures a-t-on prises à l’intention de ces directeurs d’école afin de concilier au mieux la gestion administrative des établissements et la qualité de l’enseignement qui y est dispensé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – Voilà dix ans qu’un conflit existait, voilà sept ans que les directeurs d’école avaient engagé une grève administrative, dont les députés-maires avaient été nombreux à se plaindre à moi tout en recherchant les solutions possibles. J’ai le plaisir de vous annoncer que ce matin même, nous avons pu signer un protocole d’accord avec l’UNSA (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Celui-ci prévoit que, désormais, tous les directeurs d’école de quatre classes seront déchargés une journée par semaine afin d’assurer leurs tâches administratives, organiser les relations avec les parents ou bien encore avec les communes. Leur remplacement sera assuré par un professeur des écoles stagiaire en IUFM. Les directeurs seront également désormais aidés : dans le cadre du plan Borloo visant à activer les dépenses sociales, c’est-à-dire sans créer de postes supplémentaires, les directeurs pourront recruter des personnes en contrat aidé sur des « emplois de vie scolaire », pour assurer des tâches administratives. Enfin, l’indemnité qui leur est allouée, aujourd’hui modique, sera pour tous majorée de 20 %, façon de reconnaître le travail supplémentaire qu’ils accomplissent. Ce conflit trop long a donc trouvé une issue heureuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Situation de france-Soir et de la presse FRANÇAISE

M. Michel Françaix - Ma question s’adresse au ministre de la culture et de la communication qui est aussi le ministre par intermittence de la presse et de l’écrit (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Notre presse quotidienne d’opinion va mal. Diminution du lectorat, chute des recettes publicitaires, réduction du nombre de points de vente, essor des titres gratuits et d’internet : les difficultés de la presse généraliste quotidienne, dans notre pays, sont structurelles.

Depuis le 13 avril, France Soir, figure historique et emblématique de la presse, n’a pas paru. Alors que 122 salariés luttent pour sauver le titre, la cour d’appel de Douai rendra demain son jugement. Sans préjuger de la décision de la justice ni de l’existence d’un magot caché de 40 millions d’euros – décidément, évasion fiscale, quand tu nous tiens ! –, pouvez-vous, Monsieur le ministre, vous satisfaire d’un France Soir sans pages culturelles ni politiques, faisant fi des exigences de rigueur et de qualité posées par Pierre Lazareff, pour verser dans la presse à sensation ? Est-ce donc une fatalité dans notre pays que les patrons de presse, bien souvent marchands d’armes, utilisent l’écrit pour réaliser des coups boursiers, servir des enjeux de pouvoir ou détourner de l’argent ? N’est-il pas contradictoire de prétendre faire des journaux sans journalistes ? Ne croyez-vous donc plus à la presse populaire d’information générale ? Peut-on se contenter d’une presse réduite à deux ou trois titres puisque M. Lancelot, dans le rapport qu’il a élaboré en service commandé, estime que notre paysage médiatique n’avait pas atteint un degré de concentration excessif ? Ne serait-il pas temps de réorienter les aides à la presse, dont le dispositif s’essouffle, vers les entreprises qui concourent au pluralisme ?

Monsieur le ministre, resterez-vous spectateur ou prendrez-vous les mesures fortes et immédiates qui seraient nécessaires pour redonner vie à France Soir et, d’une manière générale, à la presse écrite dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président – La parole est au Garde des Sceaux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice  Comme vous le savez, M. Donnedieu de Vabres est actuellement retenu au Sénat où il défend le projet de loi relatif au droit d’auteur dans la société de l’information.

Si la presse d’information générale, le plus souvent quotidienne, est en crise dans notre pays, la presse périodique, elle, y est florissante, comme en témoigne la naissance de plus de huit cents nouveaux titres l’an passé. Dans ce contexte, que fait le Gouvernement ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe socialiste) Non, vous avez tort. Le budget pour 2006, grâce à ceux qui ont bien voulu le voter, comporte 280 millions d’euros d’aides à la presse, lesquelles sont essentiellement orientées vers la presse d’information politique et générale.

S’agissant de France Soir, le Gouvernement attend sereinement l’audience de la Cour d’appel de Douai qui aura lieu vendredi. Seule la justice est habilitée à choisir les futurs dirigeants du journal, qui pourra continuer à compter sur l’aide gouvernementale s’il reste un journal d’information générale et politique. Je rappelle d’ailleurs que le soutien au fonctionnement de France Soir s’élevait à environ 2,5 millions d’euros l’an dernier.

Vous voyez que le Gouvernement est très sensible à l’existence d’une presse aussi générale que pluraliste. Notre aide est orientée par ce souci, que vous partagez également.

halde

Mme Geneviève Levy - Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances. L'année dernière, a été installée la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, qui a pour mission de veiller à l’égalité des droits de chacun face aux discriminations, qu'elles soient liées aux origines, à la religion, au sexe, à l'âge, au handicap ou aux orientations sexuelles. L’objectif qui lui est assigné est donc de garantir à chacun le respect de sa dignité et de ses droits.

À cette fin, la Haute autorité dispose de l'ensemble des moyens disponibles pour agir. La loi sur l’égalité des chances a reconnu un pouvoir de sanction à cette instance, que doivent saisir tous ceux qui s'estiment victimes de discriminations.

Le 2 mai dernier, M. Louis Schweitzer, son président, a remis le rapport annuel de la Haute autorité. Pourriez-vous nous dire, Monsieur le ministre, quelles conclusions vous en avez tirées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances - Comme vous l’avez rappelé, le président Louis Schweitzer a remis la semaine dernière son rapport annuel au Président de la République et au Premier ministre. Ce rapport montre à quel point il était urgent de créer la Haute autorité, et combien notre combat contre ce poison social que sont les discriminations doit être connu de tous. C’est en effet la confiance dans nos institutions républicaines qu’il permet de relancer.

En un an, deux mille plaintes ont été déposées à la HALDE, et le rythme croît régulièrement. Cela signifie qu’un réflexe républicain est en naître chez nos concitoyens, auxquels nous adressons ce message : « Si vous vous sentez victime d’une discrimination, ne jetez pas l’éponge. Contactez la HALDE, véritable instrument pour la citoyenneté active. » Un tel mouvement civique montre à quel point nous avons eu raison d’adopter cette loi pour l’égalité des chances.

Les agents de la HALDE, qui sont assermentés, peuvent désormais sanctionner pécuniairement les auteurs de discriminations avérées, et les tests à l’improviste ont été légalisés. A l’instar des portes de l’emploi, ce sont les portes des lieux de loisir, des agences de location immobilière et celles des grandes écoles, c’est-à-dire toutes les portes de France, qui doivent être ouvertes à toutes et tous les Français. Le Gouvernement s’y emploie sans relâche depuis un an, et tel est le message que je suis allé porter samedi dernier à Nevers, au milieu des trois mille personnes qui ont manifesté silencieusement pour dire « non » aux discriminations, « non » aux violences, mais « oui » à une justice pour tous et « oui » à la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Police municipale

Mme Michèle Tabarot – Ma question s’adresse au ministre délégué aux collectivités locales. Élue d’une région qui compte 20 % des effectifs de police municipale, je suis particulièrement sensible aux évolutions de cette profession, qui est désormais le troisième pilier de la sécurité publique en France. Durant les évènements de novembre dernier, la bonne coordination entre la police nationale, la gendarmerie et les polices municipales a été un élément décisif dans le retour au calme de nos banlieues et de nos villes.

Les maires qui disposent d’une police municipale connaissent les difficultés que rencontrent les agents sur le terrain, mais aussi le courage et la volonté dont ils font preuve au quotidien pour assurer la sécurité des administrés. Il est aujourd’hui nécessaire de renforcer l’attractivité de ce métier, et de donner plus de cohérence à ses missions.

Sur ce point, vous avez récemment signé avec plusieurs organisations syndicales un protocole d’accord relatif à la professionnalisation des polices municipales. Pouvez-vous préciser à la représentation nationale le contenu de cet accord, Monsieur le ministre, et nous indiquer s’il s’accompagnera d’un effort particulier pour la formation ? Par ailleurs, ce protocole permettra-t-il de renforcer les pouvoirs des maires dans la lutte contre la délinquance, leur permettant de mieux faire respecter l’ordre, la sécurité et la tranquillité publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales – Votre expérience de premier magistrat du Cannet vous a permis de mesurer parfaitement les évolutions et les transformations qui ont touché la police municipale.

En vingt ans tout a changé. Le nombre de communes dotées d’une police municipale a doublé, pour atteindre aujourd’hui 3 300. Les effectifs ont également triplé, puisqu’ils s’établissent désormais à 17 000 hommes, auxquels il faut ajouter les gardes champêtres et les agents de surveillance de la voie publique. Enfin, les missions ont changé : aujourd’hui, les policiers municipaux peuvent efficacement seconder les officiers de police judiciaire et sont habilités à verbaliser la quasi-totalité des contraventions au code de la route.

Pleinement conscient de cette évolution, le Gouvernement l’a accompagnée depuis 2002, notamment en améliorant l’équipement disponible – véhicules, flashballs et tonfas par exemple. Tout avait donc changé, sauf l’organisation administrative de la police municipale. Des négociations s’étaient engagées il y a deux ans, et elles ont abouti le 25 avril, grâce à un accord passé avec les trois grandes centrales syndicales, qui représentent la majorité des effectifs de police municipale.

Première avancée : en créant des postes de directeurs de la police municipale, qui seront les interlocuteurs naturels des commissaires et des officiers de police judiciaire, nous offrons des perspectives de carrière à certains agents. Un effort de formation sera en outre consenti en direction des agents de catégorie C, qui représentent 96 % des effectifs totaux.

Voilà qui démontre que le dialogue social est possible dans notre pays, et qu’avec le Premier ministre et autour de Nicolas Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), nous répondons chaque jour de mieux en mieux aux aspirations de nos concitoyens à plus de sécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 15 heures 50, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Dosière.
PRÉSIDENCE de M. René DOSIÈRE
vice-président

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immigration et intégration (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration.

Art. 31

M. Bernard Roman - Le nombre de personnes concernées chaque année par le regroupement familial est stabilisé depuis 2000 entre 21 000 et 25 000. Pour moitié, il s’agit d’enfants. Le chiffon rouge que certains agitent à propos de familles nombreuses qui rejoindraient leur père immigré n’est donc qu’un prétexte : pour chaque conjoint, il entre 1,2 enfant. De même, le spectre menaçant les allocations familiales est vain, puisque celles-ci ne sont plus prises en compte dans le décompte des ressources exigées.

La loi 2006 exclut également de ce calcul différentes prestations sociales, du RMI à l’allocation supplémentaire d’attente. À cet égard, pourriez-vous préciser, Monsieur le ministre, combien de personnes ont bénéficié d’une mesure de regroupement familial alors que ces prestations étaient prises en compte dans le calcul de leurs ressources ? Autrement dit, s’agit-il ici d’une mesure significative ou d’un simple affichage ?

M. Patrick Braouezec – M. Roman l’a dit : 25 000 personnes entrent chaque année en France grâce au regroupement familial, dont une moitié d’enfants. Il ne s’agit donc ni d’une invasion ni même d’un enjeu particulier, d’autant plus que le projet de loi comporte plusieurs mesures qui vont permettre de « maîtriser » ce phénomène.

La véritable raison d’être de l’article 31 est de jeter le doute sur ces étrangers qui, selon certains, viendraient profiter des prestations sociales et familiales dans notre pays. Or, nous savons bien que ceux qui bénéficient d’une mesure de regroupement familial tout en cumulant certains de ces revenus, sont très minoritaires. La suspicion qu’instaure cet article à l’égard des étrangers ne correspond en rien au prétendu danger qu’il faudrait éviter. Quant à ceux qui ne perçoivent qu’un seul revenu, ce sont les plus précaires d’entre eux, qui seront handicapés par les mesures que vous proposez.

M. Claude Goasguen – Souvenez-vous du débat que nous eûmes en 1997 et 1998 à propos de la loi Chevènement : il était question, comme je le rappelais hier, de supprimer des dispositions de la loi Pasqua qui prévoyaient explicitement que seuls les revenus du travail – au moins égaux au SMIC – permettaient d’avoir accès aux mesures de regroupement familial.

La loi Chevènement, – reprise par la loi de 2003 malgré un amendement que j’avais présenté – permettait de tenir compte dans les revenus du RMI et de différentes prestations sociales pour peu que le total soit voisin du SMIC. Donc un individu n’ayant pas de ressources de travail suffisantes pouvait néanmoins avoir droit au regroupement familial. C’est contraire à la convention internationale, dont l’objectif est de faire venir les familles de ceux qui sont des travailleurs.

De même sur le logement, après un long débat, M. Chevènement avait accepté l’idée qu’il fallait un logement convenable pour accueillir la famille. Mais les services du ministère de l’intérieur n’étant pas en mesure de le contrôler efficacement, le contrôle fut confié aux mairies, et M. Chevènement nous dit qu’une simple déclaration de demande de logement suffisait pour bénéficier du regroupement familial.

En 1999 vous avez donc abrogé les règles solides encadrant le regroupement familial. De ce fait, vous êtes grandement responsables du détournement de cette procédure. Dans le prolongement de la stabilisation opérée en 2003, nous posons une règle de bon sens : un individu qui vient travailler peut et doit bénéficier du regroupement familial sous réserve qu’il puisse nourrir et loger décemment son conjoint et ses enfants. Ce n’est pas une démarche idéologique, mais de bon sens. Nous respectons bien mieux que vous les intentions profondes de ceux qui ont élaboré la convention internationale sur le regroupement familial en donnant aux travailleurs les possibilités de gérer sa vie familiale plutôt qu’en ouvrant largement les frontières et en imposant des charges supplémentaires à l’assistance sociale.

M. Patrick Braouezec - Ils sont 12 000 par an !

M. Claude Goasguen - Ce que vous proposez, c’est le contraire de la politique d’intégration que souhaite le Gouvernement.

M. Jérôme Rivière - Très bien !

M. Noël Mamère – Je pensais que nos travaux deviendraient plus sereins. Mais l’intervention de M. Goasguen est …

M. Bernard Roman - Une provocation !

M. Noël Mamère - …irritante, pour ne pas dire plus.

M. Claude Goasguen - Elle ne vous plaît pas.

M. Noël Mamère - Depuis le début du débat, on nous renvoie au bon sens. Qu’est-ce que le bon sens ? Réduire la capacité de regroupement familial, se placer en deçà des conventions internationales et de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme ?

M. Claude Goasguen - C’est faux !

M. Noël Mamère - C’est faire passer les familles d’immigrés pour des profiteurs venus prendre l’argent des Français et chercher une couverture sociale ?

M. Claude Goasguen – Nous n’avons jamais dit cela !

M. Noël Mamère - En présentant cette situation comme attentatoire aux libertés des Français, vous ne faites que monter une partie du pays contre l’autre. Vous êtes des pyromanes avec ce texte d’affichage et de braconnage sur les terres de l’extrême droite. Mais vous ne convaincrez pas les Français, même en recourant à des sondages dont les questions sont du reste orientées, que ce texte est ferme et juste. Non, ce projet est injuste et répressif.

M. Julien Dray - M. Mamère a raison en ce qui concerne la tonalité des débats. Mais à l’évidence, deux options s’affrontent. Le bon sens est le pire des métaphysiciens, a dit un auteur célèbre. Or nous ne sommes pas ici dans le domaine de la métaphysique et de la croyance, et l’on ne peut justifier une politique sur la foi d’évidences. Assumez cette politique, cette idéologie libérales. Puisque vous êtes de toute façon dans une démarche de refondation, ne reniez pas votre identité.

M. Claude Goasguen - En l’espèce, c’est vous qui êtes libéraux !

M. Julien Dray - Faire des flux migratoires des marchandises, telle est votre idéologie. Nous sommes en total désaccord, d’autant que cela provoquera une ghettoïsation et des malheurs supplémentaires.

Quant au détournement de procédure, où le voyez-vous ? Les préfectures crouleraient-elles sous les demandes ? Pas du tout. Il y a une progression régulière parce que les immigrés se stabilisent. Dès lors, pourquoi compliquer le parcours ? Du reste, s’il y avait vraiment détournement de la procédure, le fameux bon sens commandait d’y mettre fin dès 2002, ou 2003.

M. Claude Goasguen - Mieux vaut tard que jamais.

M. Julien Dray - Oui, surtout à l’approche des élections !

M. Jérôme Rivière - On peut avoir des conceptions différentes, la vôtre libérale et laxiste, la nôtre, conservatrice des intérêts de la France. Mais de là à parler de texte « injuste et répressif » ! Plutôt que sur l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme, le texte est fondé sur l’article 3, qui mentionne des traitements « inhumains et dégradants ». Ce que ses auteurs avaient à l’esprit en 1950, c’étaient les atroces barbaries nazies et les abominations staliniennes en cours. Comment leur comparer les restrictions imposées aujourd’hui pour préserver le bien-être économique de notre pays ? Vous caricaturez. Nos compatriotes comprennent que les mesures raisonnables que nous prenons sont destinées à préserver les intérêts du pays, par une maîtrise des flux à la baisse.

M. Noël Mamère - Notre amendement 180 est de suppression pour les raisons que nous avons dites. Monsieur Rivière, c’est votre projet qui est une caricature. Nous, nous essayons de démonter le meccano de l’exclusion que vous avez monté avec le ministre de l’intérieur. Vous pouvez toujours expliquer, avec force circonlocutions, que vous faites ce qu’il y a de mieux pour accueillir les étrangers dans notre pays, personne ne vous croit. Les trois articles sur le regroupement familial sont la meilleure illustration de votre philosophie qui consiste à ne conserver qu’une immigration utilitaire, de gens taillables et corvéables à merci, qui, lorsqu’ils n’auront plus de contrats de travail, seront jetés comme des kleenex. S’agissant du regroupement familial et de la vie privée et familiale, vous laissez le préfet décider comme il veut, avec en plus l’avis du maire de la commune d’accueil. Vous renforcez l’arbitraire, vous soupçonnez tous les immigrés d’être des tricheurs et des profiteurs, vous faites des étrangers des indésirables.

M. Patrick Braouezec - Notre amendement 529 est également de suppression. Selon M. Rivière, ces 10 000 femmes et enfants qui viennent au titre du regroupement familial menaceraient notre économie. À qui le fera-t-il croire ? Et vous insinuez qu’un certain nombre de regroupements familiaux se faisaient en tenant compte de prestations sociales et familiales. Mais celles-ci étaient marginales.

Vous le savez très bien, mais vous suspectez a priori les travailleurs migrants de venir profiter de nos prestations familiales.

Par ailleurs, l’alinéa 4 n’est pas clair. J’aimerais savoir comment et selon quels critères objectifs le préfet ou l’autorité de tutelle appréciera si le demandeur se conforme aux principes qui régissent la République française. Le maire devra-t-il, là encore, donner son avis ? Faudra-t-il enquêter sur le comportement de la personne ?

M. Claude Goasguen - C’est l’intégration qui compte !

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois - Permettez-moi de faire un point : nous avons examiné 322 amendements, 108 dont 10 de l’opposition ont été adoptés, 256 restent en discussion.

M. Julien Dray - C’est un bon rythme, et vous savez que c’est la tortue qui a fini par gagner !

M. le Rapporteur – Il existe en effet deux conceptions de l’immigration, dont aucune n’est infâmante. Pour notre part, nous avons fait le choix de l’immigration choisie et de l’intégration réussie. Vous avez raison lorsque vous expliquez que les chiffres du regroupement familial n’ont pas explosé.

M. Bernard Roman - Pourquoi donc changer ?

M. le Rapporteur – De 20 000 personnes en 1998, nous sommes passés à 27 000 en 2002 puis – avec la loi Reseda – à 22 000 en 2005. Le regroupement familial a donc été stabilisé.

Nous souhaitons que les étrangers aient toutes les chances de s’intégrer puisque disposant des moyens – hors prestations – de subvenir aux besoins de leur famille. Monsieur Braouezec, votre amendement est paradoxal : vous expliquez que le nombre de personnes atteignant le seuil grâce aux prestations familiales est minime ; pourquoi donc voulez-vous supprimer cet article ?

M. Patrick Braouezec - Je critique la suspicion qu’il renferme.

M. le Rapporteur – Il ne s’agit pas de jeter la suspicion sur qui que ce soit. Nous voulons, par l’article 31, non pas multiplier les obstacles, mais les chances d’une intégration réussie. Avis défavorable.

M. Patrick Braouezec - Vous n’avez pas répondu sur l’alinéa 4 !

M. le Rapporteur – Je vous répondrai ultérieurement.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire - Hier soir, chacun avait indiqué s’exprimer à la fois sur les articles 30,31 et 32. Mais nous recommençons aujourd’hui le débat sur le regroupement familial…

M. Julien Dray - C’était hier soir !

M. Christian Estrosi, ministre délégué – Le Gouvernement y est plus que jamais ouvert. Nous sommes en désaccord sur le regroupement familial. Selon MM. Braouezec, Dray, Roman et Mamère, il s’opère de façon parfaite et tout va pour le mieux !

M. Patrick Braouezec - Il faut l’améliorer.

M. Christian Estrosi, ministre délégué Vous nous proposez de garder la législation en l’état.

M. Julien Dray - Laissez-nous donc votre place !

M. Christian Estrosi, ministre délégué Vous et nous n’avons pas la même vision de la politique de regroupement familial, mais les Français approuvent plutôt notre position. Nous resterons fermes quant à la nécessité d’offrir aux étrangers que nous voulons voir venir vivre, avec leur famille, sur notre territoire, des conditions d’accueil beaucoup plus dignes !

S’agissant des conditions de ressources, remettons le débat en perspective. Le Gouvernement a retiré les minima sociaux du calcul des moyens, hormis l’allocation adulte handicapé ; le Parlement enrichit le texte grâce à un amendement de M. Lagarde qui permet de moduler les conditions de ressources selon la taille de la famille. Pour vous, les choses devraient rester en l’état, que l’on accueille un ou six enfants !

De la même manière, l’apport de l’amendement 84 rectifié sur les conditions de logement est considérable, puisqu’il prend en compte les diversités régionales. Vous-mêmes êtes les premiers à soulever la question de ces disparités lors des débats sur le logement. Faites donc preuve de bon sens et cessez de nous faire des procès d’intention !

Enfin, Monsieur Braouezec, vous vous êtes interrogé sur ce que signifie le principe du comportement. Vous feignez d’ignorer que le contrat d’accueil et d’intégration, qui le définit, a été voté.

M. Patrick Braouezec - Précisez-le donc en amendant l’article 31 !

M. Christian Estrosi, ministre délégué Cela figure dans le texte ! Le contrat d’accueil et d’intégration rappelle les principes de la République. Mais peut-être ignorez-vous ce qu’ils représentent ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Julien Dray - Demandez donc à M. de Villepin s’il les connaît !

M. Christian Estrosi, ministre délégué Il s’agit de la laïcité et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Pourquoi voudriez-vous que l’on s’en tienne à l’état des textes précédents alors que nous avons précisé dans la loi qu’un parcours d’intégration devait amener les immigrés à se conformer à ces principes républicains, dans un délai étendu à dix-huit mois ?

Enfin, Monsieur Roman, vous avez soulevé hier soir un problème d’inconstitutionnalité. Selon vous, il y aurait inégalité de traitement entre les étrangers bénéficiant de la carte « compétences et talents », qui obtiendraient automatiquement le regroupement familial…

M. Bernard Roman - Plus facilement !

M. Christian Estrosi, ministre délégué …et les titulaires des autres titres. Mais permettez-moi de faire référence à la loi Reseda, que vous avez défendue, et dont l’article 5 dispose que les scientifiques peuvent faire venir leur famille en dehors du regroupement familial. L’inégalité que vous dénoncez existe donc déjà. Voilà qui met en pièces l’argumentation que vous avez développée hier soir. Avis défavorable.

M. Bernard Roman - Ceux qui pensaient que ce débat pourrait se terminer de manière apaisée se trompaient. Si la droite, par la voix, entre autres de M. Goasguen, avait l’intention d’afficher la couleur, voilà qui est fait ! En parlant d’immigration subie, vous jetez le doute sur les étrangers. En évoquant le regroupement familial et l’indispensable mesure de sortie du calcul des prestations familiales…

M. Claude Goasguen - C’est la directive européenne !

M. Bernard Roman - …vous voulez faire croire qu’il existe des étrangers qui veulent venir s’installer, avec des hordes d’enfants, et vivre aux crochets de la société française. C’est faux ! Combien de regroupements familiaux ont-ils été effectués grâce à la prise en considération des prestations familiales dans les revenus ? Je suis certain que cela représente moins de 5 % du chiffre total. Malgré l’insignifiance de ces statistiques, vous en faites un argument pour durcir la loi.

En 2004, 12 000 conjoints et 13 000 enfants étaient concernés, soit 1,1 enfant par couple ; zéro d’allocations familiales en moyenne ! En 2003, 12 500 conjoints et 14 000 enfants, soit 1,1 enfant par couple : zéro d’allocations familiales ! En 2002, 13 000 conjoints et 14 000 enfants, soit 1,1 enfant par couple ; zéro d’allocations familiales ! Alors pourquoi changer la loi, si ce n’est pour faire peur, pour faire rejeter cette immigration « subie », pour caresser la xénophobie dans le sens du poil ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Une autre question me paraît particulièrement préoccupante. Non contents d’avoir introduit comme critère un jugement sur l’intensité des liens qui unissent un couple, ou une personne à sa famille – bref, d’avoir inventé pour les étrangers un « amouromètre », vous imposez maintenant un nouveau critère arbitraire : « se conformer aux principes de la République ». Après l’« amouromètre », voilà le « républicomètre » ! Décidément, vous ne reculez devant rien pour montrer aux électeurs de l’extrême droite que vous pouvez faire aussi bien qu’elle !

M. Julien Dray - Le « trouillomètre » !

M. Noël Mamère - Les arguments de M. Roman sont imparables. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) Les chiffres parlent d’eux-mêmes : vous voulez faire des immigrés des indésirables et des profiteurs.

Mon collègue Braouezec a posé une question sur l’alinéa relatif au respect des principes de la République, dont la rédaction est des plus vagues. Rien ne nous indique, en effet, qu’on ne contrôlera pas le respect des obligations fiscales ou du code de la route. Le demandeur n’a pas intérêt à s’écarter de la règle !

M. Jérôme Rivière - Nous sommes dans un État de droit ! Il y a une justice !

M. Noël Mamère – Quant au recours aux fichiers, il pourrait devenir la règle. Voyez ce qui se passe avec le fichier STIC, ce fameux « système de traitement des infractions constatées », qui permet de ficher toutes les personnes ayant eu affaire à la justice, même en qualité de témoin ou de victime. Nous aimerions donc savoir ce que vous entendez par « respect des principes de la République », et si la définition que vous en donnez va jusqu’au « flicage » des demandeurs.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Vous prenez 2004 comme année de référence, Monsieur Roman. 68 % des dossiers examinés cette année-là remplissaient les conditions actuelles de ressources et de logement. Les témoignages nous assurent pourtant que tous ces étrangers n’ont pas été accueillis dans des conditions dignes. Ouvrez les yeux ! Peut-être est-il digne, pour vous, de vivre à sept dans 61 mètres carrés ; nous voulons, nous, assurer à ces familles des conditions de vie qui leur permettent de s’épanouir et d’être accueillies sur notre territoire comme elles le méritent, dès lors que les demandeurs du regroupement familial respectent les principes de la République.

M. Bernard Roman - Ce n’est pas à cela que correspond votre texte !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Voilà ce que nous apportons comme garantie en matière de regroupement familial. Nous avons une vision juste et équilibrée, vous préférez exciter les passions. Une fois de plus, vous agitez le spectre de l’extrême droite, dont vous vous êtes servis pendant des années. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) Cela ne marche plus ! Nous devons la vérité aux Français, et elle consiste à dire que nous ne pouvons pas accueillir tous ceux auxquels nous ne pouvons offrir ni travail, ni logement décent. Oui, une immigration subie est une chance pour l’extrême droite, alors que l’immigration choisie est une chance pour la France ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. le Président – Mon intention n’est pas de vous faire subir le Règlement, mais de choisir un débat serein. Je vais donc donner la parole à deux orateurs, un à droite et un à gauche, en vous rappelant qu’en toute rigueur, je ne devrais la donner à personne.

M. Claude Goasguen – Il n’y a pas lieu de polémiquer. Loin de durcir la législation, nous ne faisons que nous conformer à l’article 7 de la directive européenne du 22 septembre 2003 : le demandeur doit pouvoir subvenir aux besoins de sa famille par son seul travail, donc « sans recourir au système d’aide sociale ».

M. Bernard Roman - C’était inutile ! C’est un chiffon rouge !

M. Claude Goasguen – Or je ne pense pas que tous les gouvernements européens nourrissent les fantasmes que vous nous prêtez. « Mamèromètre » pour « mamèromètre », Monsieur Roman, vous ne surpasserez jamais M. Mamère dans l’art de l’invective. N’essayez donc pas ! Il semblerait, à vous entendre, que l’administration soit le lieu par excellence de l’arbitraire et de la discrimination. Faut-il vous rappeler que tous les préfets ne sont pas d’extrême droite ? De plus, l’appréciation qu’ils porteront sur le respect des principes de la République donnera inévitablement lieu à des recours. La juridiction administrative saura bien nous dire ce qu’il faut entendre par le texte de la loi !

M. Bernard Roman - Mais les tribunaux administratifs ne délibéreront plus de manière collégiale ! La boucle est bouclée !

M. Patrick Braouezec – Je ne vous autorise pas, Monsieur le ministre, à dire que certains ne défendraient pas les principes de la République. Quand nous vous interrogeons sur les critères objectifs qui permettront de considérer que le comportement d’un étranger est conforme aux principes qui régissent la République française, nous vous demandons simplement de nous dire comment vous le mesurerez. Vous nous répondez : « par la signature du contrat ». Alors disons-le : ce sera clair !

M. Claude Goasguen - Déposez un amendement !

M. Patrick Braouezec - Personne ne doute de l’intégrité des préfets de la République, Monsieur Goasguen. Mais moins nous laisserons de latitude à l’administration, moins nous courrons le risque de l’arbitraire.

Monsieur le ministre, vous dites que cette loi est juste et équilibrée. Mais nous en sommes à cinq lois sur l’immigration en dix ans, et à chaque fois on nous parle de loi juste et équilibrée ! Certaines l’étaient plus que d’autres – je pense à la loi Chevènement. En réalité, nos lois sont de plus en plus injustes et déséquilibrées, au détriment des étrangers qui vivent et travaillent sur notre territoire. On en demande finalement plus aux travailleurs étrangers qu’aux Français ! Vous parlez de conditions de logement indignes. Pourquoi ne pas prendre de mesures en matière de logement ? On ne construit pas suffisamment de logements sociaux…

M. le Rapporteur – Il n’y a jamais eu autant de mises en chantier !

M. Patrick Braouezec - Il y a les intentions et il y a la réalité ! Quoi qu’il en soit, la progression est en deçà des besoins.

Les amendements 180 et 529, identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – En une heure, nous avons examiné deux amendements : c’est un rythme qu’on ne qualifiera pas d’excessif…

M. Noël Mamère - L’amendement 181 tend à supprimer l’alinéa 2 de cet article. En durcissant ainsi les conditions de ressources, on stigmatise les demandeurs et on accrédite l’idée qu’ils veulent profiter des prestations sociales qui devraient aller aux « bons Français ».

M. Bernard Roman - L’amendement 295 est identique. Dans ce domaine, encore une fois, donnez-nous des chiffres ! Les préfets et l’administration centrale ont eu en main l’ensemble des dossiers de regroupement familial. Le ministre nous a dit que 68 % des dossiers remplissaient toutes les conditions. L’informatique existe ! On doit bien savoir dans combien de dossiers les ressources de l’étranger n’atteindraient pas le SMIC sans les prestations en question ! Je parie qu’il y en avait moins de 5 % en 2004. Cette disposition n’a donc qu’un but d’affichage idéologique.

Les amendements 181 et 295, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Nicolas Perruchot - Je remercie le rapporteur de me laisser présenter l’amendement 85 rectifié, de M. Lagarde, adopté par la commission. Il s’agit de réviser les critères de ressources posés pour le regroupement familial : s’il convient de conserver le salaire minimum de croissance comme référence, il paraît aussi nécessaire de moduler le seuil de ressources selon le nombre de personnes qui doivent arriver par la voie du regroupement. Ce calcul pourrait être fondé sur la proportion des plafonds de ressources d’entrée en HLM. Cette modification améliorerait les conditions d’intégration en France.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. Christian Estrosi, ministre délégué Cet amendement est conforme à notre objectif d’améliorer les conditions d’accueil et d’intégration des étrangers. C’est une mesure de bon sens, qui permet d’ajuster la condition de revenu à la taille de la famille, par référence à un barème qui sera fixé par décret et qui sera bien sûr proportionné. Cet amendement est également conforme à la directive du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial, selon laquelle les États-membres peuvent exiger du demandeur des ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille sans recourir au système d’aide sociale et qu’ils peuvent tenir compte du nombre de personnes que compte la famille.

M. Patrick Braouezec - Une fois encore, on exige plus des travailleurs immigrés que des autres Français ! Nous connaissons tous, en tout cas de ce côté-là de l’Assemblée, bon nombre de personnes qui vivent le plus correctement possible, même si c’est difficile, à trois avec 1,57 SMIC – 1 200 euros environ. J’en ai beaucoup dans ma ville ! Les étrangers auront donc besoin de ressources bien supérieures pour vivre en famille que ce qu’on exige des Français.

M. Jérôme Rivière - Mais on n’a rien à exiger des Français !

M. Patrick Braouezec - Ce que vous oubliez – et c’est normal, parce que cela vous dérange – c’est que ces personnes, qui sont en situation parfaitement régulière, contribuent à faire vivre l’économie de notre pays ! Pourquoi ces gens, qui travaillent et vivent de la même façon que les Français, seraient-ils soumis à des conditions différentes ? Ce n’est pas juste ! Cette disposition est discriminatoire.

M. Jérôme Rivière - Le parti communiste exige donc des conditions de la part des Français !

M. Nicolas Perruchot – L’objectif de cet amendement devrait nous être commun : améliorer l’intégration des étrangers. On parle souvent, sur le terrain, des problèmes de stocks et de flux. Faisons en sorte de les prendre en compte ! M. Braouezec dénonce une stigmatisation, regrette qu’on s’occupe plus d’une population que d’une autre…

M. Patrick Braouezec - Non ! Je suis un rassembleur, pas un diviseur !

M. Nicolas Perruchot - Mais, depuis 1974, la loi ne traite que du contrôle des flux, qu’il s’agisse de les encourager ou de les dissuader. Il est intéressant d’adopter l’autre point de vue et de donner aux population issues de l’immigration des capacités, des moyens et quelques obligations pour mieux s’intégrer dans la société française.

L'amendement 85 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Tout demandeur de regroupement familial doit disposer d’un logement considéré comme normal pour une famille française comparable. Les normes ont été fixées par le décret du 6 juillet 1999. Du point de vue de la superficie, elles sont très basses : 61 mètres carrés pour une famille de sept personnes et 80 pour dix personnes ! En outre, des normes nationales ne sont pas satisfaisantes : il faut tenir compte des réalités locales. D’ailleurs, si la directive du 22 septembre 2003 autorise les États membres à prévoir une condition de logement, elle distingue les conditions de salubrité et de sécurité générales du pays des conditions normales de logement dans chaque région.

L’amendement 84 rectifié reprend donc fidèlement l’article 7 de la directive, en donnant davantage de marges de manœuvre aux autorités déconcentrées pour tenir compte des réalités locales. On nous répondra que cela laisse place à l’arbitraire du préfet, mais il s’agit en fait d’une disposition de pur bon sens : le mètre carré ne vaut pas le même prix à Paris ou à Nice que dans le Vaucluse ! Elle permettra d’adapter le dispositif au cas par cas. M. Braouezec va me dire qu’on n’exige pas autant des familles françaises, mais je ne vois pas ce qu’on pourrait exiger des familles françaises qui vivent en France !

M. Nicolas Perruchot - L’amendement 339 est dans le même esprit. Nous souhaitons pouvoir tenir compte de la spécificité des territoires.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Avis favorable.

M. Bernard Roman - Je suis outré par cette série d’amendements qui aggravent encore le texte d’origine. On sait bien que les conditions de logement en France – et si ce n’est pas le cas, M. Borloo le rappelle à chaque occasion – sont très éloignées de ce qu’elles devraient être pour des millions de familles de la classe populaire. Dans votre raisonnement, les conditions de logement des étrangers doivent être comparables à celles des Français, mais leurs ressources, elles, doivent être supérieures ! Des millions de familles, en France, vivent avec le SMIC. Un couple d’étrangers avec un enfant, lui, doit gagner 1,57 fois le SMIC. J’ai honte ! C’est de la ségrégation. Un étranger est jugé indigne de vivre en France s’il ne gagne pas plus d’argent qu’un Français dans la même situation !

M. Claude Goasguen - Il y a des clochards, en France. Vous voulez clochardiser l’immigration !

M. Bernard Roman – Qu’est-ce que cela révèle de votre pensée ? Que pensez-vous des millions de familles qui vivent avec le SMIC ? Pensez-vous que lorsqu’on a une peau de couleur, on doit gagner plus qu’un blanc ? C’est ce que vous nous demandez de voter ! C’est scandaleux !

M. Noël Mamère – Ces amendements sont une atteinte au principe fondamental de la République d’égalité de tous devant la loi. Il ne faut pas hésiter à parler de ségrégation.

M. le Rapporteur – Oh là là !

M. Noël Mamère - M. Goasguen parle de clochards… C’est détestable ! Oui, il y a des gens très pauvres en France, dans le quatrième pays le plus riche du monde. On ne comprend d’ailleurs pas que le fossé avec les plus riches puisse continuer à se creuser. Pourquoi êtes-vous allé inventer de nouveaux amendements pour durcir ce texte ? La discrimination ne vous suffisait pas, il vous faut de la ségrégation ! On peut porter cela devant la cour européenne des droits de l’homme.

M. Jérôme Rivière - Savez-vous ce que les gens qui vivent l’immigration pensent de vous?

M. le Rapporteur – Moi, c’est quand on accueille une épouse et trois ou quatre enfants dans 20 mètres carrés que j’ai honte, quand on accueille une famille sans se soucier de savoir si la personne qui la fait venir a de quoi la nourrir ! Nous ne pouvons pas laisser venir ces familles sans aucun critère et accepter qu’ils vivent dans des conditions indignes ! Notre responsabilité est de faire savoir que nous accueillons tous ceux qui respectent les lois de la République et qui peuvent assurer à leur famille un minimum de revenus par le travail et des conditions de logement décentes.

M. Bernard Roman - Pour répondre au rapporteur…

M. le Président – Monsieur Roman, vous pourrez intervenir sur d’autres amendements. Le Règlement prévoit que ne s’expriment que deux orateurs sur chaque amendement.

M. Bernard Roman - Rappel au Règlement. Quels que soient vos artifices de langage ou de raisonnement, vous n’arriverez pas à nous faire croire que votre volonté n’est pas de traiter les étrangers de façon différente des Français, en violation de la devise de la République.

Comme ce n’est pas la première fois que cet amendement est proposé, permettez-moi de vous lire un extrait du rapport du sénateur Jean-Patrick Courtois en 2003, indiquant les raisons pour lesquelles le Sénat l’a alors refusé : « Dans la mesure où le montant du SMIC mensuel est considéré comme assurant un niveau de vie suffisant pour les Français, il semble raisonnable de considérer que les étrangers atteignant ce niveau ont des ressources suffisantes. » Il n’y a rien à ajouter.

L'amendement 84 rectifié, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 339 tombe.

M. Nicolas Perruchot – L’amendement 340 tend à réviser les critères de superficie d’un logement considéré comme normal au regard du 2° de l’article L 411-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Les critères actuels, qui se fondent sur les normes fixées pour le bénéfice de l’allocation logement, ne tiennent pas compte de l’habitabilité réelle. L’étranger ayant fait venir sa famille dépose souvent une demande de logement social, compte tenu de l’exiguïté de son logement, et cette demande est satisfaite. Il est contradictoire que les critères retenus soient suffisants pour accueillir une famille mais ne le soient plus lorsqu’il s’agit pour elle de vivre effectivement dans le logement, et qu’il soit fait droit à une demande de logement social. Il convient donc de les revoir, de façon que les personnes arrivant au titre du regroupement familial puissent continuer de vivre dans le logement.

M. Claude Goasguen - Très bien !

M. le Rapporteur – Les critères proposés sont beaucoup trop précis. Cela relève du domaine réglementaire, d’autant que ces critères doivent être modulés selon les régions. Avis défavorable donc.

M. Christian Estrosi, ministre délégué  Le Gouvernement était favorable à l’amendement précédent de la commission, de simple bon sens et qui laissait assez de souplesse. Celui-ci est trop précis : mieux vaut, comme l’indique le rapporteur, fixer les critères région par région et procéder à leur révision périodique par voie réglementaire. Je vous prierais donc de bien vouloir retirer cet amendement.

M. Serge Blisko – Nous nageons en plein paradoxe. Que vous êtes soudain attentifs aux conditions de vie des étrangers ! En vérité, les normes si élevées que vous fixez n’ont d’autre but que de vous permettre de réaliser votre souhait profond, à savoir empêcher le regroupement familial. Au nom de préoccupations prétendument généreuses, vous discriminez les étrangers.

Vous passez sous silence que parce qu’on manque de logements sociaux, ce qui rend impossibles les parcours résidentiels, vous n’avez aucune solution de logement à proposer à l’étranger qui souhaite légitimement, pour des raisons d’équilibre psychologique et familial, faire venir sa famille avec lui, et le condamnez donc à rester seul. Nous aurions, ô combien, apprécié que vous disiez que tout serait fait pour accroître le nombre de logements sociaux, afin de permettre notamment les regroupements familiaux ! En Espagne, qui compte 40 millions d’habitants, on construit 800 000 logements par an alors qu’en France, avec 60 millions d’habitants, bien que vous vous vantiez d’avoir atteint un niveau qui ne l’avait pas été depuis longtemps, on n’en aura construit cette année que 400 000 !

M. Jérôme Rivière – Merci de reconnaître que vous n’aviez rien fait pour le logement social !

M. Serge Blisko - Des dizaines de milliers d’étrangers, y compris appartenant aux classes moyennes, se trouvent ainsi piégés, parce que la crise du logement s’est aggravée de manière dramatique depuis 2002.

M. Claude Goasguen - Et à Paris ?

M. Serge Blisko – L’effort aujourd’hui consenti par la ville est exceptionnel, sans commune mesure avec celui de la précédente majorité.

M. Claude Goasguen - Effort exceptionnel à la baisse !

M. Serge Blisko – Le problème est qu’on a construit à Paris beaucoup de logements trop chers, qui restent vides, alors même que des personnes ayant un emploi vivent à la rue.

M. Noël Mamère – Où allez-vous vous arrêter pour empêcher les gens de vivre en famille ? Notre collègue Blisko a eu raison d’insister sur la faillite de votre politique sociale et du logement – il y a même sur vos bancs des maires qui préfèrent payer des pénalités plutôt que de s’acquitter de leurs obligations en matière de logement social ! Dans ce contexte, les conditions que vous posez au regroupement familial sont tout bonnement irréalisables. Ce n’est qu’une façon pour vous de verrouiller davantage l’entrée d’étrangers sur le territoire.

Monsieur le rapporteur, qui êtes soudain si attentionné au sort des immigrés que vous ne supportez pas, dites-vous, de les voir accueillis dans des conditions indécentes, ignorez-vous que la police, placée sous la direction du ministre de l’intérieur qui présente ce projet de loi, est allée expulser des enfants le jour même de la rentrée scolaire ? Comment a-t-on relogé les habitants des immeubles parisiens ravagés par les incendies de l’été dernier à Paris ?

M. Claude Goasguen – Qu’a fait la Ville de Paris ?

M. Serge Blisko – Elle les a relogés.

M. Noël Mamère – Avez-vous fait le moindre geste, je ne parle même pas de mansuétude ou de compassion, mais humanitaire à leur égard ? Plutôt que de verser des larmes de crocodile sur ceux que vous réduisez à vivre dans des taudis, vous feriez mieux de nous dire comment vous avez relogé ceux que vous avez chassés devant les caméras pour complaire à la droite extrême.

M. le Rapporteur – Le Parlement français a-t-il le droit d’imposer des conditions pour le regroupement familial ?

M. Serge Blisko - Il y en a déjà. Inutile d’en rajouter.

M. le Rapporteur – Vous invoquez la Constitution ou bien encore la Convention européenne des droits de l’homme. Sans doute ne savez-vous pas que la Cour européenne reconnaît compétence aux États pour réguler les flux migratoires sur leur territoire. Selon l’une de ses jurisprudences, « l’article 8 de la CEDH ne saurait s’interpréter comme comportant pour un État contractant l’obligation générale de respecter le choix par des couples mariés de leur domicile commun et d’accepter l’installation de conjoints non nationaux dans le pays. » Nous avons donc parfaitement le droit de fixer ici des conditions au regroupement familial.

M. Jérôme Rivière - Heureusement !

M. le Rapporteur – Nous souhaitons, nous, des immigrés qui puissent s’intégrer dans notre pays et pour ce faire, qu’ils aient des conditions de revenus et de logement décentes.

M. le Président – J’ai cru comprendre que M. Perruchot allait retirer son amendement, compte tenu des explications fournies par le rapporteur et par le ministre.

M. Nicolas Perruchot – Absolument. Je souhaite faire une mise au point pour que nul ici ne nous fasse de procès d’intention. Nos amendements n’ont pas pour but de verrouiller encore davantage le regroupement familial, mais d’améliorer les conditions d’accueil des étrangers venus à ce titre, de façon qu’ils puissent s’intégrer dans notre société. Trop longtemps, l’État a laissé entrer ces personnes sur notre territoire, sans plus se préoccuper de rien, et ceux d’entre nous qui sont maires savent combien il est difficile ensuite de gérer ces situations de détresse. Disant cela, je ne cherche pas à draguer les électeurs du Front national – je me moque de leurs voix ! –, mais je parle par expérience, étant très souvent sollicité dans ma ville pour régler des situations dramatiques. Je connais des personnes qui, dans la ZUP de Blois, vivent depuis plus de vingt ans à dix-huit dans un F4 !

Est-ce normal ?

Cet amendement 340, ainsi que le 341, qui est de repli, vise tout simplement à renforcer l’intégration en améliorant les conditions d’accueil, sans fantasmer sur les électeurs de l’extrême droite. En élus responsable, nous devrions éviter les affrontements idéologiques sur des questions aussi difficiles et complexes.

Compte tenu des explications données par le ministre et le rapporteur, je veux bien retirer l’amendement 340.

L'amendement 340 est retiré.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. L’amendement 341 est déjà satisfait par l’adoption du 84 rectifié.

M. Christian Estrosi, ministre délégué – Pour les mêmes raisons, je souhaite le retrait de cet amendement. J’ajoute que je connais bien la politique de logement que M. Perruchot mène à Blois : elle est en phase avec la démarche que nous promouvons, et je répète que nous veillerons à ce que les mesures réglementaires reprennent les propositions qu’il a formulées.

Je voudrais également rappeler à MM. Roman et Braouezec que le Conseil constitutionnel a jugé, dans une décision du 15 décembre 2005, qu’il était légitime d’exiger que le demandeur d’un regroupement familial offre à sa famille « les conditions de vie et de logement décentes qui sont celles qui prévalent en France, pays d’accueil ». Nous sommes donc dans le droit fil du Conseil constitutionnel.

M. Patrick Braouezec - Mais sa jurisprudence n’a rien à voir avec les mesures drastiques qui sont proposées par voie d’amendement !

J’ajoute que nous parlons de personnes en situation régulière depuis au moins dix-huit mois sur notre territoire. Or, peut-on imaginer un seul instant que quelqu’un bénéficie d’un logement social en moins de dix-huit mois ? Chacun sait qu’il faut attendre bien plus longtemps !

Les demandeurs sont donc nécessairement logés dans le parc privé, où ils ne sont d’ailleurs pas acceptés à bras ouverts, certains propriétaires faisant de la ségrégation en fonction du nom ou du faciès. Comment croire que les critères proposés pourront être respectés ?

La formule du Conseil constitutionnel est à l’inverse beaucoup plus générale, car on peut interpréter l’exigence d’un logement « décent » comme celle d’un habitat qui ne soit pas frappé par l’insalubrité ou l’indignité. Il peut donc s’agir d’un logement permettant d’accueillir provisoirement femme et enfants, même s’il faut se serrer un peu. Il n’est pas fait référence à un nombre donné de mètres carrés ou à une quelconque moyenne, au demeurant dépourvue de tout rapport avec les conditions offertes par le parc locatif privé, où bien souvent les normes sanitaires et d’hygiène requises ne sont guère respectées.

M. Jérôme Rivière - Vous favorisez les marchands de sommeil !

M. Patrick Braouezec – Et vous, vous versez dans la ségrégation en demandant plus aux travailleurs étrangers qu’aux travailleurs français ! C’est qu’une fois de plus, vous n’avez rien compris à ce qui s’est passé en France en octobre et en novembre. Certaines personnes en ont assez d’être considérées sans cesse comme des empêcheurs de tourner en rond, et d’être frappées par des lois qui ne font qu’aggraver leur situation !

M. Claude Goasguen - C’est incroyable !

M. Nicolas Perruchot - J’ai entendu les assurances données par le ministre, et nous lui faisons confiance pour intégrer autant que possible nos propositions. Je retire donc l’amendement 341.

L'amendement 341 est retiré.

M. Étienne Pinte - L’article 31 dispose que le regroupement familial peut être refusé pour le motif que le demandeur ne se conforme pas aux principes qui régissent la République française. Une telle exigence est certes louable, mais elle reste très vague, et pourrait donner lieu à des interprétations discrétionnaires. J’ajoute qu’elle me paraît dépourvue de portée juridique. Voilà pourquoi l’amendement 141 propose de la supprimer.

Je souhaiterais la remplacer par la formule suivante : le regroupement familial peut être refusé si le demandeur ne se conforme pas aux règles posées par le contrat d’accueil et d’intégration. Le ministre a en effet répondu tout à l’heure que le respect des valeurs et principes républicains figurait dans ce contrat. Une telle formulation me semble plus claire et moins sujette à caution sur le plan juridique.

M. Noël Mamère - Le Conseil d’État ayant annulé l’exigence d’intégration républicaine formulée par la première mouture du projet de loi, le Gouvernement a adopté une formule plus vague, que les préfets et les maires pourront interpréter très largement, en s’appuyant par exemple sur les dossiers fiscaux ou sur le comportement des intéressés au regard du code de la route. J’ajoute qu’on peut figurer dans le STIC sans avoir été l’auteur d’une affaire, mais tout simplement parce qu’on en a été la victime ou le témoin. D’où l’amendement 182, de suppression.

Je crois par ailleurs savoir, pour avoir lu des journaux dits « people », que le ministre de l’intérieur compte des amis dans les milieux sportifs et artistiques, qui choisissent de placer leur argent en Suisse. Allez-vous leur demander s’ils respectent les principes de la République ?

M. Patrick Braouezec – Par l’amendement 530, je propose de supprimer cet article. Je souscris en outre à la proposition de M. Pinte : précisons qu’il n’y pas lieu de chercher d’autre élément que le respect ou non du contrat d’accueil et d’intégration qui a été signé par le requérant. La situation serait ainsi beaucoup plus claire, et les préfets ne jouiraient pas d’une liberté d’interprétation qui me semble illégitime, malgré tout le respect que je porte au corps préfectoral.

M. le Rapporteur – Avis négatif sur les amendements 141, 182 et 530. Nous n’exigeons pas du demandeur qu’il respecte une condition d’intégration au sein de la société française, qui ne vaut que pour l’octroi du statut de résident de longue durée.

En revanche, il est parfaitement normal d’exiger le respect des principes fondamentaux de notre République, dont la méconnaissance pourrait troubler l’ordre public – l’égalité entre les hommes et les femmes, la laïcité ou encore le refus de toute discrimination fondée sur l’origine.

En pratique, ce nouveau critère ne vise pas à écarter les personnes maîtrisant mal la langue française, mais celles dont le comportement démontre un manque d’attachement aux valeurs de la République française.

S’agissant de la proposition de notre collègue Étienne Pinte, je rappelle que le contrat d’intégration ne vaut que pour les personnes qui ont demandé un titre de résident après cinq ans de présence. Il s’agit en l’occurrence de demandes de regroupement familial après dix-huit mois de séjour en France !

M. Patrick Braouezec – Mais c’est le ministre qui y a fait allusion. Nous n’avons rien inventé !

M. le Rapporteur – Le seul point commun est la mention des « principes de la République ».

M. le Président – Je précise que la suggestion de M. Pinte ne peut pas être considérée comme un sous-amendement, mais que vous pouvez la reprendre, au même titre que le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre délégué – Nous ne sommes pas favorables à la proposition de M. Pinte.

Le demandeur doit manifester sa volonté de s’intégrer dans notre société, gage d’un établissement durable sur notre territoire en compagnie des membres de sa famille. Cette nouvelle exigence est parfaitement compatible avec la directive « regroupement familial », dont l’article 7 prévoit la possibilité d’exiger des ressortissants de pays tiers qu’ils se conforment « aux mesures d’intégration, dans le respect du droit familial ».

En outre, en vérifiant que les personnes concernées respectent les principes républicains, nous apportons une garantie supplémentaire à l’intégration de leur famille et nous protégeons la République. Dois-je rappeler à M. Braouezec, dont le langage semble bien différent du nôtre, que le respect de ces principes – la laïcité et l’égalité des sexes entre autres – est nécessaire ?

M. Patrick Braouezec - Allez jusqu’au bout de votre pensée !

M. Christian Estrosi, ministre délégué  Enfin, il s’agit d’étrangers présents en France depuis dix-huit mois, qui ont signé un contrat d’accueil et d’intégration, mais ne l’ont pas encore obtenu. Ils se sont simplement engagés à accomplir leur parcours d’intégration.

M. Patrick Braouezec - Que leur demander de plus ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué Nous devons donc vérifier que ce parcours se déroule conformément aux dispositions de l’article 4, qu’il est inutile de réécrire à l’article 31.

M. Patrick Braouezec - L’alinéa 4 est donc inutile aussi !

M. Christian Estrosi, ministre délégué J’ajoute que cette rédaction de l’article 31 est, à la virgule près, celle qu’a adoptée l’assemblée générale du Conseil d’Etat. Respectons-la !

M. Bernard Roman – À entendre le ministre, l’ensemble de l’article 31 serait donc inutile, puisque tout est dans l’article 4 !

M. Jean Le Garrec - Bon argument !

M. Bernard Roman - Au fond, vous multipliez les dispositions inutiles dans le seul but d’afficher une volonté presque inavouable. La demande de M. Pinte est fondée : on ne peut se contenter d’une formulation générale qui exige de l’étranger qu’il se conforme aux « principes de la République ». Je m’étonne notamment que l’on exige des étrangers le respect du principe d’égalité alors que nous venons nous-mêmes d’y déroger par l’amendement qui soumet le regroupement familial à la perception d’un revenu supérieur au SMIC, ce symbole de l’égalité de traitement ! Le Conseil constitutionnel jugera…

Cette formulation vaporeuse signifie-t-elle qu’un étranger ayant fait l’objet de plusieurs contraventions n’a pas respecté les principes de la République ? Qu’un délit de grande vitesse l’empêchera de faire venir sa famille, et qu’un accident corporel entraînera son expulsion ? Quelle grille de lecture l’administration utilisera-t-elle pour trancher ?

J’en reviens à la proposition de M. Pinte que le Gouvernement peut reprendre – ce à quoi ne semble pas s’opposer M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre délégué Si, je l’ai dit !

M. Bernard Roman - Si les objectifs du contrat se mesurent en termes de volonté et non de résultats, les modalités doivent en être précises et contractuelles. Si le droit de siéger à l'Assemblée nationale se mesurait à l’aune du « respect des principes de la République », certains suppléants seraient heureux…

M. le Président – Je rappelle qu’il ne s’agit pas d’un sous-amendement. La suggestion de M. Pinte peut être reprise comme amendement par le rapporteur ou le Gouvernement, mais ce ne semble pas être le cas.

M. Etienne Pinte - Les principes républicains, Monsieur le ministre, ne constituent qu’une partie du contrat d’accueil et d’intégration prévu à l’article 4 ! En reprenant mon amendement, vous en élargirez le champ à l’ensemble de l’article. C’est non seulement préférable au plan juridique, mais cela favorise aussi l’intégration.

M. Christian Estrosi, ministre délégué Non, Monsieur Pinte : on ne peut exiger d’un étranger qu’il ait accompli en dix-huit mois l’ensemble du parcours prévu par le contrat d’accueil. À ce stade, on se contente de vérifier qu’il a respecté les principes de la République. Ce n’est qu’au bout de cinq ans, date à laquelle peut être délivrée la carte de résident, que l’on vérifie le respect de l’ensemble des engagements souscrits, y compris la maîtrise du français.

Les amendements 141, 182 et 530, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
L'article 31 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 31

M. Claude Goasguen - L’amendement 349 est défendu.

M. Patrick Braouezec - Cet article additionnel instaure l’arbitraire le plus total ! Pourquoi ne pas s’en tenir aux deux premiers alinéas puisque – le ministre l’a lui-même démontré – dix-huit mois ne suffisent pas à juger objectivement de l’application du contrat d’accueil – ce véritable parcours du combattant imposé aux étrangers ?

M. Jérôme Rivière – Des recours sont possibles !

M. Patrick Braouezec - Ce n’est qu’au bout de cinq ans que l’on pourra vérifier du respect par l’étranger de son engagement à se conformer aux principes républicains.

De surcroît, vous demandez son avis au maire ! Quelle valeur aura-t-il ? Tiendra-t-on compte du fait que cet avis peut être subjectif, varier d’un maire à l’autre, et n’est pas à l’abri d’une inimitié personnelle à l’encontre d’un immigré ? Ce texte ouvre la voie à toutes les interprétations, et n’a aucun sens législatif. Vous ajoutez l’arbitraire du maire à celui du préfet !

M. Noël Mamère - En effet, après avoir donné un pouvoir arbitraire au préfet, vous demandez l’avis du maire sur l’intégration. Sur quelle enquête, sur quels critères cet avis sera-t-il fondé ? Sera-t-il consultatif ou impératif ? Cet article additionnel ne fait qu’ajouter une couche discrétionnaire au texte. On fait ainsi du maire un arbitre en chef qui pourra choisir à sa guise entre les bons et les mauvais immigrés ! Est-ce donc cela, l’immigration choisie ? Alors nous la refusons, car la politique d’immigration est régalienne et ne peut faire l’objet de décisions locales.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Pourquoi demander l’avis du maire ? D’abord, il est en charge de la politique du logement, et il dispose donc de services qui sont à même…

M. Patrick Braouezec - Mais cela n’a rien à voir avec le paragraphe 3 ! Il s’agit ici de juger du comportement !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Le maire que vous êtes sait bien de quels moyens il dispose pour mener des investigations et donner des avis. Le maire a des services de proximité en ce qui concerne la politique du logement, les politiques sociales et d’accompagnement, la politique de la ville. Cet avis reste un simple avis.

En application de l’article L. 314 -2 du code des étrangers, le maire donne déjà un avis sur l’intégration de l’étranger pour l’accès à la carte de résident. Vous semblez le découvrir.

M. Patrick Braouezec - Non, mais on en rajoute.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - De toute façon, quand on fait référence au préfet, pour vous c’est de l’arbitraire. Quand on fait référence au maire, c’est de l’arbitraire. Mais qui est donc légitime pour vous, Monsieur Braouezec, dans la République française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 349, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Pemezec - Pour le regroupement familial, le certificat d’hébergement ne requiert pas l’avis conforme du maire. Pourtant, c’est lui qui aura à gérer les difficultés dues aux conditions d’accueil. L’amendement 482 lui donne donc plus de responsabilité dans ce domaine.

M. le Rapporteur – La commission ne l’a pas examiné. À titre personnel, j’ai un avis défavorable. Il est souhaitable que le maire donne son avis.

M. Patrick Braouezec - Cela va déjà assez loin !

M. le Rapporteur – Mais un avis conforme ferait de lui le décideur en dernier ressort, ce qui n’est pas notre objectif.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Même avis. Les avis émis ne sauraient lier la décision du préfet qui doit veiller à une application uniforme de la loi et conserver un pouvoir discrétionnaire sur ces demandes de regroupement. Je souhaite le retrait de l’amendement.

L’amendement 482 est retiré.

Art. 32

M. Gaëtan Gorce - Je souhaite surtout apporter un témoignage et exprimer la crainte, l’angoisse même, des élus de mon département devant certains faits.

Le samedi 29 avril, dans une petite ville de la Nièvre, trois jeunes Français d’origine turque ont été gravement blessés par arme à feu dans des conditions qui laissent à penser que c’était en raison de leur origine. La justice en décidera. Mais en l’absence de Martine Carrillon-Couvreur, qui souhaitait s’exprimer à ce sujet, je voulais faire entendre la voix des familles, qu’avec les parlementaires du département nous avons longuement rencontrées avant la manifestation silencieuse qui a eu lieu samedi dernier.

Je veux faire entendre ici leur douleur, leur souffrance et leur revendication. Leur douleur, c’est celle de proches qui ont vu frapper l’un des leurs parce qu’il était différent et que des hommes armés, au mépris de la loi, ont exercé contre eux une violence manifestement exacerbée par la différence d’origine. Leur souffrance et leur revendication, ce sont celles d’hommes et de femmes qui demandent justice au nom des valeurs de la République. Notre pays, ils l’ont choisi. Ils se conforment à ses lois, et bien qu’ils soient citoyens français, d’autres continuent à leur dénier leur droit élémentaire à la dignité, l’intégrité, à la vie même. Ils réclament simplement que la République fasse vivre avec générosité le principe d’égalité et applique sa rigueur lorsqu’il est violé.

S’ils sont fiers de leurs origines, ils sont d’abord des citoyens français et veulent être traités comme tout citoyen français a le droit de l’être, par l’application de la justice. Je me fais l’écho de leur message qui n’est pas un message de colère, mais de paix, de concorde et de justice. Leurs valeurs sont celles de la République et, lorsqu’elle agit ou qu’elle légifère, elle ne doit jamais l’oublier. De toutes les formes de discrimination, celle qui se fonde sur la race est la plus insupportable car elle constitue un déni d’humanité. Au moment où nous débattons de cette nouvelle loi sur l’immigration, gardons cela en tête pour écarter les abus, parfois de droit, les outrances de langage, tout ce qui pourrait tourner la France contre elle-même.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Monsieur Gorce, vous avez choisi d’intervenir à ce moment de la discussion sur ce texte pour faire référence au drame dont ont été victimes trois jeunes d’origine turque il y a quelque jours dans votre département. Votre émotion est partagée sur tous les bancs. Mais je ne suis pas certain que votre intervention était appropriée dans le cadre de ce débat. Évidemment, il s’agit d’une atteinte contre des citoyens sur le sol français que nul ne peut tolérer. Mais cela relève plus de la sécurité intérieure ou, si l’instruction démontre que c’est le cas, de dispositions liées à un comportement raciste. Or, à aucun moment, le texte dont nous débattons ne fait référence à une origine confessionnelle, sociale, ou culturelle. Il ne s’agit que de la politique de l’immigration et de l’intégration, ce qui n’a rien à voir.

Cela précisé, la justice nous dira quel fut le comportement des vigiles d’une boîte de nuit à l’égard de ces trois jeunes d’origine étrangère, et quel usage ils ont fait d’armes. La loi de sécurité intérieure de 2003 a encadré l’utilisation d’armes par des professionnels d’une société de surveillance agréée par la préfecture. Le ministre d’État a veillé ces derniers mois à ce que les décrets d’application qui n’avaient pas été pris le soient et que ce texte soit appliqué. Hier matin, j’ai répondu à une question orale de Mme Fraysse, députée de Nanterre, sur l’utilisation des armes par les personnels de ces sociétés de sécurité. Le ministre de l’intérieur veut fermement que toutes les préfectures appliquent la loi. Je veillerai à ce qu’une réponse plus précise vous soit faite sur les inquiétudes qui sont les vôtres.

Encore une fois, l’ensemble du Gouvernement et, je n’en doute pas, de l’Assemblée nationale, partagent votre émotion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Noël Mamère - Notre amendement 183 tend à supprimer l’article 32.

L’intervention de M. Gorce n’était pas déplacée dans ce débat. Avec ce projet, vous prenez le risque de dérapages et de dérives. Même sans cela, il suffit de voir comment le ministre de l’intérieur peut prendre l’initiative de ces dérapages. N’est-ce pas lui qui a dit récemment : « Si vous n’aimez pas la France, quittez-la » ? Ces trois jeunes aiment la France. C’est parce qu’ils aiment la France qu’on leur a tiré dessus.

Mme Brigitte Le Brethon – C’est scandaleux !

M. Jérôme Rivière - C’est immonde.

M. Noël Mamère - Le ministre de l’intérieur devrait méditer sur ces événements avant de se lancer dans son hold-up sur l’électorat d’extrême droite. Ces victimes sont celles qui, précisément, aiment la France, et restent dans notre pays, malgré ces événements qui ne nous honorent pas.

S’agissant du regroupement familial, nous avons exprimé nos inquiétudes. Cet article 32 fragilise la situation non seulement du demandeur, mais des personnes venues dans le cadre du regroupement familial, qui sont pour 80 % des femmes. En faisant passer de deux à trois ans la durée de vie en couple exigée avant une possibilité de rupture, vous renforcez leur dépendance. On pouvait en rester aux deux ans prévus par la loi de 2003. Cette disposition est inutile et dangereuse.

M. Bernard Roman - L’amendement 296 a le même objet. Il faut supprimer une mesure qui créera des difficultés supplémentaires aux personnes étrangères résidant en France ou souhaitant y résider. Le Gouvernement fonde son explication sur l’évolution importante du nombre de mariages « mixtes ». Lors de la discussion du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, présenté par le Garde des Sceaux, nous avons tenté – sans succès – d’obtenir des renseignements. Existe-t-il une étude d’impact qui permette de connaître la nature de ces mariages mixtes, qui peuvent être une chose excellente pour la société française ?

En cas de rupture de la vie commune dans les trois premières années du mariage, le titre de séjour serait retiré au conjoint étranger. Je voudrais savoir ce qu’en pense la délégation aux droits des femmes, si l’on se rappelle que 80 % des conjoints concernés par le regroupement familial sont des femmes. Elles seront placées par cette disposition dans une situation inacceptable : une menace permanente pèsera sur elles, un chantage pourra être exercé de la part de maris indélicats. Cette disposition leur ôte le droit de se séparer pendant trois ans.

Par ailleurs, la rupture de la vie commune, d’un point de vue juridique, couvre aussi le décès de l’un des conjoints. Il serait donc utile que le texte soit amendé afin qu’une personne veuve ne se voie pas retirer sa carte de séjour.

M. Patrick Braouezec - MM. Mamère et Roman ont dit l’essentiel sur cet article. Je présente également un amendement de suppression, l’amendement 531, car je ne comprends pas pourquoi l’on veut pénaliser une fois de plus les étrangers qui ont réussi, après un parcours du combattant, à faire venir leur famille, en les obligeant à une communauté de vie. Pourquoi ajouter une année, si ce n’est pour rendre plus difficiles encore les conditions de vie de ces personnes ?

Comme l’a rappelé M. Roman, 80 % des personnes qui peuvent être concernées par cette disposition sont des femmes. Alors que les violences conjugales ont été largement évoquées dans cet hémicycle, veut-on prendre le risque de les accentuer ? Pour quelles raisons ? L’Assemblée, comme le Gouvernement, auraient matière ici à adresser un message à ces femmes.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Nous avons déjà eu ce débat sur l’article 26. Toutefois, l’une des remarques de M. Braouezec est justifiée, puisqu’elle porte sur les violences conjugales. Les amendements 140 rectifié et 351, rédigés par M. Pinte, devraient répondre à ses préoccupations.

M. Christian Estrosi, ministre délégué Comme l’a rappelé M. le rapporteur, nous avons déjà débattu de cette question à l’article 26. Lorsque la vie commune est rompue, il est normal que le titre de séjour soit en principe retiré. Toutefois, les exceptions à ce principe doivent être précisées, en cohérence avec l’article 26 : l’amendement 140 rectifié précise que la carte ne sera pas retirée si un enfant est né de l’union et si l’étranger contribue à l’éducation et à l’entretien de l’enfant ; l’amendement 351, quant à lui, concerne les violences conjugales.

Par ailleurs, Monsieur Roman, il va de soi que le décès n’est pas une rupture de la vie commune au sens du code de l’entrée et du séjour des étrangers : la jurisprudence est très claire sur ce point.

M. Bernard Roman - Il faut l’écrire, car l’article 227 du code civil en fait un élément de rupture.

M. Léonce Deprez - Il n’est pas inutile que nous intervenions dans ce débat, dans la mesure où nous sommes nombreux sur ces bancs à être sensibles, pour des questions de conviction religieuse, à certains arguments de nos collègues de l’opposition. Si nous faisons un effort pour comprendre le réalisme politique consistant à dire – comme l’a fait un Premier ministre – que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, nous sommes attentifs à la condition de la femme. Nous devons en effet respecter la femme pour elle-même et ne pas risquer de la soumettre à l’autorité d’un mari qui menacerait de s’en séparer. Il est bon que le rapporteur ait précisé que certaines exceptions étaient prévues. C’est dans ces conditions que nous pourrons donner notre accord à ce texte.

M. Jérôme Rivière - C’est la nature des débats que de présenter de manière caricaturale les positions adverses, mais que M. Roman soit rassuré : il est hors de question pour la majorité de placer en situation de précarité les femmes qui pourraient se retrouver en difficulté.

M. le Rapporteur – La semaine dernière, Julien Dray nous demandait comment il était possible que la polygamie puisse continuer d’exister sur notre territoire alors qu’elle est interdite depuis des années. Le phénomène est évidemment limité, mais voici comment cela se passe : A épouse B ; ils divorcent, elle conserve son titre de séjour et reste sur le territoire français, tandis qu’il fait venir C. En réalité, les deux épouses vivent sous le même toit. J’ai bien dit qu’il s’agissait de cas exceptionnels.

M. Patrick Braouezec – On ne légifère pas sur des cas exceptionnels !

M. le Rapporteur – Je voulais juste répondre à Julien Dray.

M. Julien Dray – Ce n’est pas ainsi que j’avais présenté les choses. Je me suis simplement étonné qu’une députée de la majorité puisse évoquer l’augmentation de la polygamie dans certains quartiers, car cela veut dire que les dispositifs que vous avez mis en place ne fonctionnent pas. Je constate moi-même, dans un quartier d’une ville de ma circonscription, dont je tairai le nom, une augmentation des cas de mariages polygames et de vie en situation de polygamie. Dans la mesure où ils se rencontrent uniquement dans certaines communautés, on peut parler de « ghettoïsation ethnique ». C’est le fruit de lois mal appliquées, ou mal conçues – comme les vôtres.

M. Patrick Braouezec - Compte tenu de l’ambiguïté qui peut subsister, j’aimerais que vous acceptiez, Monsieur le ministre, de prendre en considération le décès de l’un ou l’autre conjoint. Il suffirait simplement d’ajouter, après « en cas de rupture », « sauf décès de l’un ou l’autre des conjoints ». Cela faciliterait l’interprétation ultérieure de la loi.

M. Christian Estrosi, ministre délégué Je partage votre préoccupation, Monsieur Braouezec ; aussi vous proposerai-je un amendement qui nous permettra d’apporter cette précision.

Les amendements 183, 296 et 531, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Julien Dray - L’amendement 481 est un amendement de repli. Compte tenu de l’importance de la communauté de vie, il importe de préciser les conditions de sa rupture, afin de ne pas traiter de la même façon l’étranger fraudeur et celui qui est victime d’une situation affective ou conjugale difficile.

L'amendement 481, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec – Je retire l’amendement 532 au profit de l’amendement 140 rectifié de M. Pinte, qui est mieux rédigé, puisqu’il parle de « un ou des enfants » là où nous n’évoquions que « des enfants ».

L’amendement 532 est retiré.

M. Étienne Pinte – Cet article, qui prévoit le retrait du titre de séjour du conjoint d’un étranger en cas de rupture de la vie commune pendant les trois ans suivant l’autorisation de séjourner au titre du regroupement familial, est conçu pour limiter les mariages de complaisance. Il ne doit pas s’appliquer lorsque des enfants sont nés de cette union. En effet, l’existence d’enfants signifie bien qu’il ne s’agit pas d’un mariage de complaisance. En outre, ces enfants ont le droit d’être élevés par leurs deux parents, même si ceux-ci ne vivent plus ensemble. Refuser un titre de séjour à l’un des parents porterait atteinte au droit des enfants à vivre en famille. L’amendement 140 rectifié tend donc à compléter la première phrase de l’alinéa 2 par les mots : « sauf si un ou des enfants sont nés de cette union et à la condition que l’étranger établisse contribuer effectivement, depuis la naissance, à l’entretien et à l’éducation du ou des enfants. »

Je souhaite par ailleurs obtenir une précision sur le sous-amendement que propose le rapporteur : pourquoi préciser que l’étranger doit être titulaire de la carte de résident, alors que le texte parle seulement de titre de séjour ?

M. le Rapporteur – Le sous-amendement 609 vise à limiter l’impossibilité du retrait en cas de rupture de la vie commune à la carte de résident. Il s’agit d’assurer un parallélisme avec ce qui a été voté pour les conjoints de Français à l’article 26. Les conjoints d’étrangers séjournant en France au titre du regroupement familial ne peuvent avoir plus de droits que les conjoints de Français. Sous cette réserve, avis favorable à l’amendement 140 rectifié.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Le Gouvernement est favorable à l’amendement et au sous-amendement.

M. Patrick Braouezec - Cet amendement est tout à fait dans l’esprit de la Convention des droits de l’enfant, que la France a ratifiée le 20 novembre 1989, et qui prévoit dans son article 9 que « les États parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents, ou de l’un d’entre eux, d’entretenir des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. »

M. Léonce Deprez - Je suis heureux que le rapporteur et le Gouvernement approuvent la proposition de notre collègue Pinte, dont la philosophie est partagée par bon nombre d’entre nous. La préoccupation de l’humain doit se concilier avec celles de la politique de l’immigration. Elle n’en est pas moins inscrite au fond de nous-mêmes.

M. Patrick Braouezec - Vous auriez dû être là plus souvent ! Vous auriez peut-être fait fléchir le Gouvernement !

M. Léonce Deprez - Le ton qui domine en cet instant est celui qui convient à un tel débat, qui requiert à la fois de la gravité et de la sensibilité.

M. Patrick Braouezec - La gravité n’a jamais manqué ; la sensibilité, parfois beaucoup !

Le sous-amendement 609, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 140 rectifié ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 184 tombe.

M. Étienne Pinte - L’amendement 351 vise à empêcher l’autorité administrative de procéder au retrait du titre de séjour de l’étranger qui, en raison de violences subies de la part de son conjoint français, a rompu la communauté de vie.

M. le Rapporteur – Avis favorable, ainsi qu’à l’amendement 467 de Mme Morano, qui est identique.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Même avis. La loi destinée à protéger les victimes de violences conjugales prévoit déjà que « lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales, l’autorité administrative peut accorder le renouvellement du titre. » Cet amendement complète utilement cette disposition.

Les amendements 351 et 467, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – Je vous présente, avec l’accord du président de la commission des lois, qui a levé la forclusion, un amendement 611 de M. Braouezec qui va vous être distribué. Je vous en donne lecture : « Compléter cet article par les deux alinéas suivants : « II. L’article L. 431-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Le décès de l’un des conjoints n’est pas une cause de rupture de la vie commune au sens du présent article. » »

L'amendement 611, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – À l’unanimité.

L'article 32, modifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Nous en revenons à présent aux articles 16 à 22.

Art. 16

M. Patrick Braouezec - L’amendement 519 vise à supprimer les alinéas 5 à 10 de cet article, qui suppriment la possibilité pour les ressortissants des États membres de l’Union d’établir en France leurs résidence habituelle sans être soumis à l’obligation de posséder un titre de séjour : ils sont donc contraires à la liberté de circulation et à l’état d’esprit communautaire.

M. le Rapporteur - Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j’y suis défavorable. Ces alinéas se bornent à transposer fidèlement l’article 7 de la directive du 29 avril 2004. Ils ne peuvent donc guère être contraires au droit communautaire en imposant une activité professionnelle, une assurance maladie ou des ressources minimales aux Européens souhaitant séjourner plus de trois mois en France.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Même avis.

L'amendement 519, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L’amendement 70 apporte une précision.

L'amendement 70, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Patrick Braouezec - L’amendement 518 propose de supprimer la fin de l’alinéa 8, qui est redondante avec l’alinéa 7.

L'amendement 518, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec - L’amendement 536 vise à ajouter au mariage le cas d’un contrat équivalent au Pacs, mais passé dans un autre pays de l’Union. Il permet ainsi de prendre en considération toutes les catégories de contrat, mariage ou Pacs, qui existent dans notre pays.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cela risquerait de donner des droits au séjour plus importants aux partenaires de ressortissants d’autre États membres qu’aux co-pacsés de Français.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Avis défavorable. Depuis la création du Pacs en 1999, le législateur n’a jamais entendu assimiler le Pacs et le mariage en ce qui concerne le droit au séjour. Une circulaire de 2004 le confirme. L’article de la directive de 2004 n’a donc pas à s’appliquer. Cette proposition créerait de surcroît une discrimination entre les étrangers titulaires d’un Pacs.

M. Noël Mamère - Le projet de loi reste silencieux sur un des « membres de famille » prévus par la directive du 29 avril 2004 : le partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a contracté un partenariat enregistré dans un État membre, si, dans la législation de l'État d'accueil, les partenariats enregistrés sont équivalents au mariage, et dans le respect des lois de cet État d’accueil. Or, depuis la loi du 15 novembre 1999 sur le Pacs, la législation française prévoit la possibilité de contracter des partenariats enregistrés. Ainsi, l'étranger non communautaire pacsé avec un citoyen de l'Union devrait avoir un droit au séjour comme membre de famille de ce dernier. La même solution devrait être applicable à ceux qui auraient passé dans un autre pays de l'Union des contrats équivalents au Pacs français dans le respect des conditions prévues par notre législation. Tel est l’objet de l’amendement 222.

En omettant de prévoir cette catégorie de personnes, la France ne procède donc pas à une transposition complète de la directive et pourrait de ce fait être sanctionnée – le délai de transposition expirait d’ailleurs le 30 avril. Vous êtes enclin à choisir les dispositions qui vous plaisent, dans les directives européennes !

L'amendement 536, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 222, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.

M. Patrick Braouezec - L’amendement 537 supprime les alinéas 11 à 13 de cet article. Obliger les ressortissants communautaires à se faire enregistrer dans les trois mois suivant leur arrivée est une entrave non seulement à la liberté de circulation, mais aussi au droit à séjourner librement sur les territoires des États membres de l'Union prévu par la directive du 29 avril 2004. Par ailleurs, si l’enregistrement doit être réalisé par le maire de la commune de résidence, quels seront les moyens techniques et financiers débloqués pour faire face à cette charge nouvelle ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Même avis.

M. Julien Dray - Un long débat a déjà eu lieu sur les transferts de compétences, au cours duquel le ministre a refusé à plusieurs reprises de donner de nouvelles compétences aux maires, comme la délivrance des titres de séjour par exemple, au prétexte de la charge que cela créerait pour eux. Pourquoi avons-nous aujourd’hui un tout autre son de cloche ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué  Parce que cette disposition particulière est déjà appliquée en Allemagne, en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Estonie, en Finlande, en Hongrie, en Italie, aux Pays-bas, en Pologne, en Slovénie, en Suède et en Tchécoslovaquie.

M. Julien Dray - C’est des moyens que nous vous parlons !

L'amendement 537, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère - L’amendement 223 est semblable au précédent. Bien des questions demeurent sans réponse : quelle sera l’autorité d’enregistrement ? Le maire de la commune de résidence, le préfet ? En tout état de cause, il est exclu que la déclaration doive être réitérée à chaque changement de résidence. Par ailleurs, vous ne prévoyez aucune sanction en cas de non-enregistrement ou de non-respect des délais. Ce point sera-t-il abordé dans le décret ? La directive de 2004 précise que le non-respect de cette obligation de déclaration peut être passible de sanctions non discriminatoires et proportionnées. Encore une fois, vous déléguez des fonctions régaliennes à une institution locale.

M. le Rapporteur – L’autorité d’enregistrement sera le maire : ce sera précisé dans le prochain amendement. Quant aux sanctions, je m’étonne que vous en réclamiez, mais si vous voulez déposer un amendement à ce sujet, vous pouvez parfaitement le faire.

La commission a donné un avis défavorable à l’amendement 223, car l’enregistrement n’est prévu qu’à des fins statistiques. Cette simple démarche n’est donc pas une entrave au droit de séjour, qui ne sera bien sûr pas remis en cause si l’étranger ne l’accomplit pas.

M. Christian Estrosi, ministre délégué  Il n’est pas question de sanctions ! Cette disposition a été prise dans une logique de service, pas de contrainte. Nous offrons la possibilité aux étrangers ressortissants de l’Union de s’enregistrer pour bénéficier des mêmes prestations et services que les Français en matière, par exemple, d’information civique et civile.

M. le Rapporteur – Lors d’un débat télévisé, Hervé Le Bras, qui a écrit un livre sur l’immigration avec Jack Lang, s’est félicité de cette disposition, qui nous permettra enfin d’améliorer nos données statistiques. Il nous a fait observer qu’à force d’être obsédés par le refus de ficher les gens, on finissait par ne plus disposer d’aucune information démographique fiable. Nous saurons combien d’Européens résident dans nos communes. Ce n’est qu’un élément d’information.

L'amendement 223, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L’amendement 71 précise que c’est auprès du maire que les ressortissants de l’Union s’enregistreront. L’échelon communal paraît en effet le plus adapté pour les informer et les accueillir, s’agissant en outre d’un territoire où ils disposeront du droit de vote lors des élections municipales et européennes.

L'amendement 71, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 538 supprime l’alinéa 13 de cet article, qui est en contradiction avec le décret du 24 octobre 2005 relatif aux conditions d'entrée et de séjour en France des ressortissants des États membres de la Communauté européenne bénéficiaires de la libre circulation des personnes. Ce décret supprime l'obligation d'un titre de séjour et précise les conditions de sa délivrance si le citoyen de l'Union en fait la demande. Il prévoit aussi le droit au séjour permanent pour les ressortissants communautaires exerçant une activité, salariée ou indépendante. Pourquoi donc la France violerait-elle le droit communautaire, d’autant que les mesures transitoires, qu’elle avait mises en place, concernant certains pays qui viennent d’adhérer, sont arrivées à échéance.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. L’ouverture progressive en fonction des besoins de main-d’œuvre constatés pour chaque profession privilégie les pays d’Europe centrale et orientale. Il faut en effet éviter qu’une ouverture excessive du marché du travail déstabilise certaines branches professionnelles et fasse courir le risque d’un dumping social.

M. Christian Estrosi, ministre délégué Avis défavorable. Mais j’avoue ne pas comprendre cet amendement puisque le projet de loi ne modifie en rien les règles existantes sur ce point. Seuls les ressortissants des nouveaux États membres qui souhaitent travailler en France restent soumis jusqu’en 2011 à l’obligation de détenir un titre de séjour, conformément à l’article 18 du décret auquel il est fait référence.

L'amendement 538, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 72 est de précision.

L'amendement 72, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Patrick Braouezec - L’amendement 539 tend à supprimer l’alinéa 14. Que signifie en effet « sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public » ? C’est bien flou.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Cet amendement aboutirait à supprimer le droit pour un membre non européen de la famille d’un ressortissant communautaire de séjourner plus de trois mois en France, ce qui n’est certainement pas l’intention de M. Braouezec.

M. Christian Estrosi, ministre délégué  Même avis. Nous ne faisons que transposer l’article 27 de la directive. L’État français doit se réserver la possibilité de ne pas accueillir sur son sol les fauteurs de troubles.

L'amendement 539, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec - L’amendement 540 tend à supprimer l’alinéa 16, redondant avec les alinéas 5 et 14, qui disposent déjà que s’il menace l’ordre public, le ressortissant d’un État membre ou le membre de sa famille n’aura pas le droit de séjourner en France. De facto, il ne pourra donc obtenir d’autorisation de séjour, ni se voir octroyée ou renouvelée une carte de séjour.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Il est souhaitable de disposer d’un fondement législatif clair et explicite pour pouvoir éloigner la personne qui ne remplit plus les conditions requises pour pouvoir séjourner en France, notamment en cas d’atteinte à l’ordre public.

M. Christian Estrosi, ministre délégué  Même avis.

L'amendement 540, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 224 tend à supprimer l’alinéa 21, non conforme à la directive du 29 avril 2004 dans la mesure où il ne prévoit pas les travailleurs ressortissants d’un État membre et ayant cessé leur activité, qui peuvent prétendre à un droit au séjour permanent sans avoir besoin de justifier de cinq années de résidence.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Vous faites, je crois, une erreur d’interprétation car cet amendement supprimerait le droit au séjour permanent reconnu aux membres de la famille d’un ressortissant communautaire. Le projet de loi se borne à transposer la directive du 29 avril 2004.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Même avis.

L'amendement 224, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec - L’alinéa 21 n’ayant pas été supprimé, nous proposons par notre amendement 541 d’y supprimer les mots « et ininterrompue ».

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Le projet de loi ne fait que transposer l’article 16 de la directive du 29 avril 2004.

M. Christian Estrosi, ministre délégué  Même avis.

L'amendement 541, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec - L’amendement 542 tend à insérer, après l’alinéa 21, le texte suivant : « Sauf si leur présence constitue une menace pour l’ordre public, les travailleurs communautaires ayant cessé leur activité acquièrent un droit au séjour permanent sur l’ensemble du territoire sans avoir besoin de justifier de cinq ans de résidence. »

L'amendement 542, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec - L’amendement 543 tend à supprimer l’alinéa 22. En effet, l’obligation faite de ne pas avoir quitté le territoire français pendant plus de deux ans est contraire à la directive du 29 avril 2004.

L'amendement 543, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Les amendements 73 et 74 sont de précision.

L'amendement 73, accepté par le Gouvernement, est adopté de même que l’amendement 74.
L'article 16 modifié, mis aux voix, est adopté.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

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dÉpÔt d’une motion de censure

M. le Président – Le Président de l'Assemblée nationale a reçu, à 18 heures 30, une motion de censure déposée par MM. Jean-Marc Ayrault, François Hollande et Roger-Gérard Schwartzenberg, ainsi que 140 membres de l'Assemblée, en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution.

Conformément à l'article 153, alinéa 4, du Règlement, je donne lecture de ce document :

« Notre pays traverse l'une des plus graves crises politiques de la Ve République. Depuis un an, le Gouvernement est plongé dans une tourmente d'une rare intensité : violences urbaines exceptionnelles dans leur durée et leur ampleur, opposition massive des salariés, des étudiants et des lycéens au contrat première embauche et, aujourd'hui, divisions au sommet de l'État sur fond de suspicion, de manœuvres et de complots.

« Le divorce entre le pouvoir et les Français est consommé avec l'implication de l'exécutif dans la ténébreuse affaire Clearstream.

« S'il appartient à la justice de dénouer les fils de cette machination, si la présomption d'innocence comme le secret de l'instruction doivent être respectés, il reste une évidence : c'est au sein même du Gouvernement que se lancent les accusations, s'organisent les manœuvres, se jettent les suspicions. Comment une telle équipe peut-elle continuer à travailler pour le pays dans ce climat délétère, alors que les causes de ce délabrement se situent en son sein même ? C'est l'autorité de l'État qui en est la seule victime. Le Premier ministre comme le ministre de l'intérieur, dans leur querelle, sont les premiers acteurs du trouble et du désordre. Le Président de la République, en maintenant cet invraisemblable attelage, fait courir un risque majeur à l'esprit de nos institutions.

« Que veut dire en effet la sécurité de l'Etat quand les services de renseignements sont dévoyés dans des opérations de déstabilisation entre ministres du Gouvernement et quand des officiers et des juges se disent publiquement instrumentalisés dans cette lutte de pouvoir ?

« Que veut dire l'intérêt national quand le Président de la République a, désormais, pour seule perspective pour l'exercice de son mandat que de le terminer, quand le Gouvernement est paralysé et ballotté au gré des rivalités personnelles et des menaces de révélations, quand l'image et la place de la France dans le monde sont à ce point altérées ?

« Si, comme le dit le chef de l'État, la République n'est pas « la dictature de la rumeur », elle ne peut pas être davantage le régime des convenances, des confusions et des complots. Économiquement, socialement, moralement, le Gouvernement a épuisé la France et les Français. Tous ceux qui y participent en portent la responsabilité. Aucun ne peut prétendre s'en exclure.

« Face à ce délitement, le temps d'une espérance est venu. L'élection présidentielle doit être l'occasion de tourner la page de ce régime de crises et de poser les termes du débat de société dont le pays a besoin. Pour que cette confrontation démocratique ne débouche pas sur le rendez-vous tronqué de 2002 sous la menace de l'extrémisme, il est aujourd'hui indispensable d'assainir la situation politique.

« Dans une démocratie digne de ce nom, toutes les conséquences d'une crise de cette ampleur auraient été tirées soit par un changement global d'équipe gouvernementale, soit par un retour devant le peuple français.

« Pour tous ces motifs, l'Assemblée nationale censure le Gouvernement en application de l'article 49, alinéa 2 de la Constitution. »

Cette motion de censure sera notifiée au Gouvernement et affichée. Conformément à l'article 153, alinéa premier de son Règlement, l'Assemblée prend acte de ce dépôt.

La discussion et le vote sur cette motion de censure ont été fixés par la Conférence des présidents, qui vient de se réunir, au mardi 16 mai, après les questions au Gouvernement.

M. le Rapporteur – Cela signifie-t-il que les explications de vote et le vote sur le projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration sont reportés ?

M. le Président – Oui, au mercredi 17 mai, après les questions au Gouvernement.

M. Julien Dray - Je ne peux que saluer l’initiative opportune que constitue le dépôt de cette motion de censure.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

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