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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du jeudi 11 mai 2006

Séance de 10 heures
92ème jour de séance, 217ème séance

Présidence de M. Maurice Leroy
Vice-Président

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La séance est ouverte à dix heures.

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EAUX ET MILIEUX AQUATIQUES

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, sur l’eau et les milieux aquatiques.

M. le Président – Monsieur Chassaigne, vous avez la parole pour un rappel au Règlement.

M. André Chassaigne - Je voudrais aborder deux points rapidement afin de ne pas retarder les débats.

La première remarque, à laquelle s’associe le groupe socialiste, concerne l’organisation de nos travaux. On nous disait hier que l’examen de ce projet de loi sur l’eau débuterait à 15 heures. Nous avons appris ce matin, en allumant notre téléviseur, que nous prendrions finalement ce texte à 10 heures. Je regrette cette valse hésitation.

M. Jean-Charles Taugourdeau - Nous avons été informés de ce changement dès deux heures du matin !

M. André Chassaigne – Plus grave, nous ouvrons ces débats alors que la commission ne s’est pas réunie pour examiner les amendements au titre de l’article 88. Après avoir été reportée trois fois, cette réunion devrait avoir lieu cet après-midi entre 14 heures 30 et 15 heures. Certes, nous avons consacré 11 heures de débat à ce projet de loi en commission des affaires économiques mais il aurait fallu lui donner plus de temps encore au titre de l’article 88.

Second point, j’ai appris ce matin par téléphone qu’un de mes amendements – parmi d’autres, peut-être – ne serait pas discuté en séance au motif qu’il relève du domaine réglementaire. Or il répond à une demande très forte des habitants que j’ai réunis plus d’une quinzaine de fois dans mon atelier de circonscription. Il s’agit d’une violation manifeste de l’article 41 de la Constitution aux termes duquel « s’il apparaît au cours de la procédure législative qu’une proposition ou un amendement n’est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38, le Gouvernement peut opposer l’irrecevabilité ». Ce n’est donc pas au Président de l'Assemblée nationale de déclarer irrecevable un amendement relevant du domaine réglementaire, mais au Gouvernement. M. Debré a présenté une proposition de loi constitutionnelle qui donne au Président ce pouvoir mais une proposition de loi n’est pas une loi. Je demande donc que la Constitution soit respectée !

M. le Président – Sur le premier point, je rappelle que M. Bocquet, président du groupe des communistes et républicains, siège à la Conférence des Présidents et qu’il était donc parfaitement informé que nous prendrions le texte sur l’eau aussitôt les débats sur le projet de loi relatif l’immigration terminés. La présidence avait indiqué que les travaux pourraient débuter à 15 heures car la séance de ce matin aurait pu ne pas avoir lieu si les débats s’étaient poursuivis tard dans la nuit. La séance s’étant terminée à 1 heure 50 ce matin, nous reprenons à 10 heures. C’est tout à fait conforme à ce qui avait été prévu en Conférence des Présidents. S’agissant de la réunion de la commission, il est indiqué dans le feuilleton, dont vous n’avez peut-être pas eu le temps de prendre connaissance, qu’elle aura lieu aujourd’hui à 14 heures 30.

Quant à votre amendement 882, en vertu de l’article 41 de la Constitution, le Président de l'Assemblée nationale a le droit – c’est même son devoir – de déclarer irrecevable un amendement relevant du domaine réglementaire.

M. André Chassaigne - C’est faux !

M. le Président – Monsieur, si vous n’en êtes pas d’accord, il faut modifier la Constitution. Pour l’heure, un amendement qui ne relève pas de la loi – vous avez commis l’imprudence de reconnaître que c’est le cas de la disposition que vous proposez ne peut être discuté en séance. Nous devrions tous nous réjouir que cette règle soit respectée avec la plus grande vigilance. Comme vous le savez, M. Debré est particulièrement attentif à cette question, c’est l’un de ses « dadas ». Rien d’anormal à cela, le Président de l'Assemblée nationale a le charge de faire respecter la Constitution. Quant à la proposition de loi constitutionnelle que vous évoquiez, c’est un autre débat. Si votre amendement avait été mis en discussion, c’est le Gouvernement qui se serait chargé de le déclarer irrecevable au titre de l’article 41 de la Constitution. Vous aurez néanmoins le loisir de présenter votre proposition à l’article 24 ter, comme c’est l’usage pour les amendements tombés au champ d’honneur, et éventuellement d’utiliser la procédure des questions écrites pour interpeller le Gouvernement sur son pouvoir réglementaire.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable La tenue du forum de l’eau à Mexico il y a moins de deux moins a été l’occasion de rappeler que la mauvaise qualité de l'eau est la première cause de mortalité au monde : une personne sur cinq n'a pas accès à l'eau potable, et une personne sur trois à l'assainissement. Dans un contexte de changement climatique et de croissance démographique, l'eau est un enjeu planétaire essentiel dont dépendent les équilibres écologiques, économiques et sociaux. Ce constat peut sembler éloigné de la problématique française. Nous avons, en effet, la chance de disposer d'un important réseau hydrographique et d'une ressource globalement abondante. Mais cette disponibilité au robinet ne doit pas être banalisée. Fruit d’un investissement humain et financier, elle est un privilège qui doit nous inciter à préserver la qualité de l'eau dans le milieu naturel pour que tous les usages de l'eau puissent être satisfaits demain.

Le choix d'une gestion de l'eau concertée, durable et équitable pour une reconquête de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques est celui du projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter. Ce texte, très attendu, a fait l'objet d'une très large concertation avec les acteurs du monde de l'eau et le grand public. Avant d’en rappeler les principaux points, je veux saluer le travail de mes prédécesseurs et celui du Sénat qui a amélioré le projet du Gouvernement et je tiens à remercier M. Ollier, président de la commission des affaires économiques, M. Flajolet, rapporteur au fond, sans oublier M. Rouault, rapporteur pour avis, de leur contribution. Notre responsabilité aujourd’hui est de mener à bien la réforme de la politique de l'eau. Nous devons, en effet, nous doter des outils indispensables pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre européen. Ces engagements, auxquels nous avons librement souscrit, ne doivent pas êtres vécus comme une contrainte, mais comme une chance pour un environnement plus sain. La France est comptable devant la Commission de leur bonne réalisation. Si le nombre de contentieux européens portant sur l’eau a été réduit de moitié en une année, nous devons en profiter pour amplifier nos efforts sur les affaires en cours, dont certaines exposent la France à des sanctions financières lourdes à brève échéance.

Tel est notamment le cas en matière d’assainissement, où nous avons pris un retard de huit ans dans la transposition de la directive européenne « eau résiduaire urbaine ». Je rappelle également que nous ne respectons pas en Bretagne la norme de 50 mg en nitrate dans les zones destinées à la production d’eau potable.

Parmi les objectifs européens que nous nous sommes engagés à remplir, la directive cadre sur l’eau de 2000 tient une place particulière, puisqu’elle lie intimement préservation du milieu et satisfaction des usages, tout en fixant des objectifs très ambitieux : parvenir d’ici à 2015 au bon état des eaux ; réduire, voire supprimer, les rejets de substances dangereuses ; faire participer le public à l’élaboration et au suivi des politiques ; et enfin récupérer le coût des services liés à l’utilisation de l’eau. Cette directive rejoint et complète l’approche déjà retenue par la loi sur l’eau du 3 janvier 1992, qui avait consacré l’eau comme « patrimoine commun de la nation » et fait le lien entre milieux et usages. Face à ces défis, et malgré le dispositif mis en place par les lois sur l’eau ou la pêche de 1964, 1984 et 1992, la situation reste toutefois insatisfaisante en France.

Tout d’abord, la qualité de l’eau et des milieux aquatiques est insuffisante, car elle n’atteint pas encore le niveau défini par la directive cadre, en raison de pollutions ponctuelles et surtout diffuses, qui compromettent la préservation des ressources destinées à la production de l’eau potable.

Les bilans de l’Institut français de l’environnement font ainsi apparaître une contamination généralisée des eaux par les pesticides dans 80% des stations de mesure en rivière et 57 % en eaux souterraines. Par ailleurs, la moitié du territoire national est classée zone vulnérable, en raison de concentrations de nitrates supérieure à 50 mg par litre ou de phénomènes d’eutrophisation.

L’objectif de bon état écologique de l’eau n’est aujourd’hui atteint que dans la moitié des points de suivi des eaux superficielles et côtières. Ces dernières reçoivent in fine l’ensemble de la pollution des bassins versants, qui génère par exemple des marées d’algues vertes. J’ajoute que le bon état écologique des cours d’eau est également limité par la présence d’ouvrages qui font obstacle dans le lit des cours d’eau, entravant la continuité biologique et la circulation des sédiments.

Deuxième difficulté : la gestion quantitative de la ressource en eau. Tous les efforts de réduction de pollution perdraient en effet leur sens faute d’un débit suffisant dans nos cours d’eau. Cette question de la gestion quantitative de l’eau a été posée avec acuité au cours des dernières années, et même si la pluviométrie des deux derniers mois a considérablement amélioré les prévisions pour l’été 2006, nous devons rester attentifs et engager une action structurelle pour réduire les écarts entre l’offre et la demande d’eau.

Certaines régions connaissent en effet des déséquilibres entre les besoins et les ressources, préjudiciables aux activités économiques mais aussi à l’équilibre écologique des milieux aquatiques.

Enfin, nous devons adapter notre organisation institutionnelle afin d’améliorer la gouvernance dans le domaine de l’eau. Les agences de l’eau ont certes permis de dégager les moyens nécessaires pour améliorer les réseaux d’eau et d’assainissement et le traitement des rejets urbains et industriels, mais les services publics d’eau et d’assainissement doivent faire face à des responsabilités importantes qu’ils ont des difficultés à assumer, notamment pour ce qui est du développement et du bon fonctionnement des dispositifs d’assainissement non collectifs ou de maîtrise des eaux de ruissellement : les pollutions diffuses et la protection des eaux aquatiques doivent être davantage prises en compte.

Or, l’encadrement insuffisant des ressources des agences de l’eau au regard des exigences constitutionnelles limite les possibilités d’adaptation aux nouveaux défis que nous devons relever. L’organisation institutionnelle de la pêche en eau douce, qui date d’une soixantaine d’années, n’est en outre plus adaptée aux besoins.

Le dispositif actuel, qui s’est bâti par couches successives depuis l’après-guerre – création du conseil supérieur de la pêche et des fédérations de pêche en 1941, institution des agences de l’eau en 1964 et reconnaissance des établissements publics territoriaux de bassin en 2003 - a atteint au fil du temps une complexité excessive et manque désormais de lisibilité. S’il a pu répondre à des enjeux ponctuels, pour lesquels les responsabilités étaient clairement identifiables, ce dispositif montre ses limites dès lors qu’il faut s’attaquer à des problèmes plus diffus, comme la pollution par les engrais et les produits phytosanitaires, ou encore la qualité défaillante de l’assainissement non collectif.

C’est pourquoi ce projet de loi parachève le travail de réforme de la politique de l’eau entrepris depuis 2002, qu’il s’agisse des outils réglementaires ou des aspects institutionnels ou financiers : prévention des risques d’inondation, création d’offices de l’eau outre mer, transposition de la directive cadre sur l’eau, protection des captages, coopération internationale, protection des zones humides, et enfin lutte contre l’érosion des sols.

Ce projet de loi, nouveau pivot de la politique de l’eau, conforte les grands principes déjà posés en réaffirmant la place du bassin versant, qui est le périmètre privilégié pour la définition des objectifs de gestion durable et la mise en œuvre des mesures destinées à les atteindre, en amplifiant l’association des usagers de l’eau ou de leurs représentants à la définition et au suivi de la politique de l’eau, et enfin en renforçant le principe selon lequel leur contribution financière par le biais de redevances est affecté exclusivement à la politique de l’eau.

Ce projet de loi s’organise autour de trois grands axes : améliorer la gouvernance dans le domaine de l’eau ; renforcer les outils disponibles pour garantir la qualité de l’eau et des milieux aquatiques ; et enfin, faciliter et rendre plus transparente la gestion des services d’eau et d’assainissement, en particulier ceux qui ne sont pas collectifs.

En matière de gouvernance, tout d’abord, le projet a pour ambition de réformer l’ensemble du système pour lui conférer plus de lisibilité. Les redevances des agences de l’eau s’appuieront ainsi sur des bases juridiques plus sûres, au moyen d’une plus grande déconcentration, encadrée par le Parlement, et d’une simplification.

En vertu de l’article 34 de la Constitution, le Parlement a en effet compétence exclusive pour fixer les règles d’assiette et de redevance des agences de l’eau, et pour encadrer leurs taux. En contrepartie, les compétences des comités de bassin sont élargies : ils devront donner à l’avenir un avis conforme sur les programmes d’intervention des agences.

Sur ce point, je tiens à préciser que les redevances des agences inscrites dans le projet de loi correspondent toutes à des prélèvements existants, dont certains ont été transférés au bénéfice des agences, le seul prélèvement obligatoire nouveau étant celui lié au fond de garantie des boues.

Par ailleurs, le conseil supérieur de la pêche est transformé en un office de l'eau et des milieux aquatiques, chargé de renforcer la surveillance des cours d'eau sur le terrain et de bâtir un pôle national d'étude et d'expertise. Cet office élaborera également un véritable système d'information sur l'eau et les milieux aquatiques ainsi que sur les performances des services publics de l'eau et de l'assainissement, outil indispensable à une évaluation partagée des résultats de notre politique de l'eau. Il apportera également un appui technique aux services centraux et déconcentrés de l'État, de même qu'aux agences de l'eau, tout en assurant en tant que de besoin la solidarité entre bassins. Il ne s'agit donc pas, comme certains semblent le craindre, d'accroître le périmètre du secteur public, mais de mieux utiliser les capacités existantes.

Parallèlement, le projet de loi entreprend de réformer l'organisation de la pêche. D’intérêt général, la gestion durable du patrimoine piscicole et des habitats participe en effet à la gestion équilibrée de la ressource en eau. Le projet de loi modernise ainsi l'organisation de cette activité et en responsabilise les acteurs.

Enfin, pour améliorer la gestion locale et concertée des ressources en eau, le projet de loi assouplit les règles de composition et de fonctionnement des commissions locales chargées d'élaborer les schémas d'aménagement et de gestion des eaux et de suivre leur mise en oeuvre. Nous renforçons également la portée juridique de ces schémas, qui deviendront ainsi plus opérationnels.

Pour ce qui est de la reconquête de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques, ainsi que de la gestion quantitative de la ressource, le projet de loi retient cinq priorités.

Il s’agit tout d’abord de lutter contre les pollutions diffuses, qui ont pris une grande ampleur. Si nous avons bien identifié certains polluants agricoles, comme les pesticides, les nitrates et les phosphore, nous n’en sommes probablement qu’au début des recherches sur de nombreuses autres substances qui se retrouvent in fine dans l’eau.

Il convient donc d'agir de manière efficace et dépassionnée face à une pollution dont l'origine est systémique, afin de mettre au point des modes de production et de fonctionnement économique qui ne génèrent pas un empoisonnement diffus et présentant des risques pour la santé.

En ce qui concerne l'agriculture, la maîtrise des pollutions diffuses est d'autant plus importante que des débouchés nouveaux se créent en matière de biocarburants ou de chimie verte. Il convient donc de sortir du climat actuel de défiance dans lequel une redevance est considérée soit comme une punition, soit comme un droit à polluer. Nous devons donc aller de l'avant : la maîtrise de ces pollutions est un enjeu stratégique de développement et nous devons obtenir des résultats tangibles, seule preuve concrète de nos efforts.

C'est dans cet esprit que le projet de loi propose des plans d'actions géographiquement ciblés contre les pollutions diffuses, qui devront contribuer à faire évoluer les pratiques agricoles vers une meilleure prise en compte de l'environnement. Ces plans pourront bénéficier d'aides et devenir obligatoires dans les secteurs sensibles, tels que les zones d'alimentation des captages, les zones humides d'intérêt particulier ou encore les zones d'érosion diffuse.

Le texte s'attaque également à la pollution générée par les pesticides, dont j'ai évoqué précédemment l'ampleur et dont nous connaissons tous l'importance en matière de santé publique. Nous allons ainsi instaurer une véritable traçabilité des ventes des produits phytosanitaires et des biocides, ainsi qu’un contrôle sur les pulvérisateurs utilisés pour l'application de ces produits. Certains agents de la police de l'eau pourront par ailleurs effectuer des contrôles sur les conditions d'utilisation des produits phytosanitaires, et la taxe générale sur les activités polluantes applicable aux produits phytosanitaires sera transformée en une redevance affectée aux agences de l'eau.

Pour ce qui est de l'application aux agriculteurs du principe de réparation énoncé à l'article 4 de la charte de l'environnement, le Gouvernement propose une approche pragmatique et ciblée.

Pour les éleveurs, le projet de loi propose ainsi d'utiliser les nitrates, principal facteur de pollution, comme assiette de la contribution et instrument d’intégration de l'ensemble des pollutions dues à cette activité.

S’agissant des cultures, la principale source de pollution réside en revanche dans les pesticides, certains d’entre eux étant classés comme cancérigènes et toxiques pour la reproduction. Ces produits sont donc dangereux non seulement pour le milieu naturel, mais aussi pour la santé humaine, les plus exposés étant les applicateurs eux-mêmes.

Afin d’inciter à une réduction de la pollution, le projet de loi propose donc d'utiliser les pesticides comme assiette de taxation, en instaurant une redevance versée par les utilisateurs en remplacement de la taxe généralisée sur les activités polluantes payée par les fabricants de ces produits. Cette assiette ciblée sur le paramètre de pollution le plus grave est considérée comme représentative de l’ensemble des pollutions par les cultures - nitrates, phosphore. Elle a donc semblé suffisante pour fonder la contribution de celles-ci au principe de réparation, d’autant plus que le Sénat en a relevé les taux. Par ailleurs, en ce qui concerne les nitrates, la conditionnalité des aides de la PAC est pleinement opérationnelle. Un exploitant peut ainsi se voir refuser jusqu’à 5 % des aides, ce qui est bien plus incitatif qu’une redevance sur les nitrates.

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis de la commission des finances – Très bien.

Mme la Ministre – Le symboles ne servent à rien: il faut utiliser avec pragmatisme les outils dont nous disposons.

La deuxième priorité est de reconquérir la qualité écologique des cours d’eau. Les états des lieux qui viennent d’être réalisés, tant en France que dans les autres États membres de l’Union européenne, montrent que la principale raison des déficiences en la matière résultent des modifications apportées par l’homme à la morphologie des cours d’eau. Le projet prévoit que le débit minimum imposé au droit des ouvrages hydrauliques soit adapté aux besoins écologiques et que leur mode de gestion permette d’atténuer les effets des éclusées. Il fixe également une date limite pour l’application de ces mesures : le 1er janvier 2014. Cela concerne en particulier la règle du débit réservé du 1/10ème du module introduite dans la loi de 1984 comme un objectif, lequel n’est quasiment jamais atteint sur les ouvrages existants. Le texte facilite également l’entretien des cours d’eau tout en promouvant des pratiques qui respectent les milieux aquatiques et permettent d’atteindre le bon état écologique. Il prévoit plusieurs mesures pour que les continuités écologiques soient assurées, tant pour les migrations des espèces que pour les sédiments. Enfin, il renforce les sanctions applicables aux atteintes des milieux aquatiques et au braconnage. Ces dispositions, telles que modifiées par le Sénat, me paraissent un bon compromis entre les nécessités de permettre le développement des énergies renouvelables et l’objectif du bon état écologique.

La troisième priorité concerne la gestion quantitative de la ressource. Le texte prévoit plusieurs mesures pour renforcer la gestion collective et permettre l’attribution de quotas d’eau, ce qui est plus souple pour les utilisateurs et plus efficace pour la protection du milieu. L’exemple de la gestion de l’eau en nappe de Beauce, où cinq départements ont mis en œuvre une gestion volumétrique exemplaire, doit être suivi. Le Gouvernement a donc déposé plusieurs amendements afin de renforcer la maîtrise de la gestion des prélèvements d’eau en application du plan de gestion de la rareté de l’eau que j’ai présenté en Conseil des ministres en octobre dernier. Je proposerai ainsi que la loi reconnaisse la priorité systématique à l’alimentation en eau potable, que la pose de compteurs individuels dans les logements neufs soit obligatoire et, enfin, que les collectivités responsables des services d’eau aient la possibilité d’assurer la protection de l’approvisionnement en eau de leur captage en créant des zones de sauvegarde quantitative.

La quatrième priorité porte sur la protection des milieux marins. Le projet prenant insuffisamment en compte ce patrimoine naturel exceptionnel, je présenterai quatre amendements à ce sujet. La directive « eaux de baignade » ayant été promulguée en mars dernier, la loi sur l'eau permettra d'assurer sa transposition législative. L'amendement qui sera proposé reprend et prolonge les propositions de l'association nationale des élus du littoral qui avait été introduites dans le texte lors de son examen devant la Haute Assemblée. Un autre amendement portera sur l'application spécifique de la directive « Natura 2000 » en mer. Enfin, je présenterai deux amendements visant à renforcer les sanctions en cas de dégradation du milieu marin les sanctions qui pourront aller jusqu'à la confiscation des bateaux.

La cinquième et dernière priorité porte sur la simplification et le renforcement de la police de l’eau. Un amendement gouvernemental permettra de ratifier l'ordonnance de simplification administrative du 18 juillet 2005. Celle-ci permet d'unifier les outils issus de la législation sur la pêche et de la législation sur l'eau de façon à avoir un régime unique en matière de pisciculture, de travaux en rivière ou de vidanges de plans d'eau. Elle limite également la procédure coûteuse de « l'autorisation loi eau » aux ouvrages les plus importants ayant un impact sur les milieux aquatiques. Les autres opérations seront simplement soumises à déclaration mais le préfet pourra exercer un droit d'opposition si la préservation de ces milieux n'est pas assurée. L'action de l'administration pourra ainsi être recentrée sur les ouvrages les plus importants sans diminuer la protection du milieu aquatique. Les délais d'instruction seront réduits et le nombre de contrôles, gage du respect des prescriptions, sera augmenté. L’application de cette ordonnance s'accompagne de la constitution d'un service unique de police de l'eau dans chaque département.

Le troisième grand axe du projet porte sur les services d'eau et d'assainissement.

Le texte vise à répondre à de nombreuses difficultés que rencontrent les élus gestionnaires de service d'assainissement. La création d'un fonds de garantie pour l'épandage des boues d'épuration permettra de pérenniser cette filière qui contribue au recyclage des sous produits de l'épuration des eaux tout en évitant des émissions supplémentaires de CO2.

M. François Sauvadet - Très bien.

Mme la Ministre - Je salue à ce propos le rôle des agriculteurs.

Le projet confère des compétences accrues aux communes en matière de contrôle et de réhabilitation des dispositifs d'assainissement non collectif ou des raccordements aux réseaux, ainsi que de contrôle des déversements dans les réseaux. M. le rapporteur proposera des mesures de simplification des dispositifs existants ainsi que de rapprochement des services d'assainissement collectif et non collectif. Le projet donne également des outils nouveaux aux maires pour améliorer la transparence de la gestion des services d'eau et d'assainissement et renforcer l'information des usagers, par exemple en prévoyant l'obligation de transmission systématique du règlement de service. Les débats en matière de prix et de qualité des services d'eau et d'assainissement restant vifs, je vous proposerai, par un amendement, de confier au comité national de l'eau qui rassemble des élus, des usagers et des techniciens, une mission d'évaluation et de suivi de la qualité de ces services. Il s'agit de donner un cadre pertinent à un débat apaisé et constructif sans pour cela créer une structure nouvelle.

Améliorer le fonctionnement des services ne saurait être suffisant si parallèlement un effort n'était fait concernant l'accès à l'eau de nos compatriotes les plus démunis. Le texte interdit ainsi les dépôts de garantie et autres cautions qui devront être remboursés. L'encadrement de la part fixe de la facture d'eau décidée par le Sénat va également dans ce sens. Le Gouvernement a également choisi de prendre des mesures ciblées de façon à s'assurer que la solidarité mise en place le soit bien du riche vers le pauvre, et pas l'inverse, résultat auquel aurait pu conduire par exemple l’octroi d’une première tranche d'eau gratuite à tout le monde. Ainsi, grâce au dispositif existant pour venir en aide aux impayés de facture d'eau mis en place dans le cadre de la loi de décentralisation d'août 2004 – fond de solidarité logement –, et à l'interdiction des coupures d'eau pendant la période hivernale pour les personnes en situation de précarité prévue par le projet « engagement national pour le logement », nous disposerons d'un arsenal complet permettant de traiter les problèmes sociaux liés à l'eau.

M. André Chassaigne - Tout cela est certes prévu, mais pas voté.

Mme la Ministre - La solidarité ne saurait cependant se limiter à l'intérieur de nos frontières mais doit aussi s'étendre entre citoyens du Nord et du Sud. Je proposerai donc un amendement inscrivant dans les missions prioritaires des agences de l'eau la mise en oeuvre de coopérations décentralisées telles que la possibilité leur en a été donnée par la loi de février 2005, portée par MM. Oudin et Santini que je salue pour la mise en place de ce dispositif exemplaire.

M. François Sauvadet - Très bien.

Mme la Ministre - Celui-ci permet en effet de mettre en oeuvre une solidarité financière et technique et peut contribuer à faire valoir à l'étranger le savoir-faire reconnu de la France.

Ce projet est parfois assez technique, ce qui rend sa lecture assez difficile. Je ne doute pas néanmoins que nos échanges permettront de répondre aux interrogations qui pourraient subsister. Je rappelle que la directive cadre nous demande de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats : il s'agit-là d'un changement profond et d'un défi auquel je ne doute pas que les acteurs de l'eau sauront répondre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. André Flajolet, rapporteur de la commission des affaires économiques - Nous sommes réunis pour écrire une nouvelle page de la législation sur l'eau, élément fondamental sur le plan économique, écologique, humanitaire, enjeu mondial en terme de santé et d'éducation. L'eau est histoire et avenir de l'humanité, sacralisée par toutes les religions, inspiratrice de nombreux poètes, consubstantielle de toutes les formes de vie, mais elle est aussi, par ses excès ou insuffisances, source de mort, causes de conflits majeurs et de profondes inégalités, origine de nombreuses pandémies. L’homme, en domestiquant l’eau, a construit un ordre économique, agricole, industrieux entraînant la création de règlements d'usages. La première révolution industrielle a procédé à des codifications des usages économiques de l'eau et la seconde a montré progressivement les limites des dispositifs de répartition, obligeant les dirigeants à mettre en place une législation de répartition de l'eau dans les rapports sociaux et de patrimoine. La loi du 16 décembre 1964 fut à la fois un aboutissement et un acte fondateur. L'eau est une valeur marchande, fragile et altérable, qu'il fallait d'urgence gérer et protéger. Ce serait le cas à travers les bassins hydrographiques et une planification nationale et locale. La loi du 3 janvier 1992 affirma quant à elle deux principes : l’eau est le bien commun de la nation ; l'intérêt général et public est supérieur et prioritaire face à des intérêts privés et particuliers. Dès cette période, la conscience collective s’accélère et le thème de l’eau s’ouvre aux dimensions européenne et mondiale. Les conférences et sommets mettent en avant les questions de l’accès des populations à l’eau, d’une écologie responsable et des corrélations entre eau, santé et devenir des peuples.

Le projet qui est soumis à votre approbation garde une partie des conclusions de la loi de 2002, restée en panne après la première lecture…

Yves Cochet - La faute à qui ?

M. le Rapporteur - …Il tire les conclusions pratiques des engagements de 1992, restés assez théoriques, et affirme pleinement la dimension internationale des enjeux de l'eau.

Fruit d'un travail d'écoute, de synthèse et de partage, il garantit le socle constitutionnel et organisationnel de la politique de l'eau et des outils nécessaires à la réalisation des directives européennes. Il fonde les principes financiers d'utilisation et de répartition de l'eau de façon à garantir les solidarités entre acteurs et à protéger les ressources. Il fournit une base juridique sûre aux redevances. Il simplifie les pratiques et les procédures pour les rendre compréhensibles dans leurs fondements et leurs objectifs, ce qui devrait faciliter la gouvernance et la prise de conscience des enjeux. Enfin, il structure clairement les espaces de décision, de gestion et de responsabilité. A ce dernier titre, votre rapporteur propose de supprimer tous les lieux parallèles de décision. Je ferai également des propositions en vue d’une politique plus responsable et plus efficace de l’assainissement non collectif.

Différents outils sont mobilisés à toutes ces fins, qu’il s’agisse des SAGE, véritables parlements de proximité, d’un retour à l'équilibre au sein des collèges des comités de bassin, de la création de l'ONEMA, du soutien différencié aux territoires fragiles ou du CSP, recentré sur des missions de service public. J’ajoute que les conclusions du rapport Vestur ont été prises en compte pour pacifier les relations entre les acteurs de la pêche et définir les eaux libres et les eaux closes.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. le Rapporteur - L'Europe est omniprésente dans ce texte, que ce soit par les directives à mettre en œuvre, la plus importante étant la directive cadre sur l'eau, par la PAC ou par les contraintes et objectifs de l'ecoconditionalité.

La question de la place des agricultures a provoqué beaucoup de débats et a agité des lobbies bruyants. Ces débats très passionnels s’inscrivent dans un contexte européen qui impose certaines pratiques environnementales sous peine de sanctions lourdes et dans un climat médiatique qui confine parfois à l'aveuglement idéologique – le reportage de TF1, lundi soir, étant un modèle de caricature et de négation du rôle de notre Assemblée.

L’un des objectifs de la loi est que l’utilisateur de l’eau paye une redevance équitable. Alors que la consommation de nitrate minéral a baissé de 20 % en trois ans, la redevance nitrate, qui était au cœur du projet 2002, ne semble plus d'actualité, étant donné sa philosophie fondée sur la sanction et sa complexité.

M. Yves Cochet - Au contraire !

M. le Rapporteur - L'écoconditionalité, qui prévoit une pénalité de 5% en cas de non respect, est une sanction de substitution plus dissuasive visant exclusivement les pratiques non vertueuses. On peut par ailleurs se demander si les produits phytos sont suffisamment taxés.

La position du Sénat semble représenter le compromis le moins discutable, si les autres participations proposées par votre rapporteur sont acceptées. La redevance élevage, qui repose sur un contrôle tatillon et suspicieux, doit à l’évidence être réformée. Je constate d’autre part que l'endettement moyen des agriculteurs a augmenté de 20 % entre 2004 et 2005 et que les arboriculteurs comme les viticulteurs d'appellation d'origine ont subi une érosion massive du revenu. La recherche du juste milieu a donc aussi une dimension humaine et sociale.

Cependant, je reste convaincu qu'une nouvelle logique participative est à créer, car les agricultures doivent intégrer de nouveaux objectifs. La lutte contre le ruissellement et l'érosion, le stockage préventif contre l'étiage, les cultures intermédiaires et les corridors biologiques, l'utilisation intelligente des caractéristiques naturelles comme les haies bocagères, l'extension des C.A.D.D collectifs et la protection renforcée des zones sensibles ou des zones de captage d'eau potable sont autant outils de reconquête environnementale, au bénéfice de tous. Tels pourraient donc être les ingrédients nouveaux d'un contrat entre le monde agricole, les agences et les ministères concernés.

Les agences de l'eau et les autres instances – SAGE, EPTB, Parcs – ainsi que les collectivités territoriales pourraient, dans leurs compétences respectives, faciliter la mise en œuvre de ces pratiques. Il reste un chantier : définir les critères et sources de financement. C'est une réflexion aujourd'hui inachevée avec les agriculteurs.

La charte européenne des ressources en eau reçoit ici des contenus techniques et financiers nouveaux permettant à notre pays d'entrer moins difficilement dans les objectifs de qualité. Les articles 1 et 3 de cette charte ont aussi donné lieu à débat pour trouver un équilibre entre les traditions au fil de l'eau, la production d'électricité d'origine hydraulique et la vie des milieux aquatiques. Sachant que la France doit atteindre 21 % de production électrique par énergie renouvelable, il n’échappe à personne que seule la production électrique d'énergie hydraulique en période de pointe permet à la fois une réactivité immédiate et une absence de production de CO2 dans une enveloppe de droits d'émissions fermée.

Enfin, c’est aussi dans une dimension mondiale que s'inscrit ce projet en rappelant nos engagements du millénaire. Le projet redonne un contenu réel à la loi Oudin – Santini, en vue de partenariats à la hauteur des attentes de nombreux pays, et il incite à une action éducative auprès des publics scolaires. Je souhaite que les agences de l'eau sachent créer les conditions de micro réalisations en faveur de jeunes des lycées et collèges des pays émergents.

Pour arriver au présent projet, un important chantier préparatoire a été nécessaire. Je suis convaincu que le débat parlementaire qui va débuter saura faire émerger de nouvelles opportunités et j'ai, dans cette expérience de rapporteur, renforcé ma conviction que notre Parlement est un lieu exemplaire de dialogue fructueux et de démocratie apaisée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le rapporteur pour avis – La législation sur l’eau attendait une réforme depuis longtemps. La dernière grande loi sur l'eau date en effet de 1964. Elle était à l’époque novatrice à l'époque mais ses quarante années d'application ont ensuite fait apparaître quelques défaillances, tant sur le plan juridique que pratique, notamment au sujet de la répartition des responsabilités.

Placé à la fois sous le signe de la continuité et du renouveau, le présent projet fixe de nouvelles bases juridiques, plus conformes à l'esprit comme à la lettre de notre Constitution. Il ne constituera cependant un véritable progrès que s'il conserve la relative simplicité qui avait prévalu en 1964 – mais qui s’était ensuite dégradée.

Le Parlement aura désormais un réel pouvoir de décision dans le domaine des redevances de l'eau. Il faut savoir que ces dernières sont actuellement perçues en violation de la Constitution.

Les budgets des agences de bassins sont alimentés par des redevances, qui servent à financer toutes leurs dépenses, quel que soit leur objet. Malgré leur nom, elles ne peuvent être considérées comme des rémunérations pour des services rendus, mais constituent bel et bien des impositions de toute nature. Or, la Constitution impose, dans son article 34, que le Parlement fixe le taux, le recouvrement et la durée « des impositions de toute nature ». Il s'agit au demeurant de la prérogative la plus ancienne et la mieux établie de tous les Parlements, nés précisément du principe – inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 – que « taxation ne va pas sans représentation ».

L'inconstitutionnalité du dispositif est avérée depuis 1982, date à laquelle le Conseil constitutionnel avait relevé que les redevances perçues par les agences constituaient des impôts.

En 2001, la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances a proposé que le Parlement fixe l'assiette et le taux des redevances, mais cette proposition est restée sans suite. Le Parlement se trouve ainsi privé d'un pouvoir décisionnel qui lui incombe pourtant constitutionnellement. Je tiens donc à souligner que l'un des intérêts du présent projet consiste à mettre fin à une situation choquante sur le plan des principes démocratiques.

L’article 27 dispose ainsi que le Parlement fixe le taux, l'assiette et les modalités de recouvrement des redevances perçues par les agences de l'eau. Je propose d’aller plus loin encore en renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les taux qui ne seraient pas votés par le Parlement. Les organes directeurs des agences de l'eau émettraient un avis, mais l'autorité qui Ieur est attribuée par le projet reviendrait ainsi, logiquement, au pouvoir réglementaire.

Par ailleurs, sur l'ensemble des dispositions proposées dans les 76 pages du projet qui nous a été transmis, certaines ne semblent pas indispensables, d'autres même pourraient nuire aux objectifs poursuivis. J’ai donc estimé utile, au nom de la commission des finances, de proposer d'en retrancher certaines et de remédier à un éparpillement qui affaiblit la portée de l’ensemble (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) : l'article 37 tend ainsi à instituer pas moins de huit redevances.

M. Michel Bouvard - C’est beaucoup trop !

M. le Rapporteur pour avis - Tant pour la fluidité du recouvrement que pour sa bonne compréhension par l'usager, le dispositif gagnerait beaucoup à être allégé.

Enfin, le projet tend à mieux préciser le partage des responsabilités entre les acteurs de la politique de l'eau, grâce à des dispositions sur le fonctionnement des agences de l'eau et sur leurs rapports financiers avec l'État.

Toute l'originalité de l'organisation française repose sur la notion de bassin versant. A chacun des six grands bassins versants correspond une agence de l'eau. Le projet ne remet pas en cause le rôle essentiel des agences, qui ont passé avec succès l'épreuve du temps, mais il apporte quelques modifications. J’estime que l'article 28 bis, qui tend à créer un fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement, risque de compliquer inutilement l'organisation institutionnelle existante.

M. François Sauvadet – Ça se discute.

M. le Rapporteur pour avis - Je propose d’autre part que des fonds de réserve spéciaux soient constitués pour recevoir les recettes qui pourraient être perçues en excédent ; en effet, si les agences de l’eau fixent des redevances au taux maximal autorisé par la loi, leurs recettes sur la période 2007-2012 pourraient être bien supérieures au plafond global de dépenses proposé à l’article 36.

Quant à la rénovation en profondeur du circuit de financement de la politique de l'eau, elle va de pair avec une redistribution des compétences. Un nouvel organisme, l’Office national de l'eau et des milieux aquatiques, reprendrait certaines des activités actuelles de la Direction de l'eau. Le budget de cette dernière sera-t-il réduit à due concurrence ?

Concernant les élevages, il est proposé de déterminer la redevance en calculant la quantité d'azote oxydé produit par les animaux. Le projet reprend en cela le droit en vigueur, qui pourtant ne donne pas vraiment satisfaction puisqu'il exige des évaluations complexes et coûteuses, lesquelles réduisent d'autant le produit final de la redevance. Je propose donc de prendre pour base de calcul des rejets d'éléments azotés le nombre d'unités de gros bétail, ce qui réduirait considérablement les frais de recouvrement.

Je conclurai par un constat. Nous sommes arrivés à une période charnière de la gestion des ressources en eau : mal répartie entre les hommes, menacée par les pollutions, source de conflits, l'eau n'est plus ce bien que l'on croyait gratuit et inépuisable. Aujourd'hui, c'est bien d'une crise de l'eau qu’il est question. Il faut donc donner les outils nécessaires à l'administration, aux collectivités territoriales et à l’ensemble des acteurs pour poursuivre la reconquête de la qualité des eaux afin d’atteindre en 2015 les objectifs de bon état écologique, et pour retrouver une meilleure adéquation entre ressources en eau et besoins, dans une perspective de développement durable. Ce projet vise à donner aux collectivités territoriales les moyens d'adapter les services publics d'eau potable et d'assainissement aux nouveaux enjeux, en termes de transparence vis-à-vis des usagers, de solidarité en faveur des plus démunis et d'efficacité environnementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Sur ce sujet ô combien important, la précédente majorité avait déjà déposé un projet de loi, qui avait fait l'objet d'une seule lecture en 2002 avant d'être abandonné à l'approche des élections. Il était urgent que la représentation nationale assume ses responsabilités sur ce dossier délicat ; merci donc, Madame le ministre, d’avoir le courage de l’aborder devant elle.

Je constate d’ailleurs certaines similitudes entre la majorité d'hier et celle d'aujourd'hui, les modalités de préservation de l’eau pouvant faire l'objet d'un consensus entre droite et gauche. Je souhaite que le débat soit aussi constructif dans l’hémicycle qu’au sein de la commission des affaires économiques, où nous avons accepté bon nombre d’amendements, à l’initiative de la majorité mais aussi de l’opposition.

M. André Chassaigne - Pas suffisamment !

M. le Président de la commission – Je tiens à féliciter le gouvernement pour l'exceptionnelle concertation qui a été menée en amont de ce projet. Elle a débuté dès 2003 par un grand débat national qui s'est déroulé en quatre phases successives, permettant de recueillir les avis du plus grand nombre et de les synthétiser. Le projet a été débattu en avril 2005 au Sénat ; nos collègues ont fait un bon travail, mais si nous sommes d’accord sur les objectifs généraux, les débats de notre commission ont néanmoins fait ressortir certaines divergences de vues.

La réflexion dure depuis près de cinq ans ; il est temps d'avancer, d'autant que la directive cadre du 23 octobre 2000 demande pour 2015 un bon état écologique et chimique des masses d'eau, résultat qui est loin d'être atteint et qui suppose de mener une politique volontariste.

Le deuxième objectif de ce projet est la mise en conformité du dispositif des redevances des agences de l'eau avec la Constitution ; ces redevances ayant en effet été qualifiées d'impositions de toute nature par le Conseil constitutionnel en 1982, il convient de leur donner un fondement juridique plus sûr.

C’est d’autant plus nécessaire que cette fragilité juridique a empêché toute réforme de fond du dispositif, les redevances continuant ainsi à être perçues en fonction de priorités fixées il y a bien longtemps. Comme la commission des finances, la commission des affaires économiques souhaite qu’on cesse de superposer les strates de prélèvements et qu’on assure une meilleure coordination et une meilleure lisibilité du système.

Sans revenir sur le détail du texte, je voudrais dire combien la commission a apprécié l’énorme travail accompli par M. Flajolet, auquel je tiens à rendre hommage. Je le remercie d’avoir su, pendant près d’un an, structurer la concertation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Ce projet est l'occasion de nous mettre en conformité avec plusieurs obligations communautaires, notamment en évitant des condamnations onéreuses au titre de la directive « eaux résiduaires urbaines » du 21 mai 1991. Je serai également attentif à ce que ce texte permette le développement de l'énergie hydroélectrique, la directive du 27 septembre 2001 nous imposant un taux de consommation d'électricité produite à partir de sources d'énergies renouvelables de 21 % en 2010. Je rappelle l'attachement que les membres de notre commission ont manifesté à cet objectif lors du récent débat de loi d'orientation sur l'énergie votée en 2005, et nous avons incontestablement encore des marges de croissance avec la petite hydroélectricité.

Le dernier objectif est la stabilité du prix de l'eau, lequel a, depuis quelques années, tendance à augmenter. S’il faut accepter que l'eau soit en train de devenir un bien rare, dont il faut assurer la préservation, il faut également être attentif à ne pas alourdir inutilement la facture, notamment en transférant à la charge du consommateur des missions régaliennes de l'État. Il faut également veiller à ne pas mettre en difficulté certaines activités économiques, comme l'agriculture, dont la sensibilisation aux problématiques de l'eau est déjà ancienne. À ce propos, je suis heureux que l'Assemblée puisse bénéficier de l’avis de la commission des finances et je remercie M. Rouault de l’excellent travail qu’il a accompli.

Prenant en compte tous ces objectifs, notre commission a mené un travail sérieux, de qualité et très consensuel, suscitant sur bien des points un accord qui dépasse les clivages politiques. Cela augure bien du débat qui s’ouvre aujourd’hui. Nous avons peu touché au titre premier du projet de loi, qui concerne la préservation des milieux aquatiques. Il est prévu de limiter l'impact des éclusées sur le milieu aquatique et de généraliser l'utilisation du débit affecté tout en maintenant un débit minimal dans les cours d'eau, ce qui permet une utilisation rationnelle de l'eau et évite de porter une atteinte démesurée aux écosystèmes aquatiques. Cet équilibre permettra de développer l'énergie hydroélectrique dans notre pays. S'agissant du titre II, consacré à l'alimentation en eau et à l'assainissement, la commission proposera de modifier le financement du fonds de garanties des boues, en transformant la surprime sur les contrats d'assurance en taxe affectée. Elle a par ailleurs proposé, dans un souci de stabilité de la facture d'eau et de pragmatisme, de supprimer la taxe sur les eaux pluviales, dont la mise en place – et je le regrette – serait bien trop compliquée. Il ne faudrait pas créer une autre de ces taxes qui coûtent plus cher à prélever que ce qu’elles rapportent. Dans un souci de libre administration des collectivités locales, la commission a décidé d'assouplir les modalités de fixation de la part fixe en supprimant le plafond qui devait être fixé par le pouvoir réglementaire.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. le Président de la commission - Enfin, je laisserai le rapporteur exposer la réforme de grande ampleur de l'assainissement collectif et non collectif qu'il a mise au point. Les incertitudes sur ce point durent depuis trop longtemps, et il fallait apporter des réponses.

S'agissant des redevances, la commission a tenu compte des difficultés de certaines activités économiques, dont bien sûr l’agriculture. Elle a repoussé le principe de la taxe nitrate, proposée par l'opposition, non par principe mais par réalisme, le coût administratif de cette taxe étant démesuré. Il me semble préférable, dans ce domaine, de promouvoir une logique partenariale plutôt que fiscale. Je sais que ce texte sera le prétexte pour engager des campagnes contre nos agriculteurs, que certains nous reprocheront d’avoir manqué l’occasion de sanctionner des pratiques inacceptables : cela commence déjà. Mais je voudrais que, dans cet hémicycle, on en revienne aux réalités. Nous avons fait le choix de la pédagogie, de la prévention. C’est aussi le choix de l’Europe : depuis le 1er janvier 2006, l’Europe conditionne ses aides à des pratiques vertueuses tendant à diminuer l’utilisation de ce qui peut être néfaste pour la santé et la nature. Ce nouveau système est excellent. La prévention doit faire son œuvre, sans qu’il soit nécessaire d’infliger des sanctions. Les taxes « pollueur-payeur » auraient certainement eu de bons échos dans l’opinion publique, mais elles auraient aussi fait sombrer la barque trop lourdement chargée de certains agriculteurs.

Plusieurs députés UDF - Très bien !

M. le Président de la commission - Certaines filières, comme le phytosanitaire ou l’arboriculture, sont à la limite de la rupture : fallait-il accepter les dépôts de bilan et les suppression d’emplois que cela aurait entraîné à coup sûr ? Nous avons dit non. La commission a eu le courage de choisir la prévention et l’écoconditionnalité. Nous poursuivons tous le même objectif : moins polluer et favoriser le développement durable. L’écoconditionnalité est le bon moyen de le faire. Reste la question de la création de l’office national de l’eau et des milieux aquatiques. Personne ne réfute son utilité, mais il vous reviendra, Madame la ministre, de répondre aux questions de la représentation nationale sur ses missions et peut être d'accepter certaines précisions proposées par les députés.

Près de mille amendements ont été déposés sur ce texte.

M. Jean Launay – Que nous examinerons en une demi-heure tout à l’heure !

M. le Président de la commission – Au titre de l’article 88, tout à l’heure, nous en passerons 200, mais nous étudierons les 800 autres. Je voudrais remercier Mme Olin, qui a apporté tout son soutien à la commission et qui a fait preuve d’un grand esprit d’ouverture. Nous avons changé beaucoup de choses pour orienter ce texte dans le sens de notre conception de l’intérêt général et vous nous y avez aidés. Le résultat est un texte équilibré, dans lequel le Parlement a joué tout son rôle. La majorité va le soutenir, et aussi, dans certains cas, l’opposition, pour que nous puissions voter cette loi importante le plus rapidement possible (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

EXCEPTION D’irrecevabilité

M. le Président - J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean Launay – Il aura donc fallu trois ministres de l’écologie pour que ce projet de loi arrive en première lecture à l'Assemblée nationale, un an après son passage au Sénat. Avant cela, Mme Bachelot avait refusé, pour des raisons électoralistes, de poursuivre la discussion du projet de loi du gouvernement de Lionel Jospin qui était en cours de navette. L’enjeu principal est le respect des objectifs de la directive-cadre du 23 octobre 2000, relative à une politique commune dans le domaine de l’eau liant intimement préservation du milieu aquatique et satisfaction des usages. Elle fixe aussi des objectifs ambitieux aux États-membres pour atteindre en 2015 le bon état écologique des trois quarts des masses d’eau. L’objectif global est le retour à des équilibres quantitatifs et qualitatifs proches de ce qu’ils devraient être naturellement, avec un impact modéré des activités humaines, seuls aptes à garantir une protection du patrimoine aquatique.

Le contexte est connu, mais personne n’en tient grand compte : la pollution des eaux se généralise et s’aggrave partout sur la planète. 2,5 % seulement des réserves totales d’eau, sont en eau douce et 69 % de cette eau douce est confinée sous forme de glace, tandis que 30 % est souterraine. Lacs et rivières ne comptent que pour 0,3 % des réserves d’eau douce. Ces volumes ne varient pas : la Terre contient autant d’eau à ce jour qu’aux premières heures de l’humanité, mais c’est la répartition qui change. Les quantités d’eau disponibles pour les usages humains sont plus limitées et la pollution des eaux, de surface et souterraines, rend une part des ressources impropres à certains usages et nécessite des traitements complexes et coûteux. La pollution des eaux tue 25 millions de personnes et la diarrhée 3 millions d’enfants chaque année.

On se demande donc comment l’eau ne serait pas un enjeu social et politique. On répondra que ces chiffres alarmants ne concernent pas les pays riches : il est de bon ton de ne pas s’interroger sur les ressources en eau de notre pays, de considérer qu’elles seront toujours suffisantes. Il est temps de se détromper et de prendre conscience de la gravité de la situation. Dans de nombreux pays, y compris développés, de nombreuses maladies sont causées par la pollution des eaux : intoxication par le plomb, empoisonnement par le fluorure, cancers dus au mélange de sous-produits ménagers, sans parler de l'arsenic, des pesticides et des dioxines... Mais surtout, n'effrayons pas les citoyens ! Grâce à la technologie, la qualité de l'eau distribuée en France est assurée… Peut-être, mais tous les bilans convergent vers un constat commun : depuis des années cette qualité de l'eau se dégrade.

Notre ancien collègue, André Aschieri, a décrit la situation dans son ouvrage « La France toxique » paru en août 1999. En mars 2001, la Cour de justice européenne a condamné la France pour ne pas restaurer une qualité d'eau superficielle compatible avec l’usage alimentaire. En mars 2003, Ie rapport du sénateur Gérard Miquel pour l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques notait une dégradation de la qualité des eaux quasi générale en France. En juillet 2004, le rapport annuel sur les pesticides de l'institut français de l’environnement mettait leur présence en évidence dans 75 % des milieux aquatiques. Enfin, en juin 2005, un rapport du muséum d'histoire naturelle dirigé par Jean-Claude Lefeuvre établissait que si nous ne prenons pas de dispositions, et dans l'hypothèse la plus optimiste, seules 25 % des masses d'eau atteindraient le bon état écologique prévu par la directive-cadre : « 100 % des eaux souterraines utilisées pour l'alimentation en eau potable en Artois-Picardie sont classées à risque. Les eaux du bassin Loire-Bretagne sont atteintes à plus de 35 %, celles du bassin Rhin-Meuse à 45 %, les eaux souterraines du bassin Seine-Nomandie sont polluées à 83 % ».

Pire, le rapport précise que l'on sous-estime depuis longtemps des causes importantes de pollution dont l’impact sur la santé humaine et animale et les écosystèmes est pourtant avéré. Plusieurs extraits sont édifiants. « Pour atteindre le bon état des masses d'eau, les substances chimiques émergentes et les contaminants microbiologiques doivent être intégrées dans la directive-cadre sur l’eau afin d'optimiser la prise en compte des polluants chimiques. L'état écologique d'une masse d'eau ne saurait donc être classé sans prendre en compte ces menaces ». « Il est légitime de s'interroger aujourd'hui sur la pertinence d'une liste établie à partir de données anciennes même si les risques présentés par ces substances étaient avérés à l'époque. Certaines substances non considérées lors de l'élaboration de cette liste sont aujourd'hui susceptibles de mettre en péril la qualité des eaux et l'équilibre du fonctionnement des écosystèmes aquatiques.

D’autres parties du rapport portent sur la nécessité de compléter les programmes de mesures et de respecter les échéances juridiques, d’autres enfin soulignent de manière sévère la situation de notre pays : la France doit transposer et appliquer les directives et s’affranchir ainsi de son contentieux.

Bon nombre de produits ne sont pas analysés, faute de moyens ou de techniques. Parmi les micropolluants dangereux pour la santé, le rapport cite les produits de dégradation des pesticides, plus de 3 000 substances pharmaceutiques, les retardateurs de flamme, les polluants d’origine microbiologique.

Dès à présent, nous devons prendre la mesure des enjeux de la protection et de la gestion des ressources en eau. Le diagnostic est établi depuis longtemps mais ne mobilise pas. Nitrates, phosphates et pesticides sont à l’origine de niveaux de pollution importants sur tous les bassins de France, et les causes sont identifiées : engrais, déjection des élevages et effluents domestiques, lutte contre les nuisibles, entretien des espaces verts, agriculture intensive, démembrement, érosion des sols ou encore assèchement des dernières zones humides.

Le drainage, la pollution, l’irrigation et le changement climatique ont entraîné la disparition de 50 % des zones humides dans le monde. La vallée de la Seine, en amont de Montereau a perdu 84 % de sa surface en prairies et les prairies du Marais poitevin ont régressé au rythme de 1 600 hectares par an. L’irrigation provoque une consommation contraire aux cycles saisonniers et participe à l’épuisement des ressources en eau : nos milieux aquatiques se dégradent, des espèces piscicoles comme l’esturgeon disparaissent.

Nous disposons pourtant des informations qui devraient nous amener à placer la gestion de l’eau et des cours d’eau au centre de nos considérations politiques. Nous devons reconsidérer le dogme selon lequel la technique résoudra nos problèmes, comprendre que l’eau potable ne peut être destinée à tous les usages, et aborder le problème des milieux aquatique dans son ensemble et pas seulement du point de vue des ressources.

Le modèle français de gestion de l’eau est pourtant souvent cité et promu dans le monde entier. Des textes ont, à l’époque, bousculé les habitudes et illustré des ambitions. L’organisation institutionnelle est issue de la loi de 1964, qui a créé les agences de l’eau et inscrit le principe pollueur-payeur. La loi de 1992 a fait de l’eau un patrimoine commun de la nation, affirmé le principe de l’unité de la ressource, qui doit être accessible à tous et a permis d’intégrer, par l’élaboration des schémas d’aménagement et de gestion des eaux, la gestion de l’eau dans les politiques d’aménagement du territoire.

Pourtant, la situation n’est pas satisfaisante et la France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne de justice. Nous n’avons certes pas correctement valorisé les outils existants et il eût fallu faire du ministère de l’écologie un ministère aussi important que les autres. Les dépenses fiscales défavorables à l’environnement, dix fois supérieures aux dépenses favorables, témoignent de l’absence de coordination des politiques environnementales.

Aujourd'hui encore, nous passons à côté d'une étape indispensable qui nous permettrait d'aborder la gestion des cours d'eau et des eaux souterraines en termes d'aménagement du territoire. Mais ce débat a lieu après que des décisions ont été prises en matière d'énergie et, partant, d'hydroélectricité, et après qu'ont été débattues les orientations agricoles. Nous avons à l'évidence manqué l’occasion de repositionner ces débats en amont de la discussion des autres politiques qui impliquent l’usage de l’eau. Ne nous étonnons donc pas aujourd'hui du caractère minimaliste de ce projet de loi.

Je regrette que nous n'ayons pas anticipé sur l’entrée en vigueur de la directive cadre sur l'eau. Toutefois, celle-ci devrait nous inviter à réfléchir à une véritable politique de l'eau. Serge Lepeltier considérait, face aux propositions de taxation des intrants et des pesticides – sous l'aimable pression des lobbies – que les exigences européennes d'éco-conditionnalité de la PAC auraient à elles seules un effet sur la dépollution. De l'avis des experts, cela sera très largement insuffisant. Il faudrait sur ces points faire preuve de courage et bâtir des politiques convergentes, réfléchies et coordonnées dans les domaines de l’agriculture, de l’industrie, de l’urbanisme, et bien sûr, de l’écologie.

La gestion de l'eau en France s'organise autour d'aspects réglementaires, financiers et contractuels. Pourtant, le réglementaire est déficient : la police de l'eau est relativement inopérante. Les moyens financiers nécessaires ne lui sont pas dévolus et elle est aujourd'hui fragmentée entre différents services. Les sanctions sont très inférieures au nombre d'infractions constatées et le montant des amendes souvent dérisoires par rapport aux dommages écologiques.

L'incitation financière, comme la taxation, fut l’un des aspects les plus originaux de la loi de 1964. Mais les agences de l'eau peinent à répondre à toutes les sollicitations, que ce soit en matière d'assainissement ou de lutte contre les pollutions, de financement des actions en matière de gestion quantitative, de restauration d'espèces piscicoles ou de lutte contre les inondations.

Face à l'augmentation considérable des moyens financiers nécessaires pour respecter les impératifs de la directive cadre sur l'eau, nous devons nous interroger sur les moyens des agences. Il nous faudra, Madame la Ministre, débattre sur le montant de leurs recettes que vous souhaitez plafonner à 12 milliards et ouvrir la discussion sur la solidarité urbain/rural.

La diminution des moyens disponibles au sein de l'Etat et des agences a été en partie compensée par des politiques contractualisées, telles que les contrats d'agglomération ou les contrats de rivières, qui impliquent un transfert de charges vers les collectivités et vers les citoyens. Mais ces outils contractuels sont en train de perdre de leur efficacité, sauf à ce que les régions ou les départements s'y investissent de façon forte, ce qui augmente encore le transfert de charges vers ces collectivités trop sollicitées.

Plus globalement il est regrettable que les débats qui vont se tenir autour des contrats de projets n'intègrent pas davantage les politiques de l'eau : cela confirme l’absence de lien, dans l'esprit du Gouvernement, entre gestion de l'eau et aménagement du territoire.

M. Jean-Louis Dumont - Très bien !

M. Jean Launay – Ces questions, qui ne sont pas toutes abordées par le projet de loi, restent en suspens. Les règles protégeant le milieu vont disparaître, et certains usages de l'eau sont privilégiés par rapport à d'autres, en contradiction avec le principe de gestion équilibrée de la ressource.

Sur le plan réglementaire, le renforcement des sanctions administratives pour travaux en rivière ou l’augmentation des amendes pour braconnage ne résolvent en rien les difficultés d'application dues à la faible sensibilité et au manque de formation des acteurs de la justice. Les moyens de police ne sont pas augmentés. La plupart des mesures ne sont que des ajustements de détail et les outils qui fonctionnaient bien sont remplacés par d’autres, dont l'efficacité reste à démontrer : c'est le cas du classement des cours d'eau ou de la protection des habitats aquatiques.

Sur le plan financier, aucun accroissement significatif des moyens ne semble prévu alors que les problèmes s’aggravent et que les exigences, liées aux directives et à l’abaissement des seuils des normes, augmentent. Les redevances, créées pour lutter contre les pollutions et limiter les prélèvements, exonèrent certains redevables et ne respectent pas le principe pollueur-payeur, lequel institue, Monsieur Ollier, l’équilibre entre les différentes catégories de redevables.

A l'heure de la promotion du « grand chantier sur l'eau », il est incroyable que le plafond des budgets des Agences ne soit pas augmenté. Il est visiblement jugé délicat par ce Gouvernement de créer ou d'augmenter des redevances qui pourraient fragiliser la situation financière des agents économiques. Tout le monde s'accorde à dire qu'il faut réduire le déséquilibre entre les différentes redevances, mais rien n’est fait et le consommateur subit une double injustice : la qualité de l'eau potable se dégrade et il paie 89 % des contributions aux agences de l'eau.

La gouvernance de l'eau suppose qu’information du public et communication ne soient pas mélangées.

M. Jean-Louis Dumont - C’est en effet indispensable !

M. Jean Launay - La sensibilité des populations s'observe plus dans les sondages d'opinion qu'au bord des rivières ou chez les particuliers. Aucune disposition pour faciliter et renforcer l'information et l'éducation du public n’est prise, alors que son adhésion à la politique de l'eau semble constituer un élément fondamental des nouvelles orientations liées à la directive cadre.

Le maintien de méthodes obscures de tarification et de redevances est grosse d’incompréhensions comme l’a montré la polémique déclenchée par l’analyse de l’UFC-Que Choisir. La question posée est celle de la clarté des contrats passés et de la mise en concurrence des prestataires. Il est vrai qu’elle relève plutôt du ministère des finances que du ministère de l’environnement.

Du reste, le débat sur le service public de l’eau et de l’assainissement est insuffisamment poussé. Le projet de loi ne prévoit pas de mieux définir la notion de service public de l’eau – les utilisateurs sont d’accord pour payer, mais ils veulent savoir pourquoi – ; d’améliorer la transparence de la gestion de l’eau, notamment quand elle est assurée par les services de l’eau des communes ; de renforcer la solidarité nationale pour la fourniture d’eau, notamment pour les plus démunis ; et, enfin, d’améliorer la tarification en passant du principe du forfait à celui du volume réellement consommé.

S’agissant de la gestion des ressources, vous créez un office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, en démantelant les services de l’État et en ponctionnant les finances des agences de l’eau. Le service public de la gestion de la ressource en eau va s’en trouver affaibli. Un pilotage fort au niveau national est nécessaire pour organiser l’acquisition des connaissances sur la ressource, diriger une police des eaux restructurée et intégrée aux directions des ressources énergétiques et minérales. C'est la direction de l'eau du ministère de l’environnement qui aurait dû jouer ce rôle de chef d'orchestre en coordonnant les différents acteurs de la gestion de la ressource en eau : les commissions locales de l'eau des SAGE et les comités de bassin, chargés de définir les objectifs ; les services de la police des eaux et les agences, responsables de la répartition de l'usage de la ressource ; les établissements publics territoriaux de bassin – EPTB – qui ont un rôle de maître d'ouvrage des aménagements nécessaires pour la ressource.

Pour mettre un terme à cette absence de politique, il est urgent d’affirmer clairement que l'eau dépend directement des écosystèmes - c’est la première proposition que nous vous soumettons. En effet, c’est en préservant l’intégrité des écosystèmes que nous garantirons le bon fonctionnement du cycle de l'eau et l'approvisionnement des populations. Le principe pollueur-payeur ou consommateur-payeur, par définition localisé, doit évoluer pour intégrer cette dimension. Il faut également inscrire dans la loi que la gestion de l'eau est étroitement liée aux politiques d'aménagement du territoire, qu’elle ne peut être qu'interministérielle et transversale et que la sauvegarde de nos milieux et de nos ressources doit être approchée à l'échelle des bassins hydrographiques. Par ailleurs, afin de développer des actions opérationnelles à l'échelle de ces bassins, il est indispensable de doter les fleuves et grands cours d'eau français de programmes de gestion intégrée. Pourquoi ne pas envisager une loi cadre sur les fleuves pour compléter les dispositifs similaires conçus pour garantir le développement durable des montagnes et du littoral ?

Deuxième proposition, pour lutter plus efficacement contre les changements climatiques et la sécheresse de plus en plus forte l’été et l’automne, il faut prendre des mesures agricoles courageuses et diminuer de façon significative les surfaces affectées à la maïsiculture. Pour ce faire, il faut engager un débat national sur le devenir de la politique agricole et sa conciliation avec les impératifs environnementaux, encourager le changement structurel des productions agricoles en affectant le produit d’une taxe sur l’irrigation, baptisée « écotaxe antisécheresse », à la reconversion des exploitations et enfin relever la redevance irrigation pour inciter les agriculteurs à diminuer leur consommation.

Troisièmement, il nous faut prendre des mesures complémentaires pour réduire rapidement la pollution des eaux. Sans cela, nous ne pourrons atteindre l’objectif d'obtenir un bon état écologique et chimique de l'eau d'ici à 2015, fixé par la directive cadre de 2000. Nous savons aujourd’hui que la redevance, lorsqu’elle est bien appliquée a incité les industriels à diminuer leur pollution ; que les taxes nitrates et pesticides ont favorisé une diminution des pollutions agricoles en Europe et qu'il est possible, par la maîtrise des aides, de rendre économiquement soutenable la lutte contre les pollutions agricoles. Il faut donc poursuivre sur cette voie tout en intensifiant les recherches sur les effets des différentes substances, dont les micropolluants, sur les biocénoses aquatiques et la santé humaine à partir desquelles nous pourrions définir des mesures préventives. Ensuite, il faut délimiter des territoires de l'eau qui correspondent, autant que faire se peut, aux territoires de vie et d'administration issus de l'histoire culturelle et politique des pays. La recherche en aménagement du territoire et en sciences sociales nous y aidera. L'expérience montre qu'il convient de développer des programmes de recherche pluridisciplinaires à l'échelle des fleuves et de garantir que tous les acteurs locaux de l’eau, y compris les plus démunis, aient accès à leurs résultats au moyen de comptes rendus publics. Il est également urgent d’affecter prioritairement les fonds aux actions de diminution des pollutions plutôt qu’à celles de traitement de la pollution, bien plus coûteuses, et de les accroître en augmentant le budget des agences de l'eau dans le cadre de programmes contrôlés par le Parlement.

Quatrièmement, il est indispensable de revitaliser les cours d'eau. Pour lutter contre les effets négatifs des politiques passées d'aménagement des cours d'eau – calibrage, drainage et intensification des cultures –, il faut privilégier une politique active de reconquête …

M. Jean-Louis Dumont - Très bien !

M. Jean Launay - … pour rendre aux cours d'eau leur rôle d'habitat, préserver leur place dans le paysage et garantir leur rôle d'espace de détente pour la population. Cette politique passe notamment par une responsabilisation accrue des communes et de leurs groupements dans la protection des écosystèmes aquatiques en intégrant les dispositions visant à la protection des écosystèmes aquatiques dans les règlements municipaux et les différents schémas d'aménagement.

Cinquièmement, il est urgent de reformer la gouvernance de l'eau. Afin de renforcer la cohésion des actions et d’éviter que le comité de bassin et les instances de concertation ne deviennent des chambres d'enregistrement, il serait utile de réfléchir à une répartition différente des rôles. Le comité de bassin, doté d’un statut d'instance de régulation, serait investi d’une double mission : orienter la politique de l'eau sur le territoire de l'agence correspondante et contrôler l'exécution de cette politique. Le Comité national de l’eau, instance suprême de régulation des politiques de l'eau, serait chargé d’informer le Parlement de l'application des orientations nationales en s’appuyant sur les informations que lui auront transmis les comités de bassin. Ensuite, de façon plus décentralisée, les commissions locales de l'eau deviendraient des instances locales de régulation à l'échelle des SAGE et les commissions géographiques des instances de régulation à l'échelle des bassins versants hydrographiques. Avec cette organisation, les EPTB deviendraient les maîtres d'ouvrage naturels des politiques engagées à l'échelle des bassins hydrographiques.

Faute de temps, je ne ferai que mentionner notre sixième proposition relative à l’encadrement des tarifs de l'eau et à la révision des règlements de service.

Quelques mots pour conclure et justifier cette exception d'irrecevabilité. Étant donné le nombre d'acteurs du cycle de l'eau et leurs usages difficilement conciliables, iI serait facile de s'appuyer sur la quête du bonheur de tous inscrite en conclusion du préambule de la déclaration des droits de l'homme de 1789 pour invoquer l'inconstitutionnalité flagrante de ce texte. J’aurais pu, comme M. Laffineur en 2002, me contenter de faire référence « à l'autonomie des collectivités locales, au principe d'égalité et de responsabilité individuelle » pour juger ce texte inconstitutionnel. J’aurais pu dire que ce projet de loi est contraire au préambule de la constitution du 27 octobre 1946 dans lequel on précise que « la Nation assure à l'Individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». En effet, par la disparition du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le Gouvernement renonce à mener une politique de solidarité entre les territoires. Le fonds départemental introduit par Ie Sénat risque d'accroître la concurrence fiscale entre les conseils généraux, concurrence déjà accrue par la réforme de la DATAR.

Mais, il me semble que ce texte est d’abord contraire à la Charte de l'environnement, que j'ai d’ailleurs votée contre l'avis de mon groupe, car le coût de la dépollution de l’eau reste très largement supporté par le consommateur. Or, son article 2 précise que « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement » et son article 4 que « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi ». En figeant le financement déséquilibré des agences, ce texte porte atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques. Certes, égalité n’est pas uniformité et il convient de traiter différemment des personnes placées dans des situations différentes. Pour autant, la préservation de la ressource en eau et de sa qualité est un objectif d'intérêt général et, comme le précise le préambule de la charte de l'environnement, « la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ». Dès lors tous les acteurs de l'eau doivent participer équitablement à la préservation de l'eau. Votre projet de loi ne reflète que le présent, et non l’avenir On nous avait annoncé une grande loi sur l'eau à la hauteur d'une ambition européenne, le compte n'y est pas. Votre texte ne s’inscrit nullement dans la perspective du développement durable tel qu’il est défini dans notre corpus constitutionnel. Il ne permettra pas de satisfaire les besoins en eau des générations futures (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur quelques bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur – Toute votre intervention a consisté à montrer qu’il y avait urgence à délibérer.

M. Jean-Louis Dumont - Nous aurions dû le faire depuis longtemps !

M. le Rapporteur – En soulignant la dimension internationale du problème de l’eau, vous avez montré que la situation était inquiétante et que refuser de débattre contribuerait à l’aggraver.

Les éléments sur lesquels vous vous êtes appuyés appartiennent déjà à l’histoire. Le décès du FNDAE a été acté en 2001.

M. Jean Launay - C’est un détail !

M. le Rapporteur – Non, c’est essentiel : cela représentait 70% du territoire national et rural.

Contrairement à ce que vous semblez penser, les ruraux et les collectivités locales attendent nos travaux non avec inquiétude, mais avec espoir. Je proposerai un amendement visant à sanctuariser l’ex FNDAE, revu et corrigé, sans chiffrage annuel par exemple …

M. François Sauvadet - Très bien !

M. le Rapporteur - … afin d’éviter le saucissonnage des programmes d’investissement et la tentation – pour certains – de mettre les doigts dans la confiture.

M. Jean-Louis Dumont - Vous parlez d’expérience !

M. le Rapporteur pour avis – Excellente initiative !

M. le Rapporteur – Quant aux « modifications à la marge », je rejette l’accusation. Pour ce qui est de l’hydroélectricité, par exemple, nous devrons atteindre le seuil de 21% d’énergie renouvelable afin d’éviter les condamnations, comme l’ont rappelé le président Ollier et la ministre. Et s’agissant des propositions d’augmentation des contributions agricoles, il faudra en débattre au fond, article par article, car les revenus baissent.

J’ai enfin cru déceler une divergence de fond sur la question de la gouvernance. Nous sommes en effet convaincus que la pédagogie et la conviction doivent prévaloir sur la sanction. Voilà une différence fondamentale si l’on en juge par certains de vos amendements, bien éloignés des positions adoptées en commission !

Nous ferions un grand pas en avant, chers collègues, si nous pouvions graver dans le marbre les grands principes de notre action, corriger un certain nombre de participations financières actuelles et énoncer de nouvelles règles fondamentales pour la gouvernance. Evitons les coûts et faisons prendre conscience de l’importance que revêt la qualité de l’eau et des milieux – sur ce point, nous sommes d’accord. Faisons en sorte que la pédagogie l’emporte : tous les collégiens et les lycéens doivent savoir que l’eau est notre patrimoine commun ! Nous aurons alors fait œuvre utile pour la nation. C’est d’ailleurs pour cela que nous sommes ici ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous en arrivons aux explications de vote.

M. Claude Gaillard – Même s’il n’y pas le début d’un argument justifiant cette exception d’irrecevabilité, il n’est pas mauvais que l’opposition bénéficie d’un temps de parole supplémentaire – je le sais pour avoir défendu une motion en 2002 (Sourires).

La description qui a été faite de la situation me semble bien apocalyptique, mais il faut reconnaître qu’il y a urgence à légiférer et il est regrettable que rien n’ait été entrepris au cours de la législature précédente, (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) hormis une première lecture à quelques semaines de la fin de celle-ci.

S’agissant du FNDAE, que nous allons sanctuariser, je reprends à mon compte les propos qui ont été tenus, et je ferai observer que le budget du bassin Rhin-Meuse, dont le comité a été réuni vendredi dernier en présence de la ministre, est passé de 4 à 10 millions d’euros par an. Faisons donc confiance aux agences et aux comités de bassin, et reconnaissons que ce texte de loi apportera la garantie d’une solidarité territoriale aujourd’hui essentielle.

Nous avons également des responsabilités internationales, parce que nous sommes en avance sur les autres pays. Non seulement, nous sommes à l’origine de « l’école française de l’eau », mais les collectivités locales ont également engagé avec les pays en voie de développement une coopération décentralisée, que la loi « Oudin Santini » a confortée et que ce nouveau texte ne ferra qu’accélérer.

S’agissant de l’information du public, des efforts considérables ont déjà été réalisés, notamment lors de l’enquête lancée à l’occasion de la directive cadre, mais ce projet de loi permettra d’aller plus loin. Pour ce qui est de la complexité des redevances, qui est indéniable, nous allons également simplifier la situation.

Si je reprends à mon compte vos réflexions sur les polluants, il faut reconnaître que ce texte accorde une place importante à la question des produits phytosanitaires et des nouveaux médicaments, et qu’il a le mérite de vouloir changer les comportements afin d’éviter les pollutions au lieu d’y remédier.

Certes, il reste encore beaucoup à faire, mais nous devrions nous réjouir des avancées de ce texte, qui permettra de mieux organiser notre territoire en simplifiant le paysage institutionnel et en redéfinissant les priorités. Ce projet réalise ce subtil équilibre entre le regard national, le volet régalien, la décentralisation et la responsabilisation de tous les acteurs, que nos aînés avaient déjà réussi en 1964.

Ce texte contenant de nombreuses avancées, le groupe UMP votera contre l’exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. André Chassaigne – Je vois au contraire de nombreuses raisons de voter cette motion. Mon collègue Launay n’a pas fait référence à l’article 55 de la Constitution, en vertu duquel il est inconstitutionnel de ne pas respecter une directive européenne, mais j’avoue que ce n’est pas ma tasse de thé (Sourires). Je note toutefois que votre prise en compte de la directive européenne est bien en deçà des attentes.

Mon collègue a en revanche démontré avec beaucoup de pertinence que ce texte ne respecte pas la Charte de l’environnement, aujourd’hui inscrite en préambule de notre Constitution. Que prescrit-elle ? L’environnement est le patrimoine commun des êtres humains, et la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation. Avec ce projet, le compte n’y est pas, car vous ne procédez qu’à des ajustements de détail.

J’ai été sensible à l’argument selon lequel ce projet de loi arrive bien tard, après la discussion de la loi sur l’énergie et la loi d’orientation agricole, deux sujets dont on connaît les liens, et même le télescopage, avec notre sujet : ce sont d’autres techniques et d’autres moyens de culture qu’il faudrait ainsi développer.

Je ne reviendrai pas sur les réponses dérisoires du Président de la commission, qui prétend par exemple que l’écoconditionnalité de la PAC suffirait !

M. le Président de la commission – C’est vous qui le dites !

M. André Chassaigne - J’insisterai en revanche sur un point : le service public de l’eau et de l’assainissement a été négligé, comme l’a souligné Jean Launay, et il manque aujourd’hui un véritable pilote. Voilà la grande carence de ce texte, qui ne comporte aucune proposition capable d’assurer la maîtrise publique de l’eau et de l’assainissement, nécessaire pour une véritable cohérence. Si nous en restons à l’atomisation actuelle, aucun problème ne sera pourtant réglé !

Par conséquent, le groupe des députés communistes et républicains votera naturellement cette exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste).

M. Germinal Peiro – Une remarque sur l’organisation de nos travaux pour commencer : on nous a en effet dit au milieu de la nuit que ce débat n’aurait lieu que cet après-midi, et qu’il pourrait même être repoussé. C’est avec une grande surprise que nos collègues ont appris ce matin que le débat avait commencé. Voilà qui manque de sérieux !

M. Jean-Luc Warsmann - C’est que nous avons bien travaillé hier soir !

M. le Président de la commission – Votre groupe a été prévenu en Conférence des présidents.

M. Germinal Peiro - C’est inexact. Sans vouloir polémiquer, on peut mieux faire en matière d’organisation. Hier soir encore, vers 22 heures, le rapporteur m’affirmait que nous commencerions ce débat à 15 heures !

M. Jean-Charles Taugourdeau - Il fallait être là à deux heures du matin, comme nous.

M. Germinal Peiro - Je regrette également que nous ayons plusieurs centaines d’amendements à examiner en commission cet après-midi. Le travail parlementaire mérite mieux que de telles conditions ! Il est également dommage que la ministre n’ait pas répondu à la motion de procédure.

M. Launay n’a pas été polémique et j’espère que votre silence, Madame la ministre, n’augure pas mal de nos débats.

Mme la Ministre - Absolument pas.

M. Germinal Peiro – Sur le fond, le compte n’y est pas. Votre loi ne permettra pas d’atteindre l’objectif de la directive cadre selon lequel, en 2015, les trois quarts des masses d’eau doivent atteindre le bon état écologique. Nous regrettons que celle-ci se limite à un état des lieux au lieu de préparer l’avenir. Nous attendions en particulier une véritable politique publique sur les plans quantitatif et qualitatif : comment mieux gérer les réserves localement et nationalement sachant bien entendu que l’irrigation est indispensable aux agriculteurs ? L’éco conditionnalité de la PAC ne sera pas suffisamment efficace contre les pollueurs, l’arboriculture, la viticulture et les élevages hors sol n’étant pas aidés. Les nouvelles dérogations concernant le débit minimum, en outre, remettront en question le bon état écologique des cours d’eau et certains usages, dont la pêche. Quid, à ce propos, des rivières ? Les randonneurs devraient pouvoir marcher en bordure des cours d’eau domaniaux alors que cela leur est aujourd’hui interdit. Il conviendrait également, dès lors que la libre navigation des engins non motorisés est reconnue, que les responsables d’ouvrages qui entravent les cours d’eau réalisent les aménagements nécessaires. Enfin, nous regrettons l’absence de véritable maîtrise publique des secteurs de l’eau et de l’assainissement.

Ce projet, doté de moyens extrêmement faibles, ne répond pas aux besoins de la société. Le groupe socialiste votera évidemment cette exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. François Sauvadet – Certains ne voudraient pas débattre mais notre discussion me semble déjà bien entamée. L’exception d’irrecevabilité vise à démontrer qu’un texte est contraire à des dispositions constitutionnelles. Je n’irai pas jusqu’à parler de détournement de procédure (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), mais tout de même ! Le groupe UDF tient quant à lui à débattre puisque nous avions saisi le Premier ministre afin que ce texte soit rapidement inscrit à notre ordre du jour.

Je rappelle qu’il s’agit tout d’abord de transposer une directive européenne visant à parvenir au bon état écologique de l’eau d’ici à 2015. En outre, la Charte de l’environnement est désormais adossée à notre Constitution et nous devons respecter le principe de précaution. Enfin, je me souviens de l’examen d’un texte sur le même thème mais sous une autre législature qui avait été inscrit au dernier moment alors que les élection se profilaient. Il n’a évidemment pas été possible d’en discuter jusqu’au bout.

Nous retrouverons d’ailleurs les divergences profondes qui nous avaient alors opposés . Ainsi, les collectivités locales doivent pouvoir conserver leur liberté d’approche car leur responsabilité en matière d’approvisionnement et d’assainissement est essentielle. Le prix de l’eau ne saurait être uniforme ; il faut tenir compte des spécificités territoriales. Il conviendra, certes de poser la question des économies d’eau mais également celle de la création de ressources nouvelles. Les Verts devront à ce propos clarifier leur position : ils ne pourront dire à la fois que l’eau est un bien précieux et que l’on ne peut créer de nouvelles structures. Nous voulons, nous, concilier des objectifs environnementaux et économiques. Ainsi, la stricte application du principe pollueur payeur dans l’agriculture ne me semble pas souhaitable car cela reviendrait à accorder une sorte de « droit à polluer ». Nous pensons que les sanctions sont certes nécessaires mais nous devons également œuvrer au développement de l’agriculture raisonnée. Je mesure à ce propos les efforts accomplis par les agriculteurs pour parvenir à une meilleure maîtrise des intrants : ils méritent d’être salués et encouragés.

M. le Président de la commission – Très bien.

M. François Sauvadet - Je me réjouis enfin qu’en commission nous ayons souhaité encourager la formation à ce type d’agriculture, en espérant que Mme la ministre nous suivra.

Le groupe UDF ne votera pas cette exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi,
à 15 heures.
La séance est levée à 12 heures 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

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